Retour sur l’affaire polémique autour de Ayasofya (Sainte-Sophie)

Le 24 juillet dernier, Ayasofia est redevenue une mosquée à nouveau. Depuis plusieurs semaines les médias occidentaux se sont emparés de cette affaire, et n’ont pas hésité à faire du matraquage médiatique autour de ce dossier, allant jusqu’à mentir, diaboliser des personnalités, occulter des faits historiques et déformer les faits politiques.

Les médias occidentaux parlent ainsi encore une fois « d’islamisation », « d’islam politique », de « dérives autoritaires », etc.

Mais au final, qu’en est-il ?

La portée symbolique de cet enjeu

Ce qu’il faut savoir, c’est que Sainte-Sophie (Ayasofya) était un lieu de culte chrétien à l’origine, puis sous l’ère du Sultan Muhammad Al-Fatih (Mehmet II) après la prise de Constantinople en 1453, elle devint une mosquée suite à un accord légal conclut avec les propriétaires chrétiens. Ainsi, pendant plus de 500 ans, Ayasofya fut une mosquée, et ce n’est qu’au début du 20e siècle, sur la décision autoritaire d’un pouvoir dictatorial sans demander l’avis du peuple, qu’elle fut transformée en musée, la privant de sa fonction première, qui était d’être un lieu de culte afin de vivifier la relation spirituelle entre le Divin et Ses serviteurs.

De plus les visiteurs seront toujours autorisés à visiter le lieu, y compris les chrétiens.

Ce n’était donc plus un lieu de culte, ni pour les musulmans, ni pour les chrétiens. C’est aussi l’Etat turc et le peuple turc qui sont souverains sur cette question, et ils ont tranché. Que les états occidentaux arrêtent de transformer les mosquées en bars ou en d’autres choses, et qu’ils arrêtent de faire de même aussi pour des églises qui sont détruites ou transformées en d’autres bâtiments, parfois assez dégradants.

Jamais des pays occidentaux n’accepteraient que d’autres pays leurs dictent quoi faire sur des sujets relevant de leur souveraineté nationale. Alors pourquoi cette exception ?

Tout simplement car la décision politique prise à l’époque de Mustafa Kemal (dit « Atatürk » bien que des millions de turcs ne lui concèdent pas ce titre honorifique) de transformer Ayasofya en un musée, signait en quelque sorte la domination idéologique et politique de l’Occident sur la Turquie, alors soumise et privée de son rayonnement spirituel et de sa constitution islamique.

Que peut-on logiquement attendre de pays occidentaux où le christianisme est moqué et étouffé en tant que religion, mais qui n’est instrumentalisé par des pays séculiers et matérialistes que lorsqu’il s’agit de brandir une identité « commune » et « occidentale » face au monde musulman, alors même qu’en Occident de nombreuses églises sont désertées, les religieux sont moqués, des lieux de culte chrétiens sont détruits ou transformés en bars, toilettes, centres commerciaux ou autres « temples de la modernité consumériste ». Ils n’ont que faire de la Religion et du Sacré, et les piétinent au quotidien, mais dès que la Turquie se réapproprie ce qui lui appartient de droit, tout en préservant le patrimoine historique, subrepticement, ils se découvrent une identité chrétienne ? N’est-ce pas là le comble de l’hypocrisie, du populisme, du fanatisme, de l’opportunisme et de la manipulation politique à des fins idéologiques et électoralistes ?

En outre, doit-on encore leur rafraichir la mémoire ? Ayasofya n’est pas le fruit de l’Occident latin, mais de la Chrétienté orientale (ennemie des chrétiens latins d’Occident), puis le fruit et la préservation des musulmans sous l’empire Ottoman.

Il ne faut pas se mentir, par cet acte juridique, la Turquie envoie également un signal fort ayant une portée symbolique et politique à la fois, où la Turquie signifie qu’elle se libère des dernières entraves asservissantes que lui avaient imposé l’Occident, par des concessions humiliantes par le passé, et où la Turquie revendique dorénavant, de façon ouverte et assumée, sa pleine souveraineté nationale sur tout un tas de questions. Cependant, les revendications décomplexées de la Turquie, même si elles peuvent être perçues parfois comme étant des provocations, sont généralement soit une réponse à l’agressivité et aux menaces des autres pays dirigées contre la Turquie ou ses alliés, soit tout simplement une décision (sans comporter de « réactions » par rapport à des menaces ou des provocations issues de l’extérieur) visant à développer le pays, à améliorer les conditions de vie de la population ou à renforcer ses liens avec d’autres pays ou populations.

On pourrait aussi résumer le message (à faire passer) comme suit : « Nous assumons pleinement notre héritage et notre identité islamiques, le spirituel prédomine sur le temporel, et nous nous reconnaissons pleinement dans ses valeurs, ne vous en déplaise ».

Et pour mieux comprendre l’ambiance sociale, spirituelle et structurelle qui constitue les fondements de la société islamique, citons l’un des plus grands connaisseurs du 20e siècle, Titus Burckhardt :

« Rien ne nous fait si intimement toucher une culture passée qu’une œuvre d’art – une image sainte, un temple, une église, une mosquée – qui en est comme le point focal. Il y affleure quelque chose d’essentiel et d’immédiat que ne peuvent capter ni l’histoire, dans ses caractéristiques plus ou moins manifestes, ni l’analyse des événements sociaux ou économiques. Seule une autre porte offre une vision aussi révélatrice d’une culture, et même plus profonde : les textes, en particulier ceux qui traitent de choses éternelles. Inévitablement complexes, ces écrits sont en général inaccessibles au lecteur d’aujourd’hui sans notes et commentaires, alors que l’œuvre d’art nous fait vivre sans détour intellectuel l’expérience immédiate d’une certaine façon d’être et de se projeter. A partir de celle-ci, on peut explorer d’autres manières de pénétrer l’esprit de cette culture.  Ainsi, il est plus facile de se familiariser avec les formes intellectuelles et morales d’une culture bouddhiste quand on connait une de ses manifestations, l’image du Bouddha par exemple, et l’on peut d’autant mieux se représenter la vie spirituelle et sociale du Moyen Âge chrétien quand on a assimilé l’architecture d’une abbaye romane ou d’une cathédrale gothique – pour peu qu’on soit sensible à une forme d’art authentique ». (Titus Burckhardt, La Culture mauresque en Espagne, p.9 ; cité aussi par Tayeb Chouiref dans Titus Burckhardt – Le soufisme entre Orient et Occident, éd. Tasnîm, Vol. 1, 2020, p. 26).

« La beauté des arts de l’Islam – nous pouvons également dire : la beauté que l’Islam communique normalement à son ambiance – est comme un enseignement silencieux qui corrobore et approfondit l’enseignement doctrinal transmis par l’éducation religieuse. Il pénètre dans l’âme sans passer par le raisonnement ; pour beaucoup de croyants, il constitue un argument plus direct que la pure doctrine ; il est comme la vie ou comme la chair de la religion, la théologie, la loi et la morale et constituant le squelette.

Pour cette raison, l’existence de l’art est une nécessité vitale dans l’économie spirituelle et sociale de l’Islam. L’art, cependant, ne saurait exister dans l’artiste ou sans l’artisan, qui ne se distinguent pas réellement dans le monde traditionnel de l’Islam, où un art sans métier manuel, de même qu’un exploit technique dépourvu de beauté, sont inconcevables. Cela signifie que le recul progressif des métiers artisanaux devant l’invasion de la machine a pour conséquence la disparition partielle ou totale des arts islamiques. D’un seul coup, l’enseignement religieux est dépouillé d’au moins deux de ses supports, à savoir l’aide silencieuse d’une beauté partout présente – il en existe encore des traces, mais pour combien de temps ? – et de l’aide plus directe des activités professionnelles normalement orientées vers un but spirituel » (Texte publié en anglais : Philosophy, Literature and Fine Arts, éd. par S. H. Islamica Education Series, Londres et Djedda, pp. 41-48, traduit par Tayeb Chouiref dans Titus Burckhardt – Le soufisme entre Orient et Occident, éd. Tasnîm, Vol. 1, 2020, p. 82).

« Depuis l’effondrement, non seulement de la hiérarchie sociale, mais aussi de presque toutes les structures traditionnelles, les gens qui ont conservé, en toute lucidité, une mentalité conservatrice, n’ont plus rien à quoi se raccrocher. Ils se trouvent isolés dans un monde complètement asservi qui se targue de liberté, et qui se targue d’être riche et divers alors que son uniformité écrase tout. On ne cesse de clamer que l’humanité est sur la voie d’un progrès continuel, que l’être humain, après avoir « évolué » pendant des millions d’années, a désormais entamé une mutation décisive, qui doit le conduire à sa victoire finale sur les conditions matérielles de la vie. Le conservateur lucide et intelligent est seul dans une foule en délire, il reste seul éveillé au milieu d’un peuple de somnambules qui prennent leur rêve pour la réalité. Il sait, par expérience et par discernement, que l’homme, malgré son obsession du changement, reste toujours le même, pour le meilleur et pour le pire. Les questions fondamentales que soulève la condition humaine sont toujours restées les mêmes ; les réponses à ces questions sont connues depuis la nuit des temps, et pour autant que le langage humain puisse les exprimer, elles ont été transmises, depuis toujours, au fil des générations. C’est ce précieux héritage qui importe avant tout au conservateur lucide et intelligent.

Puisque de nos jours presque toutes les formes de vie traditionnelles ont été détruites, le conservateur n’a que rarement l’occasion de prendre part à un travail qui possède, par sa signification et son utilité, une valeur universelle. Mais toute médaille a son revers : la disparition des formes traditionnelles nous met à l’épreuve et nous oblige à faire preuve de discernement. Quant à la confusion qui règne autour de nous dans le monde, elle nous impose de laisser de côté tous les accidents, pour nous tourner résolument vers l’essentiel » (Titus Burckhardt, Miroir de l’intellect, chapitre : Être conservateur, 1992).

L’histoire reste donc une donnée importante pour comprendre l’actualité. Or, Ayasofya est devenue un symbole de l’Islam en même temps que de sa tolérance sous son autorité. Le Sultan Muhammad al-Fâtih (1432 – 1481), était un sultan connu pour sa conquête déterminante du point de vue musulman, avec la prise de Constantinople, renommée Islambul puis Istanbul, accomplissant ainsi la prophétie (la première au sujet de cette ville, qui ne doit pas être confondue avec la seconde) du Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) qui a dit : « Constantinople sera conquise. Quel excellent commandant que son commandant (celui qui la conquerra) et quelle excellente armée que cette armée » (1).

Constantinople fut prise en effet par les musulmans sous l’autorité ottomane, cela ne fait aucun doute sur le plan historique, et ne peut donc concerner que cet événement de l’an 1453. Le Prophète fit donc l’éloge de Muhammad al-Fâtih, qui était un sûfi, un poète, un amoureux des sciences, un théologien suivant l’école maturidite, et un juriste (instruit selon des savants essentiellement shafiites et hanafites). Le Sultan était un dirigeant juste, amoureux d’Allâh, disciple du Prophète, et avait été instruit à la théologie, au droit musulman, à la logique, à la poésie, aux langues (turc ottoman, l’arabe, le persan, l’hébreu, le latin et le grec), à la littérature, à l’exégèse qurânique, à la science du hadîth, à la Sîrah, aux arts militaires et politiques, à la philosophie, aux mathématiques, à l’histoire des civilisations, à l’astronomie, à la médecine et à quelques autres sciences. Il avait un grand respect pour les poètes, les maîtres spirituels, les scientifiques et les savants exotériques de l’Islam.

L’Imâm ‘Abd al-Rahman As-Suyûtî a dit dans son Nazm ul-I’qyân fi A’yân-il-A’yân : « Le sultan Muhammad al-Fâtih (le Conquérant). Muhammad ibn Murâd ibn Muhammad ibn Bâyazîd ibn ‘Uthmân. Le sultan, le revivificateur de la religion (muhîy ad-dîn), le conquérant de Rome, le souverain de Constantinople et son conquérant. L’érudit Shihâb al-dîn al-Kawrânî l’a loué au début de son poème (…) ».

