Les musulmans face à la politique contemporaine : entre naïveté et idéalisation

Il est fréquent de constater à notre époque deux états d’esprit opposés, mais tout aussi erronés l’un que l’autre, sur le plan politique. D’une part, la naïveté politique (1) et d’autre part l’idéalisation politique (2).

A notre époque, les gens adoptent généralement 5 attitudes erronées à l’égard de la (géo)politique actuelle :

  1. L’idéalisation : ils idéalisent un dirigeant ou tout un système politique, quand bien même les défauts, contradictions, lacunes ou dérives sont bien réels et visibles.
  2. Le rejet de la politique : Ils mettent tous les dirigeants et les systèmes politiques dans le même panier, prônant, directement ou non, une forme d’anarchie, ce qui ne peut engendrer que d’autres conflits.
  3. L’indifférence politique : ils ne s’intéressent jamais à la politique tant qu’ils ne sont pas frappés et touchés directement par des injustices ou des crises engendrées par le dirigeant ou le système politique.
  4. Le fanatisme : Toujours dans la contestation politique, ils ne se satisfont jamais de rien et n’hésitent pas à prôner la violence pour assouvir leurs passions.
  5. La naïveté politique (accompagnée ou non d’une certaine vision sectaire ou belliqueuse) : Souvent sincères, ils sont néanmoins souvent déconnectés des réalités, des enjeux et des priorités de notre temps, ils ignorent la complexité des relations humaines, des accords politiques, de la gestion des affaires de politique interne au sein d’un pays, etc., et pensent que tout est simple. Très durs et exigeants envers les dirigeants actuels, ils idéalisent néanmoins certains dirigeants du passé, et sont très laxistes envers eux-mêmes. La critique est facile chez eux, teintée parfois d’arrogance, mais aucune solution concrète n’émane de leurs discours, si ce n’est des « slogans creux et gratuits ».

Quelle attitude adoptée alors dans ce cas ?

Il faut prendre conscience des différentes réalités, problématiques et priorités de notre époque, savoir que la perfection humaine n’existe pas, et que l’on ne peut pas exiger d’une personne d’atteindre la perfection alors que d’une part, elle n’existe pas ici-bas chez l’être humain, et d’autre part que l’on n’exige pas la même chose pour soi-même, ce qui peut tomber sous le coup de l’hypocrisie.

Une fois que l’on a pris conscience de la possibilité des défauts, d’erreurs ou de certains abus liés au facteur « humain », on peut essayer d’envisager les solutions concrètes qui pourraient tendre vers l’idéal souhaité (en sachant pertinemment que la réalité ne se conforme pas totalement, souvent, à l’idéal souhaité). Et en l’absence d’un gouvernement ayant atteint l’excellence de façon globale, si l’on est confronté à plusieurs maux ou à plusieurs partis ou systèmes politiques qui entrent en « concurrence », à défaut de proposer (et de concrétiser) mieux soi-même une meilleure alternative, il faut privilégier le moins pire (le « moindre mal » en langage islamique), tout en gardant à l’esprit qu’il ne faut jamais se contenter de cette situation (encore loin de l’idéal), et qu’il ne faut pas en cautionner ou soutenir les défauts ou les abus. Mieux vaut en effet un pays stable, où la majorité des citoyens peuvent vivre en sécurité, manger de façon convenable, bénéficier d’un certain niveau d’éducation et de pratique religieuse, que d’un pays qui est en permanence dans l’insécurité, l’instabilité, la misère, le flou, etc. Or, les puissances mondiales l’ont bien compris : maintenir les pays musulmans dans le chaos permet de « fatiguer » toutes les forces politiques et spirituelles du monde musulman, pour ensuite laisser le champ libre aux ennemis pour mieux dominer et piller la région.

Les gens de la masse, quand ils vivent sans cesse dans la famine, la misère, le chaos, la violence, etc., perdent de vue les objectifs supérieurs de l’existence, et ne pensent plus qu’à se nourrir ou à vivre dans la « paix », peu importe qui prend le pouvoir, – même les pires dirigeants qui soient -. Le monde musulman malheureusement a été écrasé, étouffé et épuisé par les forces coloniales de l’époque et par leurs successeurs actuels (puissances mondiales), par les dictateurs soutenus d’une manière ou d’une autre par les puissances mondiales et par les mouvements violents au sein du monde musulman qui sont apparus à cause du chaos imposé par les puissances coloniales. On l’a vu, ni les manœuvres occidentales (4), ni les forces russo-chinoises, ni les forces « modernistes » (5), ni les mouvements « wahhabites » ou shiites actuels, sur le plan politique, n’ont su apporter la stabilité, la paix, la prospérité économique et la dignité aux nations du monde en général, et au monde musulman en particulier.

Quant aux musulmans, plusieurs tendances se dégagent aussi :

  1. Les admirateurs des dictatures (qui suivent un processus de laïcisation/sécularisation qu’elle soit agressive ou « douce ») : on les retrouve souvent chez les pseudo-salafis, chez de nombreux « réformistes » ainsi que chez certains « pseudo-sûfis » (ou sûfis vraiment naïfs et déconnectés du monde) et des shiites ayant la même vision des choses sur ce plan-là.
  2. Les « jihadistes », que ce soit en milieu sunnite ou salafiste (3), ou en milieu shiite : leurs motivations diffèrent, et le contexte sociopolitique dans lequel ils s’expriment et se déploient change considérablement la nature et la légitimité de leur combat. Soit il s’agit de résistance légitime dans un contexte de violente répression politique ou d’une invasion extérieure qui commet des massacres et des bombardements massifs dans leur pays. Soit il s’agit d’une lutte motivée par une vision sectaire, belliqueuse et violente du monde et de la politique, et se livrent alors à des exactions, des destructions du patrimoine islamique (tombes, bibliothèques, mausolées, etc.) appartenant au monde musulman, repoussent les populations musulmanes de l’islam, engendrent un climat de méfiance et de peur, confondent Sharî’ah et fiqh, imposent des avis juridiques erronés ou déviants et interdisent des avis juridiques pourtant légitimes ou même majoritaires depuis l’époque des salafs, n’ont aucun tact, ni sont pas compatissants ni bienveillants, ou appliquent des sanctions légales sans en respecter les conditions islamiques, et n’ont pas de compétence pour gérer les affaires économiques, politiques et diplomatiques, etc.
  3. Les « idéalistes » : ceux qui exagèrent dans leur éloge ou dans leur soutien à certains modèles politiques ou à certains dirigeants : sous prétexte qu’un dirigeant serait bien moins pire que les autres, et qu’il a accompli de bonnes actions, il serait dédouané de toute critique ou ne pourrait pas commettre d’erreur.
  4. Les « pragmatiques » : ils savent à quel point la politique est une affaire complexe, ils ne supportent pas l’injustice et la corruption, mais savent aussi que l’on ne peut pas se désintéresser totalement de la politique, ni céder à la violence systématique pour résoudre les problèmes, ni délaisser la spiritualité et l’éducation, et savent aussi qu’il vaut mieux un gouvernement imparfait mais qui œuvre tout de même dans le bien de façon générale, qu’une instabilité politique ou qu’un gouvernement incompétent et qui ne s’appuie principalement que sur la violence et la force pour « mater le peuple ».

Plusieurs pays musulmans aujourd’hui font beaucoup parler d’eux, en bien ou en mal, dans l’actualité.

  1. L’Arabie Saoudite : devenue symbole de la corruption politique, de la trahison envers les musulmans, et de faire le sale boulot des américains et des israéliens dans la région. Mais il faut aussi relativiser, car il y a plusieurs tendances qui s’affrontent au sein du gouvernement saoudien, et la population saoudienne n’est pas majoritairement acquise au pouvoir saoudien actuel. Il y a aussi des choses positives en Arabie, mais la corruption politique et la nouvelle tendance « séculariste » effraient les musulmans, craignant encore plus de dégénérescence morale dans le pays.
  • L’Iran : Perçu souvent comme un modèle de résistance à l’Occident jusque dans les années 2006, l’Iran est aujourd’hui perçu comme un fauteur de trouble dans la région, un traitre aussi à la communauté musulmane, depuis que l’Iran a collaboré avec les Etats-Unis en Afghanistan et en Irak (causant des centaines de milliers de morts, un accroissement du terrorisme et du chaos en raison des jeux d’influence entre l’Iran et les Etats-Unis), puis son soutien au régime criminel de Bashar lors de la révolution syrienne, et enfin son soutien aussi à Nûri al-Maliki en Irak et à la violence au Yémen (bien que les reproches ciblent plus souvent et intensément l’Arabie Saoudite). L’Iran est aussi impliqué dans les répressions violentes en Irak (principalement en 2019) et en Iran-même, ciblant aussi bien des shiites que des non-shiites. Toutefois, ses très bons résultats sur le plan scientifique, sa volonté ferme de maintenir son indépendance politique et économique, et son intelligence stratégique, sont à saluer, surtout dans ce contexte délicat et difficile (régions instables, pressions européennes, sanctions occidentales, tendances politiques et sociétales antagonistes en Iran, etc.). Le monde musulman, malgré les dérives du gouvernement iranien, doit absolument faire en sorte  d’éviter qu’une guerre éclate en Iran, car cela affaiblirait l’ensemble du monde musulman : des dizaines de millions de réfugiés, de nouveaux conflits tribaux, des institutions et fondations de qualité, un énorme patrimoine historique et islamique (notamment sunnite), – encore très bien conservé, serait menacé de disparition, des millions de victimes potentielles, une guerre impliquant de nombreuses nations et organisations armées (dont des groupes terroristes), et encore des milliards d’euro gaspillés chaque année pour une chose que l’on aurait pu éviter. Il faut donc chercher à tout prix à négocier avec le régime. Rien ne garantira non plus, que, après la guerre, qu’un régime plus juste soit au pouvoir. Erbakan avait déjà prévenu, en 2003, que les Etats-Unis, après s’en être pris à l’Afghanistan, s’en prendront à l’Irak, puis à la Syrie, puis à l’Iran, et enfin à la Turquie, les deux puissances stables de la région ( https://youtu.be/_YBtOEUYaNc ).
  • Qatar : Ce petit pays qui fait tant parler de lui depuis les années 2000, diversifiant ses ressources économiques, investissant massivement un peu partout, ayant sauvé de nombreuses entreprises occidentales de la faillite, etc. Souvent associé au terrorisme, le Qatar combat le terrorisme et ne soutient que les mouvances armées de « résistance », dont l’idéologie n’est pas najdite (wahhabite) et dont le meurtre de civils est officiellement interdit (6) dans des pays déjà en guerre. Son travail journalistique s’est hissé au rang mondial avec Al Jazeera, ses importantes réalisations techniques dans le pays ont également permis d’attirer le regard des pays du monde vers le Qatar. Le Qatar se cherche encore, et c’est aussi de nombreuses donations ainsi que des investissements colossaux qui ont été dépensés dans la recherche scientifique, les associations humanitaires, l’énergie, le sport, la culture (notamment les musées) et l’éducation. Qatar Airways est l’une des 4 compagnies aériennes mondiales classées 5 étoiles Skytrax et élue meilleure compagnie aérienne au monde en 2011, 2012, 2015 et 2017.

