Face aux manipulations ou aux confusions propagées par des orientalistes, des coranistes ou des wahhabis et d’autres courants idéologiques, une suspicion généralisée concernant l’ensemble des ahadiths s’est répandue auprès des gens de la masse et de certains académiciens. Cette défiance s’explique en partie par l’imposition des superstitions et croyances modernes (scientisme, matérialisme, laïcisme, new-âge, etc.) mais aussi par l’existence de certains ahadiths faux, décontextualisés ou dont le sens apparent (qui n’était pas le sens voulu) en ont induit en erreur plus d’un. Soit que le hadith était faux, soit que le hadith – jugé sahîh selon certains critères – présentait ou bien des défauts cachés, ou bien dont le sens voulu était autre que le sens apparent (qui contredisait le Qur’ân, l’expérience, les principes de la Religion, un hadith sahih notoire, etc.).
Le grand imâm du Hadith de son temps, le juriste (hanbalite puis shafiite), théologien (devenu asharite), historien, exégète, linguiste, ascète et rattaché au Tasawwuf, al-Khatib al-Baghdadî (392 H/1002 – 463 H/1071) a dit dans al-Faqîh wal-Mutafaqqih (1/354) : « Si la personne sûre et digne de confiance rapporte une information dont la chaine de transmission est continue, celle-ci peut être rejetée par plusieurs points (…) c’est qu’elle contredise les implications de l’intellect (mûjibât al-‘uqûl), alors on aura su sa fausseté, car la Législation existe par ce que l’intellect rend possible (mujawwizât al-‘uqûl) et certainement pas par ce qui la contredit (khilâf al-‘uqûl). Le second c’est qu’elle contredise le Livre ou la Sunnah notoire [dont la concordance est répandue], alors on aura su que [l’information] n’a aucun fondement ou qu’elle a été abrogée ».
En effet, même si l’isnad (chaine) peut être jugée sahih (authentifié), l’énoncé (matn), lui, ne l’est pas forcément. Tout d’abord, même si l’énoncé est sahih il faut voir si le sens voulu diffère du sens apparent (qui peut contredire le Qur’ân ou une pratique notoire), et resituer le hadith dans son contexte d’origine qui peut clarifier la situation.
Ensuite, dans le cas où aucune interprétation possible ne soit valide (conforme au Qur’ân, à la Sunnah bien établie, à la pratique répandue des Compagnons, à l’intellect, à l’observation et à la Voie spirituelle), alors l’énoncé comporte forcément un problème ou un défaut quelque part; soit que les mots choisis ont été changés (sachant aussi que certains mots évoluent avec le temps et selon les régions pour désigner certaines choses), soit que le contexte est manquant et ne peut donc pas nous éclairer sur le sens réel du hadith, etc. C’est d’ailleurs l’un des principaux problèmes dans le domaine de la jurisprudence (qu’elle soit musulmane, juive, chrétienne, laïque ou autre d’ailleurs) ; quand certains savants autorisent tout ou interdisent tout sans aucune nuance et sans prendre en compte les exceptions ou les situations différentes, ce qui engendre de nombreux déséquilibres et malentendus qui plongent les gens dans une confusion malsaine, et cela simplement en se basant sur une mauvaise compréhension des textes ou avis plus anciens car s’inscrivant soit dans un contexte particulier, soit que les avis anciens en question ont été abandonnés et revus par la suite par leurs auteurs respectifs ou encore qu’on avait imputé à tort aux « anciens » des avis qu’ils n’avaient en réalité pas défendus, ou alors seulement dans un cas restreint et exceptionnel. De même certains mots ou avis sont prononcés dans un cadre spécifique, mais ceux qui viennent après eux, ignorant la réalité et les particularités du cadre spécifique, ont ensuite généralisé et « sacralisés » de façon erronée et fallacieuse une « interdiction contextuelle » pour en faire une « interdiction générale ou absolue », et ce faisant, lorsque les pratiques interdites ne contenaient pourtant aucun mal ni aucune contradiction réelle avec la Loi divine et ses principes, provoquent des doutes ou des troubles chez ceux qui aspirent à la sagesse, à la connaissance et à la cohérence.
Aussi, un hadith même sahîh ne peut pas abroger ou primer sur le Qur’ân ou une pratique notoire pratiquée par tous les Musulmans depuis l’époque des Sahâba (et dont le fondement est islamique et éthique), ni sur les preuves fournies par l’intellect ou la réalisation spirituelle.
Le juge (notamment à Baghdâd et à Basra), ussûlî, muhaddith, exégète, logicien et juriste hanafite du Salaf Abû Mûssâ ‘Issâ Ibn Abân (m. 221 H/836) concernant le Hadith rapportait que les premiers savants de l’Islam adoptaient une approche plus critique du Hadith, rejetant les ahadiths qui contredisaient le Qur’ân ou la Sunnah bien établie (et mise en pratique par la majorité des Sahâba et tabi’în), ou encore ceux qui décrivaient un événement qui aurait du être plus largement rapporté s’il avait vraiment eu lieu. Enfin, il rappelle que l’intellect, la rationalité et l’observation devaient constituer des critères supérieurs (en plus des principes religieux et du Qur’ân) pour juger de la validité d’un hadith plutôt que son isnâd seul (chaine de transmission et des rapporteurs). L’imâm hanafite Abû Bakr al-Jassâs (m. 370 H/981) cite sa méthodologie dans Al-Ussûl fi al-Fussûl.
Ce qui rejoint aussi le point de vue de l’imâm du Hadîth, théologien, juriste, Sûfi, historien, logicien et exégète Al-Khatîb al-Baghdadi (m. 463 H/1071) dans al-Kifâya fī maʿrifat uṣsûl ʿilm al-riwâya (1/89) et dans son autre ouvrage que nous avions déjà cité. Et Al-Khatib fut aussi l’élève du célèbre Shaykh ul-Islâm, muhaddith, historien, juriste, exégète, médecin, logicien, théologien et Sûfi Abû Nu’aym al-Isbahânî .
L’imâm, Shaykh et Sûfi du Salaf Shâh al-Kirmânî (m. 300 H/900) mettra aussi l’accent sur la perspicacité et expérience d’ordre spirituel afin de distinguer les vrais ahadiths des faux concernant le matn (énoncé), indépendamment de l’isnad (chaine), justifiant aussi cette pratique à partir du Qur’ân et du célèbre hadith prophétique : « Méfiez-vous de la perspicacité spirituelle du croyant car il voit et perçoit avec la Lumière divine », propos cité aussi par le Shaykh Jamâl ad-Dîn Al-Qâssimî dans ses Qawâ’îd (pp. 172-174).
L’imâm, Shaykh, muhaddith et juriste hanafite Abû Jâ’far at-Tahâwî (m. 321 H/932) dira dans son Sharh Mushkil al-athâr (15/346) sur la base du hadîth et d’un athâr disant de prendre en compte également la fitra (conscience humaine primordiale) concernant les notions universellement reconnues de bien (et louable) et de mal (et blâmable) dans nos prises de décision. Il rapporte aussi cet athâr rapporté par ‘Alî et Ibn Mas’ûd : « Si l’on vous dit un hadith du Prophète, pensez (et interprétez-le selon) à ce qui est le plus approprié, le plus conforme à la piété et à la justice, et le mieux guidé (pour se rapprocher d’Alllâh, de la vertu et de la sagesse) ».
L’imâm, Shaykh ul Islâm, mujaddîd et mujtâhid Ibn Daqîq al-‘Îd (m. 702 H/1302) – l’un des grands maîtres de l’imâm Ad-Dhahabî – dans al-Iqtirâḥ fî bayân al-iṣṭilâḥ développera aussi le critère de l’expérience (spirituelle, éthique et littéraire) pour identifier les ahadiths déformés ou inventés, car ne respectant pas les formes et fonds des paroles prophétiques bien connues. La réalisation de la spiritualité et de la piété religieuse, peut donc offrir un critère supplémentaire pour identifier les faux ahadiths, critère repris et approuvé par le Shaykh Ibn Taymiyya également dans Majmû’ al-Fatâwâ (20/26), conformément au Qur’ân.
L’imâm Ibn al-Jawzî (m. 597 H/1201) quant à lui dira : « Sachez que n’importe quel hadith (dans son contenu) que vous verrez contredisant ce qui est connu par l’intellect (al-ma’qûl) ou contredisant les principes fondamentaux (al-ussûl), sachez qu’il est alors forgé », propos rapporté aussi par le Shaykh du Hadith Ahmad al-Ghumarî (m. 1960) dans al-Mathnûnî wa’l-battâr fī naḥr al-ʿanīd al-miʿthār al-ṭāʿin fî-mâ ṣaḥḥa min al-Sunân wa’l-âthâr.
Toujours Ibn al-Jawzî dans son Kitâb al-Mawdû’ât (1/103) dira : « Les ahâdiths inacceptables (et forgés) font frémir l’étudiant (aspirant à la piété) et son cœur les déteste en général ».
L’imâm, muhaddith et juriste shafi’ite Ibn Khuzayma (m. 311 H/923) dira dans son Kitâb at-Tawhîd que si le hadith est sahih dans son isnad il faut alors l’interpréter par les principes de la Religion et ahadiths mutawatir de la Sunnah et non pas de façon isolée ou absolue (s’il contredit les principes et autres ahadiths). Ce que dira aussi l’imâm hanafite Abû Bakr al-Jassâs (m. 370 H/981) dans Ussûl al-Jassâs (1/107-109) : « La décision d’un récit qui semble contredire la décision du Qur’ân ou de la Sunnah bien établie (al-Sunnah al-thâbita) doit être interprétée de manière correcte si possible et non comprise (ou appliquée) d’une manière qui contredit ces 2 sources ».
Ibn Kathîr (m. 774 H/1373) dans son Tafsîr dira aussi que le Prophète (ﷺ) ne faisait qu’ordonner et encourager ce qui était bon, utile et bien, et interdire ce qui était mauvais ou répréhensible.
L’imâm Ad-Dârimî (m. 255 H/869) dans ses Sûnan (introduction, bâb 50) rapporte le récit d’Ibn Abbâs concernant l’interprétation du hadith : « Si vous m’entendez rapporter quelque chose du Messager d’Allâh mais que vous ne le trouvez pas en accord avec le Livre (Qur’ân) ou accepté parmi les gens de bien, alors sachez que je lui ai attribué quelque chose de faux ».
Les premiers Musulmans (Sunnites, Mu’tazilites, Ibadites, Shiites et Zaydites) se sont influencés mutuellement dans leur approche critique du Hadith, puisque c’est souvent en « réaction de » (d’une doctrine avancée par un groupe) – ayant soit déformé de vrais ahadiths soit en ayant propagé des faux – que les autres tenteront d’affiner ou développer leur approche par tout un appareil critique concernant la chaine et les rapporteurs ainsi que l’énoncé (matn) en lui-même (par des éléments historiques, logiques, linguistiques, spirituels, principiologiques, etc.).
Les mu’tazilites ont été influencés par les sunnites et vice-versa. Et d’autres passaient d’un courant à l’autre au bout d’un moment aussi.
Cela n’a cependant pas évité, chez ces grands imâms du Hadith et de la logique, d’avoir accepté parfois certains récits douteux, soit car cela était conforme à la coutume de leur époque ou à leur idéologie, soit parce que dans la pratique cela ne les concernait pas ou n’étaient pas vraiment appliqués (et ne suscitaient donc pas de polémiques exigeant de mener des investigations plus poussées).
Chaque époque se vit différemment dans ses modalités et ses éléments culturels, et il ne convient pas aux Musulmans de « fouiller » dans l’histoire ou le patrimoine juridique pour appliquer ou répandre des avis culturels qui ne sont plus adaptés à notre époque, alors même qu’ils ne relèvent ni des obligations religieuses, ni des nobles principes et préceptes de la Religion, ni des actes recommandés en matière d’éthique ou de culte, ce qui doit pourtant animer les Musulmans en premier lieu, plutôt que l’assouvissement de leurs viles passions ou l’application de coutumes culturelles déviantes, malsaines ou obsolètes.