Le Shaykh shâfi’îte Shihâb al-dîn Ahmad al-Kawrânî (813-893 H) était un grand savant d’origine kurde et muftî de l’Empire ottoman. Il fut l’élève du Hâfiz ibn Hajar al-‘Asqalânî et a été le professeur et l’éducateur spirituel de Muhammad al-Fâtih. Le Shaykh Shihâb al-dîn al-Kawrânî fit d’ailleurs le Sharh du Sahîh al-Bukhârî et un tafsîr du Qur’ân en plus d’être un Shaykh dans le tasawwuf.

Le Sultan Muhammad al-Fâtih entretint aussi des relations avec de nombreux poètes et maîtres spirituels, dont le scientifique, maître spirituel et poète sûfi Abd ar-Raḥmān ibn Aḥmad Nūr ad-Dîn Jâmî (1414 – 1492) à qui il envoya même de l’argent. A Hérat, il fut initié aux différentes sciences et intégra la Nizamiyyah d’Hérat (qui était un centre intellectuel) où il étudiera la logique, la philosophie, les mathématiques, la littérature arabe, les sciences naturelles, et les sciences islamiques. Il approfondira ensuite ses études à Samarcande, et reviendra définitivement à Hérat où il y terminera sa vie).

N’oublions pas que, selon ce qui a été transmis, que c’est via un rêve où le Prophète lui a indiqué la stratégie à suivre pour obtenir la victoire qu’il a insisté pour mener à bien cette mission, qui était vouée à l’échec selon ses conseillers. Ensuite le Prophète a prophétisé cette victoire en l’approuvant tout en bénissant son commandant et ses valeureux combattants comme nous l’avons vu.

Quant au fait que le symbole d’Istanbul, Ayasofya, repasse sous « autorité musulmane », un hadîth relate que : « Avez-vous entendu parler d’une ville dont un côté se trouve sur terre et un autre sur mer ? ». Ils répondirent : « Oui, Ô Messager d’Allâh ! ». Il reprit : « L’heure n’arrivera pas jusqu’à ce que 70 000 hommes des Banû Ishâq l’attaquent. Quand ils y arriveront, ils s’installeront et ne combattront avec aucune arme ni ne décocheront aucune flèche. Ils diront : « Point de divinité si ce n’est Allâh et Allâh est le plus Grand » ! Alors, un de ses côtés s’effondrera.  Thawr dit : « Autant que je sache, il a dit : « …. Qui donne sur la mer ? ». Puis ils diront une seconde fois : « Point de divinité si ce n’est Allâh et Allâh est le plus Grand ! ». Le deuxième côté s’effondrera alors. Ensuite, ils diront une troisième fois : « Point de divinité si ce n’est Allâh est Allâh est le plus Grand ! ».

On leur ouvrira alors les portes et ils entreront et amasseront des butins. Tandis qu’ils se partageront les butins, un héraut viendra crier : « Le faux messie est apparu ! » Alors, ils abandonneront tout et s’en retourneront ». (2)

Cet événement politique, datant du 24 juillet, préfigure donc, selon certains, la seconde prophétie qui concernera Istanbul, notamment par son symbole qu’est Ayasofya.

Il est ainsi difficilement compréhensible, que des musulmans peu clairvoyants et très binaires dans leur façon de concevoir le monde et la géopolitique, de critiquer cette décision et de s’écarter de ce que le Prophète a apprécié et loué.

(1) Rapporté par Ahmad dans son Musnad 4/335, par Al-Hâkim dans son Mustadrak qui l’a déclaré authentique selon les conditions de Muslim et de Bukharî et confirmé par Ad-Dhahâbî, Al-Bûsayrî dans Ithâf al-Khayra al-Mahra bi Zawâid al-Masânîd al-‘Ashra a dit : « le hadith a été rapporté par Abû Bakr ibn Abî Shayba, Ahmad ibn Manî’, Ahmad ibn Hanbal, et al-Hâkim (…) », Al-Tuwayjirî a dit dans Ithâf al-Jamâ’a bimâ Jâ fî al-Fitan wa al-Malâhim wa Ashrât al-Sâ’a : « Le hadith a été rapporté par l’imam Ahmad. Al-Haythami a dit : « la chaîne de transmission de ce hadith est la même que dans des hadiths rapportés par Al-Bukhari et Muslim, à l’exception d’Abi Qabil qui est tout de même une personne de confiance », Ad-Dârimî le rapporte aussi dans ses Sunân.

(2) Rapporté par Muslim dans son Sahîh, au chapitre les troubles et la fin des temps n° 7333.

Quelle a été la procédure légale pour qu’Ayasofya retrouve son précédent statut juridique (celui de mosquée) ?

A l’origine déjà, Ayasofya n’a pas été transformé en mosquée de façon arbitraire ou « illégale ». Comme l’a noté le Shaykh Abû Zakariyya al-Hussaynî al-Shafi’î dans une publication datant du 10 juillet 2020 intitulée Fondement juridique de la transformation d’Aya Sofia (Sainte Sophie) en mosquée : « Il ne fait aucun doute que le Sultan Muhammad II était un génie dans cette affaire. Il a bien veillé à ce que l’opération ne soit pas dépendante de sa qualité de Sultan ou de l’État Ottoman. En fait, le processus qui a eu lieu est inédit dans l’histoire parce qu’il a proposé l’achat de l’église au patriarcat orthodoxe de Constantinople, acquisition qui devait se réaliser en son nom propre et grâce à ses propres deniers. Cette somme d’argent n’était ni celle du Sultanat, ni celle du Bayt al-mâl (Trésor Public). Ainsi, le contrat de cession fut conclu à titre personnel. Cet accord a bien été enregistré en tant que contrat de vente. De même, le prix a été payé en plusieurs fois, ce qui est prouvé par des récépissés. A la suite de l’acquisition, le Sultan a constitué un Waqf (fondation charitable de droit musulman) et a légué sa nouvelle propriété à celui-ci. Ce transfert de propriété est aussi documenté par un acte notarial. Au moment de la constitution des Registres Fonciers (Tâbû), ce bien immobilier fut enregistré en tant que propriété exclusive du Waqf du Muhammad al-Fâtih.

C’est ainsi que lorsque le dossier fut étudié, l’enquête a recensé 27 000 documents historiques. Les chercheurs ont trouvé dans ces dossiers le titre de propriété originel (sanad tâbû) précisant le propriétaire de l’immeuble qui n’est autre que le waqf mis en place par le Sultan.

C’est en 1934 que Mustapha Kemal a transformé cette belle mosquée en musée après la dislocation de l’Empire Ottoman et pour des raisons de complaisance avec les occidentaux.

En revanche, l’Histoire frappe à nouveau à la porte d’Aya Sofia. En effet, un représentant du Waqf a déposé une requête auprès du Conseil d’état turc (Danistay) aux fins de restitution du bien transformé par l’État. Le fondement juridique de la requête repose sur la preuve du titre de propriété de cet édifice qui est la propriété de la fondation (du waqf) et non de lÉtat turc ».

A l’appui, des documents authentiques ont été fournis.

Par une décision du 10 juillet 2020 : « la 10e chambre du Conseil dÉtat a annulé la décision du conseil des ministres du 24 novembre 1934 qui a avait imposé la transformation de la mosquée en musée. Le Conseil d’État s’est fondé sur le titre de propriété du Fatih Sultan Mehmet Vakfi selon lequel cet édifice est destiné à servir de mosquée et ouvert au public. Selon le Conseil d’État, cette clause de destination en mosquée est imprescriptible et ne peut souffrir d’aucune modification. C’est donc une application fidèle du droit des waqf par la plus haute juridiction administrative turque ». Le Shaykh Abû Zakariyya précise que cette affaire n’a aucune relation avec le gouvernement turc, mais cela n’est pas totalement exact, car même si l’initiative légale n’est pas à proprement parler celle du gouvernement, il y avait clairement une convergence, et aussi un soutien personnel de la part d’Erdogan pour un projet qui lui tenait à cœur (ce que précisera aussi le Shaykh Abû Zakariyya). Il rajoutera également que la Turquie est un pays disposant des institutions judiciaires, que le Conseil d’état est le même qui a annulé les décisions du gouvernement en ce qui concerne la censure de Wikipedia et de certains réseaux sociaux.
Et enfin, le Shaykh Abû Zakariyya rajoute : « Quant à la transformation des lieux sacrés des non-musulmans en mosquées, le patriarche arménien d’Istanbul a répondu clairement à ce sujet en disant que Aya Sofia était une mosquée et elle le redeviendrai. Le musulman n’a pas à s’opposer à la réouverture actuelle de la mosquée Aya Sofia car ce n’est pas une transformation d’une église en une mosquée mais d’un musée en une mosquée. Aucun texte législatif islamique n’interdit de changer le musée en mosquée ».

Concrètement, qu’est-ce que cela change ?

Depuis sa transformation en musée, ni les musulmans ni les chrétiens ne pouvaient y prier, et pour la visiter, il fallait payer. Dorénavant, les musulmans peuvent y prier afin de respecter la finalité première de ce monument particulier, et les non-musulmans peuvent toujours y accéder, mais cela ne leur coûtera pas un centime, puisque l’entrée n’est plus payante. L’iconographie chrétienne ne sera pas retirée ou modifiée, la Turquie prendra en charge son entretien et les frais. Ainsi, pour les musulmans, ils peuvent de nouveau y prier la tête haute en toute humilité, et pour les non-musulmans, la visite ne sera plus payante. Dans cette histoire donc, les touristes seront gagnants, puisque tout en profitant de l’aspect culturel de cet édifice, ils économiseront aussi de l’argent.

De toute façon, cela fait plus de 5 siècles que ce sont les Turcs qui sont en les propriétaires légitimes, qui dépensent leur argent pour sa conservation et sa préservation, dépêchent leurs experts et assurent la coordination avec les experts des autres pays, et qui ont préservé Sainte-Sophie du pillage, de la destruction et de la détérioration avancée.

Le fameux « deux poids deux mesures » encore à l’œuvre

Comme le faisait remarquer Bader Lejmi (le 11 juillet 2020) : « Qu’Aya Sophia passe de musée à mosquée est une bonne nouvelle qui ne fait de tort à personne et redonne à ce lieu sa finalité transcendantale. Tout le monde devrait s’en réjouir quelque soit sa religion et quelque soit son opinion d’Erdogan et de ses vraies motivations.

En réalité dans le monde au cours des dernières décennies de très nombreux lieux de cultes musulmans, chrétiens et juifs ont été effacés de l’Histoire par les idéologies totalitaires. Le prétexte d’en faire des lieux de culture tel qu’un musée n’est qu’un prétexte. D’ailleurs le verbe muséifier signifie en réalité transformer un lieu d’un présent vivant en lieu d’un passé mort.

En France, à Montreuil, il y a une petite dizaine d’années l’école et mosquée de Mohammed Taïfour a été fermée et transformée en logements. Plus récemment c’est à Clichy qu’une mosquée a été fermée. À Bagnolet c’est une lutte pour préserver l’existence d’une mosquée qui a conscientisé toute une génération. Dans le monde arabe, les synagogues sont peu à peu effacées et l’idée de pluralisme avec elles. En Chine, les mosquées et les églises sont rasées au nom de la suprématie du Parti sur l’humain et le divin. En Europe les églises se vident et sont vendues pour devenir hôtel ou salle de gym dans des sociétés qui n’ont plus de finalité.

Une mosquée est un lieu vivant, de rassemblement, et de lien social, de transmission du savoir, ouvert à tous quelque soit sa religion, porteur d’un message universel, fruit du génie humain. Il englobe la finalité du musée et la dépasse ».

Le Père Manuel Moussallem au sujet de l’Eglise Sainte Sophie disait le 17 juillet 2020 : « Mieux vaut qu’elle soit un lieu de culte où le nom de Dieu est loué qu’un musée où le sol de cet édifice est souillé par des visiteurs curieux et des touristes ». Le Père Moussallem dresse une liste des lieux de culte chrétiens et musulmans transformés en musées ou en étables en Israël, sans que ces actes suscitent une quelconque réaction de la part de l’opinion publique internationale… (https://youtu.be/0Zb3NKEJNtI).