Le taux de chômage du Qatar est presque nul puisqu’il avoisine les 0,1 % en 2017, alors qu’en 2015, les Qataris occupent moins de 2% de l’ensemble des emplois (la plupart des travailleurs sont des immigrés).

Tout cela réfute les thèses de l’Extrême-droite française sur plusieurs points. En effet, le Qatar est un pays arabe et un Etat islamique, avec un taux très élevé d’immigrés venus dans le pays pour y travailler. Et pourtant, le Qatar est le pays le plus riche (PIB par habitant) et prospère du monde (c’est toujours le cas en 2019), le taux de chômage y est quasiment nul, le taux de délinquance se situe parmi les plus bas (faibles) du monde, on y vit en sécurité, on ne manque de rien, c’est une puissance économique, les investissements économiques sont très diversifiés, le degré d’instruction y est très élevé (y compris chez les femmes), les femmes sont actives dans le domaine du travail, des affaires et de l’éducation, la recherche scientifique et technologique y est très prisée et mise en valeur, etc.

Ce que l’on peut reprocher au Qatar, c’est l’inscription de certains avis juridiques contestables au sein de la Constitution politique du pays, mais ces avis ne sont presque jamais mis en pratique dans la réalité. On peut aussi critiquer certaines ententes assez floues avec les Etats-Unis et la France, – mais est-ce par nécessité et contrainte ou non, telle est la question -, ainsi que les conditions de travail pénibles pour de nombreux ouvriers venus de l’étranger. De même, la mentalité consumériste pose un sérieux problème, et engendre beaucoup de comportements indécents ou irresponsables, surtout chez les jeunes, à l’instar de la jeunesse occidentale.

  • La Malaisie : Pays calme dont on parle très peu en terme négatif dans l’actualité internationale, et qui n’est pas associé au terrorisme ni à des conflits politiques, et dont la croissance économique en même temps que le progrès scientifique suivant une tendance musulmane sont à saluer. Les touristes qui s’y rendent sont pratiquement unanimes quant à leur appréciation positive du pays. Beaucoup de projets novateurs et intéressants se développent en Malaisie, mais comme ce pays n’a aucune ambition internationale perceptible sur le plan international, on n’en parle peu, et n’est perçu comme une menace par aucune puissance mondiale.
  • La Turquie : Avant les années 2000, le pays était associé systématiquement au « kémalisme », ne faisant que très peu parler de lui, sauf pour certains scandales ou pour évoquer les crises qui frappaient le pays ou encore la violence institutionnelle du gouvernement et des forces de l’ordre. Son insignifiance sur la scène régionale et internationale était telle que la Turquie n’était presque jamais prise en compte dans les décisions internationales ou même régionales. Mais depuis que l’AKP est au pouvoir, avec à sa tête Erdogan, la Turquie a radicalement changé en l’espace de 15 ans. Mosquées, hôpitaux, universités, fondations humanitaires, centres de recherche, usines, aéroports, mégaprojets, industries de défense, etc. ont poussé comme des champignons, la croissance économique est l’une des meilleures au monde, les citoyens turcs mangent à leur faim, le tourisme a grimpé en flèches, les musulmans peuvent désormais pratiquer librement leur religion, la Turquie est le premier pays en termes d’aides humanitaires, la Turquie est devenue un acteur incontournable dans la région et même dans les crises qui secouent l’Europe. La Turquie possède l’un des plus grands parcs d’attraction au monde, le plus grand aéroport du monde, s’est lancée dans l’aérospatial, construit et fabrique ses propres voitures, tanks, bus, avions de chasse, drones, hélicoptères, téléphones, produits électroménagers, téléviseurs, etc. En 15 ans, la Turquie a non seulement rattrapé un long retard qui s’était accumulé sous le gouvernement des kémalistes tout au long du 20e siècle, mais a aussi dépassé de nombreux pays occidentaux par rapport à la recherche scientifique, au développement technique du pays, les projets liés à l’écologie et au respect de l’environnement, etc. La Turquie fait aussi beaucoup parler d’elle, car depuis que le président turc Erdogan dénonce l’hypocrisie et les massacres commis par les puissances occidentales ou certaines dictatures du monde arabe, les médias occidentaux et certains médias arabes appartenant à des dictateurs, le diabolisent et n’hésitent pas à mentir et à mener d’intenses propagandes de diabolisation afin de nuire à Erdogan et surtout à l’essor de la Turquie.

Les musulmans doivent néanmoins se rendre compte que, d’une part, les grandes puissances non-musulmanes ne prendront jamais en considération le bonheur et la sécurité des musulmans au détriment de leur confort matériel et du facteur économique. Nous l’avons que trop bien vu ces dernières décennies, que ce soit les Etats-Unis, la Chine, la Russie ou l’Union Européenne, toutes ces puissances ont sacrifié des millions de musulmans pour des raisons idéologiques, politiques, énergétiques et économiques, sans jamais se soucier le moins du monde d’éthique et des droits fondamentaux des musulmans et des communautés non-musulmanes en terres d’Islam. Et d’autre part, qu’une puissance musulmane, inférieure militairement, plus faible économiquement, et dépendante énergétiquement, ne peut guère s’opposer frontalement aux grandes puissances, sous peine d’être anéantie en très peu de temps, avec des conséquences désastreuses plus terribles encore. Dans cette situation, il ne faut donc jamais « vendre » son pays à une seule grande puissance, mais diversifier aussi bien son économie que ses alliances, tout en développant soi-même sa technologie (civile et militaire). De ce point de vue-là, la Turquie en est le bon exemple, tout en multipliant les partenariats et les ententes militaires temporaires : Russie, Chine, Union Européenne, Etats-Unis, pays des Balkans, pays turciques, Qatar, Pakistan, Indonésie, Malaisie, etc., tout en restant dans l’OTAN, cela lui donne plusieurs cartes à jouer. Parallèlement, la Turquie développe son propre arsenal et son propre agenda régional, s’émancipant ainsi des agenda américano-israéliens et européens, et sans suivre l’agenda russe non plus. En raison de la stratégie turque adoptée depuis près de 20 ans, et grâce à la croissance économique turque, Erdogan peut désormais se permettre de critiquer ouvertement les massacres et les injustices perpétrées par les forces américaines, russes, chinoises, européennes et autres (dictatures arabes, asiatiques ou africaines, massacres commis par l’Iran en Syrie et en Irak, …), ce qui n’aurait pas été possible si la Turquie ne possédait pas une certaine puissance et santé économique, des partenariats stratégiques multiples, etc. Néanmoins, vu que la Turquie n’est pas encore une superpuissance, et qu’elle n’est pas totalement indépendante énergétiquement, et qu’elle dépend encore de l’UE, des USA, de la Russie et de la Chine, et qu’elle n’a pas les capacités militaires d’intervenir directement dans les régions en guerre où sont impliquées la Russie, la Chine, l’Union Européenne et les Etats-Unis, elle reste dans l’impasse. La Turquie n’a pas non plus vocation à sauver le monde entier, même si elle veut y contribuer réellement.

Quant aux critiques de certains musulmans, à savoir qu’Erdogan n’aurait pas encore remis la Sharî’ah dans le pays, et ignorent ce qu’il aurait apporté à la Ummah, cela nécessite de développer le sujet.

Si la Turquie n’est pas un Etat islamique depuis 1924 officiellement, le pays reste majoritairement musulman, l’adhan y est présent, et depuis le début des années 2000, un parti ouvertement musulman domine le paysage politique du pays, et le président (Erdogan) se réclame ouvertement de l’Islam, il prie, fait des du’a, jeûne, récite le Qur’ân, assiste généralement à la prière du vendredi, etc. La constitution du pays est certes « kafir », mais ses habitants, députés, ministres, forces de l’ordre, militaires et dirigeants ne le sont pas forcément, tant qu’ils se déclarent consciemment musulmans, connaissant les 5 piliers de l’Islam et de la foi, et ce qu’ils impliquent dans leurs bases.