L’imâm Ad-Dhahâbî dans son Siyar A’lâm An-Nubalâ (10/92-93) a écrit : « S’il apparaît évident que des paroles de savants [contre d’autres ont été proférées] par passion et par discrimination, alors on ne les prend pas en compte, et on ne les rapporte pas. C’est la règle qui fut appliquée pour les paroles et les disputes entre les Compagnons -qu’Allâh les agrées-. Cependant, ces paroles souvent discontinues et faibles et dont certaines sont mensongères, sont toujours rapportées dans les livres. Alors, il convient de les cacher, de les rendre inexistantes, afin que les cœurs restent purs et se consacrent entièrement à l’amour des Compagnons et demander à Allâh de les agréer. L’accès à ces paroles doit être interdit au public et à certains savants. Cependant, on peut permettre à un savant juste, dépourvu de passion de lire cela à l’écart, à condition qu’il demande pardon en leur faveur, comme Allâh nous l’a appris, car Il dit : « Et [il appartient également] à ceux qui sont venus après eux en disant : « Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos frères qui nous ont précédés dans la Foi ; et ne met dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos frères (et sœurs) qui nous ont précédés dans la foi ; et ne met dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru » (Qur’ân 59, 10). Car ces gens ont de bons antécédents et des œuvres qui expient ce qu’il y a eu entre eux, ils ont un ijtihad qui efface [les péchés] et une adoration purifiante. Et nous ne sommes pas de ceux qui exagèrent les louanges de l’un d’entre eux, et nous ne prétendons pas qu’ils sont infaillibles […]. Ensuite, certains parmi les Tabi‘în ont parlé contre d’autres, se sont livrés combat et des choses qu’il n’est pas possible d’expliquer se sont passées. Il n’y a donc aucun intérêt à les diffuser. Il est survenu dans les livres d’histoire, et ceux de la récusation et d’agrément, des faits surprenants. Celui qui est doué de raison est celui qui juge sa propre personne, et parmi les caractéristiques du bon musulman, il y a le fait d’abandonner ce qui ne le concerne pas, et [sachez que] la chair des savants est empoisonnée ».
L’Islam est une Religion bénie, mais qui a été parfois souillée par certains savants déviants, l’erreur ou l’injustice de certains dirigeants, ou mal comprise par un certain nombre d’ignorants ou de fanatiques.
Pourtant, la Sunnah purifiée, éclairée par le Qur’ân regorge de sagesses, d’enseignements utiles et d’informations diverses fiables, si l’on fait abstraction évidemment des ahadiths douteux, qui sont souvent le fruit d’une confusion ou d’une manipulation visant à imputer faussement au Prophète (ﷺ) (ou à certains Sahâba) des pratiques culturelles qui étaient soit autorisées mais qui n’avaient aucune vocation universelle, soit qui étaient honteuses ou déviantes et que les principes de l’islam condamnent plus ou moins clairement.
Dans le Qur’ân, on trouve plusieurs versets qui réfutent la croyance des « coranistes », et notamment ceux-ci : « Il ne conviendrait pas à un être humain à qui Allâh a donné le Livre, le jugement et la prophétie, de dire ensuite aux gens : « Soyez mes serviteurs obéissants, en dehors d’Allâh ». Bien au contraire : soyez des savants au service du Seigneur, selon ce que vous savez du Livre et selon ce que vous en apprenez. Et il ne vous commanderait nullement de prendre pour seigneurs anges et prophètes. Vous commanderait-il de rejeter la foi, vous qui êtes consacrés (à Lui) ? » (Qur’ân 3, 79-80).
Ce verset réfute le coranisme puisqu’Allâh évoque 3 choses qui font partie de la foi qu’Il agréée, à savoir le Livre (Qur’ân ; la Révélation), le jugement (l’explication donnée par le Prophète ; Sunnah purifiée) et la Prophétie (les signes et prédictions prophétiques notamment).
Le verset nous indique aussi cependant, et de façon claire, qu’il est interdit d’idolâtrer des Prophètes et des savants malgré leur rang et leur statut, ou de suivre des avis qui seraient contraires à la Révélation.
En ce qui concerne les Prophètes, il ne convient pas de les imiter dans certaines fautes (involontaires) qu’ils auraient pu commettre, ni forcément les suivre aveuglément dans leurs préférences personnelles (vestimentaires, culturelles, gastronomiques, etc.) qui ne relèvent pas de l’Ordre divin (en tant qu’injonctions divines et universelles à suivre). Dans ce cas de figure, ne s’agissant pas d’ordres/préceptes religieux, le croyant est libre d’imiter ou non les Prophètes (sauf dans les erreurs/fautes évoquées dans le Qur’ân, et où Allâh les exhorta à corriger leurs fautes ou leurs erreurs de jugement), sauf si le contexte ne le permet pas.
D’autres versets évoquent aussi l’importance du Qur’ân, de la Sunnah et de la spiritualité : « Ainsi, Nous avons envoyé parmi vous un Messager de chez vous qui vous récite Nos versets, vous purifie, vous enseigne le Livre et la Sagesse et vous enseigne ce que vous ne saviez pas » (Qur’ân 2, 151).
« C’est à eux que Nous avons apporté le Livre (la Révélation), la Sagesse (spirituelle) et la Prophétie. Si ces autres-là n’y croient pas, du moins Nous avons confié ces choses à des gens qui ne les nient pas » (Qur’ân 6, 89).
La Sagesse englobe la Sunnah tout en étant plus large que son sens technique. La Sunnah peut ainsi se référer à tout ce qui a été enseigné explicitement ou implicitement (toutes les formes de sagesse, d’œuvres de bienfaisance, de méditation, de réflexion, etc.) dans le Modèle Muhammadien.
Il ne faut pas confondre ici « Sunnah » et « Hadith » : la Sunnah est préservée par Allâh (l’ensemble des enseignements du Prophète ﷺ), tandis que le Hadith peut être rejeté ou accepté selon sa concordance avec la Révélation et sa fiabilité dans l’isnad/chaine et le matn/énoncé ; et si le hadith est ahâd et jugé sahih, il ne faut l’accepter que s’il est conforme au Qur’ân, à ce qui a été confirmé de façon notoire par le Prophète ﷺ en termes de rites, d’éthique, de morale, de gouvernance, de spiritualité, de théologie, etc., et qui ne contredit pas non plus les principes de l’intellect et ce qui est de l’ordre du possible, car si ce n’est pas le cas, il est alors douteux – au moins dans la façon dont le propos a été rapporté ou déformé -, et ne doit donc pas être appliqué, comme l’ont expliqué aussi des savants comme Al-Khatib al-Baghdadi, Ibn Kathir et d’autres car il se peut que la chaine ou l’énoncé comportent des défauts cachés.
Allâh a dit : « En effet, c’est Nous qui avons envoyé et fait descendre le Rappel (ad-Dhikr), et c’est bien Nous qui en sommes gardien (en le protégeant et préservant) » (Qur’ân 15, 9). Et le Rappel ici, désigne aussi bien le Qur’ân, la Sunnah, que la Sagesse (de façon générale), la spiritualité, etc. Et les manières de conserver et protéger le Rappel sont multiples : par les recueils écrits, la tradition orale, l’exemple (et la compagnie) des maîtres spirituels véridiques et des savants vertueux et clairvoyants, etc., et qui réfutent ou dissipent les mensonges des menteurs, les transgressions des criminels ou l’ignorance des charlatans et des ignorants – y compris parmi ceux qui prétendent être des savants ou des érudits -.
C’est pour cela qu’Allâh enjoint les croyants à L’invoquer abondamment et à s’accrocher au Tawhîd, à explorer le monde et contempler Sa Création (les êtres vivants, la nature, le cosmos, etc.), à cultiver les actes de bienfaisance et de dévotion car ils procurent la quiétude et favorisent Son Soutien, Ses Bénédictions et Sa Lumière – éclairant notre âme et notre intellect -, à purifier notre âme (via le cheminement spirituel du Tasawwuf), à éviter les contradictions logiques, à méditer et réfléchir sur le Qur’ân, Son Prophète, Sa Création, etc., à cultiver l’intelligence, l’observation, la connaissance bénéfique, la science utile, la justice et la sagesse dans toutes nos affaires.
Tout ce que les Musulmans doivent rechercher, c’est Son adoration sincère et exclusive, la réalisation en eux-mêmes de la justice et de la bienfaisance dépourvues de fanatisme et d’extrémisme, cultiver la sagesse, augmenter leur science utile, être bénéfiques à leur famille, leur communauté, leur pays et à l’Humanité, et incarner l’exemplarité dans tous les domaines.
Il faut être ainsi extrêmement prudent concernant le Hadith, lorsqu’il est question de peines juridiques, de condamnations ou d’établir un élément doctrinal, car en effet, le Qur’ân est clair sur l’interdiction de déclarer une chose condamnable ou illicite si aucune preuve issue du Qur’ân ou de la pratique notoire et établie du Prophète (ﷺ). Ainsi, un hadith ahâd (singulier) qui n’a pas été rapporté par de nombreuses voies indépendantes et concordantes les unes les autres, avec la mention claire du contexte et la période à laquelle cette parole ou pratique prophétique a été faite, n’est pas considéré comme une preuve certaine (qat’i), et ne peut donc pas servir de preuve. Cela peut être un élément – parmi d’autres – qui peut faire pencher dans un sens ou dans un autre, mais pas une preuve en soi. En tout cas, ce n’est pas un élément pouvant justifier l’application d’un hadd ou d’une peine discrétionnaire. Si cela concerne la doctrine ou l’histoire, cela peut servir d’argument s’il ne contredit pas clairement le Qur’ân et des informations notoires et concordantes. C’est une règle fondamentale dans les ussûl qu’il faut observer, que dire alors pour les récits qui sont moins traçables ou authentifiés, comme les récits hassân (bon/validé), da’if (faible) ou mawd’u (fabriqué, apocryphe). De même, comme l’ont expliqué d’éminents savants, un hadith ne peut pas abroger non plus un verset du Qur’ân, il ne peut qu’expliciter ou développer certaines choses, sans abroger les principes ou règles qurâniques, contrairement à ce qu’ont pu dire certains autres savants, et qui ont ainsi commis un égarement, en abandonnant ce qui était sûr, catégorique et notoire – rapporté de façon authentique par de nombreuses voies et méthodes -, pour quelque chose (un hadith) qui n’avait pas le même degré de fiabilité et dont le contexte n’est pas certain, et le tout en osant établir des règles contradictoires qui contredisent la cohérence, la pertinence et la noblesse du Qur’ân, de ses principes et de ses objectifs. Ces récits douteux ont par ailleurs causé beaucoup de difficultés chez les savants qui les ont pris en considération, au point d’abroger – sans aucune indication divine et sans aucune justification intellectuelle réelle – des versets ou des règles qurâniques. Et pour argumenter leur point de vue, les différents arguments mobilisés n’ont fait que fragiliser tout leur édifice et démontré leurs contradictions et impasses. Or, de telles difficultés disparaissent si on met ces récits étranges de côté, qui obscurcissent le Texte révélé et la Religion, et qu’on les considère pour ce qu’ils sont : des opinions personnelles ou des fabrications de rapporteurs ou de tabi’in qui ne sont pas imputables au Prophète (ﷺ).