Des observateurs dans les époques passées, relataient déjà ce genre de manœuvres : « Les voyageurs nous décrivent les villes balkaniques de l’époque ottomane comme hérissées de fins minarets blancs, ce qui leur conférait, vues de loin et par un œil étranger, un cachet exotique plein de charme. Ces marqueurs visuels du paysage urbain n’étaient pas du goût des non-musulmans. Dans les périodes de transition, le vandalisme chrétien frappa par priorité les minarets. À Sofia, destinée à devenir la capitale de la Principauté de Bulgarie, les artificiers russes profitèrent d’une nuit d’orage pour en dynamiter plusieurs (…). L’historien tchèque Konstantin Jireček se souvient de ces années de transition : « il fallait voir à Sofia avec quel entrain les chrétiens sapaient à la base les fins minarets de bois ou de brique et les abattaient avec des nœuds coulants » ».

(Bernard Lory, Eglises et mosquées : des bâtiments interchangeables ? (sur des exemples balkaniques), Anatoli, 6, 2015, 81-100).

Doit-on encore rappeler les pillages perpétrés par des catholiques à AyaSofya, avant même l’arrivée des Ottomans à Constantinople ? En effet, le siège de Constantinople de 1204 par les Croisés est souvent passé aux oubliettes. Il est pourtant ici question d’un pillage des plus sauvages sur 3 jours, durant lequel de nombreuses œuvres grecques et romaines ont été volées ou détruites, des sanctuaires saccagés et eux aussi pillés pour beaucoup, sans parler également des pertes humaines et des sévisses infligés à la population civile. Cet acte violent était motivé par la revanche sur le massacre des Latins de 1182 (“Sack of Constantinople, 1204”, Agiasofia : http://www.agiasofia.com/emperors/fall1204.html ; voir aussi Constantine Paparhigopoulos – History of Helenic Nation, Encyclopaedia Britannica).

Si des pays tels que la France ou l’Allemagne sont mal placés pour donner des leçons de morale, il y a d’autres pays encore, où l’hypocrisie ne semble plus avoir de limite, comme dans le cas des gouvernements grec et arménien, puisqu’au cours des dernières décennies, des rapports indiquent que plus de 345 mosquées furent transformées de force en étables, bars ou d’autres édifices du genre, quand celles-ci n’ont pas été tout simplement détruites.

En Arménie également, puisqu’elle a envahi illégalement et immoralement le Haut Karabakh en 1992, dont le territoire appartient culturellement et juridiquement à l’Azerbaïdjan, et y mène encore des opérations meurtrières, – ce qui a suscité la vive condamnation de la Turquie -. Il faut dire que l’Arménie peut compter sur le soutien de la Russie, et que cette dernière utilise souvent l’Arménie pour nuire aux intérêts de la Turquie et de l’Azerbaïdjan.


Voici la réflexion aussi du chercheur Yasir Qadhi sur le sujet (texte traduit en français par Mehdi Dari, le 17 juillet 2020, avec quelques corrections de notre part), Réflexions sur la question de Sainte-Sophie :

« Le Prophète a déclaré que « L’islam transcende tout le reste, et rien ne prévaudra sur lui ». Rapporté par al-Bayhaqî (…).

La signification de ce hadith, qui a été utilisé dans de nombreux chapitres du fiqh, est que les musulmans considèrent leur foi comme étant divinement favorisée et bénie. Toutes les confessions ne sont pas égales, et même si d’autres confessions sont autorisées à pratiquer et à préserver leur identité en vertu de la loi islamique, cela ne signifie pas qu’elles sont toutes identiques. C’est pour cette raison que la charia a de nombreuses décisions spécifiques pour les minorités religieuses vivant sous la loi islamique. Bien qu’il y ait beaucoup de discussions concernant les détails, pas une seule école de droit n’a donné à ces populations les mêmes droits et privilèges que ceux accordés dans la charia aux croyants.

Pour certains musulmans vivant en Occident, ces lois constituent parfois une source d’embarras – comment pouvons-nous exiger nos droits lorsque la charia ne semble pas accorder ces mêmes droits à d’autres ? Pire encore, certains musulmans pensent que ces lois devraient être abrogées de façon permanente car elles ne sont pas propices à l’esprit de l’islam (un « esprit » étonnamment moderne dans ses notions de libéralisme et de liberté religieuse).

Les réactions de certaines personnes à l’annonce du retour de la Haga Sophia dans une mosquée illustrent cet état d’esprit. Certaines personnes se sentaient gênées ; de nombreuses personnalités éminentes ont dénoncé la décision contre les enseignements de l’islam.

Beaucoup a été dit la semaine dernière et il n’est pas nécessaire de le ressasser ici. Quelques réflexions :

– Les arguments historiques pour remettre cette structure dans la mosquée que les Ottomans ont utilisé pendant 5 siècles sont valables. Le sultan Muḥammad al-Fātiḥ (mort en 1481), en tant que conquérant de la ville, en vertu à la fois de la loi islamique et des normes de l’époque, avait le droit de la convertir en masjid. Les informations selon lesquelles il a acheté le terrain sont contestées (et de manière réaliste, un tel achat serait sans aucun doute soumis à de grandes contraintes – qui vendrait volontiers une telle structure emblématique ? ) ; il n’est pas nécessaire que nous empruntions cette avenue. Lorsque la Reconquista a expulsé les musulmans d’Andalousie, ils ont converti des milliers de mosquées en églises (y compris la Grande Mosquée de Cordoue – l’une des mosquées les plus grandes et les plus magnifiques du monde). C’était une époque différente, et telle était la norme. La loi islamique classique, et les lois du monde à l’époque, permettraient le changement en masjid.

– Même si, historiquement, il y avait des zones d’ombre, la Turquie est aujourd’hui un État indépendant et les temps ont changé. 600 ans, ce n’est pas peu de temps ! Lorsque moins de 0,1% de sa population est orthodoxe et que les circonstances ont radicalement changé depuis le 14e siècle, la Turquie a le droit légal de faire ce qui est bénéfique pour ses citoyens.

– L’affirmation selon laquelle cette décision est à des fins politiques et afin de renforcer le soutien au président ou à un parti politique ne devrait rien avoir avec le fait que cela soit un signe de l’évolution des temps. Comment quelqu’un avec une once de véritable īmān ne peut-il pas être ravi – comment nos cœurs ne peuvent-ils pas palpiter de joie – quand nous entendons l’adhān être appelé et les gens prier dans une structure qui a été abandonnée pendant près d’un siècle en raison des politiques anti-islamiques (…) ? Si quelqu’un utilise cela pour un programme politique, c’est entre lui et Allâh ; nous devons regarder le tableau d’ensemble et ne pas nous soucier des intentions individuelles.

– Assimiler cette décision à la décision Babri Masjid en Inde est une déformation grossière de la réalité. Premièrement, ce n’est pas une destruction de quoi que ce soit ; la propriété est toujours en l’état ! Deuxièmement, la démographie de l’Inde (avec 15 % de la population musulmane qui est persécutée) ne peut en aucun cas être assimilée lorsque 99 % de la Turquie est musulmane.

– Les affirmations selon lesquelles il s’agit d’un site du patrimoine mondial ou d’une icône historique sont valables. Mais qu’est-ce que cela a à voir avec le fait de permettre aux gens d’y prier ? La structure est toujours là – personne ne la détruit ! Et il sera toujours ouvert au public et aux touristes et visiteurs. Rien ne changera pour un visiteur sauf qu’une section sera balisée pour les prières.

– Enfin, la « maladresse » des musulmans vivant en Occident doit être résolue franchement. Arrêtons de tourner autour du pot ici. Nous vivons sur des terres laïques qui ont une relation et une compréhension différentes des libertés religieuses. Nous apprécions les libertés qui nous sont accordées ici : nous respectons les lois de nos terres et revendiquons les droits que nos constitutions nous accordent. Ce que fait une terre à majorité musulmane, basée sur une compréhension différente de la politique et de la religion, ne devrait rien avoir à voir avec l’exigence de nos droits en vertu des lois de nos terres. De telles décisions dans les pays à majorité musulmane ne peuvent tout simplement pas et ne doivent pas être utilisées comme un outil contre nous. Depuis quand la Constitution américaine s’applique-t-elle uniquement à ses citoyens par rapport à la manière dont les autres constitutions et gouvernements agissent ? Nous devons cesser de prétendre que toutes les terres du monde ont les mêmes philosophies. Nous demandons à l’Amérique de respecter ses propres normes, et nous affirmons clairement et sans vergogne que les terres à majorité musulmane devraient respecter leurs normes, sur la base du Qur’ân et de la Sunnah.

Et cela signifie, comme le dit le hadith, que l’islam doit transcender et prévaloir.

J’ai visité cette structure emblématique à plusieurs reprises, et j’ai maintenant hâte d’y prier avec impatience lors de ma prochaine visite inshaAllâh ».

Il convient de rappeler également que depuis 2002, la Turquie continue de rénover d’anciens lieux de culte non-musulmans (principalement chrétiens), perpétuant ainsi la longue tradition plurielle et tolérante qui existe dans le monde musulman depuis l’époque des califes bien-guidés, durant le 1er siècle de l’Hégire, jusqu’à l’époque ottomane (1).

Ainsi, depuis 2002, plusieurs églises ainsi que des monastères et des chapelles ont été rénovés comme le monastère de Sumela, la rénovation de la chapelle de l’hospice d’Artigiana, la construction de l’église syriaque orthodoxe le quartier Yesilkoy à Istanbul à la demande des syriaques orthodoxes (qui sont environ 17 000 dans cette zone), la rénovation de l’église orthodoxe arménienne de Turquie datant du 12e siècle, etc.

N’est-il pas étrange que, pour la Turquie qui ne détruit pas d’édifice religieux ici, qui en préserve son identité et sa structure, et qui le rend conforme à sa fonction première (spirituelle) tout en préservant son aspect culturel, est violemment critiquée, quand, dans le même temps, des mosquées et des églises sont détruites ou transformées de « force » dans plusieurs pays européens et en Israël ? : « The Israeli municipality in Safed has turned Al-Ahmar Mosque into a bar and events hall, Al-Quds Al-Arabi reported yesterday.

As one of the most historical mosques in the Arab city, which was occupied by the Jewish gangs in 1948, the building was first turned into a Jewish school, then into a centre for Likud’s elections campaigns and then into a clothes warehouse before finally being converted into a nightclub.

The London-based newspaper reported that the mosque was turned to a bar and wedding hall by an firm affiliated to the Israeli municipality. Its name was changed from Al-Ahmar Mosque to Khan Al-Ahmar.

Khair Tabari, secretary of Safed and Tiberias Islamic endowment, said that he had been waiting for the Nazareth court to take a decision regarding a complaint he filed requesting the evacuation of the mosque and returning it to the endowment.
He said he attached documents to prove Islamic ownership of the mosque. He called for the different political and popular bodies to increase their cooperation with him in order to save the mosque from violations.

Safed was once home to 12 000 Palestinians who were forced out of their homes in 1948.

Tabari said that the mosque is now open for use for everything except prayers by Muslims » (“Israel converts historical mosque into a bar and events hall”, Middle East Monitor, 11 avril 2019 : https://www.middleeastmonitor.com/20190411-israel-converts-historical-mosque-into-a-bar-and-events-hall/).

Les provocations de la part de la Grèce et de la France sont indignes, d’autant plus que ces deux pays violent leurs propres principes et n’hésitent pas à propager des fake news, sachant que Ayasofya, tout comme la grande mosquée de Sultan Ahmet qui se trouve à proximité, en tant que mosquées, accueillaient des touristes et visiteurs non-musulmans depuis très longtemps, et que donc, Ayasofya, qui a désormais le même statut juridique que la mosquée Sultan Ahmet, continuera d’accueillir toujours des non-musulmans comme à Sultan Ahmet. En outre, n’est-ce pas leurs prédécesseurs lors du siège de Constantinople de 1204 qui ont exécuté les prêtres, agressés sexuellement et brutalement les femmes religieuses, et pillé les trésors de Constantinople ? Et malgré tout cela, la Grèce, aujourd’hui, se permet de qualifier cet acte légitime (le fait qu’Ayasofya redevienne une mosquée) « d’affront envers le monde civilisé », quand la Grèce réprime les réfugiés, ne respecte pas les droits des citoyens musulmans, nuit aux bonnes relations de bon voisinage, réclame ce qui ne lui appartient pas, vit une crise difficile en raison de leur mauvaise gestion du pays, et s’allie avec des Etats criminels pour des intérêts purement matérialistes.