Ceci étant dit, comme l’ont bien montré René Guénon, Seyyed Hossein Nasr et Hamza Benaïssa (on sait de source sûre, que parmi les proches d’Erdogan dans leur orientation politique, il y avait des lecteurs de René Guénon d’Abû Hâmid al-Ghazâlî, de Ibn ‘Arabî, de Rûmî et de Seyyed Hossein Nasr, et aussi qu’Erdogan et plusieurs ministres tout au long du règne de l’AKP, étaient et sont proches des sûfis orthodoxes de Turquie), le modernisme peut parfois infiltrer et déformer les doctrines et perspectives religieuses, engendrant certaines illusions ou dérives contre lesquelles nous devons être vigilants, et où le désaveu doit être total, tout en étant pragmatique. Bien qu’Erdogan considère la démocratie comme un moyen et non comme une fin en soi, et que pour lui, la Loi Divine est au-dessus de tout, et qu’il ne considère la laïcité que dans un sens acceptable selon l’islam (liberté de culte et de conscience pour tous les citoyens, mais l’Etat a aussi son mot à dire et doit se soumettre à la Loi Divine afin de préserver la justice et l’ordre, et que l’Etat peut très bien aider les musulmans dans leurs projets, – ce que fait le gouvernement turc -), à force de se plier au jeu démocratique, – impliquant de séduire les foules et de dépenser de l’argent pour les contenter à chaque fois et déjouer les désinformations dont la Turquie est la cible -, cela pourrait se retourner contre lui, et ce concept finira par devenir une fin en soi chez des gens peu clairvoyants, et ce, même si la démocratie (dans son aspect lié aux élections et aux changements sociaux voulus par le peuple) est mieux respectée en Turquie que dans de nombreux pays occidentaux. Mais mieux vaut un gouvernement de cet ordre, que des régimes corrompus, anti-religieux et soumis et acquis aux idéologies modernes et aux valeurs décadentes qui assombrissent et détruisent un pays sur le long terme. Il faut aussi noter que comme presque tous les autres peuples industrialisés de la planète, les turcs sont devenus un peuple consumériste (gaspillage, surconsommation de viande, consommation de boissons gazeuses, …) malgré leur générosité notoire. Le gouvernement doit lutter activement contre la mentalité raciste et kémaliste, le mode de vie consumériste et contre le gaspillage des ressources et les pratiques qui accentuent la pollution ou la déforestation. Et depuis quelques années, le gouvernement turc multiplie les projets écologiques et les initiatives visant à planter des arbres un peu partout.

D’un point de vue islamique, les gouverneurs musulmans qui sont contraints à l’incapacité d’adopter la Loi islamique comme constitution, sont excusés tant qu’ils reconnaissent, dans leurs convictions et doctrines, que seule la Loi Divine est légitime (en soi, selon le Droit Divin) et supérieure à toutes les autres (7). Dans le cas d’Erdogan, ce n’est pas lui qui a œuvré de sorte à abandonner la Loi islamique en Turquie. Et dans les décennies qui précédèrent son arrivée au pouvoir, les symboles et références au kufr étaient prédominants, l’Islam y était humilié, combattu et parfois même invisible. Les musulman(e)s étaient régulièrement humiliés, torturés, agressés, insultés, et la dictature militaire du pays empêchait la Turquie de se développer, de vivre dans la dignité et la sérénité. Or, avec l’AKP, cela a considérablement changé, puisque les musulmans pouvaient assumer désormais publiquement leur islamité, prier le matin dans les mosquées sans risquer de se faire arrêter, la torture a été officiellement prohibée, les écoles qûraniques, associations culturelles (musulmanes), associations humanitaires, projets islamiques, etc. ont poussé comme des champignons, et le pouvoir politique use fréquemment de références et de symboles à l’Islam, à l’identité islamique et aux grandes figures de l’histoire musulmane. De nombreux discours et des productions audiovisuelles ont vu le jour, faisant la promotion des valeurs de l’Islam, encourageant les gens à prier et à jeûner durant le mois de Ramadan, à faire preuve de charité envers les démunis, à délaisser l’usure, le tabac, l’alcool et la drogue, à respecter les parents, les enfants et les femmes, etc. Les femmes voilées peuvent désormais étudier à l’Université, travailler dans des postes administratifs et politiques, rejoindre les forces de police, exercer comme médecins, juristes ou avocates, etc. Les personnes âgées et les autres bénéficient d’une meilleure protection juridique, d’un meilleur système de santé, etc. Les non-musulmans sont également protégés par la loi et peuvent garder leur religion (ou idéologie), tant qu’ils respectent le vivre-ensemble et ne se soulèvent pas contre l’Etat (légitime).

Pour autant, l’influence du kémalisme perdure, et la figure déformée d’Ataturk (toujours perçu comme un grand héros, à la fois « musulman » et « laïc » par beaucoup de turcs) (8) reste vivace, ce qui empêche le gouvernement d’effacer complètement l’influence d’Atatürk, – évitant la colère démesurée des fanatiques kémalistes -, cherchant plutôt à contrebalancer cet état de fait en multipliant plutôt les références à des figures musulmanes du passé, afin de sensibiliser les turcs de renouer avec leur héritage passé, que Atatürk et ses successeurs ont voulu effacer de l’esprit du peuple.

Erdogan n’est pas non plus un inconnu ou un « opportuniste » (bien qu’une personne, même sincère et honnête, puisse toujours changer d’attitude en cours de route, d’où la vigilance qui s’impose, – et avant tout à soi-même ! -), puisque depuis son enfance, il a grandi au milieu des assemblées religieuses, côtoyant des savants et des intellectuels musulmans issus de différentes tendances et origines culturelles, et a vécu dans une famille modeste. Par ailleurs, pour avoir tenu des propos pro-Islam publiquement en récitant un poème, les laïcards l’ont mis en prison. Son maître Erbakan, lui aussi disant ouvertement ce qu’il pensait, a été forcé de quitter le pouvoir. Voyant que cette méthode était inefficace, dans un pays où les musulmans étaient humiliés et sans influence opérative, Erdogan changea de stratégie, et celle-ci s’est avérée payante dans bien des domaines, quoi que l’on puisse en penser.

A diverses occasions, et encore en 2019, il a rappelé que ses références religieuses étaient le Qur’ân et la Sunnah, les ahl ul bayt et les compagnons, ainsi que les grands saints et figures politiques de l’Islam. Pour ne pas trop se mettre à dos les kémalistes, il dit en certaines occasions que Atatürk était un gazi et un bon chef politique qui a modelé la Turquie moderne, – ce qui est vrai en soi -, mais parfois il va trop loin dans le désir d’amadouer et de tempérer un peu le fanatisme des kémalistes, mais dans ce contexte, cela peut s’excuser. Chef politique influent en effet, Atatürk n’en demeurait pas moins un dictateur, – et ses successeurs furent encore pire comme Inönü -, mais Erdogan lui-même essaie de redresser la barre en mettant l’accent sur l’héritage islamique et ottoman des turcs (qui ne sont pas apparus avec Atatürk).
Ainsi, on peut reconnaitre les véridiques sincères (déviants ou non) au fait que, en temps de faiblesse, ils préfèrent endurer les injustices plutôt que d’agir activement dans le mal.

Aussi, il convient d’analyser chaque pays individuellement, car l’histoire, le contexte et les difficultés diffèrent d’un pays à l’autre. Par exemple, en Iran, en Afghanistan et en Arabie Saoudite, revenir rapidement aux principes juridiques et politiques de l’Islam est chose facile, car le peuple, au fond, dans leur grande majorité, ne demande que cela, puisque leurs revendications sont surtout sociales et économiques, et la fin de la corruption politique, – ce qui est conforme à l’Islam -. Les populations n’ont pas été endoctrinées par les superstitions et propagandes occidentales anti-religieuses, – bien que le cas de l’Iran soit un peu plus complexe à cause de la dictature laïque qui a sévi en Iran vers la moitié du 20e siècle -, alors qu’en Turquie, la propagande anti-islam et pro-occidentale s’est imposée pendant près d’un siècle. La Turquie a compris qu’il fallait dès lors miser sur l’éducation, la justice sociale et les médias pour que le peuple se reconnecte avec son héritage passer, et soit de nouveau fier, d’appartenir à la communauté musulmane et au monde musulman. Il ne faut pas oublier que, avant même d’avoir pu fonder un Etat islamique à Médine, le Prophète avait d’abord éduqué la communauté pendant plus d’une décennie, et ce, même avec le Soutien Divin, – pour que cela serve d’exemple aux générations ultérieures -, avec son lot de concessions.

N’oublions pas non plus qu’en période de faiblesse, le Prophète avait dû signer, durant la période médinoise (lorsque les musulmans avaient déjà un Etat islamique !) le traité d’Hudaybiyya avec ses pires ennemis (qui avaient insulté Allâh et Son Messager, persécuté et tué les croyants). Certaines clauses du traité étaient humiliantes, comme le fait que le Prophète Muhammad n’avait pas signé en sa qualité de Prophète mais uniquement en temps que Muhammad ibn Abdullah, ce qui avait causé initialement l’indignation de Sayyiduna ‘Umar et de Sayyiduna’ Ali. Le fait que les musulmans s’échappant de la Mecque (sous autorité despotique des idolâtres) rejoignant le Prophète devaient leur être remis, etc. En effet, dans la Sîrah nous retrouvons les clauses de ce traité, écrit par l’imâm ‘Alî sous la supervision du Prophète, et devant plusieurs nobles compagnons comme témoins :

« 1) Les musulmans retourneront chez eux cette année (sans avoir accompli la Umra) et reviendront l’année prochaine, mais ils ne resteront pas à La Mecque plus de trois jours. Ils ne porteront pas d’armes autres que leurs épées rengainées. Et les Qurayshites s’engagent à ne rien tenter en vue de s’opposer aux musulmans (durant leur séjour à La Mecque).

