Quel Islam pour le monde musulman d’aujourd’hui ?

  Le Prophète Muhammad (ﷺ) nous avait prévenu de l’apparition d’un grand nombre de courants dans le monde musulman – à l’instar des communautés précédentes – malgré le fait que l’Islam soit préservé. Le fait est que la psychologie humaine reste ce qu’elle est, et que les gens détournés de la spiritualité, finissent par répéter les mêmes erreurs du passé, et reproduire les mêmes schémas ou archétypes psychologiques. Si l’Islam est parfait et excellent dans ses principes, ses valeurs et ses finalités, l’humain reste complexe, et divers dans ses facettes et ses faiblesses, s’éloignant pour diverses raisons, de l’idéal islamique, et leurs erreurs ou failles ne sauraient être reprochées à l’Islam en soi, d’autant plus que les êtres humains sont souvent influencés en même temps par leur culture, leurs conditions socioéconomiques ou d’autres idéologies, surtout de nos jours (capitalisme, marxisme, sécularisme, consumérisme, matérialisme, laïcisme, scientisme, tribalisme, etc.).

 Parmi les principales branches religieuses dans le monde musulman, nous pouvons citer :

. Le Sunnisme traditionnel : le suivi du Qur’ân, de la Sunnah, des Ahl ul Bayt et des nobles Compagnons, englobant tous les aspects de l’Islam ; islâm/fiqh (droit), imân/’aqida (théologie) et ihsân/tasawwûf (sûfisme), les 3 s’éclairant mutuellement et reposant les uns sur les autres. Le sunnisme est le courant majoritaire, mais il a été infiltré ou dénaturé par certains courants, parmi lesquels les anthropomorphistes (qui ont attribué à Allâh un corps constitué d’organes physiques et de limitations physiques, alors que le Qur’ân réfute cela tout en affirmant les Attributs divins qui sont réels mais sans modalité physique), les jahmites qui ont tendance à nier la réalité des Attributs divins, les nawâsib (ceux qui éprouvent une certaine hostilité ou jalousie envers les figures de la Maison prophétique, qui étaient pourtant sunnites), etc. A noter que parmi les sunnites, certains s’arrêtent au degré de « l’islâm » et d’autres au degré de « l’imân », sans accomplir le degré de l’ihsân, qui est celui des Véridiques parmi les Sûfis orthodoxes (dont faisaient partie des imâms comme Ja’far As-Sâdiq, Hassân al-Basrî, Al-Junayd, Abû Hanifa, Ahmad, As-Shafi’i, Al-Hakim at-Tirmidhî, As-Sulâmî, Al-Qushayrî, les frères Al-Ghazâlî, Al-Jilânî, Ahmad ar-Rifâ’î, Ibn ‘Arabî, Jalâl ud-Dîn Rûmî, Farîd ud-Dîn Attâr, Najm ud-Dîn Kubrâ, An-Nawawî, Zakariyya Al-Ansârî, Ibn Rajab al-Hanbalî, Jamî’, Ahmad Ibn ‘Ajiba, Ahmad al-Alawî, l’émir ‘Abd al-Qâdîr, l’imâm Shâmil, Ahmadû Bamba, etc.). Le sunnisme traditionnel est représenté par les différentes écoles juridiques dans le domaine du droit par les écoles hanafite, malikite, shafi’ite et hanbalite (et autrefois par les écoles zahirite ainsi que celles remontant à Sufyân at-Thawrî, At-Tabarî, Sufyân Ibn ‘Uyayna, Al-Layth, Al-Awzâ’î, Abû Thawr, etc.) – il y avait donc une réelle richesse et pluralité -, par les écoles théologiques orthodoxes de l’asharisme, du maturidisme et de l’atharisme (les hanbalites orthodoxes suivent cette école) qui puisent toutes les 3 dans les arguments du Qur’ân, de la Sunnah et des Salafs, en les ayant synthétisé et développé pour clarifier certaines problématiques de leur temps et face aux polémiques des innovateurs de leur époque. De même pour les écoles spirituelles orthodoxes, qui, bien que certaines branches au fil du temps aient connu