Comme nous pouvons donc le constater, cette indignation occidentale, de nature arbitraire, ne fonctionne qu’à géométrie variable, puisqu’il n’y a pas de tels débats passionnés, concernant les édifices qui se trouvent sur le sol européen, comme la « Mosquée de Cordoue », transformée en Cathédrale.
A ce sujet, à Cordoue, un collectif de citoyens baptisé Patrimonio de tod@s s’est formé en 2015 pour dénoncer cette appropriation de la mosquée-cathédrale par l’Église catholique. À travers une pétition en ligne, il a déjà réuni quelques centaines de milliers de signatures. Ces citoyens déplorent que plus de 5 siècles d’histoire maure soient ainsi passés sous silence : « C’est l’un des joyaux de la culture arabo-andalouse, un monument historique qui attire chaque année plus d’un million de visiteurs. Longtemps, les Espagnols ont cru que la mosquée-cathédrale de Cordoue était la propriété de l’État. Jusqu’à ce que récemment, plusieurs historiens démontrent que l’épiscopat l’avait acquise en 2006, dans le plus grand secret… et pour 30 euros. Profitant d’une ancienne législation franquiste datant de 1946, l’Église espagnole s’est ainsi attribué des milliers de biens immobiliers dont la propriété était jusqu’alors ambiguë ou non établie. Au total, environ 4 500 biens sont ainsi passés sous administration catholique, selon El Pais. (…) Sur le site Internet du monument, entre les brochures et les billets d’entrée, on peut lire : « Bienvenue dans cette sainte église cathédrale ». Nulle mention du passé musulman de celle qu’on appelle communément à Cordoue « la Mezquita » (la mosquée). L’édifice, classé au patrimoine de l’humanité en 1984 par l’Unesco, est pourtant l’un des symboles de la coexistence harmonieuse des cultures islamique et chrétienne. Ancien temple romain, devenu église puis mosquée, dans laquelle fut ensuite érigée une cathédrale, la Mezquita aura été du VIIIe au XVe la plus grande mosquée de l’Occident musulman » (“Espagne – Comment l’Église s’est accaparé la mosquée de Cordoue”, Arte, 5 janvier 2015 : https://info.arte.tv/fr/espagne-comment-leglise-sest-accapare-la-mosquee-de-cordoue).

Encore ailleurs en Europe, dans les Balkans, de nombreux monuments et legs de la période ottomane ont été saccagés, détruits, abandonnés ou transformés, sans aucun souci de préservation ou d’équité. Rien qu’en Bosnie, on parle de plus de 350 mosquées détruites, et plus encore pour les mosquées endommagées, sous les yeux complices des forces de l’OTAN, face au fanatisme des nationalistes serbes, à la fin du 20e siècle.

Loin donc, de favoriser le respect et la pratique des identités religieuses et des traditions spirituelles, ni même de protéger absolument la dignité et la sécurité des populations extra-occidentales, ou même celles de l’Amérique Latine, cette indignation, dans leurs bouches, ne peut être qu’un prétexte d’être « attachés au patrimoine de l’Humanité » qui fat office de mauvaise farce, sachant à quel point leur folie meurtrière les a conduit à détruire des pays entiers, à saccager la nature, à massacrer des populations civiles, à détruire des bibliothèques, des mosquées, des églises, des musées, etc.

(1) Nombreux furent les juristes et maîtres spirituels musulmans qui s’opposèrent aux injustices commises par certains dirigeants et groupes autoritaires dans le monde musulman. L’opinion publique, appuyée par les juristes, s’opposait ainsi toujours aux injustes et aux déviants. Al-Walîd Ibn `Abd Al-Malik confisqua l’église Yûhannâ et l’annexa à la mosquée de Damas. Lors de l’avènement du califat de `Umar Ibn `Abd Al-`Azîz, les chrétiens se plaignirent de ce qu’avait fait Al-Walîd de leur église. `Umar ordonna à son gouverneur de leur rendre la partie qui avait servi à agrandir la mosquée ; cependant, ils convinrent avec le gouverneur d’une compensation qui les satisfasse. Cela est rapporté dans l’ouvrage intitulé Futûh Al-Buldân (pp. 171-172). L’histoire de cette église selon le récit d’Al-Balâdhurî est que les califes omeyyades du temps de Mu`âwiyya, puis de `Abd Al-Malik, proposèrent un marché aux chrétiens afin d’agrandir la mosquée des omeyyades mais ces derniers refusèrent. A l’époque d’Al-Walîd, celui-ci les rassembla et leur proposa une forte somme d’argent en contrepartie du terrain de l’église, mais ils refusèrent de nouveau. Il dit alors : « Si vous vous obstinez plus longtemps, je la démolirai » On lui répondit : « Ô Prince des Croyants, celui qui démolit une église est frappé de démence et est atteint d’un handicap ! ». Ceci provoqua sa colère. Il demanda alors une masse et se mit lui-même à démolir les murs de l’église. Puis, il fit venir des ouvriers qui achevèrent la démolition. Le terrain fut alors utilisé pour agrandir la mosquée. Lors de l’avènement du califat de `Umar Ibn `Abd Al-`Azîz, ils se plaignirent auprès de lui de ce que fit son prédécesseur de leur église. Il ordonna alors au gouverneur de la région de leur restituer le terrain en question, c’est-à-dire de démolir cette partie de la mosquée et de la transformer en église de nouveau ! Cette décision horrifia les habitants de Damas : « Démolirions-nous notre mosquée après y avoir levé l’appel à la prière et effectué la prière derrière le Prophète ? ». Ce jour-là, il y avait parmi eux Sulaymân Ibn Habîb Al-Muhâribî et d’autres juristes. Ils allèrent trouver les chrétiens pour parvenir à un arrangement à l’amiable. Ils leur ont proposé de leur rendre toutes les églises d’Al-Ghawtah saisies lors de la conquête et dévolues aux musulmans et, en contrepartie, qu’ils leur cèdent l’église Yûhannâ et s’engagent à ne plus la réclamer. La proposition leur plut. On écrivit alors la nouvelle à `Umar qui en fut satisfait et l’approuva. De même, Al-Walîd Ibn Yazîd déporta les dhimmis qui vivaient à Chypre et les envoya en Syrie par crainte d’une attaque des Byzantins. Bien qu’il ait fait cela pour des raisons de sécurité nationale, cela lui valut la colère des juristes et de l’ensemble des musulmans qui furent choqués par cette mesure. Puis, lorsque son fils Yazîd Ibn Al-Walîd les ramena à Chypre, cela plut aux musulmans qui y virent une marque de justice et comptèrent ce geste parmi ses mérites et ce, toujours d’après le récit d’Al-Balâdhurî dans Futûh Al-Buldân (p. 214). Un certain nombre de juristes musulmans ont autorisé les dhimmis à construire des églises, des temples et autres lieux de culte dans les pays islamiques et dans les pays conquis par les musulmans manu militari, c’est-à-dire les pays dont les habitants ont combattu les musulmans et ne se sont soumis à eux que par l’épée, si l’Imâm des musulmans les y autorise, pour servir l’intérêt général, étant donné que l’islam reconnaît leurs croyances, si les conditions l’exigent. Telle était l’opinion des zaydites et de l’Imâm Ibn Al-Qâsim parmi les compagnons de Mâlik (cf. Ahkâm Adh-Dhimmiyyîn wal-Musta’manîn, pp. 96-99). Il semblerait que ceci fut mis en oeuvre tout au long de l’histoire des musulmans et dès le califat d’Abû Bakr. En effet, plusieurs églises ont été construites en Egypte au cours du 1er siècle de l’hégire dont l’église de Mâr Murqus à Alexandrie entre les années 39 et 56 après l’hégire. De même, la première église fut construite à Al-Fustât (ancien nom du Caire) dans le quartier des romains pendant le gouvernorat de Maslamah Ibn Mukhallad sur l’Egypte entre les années 47 et 68 après l’hégire. De plus, lorsque `Abd Al-`Azîz Ibn Marwân jeta les fondations de la ville de Hulwân, il y autorisa la construction d’une église tout comme il autorisa certains prêtres à construire deux monastères. De tels exemples sont légions. L’historien Al-Maqrîdhî cite dans son livre Al-Khutat de nombreux exemples puis conclut son propos disant : « Toutes les églises susmentionnées du Caire datent de l’ère islamique sans aucune contestation » (cf. Al-Islâm wa Ahl Adh-Dhimmah du Dr. `Alî Husnî Al-Kharbutlî, p. 139 et aussi Ad-Da`wah ilâ Al-Islâm de Thomas W. Arnold, pp. 84-86, 3ème édition, traduction arabe de Dr. Hasan Ibrâhim et al.).
(2) “La Turquie rénove le monastère de Sumela”, Medya Turk, 28 juillet 2020 : https://www.medyaturk.info/international/2020/07/28/la-turquie-renove-le-monastere-de-sumela/ ; “Une église construite pour la première fois depuis près de 100 ans en Turquie”, Le Soir, 3 août 2019 : https://www.lesoir.be/240158/article/2019-08-03/une-eglise-construite-pour-la-premiere-fois-depuis-pres-de-100-ans-en-turquie ; “Turquie: Réouverture d’une église arménienne du XIIe siècle”, Eglise Russe, 8 novembre 2009 : https://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Turquie-Reouverture-d-une-eglise-armenienne-du-XIIe-siecle_a502.html

Réponse des autorités turques aux provocations occidentales concernant cette affaire

De nombreux médias occidentaux se sont emparés de l’affaire pour diaboliser une nouvelle fois la Turquie en général et Erdogan en particulier, en versant dans le mauvais complotisme, la propagande, le révisionnisme, le négationnisme et des propos belliqueux, le tout en spéculant sur les intentions de Erdogan et en lui imputant leurs propres projections et tares en tous genres, puisque la Turquie se pose comme un bouclier et un rempart dans la région contre les pillages, les guerres et les injustices causés un peu partout par les puissances impérialistes.

Parallèlement à notre désir d’écrire un article sur le sujet, notre confrère Tabbahoğlu a lui aussi publié un excellent papier sur le sujet intitulé Ayasofya – Parlons-en… avec sagesse (et paru dans Le Majliss, le 22 juillet 2020), dont nous citerons quelques passages ici :

« À la date du 11 juillet 2020, le journal Aujourd’hui en France affirme que la reconversion de Sainte-Sophie est une décision stratégique de la politique d’Erdogan, que la reconversion de Sainte-Sophie était devenu un sujet souvent mis au gout du jour depuis l’arrivée de l’AKP et que ce sont des « milieux islamistes » qui demandent la reconversion du musée.
(…)

Néanmoins, les meilleurs éléments se trouvent dans les éditos et cartes blanches… Ils transpirent l’européocentrisme, l’ignorance et l’irascibilité verbale teintée de turcophobie voire d’islamophobie.

e) Dans l’édito du 12 juillet dernier publié dans Le Point et signé par Kamel Daoud qui aurait dû se contenter d’écrire des bouquins au lieu de s’ériger spécialiste de la Turquie et de l’histoire turque.

Nous pouvons remarquer qu’il fait référence à Sainte Sophie toujours en tant que basilique et que ce serait un monument international. Ensuite il fait un rapprochement entre cette reconversion et les destructions commises par divers groupes : « il y a même quelque chose de commun, dans les intentions, entre la « conversion », au pas de charge, de la basilique et la destruction des bouddhas par les talibans il y a quelques années, ou le vandalisme contre les églises dans le territoire de l’État islamique » et il continue en affirmant « […] on voit déjà dans la volonté d’Erdogan de s’offrir, avec le rapt de la basilique, une mosquée géante […] qui fera « oublier » entre autres, le dossier libyen […] ».

f) Attention présence de FOG, lisez doucement.

Et non il n’est pas question ici de brouillard mais bien de Franz-Olivier Giesbert qui dans un édito plus que brumeux, publié dans Le Point le 17 juillet 2020, tente d’analyser l’évènement avec une pensée de mauvais orientaliste, de conspirationniste, qui met en garde contre le « péril turc ».

Titrant son édito avec un titre rappelant le danger des Turcs « Au secours ! Les Ottomans reviennent ! », il commence par nous avertir qu’« Erdogan vient de nous donner une nouvelle preuve qu’il était l’incarnation d’un état d’esprit consistant à éradiquer toutes les traces de l’Histoire quand elle dérange».