2) La guerre sera suspendue pour dix années, période durant laquelle les deux parties vivront en total sécurité sans jamais combattre.

3) Quiconque souhaitera s’unir à Muhammad dans son pacte et son alliance pourra le faire et quiconque souhaitera s’unir à Quraysh dans son pacte et son alliance pourra le faire également ; toute agression contre la tribu qui se joindra à l’une ou à l’autre partie sera considérée comme visant cette dernière.

4) Si un membre de Quraysh [dont les musulmans] se réfugie chez Muhammad sans l’autorisation de son protecteur (Wali), il sera renvoyé à La Mecque, tandis que si un partisan de Muhammad revient à La Mecque, il ne sera pas renvoyé à Médine ».

En temps de faiblesse, des concessions difficiles à accepter sont parfois nécessaires. Mais cela permet de maintenir une paix devant servir à se stabiliser et à se renforcer jusqu’à bien développer son pays et pouvoir s’émanciper des puissances ennemies et injustes.

Or, la situation actuelle du monde musulman est celle de la période « mecquoise » (les musulmans sont en état de faiblesse, de persécutions commises par les puissances ennemies, …), et qu’il y a donc des priorités qu’il faut accomplir en premier lieu, et que, même dans un pays musulman, des lois liées aux hudûd qui doivent être suspendues puisque les conditions islamiques ne sont pas réunies. Un peuple déconnecté de l’esprit de l’Islam, et qui ne s’identifie plus à ses valeurs fondamentales, ne soutiendra jamais un Etat intégralement musulman, d’où la nécessité d’œuvrer en sorte que le peuple retourne socialement et spirituellement à l’Islam, en faisant en sorte que les citoyens, et surtout les jeunes, s’identifient de nouveau au monde musulman, à la communauté musulmane, aux enjeux mondiaux, aux figures de l’Islam, etc. En ce sens, Erdogan travaille beaucoup les consciences pour mieux préparer le terrain à l’avenir, pour ses successions et les générations futures. Car au-delà de toutes les nombreuses et incroyables réalisations matérielles (routes, aéroports, écoles, universités, centres de recherche, ponts, hôpitaux de pointes, industrie militaire, mosquées, usines, centres commerciaux, projets écologiques, musées, etc.) accomplies depuis les années 2000, Erdogan a multiplié les projets islamiques, l’aide humanitaire aux pays musulmans et non-musulmans, sensibilisé les musulmans à la cause des opprimés (palestiniens, yéménites, syriens, irakiens, rohingyas, ouïghours, afghans, musulmans d’Inde, etc.), de même qu’il a lancé plusieurs initiatives pour unir le monde musulman et favorisé la paix et la prospérité dans le monde musulman ainsi qu’en Afrique. De nombreuses femmes musulmanes ont pu relever la tête et vivre enfin dans la sécurité, la violence conjugale ne reste plus impunie, la corruption politique a été considérablement amoindrie, le pays a pu se développer dans tous les secteurs, malgré les attaques médiatiques, économiques et terroristes dont la Turquie continue d’être la cible depuis de longues années.

N’oublions pas que la Turquie a aussi dépensé près de 40 milliards pour les 5 millions de réfugiés qui sont sur son sol (la majorité étant des musulmans, mais il y a aussi des chrétiens, déistes, yézidis, agnostiques, etc.), dont environ 3,6 millions de réfugiés syriens, – et que l’UE n’a même pas versé la somme totale à destination des ONG en Turquie (6 milliards en tout, mais à peine la moitié a été versée, avec un long retard), et que la Turquie dépense aussi chaque année des milliards d’euro pour l’aide humanitaire et la construction d’hôpitaux, de cliniques, de centrales électriques, d’usines, d’écoles, de mosquées, etc. au Moyen-Orient, en Afrique, dans les Balkans, en Amérique latine, en Asie, en Palestine, etc. Sans compter les nombreuses dépenses pour atteindre l’indépendance économique, énergétique, militaire et technologique.
La Turquie elle-même sait que ce qu’elle fait ne suffit pas encore, – mais fait partie de la foi le fait de remercier les gens pour le bien qu’ils font -, d’où l’élaboration d’une feuille de route pour atteindre les principaux objectifs (d’abord en 2023, puis dans les années 2050 et 2070). A nous d’aider ceux qui oeuvrent dans le bien, et, déjà, à notre échelle, de ne pas causer du tort aux gens, de ne pas polluer ou gaspiller, d’aider les nécessiteux, de bien éduquer nos proches, de multiplier les bonnes actions, etc., car le monde ne s’en portera que mieux si chacun agirait convenablement, car l’on ne peut pas tout le temps rejeter la faute sur les politiciens.

Dans le dossier syrien, la Turquie a fait l’objet de plusieurs reproches, à savoir le fait d’avoir laissé passer des « jihadistes » en Syrie, le fait d’avoir soutenu l’opposition syrienne et d’autres critiques encore. Pour la première accusation, il faut dire plutôt que tout le monde pouvait passer : marxistes, salafistes modérés, salafistes radicaux, sunnites traditionnels/sûfis, etc. De toute façon, sur base de l’apparence on ne peut pas identifier qui est qui. Nous pourrions reprocher également aux autres pays (Iran, Belgique, Angleterre, France, Allemagne, Pays-Bas, Irak, Russie, etc.) d’avoir laissé des milliers de jihadistes rejoindre la Syrie via les pays limitrophes de la Syrie. La vérité est qu’il est parfois assez difficile d’empêcher les gens de partir, bien qu’au départ, de nombreux pays fermaient bien les yeux, ou alors encourageaient même les jeunes à partir (comme en Belgique et en France), avant de faire volte-face et de les condamner, tout en laissant le régime syrien agir impunément sur place.

Le plan initial de la Turquie était bien de faire chuter le régime, – et c’est légitime comme objectif vu la nature criminelle du régime syrien -, car la Syrie a toujours joué double jeu en utilisant des groupes terroristes marxistes contre la Turquie, et que face au sionisme, le régime d’Assad en a toujours été les protecteurs (déjà sous Hafez al Assad) malgré une rhétorique anti-sioniste de façade. Quand le régime massacre des civils allègrement, il est tout à fait islamique et éthique d’aider les civils à s’armer pour y faire face, surtout que le régime était déjà connu pour ne pas faire dans la demi-mesure. Ils ont initié les répressions (tirs sur les manifestants, envoi de tanks pour écraser les manifestants, etc. qui au départ n’étaient pas armés). La Turquie aurait aimé former un axe sunnite Turquie-Egypte (avec Morsi)-Syrie (libérée d’Assad)-Qatar pour contrer l’influence américano-sioniste et iranienne (qui se construit son « empire » sous une nouvelle forme). Mais Israël a anticipé et a orchestré un coup d’Etat contre Morsi (cf. discours de Tzipi Livni, – qui était la Ministre israélienne de la Justice jusqu’en 2014 -, qui appelait à faire un coup d’état contre Morsi puis contre Erdogan ; celui contre Morsi réussit, mais celui contre Erdogan échoua). Quant à l’opposition, elle a été naïve puis divisée et affaiblie (notamment par Daesh), et le régime syrien, étant impuissant face à l’opposition, a dû faire appel à l’Iran, à la Russie et au Hezbollah, puis les pays occidentaux s’en sont mêlés et ont soutenu indirectement le régime syrien. Et donc en effet, le plan initial turc a échoué et la Turquie a dû se réadapter. La Turquie n’avait pas les capacités de s’opposer militairement à la Russie, au régime syrien et à l’Iran simultanément, tout en ayant aucun allié militaire avec la Turquie. Pour autant, la Turquie a nettoyé dans les zones frontalières, plusieurs régions d’organisations terroristes (telles que le PKK/PYD/YPG/FDS et Daesh) qui opprimaient les habitants et menaient des attaques contre la Turquie. Également, la Turquie a continué d’armer certains groupes non-terroristes en Syrie qui faisaient ou font toujours face, aux organisations terroristes tout comme au régime syrien criminel, de même que la Turquie a sauvé des millions de syriens parmi les réfugiés, et a sauvé aussi des dizaines de milliers de civils qui ont été évacués par la Turquie dans les zones bombardées par le régime syrien et ses alliés.

Enfin, les erreurs et dérives commises par certains groupes de l’opposition n’engagent qu’eux-mêmes et nullement la Turquie. Et pour finir, là où le régime syrien, l’Iran, la Russie et les forces occidentales de la coalition se contentent de détruire des villes tout en massacrant de nombreux civils derrière leurs opérations “anti-terroristes” (parfois en taxant des civils et résistants de terroristes pour justifier leurs massacres), la Turquie, elle, apporte soutien humanitaire, aides alimentaires, soins médicaux et protection aux civils, tout en ayant déjà reconstruit plusieurs zones avec des hôpitaux, écoles, mosquées, usines, boulangeries, centrales électriques, purificateur d’eau, etc.