parfois des dérives et déviances plus ou moins graves[1], sont encore orthodoxes à notre époque pour un certain nombre d’entre elles, du moins dans plusieurs de leurs branches comme la Naqshbandiyya (remontant à Sayyidûna Abî Bakr, à Sayyidûna Salmân et à Sayyidûna ‘Alî par certaines voies), la Qâdiriyya (du nom de son fondateur ‘Abd al-Qâdir al-Jilânî), la Shadhiliyya (par Abû al-Hassân as-Shadhili), la ‘Alawiyya, la Tijaniyya (très présente en Afrique), etc. Toutes les voies orthodoxes (tariqa/tûruq) remontent au Prophète (ﷺ) par la voie des Sahaba et des Ahl ul Bayt et de leurs disciples, mais chaque tariqa favorise ses propres méthodes spirituelles (instituées par le Qur’ân et la Sunnah), adaptées aux sensibilités de leurs disciples, à l’instar des écoles juridiques qui ont chacune leur propre méthodologie adaptée aux sensibilités ou aux circonstances de temps et de lieu. Un maître spirituel authentique se conforme au Qur’ân et à la Sunnah, intérieurement et extérieurement, et doit manifester un excellent comportement, de nobles caractères et rester toujours sous la Guidance divine et Sa Présence, se refusant de commettre tout péché ou de délaisser volontairement des actes de dévotion ou de bonnes œuvres. C’est à cela qu’on peut les différencier des imposteurs et des faux-prétendants. Tout comme les écoles juridiques ont émergé à une époque où les besoins de la Ummah de codifier le fiqh furent nécessaires, l’organisation confrérique émanait du besoin, vers le 12e siècle, d’organiser sous cette modalité les différentes voies spirituelles, là elles s’exerçaient auparavant par des cercles discrets d’assises spirituelles avec les maîtres et leurs disciples. Il faut toutefois être vigilant face aux dérives que chaque institution (politique, sanitaire, scientifique, financière ou religieuse) peut comporter au fil du temps. Parmi les savants polymathes du sunnisme ayant marqué le monde musulman et l’Humanité, nous pouvons citer l’imâm Ja’far, Jabîr Ibn Hayyân, Ibn Jarîr At-Tabarî, Abû Hâmid Al-Ghazâlî, Al-Birûni, Ibn al-Haytham, Fakhr ud-Dîn ar-Râzî, Al-Khawarizmi, Al-Hakim at-Tirmidhî, Abû Mansûr al-Baghdadî, Ibn Hazm, ‘Umar Khayyâm, Ibn Khaldûn, Zakariyya al-Ansarî, As-Suyûtî, Al-Sharif al-Jurjani (‘Alî Ibn Muhammad al-Jurjani), Baha’ ud-Dîn Al-‘Amili (auparavant shiite), Ibn Battûta, Shah Waliyullah, al-Murtadâ az-Zubaydi, Ahmad Reza Khan d’Inde, les prix Nobel Ahmed Zewail (prix Nobel de Chimie, égyptien) et Aziz Sancar (prix Nobel de chimie, turc avec des origines aussi arabo-kurdes),  et d’autres, ainsi que les plus grands poètes et maîtres spirituels de l’Humanité comme Ibn ‘Arabî, ‘Umar Ibn al-Farid, Nizami, Sa’di, Sanâ’î, Rûmî, Farid ud-Dîn Attâr, Shams e-Tabrizi, ‘Abd ar-Rahmân al-Jami’, Hafez, Ahmad ar-Rifâ’î, ‘Abd al-Qâdîr al-Jilânî, Ahmad al-Ghazâlî, Ahmad Ibn Atâ’Llâh as-Sakandârî, Ahmad Al-Alawi, etc. On leur doit ainsi de nombreux ouvrages et traités sur l’histoire, la littérature, le Hadith, l’exégèse, la langue arabe, la médecine, l’astronomie, les mathématiques, la logique, la spiritualité, la poésie, l’optique, les bases de l’informatique (notamment par Muhammad Ibn Mûsâ Al-Khawarizmi), de la physique expérimentale et de la photographie/cinématographie (par Ibn al-Haytham), la grammaire, la philologie, l’épistémologie, la psychologie, la sociologie, la navigation, la géographie, la géodésie, l’éducation, l’économie, les sciences politiques, l’approche critique de la philosophie, etc.

