Réflexion sur la liberté d’expression, le droit au blasphème et l’Islam

Approche générale de la problématique

De nos jours, nombreux sont les gens qui font de la liberté d’expression un principe absolu en soi, et une norme devant s’imposer à toutes les sociétés, sans contestation possible. Elle devient donc une croyance érigée en idole (pseudo-divinité) qui neutralise pourtant d’autres de leurs idoles comme la « laïcité », « la sûreté d’Etat », la « démocratie », le « Progrès », etc. puisque de façon totalement arbitraire, ce « principe absolu de liberté d’expression » est abrogé par l’interdiction de professer et/ou d’exprimer un certain nombre d’opinions personnelles, de thèses historiques, de tendances philosophiques, de positions politiques ou de théories scientifiques. De même, en France par exemple, on pénalise l’appel au boycott contre le régime israélien, l’outrage au drapeau, la contestation de la laïcité, la défense de certains intellectuels, artistes, humoristes, etc. qui n’ont aucun crime à se reprocher alors qu’on fait en même temps l’éloge de criminels de guerre, de pédophiles, ou de politiciens corrompus d’un autre côté.

Pour les musulmans, Allâh est le Seul Principe absolu qui soit, et comme Il est le Créateur de tout ce qui existe, qu’Il a déterminé tous les éléments de l’existence, de même que ce qui est bien et utile et ce qui est mauvais et néfaste, c’est Sa Volonté qui doit primer sur toute chose.

Dès lors, nous ne pouvons pas mettre sur le même pied d’égalité, des réalités et idées conforment à la Vérité et les choses qui relèvent de la justice et de l’équité, avec ce qui s’y oppose de façon flagrante ou subtile.

D’un point de vue islamique, la liberté d’expression est un droit mais celui-ci est encadré par ce qui l’ennoblit, à savoir la volonté d’exprimer ou de tendre constamment vers la vérité, la justice, l’intérêt général, le respect de l’environnement et des droits garantissant la dignité humaine et la dignité animale, dans les comportements qui ne causent pas de nuisance avérée aux sociétés et aux écosystèmes de la nature.

Or, il appert évident que beaucoup de groupes haineux, hypocrites, opportunistes et criminels en Occident se cachent désormais derrière le concept de la « liberté d’expression » et de « droit au blasphème » pour menacer le vivre-ensemble, justifier leur racisme, encourager l’appel au meurtre, alimenter le terrorisme et discriminer leurs concitoyens d’ethnie ou de religion différentes.

Une liberté d’expression au service de l’absurde et de l’indécence ne peut que contredire les principes relatifs au vivre-ensemble, à la paix, à l’élévation intellectuelle, et au respect de la dignité humaine, et ne serait ni ne saurait être donc souhaitable. De plus, pour les musulmans, en se fondant sur un certain nombre de preuves et de principes théologiques, insulter Allâh (Dieu) ou le Prophète Muhammad, – ou n’importe quels autres prophètes – est une insulte à l’Humanité toute entière ainsi qu’à la dignité humaine. D’une part, la sottise, l’absurde, l’injure et la haine ne sauraient être élevées au rang de vertu, puisqu’elles s’opposent à la notion même de la dignité et de l’intelligence dont beaucoup prétendent pourtant se réclamer, et d’autre part, car Allâh est la Source existentiatrice-même de l’Humanité, que le Prophète Muhammad en est le sayyîd et que de sa « lumière » est tirée l’ensemble de l’Humanité – sur le plan non-manifesté -, de Adam jusqu’au dernier humain sur le plan de la manifestation, et enfin, car les autres prophètes sont tous des modèles pour l’Humanité et qu’ils ont été « élus » et « bénis » par Allâh.

Que l’on veuille ne pas y adhérer est une chose, et personne ne doit être sanctionnée ici-bas pour cela (selon le Qur’ân), mais déverser sa haine, heurter et insulter volontairement toute une communauté, une nation, Allâh, un Prophète ou un idéal noble en est une autre qui n’a aucune sorte de légitimité, puisqu’elle se fonde sur toute une série de crimes et de délits : diffamation, appel à la haine, xénophobie, incitation au meurtre et/ou au terrorisme, agressions verbales ou physiques, discriminations politiques ou idéologiques, etc.

La liberté d’expression doit donc s’exercer que comme un droit visant à interroger les sources, les comportements ou les conclusions d’un certain nombre de communautés, de conceptions ou de théories, dans le respect de la recherche de la vérité, de la courtoisie et de l’équité. Sortir de ce cadre, c’est s’en prendre à l’intelligence et à la dignité de l’Humanité, dans leur vocation essentielle.