Certains reprochent aussi à la Turquie de faire partie de l’OTAN, or, outre le fait que la Turquie fait partie de l’OTAN bien avant qu’Erdogan accède au pouvoir, il faut savoir que le contexte de l’époque pouvait justifier cette adhésion, à savoir le fait d’avoir une protection militaire contre l’impérialisme soviétique (« la menace communiste »), tout aussi réelle que l’impérialisme occidental, les deux étant « injustes » et « pervers », mais en l’absence d’alternative, il faut parfois faire un « choix » pour éviter le pire. Entre temps, les prédécesseurs d’Erdogan ont conclu des accords qu’il faut encore respecter (rompre les pactes n’est pas sans conséquence, ni d’un point de vue islamique, ni du point de vue du « droit international »). Quant au contexte actuel, le monde musulman n’ayant aucune instance militaire, politique et économique pouvant faire face aux superpuissances, et que la Turquie est entourée de pays instables, – aux ambitions expansionnistes, aux idéologies diverses et aux agressions potentielles -, il est intelligent de rester dans l’OTAN faute de mieux, évitant ainsi les attaques militaires directes de la part des Etats-Unis ou de certains pays européens. Mais cette présence au sein de l’OTAN est contestée par les ennemis de la Turquie, car les turcs ne suivent plus les agendas occidentaux d’invasions et de déstabilisations, la Turquie préférant lutter contre les véritables organisations terroristes, protéger les zones civiles, former les forces de police et les militaires dans les pays musulmans, nouer des relations plus étroites avec de nombreux pays. Par ailleurs, croire que seuls les pays de l’OTAN sont des nations injustes, c’est fermer les yeux sur les massacres et injustices commis par le régime syrien, le régime iranien, la Chine, la Russie, la Birmanie, l’Arabie Saoudite au Yémen, des dictatures africaines et arabes. En outre, la Russie, l’Iran et le régime syrien n’ont pas hésité à coopérer avec des pays membres de l’OTAN en Afghanistan, en Irak, etc., contre les populations et forces locales (essentiellement sunnites, mais aussi shiites non-inféodés à l’Iran). La Russie et la Chine continuent d’entretenir des relations étroites avec Israël, et le régime syrien préfère massacrer son peuple que de riposter aux multiples agressions sionistes en territoire syrien, et ce depuis des décennies, allant même jusqu’à leur vendre le Golan du temps de Hafez el Assad (parfois acclamé par les soldats sionistes, dans les crimes commis contre les palestiniens).

Quant aux guerres contemporaines, elles ne se passent plus de face à face, et en général, d’autres pays et forces armées entrent en jeu. Dès lors, il faut multiplier les alliances, s’assurer de la cohésion et du soutien national, savoir si tels et tels pays alliés ne vont pas retourner leur veste ou cesser les relations ou certains ravitaillements, et voir aussi quels sont les pays alliés des nations ennemies avec qui la guerre sera menée.
Une guerre mobilise presque toutes les ressources économiques, énergétiques et humaines, et si elle n’est pas bien pensée, cela n’amènera que chaos, et peut-être même l’anéantissement du pays en question. Tout cela, pour un résultat qui n’est pas garanti, sachant qu’une fois la guerre ouverte formellement déclarée, il n’est plus possible de faire marche arrière.

Quant aux attaques ciblant des nations criminelles se trouvant loin des frontières du pays en question, il est nécessaire d’avoir l’accord des pays qui se situent dans l’espace terrestre, maritime et aérien des deux pays (ou plus) qui veulent se faire la guerre. Là aussi, on voit à quel point c’est devenu délicat et difficile.

Néanmoins, malgré la nécessité de maintenir les relations économiques et énergétiques, – afin que les pays se renforcent chacun dans leur puissance, jusqu’au moment où les configurations géopolitiques mèneront à la guerre à travers l’escalade de la violence et des provocations -, la Turquie a compris qu’il fallait travailler les consciences et sensibiliser les musulmans aux enjeux de toute la Ummah et même de toute l’Humanité (pour la paix et l’écologie), renforcer leur foi, leur faire comprendre qu’ils avaient un porte-parole (Erdogan et tous les intellectuels ou leaders aspirant à la justice), qu’il fallait tendre vers la justice et la solidarité avec les opprimés, jusqu’à ce que l’Ordre Divin se manifeste, et qu’en attendant, les paroles, les invocations, les actions sociales et humanitaires, etc. devaient se multiplier.
Et tout cela, conformément à la parole prophétique, rapportée par Muslim dans son Sahîh :
« Quiconque parmi vous voit quelque chose de répréhensible doit se charger de le réparer par sa propre main ;
S’il ne le peut pas, qu’il le fasse par sa langue ;
Et si cela lui est également impossible, qu’il le réprouve par son cœur, car cela relève du minimum imposé par la foi »
.

Pour autant, il ne faut surtout pas favoriser les conflits entre les pays de la région, il faut donc trouver des compromis, sans être naïfs. Les ambitions de l’Iran dans la région ne sont pas spirituelles, religieuses ou éthiques, mais plutôt identitaires (« refonder l’empire perse »), économiques et sécuritaires (l’Iran n’a pas hésité à « sacrifier » des shiites pour leurs ambitions). La même chose concernant l’Arabie Saoudite, dont la politique ne suit plus du tout la vision islamique ni nécessairement la paix dans la région, mais plutôt une zone d’influence tout en renforçant sa sécurité. Il est alors nécessairement de multiplier les échanges intellectuels et commerciaux, de fonder des partenariats économiques et des accords de non-agressions pour les puissances de la région, afin d’éviter des conflits meurtriers.

Il est faux de dire que l’Iran est l’allié d’Israël et des Etats-Unis, alors que leurs animosités sont bien palpables, puisque l’Iran ne renoncera pas à son indépendance, – ce que ne supporte pas l’axe américano-sioniste, et ce peu importe la nature de cet état -. Pour autant, les deux s’accordent à affaiblir considérablement toutes les puissances sunnites de la région, et l’Iran continue d’entretenir une rhétorique hostile, – promettant de se venger quand ses ennemis s’en prennent à l’Iran -, qui n’est malheureusement rarement suivi d’actes concrets. Evidemment, l’Iran n’a pas les moyens, seul, de riposter concrètement aux menaces américaines et israéliennes, sinon l’Iran aurait déjà pu agir bien avant. Mais pour ne pas perdre totalement la face, l’Iran continue de jouer sur la rhétorique, tout en s’impliquant malheureusement dans les massacres contre les populations irakiennes et syriennes, et dans leur jeu trouble en Afghanistan. Si avec Khomeyni, l’Iran avait une volonté de libérer les musulmans de l’oppression, cela a radicalement changé depuis au moins 2003, où l’Iran a soutenu les invasions américaines en Irak et en Afghanistan, a soutenu aussi le régime criminel syrien, était favorable aussi à la révolte contre Khadafi en Lybie, etc.

Quant aux pseudo-solutions proposées par les mouvances armées de tendance « salafiste », – et sans remettre en question leur sincérité -, les résultats sont dans l’ensemble assez catastrophiques, puisque ayant causé l’éloignement de l’islam parmi la population locale, renforcé le chaos, la violence, la famine, les crises, etc., d’autant plus que, beaucoup parmi eux, sont assez ignorants du fiqh et de la ‘aqida sur de nombreuses questions liées à la politique et à la gouvernance, aux Noms et Attributs Divins, aux divergences dans le fiqh, à la façon de gérer un Etat et d’appliquer certaines peines légales, sur la permission d’entretenir des relations diplomatiques, etc.

Pour Daesh, outre le fait qu’ils ont rendu « licite » des choses illicites dans l’Islam (comme le meurtre d’innocents, le takfir des musulmans sur des bases erronées et fallacieuses, …), et rendu illicite des choses licites (tabarruk, tawassul, alliances politiques avec des pays non-musulmans tant que le but n’était pas d’affaiblir les musulmans ou de les tuer, …), imposé un inconnu (manipulé par les services américains lors de son emprisonnement) comme calife sans concerter les musulmans et les savants reconnus, tout en appliquant le désaveu, et massacrant des milliers de musulmans (savants vertueux et orthodoxes, gens pieux, débauchés, innovateurs, …), désarmant les villages sunnites et les laissant à la merci des milices sectaires anti-sunnites, n’appliquant pas les prescriptions de la Sharî’ah ou n’en respectant pas les conditions, adoptant un mauvais comportement, méconnaissant la ‘aqida et le fiqh, accomplissant des attentats suicides dans des endroits civils (musulmans et non-musulmans), refusant de juger leurs actes et leurs différends à la lumière de la Loi islamique, et concentrant de nombreux combattants en Irak/Syrie afin que les puissances ennemies les frappent plus facilement, puis utilisent cette situation comme prétexte pour piller la région, s’ingérer dans les affaires politiques et réprimer tout élément d’opposition, pour ensuite justifier une violence encore plus ferme et générale contre tous les sunnites (les accusant désormais d’être « pro-daesh », justifiant ainsi leur mépris et leur volonté de les torturer, emprisonner ou exploiter), ignorant les priorités de notre époque, la voie graduelle et douce préconisée par le Prophète, leur refus de prendre en considération les besoins du peuple et la volonté d’instaurer la paix et l’union en dépit des divergences, et leur alliance circonstancielle avec le PKK/PYD et le régime syrien contre les forces sunnites, tout en poursuivant ensuite leurs luttes contre le PKK/PYD et le régime syrien une fois les forces sunnites affaiblies, etc. Si on peut leur concéder quelques bienfaits temporaires au début (libérer des citoyens maltraités et réprimés par le gouvernement de Maliki en Irak), les méfaits ont clairement prédominé depuis leur expansion, jusqu’à la disparition de leur état. Leurs attentats aveugles qui visent les civils musulmans et non-musulmans empoisonnent encore plus la vie des citoyens et n’est aucunement justifiable du point de vue de l’idéal et de l’éthique selon l’Islam, – cela affaiblit encore plus les musulmans -, même si des nations non-musulmanes et organisations terroristes non-musulmanes font aussi la même chose.

Souvent, ces mouvements deviennent les pions des grandes puissances et font leur jeu involontairement, cela vaut pour la plupart des groupes armés de type terroriste, qu’ils soient shiites identitaires, salafistes najdites, nationalistes/identitaires, suprémacistes ou marxistes. Le cas des mouvements de résistance légitime, du point de vue local, est différent, et sont légitimes, mais doivent faire preuve de vigilance pour ne pas être instrumentalisés et manipulés par d’autres puissances.