. Le Shiisme, composé de nombreuses tendances, dont la principale est celle du shiisme duodécimain (aussi appelé jafarite, rafidi, imâmite, etc.) qui rejette la plupart des épouses et nobles Compagnons du Prophète, ainsi que d’une partie des Ahl ul Bayt. Leurs doctrines se sont constituées de façon stable vers le 4e siècle hégirien, en prenant des éléments divers et remixés qui remontaient au 2e siècle hégirien, et sans suivre les principaux enseignements des Ahl ul Bayt sur leur respect des Sahaba et des épouses du Prophète (ﷺ). Certains courants et individus shiites ne partagent pas les dérives ou déviances qui sont parfois imputées à tort à tous leurs groupes. La majorité d’entre eux reconnaissent aussi les 5 piliers de l’Islam et les 6 piliers de la foi, et l’origine divine du Qur’ân et le statut particulier du Prophète (ﷺ), mais rajoutent parfois d’autres conditions qui ne sont pas évoquées dans le Qur’ân, la Sunnah purifiée et les Ahl ul Bayt. Le courant majoritaire taxe cependant d’hérétiques des courants comme l’alévisme et le nussayrisme, ainsi que le courant ismaélien (courant ayant tendance à rejeter les prescriptions extérieures de la Loi, pour tomber dans une forme de pseudo-ésotérisme relevant plus de la spéculation philosophique que de la métaphysique et de la spiritualité opérative, qui se fondent sur la Baraka contenue dans les rites exotériques et les préceptes religieux encadrant la moralité et l’éthique des fidèles), mais là encore, le courant ismaélien est divisé en plusieurs tendances, certaines étant plus proches de « l’orthodoxie » que d’autres. De nombreux savants sunnites les considèrent comme Musulmans (même si dans l’erreur ou déviants selon les cas) à l’instar des imâms Abû Hâmid Al-Ghazâlî, Al-Jilânî, An-Nawawî, Ibn Hajar al ‘Asqalânî, Ibn Taymiyya, Ibn Al-Qayyîm, Ad-Dhahabî, Ibn Kathîr, etc., et le takfir ne pouvant se faire qu’au cas par cas, et pour ceux qui rejettent sciemment les piliers de l’Islam ou de la Foi, ainsi qu’une partie ou la totalité du Qur’ân ou rabaissant le statut du Prophète Muhammad (ﷺ) ou encore s’ils divinisent autre qu’Allâh, comme le Prophète (ﷺ) ou les imâms de la famille alide, ce qui n’est pas le cas, fort heureusement, de la majorité.

. L’ibadisme[2], courant très ancien, dont les origines remontent à ‘Abdullâh ibn Ibad al-Tamimi et Jabir ibn Zayd al-Azdi, qui était un élève d’Aîsha et de Ibn ‘Abbâs. Ce courant possède son corpus de ahadiths et son école jurisprudentielle, très proche du sunnisme sur de nombreux points, et qui fut considéré à tort comme étant un courant kharijite, mais ils vivaient généralement éloignés des grands centres urbains, et n’étaient pas souvent intéressés par les débats, d’où le fait que le courant fut très mal connu durant des siècles. Aujourd’hui, tout aussi minoritaires, ils vivent généralement dans le Sultanat d’Oman (qui jusqu’à aujourd’hui, est un havre de paix, très apprécié aussi des expatriés non-musulmans occidentaux), ainsi que dans le désert algérien.