Quant au droit au blasphème, par extension, il n’est qu’une manifestation de la maladie de notre temps, où l’absurde, la haine et la frustration ont pris le pas sur l’intelligence, la bienveillance et l’épanouissement. Si par « blasphème » on entend injure et provocation, alors cela relève très certainement d’un trouble à l’ordre public qui doit être logiquement prohibé. Si l’on entend par là, une critique fondée ou un questionnement sur le comportement de certains groupes religieux ou la pertinence de certaines conceptions religieuses, alors le Qur’ân lui-même confirme ce principe, puisqu’y sont évoquées des critiques et des réfutations argumentées sur les déviances de certains groupes humains. Mais les militants du « droit au blasphème » sont généralement des adeptes de l’intolérance et de la haine comme nous pouvons le voir dans les médias et sur les réseaux sociaux, où chantages, menaces, insultes et autres comportements odieux et déviants sont légions, surtout qu’ils ne tolèrent pas, qu’en retour, des citoyens osent critiquer leurs idoles, les décisions politiques opportunistes et liberticides.

Une nation est fondée sur une identité, – aussi complexe soit-elle, et il est évident que lorsque l’on souhaite porter atteinte à son identité, celle-ci ne l’accepte pas, que son identité ou ses actions soient légitimes ou non. La France est d’ailleurs en première ligne à ce niveau, puisqu’elle ne tolère pas les critiques visant son identité ou même ses actions militaires ou son passé colonial (ô combien odieux et sanglant).

La République française aime à donner des leçons de morale au monde entier, mais elle est aussi la championne de la censure (médiatique, politique et numérique) et des condamnations à l’encontre d’artistes, d’humoristes, d’intellectuels, ainsi que de la répression policière contre de nombreux manifestants (rappelons-nous récemment des milliers d’arrestations et de blessés parmi les « gilets jaunes » depuis le mois de Novembre 2018).

Le blasphème et la liberté d’expression dans le monde musulman

Avant d’aborder la perspective pénale (dans le droit musulman), nous partagerons l’avis d’un frère que nous avons trouvé très pertinent (et qui est un musulman tunisien qui plus est) à propos de l’affaire « Emna Charki » qui s’est déroulée en juillet 2020 en Tunisie :

« Emna Charki n’a pas insulté l’islam, n’a pas insulté le Coran, n’a pas insulté le prophète Mouhammad . Elle n’a même pas été l’auteure de ce pastiche médiocre du Coran qui diffuse un message sur le # covid19. Elle a simplement partagé sur Facebook un pastiche ridicule. Certes c’est un blasphème, certes cette jeune femme tunisienne est athée. Mais cet acte n’a insulté personne si ce n’est l’intelligence de ceux qui le trouvent drôle.

Alors je me demande bien sur quelle base le juge a-t-il bien pu la condamner à 6 mois de prison ferme pour incitation à la haine contre la religion ??? Surtout que l’on parle d’un pays comme la Tunisie où des énergumènes se permettent de trainer dans la boue la religion, le Prophète, les compagnons, les califes bien-guidés, notre mère Aïcha en se donnant des airs d’intellectuels en cartons en toute impunité (je pense à l’infâme Hela Ouardi par exemple). Peut-être parce que ceux-là sont des gens puissants qu’ils sont intouchables alors que contre une gamine faible sans défense on se permet de la condamner à de la prison ferme pour qu’elle paie pour tous les autres !

Enfin pourquoi Ô mon Dieu, faire passer la Tunisie des libertés que je connais bien pour un Etat extrémiste qu’il n’est pas ? Sommes-nous masochistes à ce point qu’on adore se faire flageller sur la scène internationale pour une broutille sans importance ? En tout cas, l’honneur de l’islam n’en ressort ni lavé ni grandit par cette condamnation…

Vivement incha’Allah que la justice tunisienne en Appel et/ou en Cassation la libère au plus vite car c’est une injustice basée sur de la bêtise et de la démagogie crasse ! » (Bader Lejmi., 15 juillet 2020).

Un autre frère – juriste de formation en France -, apportait cependant une précision fort utile concernant cette affaire (dans un commentaire datant du 18 juillet 2020) en disant qu’en tant que juriste la question ne relevait même pas du blasphème selon lui, car c’est l’accusation qu’on veut coller pour discréditer les poursuites, faire passer ça pour de l’inquisition moyen-âgeuse ; mais relevant plus en réalité de l’atteinte aux symboles de la nation. Toute nation a en effet une forme de sacré (et même – dans les pays officiellement agnostiques ou athées – de ersatz ou de caricature de sacré comme en France ou en Chine par exemple) et y toucher c’est manquer de respect au groupe au risque de causer du trouble à l’ordre public (on le voit avec toutes les menaces qu’elle reçoit). A titre d’exemple, il citait en France le cas de l’outrage au drapeau et l’outrage à l’hymne national comme délits pénaux, et où de nombreux autres cas, relevant normalement de la liberté de conscience, de culte, de la presse ou d’expression – notamment sur le sionisme, les critiques ou caricatures ciblant le Président français, la liberté d’informer sur les scandales ou les mensonges d’Etat ou ceux liés à Big Pharma ou à de nombreux autres sujets – sont punissables pénalement et juridiquement, souvent à travers de nombreux faux-prétextes ou de nombreuses fausses accusations lancées par des agents du gouvernement et des Ministres.