Il poursuit par un bref « historique » du monument : « c’est un édifice qui symbolise le passé chrétien de l’Empire romain d’Orient jusqu’à son invasion par les Turcs, ottomans musulmans, à l’origine des nomades guerriers apparentés aux Mongols, venus des steppes asiatiques, qui avaient, comme Attila, la réputation de tout écraser sur leur passage ». Il se lance ensuite dans une théorie conspirationniste sur l’entrisme de la Turquie dans le CFCM[6] qu’elle contrôlerait. Et termine par une magnifique citation de Chateaubriand « Je dois remarquer que j’ai été le seul, avec Benjamin Constant, à signaler l’imprévoyance des gouvernements chrétiens : un peuple dont l’ordre social est fondé sur l’esclavage et la polygamie est un peuple qu’il faut renvoyer aux steppes des Mongols. »[7] Mais tout va bien car M. Giesbert dit qu’il ne faut pas l’approuver… Pourquoi le citer alors ? Bref.[8]

g) Enfin, le dernier édito qui sera relevé sera celui publié dans Les Échos, ce lundi 20 juillet et signé par Dominique Moïsi, géopolitologue de renom.

Ce dernier qualifie la reconversion de Sainte-Sophie de « défaite de l’universalisme » et l’acte d’Atatürk de volonté d’ouverture au monde et s’attriste par conséquent qu’elle redevienne une mosquée car elle serait universelle. Toutefois, il se contredit quand il prend en exemple Notre Dame de Paris : « Il y a un peu plus d’un an, l’incendie de Notre-Dame de Paris avait ému le monde entier.

Les images spectaculaires de la cathédrale en feu avaient fait le tour de la planète, suscitant un exceptionnel élan de générosité. Notre-Dame de Paris était devenue, au même titre que le Louvre ou la tour Eiffel, l’un des symboles iconiques de la Ville Lumière. La cathédrale, célébrée par Victor Hugo, n’était pas seulement chère au coeur des chrétiens et des Parisiens. Elle était tout simplement devenue une des « merveilles du monde » – un hommage au divin – qui traduisait et célébrait la grandeur de l’homme. Il en est des bâtiments, comme des oeuvres musicales. Certains par leur beauté sont devenus, non seulement universels, mais intemporels. Salieri, le grand rival de Mozart, n’est qu’un compositeur du XVIIIe siècle, talentueux certes, mais limité. Mozart transcende son époque, comme peuvent le faire les plus grands des compositeurs, de Bach à Chostakovitch. Sainte-Sophie se situe dans cette catégorie de monuments qui appartiennent tout naturellement à l’humanité tout entière. La réduire à la célébration d’un culte, c’est l’appauvrir. Comment passera-t-on du musée à la mosquée ? ».

Plus loin, il s’emmêle les pinceaux en affirmant dans une phrase confuse que l’Islam est en recherche de légitimité : « Le « petit dernier des monothéismes » dans sa quête de légitimité en veut « toujours plus », surtout après des siècles d’humiliation géopolitique et de rétrécissement géographique. »[9]

S’il est possible de multiplier les avis, les articles, les chroniques et les éditos, nous pouvons comprendre qu’ils tournent tous autour de ces mêmes idées : le caractère international ou universel d’Ayasofya qui ne peut être un lieu de culte, la grandeur d’Atatürk qui offre ce monument à l’humanité, la reconversion en mosquée qui ne peut être que du fait d’Erdogan ou des milieux islamistes, le Turc musulman qui n’est qu’un destructeur et une menace pour l’« Occident ».

Que dire, si ce n’est que le journalisme en France semble être en état de « mort cérébral », où le peu de médias libres sont noyés par les médias médiocres et peu sérieux détenues par les multinationales : « Bouygues, Xavier Niel, Dassault, Bernard Arnault, Bolloré, Pierre Bergé, Patrick Drahi, François Pinault, Matthieu Pigasse et Lagardère, voilà les dix milliardaires qui possèdent nos médias. Pourquoi se masser dans un secteur souvent déficitaire ? C’est un jeu d’influence qui se joue ici à coup de gros sous. Beaucoup de sondages, un zeste de censure, saupoudrez tout ça de quelques grains de corruption et d’une propagande structurelle et diffuse et vous avez la recette d’une influence réussie. Tant pis pour notre démocratie, notre droit à l’indépendance de la presse et à une information libre ! Que pèse l’intérêt général quand des milliards sont en jeu ? Lagardère vend Libération à Patrick Drahi. Bolloré reprend en main Canal. Le même Drahi rachète BFM-TV et RMC alors que Bouygues croque Eurosport. Les milliardaires s’animent sur le marché des transferts de médias. Et ce n’est que le mercato. Jetons un coup d’œil aux effectifs.

Tous nos quotidiens nationaux (Le Monde, Libération et Le Figaro), toutes nos chaînes d’info (LCI, I-Télé, BFM-TV), l’essentiel des hebdomadaires de référence (Le NouvelObs, L’Express, Le Point) et des chaînes de TV privées (Canal+, TF1) appartiennent à de grands milliardaires. En vérité, ils sont dix à se partager l’accès à nos consciences, dix à contrôler toutes les fréquences, dix milliardaires à exploiter pour leurs intérêts personnels les heures de « temps de cerveau disponibles » que nous leur laissons chaque jour. Comment expliquer que des requins de la fusion-acquisition, que des capitaines d’industrie jamais avares de reventes juteuses investissent temps et argent dans un secteur économique – les médias – en perte de vitesse et souvent déficitaire ? ». (“Médias : pourquoi 10 milliardaires contrôlent-ils notre information ? – Blabla #07”, Osons Causer, 17 septembre 2015 : http://osonscauser.com/medias-pourquoi-10-milliardaires-controlent-ils-notre-information/).

Par ailleurs, ils parlent, sans jamais définir, de qui sont les « islamistes » et de ce qu’ils auraient fait de mal, si ce n’est d’oser penser et vivre différemment d’eux, mais avec intelligence, dignité, piété, courtoisie et sagesse. Or, il n’y a pas que les milieux islamistes (souvent mal définis d’ailleurs), mais la majorité des turcs, qui ont soutenu ce projet, tandis que d’autres y étaient tout simplement indifférents. De même, les historiens lucides savent que l’empire Ottoman était connu pour sa tolérance envers les non-musulmans et pour avoir préservé ainsi une grande partie du patrimoine historique, contrairement, au même moment, où les puissances non-musulmanes pillaient et détruisaient le patrimoine mondial, y compris sur leur propre continent, entre elles.

Comme il fallait s’y attendre, la Turquie n’a pas tardé à réagir.

Ainsi, par rapport à Sainte-Sophie et à l’Arménie, Erdogan a affirmé en date du 14 juillet 2020 :
« Nous allons continuer de rester aux côtés de l’Azerbaïdjan avec tous nos moyens ». Le président Recep Tayyip Erdogan a fait savoir que le pic de l’épidémie de Covid-19 est terminé en Turquie. M. Erdogan qui est intervenu après la réunion du Cabinet présidentiel, a rappelé la lutte brillante de la Turquie contre l’épidémie et s’est réjoui de la baisse du nombre de décès et de cas.
Le président turc a indiqué que les restrictions vont encore continuer un certain temps pour réduire les infections à zéro.
Concernant la réouverture au culte de Sainte-Sophie, le chef de l’Etat turc a précisé que Sainte-Sophie n’a pas été converti d’église en mosquée mais de musée en mosquée.
« Sainte-Sophie qui était dans un état dévasté quand nous l’avons pris, a été transformé en un édifice qui nous appartient » a dit M. Erdogan et souligné que son caractère de patrimoine culturel serait préservé.

« C’est nous qui prendrons les décisions dans des questions qui intéressent la liberté et les droits de notre peuple, dont principalement au sujet de Sainte-Sophie » a-t-il martelé.
Le président Erdogan a également rappelé que le nombre de lieux de culte en Turquie par rapport à la population non-musulmane est 4-5 fois plus élevé que le nombre de lieux de culte en Europe par rapport à la population musulmane. Il a affirmé que la Turquie était tout de même confrontée à un deux poids et deux mesures. 
Le président Erdogan qui a évalué les attaques de l’Arménie à l’Azerbaïdjan ami et frère, a condamné les attaques avec fermeté.
« Nous allons continuer d’être aux côtés de l’Azerbaïdjan avec tous nos moyens » a-t-il continué.
M. Erdogan a dit craindre que les tensions qui persistent depuis l’occupation du Haut-Karabagh, se transforment en combat à cause des attaques systématiques et téméraires de l’Arménie.
« C’est un incident qui dépasse la capacité de l’Arménie. L’objectif est à la fois d’empêcher la solution dans le Haut-Karabagh et de créer de nouvelles zones de combat. La Turquie n’hésitera jamais à s’opposer contre toute attaque aux droits et territoires de l’Azerbaïdjan » a continué le président Erdogan »
. (“Erdogan : « Nous allons continuer de rester aux côtés de l’Azerbaïdjan avec tous nos moyens »”, TRT, 14 juillet 2020 : https://www.trt.net.tr/francais/turquie/2020/07/14/erdogan-nous-allons-continuer-de-rester-aux-cotes-de-l-azerbaidjan-avec-tous-nos-moyens-1455060)

Quant au porte-parole du parti de l’AKP, Omer Celik, il a assuré que Sainte-Sophie, qui a retrouvé son statut de mosquée après une décision du Conseil d’Etat turc, sera encore « mieux préservée » : « Toutes les caractéristiques de Sainte-Sophie seront préservées. Elle sera encore mieux préservée à partir de maintenant.  En outre, les responsables de l’UNESCO doivent savoir que la Turquie est ouverte à toute coopération pour préserver le patrimoine universel de Sainte-Sophie. (…) Sainte-Sophie, en tant que mosquée et lieu qui porte toute la splendeur de l’héritage culturel mondial, va continuer à briller de tout son éclat », a-t-il ajouté, estimant que l’UNESCO ne devrait pas suspendre l’inscription de l’édifice au Patrimoine mondial : « Je ne pense pas que Sainte-Sophie sera retirée de la liste du patrimoine culturel mondial. Cette liste n’honore pas Sainte-Sophie, c’est Sainte-Sophie qui honore cette liste par sa présence ».
Concernant les réactions d’Athènes, Celik a déclaré : « La Grèce est le seul pays de l’UE dont la capitale ne compte pas de mosquée. Elle arrive en tête des pays qui ont complètement fait preuve d’irrespect envers les mosquées et œuvres ottomanes. C’est bien le premier pays qui devrait se taire » »
. (“Celik: “Sainte-Sophie sera encore mieux préservée””, TRT, 14 juillet 2020 : https://www.trt.net.tr/francais/turquie/2020/07/14/celik-sainte-sophie-sera-encore-mieux-preservee-1454513).

Quant au ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, celui-ci a dénoncé les propos tenus au sujet de Sainte-Sophie par le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell. Mevlut Cavusoglu a déclaré qu’ils rejetaient le terme « condamnation » utilisé par l’Union européenne concernant Sainte-Sophie. Le chef de la diplomatie turque a rencontré son homologue maltais, Evarist Bartolo, qui effectue une visite officielle à Ankara. M. Cavusoglu a dénoncé les propos tenus au sujet de Sainte-Sophie par le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell : « Si Borrell avait dit qu’il aurait préféré que Sainte-Sophie ne soit pas ouverte en tant que mosquée, j’aurais respecté, s’il avait dit qu’il “aurait préféré que Sainte-Sophie reste un musée”, j’aurais encore respecté. Nous rejetons le terme de condamnation. Il y a, en Espagne, des oeuvres construites en tant que mosquées et converties en églises. Devons-nous, dans ce cas, dire à l’Espagne « reconvertissez-les en mosquées, nous vous condamnons » ? C’est ce que ça signifie. Par ailleurs, c’est un sujet qui concerne les droits de souveraineté de la Turquie », a-t-il dit. Il a souligné que la Turquie est prête à dialoguer avec tout le monde en Méditerranée orientale : « La Grèce, y compris. Nous avons amorcé un dialogue avec la Grèce suite à l’entretien téléphonique entre notre président de la République et le Premier ministre grec Kiryakos Mitsotakis. Nous nous opposons également aux sanctions et impositions unilatérales, nous ne nous résignerons pas », a-t-il précisé.
Le ministre maltais des Affaires étrangères a déclaré concernant la Libye, qu’ils ne voulaient pas que les Libyens s’entretuent »
. (“Nous rejetons le terme “condamnation” utilisé par l’Union européenne concernant Sainte-Sophie”, TRT, 14 juillet 2020 : https://www.trt.net.tr/francais/turquie/2020/07/14/nous-rejetons-le-terme-condamnation-utilise-par-l-union-europeenne-concernant-sainte-sophie-1454920).