. Le Mu’tazilisme, qui reconnait le Qur’ân comme étant une création de la Parole divine, et qui accepte une partie de la Sunnah (selon leurs propres conditions), dépouillant ou niant parfois des Attributs divins, et accordant une place illusoire à la « rationalité », parfois au-dessus même du Texte révélé. Certains savants sunnites et shiites ont été jusqu’à leur takfir, tandis que d’autres, comme les grands savants sunnites (Ahmad, As-Shafi’i, Mâlik, Abû Hanifa, Sufyân at-Thawrî, Al-Harith al-Muhasibi, At-Tabarî, Al-Qushayrî, Abû Hâmid al-Ghazâlî, Ibn Taymiyya, Ad-Dhahabî, etc.) n’ont pas fait leur takfir, malgré leurs ouvrages ou propos visant à réfuter leurs erreurs et leurs dérives. Ils ne sont ainsi pas tous pareils, et parmi ceux qui jouirent d’un grand respect de la part des savants Sunnites, il y a le savant polymathe Al-Jahiz (m. 867), le célèbre scientifique Abû Bakr Muḥammad ibn Zakariyyāʾ al-Râzî (m. vers 935)[3], le philosophe et théologien très influencé par le Tasawwûf Abû Bakr Abû Hayyân at-Tawhidî (m. 1023), et le grand exégète et linguiste Az-Zamakhshari (m. 1144).

. La Falsafa, le mouvement des philosophes, qui pouvaient être plus ou moins « sûfisés » ou « rationalistes » selon les cas, reconnaissant le Qur’ân et le rang du Prophète (ﷺ), mais préférant la spéculation rationnelle au suivi du cheminement spirituel. Tout en étant des théologiens et des juristes sans école particulière, on compte parmi eux des personnalités comme Al-Kindi, al-Farabi, Ibn Sina (Avicenne) avant qu’il se rattache au Tasawwuf lors de sa rencontre avec le Shaykh Abû al-Hassân al-Kharaqânî et à l’école hanafite (il exerça d’ailleurs comme juge hanafite à Jurjân), Ibn Tufayl (le maître d’Ibn Rushd, il fut aussi médecin et astronome, et influencé par le Tasawwuf et le Ihyâ ulûm ud-Dîn de l’imâm Ghazâlî), Ibn Rushd (bien qu’il fut malikite et juge) et d’autres qu’eux, chacun ayant leur particularité. D’autres semblaient être à mi-chemin entre le sunnisme (et le Tasawwuf) et la philosophie comme les savants musulmans polymathes Nasr ud-Dîn Tûsî (auparavant shiite), Qutb ad-Dîn Shirazî et Shihâb ud-Dîn Suhrawardi.