Il faut savoir que si la Tunisie est bien un pays musulman, elle n’est cependant pas un Etat islamique/musulman, puisque sa constitution est hybride et que sa politique, dans la réalité, est loin de toujours se conformer aux principes islamiques, ce qui est d’ailleurs le cas pour la plupart des pays dits musulmans. Il y a, à ce sujet, de trop nombreuses incohérences et contradictions dans les pays musulmans contemporains, car certains gouvernements instrumentalisent la question du « blasphème » ou du « terrorisme » pour museler l’opposition politique, essentiellement religieuse d’ailleurs et non pas laïque, puisque la plupart des citoyens emprisonnés, sont des intellectuels ou savants musulmans ayant appelé leur gouvernement respectif à mieux respecter les principes et valeurs islamiques tels que l’Unicité Divine, la justice sociale, l’équité économique, l’interdiction de maltraiter les pauvres ou les citoyens, le refus de réprimer les populations civiles à l’étranger, la liberté d’expression dans ce qu’elle a de noble et de légitime, etc. Mais comme toujours, les médias occidentaux ne font cas que des quelques personnalités « laïques » qui sont maltraitées (parfois, eux, pour provocations et incitations au trouble à l’ordre public), comme si la vie et le noble combat des dizaines de milliers de citoyens engagés socialement et politiquement ne comptaient pas.


En milieu occidental, la censure et les arrestations existent aussi à l’égard de nombreux citoyens, et cela au nom de la « lutte contre le terrorisme » ou de « l’antisémitisme » ou de « l’appel à la haine » là où il ne s’agissait rien de tout cela, mais où ils ont eu simplement le malheur de contester certaines propagandes idéologiques, des actions politiques d’une rare violence, des réseaux pédocriminels ou encore le danger d’un certain nombre de théories pouvant causer le malheur à l’ensemble de la société, et notamment à nos enfants avant tout. Ainsi, dans les états « laïcs et démocratiques », ils ont aussi leurs « hérétiques » et leurs « blasphémateurs », et le gouvernement use aussi de « l’inquisition » (médiatique et politique) pour réprimer l’opposition et les « rebelles ».

Notre époque est particulière, en ce sens que les appels à la haine se multiplient sous de faux-prétextes et en instrumentalisant de nombreuses causes qui sont pourtant nobles en soi. Quant aux blasphémateurs, ils pullulent, d’une part en raison de l’ignorance et de la sottise croissantes de nos sociétés contemporaines, et d’autre part par dégoût et lassitude des opportunistes et criminels qui dirigent nos sociétés (musulmanes ou non-musulmanes).

Or, dans un état musulman traditionnel digne de ce nom, et fondé globalement sur la justice et sur la droiture des dirigeants, ce genre de cas serait déjà bien plus rare, car l’état d’esprit et les priorités du peuple seraient déjà focalisés sur des choses plus respectables, profitables, utiles et intelligentes que de blasphémer sans rien faire avancer du tout sur le fond.

Parmi les blasphémateurs notoires en terres non-musulmanes, il faut soit les ignorer pour ne pas leur donner plus de crédit ou d’ampleur, soit les réfuter intellectuellement pour montrer aux gens leurs erreurs ou leur malhonnêteté (comme c’est souvent le cas). Certains musulmans leurs donnent trop de crédit, et à force de réagir à leurs injures, augmentent de cette façon leur visibilité et leur notoriété. Le mal engendré par cette méthode est donc contraire au résultat (islamique) escompté, et comme la finalité islamique dans ce domaine est de limiter la propagation du mal, du faux, de l’injustice et des obscénités, ne pas alimenter ces polémiques est le mieux que nous puissions faire, car ils se lasseront tout seul après avoir gaspillé inutilement leur temps et/ou leur argent pour rien. Et c’est justement ce qu’ils attendent des musulmans : qu’ils réagissent violemment et bêtement à leurs provocations ridicules et haineuses.


Pour ce qui est des blasphémateurs en terres d’Islam, c’est aussi du cas par cas, mais on demande généralement à la personne d’arrêter, de se rétracter, sous peine de sanctions pénales (ici c’est du ta’zir pour beaucoup et non pas un hadd immuable et capitale). Si c’est juste un débat d’idées en raison de réelles incompréhensions et non pas de troubles à l’ordre public et de provocations, alors là aucune peine ne devrait lui être appliquée.

Mais confrontés à cet état de fait, que devons-nous faire alors, en tant que musulmans conscients et engagés dans la voie de la justice et de la droiture ?

Ne pas leur accorder de l’importance les fera rapidement oublié, et dans quelques cas emblématiques, organiser une confrontation d’idées avec de véritables spécialistes afin de montrer l’inanité de leurs thèses (qu’ils soient de bonne foi ou non) ou l’inconsistance de leurs amalgames ou de leurs manipulations (comme c’est souvent le cas) permettra ainsi de répondre au défi contemporain sur le fond, sans devoir revenir continuellement sur leurs propagandes et allégations redondantes que l’on peut voir sur les réseaux sociaux, car souvent ils ne font que répéter les critiques de leurs « prédécesseurs ». Aussi, dans un État musulman, il ne faut donner la parole qu’aux spécialistes dans les émissions sérieuses, et ne pas encourager les émissions ou programmes incitant à la débauche, aux idéologies néfastes, à ceux qui veulent semer la zizanie et à ceux qui s’en prennent ouvertement à l’identité de la nation musulmane. Dans certains cas seulement, il conviendrait d’organiser quelques débats télévisés dans un cadre serein pour que chacun puisse exposer ses divergences, – dans le respect du vivre-ensemble et sans offense provocante envers le Sacré -, et que des réfutations sérieuses s’en suivent. Cette souplesse et clairvoyance doivent s’articuler intelligemment par un « fiqh éclairé ».