Le cas est néanmoins différent pour tout ce qui relève de l’éthique, des actes de dévotion (sur les mérites de jeûner, de réciter le Qur’ân, de prier, de faire la charité en telle ou telle occasion), les actes de bienfaisance, les qualités morales ou les vertus spirituelles, cela est différent, puisque tout cela est d’une part conforme au Qur’ân, et d’autre part, car on sait que le Prophète (ﷺ) et ses plus proches Sahâba (tels qu’Abû Bakr, ‘Umar, ‘Alî, Salmân, ‘Uthmân, Mû’adh Ibn Jabal, Bilâl, Abû Dharr, etc.) synthétisaient la quintessence de la Connaissance, de la piété, de la justice, de la sagesse, de la science utile, de la bienfaisance, de la spiritualité, de la chevalerie spirituelle, et que les témoignages les plus fiables et authentifiés émanant des témoins musulmans et non-musulmans, s’accordaient sur leur rang éminent en termes de gouvernance, de comportement, de spiritualité, de sagesse, etc. Ils incarnaient et synthétisaient donc, chacun à leur degré, les vertus et principes de la chevalerie spirituelle, raisons pour laquelle le Prophète (ﷺ) et ses proches Sahâba furent aimés par leurs contemporains, et même dignes d’éloges de la part des non-Musulmans qui les avaient vu et tenus en haute estime. De même, la totalité des Saint(e)s venus après eux affirmaient la supériorité du Prophète (ﷺ) et des proches Sahâba sur eux, et que leur sainteté était un Don divin puisé et tiré de la Lumière Muhammadienne, obtenue en suivant et réalisant, à leur degré propre, les états et vertus de l’exemple prophétique.
Ainsi, même les récits faibles qui ont une traçabilité peuvent être pris en compte car d’une manière ou d’une autre, on sait que le Prophète (ﷺ) réalisait et enjoignait de faire tout ce qui relève de l’éthique, de la justice, de la sagesse, de la spiritualité, de placer sa confiance en Lui, de multiplier les actes de dévotion, etc. Et ce sont par ailleurs des injonctions qurâniques et prophétiques bien connues : faire le bien, L’adorer, cultiver la spiritualité, acquérir la sagesse et la science utile pour le cheminement spirituel, la vie en société et tout ce qui peut être utile à la communauté ou à l’Humanité, dans le respect de l’environnement et du monde animal.
Un hadith jugé « fabriqué ou rejeté » dans la chaîne (selon les critères classiques des muhaddithins en raison de la présence de menteurs notoires, ou car il y a des gens qu’ils ne connaissent pas) ou faibles (à cause par exemple des erreurs involontaires ou de la mauvaise mémoire de certains rapporteurs) ne signifient pas forcément que l’énoncé est faux ou rejeté en soi, car même des menteurs ou des gens possédant une mémoire défaillante peuvent parfois rapporter des choses véridiques et globalement bien transmises en certaines occasions, et certaines personnes qui sont inconnues en fait sont connues selon d’autres noms que leur kûnya, ou car certaines chaînes coupées remontent quand même au Prophète via une chaîne de transmetteurs mais qui ne nous est pas parvenue (du moins selon cette voie particulière). Mais si cela concerne des peines ou condamnation il y a de fortes chances que ce qu’ils disent est faux ou déformé car tout ce qui concerne les huddûd comme les fondements, préceptes majeurs et piliers de l’islam et de la foi ont été transmis dans le Qur’ân et la Sunnah notoire. Par contre, on peut les accepter si cela concerne l’éthique, la morale, la spiritualité, etc.
Dans tout ce que les Sahâba, Sages et Saint(e)s ont enseigné en termes d’adab, de sagesses, de réalités spirituelles, etc., celles-ci constituent la Voie Muhammadienne par excellence et puisent d’une façon ou d’une autre de la lumière muhammadienne : « Et sachez que le Messager d’Allâh est en vous et avec vous … » (Qur’ân 49, 7) ; « En effet, vous avez dans le Messager d’Allâh un excellent modèle [à suivre], pour quiconque espère en Allâh et au Jour dernier et invoque Allâh fréquemment » (Qur’ân 33, 21) ; « Ô Prophète ! Nous t’avons envoyé [pour être] témoin, annonciateur, avertisseur, appelant (les gens) à Allâh, par Sa permission ; et comme une lampe éclairante » (Qur’ân 33, 45-46) ; « Et nous ne t’avons envoyé (Muhammad) que comme miséricorde, compassion et amour-Rayonnant et bienveillant pour les mondes » (Qur’ân 21, 107), etc. Et le Qur’ân Lui-même se décrit comme une guérison, une miséricorde, une lumière et un guide pour les pieux, c’est-à-dire la Voie de l’éducation de l’âme et de la sagesse, de la spiritualité et de la justice, le refus de céder au fanatisme, à la « haine conduisant au mépris et à l’extrémisme à l’égard des autres », etc.
« Certes, ce Qur’ân guide vers ce qu’il y a de plus droit (et de meilleur), et il annonce aux croyants qui font de bonnes oeuvres qu’ils auront une grande récompense » (Qur’ân 17, 9).
« Nous faisons descendre du Qur’ân, ce qui est une guérison et une miséricorde pour les croyants » (Qur’ân 17, 82)
« C’est le Livre au sujet duquel il n’y a aucun doute, c’est un guide pour les pieux » (Qur’ân 2, 2).
« Il y a certes des signes pour les doués d’intelligence, qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, évoquent et invoquent Allâh … » (Qur’ân 3, 190-191).
« Certes ceux qui croient, font le bien (par l’accomplissement de bonnes œuvres) et s’humilient devant leur Seigneur, voilà les gens du Paradis où ils demeureront éternellement » (Qur’ân 11, 23)
Tout ce qui contredit cela doit donc être abandonné, délaissé ou rejeté, même si cela vient de savants éminents (mais qui ne sont pas infaillibles), car le Qur’ân nous commande, en matière de divergences ou de doutes, de revenir à Lui (et au Qur’ân) ainsi qu’au Messager d’Allâh (et à sa voie notoire) en premier lieu : « Et obéissez à Allâh et à Son Messager et ne vous disputez pas, sinon vous fléchirez et perdrez votre force. Et soyez endurants, car Allâh est avec les endurants » (Qur’ân 8, 46).
« Ô les croyants ! Obéissez à Allâh, et obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement. Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-là à Allâh et au Messager » (Qur’ân 4, 59).
On doit cependant délaisser ces ahâdiths (concernant les actes cultuels) s’ils contredisent ce que l’on sait de façon certaine par le Qur’ân ou la Sunnah notoire (par exemple ne pas jeûner tel jour de fête, ou ne pas rendre obligatoire un rite ou une pratique qui ne le sont pas, etc.).
Pour ce qui concerne l’histoire (y compris des communautés religieuses antérieures), la science empirique, etc., les ahadiths ahâd (qu’ils soient sahîh ou non) peuvent être pris en compte comme éléments et arguments, mais en les jugeant selon le Qur’ân, les principes de l’intellect, de la science empirique et de la sagesse.
Les critères évoqués précédemment ont aussi été rapportés dans la Tradition.
L’imâm ‘Alî a dit : « Si on vous rapporte un hadîth du Messager d’Allâh, alors prenez-le de la meilleure façon (de le comprendre), dans le sens le plus pertinent et le mieux éclairé, et qui est le plus convenable et proche de la piété et de la justice (selon les principes et les finalités de l’Islam) »[1]. Ainsi que : « Lorsque vous entendez une tradition, vérifiez-la selon le critère de l’intelligence, de la bienveillance (et de la piété) et non celui de la simple audition, car les porteurs de connaissances sont nombreux mais ceux qui la gardent (et la préservent convenablement) sont peu nombreux »[2].
Et cela est en accord avec ce qu’a dit le Messager d’Allâh (ﷺ) : « Si un hadith que j’ai prononcé vous est rapporté, et si vos coeurs et votre intellect l’acceptent, cela signifie que j’en suis la source [si une chaine de transmission continue remonte jusqu’à lui ou s’il y a une confirmation spirituelle par kashf] et que je l’ai prononcé. Cependant si vous entendez un hadith que vos coeurs et votre intellect refusent (au point de faire dresser les cheveux et de vous donner la chair de poule), cela signifie qu’aucun lien ne me lie à lui et qu’aucun lien ne le lie à moi [car la voie prophétique n’est que vérité, sagesse, piété, vertu et justice] »[3].
Le Prophète (ﷺ) fut interrogé un jour : « Qui parmi les gens est le meilleur ? ». Il (ﷺ) a répondu : « Ceux qui ont un cœur pur et une langue véridique. Ils ont demandé : « Nous comprenons ce qu’est une langue véridique, mais qu’est-ce qu’un cœur pur ? ». Ce à quoi il (ﷺ) répondit : « C’est celui qui est pieux et pur, en qui il n’y a ni péché, ni injustice, ni agressivité, ni rancœur, ni jalousie blâmable ». Nous avons dit : « Qui en montre un signe ? ». Le Prophète a dit : « Celui qui délaisse et réprouve les illusions du bas-monde, et aime et aspire à l’Au-delà ». Ils ont dit : « Et qui en montre un signe ? ». Le Prophète a dit : « Un croyant avec un bon caractère » »[4].
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Celui qui a foi en Allâh et au Jour dernier, qu’il connaisse sa fin – à savoir – qu’il traite et considère les gens comme il aimerait être traité (avec justice, compassion, indulgence et bonté) »[5].
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le bien (la bonne action) c’est le bon comportement et le beau caractère. Le péché, c’est ce qui trouble ton âme (et ta conscience ; en t’éloignant du bien et du beau), en dépit des avis juridiques successifs que les gens pourront te donner »[6].
L’imâm ‘Alî, en parlant du Qur’ân, disait : « (…) Il est la corde solide d’Allâh, Sa Lumière éclatante et Sa Guérison magnifique. Quiconque s’attache au Livre (Qur’ân) sera préservé de l’égarement (…). Ses merveilles sont innombrables et les multiples répétitions (ou significations) ne les épuisent pas »[7].
Et son propos rejoint évidemment celui du Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Par Celui qui m’a envoyé comme Prophète avec la Vérité (…). Le Qur’ân vous permet de trancher les différends entre vous. Les orgueilleux qui s’en écartent [volontairement et injustement] seront sanctionnés par Allâh, et quiconque recherche la science en dehors du Livre [ses fondements et préceptes] s’égarera. Le Qur’ân est la « corde solide » d’Allâh, Sa lumière éclatante et Sa guérison bénéfique. Quiconque s’attache au Livre sera préservé de l’erreur, quiconque s’attache à lui sera sauvé et ne déviera point. Ses merveilles sont innombrables et les multiples répétitions ne les épuisent pas »[8]. Muslim dans son Sahîh n°2408 rapporte aussi le hadith suivant : « En effet, je vous laisse 2 choses (fondamentales à suivre) : le Livre d’Allâh (Qur’ân), c’est la corde d’Allâh. Celui qui le suit est dans la direction et celui qui l’abandonne est dans l’erreur (…) ».
