Quelles doivent être les priorités d’un gouvernement musulman ?

Selon nous, un gouvernement musulman doit d’abord penser intelligemment sa constitution officielle, de sorte à préserver son identité et à fournir un cadre politique « civilisationnel » à la population. De ce fait, inscrire l’Islam comme fondement de la politique, et la perspective spirituelle et civilisationnelle islamique comme orientation politique, sont essentiels. Si l’Islam est au cœur de la Constitution, cela signifie aussi que la liberté de conscience et de culte est garantie, et que les tous les citoyens, – musulmans et non-musulmans – doivent être protégés et avoir droit à tous les services ainsi qu’aux protections juridiques considérées comme indispensables, nécessaires et importantes, conformément aux préceptes islamiques. Dans une moindre mesure, les citoyens demeurés non-musulmans, doivent aussi être inclus dans la participation économique et politique de la nation, afin qu’ils s’inscrivent aussi dans les objectifs de la civilisation islamique comme projet universel : pacifier le monde, assurer la protection de tous les citoyens, instaurer un climat de paix et de respect, sécuriser les régions, instituer un cadre pénal pour sanctionner les crimes, etc., le tout en servant les principes de vérité et de justice incarnés et portés par l’Islam, – cadre conceptuel de la Loi Divine et donc de Sa Volonté -.

L’Islam intègre et propose ce qui est bon et juste pour tout le monde (il faut distinguer ici l’Islam des différents avis juridiques élaborés par les juristes et qui suivent d’autres considérations), mais l’inverse n’est pas vrai, d’où la nécessité, dans un pays musulman, d’avoir conscience que l’Islam constitue le socle épistémologique de la nation, car en tant que système politique et doctrinal, les non-musulmans sont aussi reconnus et protégés, et la nation musulmane doit leur assurer tout ce qui est bon pour eux, quand bien même ils se refuseraient à embrasser l’Islam dans sa dimension religieuse. Ses injonctions sociétales, telles que l’interdiction du meurtre, du vol, de l’agression, de l’adultère, de la fornication, de la maltraitance infantile, conjugale ou parentale, de consommation de drogue, et autres, garantissent le vivre-ensemble et limitent considérablement l’insécurité dans la société. Quant aux obligations rituelles (ablutions et prière, zakâh, jeûne du mois de Ramadan, etc.) et aux interdictions du même ordre (consommation du porc et d’alcool, …), même s’ils regorgent de bienfaits, les non-musulmans ne sont pas tenus de les pratiquer, – mais la consommation de porc et d’alcool ne peut être tolérée que dans leurs quartiers propres ou dans leurs établissements privés -. L’Islam manifeste la Vérité et la justice à partir de la Norme Divine (le Tawhîd), – indiquant ce qui est vrai et ce qui constitue l’erreur -, tout en intégrant la tolérance pratique par rapport aux mécréants et aux égarés. D’une part, l’Islam réfute le syncrétisme et le relativisme sur le plan intellectuel et religieux, et d’autre part, l’Islam institue le respect et la protection morale et juridique des contingences humaines (leurs actions ou croyances jugées mauvaises et déviantes). Cela permet donc aux musulmans de vivre en pleine conformité avec leur foi et leurs convictions, et aux non-musulmans de bénéficier indirectement de la Vérité et de la justice ici-bas (en principe), tout en gardant leurs croyances si l’Islam ne les intéresse pas.

Comme on le sait également, avoir un bon gouvernement est indispensable pour qu’une nation connaisse un certain degré de prospérité et de stabilité. Dans de nombreux pays musulmans aujourd’hui, on peut voir une abondance de gens pieux, de physiciens, d’intellectuels, d’économistes, d’éminents historiens, de médecins ou d’ingénieurs qualifiés, mais en raison d’une corruption politique flagrante, – voulue ou soutenue par les puissances impérialistes -, ces pays restent souvent à la ramasse dans pas mal de domaines. Il ne suffit pas non plus d’avoir énormément d’argent pour assurer la santé économique du pays, car la gestion et les dépenses du budget de l’Etat, et la régulation des richesses de l’Etat sont indispensables pour le bon développement du pays dans les différents secteurs tels que l’environnement, l’éducation, l’infrastructure, l’énergie, la culture, l’agriculture, l’industrie technologique et militaire, la santé, etc. On peut établir aussi une corrélation entre la faible criminalité d’un pays et l’absence de corruption politique couplée à une redistribution équitable et intelligente des richesses de la nation, qui bénéficie au peuple (aides, transports, soins, accès à l’eau potable et à l’électricité, qualité de l’éducation, entretien des infrastructures, etc.).