Le cas des talibans sunnites (9) en Afghanistan est intéressant, puisque peu nombreux face aux armées de l’OTAN et à l’Iran, ils ont réussi à leur tenir tête, à le faire plier, tout en assurant la sécurité au peuple afghan contre les forces communistes, les seigneurs de guerre et les forces occidentales. Malheureusement, avec le temps et la guerre, des dérives s’accumulent, et il est difficile d’y voir clair, tant les tendances antagonistes et les opérations « false flag » au sein d’un même mouvement se multiplient. Mais si les talibans, dès le début, auraient été mieux soutenus (économiquement et politiquement) et encadrés (spirituellement et religieusement), l’Afghanistan aurait pu retrouver une bonne stabilité et le peuple vivre dans la sécurité.

Bref, c’est la confusion à tous les niveaux, et les grandes puissances continueront de piller la région et de massacrer impunément les populations dans cette région du monde tant que les pays musulmans ne s’uniront pas politiquement malgré leurs divergences doctrinales, identitaires et culturelles.


Mais comment distinguer le « bon gouverneur » de « l’hypocrite » dans tout cela ?

Si un pays régresse, s’éloignant des principes islamiques pour s’en affranchir et tendre vers la tyrannie et la dictature séculariste, sacrifiant les populations musulmanes pour leur confort, ne promouvant pas les valeurs islamiques, la justice sociale, les projets intellectuels, l’aide humanitaire aux populations éprouvées par la famine et la guerre, s’il ne se soucie guère du sort des musulmans opprimés, de la dignité humaine, de la protection environnementale et animale, etc., il est certain que nous n’avons pas à faire à un « mauvais gouverneur », – qu’il se réclame par opportunisme de l’islam ou non -.

Si par contre, un gouverneur prend la tête d’un pays musulman déjà profondément sécularisé (éloigné de l’Islam), et change graduellement la donne, œuvrant pour la justice sociale, l’aide aux démunis, la promotion du patrimoine islamique dans ce qu’il a de meilleur, encourage les valeurs islamiques et éloigne son peuple des fléaux contemporains (tabac, drogue, alcool, usure, adultère, idolâtrie, racisme, …), aide autant que possible les résistants face aux injustes notoires, condamne les injustices et l’hypocrisie des états criminels, multiplie les initiatives pour aider les opprimés et unir les pays musulmans et instaurer la paix, alors on peut penser qu’il s’agit là d’un « bon gouverneur », malgré ses erreurs toujours possibles, son impuissance (involontaire) face à certaines tragédies, la complexité de la situation, le fait de devoir gérer en même temps la lutte contre plusieurs organisations terroristes, les hypocrites et espions dans le pays, les trahisons des « alliés », les attaques économiques, la protection de leurs intérêts dans différentes régions, etc.

La difficulté des obstacles à surmonter doit aussi être pris en compte : ignorance et dégénérescence d’un peuple, situation économique désastreuse, influence des multinationales, pouvoir militaire, soumission aux grandes puissances, pays revêtant une importance géostratégique, conflits tribaux, culturels, ethniques, religieux, etc., instabilité régionale, misère du pays, etc. Quand on prend tous ces facteurs en compte, on comprend aisément que redresser totalement un pays n’est guère chose aisée, et qu’il faudra du temps, surtout vu la situation médiocre des musulmans (à l’échelle collective, contrairement à l’échelle individuelle où des musulmans exceptionnels existent encore) sur les plans spirituel, intellectuel, moral, économique, militaire, etc., à l’exception de quelques pays musulmans. Quand on prend tout cela en compte, on ne peut qu’être admiratif devant des personnalités politiques comme Erbakan et Erdogan, malgré leurs défauts ou leurs erreurs.

Par ailleurs, beaucoup de musulmans ignorent que, avant de pouvoir aider d’autres pays, il faut d’abord consolider son pays d’origine, faire en sorte que la justice sociale, l’éducation et la sécurité soient bien assurées dans son pays d’origine, avant d’aider d’autres pays. Et connaissant aussi les mentalités nationalistes ou tribales, peu de dirigeants accepteront de suivre la politique d’une grande puissance de la région. C’est ce que disait aussi le Mullah ‘Umar, à savoir qu’il n’avait pas de prétention à dominer le monde musulman, mais que, une fois l’Afghanistan stabilisé, ceux qui demanderont son aide, pourront compter sur son soutien.

Ainsi, la protection des intérêts nationaux est une nécessité, mais en Islam, cela ne doit pas se faire au détriment de l’insécurité des autres pays, et, autant que possible, les intérêts nationaux doivent aussi en faire profiter les autres pays, pour éviter les crises, les tensions et les conflits.

Quant à ceux qui parlent sans arrêt de la Sharî’ah, tout en méconnaissant l’idéal islamique et ses principes, qu’ils méditent sur ces paroles, car celui qui n’assimile pas intérieurement les principes de l’islam, qui n’en manifeste pas extérieurement les nobles qualités morales, et qui n’aspire pas à atteindre l’idéal islamique, ne saurait être pris au sérieux ni être considéré comme un musulman vertueux et orthodoxe.
L’imâm Ar-Râghib Al-Asfahânî (m. 500 H) a dit dans Ad-Dharî’a ilâ Makârim : « Les plus belles pratiques de la Sharî’ah sont la sagesse, l’établissement de la justice entre les gens, la magnanimité, le bel-agir, la bienfaisance, lesquelles pratiques ont pour but d’atteindre le Paradis et d’être dans le giron du Seigneur de la Puissance ».

Muhammad ‘Imâra a dit dans Sahîfat al-Hayât (n°1086) : « L’Islam, en tant que Religion Divine, est un idéal ; quant à l’instauration et l’application de la religion par les humains, elles relèvent de la réalité. Or, il y aura toujours une marge entre la réalité et l’idéal. En raison de cette marge, il existe un stimulant qui pousse l’humain à tenter d’aller au-delà de la réalité et se rapprocher toujours plus de l’idéal visé. N’était cela, l’agenda de l’existence serait vide et les vivants connaitraient le désespoir ».

‘Abd Allâh al-Mâliki a dit : « De même, établir la justice et confirmer la vérité est une partie essentielle de la sharî’a de Dieu. De même, l’ordre de faire le bien et l’interdiction de faire le mal sont un des piliers de la sharî’a. De même, l’action de s’entraider dans la bienfaisance et la piété ou le fait de dire la vérité devant un chef inique représentent une partie principale de la sharî’a. Je dirais même plus, se rendre utile à autrui, bien traiter les animaux et les plantes, respecter et préserver l’environnement et la nature, font partie de la sharî’a.
Tout ce qui contribue à donner à l’homme sa dignité ou à la concrétiser ou à la renforcer, tout ce qui contribue à élever celui-ci matériellement et spirituellement, tout ce qui constitue une utilité ou une amélioration sur la terre relève de la sharî’a et constitue un moyen d’en établir les fondements. Toute œuvre, tout effort qui vise à écarter l’injustice, l’oppression ou empêche la corruption et le préjudice sur la terre, entre dans le cadre de la sharî’a »
(10).

L’approche graduelle et contextuelle dans l’application des peines légales, – contrairement à l’application des rites islamiques (prière, zakâh, jeûne du mois de Ramadan, Hajj, …) et des principes éthiques (interdiction du meurtre, du vol, du viol, de l’adultère, etc.) -, fait partie de l’Islam :

Ahmad rapporte dans son Musnad la parole prophétique suivante : « Enseignez, facilitez et ne rendez pas les choses difficiles, annoncez de bonnes nouvelles et ne faites pas fuir et lorsque l’un d’entre vous s’énerve qu’il se taise ».

Dans un débat historique opposant le Shaykh Ahmad Ibn Atâ’Llâh As-Sakandârî et le Shaykh Ibn Taymiyya, un élément de réponse intéressant concerne la façon dont ne doit pas être compris le principe islamique « d’ordonner le bien et interdire le blâmable ». Le Shaykh Ibn Atâ’Allâh As-Sakandarî dit : « Et l’Imam Ahmad – qu’Allâh soit satisfait de lui – critiqua les actions de certains de ses disciples qui avaient l’habitude d’aller en patrouille, brisant les tonneaux ouverts de vin (dans les magasins de leurs marchands chrétiens), déversant leur contenu par terre, bastonnant les chanteuses et confrontant les gens dans la rue. Tout cela, ils le firent au nom de prêcher le bien et interdire le mal. Cependant, l’Imam ne donna aucune fatwa les motivant à censurer ou réprimander tous ces gens. En conséquence, ces disciples (responsables de ces actions) furent fouettés, jetés en prison, assis à dos d’ânes à l’opposé c’est-à-dire faisant face à l’arrière de l’âne et défilant » (11).

On voit bien que sous prétexte d’ordonner le bien et d’interdire le mal, l’islam, et les grands savants de l’islam, n’ordonnent pas de le faire n’importe comment ou de façon brutale, car même si l’on veut interdire une chose clairement blâmable ou néfaste pour les gens (comme l’alcool, les styles de danse et de réunions qui mènent potentiellement à l’agression sexuelle, au relâchement des mœurs, aux conflits, à la fornication ou à l’adultère), ceux-ci n’accepteront pas toujours le bon conseil. Par conséquent, il existe des manières, des conditions, etc. avant d’appliquer une méthode visant à détruire les idoles, les boissons alcoolisées en public, etc.

Même si la Shar’îah, dans ses jugements, interdit une chose, l’application de cette interdiction ne doit pas toujours être appliquée quand le contexte ne s’y prête pas, ni sur l’ensemble des personnes, ni si l’on craint encore plus de mal et de rejet que de bien.