Les mêmes principes s’appliquent au Qur’ân et à la théorie de « l’abrogation » (naskh), dont le terme est polysémique en arabe et ne signifie pas toujours « abrogation », mais « modification, explicitation ou spécification » d’une règle par exemple. Le Shaykh Ashraf ‘Alî Thânwî (1863 – 1943) dira dans son Bayân ul-Qur’ân (1/173-174) : « Allâh a, dans le second verset, explicité le sens du verset révélé précédemment ; c’est ce qui a été nommé dans certains récits un « naskh » : en fait, chez les Salafs l’explicitation (« tawdhîh ») aussi était appelée : « naskh » » d’où le fait que le nombre « d’abrogation » varie entre les exégètes selon les définitions employées du terme « naskh ». Le Shaykh Shâh Waliyullâh (m. 1176 H/1762), avant lui, dira à peu près la même chose dans Al-Fawz al-Kabir fi ussûl at-Tafsîr (p. 53-56) : « Dans la science du commentaire du Qur’ân, relève des chapitres difficiles, qui sont causes de nombreuses discussions et divergences, la connaissance des versets abrogeant et des versets abrogés. Et l’une des plus grandes causes de cette difficulté est l’existence d’une différence, existant entre les savants des premiers temps et les savants postérieurs, à propos du sens donné au terme « naskh ». Après passage en revue des propos des Compagnons (Sahâba) et de leurs élèves à ce sujet, il nous apparaît que ces personnages employaient le terme « naskh » dans son sens littéral – à savoir : « apporter une modification à quelque chose » – et non dans le sens où l’entendent les spécialistes des ussûl [à savoir « abroger », c’est-à-dire « mettre définitivement fin à l’applicabilité d’une règle édictée précédemment »]. Pour les anciens savants, le « naksh » est le fait de modifier certaines particularités présentes dans la règle d’un verset par un autre verset, que cette modification consiste à indiquer la fin de la durée de l’application d’un verset [ce qui constitue l’abrogation proprement dite], ou qu’elle consiste seulement à mettre en lumière que le sens véritable du verset est différent du sens apparent, ou à expliciter que la condition (spécifiée dans le verset précédent) est purement fortuite et n’a pas d’incidence, ou à modifier la portée générale du verset précédent, ou à montrer qu’il n’y a pas d’analogie possible entre le cas mentionné dans le verset et le cas à propos duquel des gens ont fait une analogie, ou à mettre fin à une règle révélée à un prophète ayant précédé Muhammad (ﷺ). Et, de la sorte, l’emploi du terme “naskh” s’est élargi chez ces ulémas (…). C’est pourquoi on lit parfois que le nombre de versets du Qur’ân qui sont « mansûkh » atteint 500 ; et si tu réfléchis, tu verras même que ce genre de versets est innombrable. Par contre, si on emploie le terme « mansûkh » avec le sens que lui donnent les savants postérieurs et de la science des ussûl [à savoir l’abrogation], alors les versets véritablement abrogés sont en très petit nombre (…) ».
Avant lui encore le Shaykh Ibn Al-Qayyim (m. 751 H/1350) écrivait dans Zâd ul-ma’âd (5/598-599) : « Le terme « naskh » est, chez les Compagnons et leurs élèves, d’un sens plus large que chez les savants postérieurs (…)
– l’abrogation proprement dite ;
– l’exception par rapport à la règle générale précédemment révélée ;
– l’explicitation de la règle précédemment révélée ».
Et le célèbre imâm et shaykh As-Shatibî (m. 790 H/1388) dans Al-Muwâfaqât (2/99) développera aussi les différents sens du mot « naskh » chez les exégètes et les ussûlî.
L’un des plus éminents exégètes de son époque, Fakhr -ud-Dîn ar-Râzî (m. 606 H/1209)[9] dans son Al-Tafsir Al-Kabir (intitulé aussi Mafatih al-Ghayb), critiquait d’ailleurs ceux qui avaient tendance à adopter de façon arbitraire la théorie tardive de l’abrogation (naskh) concernant leur façon superficielle d’envisager cette approche sans se fonder sur des indications divines claires et en omettant le contexte qui impliquait l’existence de la contradiction (et donc l’inanité de la théorie de l’abrogation intra-qurânique). Avant lui, d’anciens exégètes comme Muhammad Ibn Bahr Abû Muslim al-Isfahânî (m. 322 H/933) dans son Tafsîr contestaient déjà cette théorie tardive (dont aucun récit notoire et rigoureusement sahih ne faisait état à l’époque du Prophète (ﷺ) ou des Califes bien-guidés, preuve en est que les avis tardifs qui sont contradictoires avec le Qur’ân et la pratique prophétique et des Califes bien-guidés, ne sauraient avoir raison car contredisent – notamment au sujet du verset dit de l’épée -, l’existence des relations pacifiques intercommunautaires à la fin de la période médinoise et dans la période des califes bien-guidés ; fort heureusement, malgré l’aberration théorique de cette théorie, ils étaient forcés de respecter l’injonction islamique sur la protection et le respect des dhimmis ou des non-musulmans pacifiques qui venaient les visiter, faire du commerce ou qui étaient liés par un traité entre différentes nations).
Preuve que cette théorie est inconsistante, est qu’elle contredit le Qur’ân et la Sunnah purifiée et ne s’accorde même pas sur les versets qui seraient abrogés par rapport à d’autres versets, leurs partisans se contredisant même entre eux (untel dira que tel verset est abrogé alors que l’autre dira qu’il est abrogeant !), et Al-Qurtûbî dans son Tafsîr en citera quelques exemples.
Après lui, l’imâm et Shakh ‘Abd al-Wahhâb al-Sha’ranî (897 H/1493 – 973 H/1563), exégète, juriste (qui maitrisait les 4 grandes écoles sunnites du fiqh), muhaddith, logicien, rattaché au Tasawwuf, métaphysicien, ussûlî, historien et théologien, contestera les nombreux abus infondés des adeptes de cette théorie, tout comme encore après lui, le savant du savant musulman polymathe et grand exégète Shah Waliyullâh (1703 – 1762) comme le rapporte le savant et chercheur Jonathan A.C. Brown : « Le recours de ces juristes médiocres et bornés dont Allâh n’avait pas illuminé le cœur de sa Lumière. Ils ne pouvaient percevoir toutes les possibilités d’interprétation dans les Paroles d’Allâh et du Prophète… En prenant le raccourci consistant à marquer les versets qurâniques ou les ahadiths comme « abrogés », ces ulémas ont restreint la pluralité d’interprétations qu’Allâh avait voulue dans la Shar’îah. Pour Sha’rani, ce n’est que lorsqu’un hadith incluait l’abrogation claire du Prophète lui-même, comme son rapport sur la visite des tombes, qu’il pouvait être considéré comme Naskh.
Shah Waliyullâh était également sceptique quant à l’indulgence excessive des ulémas dans l’abrogation pour expliquer la relation entre les versets qurâniques ou les ahadiths. Dans tous les cas sauf 5, il a trouvé des explications sur la façon de comprendre la relation entre les passages scripturaires sans recourir à l’abrogation »[10].
L’imâm et Shaykh polymathe Jalâl ud-Dîn As-Suyûtî (849 H/1445 – 911 H/1505), sans toutefois la remettre totalement en question, adoptera une approche critique (notamment concernant la théorie sur le « verset dit de l’épée ») dans son célèbre Al-Itqân fî ʿUlûm Al-Qur’ân (pp. 703-704) : « Cela ne relève pas de ce qui est « abrogé » mais de ce qui est « reporté » [mansû’]. L’ordre de combattre [ceux qui attaquaient les Musulmans] a été reporté jusqu’au moment où les Musulmans en auraient la capacité. En état de faiblesse, la règle est l’obligation de faire preuve d’abnégation face à la persécution. Ainsi comprenons-nous que ne tient pas ce que beaucoup ont dit, à savoir que ce verset aurait été abrogé par le verset du combat. Ceci ne relève pas du registre de « l’abrogé » mais de celui du « reporté », dans le sens où chacune des règles ainsi dictées doit être pratiquée dans un contexte donné, par le moyen d’une cause (‘illa) qui entraîne cette règle ; le changement de la cause entraîne que c’est l’autre règle qui sera applicable. Ceci n’est pas de l’abrogation, car cette dernière consiste en le fait de mettre fin à une règle précédente de sorte qu’il ne soit plus du tout possible de la pratiquer ».
Plus proche de nous, le théologien, exégète et juriste égyptien Shaykh Muhammad al-Ghazâlî (1917 – 1996) critiquera aussi cette théorie, en expliquant la connaissance du contexte de la Révélation permet d’échapper facilement des contradictions et dérives de cette théorie, notamment dans son ouvrage son Kayfa Nata’amal Ma’ Al-Qur’ân, où il cite le Shaykh Al-Khidrî : « « Il n’est utilisé que pour préciser, ou limiter, ou expliquer ce qui est par ailleurs général et inconditionnel ». Shaykh Rashid Rida a réitéré la même chose encore plus clairement, en se référant au verset : « Nous n’abrogeons un signe (ayât)[11] quelconque ou que Nous le fassions oublier, Nous en apportons un meilleur, ou un semblable. Ne sais-tu pas qu’Allâh est Omnipotent ? » (Qur’ân 2, 106). Il m’a expliqué qu’un verset peut être sous la forme d’obligations religieuses (ayât taklifiyyah) ou de phénomènes cosmiques (ayât takwiniyyah), et que ce qui est « abrogé » dans la Sûrah al-Baqara est ce dernier ; aucun commandement n’est abrogé par le verset. La signification de takwiniyyah est bien connue ; ce sont les événements défiant lois naturelles (miracles) où les Prophètes ont été assistés (par Allâh)… De tels phénomènes sont des choses qui changent avec le passage du temps. Quant aux versets de commandements, je les ai étudiés attentivement par rapport au verset : « Et si nous substituons un signe à un autre – et Allâh sait mieux ce qu’Il révèle par étapes – ils disent : tu n’es qu’un faussaire… » (Qur’ân 16, 101).
Al-Khazin (m. 741 H/1341)[12] dit : « Ce verset est venu en réponse aux allégations selon lesquelles Muhammad décide d’une décision puis l’abroge ! ». Je me suis alors demandé : « Le verset (auquel il est fait référence) est tiré d’ an-Nahl qui est une révélation mecquoise. Où sont donc les lois dont se moquaient les idolâtres – (prétendant) qu’elles ont été abrogées après avoir été révélées, de telle manière que la confusion a résulté dans l’établissement de la législation ? Il n’y a pas de telles lois. Et quant à la prétendue raison de la révélation de ce verset – c’est un mensonge ». Il n’y a eu aucun idolâtre prétendant que Muhammad légiférait des édits puis les abrogeait… absolument aucun – car il n’y avait aucune loi à La Mecque qui ait été abrogée par un verset révélé à La Mecque. Ni dans l’histoire de la révélation, ni dans l’histoire de la jurisprudence, il n’est établi qu’une loi ait été révélée à La Mecque puis annulée plus tard par un verset révélé dans cette même ville. Le Qur’ân ne le dit pas. Cette conjecture est donc sans fondement, aucune loi n’abrogeant le sens du verset. Tout ce que nous avons à La Mecque, ce sont plusieurs versets qui ont été examinés de telle manière qu’il y ait une réduction, comme par exemple dans les Paroles d’Allâh : « Maintenant, Allâh a allégé votre tâche, car Il sait qu’il y a une faiblesse en (certains d’entre) vous… » (Qur’ân 8, 66). Le premier verset ordonnait qu’un seul homme se dresse contre 10 (combattants ennemis), puis il fut réduit à se dresser contre 2 (Qur’ân 8, 65-66). Shaykh al-Khidri, qu’Allâh l’agrée, a déclaré : « C’est une permission basée sur les circonstances, et une permission basée sur les circonstances n’est pas considérée comme une abrogation. La règle permanente est que le musulman doit se dresser contre dix, et il lui est enjoint de le faire. L’aspect atténué de ne se dresser que contre deux est une permission et c’est la règle correcte ». Le verset : « Il sait que vous ne pouvez pas compter, alors Il vous a accordé Sa miséricorde. Lisez donc du Qur’ân ce qui vous est facile. Il sait qu’il peut y avoir parmi vous des malades, d’autres qui parcourent le pays en quête de la grâce d’Allâh, et d’autres qui combattent dans le Sentier d’Allâh. Lisez donc du Qur’ân ce qui vous est facile… » (Qur’ân 73, 20) est censé avoir abrogé la première partie de la Sûrah al-Muzzammil. Mais ce n’est pas le cas, car la Sûrah s’adresse au Prophète et lui ordonne de prier pendant la nuit, et cette prière nocturne lui est restée obligatoire jusqu’au jour de sa mort. Cet ordre est réitéré dans la Sûrah al-Isra’ : « Et pendant (une partie de) la nuit, efforcez-vous (à la prière), une prière supplémentaire pour vous ; peut-être votre Seigneur vous élèvera-t-il à un rang de louange » (Qur’ân 17, 79). Ce qu’il faut noter ici, c’est que de nombreux Compagnons ont imité le Prophète dans cette prière nocturne, de la manière décrite dans la première partie du chapitre al-Muzzammil. Mais Allâh, conscient de la situation de ce groupe qui travaillait extrêmement dur pendant la journée pour gagner sa vie, un groupe qui, contrairement au porteur du Message révélé, n’était pas soumis à ce commandement, a dit ainsi : « Lis donc du Qur’ân autant que cela t’est facile… ». Cependant, le Prophète, en tant que porteur de la Révélation, restait responsable de l’accomplissement de la prière nocturne ; il n’y a donc absolument aucune abrogation dans le verset.