S’entourer de musulmans pieux et compétents dans les appareils politiques, économiques, militaires et administratifs de l’Etat, – avec une participation secondaire des minorités non-musulmanes dont on ne craint pas une potentielle corruption ou trahison de leur part -, permet de consolider l’Etat sur de bonnes bases. Mettre en place un système judiciaire avec un contrôle exécutif permettant d’éviter les décisions arbitraires fournit un cadre empêchant un minimum au moins la tyrannie et la corruption.


Investir sur le plan éducatif et sanitaire permet non seulement de lutter efficacement contre le fanatisme et le terrorisme, mais aussi contre le gaspillage, l’extrémisme et l’irresponsabilité citoyenne par rapport à l’environnement et à la cause animale. Il faut donc élaborer un système éducatif performant, basé avant tout sur la spiritualité comme finalité de l’existence, tout en leur donnant les principes fondamentaux liés à l’Unicité Divine, aux fondements de la foi et de la vertu, ainsi que les règles indispensables de fiqh que tout individu doit savoir, et qui concernent les valeurs du vivre-ensemble auxquelles tout citoyen est tenu de respecter.


Protéger militairement l’Etat, et poursuivre un développement énergétique à la fois propre et indépendant sont aussi des nécessités prioritaires, et nouer des relations diplomatiques et des partenariats avec le monde musulman pour fonder une alliance politico-économique solide et pérenne, – ainsi qu’avec des nations non-musulmanes pacifiques proches des valeurs universelles de l’Islam -, évitera de nombreux conflits potentiels.

Il ne convient pas d’imposer une vision de l’Islam exclusive à l’ensemble de la population, ni à tous les députés ou fonctionnaires politiques de l’Etat, sous peine de nourrir de futures tensions et d’institutionnaliser une forme d’oppression qui se retournera tôt ou tard contre les responsables de cette situation. Il faut toutefois s’accorder sur les fondements de la foi acceptés de tous les courants influents du monde musulman, et sur l’interdiction de maudire ou d’insulter ce qui touche directement ou indirectement à l’honneur du Prophète Muhammad (et des autres Prophètes) tels que les membres de sa famille et de ses descendants, ses épouses qui sont les mères des croyants (selon le Qur’ân) et qui constituent son honneur, – aucun croyant digne de ce nom n’accepterait que l’on insulte son épouse, sa fille ou sa mère -, ainsi que ses nobles compagnons qui ont tout sacrifié pour porter assistance au Prophète et qui ont subi de terribles injustices tout en continuant à le soutenir activement pour la propagation de la Vérité et la lutte contre l’injustice et la dépravation.


Dans les programmes scolaires, les cours portant sur les fondements de la religion doivent être accompagnés de démonstrations intellectuelles, tandis que pour les questions où la Ummah a divergé, il faut présenter les arguments et thèses de chacun en les habituant à l’éthique de la divergence, tout en réfutant les opinions ou thèses qui inciteraient à délaisser la pudeur, la justice, la spiritualité, la bonté, l’équité, le respect du Sacré, des parents, des épouses, des époux, des enfants, des personnes âgées, des pauvres, des animaux, etc. Une matière visant à présenter et à réfuter les idéologies modernes et à démontrer la pertinence de la Religion dans ses fondements (avec des auteurs tels que René Guénon, Seyyed Hossein Nasr, Frithjof Schuon, Reza-Shah Kazemi, Martin Lings, Hamza Benaïssa, Malek Bennabi, Sofiane Meziani, Alija Izetbegovic, etc.), ainsi que l’histoire et la philosophie des sciences, devra être enseignée dès l’équivalent du lycée dans la formation scolaire, puis être approfondie dans les cours préparatoires et universitaires.


Au niveau des tribunaux islamiques, désigner des juges compétents et qualifiés au sein des 4 écoles ainsi que des juges spécialisés dans le fiqh comparé et la contextualisation de l’époque dans les questions ou les modalités qui l’admettent. Il n’est guère bon d’imposer un unique code juridique qui soit rigide à toute une population. Ainsi, les hanafites souhaitant être jugés selon l’école hanafite pourront se diriger vers les juristes et juges hanafites, de même pour ceux qui préfèrent l’école shafiite, ou hanbalite, ou malikite, ou un autre courant juridique dont les fondements et les verdicts religieux sont textuellement et juridiquement fondés malgré leurs divergences. Néanmoins, les crimes reconnus comme tels à l’unanimité comme le meurtre, le viol, le vol, la sorcellerie, etc. ne peuvent pas faire l’objet de divergence, si ce n’est dans la façon de sanctionner les coupables (après établissement de la preuve de leur culpabilité).