On peut citer le fameux hadith du Sahîh al-Bukharî – n°3414, 4390 et 6995 – où le Prophète (ﷺ) interdit qu’on maltraite ou qu’on mette à mort un bédouin du nom de Dhu-l-Khuwayssira l’ayant traité d’injuste et d’inique vers la fin de la période médinoise, vers l’an 9 ou 10 de l’Hégire, soit peu de temps avant la mort du Prophète, lorsqu’il dirigeait déjà l’État islamique de Médine ; son refus d’appliquer une quelconque peine était multiple ; ce n’était pas un hadd, il n’y avait aucune nécessité de le faire, il a toujours opté pour l’option visant à ne pas faire couler le sang inutilement, éviter des troubles et une fitna et ne pas mettre dans la gêne ceux qui suivaient le Prophète (ﷺ) ni donner l’occasion à ses ennemis de répandre des rumeurs et des calomnies sur ses intentions réelles, ….

En une autre occasion, là aussi à Médine, sous l’Etat islamique, ‘Aisha rapporte : « Un groupe de Juifs a demandé la permission de rendre visite au Prophète et lorsqu’ils ont été admis, ils ont dit : « Que la mort soit sur vous ». Je (‘Aîsha) leur ai dit : « Plutôt la mort et la malédiction d’Allâh sur vous ! ». Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Ô ‘Aîsha, Allâh est Bon et Bienfaisant et Il aime la bonté et la bienfaisance dans tous les domaines et dans toutes les affaires humains » (Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°6528).

Al-Bukhari rapporte ce récit dans son chapitre concernant ceux qui maudissent et maltraitent le Prophète (ﷺ), ce qui implique fortement qu’il ne croyait pas qu’une sanction légale devrait être appliquée à chaque cas de blasphème. L’imâm Badr ad-Dîn al-‘Ayni, un érudit de l’école hanafite dans son ʻUmdat al-Qâriʼ Sharh Ṣaḥîḥ al-Bukhârî 34/412 commente le titre de ce chapitre : « Al-Bukhari a adopté la méthode du peuple de Kûfâ sur cette question, à savoir que si quelqu’un maudit ou réprimande le Prophète (ﷺ) et qu’il est un citoyen non-musulman (dhimmi), alors il est réprimandé mais il n’est pas tué. C’est l’opinion d’at-Thawrî (également) ».

Et cela a été défendu par plusieurs Salafs et savants parmi les Khalafs, comme l’imâm At-Tahawî al-Hanafî (m. 321 H) un Salaf reconnu comme étant l’une des références de son temps, et qui étudia aussi le fiqh shafi’ite auprès de son oncle Al-Muzani qui était l’élève de l’imâm As-Shafi’i, a dit dans son Mukhtassar Ikhtilaf al-Ulama (3/504, section 1652) : « Quant à l’insulte ou au blâme sur le Prophète (ﷺ), nos compagnons (parmi les savants) disent : « S’il est musulman, alors il est devenu apostat, et s’il est dhimmi, alors on lui inflige (et établit) une peine discrétionnaire (ta’zîr), mais on ne le tue pas » ».

L’imâm al-Jassas al-Hanafi (m. 370 H) a dit dans son Sharh Mukhtassar at-Tahawî fi al-fiqh al-Hanafi (6/142) : « At-Tahawî a dit : « Quiconque insulte le Prophète parmi les dhimmis, il est châtié (dans un état musulman), et non pas tué”.
Ceci parce qu’ils ont déjà consenti à leur religion, et de leur religion découle un culte à autre qu’Allâh, et un reniement du Messager d’Allâh (ﷺ). C’est ce qui ressort de ce qui a été rapporté : “Les Juifs sont entrés chez le Prophète et lui ont dit : «
Que la mort soit sur toi ». Le Prophète a dit : « Et sur vous » ».
Et il n’a pas ordonné qu’ils soient tués (alors qu’ils avaient la capacité de le faire) »
.

L’imâm al-Qudûrî al Hanafî (m. 428 H) a dit dans Al-Tajrid (12/6266) : «
« Les dhimmis blasphèment contre Allâh en disant qu’Il a un fils (au sens littéral), et les mages [zoroastriens] en disant qu’Il a une dualité/opposé. Ce sont là des démonstrations explicites, et ces [paroles] ne rompent pas leur pacte [de sécurité]. Ainsi, l’insulte sur le Prophète (ﷺ) en est de même. Du fait que ça soit un type de blasphème, donc cela ne brise pas le pacte, de la même manière que pour les autres types [de blasphèmes].
S’ils insultaient/maudissaient le Prophète (ﷺ) dans leurs églises, et dans leurs ventes/transactions, cela n’annulerait pas leur pacte. Et ce qui ne rompt pas leur pacte dans leurs églises, ne le rompt pas par d’autres façons, comme en faisant sonner les cloches ou en exhibant des cochons
».