L’affirmation selon laquelle 120 versets sur l’appel à l’islam ont été abrogés par le verset de l’épée [cf. Qur’ân 9/5] est en fait d’une stupidité grossière et ne sert qu’à montrer que la plupart des musulmans sont en régression, soit en termes de connaissance, soit en termes d’intelligence, et sont devenus ignorants du Qur’ân. En conséquence de cette ignorance, ils ont oublié comment appeler à la voie d’Allâh, comment faciliter l’appel à l’islam, comment être de bons exemples et comment présenter une bonne perspective. C’est peut-être la raison de l’échec de la propagation de l’islam et de la stagnation prolongée du Message islamique, car on a supposé que l’épée est celle qui remplit l’obligation de transmettre le message. Un tel concept est, de l’avis de tous ceux qui sont intelligents et perspicaces, totalement absurde. Cette histoire d’abrogation ou cette idée d’embaumement de certains versets, dans la mesure où de tels versets sont présents mais inopérants, est sans fondement. Il n’y a aucun verset dans le Qur’ân qui puisse être considéré comme hors d’usage et donc invalide ; c’est un non-sens. Chaque verset est potentiellement valide, mais c’est Lui, le Législateur, qui connaît les conditions dans lesquelles les versets peuvent être appliqués, et c’est de cette manière que les versets qurâniques doivent être considérés à la lumière de l’état des affaires humaines – avec sagesse et exhortation -. Le contexte du verset « Nous n’abrogeons (ou ne négligeons) pas un signe/verset et nous ne le faisons pas oublier » (Qur’ân 2, 106) ne dénote-t-il pas qu’il s’agit de l’abrogation des lois des religions précédentes par une nouvelle ? Il est évident qu’il n’y a aucune raison de supposer que l’on entend ici par abrogation de responsabilité. Shaykh Rashid Rida a évoqué ce sujet en soulignant que les mots du verset (pris en conjonction avec ceux du verset suivant) : « Nous ne négligeons pas un signe/verset et ne le faisons pas oublier (sauf que) nous en apportons un meilleur ou un semblable. Ne sais-tu pas qu’Allâh est Tout-Puissant sur toute chose ? » (Qur’ân 2, 106) – se réfèrent à la Toute-Puissance Divine et non aux lois de la responsabilité (humaine). Car si c’était le dernier cas, le verset aurait été par exemple : « Ne sais-tu pas qu’Allâh est Omniscient », le Législateur plutôt que « l’Omnipotent ».
Le verset « Veux-tu interroger ton Messager comme Mûsâ (Moïse) fut interrogé autrefois ? » (Qur’ân 2, 108) montre clairement que le verset fait référence aux signes miraculeux (ayât al-kawniyah). Sur quoi Mûsâ fut-il interrogé autrefois ? C’était « Nous voulons voir clairement Allâh » ; « nous voulons ceci et cela » ; les gens voulaient les signes cosmologiques, ou les miracles qui confirmaient le message de Muhammad. L’utilisation de l’expression « autrefois » fait référence aux enfants d’Israël. Allâh dit : « Et si on leur dit : « Ayez foi en ce qu’Allâh a révélé », ils disent : « Nous avons foi à ce qui nous a été révélé », et ils rejettent ce qui est venu après, bien que ce dernier soit vrai et confirme ce qui est avec eux. Dis : « Pourquoi donc avez-vous tué auparavant les Prophètes d’Allâh, si vous étiez vraiment croyants ? » (Qur’ân 2, 91).
Le Message qui leur est adressé commence par leur rappeler qu’ils ne croient pas à ce qu’ils professent, ni à ce qui est parvenu aux autres. Il poursuit en disant : « Ceux des gens du Livre et les associateurs ne souhaitent pas qu’un bien vous soit révélé de la part de votre Seigneur. Mais Allâh réserve Sa miséricorde à qui Il veut. Allâh est certes le Maître de la grâce ». Les versets ici montrent clairement que lorsque le Coran est descendu, c’était par miséricorde d’Allah envers les Arabes, et qu’Il les a choisis pour leur accorder Sa grâce spéciale. Il leur a donné un nouveau message, différent de celui qui avait été transmis aux prophètes précédents, ni de celui qui avait été facilité auparavant par l’élévation de la Montagne, ni de celui qui était parfois complété par la création de miracles.
La révélation du Qur’ân, en ce qui concerne l’abrogation des signes de la création, est une abrogation de certaines lois des Gens du Livre (notamment Juifs et Chrétiens). Le Qur’ân a sans doute annulé/abrogé certaines lois des religions précédentes [qui devenaient inadaptées pour les nouvelles générations de cette fin cycle] et a commencé par remodeler la conscience humaine en éveillant ses talents et en la dirigeant vers Allâh. Il n’y a aucune contradiction dans le Qur’ân, car chaque verset a un contexte dans lequel il fonctionne ». Et le Shaykh a raison, puisque par ailleurs, juste après le verset dit de l’épée, Allâh dément formellement leur interprétation en disant dans le Qur’ân (9/6-7-13) : « Et si l’un des associateurs te demande asile, accorde-le lui, afin qu’il entende la Parole d’Allâh, puis fais-le parvenir à son lieu de sécurité. Car ce sont des gens qui ne savent pas. Comment y aurait-il pour les associateurs un pacte admis par Allâh et par Son Messager ? A l’exception de ceux avec lesquels vous avez conclu un pacte près de la Mosquée sacrée. Tant qu’ils sont droits et loyaux envers vous, soyez droits et loyaux envers eux. Car Allâh aime les pieux (qui s’en tiennent à la droiture et à la justice). (…) Ne combattrez-vous pas des gens qui ont violé leurs serments, qui ont voulu bannir le Messager et alors que ce sont eux qui vous ont attaqués les premiers ? Les redoutiez-vous ? C’est Allâh qui est plus digne de votre crainte si vous êtes croyants ! ». Les versets antérieurs et postérieurs indiquent le contexte : un champ de bataille envers des groupes de combattants ennemis armés qui avaient violé le pacte pour attaquer, persécuter, humilier et tuer les Musulmans. Malgré cela Allâh exige de respecter les lois de la guerre et de reconduire en lieu sûr les combattants ennemis qui ont déposé les armes. Les versets 9/5 et 9/29 sont donc contextuels et liés à une riposte envers des groupes armés qui ont attaqué les premiers les Musulmans et ont violé leurs traités, et ce dans la région du Hijâz (englobant la Mecque et Médine).
D’autant plus que parmi les derniers versets révélés à Médine (la période médinoise) sur la paix et la justice envers les non-musulmans pacifiques il y a : « Il se peut qu’Allâh établisse de l’amitié entre vous et ceux d’entre eux dont vous avez été les ennemis. Et Allâh est Omnipotent et Allâh est Pardonneur, Très-Miséricordieux et Rayonnant d’Amour. Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants, généreux, justes et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la Religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allâh aime les équitables et les justes. Allâh vous interdit seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la Religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes » (Qur’ân 60, 7-9). Et ensuite que même après la révélation du verset dit de « l’épée » le Prophète (ﷺ) a pardonné aux idolâtres et ne les a pas forcés à choisir entre la conversion à l’islam ou la mort, et qu’il (ﷺ) a ordonné que les dhimmis soient respectés et protégés, pas seulement ceux qui étaient en dehors de la péninsule arabique, mais aussi ceux qui se trouvaient dans la péninsule arabique (notamment en dehors du Hijâz et ceux qui restaient encore dans les environs de Médine). Après lui, les Califes bien-guidés de Sayyidûna Abû Bakr à notre imâm Hassân, la même politique de respect et de protection envers les non-Musulmans a été suivie à la lettre comme le rapportent par exemple Abû Yûsuf dans Al-Kharâj, Mâlik dans Al-Muwattâ’, Al-Bukharî dans son Sahîh, At-Tabarî dans son Târîkh, Ibn al-Athîr et d’autres.
Si on parle de l’abrogation intra-qurânique elle n’a aucun sens et pose plus de problèmes qu’elle n’en résout, surtout si cela concerne la théologie ou l’éthique qui sont universelles et immuables : preuve en est qu’aucun exégète partisan de cette approche ne s’accorde avec les autres pour savoir quel verset abrogerait l’autre. Au point où pour certains c’est tel verset qui abroge l’autre alors que pour les autres c’est le verset “abrogé” (selon untel) qui serait en fait le verset « abrogeant ». Et leur approche demeure purement subjective et aucunement appuyée par le Qur’ân, une Sunnah établie ou des faits historiques. Par exemple sur le verset dit de l’épée, les faits historiques de la Sirah et des Califats bien-guidés démentent catégoriquement l’interprétation des partisans de cette approche.
La question de l’alcool par exemple ne relève pas de la doctrine de l’abrogation, puisque le Qur’ân n’a jamais institué l’alcool comme une pratique licite, louable ou acceptable, mais l’a simplement interdit progressivement (en montrant l’importance, dans la politique et le droit, de proposer des méthodes graduelles sur plusieurs années et plusieurs phases pour proposer une solution réaliste à des problèmes sérieux constituant des fléaux pour la société). Même chose pour le changement de qibla (en direction de Jérusalem) en attendant que la Ka’aba (qui fut la qibla primordiale aussi avant qu’elle ne soit souillée par l’idolâtrie des idolâtres) fut libérée de l’idolâtrie et d’autres pratiques répréhensibles, – là encore il s’agissait de suivre la pratique temporelle (qui n’était pas illicite) des Gens du Livre jusqu’à ce qu’Allâh révèle l’ordre final quand le contexte y était propice. Ces 2 cas ne sont donc pas à proprement parler des cas d’abrogation intra-qurânique puisqu’Allâh n’a jamais ordonné ou institué la qibla de Jérusalem ou la consommation d’alcool, pour devoir ensuite changer de statut légal. C’était simplement un temps d’adaptation accordé avant de statuer légalement et définitivement sur ces questions.
Des commentateurs plus proches de notre époque comme Muhammad Asad et Maulvi Muhammad ʿAlî ont également rejeté l’abrogation intra-qurânique, la considérant comme une innovation (bidʿa) ajoutée par les juristes (fuqahâʾ) bien après la Révélation. Le Shaykh, juriste, théologien, exégète et Sûfi Saîd Hawwâ affirmera la même chose dans son Tafsîr intitulé Al-Assâs fî l-tafsîr (1/207).
Et pour rappel, le Shaykh Ibn Taymiyya, en conformité avec ce qu’ont dit d’éminents Salafs, a dit dans Majmâ’ al-Fatâwâ (20/397-399) : « qu’un hadîth à lui seul ne peut pas abroger un verset du Qur’ân ».
Quant au verset sur la liberté de conscience et l’interdiction de contraindre les gens à embrasser la foi, il n’a pas été abrogé : « Pas de contrainte (pour faire entrer quelqu’un) dans la Religion » (Qur’ân 2, 256). At-Tabarî dans son Tafsîr a rapporté de Ibn ‘Abbâs un propos qui montre que le verset médinois 2/256 (rappelant l’interdiction de contraindre déjà formulée au verset mecquois 10/99), a été révélé en l’an 8 ou 9 de l’hégire, soit après la plupart des versets relatifs au combat contre les troupes ennemies, et vers la fin de la période médinoise, et donc peu de temps avant le départ du Prophète (ﷺ) pour l’Autre monde. Par ailleurs, après cela, jusqu’au décès du Prophète (ﷺ) et sous le califat des califes bien-guidés, il a toujours été interdit de contraindre les gens à embrasser l’Islâm.