A une autre occasion, Mevlut Cavusoglu avait déclaré qu’ils rejettent strictement les remarques sur l’ouverture au culte de Sainte-Sophie en tant que mosquée, qui relèvent d’intervention à la souveraineté de la Turquie. Il a indiqué que l’ouverture au culte de Sainte-Sophie est une décision conforme sur le plan juridique, soulignant que Sainte-Sophie appartient à la nation turque depuis la conquête d’Istanbul en 1453 et a eu le statut de mosquée : « La mosquée Sainte-Sophie a eu le statut de mosquée en 1462 et doit être utilisée comme une mosquée. Certains peuvent avoir des avis divergents à ce sujet. Nous respectons l’opinion de tout le monde, même si nous ne les partageons pas toutes. Néanmoins, nous rejetons strictement les remarques qui relèvent d’intervention à la souveraineté de la Turquie », a-t-il poursuivi. Par ailleurs, le ministre a commenté les attaques arméniennes contre la région Tovuz en Azerbaïdjan, à la frontière. « L’armée azerbaïdjanaise a fait le nécessaire et répliqué à ces attaques. Nous constatons que l’Arménie veut attirer l’attention de l’opinion publique ailleurs que les régions occupées, en créant de nouvelles zones de conflit », a-t-il poursuivi. Il a souligné que l’Arménie n’a accepté jusqu’à présent aucune formule pour résoudre la question. « Ce qu’a fait l’Arménie est inacceptable. L’Arménie doit se ressaisir. L’Azerbaïdjan n’est pas seul. La République de Turquie est aux côtés de l’Azerbaïdjan, avec tous ses moyens », a-t-il assuré. Il a mis en évidence que la Turquie apportera le soutien nécessaire pour la protection de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan. « Nous soutiendrons l’Azerbaïdjan pour la solution qu’elle choisira concernant les territoires occupés et le Haut-Karabakh », a-t-il conclu ». (“La Turquie rejette les remarques sur Sainte-Sophie relevant d’intervention à sa souveraineté”, TRT, 13 juillet 2020 : https://www.trt.net.tr/francais/turquie/2020/07/13/la-turquie-rejette-les-remarques-sur-sainte-sophie-relevant-d-intervention-a-sa-souverainete-1454221).

Et pour le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, ce dernier a déclaré que l’ouverture au culte de Sainte-Sophie ne fera rien perdre de son identité d’héritage historique mondial : « L’ouverture (de Sainte-Sophie) au culte ne fera rien perdre de son identité d’héritage culturelle mondiale. Davantage de personnes pourront la visiter », a-t-il affirmé. Kalin s’est également exprimé concernant le plan israélien ‘d’annexion’ de la Cisjordanie. « C’est une nouvelle politique, initiation et démarche d’usurpation et d’occupation. Personne ne doit se laisser prendre à ce jeu », a-t-il martelé ». (“Kalin:”Sainte Sophie ne perdra rien de son héritage historique mondial avec son ouverture au culte”, 9 juillet 2020 : https://www.trt.net.tr/francais/turquie/2020/07/09/kalin-sainte-sophie-ne-perdra-rien-de-son-heritage-historique-mondial-avec-son-ouverture-au-culte-1452105).

Ibrahim Kalin a évalué également sur la BBC et TRT World l’ouverture de la mosquée de Sainte-Sophie au culte. « Notant que tout le monde sans faire de distinction entre ‘chrétiens et bouddhistes’, pouvait avoir accès aux icones de Sainte-Sophie, Kalin a déclaré que tout le monde dont l’opposition étaient parvenus à un consensus dans la décision relative à l’ouverture au culte de la mosquée de Sainte-Sophie.

Soulignant que les critiques selon lesquelles un patrimoine mondiale disparaitra à la suite de cette décision, Kalin a déclaré concernant la liberté de culte, que plus de 400 églises et synagogues étaient ouvertes au culte en Turquie.

Kalin a précisé que la déclaration concernait l’importance historique et religieuse de Sainte-Sophie et non au nombre de mosquées qu’il y a à Istanbul.

« Musulmans chrétiens, croyants et non croyants, tout le monde pourra visiter la mosquée de Sainte-Sophie », a-t-il assuré ». (“Kalin : “Musulmans, chrétiens, croyants et non croyants, tout le monde pourra visiter Sainte-Sophie””, TRT, 12 juillet 2020 : https://www.trt.net.tr/francais/turquie/2020/07/12/kalin-musulmans-chretiens-croyants-et-non-croyants-tout-le-monde-pourra-visiter-sainte-sophie-1453431).

Enjeux électoraux ?

Un certain nombre de médias parlent de raisons électoralistes afin de faire plaisir à son électorat « islamo-conservateur » ou « islamiste ». Or, il est facile de jeter la suspicion sur la totalité des politiciens évoluant dans un pays au sein duquel les élections possèdent une certaine importance, que ce soit en Occident, comme dans des pays tels que la Russie, l’Iran ou la Syrie, où les élections sont souvent frauduleuses et truquées d’emblée. On ne peut pas préjuger de l’intention réelle d’une personne uniquement parce que l’on supposerait que, en tant que politicien, il souhaite forcément juste gagner les élections, comme si tous les politiciens étaient dénués de convictions, de causes qui leurs sont chères, de projets qu’ils souhaitent accomplir. C’est une mentalité assez perverse, car quoi qu’il arrive, leurs actions ne seront comprises que selon le paradigme conditionnant ceux qui se mettent à les juger, à savoir que, toutes leurs actions ne pourraient se comprendre totalement que selon les enjeux électoraux. S’ils nourrissent un pauvre, ou expriment un discours quel qu’il soit, ou affichent leurs convictions en public, ils présagent déjà de leurs intentions comme s’ils étaient omniscients, alors que de toute façon, peu importe leurs intentions réelles, – et il suffit de garder à l’esprit que la psychologie humaine reste une réalité complexe -, ce que nous devons juger, nous, en tant qu’êtres humains, ce sont les finalités et les résultats qui sont les effets des décisions politiques.

Or, dans le cas d’Erdogan, depuis sa jeunesse, on sait qu’il participait à des assemblées religieuses enseignant l’union et la fraternité entre musulmans, le renouveau civilisationnel de l’Islam, la lutte contre la corruption politique, le développement économique et technologique du monde musulman, la préservation et la diffusion du patrimoine islamique dans ses différentes dimensions (spirituelles, éthiques, politiques, artistiques, scientifiques, sociales, théologiques, etc.). Alors même que leurs assemblées et mouvements étaient discriminés ou « attaqués » par les forces kémalistes, il n’avait jamais retourné sa veste, et a tout fait pour développer la Turquie, multiplié les relations avec les pays du monde musulman, amoindri le rôle de l’armée (violente et corrompue de façon générale), réduit l’influence des idéologies kémalistes et modernes, défendu l’honneur et la sécurité des musulmans et des non-musulmans, réintroduit les références islamiques dans ses discours publics et privés, et plus tard, au cœur-même du parlement, multipliant ainsi la mention du Nom d’Allâh, du suivi du Messager d’Allâh et des grandes figures de l’islam (que ce soit au sein des compagnons et des ahl ul bayt, que des maîtres spirituels, théologiens, poètes et scientifiques du monde musulman). Et on sait bien par expérience, que froisser de la sorte des pays impérialistes c’est s’attirer leurs foudres, ce qui peut exclure raisonnablement l’accusation d’hypocrisie doublée de corruption. Nous connaissons aussi l’état des dirigeants tyranniques de la région, dont leur seul but est de rester sur le trône, sans jamais apporter la prospérité à leur peuple et en se soumettant aux exigences et menaces des pays impérialistes.

Un dirigeant qui évolue, – souvent malgré lui – dans un système électoraliste et populiste, doit souvent jouer le jeu et tout faire pour se faire élire à nouveau si cela est dans ses projets. Si ce système peut être évidemment critiqué et déploré, ce n’est pas sur les moyens politiques qu’il faut le juger essentiellement, mais sur ses finalités et la façon dont il exerce le pouvoir selon les contraintes qui pèsent sur lui et les dangers ainsi que les obstacles auxquels il est confronté. On peut dire que, souvent dans le cas d’Erdogan, il sait concilier le populisme et l’accomplissement de bonnes choses, en ce sens que même si tous lui concèdent sa grande intelligence et sa capacité à arriver à ses fins, peu d’observateurs impartiaux notent ses bonnes actions qui sont au bénéfice de sa nation et de nombreux opprimés dans le monde, dans les limites de sa capacité en termes d’actions et d’aides humanitaires, même si ses discours ne semblent pas avoir de limites quand il dénonce l’hypocrisie et l’injustice de nombreux gouvernements ou dirigeants injustes et hypocrites. Il y a évidemment, comme pour la plupart des hommes politiques de notre temps, un discours populiste adressé à leur électorat, et parfois on peut déplorer l’exagération dans le « jeu démocratique » ou dans des appels à « libérer » tel ou tel peuple opprimé, alors que les moyens militaires et économiques ne sont pas encore au point pour le faire, et que la priorité de tout état est de renforcer d’abord sa sécurité nationale et ses intérêts régionaux face aux agressions extérieures, aux trahisons de l’intérieur, et à renforcer ensuite les relations diplomatiques et économiques avec des pays « alliés » pour étendre son influence et contrer les intentions belliqueuses de ses « ennemis ». Si quasiment la totalité des pays actuels ont une politique défendant leurs propres intérêts nationaux, – mais sans cadre éthique ni perspective spirituelle -, où les persécutions contre leur propre peuple ou les massacres perpétrés sur des populations civiles innocentes à l’étranger sont légions, on peut dire que la Turquie sait aussi allier la défense des intérêts nationaux avec la protection des pays et populations sous son influence, ayant ainsi sauvé des millions de civils d’une mort certaine dans des pays en guerre (comme en Syrie et en Lybie par exemple) ou secouru des millions de personnes menacées par la pauvreté, la famine et la malnutrition, un peu partout en Afrique, dans les Balkans, en Asie, au Moyen-Orient et en Amérique Latine.

D’un autre côté, on lui reproche de ne toujours pas être sorti de l’OTAN, – où à l’origine il s’agissait de lutter contre le péril (réel) communiste qui était anti-religieux et matérialiste -, mais dans ce contexte, où ni la Russie, ni la Chine ni l’Iran ne garantissent la prospérité et la sécurité du monde musulman, et où les Etats-Unis, Israël, la France et d’autres pays européens représentent aussi une menace réelle pour le monde musulman, ne pas sortir de l’OTAN présente des avantages pour éviter une guerre frontale, déjouer leur agenda impérialiste dans certaines régions, et renforcer militairement son pays et jouer la carte de dissuasion face à d’autres ennemis. C’est aussi dans ce contexte que l’on doit situer le maintien (« temporaire ») de la base américaine en Turquie. Ensuite il ne faut pas oublier que tout cela a été fait avant qu’Erdogan soit au pouvoir, et que même au début de sa carrière politique, il n’avait pas l’influence et la capacité nécessaires pour changer certaines choses, influence réelle, – mais pas totale – qu’il n’a obtenu qu’après 2013. Une chose pénible aussi concerne l’échange de prisonniers politiques avec certains pays peu recommandables de ce point de vue (qu’il s’agisse d’états occidentaux ou non), – ce qui n’est pas un annulatif de l’Islam si cela est fait à contre-cœur et sans volonté de rabaisser l’Islam et les musulmans -, mais il s’agit d’accords qui doivent être respectés et qui comportent des contreparties importantes pour la sécurité de la Turquie et ses intérêts régionaux (pouvant soit maintenir leur protection et éviter certaines guerres, soit renforcer à terme son influence et contrer plus efficacement les actions belliqueuses de certaines entités terroristes ou politiques). Sur la question kurde, il n’y a pas de volonté de génocide ni de les discriminer indistinctement, sachant que la situation générale des kurdes a été considérablement améliorée sous l’ère d’Erdogan, et qu’à chaque élection, des millions de kurdes votent pour lui. On compte aussi de nombreux députés, militaires, policiers, enseignants et chercheurs turcs d’origine kurde, de même que des brigades kurdes affiliés à la Turquie luttent contre les forces terroristes du PKK (et leurs autres branches) dans l’Est de la Turquie, en Syrie et en Irak, et où le PKK est responsable de la mort de nombreux civils et de militants (des dizaines de milliers), aussi bien turcs que kurdes, enfants ou adultes. Le dossier concernant FËTO est plus complexe encore, et si des abus ont pu être observés, – mais à bien plus petite échelle, des abus plus sévères et nombreux encore, ont été observés en France par exemple -, il y a tout de même des enquêtes, des procès et des jugements globalement équitables qui sont tenus en Turquie (des dizaines de milliers de personnes dont aucune charge a pu être trouvée, ont été libérés et dédommagés), sur une organisation au fonctionnement assez flou et douteux en haute instance, et comportant de nombreux adhérents ou sympathisants à travers le monde.