L’imâm Mas’ûd Ibn-Ahmad Qâshânî al Hanafî (m. 587 H) a dit dans Bada’î al-Sana’î fi Tartib al-Shara’î (15/336) :
« Si un dhimmi insulte le Prophète (ﷺ) cela n’invalide pas son pacte [de sécurité]. Car, c’est une extension de sa mécréance par rapport à sa mécréance [d’origine]. Si le pacte a été établi sur sa mécréance d’origine, alors il est établi sur son extension ».
Le ta’zîr est une peine légale laissée au jugement réfléchi des juges ou des gouverneurs, tant que cela ne contredit pas les principes islamiques, et que cela n’apporte aucune nuisance à la société. La peine peut être, dans ce cas-ci, la flagellation, une amende, des restrictions médiatiques ou financières, des travaux forcés d’intérêt général, l’emprisonnement, le licenciement professionnel, etc., mais en aucun cas la peine de mort selon At-Tahawî et d’autres juristes.

Voici l’avis des premières générations de savants parmi les hanafites, et c’est conforme au Qur’ân : « et qui endurent (les épreuves et le mal des gens) dans la recherche de l’agrément d’Allâh, accomplissent la Salât et dépensent (dans le bien), en secret et en public, de ce que Nous leur avons attribué, et repoussent le mal par le bien. A ceux-là, la bonne demeure finale » (Qur’ân 13, 22) ; « Certes vous serez éprouvés dans vos biens et vos personnes; et certes vous entendrez (…) de leur part beaucoup de propos désagréables. Mais si vous êtes endurants et pieux… voilà bien la meilleure résolution à prendre » (Qur’ân 3, 186), et d’autres versets encore.

Le Shaykh Ibn Taymiyya a dit dans ses Majmû al-Fatawâ (28/126-128) : « là où la Mafsada (nuisance) qu'(entraîne) le fait d’ordonner (le bien) et d’interdire (le mal) est plus grand que sa Maslaha (bénéfice/intérêt), cela ne relève pas de ce que Allâh a ordonné. (…) Cela se fait parfois par le cœur [seulement], parfois par la langue [aussi], et parfois par la main [également]. Pour ce qui est du cœur, cela est obligatoire en toute circonstance (…) Deux groupes de gens commettent ici une erreur. Un premier groupe délaisse (de façon absolue) l’exhortation et la dissuasion, en faisant une interprétation (erronée) de ce verset [Qur’ân 5, 105) (…). Et le second groupe est constitué de ceux qui veulent ordonner (le bien) et interdire (le mal) par la langue et la main de façon inconditionnelle (mutlaqan), sans compréhension (fiqh), longanimité (hilm), patience et considération pour ce qui convient à ce sujet et ce qui ne convient pas, et pour ce dont on a (réellement) la capacité et ce dont on n’en a pas la capacité. (…) Ces gens ordonnent (le bien) et interdisent (le mal) en croyant qu’ils obéissent ainsi à Allâh et suivent Son Messager, alors qu’en fait ils outrepassent les limites fixées par Allâh ».

Il faut donc toujours peser le pour et le contre et agir selon ce principe. En dépit même du fait que dans les sociétés traditionnelles ils leur étaient généralement inconcevables de laisser des individus exprimer ouvertement leur haine et leur raillerie du Sacré, les exécutions pour cette raison demeuraient rares pour différentes raisons, notamment l’ambiance sociale de l’époque qui n’était pas propice à ce genre de mentalité malsaine et obsessionnelle dans le dénigrement du Sacré, de même que, pour éviter à de nombreuses peines, il suffisait aux « anti-conformistes » ou aux « opposants » de plaider (ou de simuler) la folie pour y échapper, car la société n’accorde pas de crédit aux « fous », qui sont donc « excusés » en raison de leur folie. C’est le fait d’assumer en « connaissance de cause » leur haine, leur refus ou leur mépris de l’identité qui forge la nation, qui était passible de l’application d’une peine légale. Quant au Prophète de l’Islam, à titre individuel, il a toujours enduré les critiques s’en prenant à sa dignité comme le relate le Qur’ân dans plusieurs passages, – et ce que corroborent aussi les ahadiths totalement authentiques où seuls les criminels qui ont joint à leurs critiques et leurs diffamations des crimes tels que le meurtre, l’incitation à la guerre ou d’autres choses du même genre ont été combattus ou sanctionnés – comme celui-ci à titre d’exemple :

« Supporte patiemment (et avec endurance) comme les détenteurs de ferme résolution d’entre les Messagers ont enduré. Ne cherche (donc) pas à hâter leur cas (la correction des injustes). Le Jour (du Jugement Dernier) où ils verront ce qui leur était promis, il leur semblera alors n’avoir vécu qu’une heure » (Qur’ân 46, 35).