Quant aux non-musulmans, l’Etat devra leur garantir l’autorisation d’avoir leurs propres tribunaux pour juger les affaires qui leurs sont spécifiques, liés au culte, au mariage, à l’héritage, etc.


Les questions faisant l’objet de divergences au sein des juristes musulmans comme la musique, la représentation d’êtres vivants sous forme complète, le samâ’, la hadra, etc. ne pourront pas être sanctionnées ni être prohibées dans l’absolu ou être imposées dans l’absolu. Il peut y avoir des restrictions et des autorisations selon les endroits et les moments, tant que cela n’empiète pas sur le niveau sonore au moment du adhan (l’appel à la prière), que cela ne cause pas de troubles à l’ordre public, et que le contenu ne consiste pas en un appel au shirk, à l’injustice ou à la dépravation.

L’Etat doit encourager, – sans imposer ou sanctionner en cas de délaissement -, les pratiques rituelles de l’Islam et les bonnes valeurs, – notamment à travers les médias et les programmes scolaires et audiovisuels – et ne sanctionner que ceux qui sèment clairement l’ordre public et qui veulent semer la zizanie et les conflits.


Une partie conséquente du budget de l’Etat doit aussi être investie dans la recherche scientifique globale, – pas seulement pour leurs applications militaires -, comme la médecine, l’astrophysique, la physique, la biochimie, etc. afin d’assurer le meilleur niveau de vie possible, une qualité d’hygiène optimale et un respect de l’environnement, – l’un n’allant pas durablement sans l’autre de toute manière -.


L’Etat doit veiller à ce que tous les riches et citoyens capables de travailler participent obligatoirement à reverser 2,5% de leurs revenus (dans ce qui relève de l’excédent), en assurant ainsi à tous les citoyens, un accès (gratuit si l’Etat en a les moyens) à l’eau potable, à l’électricité, à l’éducation scolaire, aux vivres de première nécessité, aux transports en commun et aux soins vitaux. Cela permettra d’éviter la corruption, les fraudes, la criminalité et les dépressions que les sociétés modernes connaissent en Occident notamment à cause de cette profonde carence. C’est aussi un moyen pour diminuer les charges que représentent les allocations sociales, – qui ne seront destinées alors essentiellement qu’aux réels nécessiteux, malades, orphelins ou veuves dans leurs dépenses supplémentaires. Pour ne pas habituer les citoyens à gaspiller les ressources, des taxes supplémentaires seront imposées pour ceux qui dépasseraient une consommation dépassant le seuil fixé comme étant « normale/nécessaire » par rapport à l’eau et à l’électricité. L’Etat ne doit pas se reposer sur ses lauriers et ne pas instaurer une mentalité consumériste dans le pays, ce qui atrophie et altère les mœurs, le niveau moral et intellectuel des gens de la masse.

Il ne faut pas trop taxer les riches et les citoyens de la classe moyenne, mais les taxes supplémentaires devront être appliquées raisonnablement que sur les services et produits de « luxe ». Sans alourdir les taxes, les riches (ceux qui engrangent des bénéfices nets supérieures à 10 millions par an) pourront en être exonérés s’ils investissent et dépensent au moins 45% de leurs biens et richesses dans le pays en question, afin de soutenir les associations humanitaires, les secteurs de l’éducation, de l’alimentation, etc.

L’Etat devra financer une grande bibliothèque nationale et des équipes de recherche un peu partout dans le pays, et mettre à disposition dans chaque village, au moins une mosquée centrale et une bibliothèque annexe avec tous les ouvrages indispensables dans les différentes sciences et disciplines. Les imâms, aumôniers et théologiens envoyés dans chaque région devront recevoir d’abord une formation solide dans les sciences islamiques, la psychologie, la sociologie, la rhétorique et la prédication, l’histoire et une culture générale approfondie de la médecine, de l’histoire et de la philosophie des sciences, de l’astrophysique, de la recherche dans l’islamologie, etc.


A travers des chaines TV officielles, les autorités devront sensibiliser les citoyens aux défis et aux enjeux de notre temps, leur inculquer des valeurs nobles, les instruire sur les avancées scientifiques établies, diffuser des émissions et des reportages sur l’histoire, le fiqh, la théologie, l’éducation des enfants, la bonne moralité, la charité sociale, l’écologie, la santé (remèdes et astuces, dangers de certains aliments ou matériaux, gestes de secourisme, etc.), proposer des émissions et activités artistiques de qualité, etc.

Si toutes ses mesures sont prises intelligemment et à temps, en l’espace d’une ou de deux générations, la société peut rapidement évoluer dans tous les domaines, et atteindre un certain degré de prospérité.


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