Selon l’érudit et chercheur musulman d’origine algérienne Ahmed Amine Khelifa : « Les versets portant sur l’établissement d’une nouvelle Qibla vers la Mecque sont en faveur de l’abrogation Inter- Révélations : pratique musulmane qui abroge la pratique juive, tout comme le verset de la flagellation pour adultère est venu abroger la lapidation pratiquée selon la loi juive »[13]. Ahmed Amine possède un doctorat en médecine, un Master en histoire et archéologie, et depuis son enfance, étudie le Qur’ân, le fiqh comparé, l’exégèse qurânique, le Hadith, l’histoire du monde musulman, les différents courants de l’islam et l’islamologie, souvent de façon autodidacte mais aussi auprès de certains savants et professeurs. Il a réfuté par ailleurs certaines thèses orientalistes. Il se définit comme un simple musulman (ni sunnite ni shiite, ni coraniste, ni ibâdite ni zaydite). Il accepte les ahadiths qui ne contredisent pas le Qur’ân mais adopte une méfiance envers un certain nombre de positions doctrinales et juridiques qui ne puisent pas directement dans le Qur’ân. Selon les cas, il se sent plus proche des sunnites, des mu’tazilites, etc., tout en acceptant en partie aussi les Sûfis et le Tasawwuf. Il possède une véritable érudition, des analyses fines et approfondies sur certains sujets, mais aussi des points de vue erronés sur certaines problématiques selon nous.
Le chercheur et érudit égyptien Ihâb Hassân ‘Abdu dans Istihâlat al-naskh fi l-Qur’ân (de l’impossible existence de l’abrogation dans le Qur’ân) conclut que cette approche (telle qu’entendue par des exégètes tardifs – après la génération des Sahâba et de leurs meilleurs disciples) – n’est pas cohérente ni conforme au Qur’ân. Il évoque par ailleurs la divergence sur le nombre exact de versets prétendument abrogés (certaines différences sont liées aussi au fait que la définition du mot naskh ne signifie pas toujours abrogation mais aussi spécification, modification d’une règle, adaptation, précision, etc.) : 134 versets selon Abû Ja’far al-Nahhâs (m. 338 H/949), 66 versets selon ‘Abd al-Qâhir al-Baghdadi (m. 428 H/1037), 247 versets selon Ibn al-Jawzî (m. 597 H/1201), 20 versets selon l’imâm As-Suyûtî (m. 911 H/1505), 5 selon l’imâm Shah Waliyullâh al-Dahlawi (m. 1176 H/1762).
Avant le 20e siècle, nous avons aussi le Shaykh polymathe d’origine indienne, mathématicien, éducateur, exégète, théologien, juriste, historien, médecin, philosophe, polyglotte, poète, logicien et homme politique Sayyed Ahmad Khân (1315 H/1898) qui critiquera aussi l’approche de l’abrogation intra-qurânique.
A notre époque, des savants et chercheurs comme Seyyed Hussein Nasr et Tayeb Chouiref adoptent aussi une approche critique et plus cohérente. Par exemple Tayeb Chouiref dans son papier académique aborda cette problématique en se basant notamment sur l’approche de Fakhr ud-Dîn ar-Râzi, Le « verset de l’Epée » et son exégèse par al-Daḥḥāk (m. 105/723). Les origines de la théorisation du djihad dans l’exégèse coranique, 2018.
Pour la visite des tombes là-aussi, c’était une exception temporelle où l’interdiction temporaire était motivée par la crainte que les Sahâba ne respectent pas les règles de bienséance et du Tawhîd au tout début, mais a levé cette interdiction une fois les principes islamiques bien assimilés et compris. La doctrine, l’éthique, la morale et la spiritualité ne peuvent d’ailleurs jamais être abrogées, il n’y a seulement que certaines modalités rituelles ou dispositions juridiques, qui selon les époques, peuvent être sujettes à évoluer et donc à l’abrogation.
Il n’y a donc pas d’abrogation comme l’ont entendu certains exégètes et savants après l’époque des Califes bien-guidés.
Quelques récits « fondateurs » de l’Islam, permettent également d’en saisir la nature et les fondements.
Mais qu’est-ce que l’essence de l’Islâm ? Lorsque les musulmans arrivèrent en Abyssinie (terre chrétienne), et qu’ils furent accueilli par le Négus, ce dernier demanda aux musulmans de leur décrire l’Islam, et le Compagnon Jâ’far Ibn Abû Tâlib (le cousin du Prophète (ﷺ) et le frère de l’imâm ‘Alî) décrivait l’Islam : « Le Négus convoqua ses prêtres, qui étendirent leurs livres autour d’eux. Quand les Musulmans entrèrent, il leur demanda : – Pourquoi avez-vous quitté votre peuple sans adhérer à notre religion ni à celle d’aucun autre ? Celui qui lui répondit fut Ja’far Ibn Abî Tâlib qui dit : « – Ô roi ! Nous étions un peuple de l’ignorance. Nous adorions des idoles. Nous mangions la chair morte (de cadavres d’animaux) et nous commettions des turpitudes (commettant toutes sortes d’atrocités et de pratiques honteuses). Nous brisions les liens du sang et nous portions préjudice aux voisins, manquant aux règles de l’hospitalité. Le plus fort d’entre nous exploitait (injustement) le faible. Nous vivions dans cet état, jusqu’à ce qu’Allâh nous envoie un Prophète dont nous connaissions la généalogie, la sincérité, la loyauté et la chasteté. Il nous appela à Allâh et à Son Unicité – Tawhîd -, non sans avoir à renoncer à ce que nos pères adoraient en dehors de Lui en pierres et en idoles. Il nous a ordonné la sincérité et la véridicité dans nos paroles, la remise du dépôt à qui de droit, d’être compatissant, miséricordieux et d’avoir de l’amour bienveillant (envers les autres), d’être aimable et respectueux envers nos proches (ainsi que le respect des liens de parenté) et le bon voisinage. Il nous a ordonné de ne plus nous adonner aux interdits ni de verser du sang (injustement). Il nous a interdit l’indécence et l’abomination, le faux témoignage, la dilapidation des biens de l’orphelin et l’atteinte à l’honneur de la femme vertueuse. Il nous a ordonné d’adorer Allâh sans rien Lui associer. Il nous a ordonné la prière (salât), la zakât et le jeûne »[14].
On voit donc que l’Islam se définit essentiellement par la conscience de l’Absolu (du Divin ; du Tawhîd) et de Son adoration exclusive, et qu’après cela, c’est la haute moralité qui doit s’incarner dans l’attitude du croyant, devenant ainsi un être digne de confiance, consciencieux, vertueux, juste, honorable, pieux et altruiste.
Cela fut aussi rappelé et détaillé lors du dernier sermon public donné par le Prophète (ﷺ) à toute sa communauté :
« Ô peuple ! Écoutez-moi attentivement, car je ne sais pas si, après cette année-ci, je serai encore parmi vous. Écoutez, donc, ce que je vous dis avec beaucoup d’attention et transmettez ce message à ceux qui ne pouvaient être présents parmi nous aujourd’hui.
Ô peuple ! Tout comme vous considérez ce mois, ce jour, cette cité comme sacrés, considérez aussi la vie et les biens de chaque musulman comme sacrés. Retournez à leurs légitimes propriétaires les biens qui vous ont été confiés. Ne blessez et ne lésez personne (parmi les créatures) afin que personne ne puisse vous blesser (en retour). Souvenez-vous qu’en vérité, vous rencontrerez votre Seigneur et qu’effectivement, Il vous demandera compte de vos actes. Allâh vous a défendu de pratiquer l’usure, donc tout intérêt non-payé sera maintenant annulé. Votre capital, cependant, vous revient. Vous n’infligerez (à quiconque) ni d’endurerez aucune injustice (contre vous-même). Allâh a décidé de rendre l’usure illicite, et tout intérêt (illicite) qui était dû à ‘Abbâs ibn Abd’al Muttalib sera maintenant annulé. Méfiez-vous de Shaytân, pour le salut de votre religion. Il a perdu tout espoir de ne pouvoir jamais vous amener à commettre les grands péchés ; attention, donc, à ne pas le suivre dans les péchés mineurs.
Ô peuple ! Il est vrai que vous avez certains droits à l’égard de vos femmes, mais elles aussi ont des droits sur vous. Souvenez-vous que c’est par la permission d’Allâh que vous les avez prises pour épouses et que c’est Allâh qui vous les a confiées. Si elles respectent vos droits, alors à elles appartient le droit d’être nourries et habillées convenablement. Comportez-vous donc bien avec vos femmes et soyez gentils envers elles, car elles sont vos partenaires et elles sont dévouées envers vous. Il est de votre droit qu’elles ne se lient pas d’amitié avec des gens que vous n’approuvez pas, et qu’elles ne commettent jamais l’adultère[15]. Elles sont un dépôt pour vous (dont il faut en prendre soin) car vous ne les avez épousés qu’avec la permission d’Allâh, et la jouissance vous a été rendu licite par la Parole divine, alors comprenez et écoutez mes paroles.
Ô peuple ! Écoutez-moi bien : adorez Allâh, faites vos 5 prières quotidiennes, jeûnez pendant le mois de Ramadan, et donnez votre richesse en zakât. Accomplissez le Hajj (grand pèlerinage) si vous en avez les moyens. Toute l’humanité descend d’Adam et Ève. Un Arabe n’est point supérieur à un non-Arabe, et un non-Arabe n’est point supérieur à un Arabe ; et les Blancs ne sont point supérieurs aux Noirs, de même que les Noirs ne sont point supérieurs aux Blancs. Aucune personne n’est supérieure à une autre, si ce n’est en piété et en bonnes actions. Vous savez que chaque musulman est le frère de tous les autres musulmans. Vous êtes tous égaux. Vous n’avez aucun droit sur les biens appartenant à l’un de vos frères, à moins qu’on ne vous ait fait un don librement et de plein gré. Par conséquent, ne soyez pas injustes les uns envers les autres.
Souvenez-vous, un jour vous vous présenterez devant Allâh et répondrez de vos actes. Prenez garde, donc, ne vous écartez pas du droit chemin après ma mort. Ô peuple ! Aucun prophète ni messager ne viendra après moi, et aucune nouvelle religion (d’origine Divine) ne naîtra. Raisonnez bien, ô peuple, et comprenez bien les mots que je vous transmets. Je laisse derrière moi deux choses : le Qur’ân et mon exemple, la Sunnah[16]. Et si vous les suivez, jamais vous ne vous égarerez. Que tous ceux qui m’écoutent transmettent ce message à d’autres, et ceux-là à d’autres encore ; et que les derniers puissent le comprendre mieux que ceux qui m’écoutent directement. Sois témoin, ô Allâh, que j’ai transmis Ton message à Tes serviteurs ».
C’est ainsi que le Prophète termina son dernier sermon et, alors qu’il se tenait près du sommet de Arafat, le verset suivant lui fut révélé : « … Aujourd’hui, J’ai parachevé votre religion pour vous et J’ai accompli Mon bienfait sur vous. Et J’ai choisi et agréé l’islam comme religion pour vous » (Qur’ân 5, 3) »[17].