Ce verset, prenant le cas particulier du Prophète Muhammad, pour en faire ensuite une règle générale, incite à endurer les moqueries, insultes et autres choses similaires, de la part des injustes et des dénégateurs, et à ne pas vouloir se venger d’eux. Ce verset ne parlant pas d’un contexte se situant sur un champ de bataille, l’action violente n’est donc pas encouragée comme le montre ce verset, qui parle plutôt de patienter face à l’épreuve. Évidemment, en dehors du champ de bataille, si le cadre juridique du pays dans lequel on se trouve, permet d’éviter « pacifiquement » la fin d’une injustice (harcèlements, insultes, pressions, agressions physiques, discriminations, …), il devient autorisé d’y recourir, tout en plaçant sa confiance en Allâh et ne cherchant que le soulagement d’un fardeau et d’une injustice pénible.


Néanmoins, un grand nombre de juristes ont statué sur une sanction juridique (emprisonnement ou peine capitale) pour la personne jugée pubère et lucide (les fous, les « mineurs », les personnes séniles, les véritables « ignorants » ou encore les personnes ivres, – mais sanctionnés pour leur ivresse – en sont donc exemptés), ayant récidivé et insulté Allâh et Son Messager ouvertement de façon publique, dans le but de porter atteinte à l’Islam ou aux membres de la communauté musulmane, de même qu’aux dhimmis en terres d’Islam -. Mais cette sanction ne relève pas d’un « hadd » (peine immuable qui ne peut pas être abrogée ou reportée si toutes les conditions de son applicabilité sont réunies et présentes) mais d’un « ta’zir » (une peine temporelle) pouvant varier ou ne pas être appliquée par les autorités compétentes.

Ils affirment que, même si le Prophète a pardonné aux blasphémateurs et même à ceux qui n’en voulaient qu’à sa vie, cela relevait de son droit personnel à lui, mais que pour nous, vu qu’il n’est plus là pour nous montrer explicitement qu’il leur pardonne, nous ne pouvons pas présumer de cela pour lui, et que cela porte aussi atteinte à l’identité même de la société islamique, et que cela nous offense particulièrement puisque le Prophète nous est même plus cher à nos yeux que notre propre personne ou même que nos parents ou que notre patrie. Et dans tout cela, ils ont raison. Seulement, nos actions, dans ce qui ne relève pas des obligations et des interdictions religieuses, doivent toujours se peser selon les avantages et les inconvénients du contexte, de même que les mentalités et priorités sont différentes à notre époque, et que l’indulgence et la compassion doivent être de mise, sachant que c’était là la pédagogie enseignée par le Prophète, et que cela est mieux à même de réformer leur cœur et la société, et de pousser les citoyens à embrasser l’Islam, ou a minima, de manifester un certain respect pour nos figures et nos valeurs sacrées. Seuls ceux qui auraient véritablement une volonté prosélyte et politique de nuire à la société devraient être sanctionnés, mais pas les idiots utiles ou les « jeunes qui sont déboussolés » ou parfois même manipulés par des groupes ou états islamophobes « à leur insu ».

Ainsi, les peines juridiques concernant les apostats belliqueux ou assumés ainsi que les blasphémateurs (qui ne sont pas forcément « musulmans ») en terres d’Islam seulement (car les sanctions pénales islamiques ne sont pas applicables en terre non-musulmane pour ce genre de cas) relèvent du « ta’zir » et non des « hudûd » (plur. de « hadd »).

Il est rapporté en effet dans les Sahihayn (ceux de Al-Bukharî n°3414, 4390, 4094 et 6995 et de Muslim n°1063 et 1064) que Dhu-l-Khuwayssira, qui vint dire au Prophète après que celui-ci ait partagé un bien entre plusieurs personnes : « Muhammad, crains Allâh, tu n’as pas fait preuve de justice ». Le Prophète répondit : « Ne suis-je pas celui qui mérite le plus de craindre Allâh ? Et qui ferait preuve de justice si je n’en fais pas ? Si je ne suis pas juste, tu es perdu [puisque tu me suis en croyant que je suis Messager d’Allâh] » ». Ce récit s’est passé lorsque l’imâm ‘Alî a envoyé de l’or depuis le Yémen et c’est cet or que le Prophète avait partagé, et il a été dit que l’imâm ‘Alî a été envoyé au Yémen en l’an 9 (cf. Ibn Hajar dans Fath ul-Bârî 12/363) ou en l’an 10 de l’Hégire selon d’autres (cf. Ibn Taymiyya dans As-Sârim, p. 230), soit, vers la fin de la période médinoise et de la prédication prophétique. Ce que Dhu-l-Khuwayssira a proféré relevait de la mécréance (kufr) et d’une injustice manifeste.  Ne s’étant pas tout de suite repenti de cela, il devint apostat puisqu’il prétendait professer l’Islam avant cet « incident ». Cela poussa justement un compagnon à ce qu’une peine lui soit appliquée en raison de sa parole offensante envers le Prophète, mais le Messager d’Allâh lui répondit ceci : « Je cherche la protection d’Allâh contre le fait que les gens disent que j’exécute ceux qui sont dans ma compagnie ! » (rapporté dans le Sahîh Muslim n°1063).