Si l’on craint un plus grand mal par une action (visant à l’origine à répandre le bien), alors il faut s’en abstenir, et privilégier une autre méthode (licite), qui doit être adoptée (la suspension d’une application pénale, fait partie du licite quand il y a une nécessité ou une circonstance atténuante), en vue d’éviter des plus grands maux. Parfois, certains sont bien intentionnés mais sont trop brutaux et effraient les gens, malgré qu’il s’agisse de condamner une pratique blâmable, mais l’islam interdit une telle méthode de façon générale, et ce sont alors les auteurs de la méthode brutale qui doivent être sanctionnés pour avoir effrayé ou brutalisé les gens.

Il y a aussi le célèbre cas du hadîth rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh, où un juif testa le Prophète et lui avait manqué quelque peu de respect, alors ‘Umar s’énerva et effraya “involontairement” le juif, et le Prophète dit à ‘Umar de ne pas agir ainsi, et un dédommagement fut donné au juif, et ce dernier se convertira plus tard à l’islam, en ayant vu les signes de la prophétie sur le Prophète Muhammad, – ‘alayhî salât wa salâm -.

Ibn Taymiyya écrit dans son Majmû al-Fatawâ (28/204) à propos d’un verset du Qur’ân : « Ce (verset) signifie qu’il ne doit pas assister aux actes de mal sans qu’il soit dans le besoin (“hâja”) de le faire. Par exemple qu’il s’assoie auprès de gens qui boivent l’alcool (…) ». Dans le même recueil (28/239) il dit : « Il n’est pas permis à quelqu’un d’être présent en des lieux où il assiste à des actions interdites, alors qu’il ne peut pas inviter à les délaisser, sauf pour une raison valable, comme le fait qu’il y ait là-bas quelque chose dont il a besoin pour la maslaha de son dîn ou de son dunyâ et pour lequel il a besoin d’y assister ; ou qu’il y soit contraint (muk’rah) ; par contre, y assister pour le simple divertissement n’est pas autorisé ».

Un jour, le pieux salaf ‘Umar ibn ‘abd’al-‘Azîz fut ainsi questionné par son fils Abd al-Malik : « « Père, pourquoi n’appliques-tu pas [toutes] les choses ? Je ne me soucie pas que moi et toi ayons à supporter des difficultés à cause de la vérité ». Le calife répondit : “Ne te presse pas, mon fils. Car Allâh a, dans le Qur’ân, critiqué deux fois l’alcool, (puis,) la troisième fois, l’a interdit. Je crains que si j’applique d’un coup aux gens (tout) ce qui est vrai, ils rejettent d’un coup (tout ce qui est vrai) ; et que naisse à cause de cela une fitna (tentation, trouble, chaos) » (12). Le statut juridique concernant la consommation d’alcool a été classifié parmi les interdits en l’an 8 de l’hégire, et cette interdiction est entérinée et catégorique, et n’est pas rétroactive. Religieusement parlant, tout musulman est donc tenu de respecter cet interdit. Mais en cas d’infraction, les musulmans de la masse ne peuvent pas sanctionner pénalement ou physiquement celui qui enfreint cette règle, et les autorités musulmanes compétentes ne peuvent pas le faire non plus si le contexte ne le permet pas. Si cela était déjà le cas à l’époque des tabi’in et des disciples des tabi’in, donc parmi la génération des salafs dont certains avaient connu des compagnons du Prophète, que dire pour notre époque, où les musulmans sont encore plus éloignés de la foi et de la moralité.

Ibn al-Qayyîm dans A’lâm ul-muwaqqi’în (4/169) a dit : « L’idéal (al-wâjib) est une chose et la réalité (al-wâqi’) est une chose. Le juriste (perspicace) est celui qui fait le lien entre idéal et réalité et applique l’idéal en fonction des possibilités. Ce n’est pas celui qui provoque l’inimitié entre idéal et réalité ».

Al-Bukharî rapporte dans son Sahîh, que ‘Aîsha (qu’Allâh l’agrée) a dit : « Parmi les premiers passages qurâniques à avoir été révélés se trouve une Sûrah parmi les Sûrah mufassal, dans laquelle il est question du Paradis et de l’Enfer. C’est ensuite, lorsque les hommes furent retournés à l’islam, que le licite et l’illicite furent révélés. Si dès le début Allâh avait révélé : « Ne buvez plus d’alcool », les hommes auraient dit : « Nous ne le délaisserons jamais ! ». Si dès le début Allâh avait révélé : « Ne commettez plus l’adultère ! », les hommes auraient dit : « Nous ne la délaisserons jamais ! »… ».

Ibn Mâjah dans ses Sunan rapporte que Jundub ibn Abdillâh raconte lui aussi la même expérience, vécue en la compagnie du Prophète : « Nous étions, jeunes hommes, auprès du Prophète. Nous apprîmes alors la foi avant d’apprendre le Qur’ân [nda : les lois qurâniques dans ce contexte]. Puis nous apprîmes le Qur’ân, ce qui fit augmenter notre foi ».

L’imâm An-Nawawî rapporte dans son Sharh Muslim (1/198) : « (…) et parce que le Prophète (‘alayhî salât wa salâm) a conféré un ordre à suivre dans l’invitation à l’islam, et a commencé par le plus important, ensuite l’important. Ne vois-tu pas qu’il a parlé d’abord de la prière puis de l’aumône obligatoire, alors que personne n’a dit (qu’après l’acceptation de l’islam) l’homme devenait redevable de la prière mais pas de l’aumône ? ».

Lorsqu’il avait envoyé Mu’âdh ainsi que Abû Mûssâ au Yémen, le Prophète leur avait également recommandé ceci : « Rendez facile et non difficile. Donnez la bonne nouvelle et ne faites pas fuir ». An-Nawawî dit dans son Sharh Muslim (12/41) au sujet de ce hadîth : « Dans ce hadîth il y a l’ordre de donner la bonne nouvelle de la Grâce d’Allâh, de Sa grande rétribution, de Son grand don et de Son immense Miséricorde, et il y a l’interdiction de faire fuir par la seule mention de ce qui fait peur et de différents types de menace (de châtiment) sans y adjoindre aussi le fait de donner la bonne nouvelle. Et dans ce (hadîth) il y a aussi l'(enseignement) d’être doux avec ceux qui se sont récemment convertis, de même qu’avec ceux qui sont enfants et adolescents, de même qu’avec ceux qui se sont repentis : il faut être doux avec eux et leur communiquer progressivement les actes de dévotion. Les enseignements de l’islam ont été révélés progressivement. Si on rend les choses faciles pour celui qui entre dans la dévotion ou qui veut y entrer, elles seront faciles pour lui, et le plus souvent le résultat sera qu’il augmentera ces (actes). Mais si on rend ces choses difficiles pour lui, il ne se mettra pas à les pratiquer ; et s’il les pratique, il ne le fera pas continuellement ou ne les appréciera pas ».

Wa Allâhu a’lam.

Notes :

(1) Cela vaut aussi bien pour les musulmans que pour les non-musulmans, et cela peu importe leur tendance sociétale (conservateurs, libéraux, marxistes, patriotes, identitaires, etc.). Certains sont parfois même « naïfs » et « idéalistes » en même temps, naïfs car ils pensent qu’il suffit qu’un autre parti soit au pouvoir pour que les choses changent concrètement, et idéalistes car ils pensent toujours qu’un gouvernement « parfait » pourrait voir le jour dans ces conditions, alors que, outre le fait que les « démocraties occidentales » ne sont pas totalement démocratiques et que le pouvoir est surtout détenu par des multinationales et quelques cercles « occultes », d’autre part, c’est le concept même de « démocratie » qui pose problème dans son aspect législatif essentiellement, mais aussi dans son aspect consultatif. Si la majorité doit voter pour un candidat qui se présente, et si c’est la majorité qui doit décider de ce qui est bien ou mauvais, cela nous renvoie à la problématique du nazisme (pour un exemple de cas pas si lointain que ça), où la majorité avait élu ce parti et son dirigeant aussi bien célèbre, et où c’était aussi la majorité soutenant ce parti, qui décrétait ce qui était bon ou mauvais, utile ou inutile, obligatoire ou non, etc., allant à l’encontre du Droit Divin, du vivre-ensemble, de la « morale universelle », etc., bien que certaines valeurs prônées étaient louables (comme la discipline, l’organisation, le travail, etc.). Beaucoup ne savent pas non plus ce qui est bon et mauvais pour eux (le tabac, l’alcool, la drogue, l’adultère, la fornication, le laxisme, le fanatisme sous toutes ses formes idéologiques et culturelles, etc.), car beaucoup de vices élevés au rang de « vertus » sont promus ou banalisés, et que beaucoup sont donc « esclaves » des vices, et ne peuvent donc penser et agir convenablement alors qu’ils sont addicts et « soumis » à des choses et des idéologies nocives. De même, nombreux sont les gens qui ne savent même pas définir convenablement leur conception de la « démocratie », de la « laïcité », de la « tolérance » ou du « Progrès », les conceptions étant souvent individuelles, il y a presque donc autant de « définitions/conceptions » que de personnes qui y adhèrent sans trop savoir pourquoi, car relevant de l’opinion personnelle (certes répandue à notre époque) mais qui ne s’appuie sur aucune instance spirituelle et religieuse, ni sur aucun principe rationnel et universellement admis. Paradoxalement, un grand nombre de « démocrates » et de « laïcs » s’insurgent contre l’incompétence, les « trahisons », la corruption  et les abus de leurs élites politiques (surtout en France, mais aussi dans les autres pays occidentaux), mais étant endoctrinés par les superstitions modernes, sont incapables de sortir de cette impasse et s’accrochent tant bien que mal à ces chimères contre lesquelles ils s’opposent dans la pratique la plupart du temps, mais dont ils ne veulent pas se séparer dans la théorie.