Alors qu’il y a consensus de la préservation du Texte qur’ânique et ses différents modes de lecture (tous contenus dans le Qur’ân, manifestant les différents sens d’un même verset sur le plan exotérique, par exemple pour la Sûrah al Fatiha, les variantes de lecture peuvent mettre l’accent sur différents qualificatifs complémentaires et qui ne s’excluent pas comme « Roi », « Maître » et « Possesseur » du Jour de la Résurrection ou encore ailleurs, où certains temps mettent l’accent sur le présent, ou le passé, ou le futur, mais s’agissant d’une réalité valable de façon universelle, etc.), il y a aussi consensus chez tous les gens dignes de confiance et savants clairvoyants des Sunnites/Sûfis, Shiites, Ibadites, Mu’tazilites et autres – parmi les premières générations de Musulmans ayant fréquenté les Sahâba (ce qui exclut les courants plus tardifs comme les ismaéliens/bâtinites par exemple) – non seulement sur le Qur’ân (préservé intégralement par des dizaines de milliers de Musulmans dans pratiquement toutes les terres d’Islâm des premières décennies de l’Hégire), mais aussi sur les données traditionnelles concernant les principaux événements de la Sîrah an-Nabawiyya (biographie du Prophète ﷺ), les principaux ahadiths qui confirment et explicitent le Qur’ân (sur les piliers de l’islam et de la foi, le bon comportement, l’interdiction des grands péchés, l’importance des actes de bonté et de charité, ainsi que des actes de dévotion, etc.), l’importance de certaines personnalités autour du Prophète (ﷺ) comme Abû Bakr, ‘Alî, ‘Umar, ‘Uthmân, Salmân, Khadija, Fatima, ‘Aîsha, Ibn ‘Umar, Ibn ‘Abbâs, etc. – ce que les données historiques (non-musulmanes) et archéologiques (notamment épigraphiques) les plus anciennes (de l’an 2 à l’an 100 de l’Hégire) ont confirmé depuis les recherches avancées des années 90 jusqu’aujourd’hui (en 2024).
Ce n’est donc que sur le reste, où le patrimoine juridique et doctrinal connaitra de nombreuses divergences, fruit des multiples sensibilités politiques, culturelles, idéologiques et tendances psychologiques des millions d’individus ayant embrassé l’islam sur plus de 1400 ans, souvent en important ou introduisant avec eux leurs anciennes coutumes culturelles ou conceptions idéologiques ou religieuses antérieures à l’Islam, et qu’ils ont parfois imputé (faussement) ensuite au Prophète (ﷺ) pour justifier leurs actes. Or, si l’Islam n’efface pas et n’interdit pas en soi les pratiques culturelles, elle interdit cependant celles qui comportent du shirk (idolâtrie) ou des actes répréhensibles relevant de l’injustice ou du blâmable, notamment ceux qui piétinent ou portent atteinte à la santé ou à la dignité des gens (et notamment des femmes, des enfants, des pauvres, des orphelins, des veuves et des animaux).
Il est donc fondamental d’adopter une méthodologie rigoureuse pour distinguer les récits ou avis juridiques qui sont potentiellement faux ou douteux, afin de ne se fier qu’à ceux qui sont rigoureusement sahih ou du moins conformes au Qur’ân et à ses principes. Quant au Qur’ân, la meilleure approche est celle qui consiste à réunir tous les versets d’une même thématique, et de les comprendre à la lumière des principes généraux et universels du Qur’ân qui posent un cadre moral et éthique, partant et débouchant toujours sur le Tawhîd et la confiance en Lui ; cette approche rend d’ailleurs inopérante et caduque la théorie de l’abrogation (intra-qurânique) qui voit de fausses contradictions dans le Qur’ân (théorie contredisant donc le Qur’ân Lui-même, ce qui est grave). Ainsi, ce qui est contextuel, particulier ou historique dans le Qur’ân (qui a vocation à être médité et non pas à être appliqué en ce qui concerne des pratiques culturelles ou juridiques condamnées dans le Qur’ân ou jugées obsolètes) est transcendé systématiquement par ce qui est universel et général (métaphysique, théologique, éthique, moral, spirituel, cultuel, etc.).
Comme le disait Ustadha Vanessa (juriste malikite, théologienne, historienne des sciences, épistémologue et ingénieure de formation) le 8 janvier 2025 sur son compte Facebook : « Que les gens qui veulent appliquer la méthode historico-critique sur les anciens sachent qu’on va l’appliquer d’autant plus sur les contemporains. Les anciens savants et muhaddithins ont fourni un effort extraordinaire. La méthode historico-critique est différente et beaucoup plus large car elle entend refaire l’histoire d’un objet d’étude et en même temps l’analyse textuelle des muhaddithûn va beaucoup plus loin dans le détail qu’aucune méthode historique occidentale (et je parle en connaissance de cause pour avoir fait de l’épistémologie de l’histoire (occidentale)) ».
Cela est objectivement vrai (nous avons pu comparer les différences, faiblesses et forces des adeptes de l’approche historico-critique ainsi que des muhaddithûn anciens et contemporains, et on peut dire que la maitrise des seconds (muhhadithûns ; spécialistes du Hadith dans une perspective traditionnelle et critique) surpasse celle des premiers (historiens modernes), aussi bien en termes d’objectivité, que de précisions et d’esprits critiques, même si l’approche historico-critique peut être aussi pertinente et doit être une approche supplémentaire (et dépouillée des ambitions idéologico-politiques des orientalistes, des aberrations logico-historiques des hystérico-critiques appelés aussi hypercritiques, et des limitations intellectuelles des modernistes) pour aller encore plus loin dans certaines analyses des sources historiques et de ahadiths du patrimoine musulman. Pour autant cela n’empêche pas de reconnaitre et d’identifier les réelles anomalies et dérives du passé, souvent en lien avec leur contexte historique et les coutumes culturelles qui ont influencé malgré eux, un certain nombre de savants (qui divergeaient par ailleurs d’autres savants, parfois même avec des critiques assez sévères).
Face aux différents discours sectaires, que faire dans la perspective islamique ?
Il y a 2 voies bénies en Islam.
– La première, pour les gens du commun, est « l’arche du Salut et de la Paix », s’obtenant s’ils prêtent foi en Allâh, à Son Livre (Qur’ân) et au Prophète Muhammad (ﷺ), adhérant aux piliers de l’islam et de la foi, se préservant des grands péchés évoqués dans le Qur’ân et en s’interdisant de faire du mal aux gens, et en essayant de faire le bien, tout en s’éloignant des querelles et divisions entre les courants ou les sectes, surtout quand leurs spécificités visent à dénigrer les Sahâba, les épouses du Prophète (ﷺ) ou les autres figures importantes des Ahl ul Bayt (et notamment les Ahl ul Kissâ parmi eux), ou encore les awliyâ’, ou quand ils rajoutent des conditions de la foi qui ne sont pas dans le Qur’ân ou qui contredisent le Qur’ân et les principes de l’intellect, ou qui sont fondées sur la haine et une vision binaire là où le Discours divin doit apaiser et illuminer les coeurs, nous rendre meilleurs, nous empêcher d’être injustes ou d’haïr les croyants ou les incroyants en tant que tels (ce qu’il nous faut réprouver et désavouer en soi sont les croyances, actions ou pratiques perfides, erronées ou injustes). Ainsi, même malgré leurs lacunes et négligences, ils n’auront pas dévié doctrinalement de la voie droite, n’auront pas menti sur Allâh et Son Messager, n’auront pas maudit ou rabaissé des Bien-Aimés d’Allâh et de Son Messager, et n’auront pas causé de tort injustement aux créatures d’Allâh parmi les humains ou les animaux. Mieux vaut en effet cette voie (minimale mais saine) préservée à celles qui sont entachées des querelles et déviances sectaires, qui poussent d’ailleurs à la haine, à l’égarement, à l’extrémisme et au fanatisme, et qui éloignent de l’essence de l’Islam et de Ses Bénédictions.
– La seconde des voies, pour les gens qui souhaitent s’élever spirituellement et intellectuellement, et être comptés parmi les Rapprochés d’Allâh, aspirant donc à sa totale Satisfaction et à Sa Proximité, est la voie de l’approfondissement des réalités spirituelles, des bonnes manières, des actes de dévotion, des aspirations pures et nobles ; la voie de la Sainteté qui est incarnée par le Tasawwuf et par les maîtres spirituels orthodoxes et authentiques, et qui, sans renier les fondements de la voie orthodoxe des gens du commun (voie décrite précédemment), consistera à déployer tous les efforts possibles pour purifier son âme et dompter sa nafs, multiplier les bonnes oeuvres, l’introspection et le Rappel d’Allâh ainsi que Son Souvenir (Dhikr), et accorder tout son temps libre dans tout ce qui constitue un moyen de se rapprocher de Lui, en plus des obligations religieuses et familiales habituelles. Et même dans les actes du quotidien, y insuffler de la spiritualité et un moyen de se rapprocher de Lui.
Entre les 2 voies, il existe des degrés et aussi une possibilité de pousser l’investigation rationnelle plus loin concernant certaines questions théologiques, philosophiques, politiques, historiques ou juridiques, mais elles doivent se conformer aux critères susmentionnés, qui sont ceux du Qur’ân, de l’intellect et de la spiritualité, et du refus du sectarisme et de la haine envers l’entourage prophétique (Sahâba et Ahl ul Bayt) comme dit explicitement dans le Qur’ân.
L’imâm du Salaf, exégète, juriste, logicien, muhaddith et Sûfi ‘Abdullâh Sahl al-Tustarî (m. 283 H) a dit : « Il existe 3 catégories de savants : Les savants exotériques qui mentionnent leur savoir exotérique aux gens de l’extérieur (se limitant à l’exotérisme) ; les savants ésotériques qui mentionnent leur connaissance (ésotérique) aux gens de l’intérieur (qui en plus du savoir exotérique, veulent aussi accéder à la connaissance ésotérique) ; et ceux qui possèdent la connaissance de ce qui est entre Allâh et eux, et cette science n’est pas (extérieurement) évocable (par des paroles) »[18].
L’imâm du Salaf, juriste, Sûfi et muhaddith Yahya Ibn Mu’âdh ar-Râzî (m. 258 H/871) a dit : « Le vrai croyant est celui qui, s’il ne procure pas de bien aux croyants (ou aux autres), il ne leur (au moins) pas de tort non plus. S’il ne suscite pas leur joie, il ne les chagrine pas non plus ; et s’il ne les complimente pas, il ne les blâme pas (non plus) (…). Il y a 3 choses qui font partie des caractéristiques des Saints (Awliyâ’) : ils s’en remettent à Allâh dans toutes leurs affaires ; Allâh leur suffit et ils peuvent se passer de tout (ce qui est lié spécifiquement à ce bas-monde) ; et ils reviennent à Lui en toute circonstance »[19].
L’imâm, théologien, exégète, juriste, muhaddith et Sûfi du Salaf Sari al-Saqati (155 H/772 – 253 H/867) a défini le Tasawwuf (le cœur et le sommet de l’islam) comme étant la voie qui : « consiste à atteindre le noble caractère et la meilleure moralité, à remplir les devoirs religieux (obligatoires), à éviter l’illicite et le répréhensible, à se prémunir contre l’insouciance et l’indécence, à faire beaucoup d’actes charitables, à être repentant (pour revenir sans cesse à Lui) et compatissant envers Ses créatures ; ce sont les là les valeurs des personnes vertueuses (…). La bonne moralité consiste à ne pas blesser les gens, à supporter l’oppression des êtres humains sans garder rancune (contre eux) et sans penser à la vengeance »[20].
L’imâm et Shaykh ul Islâm Abû Nu’aym dans Al-Hyliat al-Awliyâ’ (10/48) et l’imâm Farid ud-Dîn Attâr dans son Tadhkirât al-Awliyâ’ (biographie n°30 dédiée à Al-Saqatî) le décrivaient comme un Sûfi et le comparait à une montagne de science et de connaissance, caractérisé par la douceur et la résolution (dans le Tawhid, la foi et le cheminement), et gratifié d’une immense sagesse, d’un amour profond, d’ingéniosité, d’intelligence et de compassion envers Ses créatures. En somme, les qualités et principes qui sont au coeur de la Voie Muhammadienne.