Il va de soi qu’un État ne saurait tolérer que l’on porte atteinte à son identité, à ses fondements, à ses valeurs ou à sa sécurité, – et cela la République française le répète au quotidien alors même que leurs idéologies et leurs manœuvres politiques et militaires relèvent de l’absurde ou de l’injustice dans de nombreux cas -, mais il faut toujours agir avec justice et intelligence, limiter les dégâts et les dérives. La répression est très rarement la solution, et le Qur’ân enjoint l’indulgence et la douceur en règle générale sauf si cela n’empêche pas la propagation de l’injustice et du chaos, dont les conséquences sur la société seront plus terribles encore qu’une sanction pénale infligée qu’à un individu (ou à une poignée d’individus).


Une autre dérive encore concerne l’instrumentalisation opportuniste ou hypocrite de certaines autorités politiques dans les pays musulmans concernant le « délit du blasphème » pour faire taire tous les opposants politiques, alors même qu’ils n’ont nullement blasphémé, contrairement à ces mêmes autorités politiques qui salissent l’Islam, torturent ou insultent les croyants, délaissent volontairement le Qur’ân et la Tradition prophétique, qui piétinent les valeurs islamiques de pudeur, de bonté, de piété et d’équité, qui dilapident les biens du peuple pour des choses illicites, qui tolèrent ou protègent concrètement des ennemis de l’Islam et de l’Humanité !

Quant aux preuves légales de la liberté d’expression, de la consultation et de la liberté de conscience, citons quelques versets du Qur’ân :

« Point de contrainte en religion maintenant que la Vérité se distingue nettement de l’erreur. Désormais, celui qui renie les fausses divinités pour vouer sa foi au Seigneur aura saisi l’anse la plus solide, sans crainte de rupture. Allâh est Audient et Omniscient » (Qur’ân 2, 256), verset révélé vers la fin de la période médinoise, et qui n’a nullement été abrogé (cf. Tafsîr de l’imâm At-Tabarî).

« S’ils te contredisent, dis-leur : « Je me soumets à Allâh, moi et ceux qui me suivent ». Après quoi, demande à ceux qui ont reçu l’Écriture et aux non-initiés : « Et vous ? Êtes-vous soumis à Allâh ? ». S’ils se déclarent soumis à Allâh, c’est qu’ils ont pris la bonne voie, mais s’ils s’en détournent, rappelle-toi que ton rôle se limite à transmettre le Message. Allâh observe constamment Ses serviteurs » (Qur’ân 3, 20).

« S’ils se détournent de toi, sache que Nous ne t’avons pas envoyé pour assurer leur sauvegarde. Tu n’es chargé que de les avertir. Lorsque Nous accordons à l’homme quelques faveurs de Notre part, il s’en réjouit, mais aussitôt qu’un malheur l’atteint pour le punir de ses fautes, il fait preuve d’une grande ingratitude » (Qur’ân 42, 48).

« Si donc ces gens-là se tiennent à l’écart, et au lieu de vous attaquer vous offrent la paix, Allâh ne vous donne plus aucun droit de les inquiéter » (Qur’ân 4,90).

« Dis : « Ô négateurs ! Je n’adore pas ce que vous adorez, pas plus que vous n’adorez ce que j’adore ! […] À vous votre religion (voie), et à moi la mienne ! » (Qur’ân 109, 1-6).

« Tout ce qui vous a été donné [comme bien] n’est que jouissance de la vie présente ; mais ce qui est auprès d’Allâh est meilleur et plus durable pour ceux qui ont cru et qui placent leur confiance en leur Seigneur, qui évitent [de commettre] des péchés les plus graves ainsi que les turpitudes, et qui pardonnent après s’être mis en colère, qui répondent à l’appel de leur Seigneur, accomplissent la Salât, se consultent entre eux à propos de leurs affaires, dépensent de ce que Nous leur attribuons » (Qur’ân 42, 36-38).

« Aidez-vous les uns les autres à l’accomplissement du bien et de la piété et ne vous entraidez pas à commettre le péché et l’agression » (Qur’ân 5, 2).

« Si l’un des Associateurs (Mushrikîns) te demande la protection (due aux voisins), offre-la lui le temps qu’il faut pour qu’il entende la Parole d’Allâh, puis fais-le parvenir là où il sera en sécurité » (Qur’ân 9, 6).

« Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures (de prendre soin d’eux et bien se comporter avec eux). Car Allâh aime les équitables. Allâh vous défend seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes » (Qur’ân 60, 8-9), l’un des derniers versets révélés dans le domaine des relations intercommunautaires vers la fin de la période médinoise (en l’an 630).

« et ne discutez avec les gens du Livre que de la manière la plus douce » (Qur’ân 29, 46).

« Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allâh et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injuste. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et craignez Allâh. Car Allâh est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites » (Qur’ân 5, 8).