. Le Zaydisme, qui est plus proche du sunnisme traditionnel (étant aussi inspiré en partie de l’école sunnite hanafite) que du shiisme, et qui remonte à l’imâm Zayd Ibn ‘Alî (petit-fils de l’imâm Hussayn, lui-même petit-fils du Prophète ﷺ). Le zaydisme originel reconnaissait le statut élevé, la droiture et la piété des imâms parmi les nobles Compagnons, dont les Califes Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân, ainsi que le rang éminent de ‘Aîsha et d’autres épouses du Prophète (ﷺ), mais en accordant toutefois à l’imâm ‘Alî la prééminence et la préférence en tant que Calife. L’imâm Zayd a témoigné lui-même du fait que la famille alide n’avait jamais dit du mal d’Abû Bakr, de ‘Umar ou de ‘Aîsha, et que même ceux qui s’étaient opposés à ‘Alî du temps de son Califat, ne furent pas taxés de mécréants. Ils acceptent aussi les ahadiths rapportés par les gens dignes de confiance parmi les Compagnons et les épouses du Prophète (ﷺ), tout en accordant la priorité aux ahadiths de la famille alide. Il se désavoua par ailleurs des extrémistes shiites de son époque qui voulaient calomnier Abû Bakr et ‘Umar. Il suivit la voie de son ancêtre Hussayn, qui mourut en martyr. L’imâm Zayd tomba en martyr, et bien que soutenu par l’imâm Abû Hanifa et d’autres imâms sunnites, il fut trahi par les lâches et les hypocrites se réclamant du Shiisme, qui n’acceptaient pas sa défense envers les grands Sahaba. Dans son combat légitime contre l’oppression, l’imâm Zayd Ibn ‘Alî répondait à ceux qui voulaient lui prêter allégeance, ceci : « Je vous convie au Livre d’Allâh (Qur’ân) ainsi qu’à la Sunnah de Son Prophète (ﷺ). Comme je vous convie au combat contre les oppresseurs, pour défendre les plus faibles, rendre leurs droits aux gens, partager le butin entre ses ayants-droits, faire justice à ceux qui ont subi des injustices, et secourir les gens de la vérité (persécutés injustement) … Voulez-vous prêter serment pour tout cela ? »[4]. Des gens (appartenant à un courant shiite) posèrent ainsi des questions à l’imâm Zayd qui répondit à la question « Que penses-tu d’Abû Bakr et de ‘Umar ? », leur répondant : « Allâh leur pardonne. Je n’ai entendu personne de ma famille dire du mal d’eux. Et moi aussi, je ne dirai aucun mal d’eux ! ». « Mais alors pourquoi demandes-tu de venger le sang de la famille alide ? ». « L’imâm Zayd répondit : « Tout ce que je peux dire concernant ces 2 Compagnons est [que selon ma préférence personnelle] qu’Alî était plus en droit d’être élu calife. Mais la population les a choisis et nous a « éloignés » du califat, pour cause d’utilité publique. Et tout ceci est très loin de la mécréance. Ils ont été choisis, ils ont gouverné et ont été équitables. Ils ont mis en pratique le Qur’ân et la Sunnah ! ». Ils lui dirent : « Pourquoi combats-tu donc alors ? ». Il répondit : « Ceux-ci (les omeyyades) ne sont pas comme ceux-là (Abû Bakr et ‘Umar). Ceux-ci (les omeyyades) ont été injustes envers les gens, comme ils l’ont été envers leurs propres personnes. Et je vous convie au Livre d’Allâh et à la Sunnah de Son Prophète (ﷺ) ; et je vous convie à la revivification de la voie prophétique, et à l’anéantissement des innovations blâmables. Si vous m’obéissez, ce sera préférable pour vous, et si vous refusez, je ne suis alors point votre garant (devant Allâh) »[5]. Les shiites rafidites, ayant été désavoués dans leurs positions par l’imâm Zayd, refusèrent donc de lui prêter allégeance et l’abandonnèrent. L’imâm Zayd dit alors tout haut : « Je crains qu’ils feront (aujourd’hui pour moi) ce qu’ils ont fait (auparavant) pour Hussayn. Quant à moi, par Allâh, je combattrais (les oppresseurs) jusqu’à la mort ! ». Il faut savoir que sur la méthode politique à adopter, les imâms alides ont divergé entre eux, tout comme les Sahaba. L’imâm ‘Alî ordonnait de combattre (après les dialogues infructueux) les rebelles jusqu’à ce qu’ils reviennent à la raison et au respect de l’autorité politique et à la paix, l’imâm Hassân préférait la voie diplomatique et les concessions pour retrouver la paix, tandis que l’imâm Hussayn montrait la voie du martyr par le courage et la bravoure face à l’oppression et à la tyrannie. Leurs descendants ont suivi l’une ou l’autre de ses voies. Les imâms ‘Ali Zayn ul Abidîn (fils de l’imâm Hussayn), son fils Muhammad Al-Baqir (grand frère de l’imâm Zayd) et son petit-fils Ja’far as-Sâdiq (fils de l’imâm Al-Baqir) choisirent plutôt la voie de l’imâm Al-Hassân, et l’imâm Zayd ainsi que d’autres imâms de la famille alide de la descendance d’Al-Hassân – comme l’imâm Muhammad al-Nafs al-Zakiya (soutenu par l’imâm Mâlik notamment) -, choisirent la voie de l’imâm Hussayn (c’est-à-dire le martyr pour une cause juste et noble), et les Sahaba de l’époque du Califat d’Alî et d’après, ont aussi suivi l’une ou l’autre de ces voies (l’abstention dans le conflit, la voie diplomatie, ou le soutien politique et militaire aux imâms de la famille alide). Les zaydites d’aujourd’hui sont divisés en plusieurs branches, certaines étant proches du Zaydisme originel et donc du Sunnisme traditionnel, et d’autres qui sont plus proches des Shiites. Si l’imâm Zayd Ibn ‘Alî respectait les Califes bien-guidés mais tout en considérant ‘Alî comme leur étant supérieur, ce ne fut pas l’avis de son grand frère Muhammad al-Baqîr et de son neveu Ja’far as-Sâdiq et d’autres membres de la famille alide, qui accordaient à Abû Bakr et à ‘Umar la précellence, tout en s’accordant sur leur pleine légitimité du Califat. D’ailleurs Muhammad al-Baqir épousa Umm Farwa, descendante par 2 lignes d’Abû Bakr, et l’imâm Ja’far fut donc un descendant de Sayyidûna Abû Bakr en même temps que de l’imâm ‘Alî, ainsi que d’une lignée royale du dernier empereur perse sassanide par sa fille Sharbanu. L’imâm Al Hakîm An-Naysabûrî, qui était un traditionniste ayant relaté les nombreux mérites des ahl ul bayt a rapporté dans Al-Mustadrak : « Jâ’far [As Sâdiq] Ibn Muhammad rapporta d’après son père Muhammad [Al Baqîr] Ibn ‘Alî [Zayn ul ‘Âbidîn] que ‘Abdu Llâh Ibn Jâ’far Ibn Abî Tâlib a dit : « Abû Bakr As Siddîq est devenu notre Calife et il fut le meilleur des Califes d’Allâh, il fut le plus charitable et le plus attentionné envers nous (les Ahl ul Bayt) » ». Ad-Dhahâbî dans son Tadhkirat al huffâz (p.8) rapporte également cette parole de l’imâm ‘Alî : « Auparavant, lorsque j’entendais un hadith de la bouche du Prophète (ﷺ), je m’instruisais de son contenu selon la Volonté Divine, mais lorsqu’il me fut rapporté par une autre personne, je le fis passer sous serment pour s’assurer de sa véracité sauf pour Abû Bakr as-Siddîq (le véridique, le sincère) car Abû Bakr ne dit que la vérité ».