Il dit également : « La courtoisie et l’amabilité sont l’interprète du cœur »[21].
Le Sahâbi Abû ad-Dardâ passa la nuit en prière, il se mit a pleurer et invoquer jusqu’à l’aube : « Ô Seigneur Tu as parfais (et annobli) mon aspect extérieur, parfais et améliore donc mon aspect intérieur (mon comportement et mon caractère) ». Son épouse lui dit : « Ô Abû ad-Darda’ toute la nuit durant tu n’as fais qu’invoquer (Allâh) en faveur du bon comportement ». Il lui répondit : « Ô Umm ad-Darda’, très certainement le serviteur musulman ne cesse d’améliorer son comportement jusqu’à ce que ce dernier le fasse entrer au Paradis, et il n’a de cesse de le faire empirer jusqu’à ce que celui-ci soit la cause de son entrée dans la Géhenne »[22].
Le Salaf Al Mubarrad rapporte dans Al-Kamil fil Lougha wal Adab (97) de l’imâm ‘Alî (‘alayhî salâm) cette sublime parole : « Celui dont les paroles sont douces gagne inéluctablement l’affection d’autrui ».
Abû Nu’aym dans Tahdhib al hilya (1/221) rapporte qu’Ibn ‘Umar fut questionné : « Est-ce que les Compagnons du Prophète (ﷺ) riaient ? ». Il répondit : « Oui ! Alors que la foi qui était ancrée dans leurs poitrines était plus immense encore que les montagnes ».
Ibn Abî al-Dûnya dans Mawsû’a (7/200) rapporte qu’Abdullâh Ibn ‘Umar a dit : « La bonté est tellement simple à pratiquer : elle consiste à rencontrer les autres avec un visage souriant et à parler aux gens de manière douce ».
Ibn Abî al-Dûnya dans Mawsû’a (7/196) qu’Abdullâh Ibn ‘Abbâs a dit : « Celui qui te passe le Salâm (la paix et la salutation de paix) parmi les créatures d’Allâh, rend le lui quand bien même ce serait un majûss (un courant dégénéré adorant le feu et tombant dans l’idolâtrie, mais dérivant du zoroastrisme originel qui était une Religion monothéiste), et ce parce qu’Allâh a dit : « Et lorsqu’on vous adresse une salutation alors saluez de façon meilleure ou rendez la pareillement » (Qur’ân 4, 86) ».
Ibn Abî al-Dûnya dans Mawsû’a (7/221) rapporte cette parole d’Abû Hurayra : « Celui qui ne considère pas que les paroles qu’il profère font partie de son œuvre et que son comportement est lié à sa religion, alors il est dans un état de perdition sans même qu’il ne s’en rende compte ».
Ibn Abî al-Dûnya dans Mawsû’a (7/523) rapporte qu’Abû ad-Dardâ’ a dit : « Celui qui prête attention à tout ce que font les gens, jamais ne dissipera sa tristesse ni ne diminuera sa colère ».
Il est rapporté dans Al jami’ al Muntakhab (p. 66) que Luqmân le Sage dit à son fils : « Ô mon fils, que tes paroles soient bonnes, que ton visage soit radieux et tu seras plus aimé des gens que celui qui leur donnerait de l’or et de l’argent ».
Notes :
[1] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°985, 986 et 1080 à 1082 – sahîh -, Ad-Darimî dans ses Sunân n°592 selon Ibn Mas’ûd et n°593, Ibn Battah dans Al-Ibanah n°103, Al-Tayalisi dans son Musnad n°101 et d’autres.
[2] Rapporté dans le Nahj al-Balagha dans la section du Jugement, Sagesse n°95.
[3] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°15725 selon Abû Humayd, chaîne sahîh selon le Shaykh Shu’ayb Al-Arna’ût dans son Takhrîj Al-Musnad n°23606, ainsi que par le Shaykh Rajab Dib dans ses sermons, notamment ici : https://youtu.be/mxHDUjsq-Do?t=417
[4] Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4216 selon ‘Abdullâh Ibn Amr, sahîh, At-Tabarânî dans Musnad Al-Shamiyyin n°1218 et Mullah Ali Al-Qarî dans Muraqât al-Mufayatih 8/3267 n°5221 concernant la première partie du hadith et Al-Bayhaqî dans Shu’âb al-Imân n°4800 et n°4462 qui rapporte aussi la fin du hadith, voir aussi Al-Mundhirî, Al-Busayrî, Al-‘Iraqî et d’autres.
[5] Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mu’jâm al-Kabîr n°10370 selon Ibn Mas’ûd – hassân -.
[6] Rapporté par Ibn Abi ad-Dunyâ dans Mudârât al-Nâss n°85 selon al-Nawwâs Ibn Sa’mân ainsi que par d’autres voies et légères variantes, sahîh et hassân également, notamment Ad-Darîmî dans ses Sunân n°2533, Ahmad dans son Musnad n°17999 et 18028, At-Tabrizi dans Mishkat al-Masabih n°2774, At-Tahâwî dans Sharh Mushkil al-Athâr n°2139, Abû Ya’la dans son Musnad n°1586, An-Nawawî dans son recueil des 40 ahadiths n°27 et d’autres.
[7] Rapporté notamment par Abû Tâlib al-Makkî dans son Qût al-Qulûb 1/49.
[8] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2906 selon ‘Alî.
[9] Fakhr ud-Dîn ar-Râzî (vers 503 H/1149 – 606 H/1209) était un savant musulman d’origine persane et né dans la région de Ray. Il étudia le Qur’ân et le Tafsîr, le Hadith et la Sirah, les Ussûl et le Fiqh (notamment shafi’ite), la ‘aqida asharite et le ‘ilm ul kalam, la Sîrah et l’histoire, la poésie et la littérature, la langue arabe et le persan, s’initia au Tasawwuf, la logique et la philosophie, l’épistémologie et la physique, l’astronomie et la rhétorique, la médecin et la chimie, les mathématiques et la physiogonomie, la métaphysique, les religions comparées, les différents courants islamiques, ainsi que quelques autres sciences.
[10] Jonathan A.C. Brown, Misquoting Muhammad : The Challenge and Choices of Interpreting the Prophet’s Legacy, Oneworld Publications, 2014, pp. 102-103.
[11] NdT : Le premier sens du terme « ayât » en arabe est « signe » (cosmique, prophétique, linguistique, etc.) et est donc plus large que le simple sens de « verset » (ici du Qur’ân). Certains ont privilégié avant tout le sens général (et surtout cosmique) et dans le contexte du verset cela s’harmonise très bien, là où d’autres ont voulu réduire le sens – à tort – uniquement à l’un de ses sens, ici du « verset du Qur’ân ».
[12] Le Shaykh ‘Alî Ibn Muhammad Ibn Ibrâhîm ‘À la ud-Dîn Al-Khazin (678 H/1280 – 741 H/1341) était un exégète du Qur’ân, un muhaddith, un juriste shafi’ite, etc.
[13] Propos tenus notamment lors d’une discussion sur le sujet le 8 janvier 2025, et renvoyant aussi à son article sur le sujet : La doctrine de l’abrogation dans le Saint Coran, publié en novembre 2023 sur son site web : https://ahmedamine.net/liste-des-articles-en-francais/
[14] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°1740, n°21997 et n°22498 selon Umm Salama avec un bon isnad, cf. Muhammad Hamidullah, Le Prophète de l’Islam, sa vie, son oeuvre, éd. El Falah, 7e, 2009, Safi-ur-Rahman al-Mubarkpuri dans sa biographie du Prophète intitulée Ar-Raheeq Al-Makhtum, Ibn al-Qayyim dans Hidayat Al-Hayara fi ‘ajwibat al-yahûd wal-nasara 1/260, Ibn Qudâma al-Maqdisî dans Kitâb ar-riqqah wa al-bukâ’, au chapitre 14 sur les anecdotes de certains Compagnons (en français : L’adoucisseur des cœurs : récits merveilleux des prophètes, des compagnons et des saints, éd. Iqra, 2005, pp. 160-162 ; Abdul Wâhid Hâmid, Companions of The Prophet, éd. MELS, 1995, vol. 1 concernant Ja’far Ibn Abû Tâlib.
[15] Plusieurs versions comportent aussi un passage indiquant que si les épouses commettent de graves turpitudes et que le dialogue ne suffit pas à les ramener à la raison et à une attitude respectueuse et pacifique, alors il a été autorisé aux époux de les tapoter pour leur signifier la gravité de la situation, mais sans jamais les frapper (c’est-à-dire l’action de frapper, causant des blessures, des bleus, des fractures, des saignements, des traces, des douleurs violentes, etc.), – et cette permission (interdisant ainsi la violence conjugale sans pour autant frustrer le mari en colère) – n’est autorisée que dans cette seule situation (acte symbolique impliquant une action physique) et que si elles cessent, même cette permission est alors abolie et n’a plus lieu d’être. Ce passage enseigne donc que même en cas de grands péchés et hostilités de la part de l’épouse, le mari n’a pas à la battre ou à lui faire du mal, mais que cet acte symbolique doit enseigner à la femme qu’elle doit respecter son mari et veiller à respecter ses droits, et vice-versa. Par exemple, dans la version rapportée par Al-Jâhiz dans Kitâb al-Bayân wa-al-Tabyîn : « Tapotez-les d’une façon qui ne leur cause pas de mal (nuisance, souffrance) ».
[16] Dans certaines versions, le passage « Sunnah » y est absent, seul le Qur’ân est mentionné, mais de toute façon, le Qur’ân enjoint à suivre la Sunnah à la lumière du Qur’ân comme dans ces versets : « Prenez ce que le Messager vous donne ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en » (Qur’ân 59, 7), « Quiconque obéit à Allâh et au Messager… ceux-là seront avec ceux qu’Allâh a comblés de Ses bienfaits : les prophètes, les véridiques, les martyrs, et les vertueux. Et quels bons compagnons que ceux-là ! » (Qur’ân 4, 69) ; « Ô les croyants ! Obéissez à Allâh, et obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement (l’autorité). Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-le à Allâh et au Messager, si vous croyez en Allâh et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation (et aboutissement) » (Qur’ân 4, 59), etc.
[17] Ce sermon a été rapporté avec quelques variantes, notamment par Muslim dans son Sahîh n°65, 1297, 1679, al-Bukharî dans son Sahîh n°121, 1739, 1741, Ahmad dans son Musnad 251/5, An-Nasâ’î dans ses Sunân n°2996, Abû Dawûd dans ses Sunân n°1956, Al-Jahîz dans son Kitâb al-Bayân wa-al-Tabyîn, Ibn Hisham dans sa Sirah an-Nabawiyyah, At-Tabarî dans son Târîkh, l’imâm Mâlik dans al-Muwattâ’ n°1601 et l’imâm al-Hâkim dans Al-Mustadrak 1/3 rapportent la version : « Je vous laisse 2 choses : le Livre d’Allâh (Qur’ân) et la Sunnah », ainsi qu’Al-Bayhaqî d’autres.
[18] Rapporté aussi par l’imâm et Sûfi Farid ud-Dîn Attâr dans son Tadhkirat al-Awliyâ’ à la biographie n°28 consacrée à Sahl al-Tustarî.
[19] Rapporté aussi par l’imâm et Sûfi Farid ud-Dîn Attâr dans son Tadhkirat al-Awliyâ’ à la biographie n°35 consacrée à Yahyâ Ibn Mu’âdh ar-Râzî.
[20] Rapporté notamment par Abû Nu’aym dans Al-Hyliat al-Awliyâ’ 10/120-123.
[21] Rapporté par l’imâm Farid ud-Dîn Attâr dans son Tadhkirât al-Awliyâ’ (biographie n°30 dédiée à Al-Saqatî).
[22] Rapporté par Ahmad dans son Kitâb az-Zuhd, p.264, et Al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ sur le comportement du Prophète (ﷺ) qui cite la du’a de Abû ad-Darda’.