Concernant l’accusation de jouer la carte électoraliste sur cette question précise, il faut savoir que cette décision aurait pu froisser un certain nombre de kémalistes parmi la frange fanatique et les gauchistes acquis à la cause laïcarde. D’autre part, cela n’a pas été apprécié par un certain nombre de gouverneurs dans les pays musulmans qui ne voulaient pas froisser leurs alliés occidentaux, et enfin, que les élections n’ont lieu qu’en 2023, – et il n’est pas sûr qu’Erdogan pense à se représenter en tant que candidat pour la présidence -, soit dans un peu plus de 2 ans, ce qui n’est pas le meilleur moment pour sortir « cet atout de sa manche ».

Ensuite, nous disposons de preuves montrant qu’Erdogan souhaitait déjà, depuis très longtemps, – et aussi à l’époque où il était l’élève de Necmettin Erbakan -, voir Ayasofya redevenir ce qu’elle était auparavant, c’est-à-dire une mosquée où les musulmans peuvent exercer leur culte.

En attendant, là où la plupart des accusateurs n’ont pas soutenu les opprimés, n’ont pas aidé les nécessiteux, n’ont pas convenablement développé leur pays, et qui ont même énormément de sang sur les mains, la Turquie d’Erdogan a énormément de bonnes actions et de prouesses à son actif, malgré ses défauts, ses limites, sa complexité et les nombreuses attaques ciblant la Turquie, que ce soit au niveau des états occidentaux, des régimes despotiques de la région, des puissances autoritaires, ou encore des organisations terroristes ou criminelles. Dans ce contexte difficile et chaotique, et sachant qu’un certain nombre de juges, de policiers, de militaires, de geôliers et de procureurs, peuvent toujours agir pour leurs propres intérêts, – ou de façon peu consciencieuse -, ou encore pour le compte d’autres organisations ou nations, – agissant donc à l’opposé des directives dictées par l’Etat turc -, des abus réels ne peuvent cependant pas être amplifiés de façon malhonnête ou être imputées directement à l’ensemble des figures politiques ou du Président, sachant qu’ils vont à l’encontre de l’orientation générale de sa politique.

Réactions positives concernant cette décision politique


Certains aiment à occulter le soutien de centaines de millions de musulmans à travers le monde en faveur de cette décision, tout comme la majorité des turcs et des kurdes qui ont soutenu cette action politique. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont les musulmans, simples pratiquants, intellectuels, militants, savants, juristes et muftis, qui se félicitent d’une telle décision.

« Des responsables religieux musulmans ont adressé des courriers à la Direction des affaires religieuses de Turquie pour saluer la réouverture de Sainte-Sophie en tant que mosquée.

Les dirigeants des communautés musulmanes du monde entier saluent la décision de la Turquie de refaire de Sainte-Sophie une mosquée et félicitent le président Recep Tayyip Erdogan pour sa décision.

Plusieurs courriers et appels téléphoniques ont été adressés au chef de la direction des affaires religieuses de Turquie, Ali Erbas, notamment pour remercier Erdogan et saluer la réouverture de Sainte-Sophie en tant que mosquée, a indiqué l’administration dans un communiqué de presse. 

Au cours d’un appel téléphonique, Allahshukur Pashazadeh, le président du Conseil religieux du Caucase, a félicité Erbas de l’initiative turque, tandis qu’un courrier de Rateb Jneid, chef de la Fédération australienne des conseils islamiques, lui est également parvenu en soutien à la décision.

La Turquie dirigée par Erdogan est « une étoile montante et une source d’espoir indispensable pour les musulmans et les opprimés », a déclaré dans son écrit Shaqir Fetahu, vice-président de l’Union religieuse islamique de la République de Macédoine.

Par ailleurs, dans une lettre au nom du Conseil des communautés religieuses musulmanes lituaniennes, le mufti lituanien Aleksandras Beganskas a déclaré être convaincu « que cette mosquée bénie, est un symbole du monothéisme » et « embrassera toute l’humanité, quelle que soit sa religion, sa langue, ou son appartenance ethnique sous la direction des affaires religieuses de la Turquie ».

La décision d’Erdogan d’ouvrir Aya Sofya pour le culte est un signe précurseur de la libération de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, estime de son côté l’Association des chercheurs palestiniens à l’étranger.

Dans un autre courrier, l’Association des chercheurs marocains a félicité tous les tribunaux turcs, le peuple et le monde islamique, et en particulier Erdogan, d’avoir décidé de rouvrir Sainte-Sophie pour le culte.

Erdogan a également été remercié et sa décision plébiscitée par le cheikh Ahmad bin Hamad Al-Khalili, grand mufti du Sultanat d’Oman, Abdel-Hadi al-Agha, sous-secrétaire du ministère palestinien des Affaires religieuses ; et Sheikh Maulana Shabbir Saloojee, le recteur de Darul Uloom Zakariyya, une université islamique de Lenasia, en Afrique du Sud.

Cette transformation a été permise après qu’un haut tribunal turc a annulé un décret datant de 1934 et qui avait acté la transformation de Sainte-Sophie en musée après près de 500 ans d’utilisation comme mosquée ». (“Les leaders musulmans saluent la décision turque de refaire de Sainte-Sophie une mosquée”, TRT, 19 juillet 2020 : https://www.trt.net.tr/francais/turquie/2020/07/19/les-leaders-musulmans-saluent-la-decision-turque-de-refaire-de-sainte-sophie-une-mosquee-1457736).

Par ailleurs, des personnalités chrétiennes ont aussi salué cette démarche :

« Le prêtre Evangelos Papanikolaou a fait savoir que si les Turcs ne l’avaient pas protégée, Sainte-Sophie se serait effondrée il y a longtemps. Intervenant au cours d’une messe dans l’église d’Analipseos à Rafina, près d’Athènes, Papanikolaou a demandé « Qui allait protéger un édifice aussi grand que Sainte-Sophie ? ». « Les Turcs l’ont protégée » a-t-il répondu. Papanikolaou a fait savoir que les Turcs n’ont fermé aucune église à Crète mais en Grèce, a-t-il noté, plusieurs monastères et églises ont été fermés sur ordre d’Othonas. Selon Papanikolaou, les gens ont pu pratiquer librement leur croyance sous le règne des Turcs ». (“Prêtre grec : « Sans la protection des Turcs, Sainte-Sophie se serait effondrée il y a longtemps »”, TRT, 27 juillet 2020 : https://www.trt.net.tr/francais/europe/2020/07/27/pretre-grec-sans-la-protection-des-turcs-sainte-sophie-se-serait-effondree-il-y-a-longtemps-1462787).

De même qu’en Allemagne, le célèbre prêtre de la Compagnie de Jésus, Felix Körnera fait savoir que les débats sur la réouverture au culte de la mosquée Sainte-Sophie, sont « hypocrites » : « Körner qui a également fait des recherches sur l’islam, a déclaré sur la radio « Domradio » qui diffuse des émissions religieuses, qu’un croyant ne devrait pas être gêné de l’utilisation de Sainte-Sophie comme un lieu de culte.

Il a dit ne pas comprendre qu’une personne pieuse soit triste de la retransformation de Sainte-Sophie en mosquée.

« Le Pape François dit en être triste. Qu’est ce qui pourrait-vous attrister dans la reconversion en un lieu de culte d’un musée, qui ne servait pas de lieu de culte et qui était transformé en un lieu de visite  à cause de la laïcité par Ataturk. Cela ne peut pas attrister une personne pieuse. On peut seulement s’en réjouir » a dit Körner » (“Un prêtre allemand critique les débats sur Sainte-Sophie”, TRT, 19 juillet 2020 : https://www.trt.net.tr/francais/europe/2020/07/19/un-pretre-allemand-critique-les-debats-sur-sainte-sophie-1457786).

En outre, la France a le devoir moral de restituer ce qu’elle avait volé à Sainte-Sophie notamment. Le ministère turc de la culture a entamé, en 2009, un vaste programme de restauration des monuments historiques du pays, dont le mausolée du Sultan Selim II, fils de Soliman le magnifique qui se trouve dans l’enceinte de Sainte-Sophie.

« A cette époque, les experts ont constaté une grande différence entre les deux tympans de céramiques qui décorent les murs du mausolée.

D’après le directeur du musée de l’époque, Alexis Sorlin-Dorigny, collectionneur français qui travaillait à la restauration de Sainte-Sophie à la fin des années 1880, aurait subtilisé ces tympans de céramiques avant de les vendre au Louvre.

Selon les historiens, Sorlin-Dorigny aurait fait reproduire à l’identique les céramiques dans un atelier à Paris et a remplacé les originales par ces contrefaçons

La Turquie réclame, depuis des années au musée du Louvre la restitution de ces céramiques d’Iznik datées du 16ème siècle.

En 2017, le directeur du musée Sainte-Sophie, Hayrullah Cengiz, avait exhorté à nouveau la France à restituer les tympans de céramiques de Sainte-Sophie. « Ces carreaux composés de 60 tuiles étaient exposés au musée du Louvre”, expliquait alors le directeur.

Depuis cette date, les autorités françaises font la sourde oreille.

** “Une affiche explique le vol de l’œuvre d’art”

Pour protester contre l’attitude de la France, le dirigeant du musée avait alors accroché une affiche en turc, anglais et en français, pour expliquer le sort des mosaïques originales. L’affiche stipulait donc que la France avait obtenu illégalement ces mosaïques de Sainte-Sophie et qu’elle refusait de les rendre.

Les œuvres originales se trouvent toujours au Musée du Louvre, à Paris, avec le numéro d’inventaire 3919 / 2-265. La note explicative qui accompagne l’œuvre mentionne d’ailleurs : « panneau de céramiques qui ornait la tombe du Sultan Selim II, situé dans le jardin du musée Sainte Sophie à Istanbul ».

Malgré plusieurs, relances la France refuse toujours de restituer les ouvres arts dérobés.

**Plusieurs artefacts historiques dérobés à la Turquie.

Le ministère turc de la Culture et du Tourisme mène depuis des années un intense combat pour récupérer les milliers d’œuvres historiques pillées et emportées illégalement à l’étranger

La France n’est pas le seul pays à avoir dérobé le patrimoine historique de la Turquie.

Le Trésor de Troie est conservé au Musée Pouchkine de Moscou tandis que le Grand Autel de Pergame est exposé à Berlin.

La Turquie accuse également le Metropolitan Museum of Art de New York mais aussi le British Museum de détenir dans leur inventaire des œuvres acquises illégalement.

En outre, la Turquie a demandé au Danemark de restituer sept œuvres exposées au musée David Samling.

Il s’agit du sphinx de Diyarbakir (province turque dans le Sud-est), du sarcophage de Seydi Mahmut Hayrani d’Aksehir (district de la province de Konya en Anatolie centrale), d’un heurtoir de la mosquée Ulu à Cizre (district de la province de Sirnak, Sud-est), de pages d’un exemplaire du Coran appartenant à la bibliothèque Nuruosmaniye (Istanbul), d’un chandelier de la tombe de Haci Bayram Veli (Ankara), d’un tapis et d’une lampe de la mosquée Esrefoglu (Konya).

La Turquie a, en revanche, obtenu satisfaction concernant plusieurs litiges similaires, lorsque les autorités écossaises consentirent à restituer “La couronne en or”, datant du IVème siècle avant J.C, ou quand la Suisse avait rendu le « Herakles Lahdi » (Sarcophage d’Hercule) ». (“Ayasofya : la Turquie réclame à la France les mosaïques volées de Sainte-Sophie”, TRT, 23 juillet 2020 : https://www.trt.net.tr/francais/culture-divertissement/2020/07/23/ayasofya-la-turquie-reclame-a-la-france-les-mosaiques-volees-de-sainte-sophie-1460681).