  L’Imâm Ja’far as-Sâdiq ne s’inscrivait pas dans le courant du shiisme imamite, mais enseignait en privé et en public les fondements du Sunnisme et du Tasawwuf, et fut l’un des maîtres des imâms Mâlik, Abû Hanifa, Sufyan at-Thawrî, Sufyân Ibn ‘Uyayna et d’autres grands imâms. L’imâm Ja’far était l’un des plus grands imâms à l’unanimité, et en plus de son excellente maitrise des différentes sciences islamiques, il était aussi connu pour sa connaissance dans d’autres formes de science comme la médecine, l’astronomie, les mathématiques, la chimie, etc. Al Hafîz Ad-Dhahâbî dans son Siyar A’lâm an-Nubalâ’ (6/255-270) rapporte, après avoir cité ses nombreux mérites, qu’il avait sans doute rencontrer des Compagnons du Prophète (ﷺ) comme Anas Ibn Mâlik et Sahl ibn Sa’d. Ad-Dhahâbî dans son Siyâr (4/402) rapporte aussi plusieurs récits authentifiés (suivis de nos commentaires) :

‘Ali ibn al-Ja’d a rapporté que Zuhayr ibn Mu’âwiyya a dit : « Mon père a dit à Ja’far ibn Muhammad : « J’ai un voisin qui prétend que vous avez renié (et rejeté) Abû Bakr et ‘Umar ». Ja’far a dit : « Qu’Allâh désavoue ton voisin. Par Allâh, j’espère qu’Allâh me fera bénéficier de mes liens de parenté avec Abû Bakr, car je suis tombé malade une fois et j’ai laissé mon testament à mon oncle maternel ‘Abd ar-Rahmân ibn al-Qâssim (en raison de la proximité qu’ils entretenaient) ». Et l’imâm Ja’far fut éduqué aussi par l’imâm Ibn al-Qâssim qui était de sa famille, et rapportait de lui.

Ibn ‘Uyaynah a dit : « Ils m’ont rapporté de Ja’far qu’il a dit : Au temps du Messager d’Allâh (ﷺ), la famille d’Abû Bakr était appelée la famille du Messager d’Allâh (ﷺ) » en raison du fait que le Prophète (ﷺ) se trouvait souvent avec ‘Aîsha son épouse, ou alors avec Abû Bakr (le père d’Aîsha) qui fut son plus proche Compagnon.