L’imâm Al-Qurtûbî, le célèbre exégète, dit dans son Tafsîr : « Ce verset montre que la mécréance du mécréant ne l’empêche pas d’être traité avec justice ! ».

« Par la sagesse et la bonne exhortation, appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Et si vous punissez, infligez [à l’agresseur] une punition égale au tort qu’il vous a fait. Et si vous endurez… cela est certes meilleur pour les endurants. Endure ! Ton endurance [ne viendra] qu’avec (l’aide) d’Allâh. Ne t’afflige pas pour eux. Et ne sois pas angoissé à cause de leurs complots. Certes, Allâh est avec ceux qui [L’] ont craint avec piété et ceux qui sont bienfaisants » (Qur’ân 16, 125-127).

Ces versets sont d’une étonnante actualité, et nous expose la voie à suivre face aux complots et provocations des ignorants et des injustes :
1) User de sagesse, de courtoisie et inciter au bien. Se maitriser et parler de façon respectueuse.
2) Quand les conditions sont réunies, il est possible de recourir à la justice pour infliger une peine appropriée à l’auteur du délit ou du crime.
3) Pardonner est préférable et ne plus leur accorder d’importance, sachant qu’il faut plutôt s’adonner aux bonnes œuvres et aux actes d’adoration au lieu de perdre notre temps à réagir constamment à leurs provocations, – nous détournant des activités plus importantes et profitables -.

4) Aspirer à la piété et accomplir des bonnes œuvres sont les meilleures réponses à leur donner.

Si l’on ne peut pas reprocher aux gens de s’emporter contre les blasphémateurs en raison de leur amour pour ceux qui ont été injustement insultés ou calomniés à leurs yeux, il ne faut toutefois pas suivre ses passions sous peine d’amplifier le mal et le complot des injustes.

Quant à la pédagogie prophétique :

« Il n’est rien qui ne soit embelli par la douceur, il n’est rien qui, privé de la douceur, ne soit terni » (hadîth rapporté par Muslim dans son Sahîh).

« Celui à qui il a été donné sa part de douceur, il lui a certes été donné sa part de bien. Et celui qui a été privé de sa part de douceur a certes été privé de sa part de bien » (hadith rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân).

L’Imâm mâlikite Andalou ibn Atiyyah (m. entre 541 et 546 H) dit dans son Tafsîr :

« La consultation (al-shûrâ) fait partie des principes de la législation et des déterminations juridiques. Quiconque [parmi les gouverneurs], qui ne consulte pas les gens de la connaissance et de la religion (ahl al-ilm wa al-dîn), alors le destituer est obligatoire. Il n’y a pas de divergence à ce sujet. Et Allâh a loué les croyants par Sa Parole : « (ils) se consultent entre eux à propos de leurs affaires » [al-Shûrâ 38] ».

La liberté d’expression et la consultation sont des pratiques islamiques instituées par l’Islam et qui ont été pratiquées du vivant même du Prophète, incitant ses compagnons et ses épouses à exposer leurs opinions sur un certain nombre d’affaires, ou à répondre à leurs interrogations religieuses. Des gens n’hésitaient pas non plus à faire part de leurs craintes, critiques constructives ou plaintes aux califes bien-guidés (Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Alî), que ce soit des femmes, des pauvres ou des non-musulmans. Tant que leurs motivations ne consistent pas en la volonté de détruire la société et de semer le trouble, les discussions et critiques étaient autorisées, même sur la personne-même des califes bien-guidés en question.

Allâh dit dans le Qur’ân : « N’insultez pas ceux qui adorent d’autres divinités en dehors d’Allâh » (Qur’ân 6, 108), nous savons par expérience, que les insultes n’apportent généralement aucune utilité ni aucun bénéfice pour les sociétés et les relations diplomatiques ou politiques. Aussi, insulter les choses considérées comme « sacrées » pour les autres, ne peut que les offenser, et en retour, ils risqueraient de se complaire davantage dans leurs superstitions ou croyances déviantes, voire même manifester encore plus de haine et d’agressivité contre l’Islam et les musulmans.

Allâh, en s’adressant aux croyants, dit : « Ô vous qui avez cru ! Qu’un groupe ne se raille (moque) pas d’un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que « perversion » lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là sont les injustes » (Qur’ân 49, 11).


Le Qur’ân ici, sans restriction, interdit aux croyants de se rabaisser aux injures et aux provocations visant à dénigrer ou à offenser gratuitement et injustement d’autres groupes, car cela ne peut que renforcer le fanatisme, nourrir la violence et engendrer des conflits, souvent meurtriers par ailleurs.

Voilà donc la sagesse de l’Islam dans cette affaire contemporaine qui perturbe bon nombre de gens. En résumé, l’Islam invite à la sagesse, à la décence et à la justice, mais les non-musulmans n’ont pas à nous imposer à approuver l’indécence, l’absurde, l’injustice, la haine et la diffamation, et encore moins à les ériger comme des normes auxquelles nous devons nous plier dans les sociétés musulmanes !

Mis à jour le 31 août 2022.


Be the first to comment “Réflexion sur la liberté d’expression, le droit au blasphème et l’Islam”