Le sermon du vendredi 24 juillet tenu par l’imâm lors de la prière du vendredi à Ayasofya

Le vendredi 24 juillet 2020 eut lieu le sermon lors de la prière du vendredi, date à laquelle Ayasofia redevint concrètement une mosquée.

Voici ce que dit l’imâm :

« Le président de la Direction des affaires religieuses de Turquie, Diyanet, Ali Erbas, a fait le premier prêche dans la Grande Mosquée Ayasofya (Sainte-Sophie), à l’occasion de la grande prière du vendredi, célébrée pour la première fois 86 ans après la transformation de l’édifice en musée en 1934.

Voici le texte complet du sermon du Professeur Erbas:

“Oh Musulmans!

Que la grâce, la paix et les bénédictions d’Allah vous accompagnent en ce vendredi.

En ce temps béni, en ce lieu saint, nous sommes ensemble, les témoins d’un moment historique. A l’approche de l’Aïd al-Adha et du mois du Hajj, la Mosquée Sainte-Sophie (Ayasofya) renoue avec ses fidèles.

Le profond chagrin de Mehmed II le Conquérant prend fin. Louanges à Allah le Tout-Puissant.

Aujourd’hui, c’est le jour où les Adhans, les Tekbirs et les Salavats résonnent à nouveau dans les minarets d’Ayasofya.

Aujourd’hui, c’est le jour où les croyants se lèvent avec des larmes de joie, et se prosternent avec humilité et gratitude.

Aujourd’hui, c’est le jour de l’honneur et de l’humilité. Que soit loué le Tout-Puissant qui nous amène à un jour si honorable, nous rassemble dans les mosquées, qui sont les lieux les plus sacrés du monde, et nous accueille à Ayasofya.

“Constantinople sera sûrement conquise. Quel grand commandant que son commandant qui l’a conquise ! Et quelle grande armée que cette armée !”, c’est par ces paroles que le prophète Mohammed Mustafa, que la paix et la bénédiction soient sur lui, annonça la conquête.

Que la paix soit sur les compagnons du prophète et sur ceux qui suivent leurs saintes traces, en particulier Abu Ayyub al-Ansari, l’architecte spirituel d’Istanbul. La conquête n’est pas la destruction mais la construction. Dans notre civilisation, la Conquête, c’est ouvrir les portes d’une ville à l’Islam, à la paix et à la Justice. Je salue nos martyrs et vétérans, tous les commandants et les soldats qui ont conquis l’Anatolie pour nous la confier comme État.

Que la paix soit sur le sultan des cœurs, de la science et de la sagesse, Aksemseddin, celui qui a brodé l’amour de la conquête dans le cœur du Sultan Mehmed, et qui a conduit la première prière du vendredi, le 1er juin 1453.

“Donc, quand vous décidez d’une affaire, faites confiance à Allah. Allah aime ceux qui lui font confiance”. Que soit loué le jeune Sultan, Mehmed II Le Conquérant, lié au plus profond de son cœur à ce verset du Coran, ce génie de l’histoire, de la littérature, de la science et de l’art, qui a produit la technologie la plus avancée de son époque, qui a transporté ses navires par la terre, qui a conquis Istanbul avec la permission d’Allah et qui n’a laissé personne nuire à une seule pierre de cette ville sainte.

Nous saluons le grand artiste Mimar Sinan, le pionnier des architectes qui veulent honorer l’âme de leurs ancêtres en ornant Ayasofya de minarets, en la solidifiant et en la maintenant debout pendant des siècles.

Nous saluons tous nos frères croyants qui attendent et se réjouissent de la réouverture d’Ayasofya aux quatre coins du monde.

Nous saluons nos glorieux ancêtres qui se sont dévoués à la voie de la bonté et de l’humanité pour établir le droit et la vérité, la moralité et la justice sur terre. Nous saluons nos ancêtres qui ont travaillé dur pour qu’Ayasofya retrouve l’adhan, la mosquée, le sermon, la prière, la récitation, les activités scientifiques et son immense congrégation.

Salutations à nos scientifiques, à nos pionniers du savoir qui considéraient Ayasofya comme “leur chambre de sainteté et d’âme dans leur propre maison” et semaient l’espoir et la patience en disant, “Ayasofya s’ouvrira absolument ! Attendez les jeunes ! Il y a une inondation derrière chaque pluie. Que voudrais-je si j’étais un brin de paille dans cette inondation ? La mosquée s’ouvrira comme un livre saint. Que Dieu les bénisse tous.

Chers croyants !

Avec son existence de plus de quinze siècles, Ayasofya est l’un des lieux du savoir, de la sagesse et du culte les plus précieux de l’histoire de l’humanité. Cet ancien édifice est l’expression splendide de servitude et de soumission à Allah.

Ayasofya est le symbole de la conquête, confié par Fatih Sultan. Le Sultan Conquérant Mehmed Han a confié cet édifice magnifique aux croyants, à condition qu’elle demeure une mosquée jusqu’au jour du jugement dernier. Pour nous, une propriété de la fondation est intouchable, elle brûle ceux qui la touchent ; la condition annoncée par le dépositaire est indispensable, ceux qui la piétine seront damnés. Ainsi, depuis ce jour, Ayasofya est l’endroit saint non seulement de notre pays, mais aussi de la Oummah du prophète Mohammed.

Ayasofya est le lieu où la miséricorde infinie de l’Islam est à nouveau déclarée au monde. Après la conquête, Fatih Sultan s’est adressé aux gens qui s’étaient réfugiés dans Ayasofya, pour attendre le verdict sur leur sort : “N’ayez pas peur ! À partir de maintenant, n’ayez aucune peur pour votre liberté et votre vie ! Aucun bien ne sera pillé, personne ne sera persécuté, personne ne sera sanctionné à cause de sa religion.” Voilà, Ayasofya est le symbole du respect de la foi et de l’esprit de la coexistence.

Chers musulmans !

L’ouverture d’Ayasofya au culte relève de la fidélité à son acquis historique. C’est la transformation d’un endroit sacré à son caractère principal, endroit qui avait accueilli les croyants pendant cinq siècles.

L’ouverture d’Ayasofya au culte prouve que la civilisation islamique, dont le fondement est le monothéisme, ses briques sont la science et son mortier est la vertu, continue son ascension malgré toutes les difficultés.

L’ouverture d’Ayasofya au culte est donner une source de vie à tous les masjids attristés et tous les croyants opprimés, en particulier la mosquée Al-Aqsa.

L’ouverture d’Ayasofya au culte est la détermination de notre peuple à construire un avenir solide, grâce à la force qu’elle puise dans ses racines.

Chers musulmans !

Notre civilisation place la mosquée à son centre. Les mosquées sont la source de notre unité, de notre force, de notre croyance et de notre calme. Les mosquées sont des lieux où nous nous rencontrons moralement et physiquement, où nous faisons connaissance et apprenons à nous connaître. Notre Créateur parle ainsi de ceux qui construisent des mosquées et des salles de prières [masjid] : « Les masjids d’Allâh ne peuvent être construits que par ceux qui croient en Allah, au jugement dernier, qui prient comme il se doit, qui donnent leur zakat et qui ne craignent personne d’autre qu’Allah. Voilà, ils sont ceux qui espèrent être sur la bonne voie. »

Mes frères et sœurs !

Que peut-il y avoir de plus triste qu’une mosquée dont les minarets sont silencieux, dont le minbar est seul, dont le jardin est vide ? Aujourd’hui, dans diverses régions du monde, les musulmans, dont les mosquées sont victimes d’attaques islamophobes, sont fermées et même parfois bombardées, sont régulièrement victimes d’oppression. Pour cette raison, je veux montrer au monde entier le Sultan Mehmet II le Conquérant comme modèle du fait de son comportement vis-à-vis d’Ayasofya, et je veux inviter l’ensemble de l’humanité à dire « stop » aux discours et actes anti-Islam.

Mes frères et sœurs !

Pour nous musulmans qui connaissons la valeur de cet héritage sacré qu’est Ayasofya, ce qu’elle représente, notre devoir aujourd’hui est d’œuvrer pour instaurer la bonté et la tolérance partout dans le monde, afin que la paix, la prospérité et le bien dominent le monde. C’est bien là l’objectif du Prophète de l’Islam, dont le nom signifie paix et libération. Il nous incombe donc de travailler jour et nuit pour propager définitivement le bien et la justice sur ce monde. Nous devons être l’espoir de l’humanité qui fait face, avec impuissance, à de gigantesques difficultés. Être les garants de la justice dans les régions dominées par la tyrannie, l’injustice, les larmes et le désespoir. C’est d’appliquer l’appel suivant : « Oh Musulman, vit l’Islam et agit de telle manière que celui qui vient te tuer se réincarne devant toi ».

Nous avons foi en ce que disait aussi le Grand Calife Ali : « Les hommes sont soit frères en religion soit égaux dans la création ». Nous croyons que le monde est notre maison commune à tous. Nous croyons que chaque homme, quelle que soit sa couleur, sa croyance ou son origine, en tant que membre de cette maison commune, a le droit de vivre en toute sécurité, dans l’honneur, librement.

Sous la coupole d’Ayasofya, j’invite l’ensemble de l’humanité à la justice, à la paix, à la bonté. J’appelle à préserver toutes les valeurs universelles et éthiques qui protègent l’honneur de l’humanité. En tant que fidèle de la Dernière et Juste religion qui instaure que la vie de chaque être vivant, hommes-femmes, enfants-jeunes-personnes âgées, est intouchable, j’invite l’humanité à s’entraider pour protéger les vies, les religions, les biens et les générations. Car aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin de réunir note raison et nos cœurs, à réunir les hommes et à réunir les hommes et la nature.

En terminant mon prêche dans ce lieu honorable, je veux m’adresser au monde entier :

Oh humains !

Les portes de la mosquée Ayasofya, comme celles de Suleymaniye, de Selimiye, de Sultanahmet (mosquée bleue) et nos autres mosquées, resteront ouvertes à tous les serviteurs d’Allâh, sans aucune distinction. Le chemin qui mène à la foi, au culte, à l’Histoire et à la réflexion se poursuivra, sans interruption, dans l ’atmosphère spirituelle de la mosquée Ayasofya.

Que le Créateur nous offre l’honneur de servir comme il se faut la mosquée Ayasofya qui a une place particulière dans notre histoire et dans nos cœurs.

Qu’Allâh compte parmi ses serviteurs qu’Il aime et dont Il est satisfait, tous ceux qui ont œuvré et permis la reconversion d’Ayasofya en mosquée ». (Traduction par Anadolu Agency, “Turquie: Premier prêche récité dans la Grande Mosquée Ayasofya”, 24 juillet 2020 : https://www.aa.com.tr/fr/turquie/turquie-premier-prêche-récité-dans-la-grande-mosquée-ayasofya/1921219).


Dans la khutba donnée par l’imâm lors de la prière du vendredi, l’imâm a cité une partie d’une célèbre parole de Sayyidûna ‘Alî (‘alayhî salâm).
Voici un plus long extrait tiré de sa célèbre lettre : « Ne regarde pas les gens comme le loup regarde le troupeau (pour se nourrir). Montre à leur égard de la compassion et de l’amour, car tous les êtres humains, sans exception, sont soit vos frères (en religion) soit vos semblables en Humanité (dans la Création). Saisis la main de celui qui tombe, si tu veux qu’Allâh te pardonne, pardonne aux êtres humains et sois tolérant ! Ne regrette jamais d’avoir pardonné à quelqu’un et ne te réjouis jamais d’avoir puni quelqu’un (même s’il me méritait) ». (Rapporté dans sa lettre destinée au gouverneur Mâlik ibn Haris, et cité notamment par Muhyiddin Seydî Çelebi, La gérance dans Bukharî, prép. Dr. Mehmet Erdogan, Istanbul 2000, p.47).

Ainsi s’achève cet article, et oeuvrons à faire du monde, un monde meilleur, où la Vérité, la Justice, la Paix et la Compassion en soient les fondements.

Article mis à jour le 28 juillet 2020.


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