(2) Que ce soit dans le monde arabe, européen, asiatique, caucasien ou autre, nombreux sont encore les citoyens qui vouent un « culte » aux « hommes forts » sur le plan politique, en les idéalisant, – et parfois même en les idolâtrant totalement -, alors qu’ils ont commis des massacres, des abus, ont tenu des discours contradictoires, ont souscrit à des idéologies foncièrement erronées ou superstitieuses, etc.

(3) Les puissances occidentales, loin d’avoir été des facteurs de stabilité et de prospérité dans la région, ont, depuis le 19e siècle, apporté ou renforcé le chaos, les divisions, les malheurs et les massacres de grande ampleur dans toute la région.

(4) Les mouvements laïcs et matérialistes ont été incapables de résoudre quoi que ce soit dans la région. Leur incompétence, doublée souvent d’une répression violente, ont même permis à des mouvements radicaux, soit marxistes, soit “islamistes”, de naitre et de grandir, engendrant de nouveaux conflits, orchestrés ou instrumentalisés ensuite par des puissances occidentales ou des régimes dictatoriaux de la région. Quant aux mouvements laïcs pacifistes encore peu influents dans la région, ils sont naïfs et ignorent les solutions réelles aux maux qui touchent les sociétés arabes et non-arabes dans le monde musulman. Alors même que les modèles actuels des pays laïcs et démocratiques en Occident échouent et sont sans cesse contester par de nombreux non-musulmans (y compris des politologues, sociologues, philosophes, économistes et d’autres), ils ont encore 30 ans de retard sur les enjeux actuels et leur myopie intellectuelle ne leur permette pas d’identifier les véritables racines des problèmes actuels, ni les solutions appropriées.

(5) Bien qu’au sens large, le salafisme est un « produit dérivé » du monde sunnite, en même qu’un produit du modernisme, au sens restreint cependant, les différences sont nombreuses entre le salafisme et le sunnisme traditionnel/classique, d’où la nécessité de bien marquer la distinction entre les deux.

(6) Reste à voir ce qu’il en est dans la pratique, car les abus sont toujours possibles, et de toute façon, même les mouvements wahhabites les plus radicaux n’ont pas tué autant de civils que les forces américaines, russes et européennes, etc. sur le même laps de temps.

(7) Comme l’explique bien Ibn Taymiyya, notamment dans son Majmû al-Fatawâ et dans la Fatwa de Mardin. Le Shaykh Ibn Taymiyya dit dans Majmû’ ul-fatâwâ (19/217-219) : « [Par rapport au fait qu’Allâh ne charge une âme que de ce dont elle est capable, fait évoqué dans les lignes précédentes,] de même en est-il de celui des non-musulmans à qui le message du Prophète (qu’Allâh lui accorde Sa Grâce et le salue) parvient en terre non-musulmane (Dâr ul-kufr), qui sait qu’il est (vraiment) messager d’Allâh, apporte alors foi en lui et apporte foi en ce qui a été descendu sur lui, adhère à la piété (taqwâ) autant qu’il le peut – comme l’ont fait le Négus et autre que lui –, ne peut émigrer en terre musulmane (Dâr ul-islâm) ni ne peut adhérer [concrètement] à toutes les prescriptions de l’islam – vu qu’il est empêché d’émigrer et empêché de montrer ouvertement son dîn –, et n’a pas auprès lui qui lui enseignerait toutes les prescriptions de l’islam : celui-là est un mu’min, faisant partie des gens du Paradis.

Ce fut le cas du croyant parmi la famille de Pharaon vis-à-vis du peuple de Pharaon. Ce fut le cas de la femme de Pharaon.

Ce fut même le cas de Joseph le véridique – sur lui soit la paix – avec les gens d’Egypte : ceux-ci étaient incroyants, et il ne lui était pas possible de faire vis-à-vis d’eux tout ce qu’il connaissait du dîn ul-islâm ; car il les avait invités au monothéisme et à la foi, et ils ne l’avaient pas suivi. Allâh relate ainsi du croyant de la famille de Pharaon [qu’il dit aux Egyptiens de l’époque de Moïse, soit bien après l’époque de Joseph] : “Et Joseph vous avait auparavant apporté les preuves évidentes. Vous n’aviez alors cessé d’être dans un doute au sujet de ce qu’il vous avait apporté. Jusqu’à ce que quand il mourut, vous dîtes : “Allâh n’enverra jamais plus après lui de Messager”” [Qur’ân 40, 34].

Souvent un musulman accède au poste de juge ou même de dirigeant, parmi les Musulmans et parmi les Tatars [= les Mongols], et en son âme se trouvent des choses de justice qu’il voudrait pratiquer [= appliquer], (mais) il ne le peut pas : il se trouve là-bas (des hommes) qui l’en empêche(nt). “Dieu ne charge une âme que de ce dont elle est capable”. De même en fut-il du Négus [Ashama] ; même s’il était le roi des chrétiens [d’Abyssinie], son peuple ne le suivit pas dans l’entrée en islam ; seul un petit groupe entra en islam avec lui. Et c’est pourquoi quand il mourut il n’y eut là-bas personne pour accomplir la prière funéraire sur lui ; le Prophète l’accomplit alors sur lui à Médine. (…) Le Négus, il ne lui était pas possible de juger d’après le hukm du Qur’ân ; car son peuple ne l’aurait pas laissé faire cela.

‘Umar ibn ‘Abd il-‘Azîz fit face à de l’inimitié et à des torts pour certaines choses de justice qu’il établit ; on dit (même) qu’il fut empoisonné pour cela.

Le Négus et ses semblables seront heureux dans le Paradis, même s’ils n’ont pas adhéré [en actes], parmi les prescriptions de l’islam, à ce à quoi ils n’avaient pas la capacité d’adhérer [en actes] ; ils faisaient le hukm par les ahkâm dont il leur était possible de faire le hukm par elles” ».

At-Tabarî dans son Tafsîr, parle aussi du fait que le takfir/kufr ne concerne pas tous les gouverneurs (musulmans) qui ne jugent pas d’après la Sharî’ah. Un ouvrage intitulé La participation politique et l’islam par Mohamed Jamel-Eddine Fredj (aux éditions Hanif) sera bientôt publié en 2020, inchaAllâh, abordera cette problématique. De même, déjà à l’époque des salafs, certaines peines légales étaient suspendues, soit en raison de la famine, soit pour éviter que le peuple dont une partie était encore ignorant et trop faible moralement pour s’éloigner des vices comme l’alcool -, se révolte. Le but de la Sharî’ah est d’assurer la sécurité, le vivre-ensemble, et d’empêcher la prolifération des fléaux. Selon les contextes et les situations, la force doit être interdite ou préconisée, mais jamais la violence ou la répression.

(8) Le cas d’Atatürk reste complexe, car il y a des témoignages contradictoires sur ses propos et ses convictions. Pour autant, il est évident que sa politique de sécularisation et sa vision quelque peu « matérialiste » et dictatoriale étaient incompatibles avec l’Islam, et qu’il était au moins, – si l’on concède sa sincérité -, naïf et « victime » des idéologies (et superstitions) modernes de son temps (matérialisme, positivisme, nationalisme, racialisme, darwinisme social, scientisme, etc.), et que malgré ses quelques victoires militaires (que l’on doit essentiellement aux commandants et imâms de l’époque), il perdit aussi d’importantes batailles (lui et ses prédécesseurs parmi les « nationalistes/modernistes ») et que la Turquie moderne ne connut guère la prospérité et l’indépendance réelle dans les décennies qui suivirent. Quant aux kémalistes, certains sont tout simplement mal informés, le pensant réellement musulmans, tandis que d’autres sont des laïcards et/ou nationalistes assez fanatiques et violents, – certains allant même jusqu’à l’idolâtrer -.

(9) Les talibans ne constituent plus du tout un mouvement homogène. Certains suivent une tendance très radicale (qu’ils soient salafistes ou non) tandis que d’autres sont bien plus pondérés et orthodoxes (les déobandi parmi eux), bien que certains continuent d’avoir un caractère assez dur. Beaucoup se montrent plus souples envers l’art et la musique, encouragent les filles à s’éduquer, luttent contre la criminalité, interdisent le meurtre de civils, etc., tandis que d’autres, sont beaucoup plus durs, influencés par d’autres mouvements, – réellement terroristes -.

(10) ‘Abd Allâh al-Mâliki, La souveraineté de la Umma passe avant l’application de la Sharî’a, éd. Maison d’Ennour, 2018, p.41, traduit par le Shaykh Corentin Pabiot ; cité aussi par Ahmad Ar-Rîsûnî dans Al-Fikr al-islamî wa Qadâyâ-nâ as-Siyâsiya al-Mu’âsira, p. 83.

(11) Voir Ibn al-`Imad dans Shadharat al-dhahab 1350/1931, 6/20f ; al-Zirikly dans al-A`lam 1405/1984, 1/221 ; Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans al-Durar al-kamina 1348/1929, 1/148-273 ; Al-Maqrizi dans Kitab al-sulûk 1934-1958, 2/40-94 ; Ibn Kathir dans al-Bidaya wa al-nihaya 1351/1932, 14/45 ; As-Subkî dans Tabaqat al-Shafi`iyya 1324/1906, 5/177f. et 9/23f ; As-Suyûtî, dans Husn al-muhadara fi akhbar mirs wa al-qahira 1299/1880 et d’autres encore.

(12) Rapporté par As-Shatibî dans Al-Muwâfaqât, 1/402.


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