Muhammad ibn Fudayl a dit, racontant de Sâlim ibn Abi Hafsah, qu’il a dit : « J’ai interrogé Abû Ja’far et son fils Ja’far à propos d’Abu Bakr et d’Umar. Il dit : « Ô Sâlim, considérez-les comme des alliés et désavouez quiconque les considère comme des ennemis, car ils sont tous 2 des imâms de guidance ».

Alors Ja’far dit : « Ô Sâlim, un homme insulterait-il son grand-père ? Abû Bakr est mon grand-père et je n’obtiendrai pas l’intercession de Muhammad (ﷺ) le Jour de la Résurrection si je ne les considère pas tous 2 (Abû Bakr et ‘Umar) comme des alliés et si je ne désavoue pas ceux qui les considèrent comme des ennemis ».

Ad-Dhahabi a dit : « Ces paroles ont été rapportées via des récits et voies mutawâtir (multiples et concordantes) de Ja’far as-Sâdiq. J’atteste par Allâh qu’il était sincère dans ses paroles, qu’il n’était hypocrite envers personne (…) ».

Ja’far a raconté de son père, Muhammad al-Baqir, qu’un homme est venu voir son grand-père, Zayn al-‘Abidin, et lui a dit : « Parle-moi d’Abû Bakr ! ». Il a dit : « Vous voulez dire as-Siddiq ? ». L’homme dit : « Comment l’appelez-vous As-Siddiq alors qu’il est contre vous, la Famille du Prophète ? ». Il répondit : « Malheur à vous. Le Prophète (ﷺ) l’a appelé as-Siddiq, et Allah a accepté son titre d’as-Siddiq. Si vous voulez venir à moi, gardez l’amour d’Abû Bakr et d’Umar dans votre cœur ».

Ja’far a dit : « La meilleure intercession que j’espère est l’intercession d’Abû Bakr as-Siddiq ». De lui est également rapportée l’invocation suivante : « Ô Allâh, Tu es Mon témoin, j’aime Abû Bakr et j’aime ‘Umar et si ce que je dis n’est pas vrai, qu’Allâh me retranche de l’intercession de Muhammad (ﷺ) ».

Et à propos de Sâlim, Ad-Dhahabi dit : « Sâlim avait un penchant évident pour le shiisme [au sens d’être partisan de la famille alide], mais malgré cela, il a transmis ces paroles véridiques. Seuls les gens vertueux reconnaissent la vertu des gens vertueux. De même, celui qui l’a raconté, Ibn Fudayl, était également un shiite (au sens de partisan de la famille alide) mais digne de confiance dans la narration des hadiths. Puisse Allâh condamner les chiites de notre temps ; comme ils sont profondément plongés dans l’ignorance et le mensonge ! Ils accusent les 2 Shaykhs (Abû Bakr et ‘Umar), les 2 proches Compagnons du Prophète (ﷺ), et interprètent ces paroles d’al-Bâqir et d’as-Sâdiq comme ayant été dites à titre de taqiyyah (dissimulation) ».

  Les Imâms Al Bâqir et As Sâdiq rapportent que ‘Alî Ibn Abî Tâlib invoqua la Grâce et le Salut d’Allâh sur ‘Umar Ibn Al Khattâb et pria en sa faveur. En effet, l’imâm al-Khatîb al-Baghdadî rapporte dans  Al Jâmi’ Li Akhlâq ur Râwî wa Âdâb us Sâmi’ selon une chaine de transmission sahîh : « Nous rapportons de Ahmad Ibn Muhammad Abû Ja’far Al ‘Atîqî qui rapporta de ‘Alî Ibn ‘Umar Al Hâfiz, le rapportant de Abû Hâmid Muhammad Ibn Hârûn Al Hadramî qui rapporta de Ya’qûb Ibn Ibrâhîm Ad Dawraqî, qui rapporta de Sufyân Ibn ‘Uyaynah, qui rapporta de Ja’far Ibn Muhammad le rapportant de son père qui rapporta que Jâbir Ibn ‘Abdi Llâh a dit : « ‘Alî dit à ‘Umar Ibn Al Khattâb, alors que ce dernier était allongé sur son lit de mort : « Salla Llâhu ‘alayk – que La Grâce (et la Paix) d’Allâh soit sur toi ! », puis il fit des invocations en sa faveur ». Sufyân rapporta : « On demanda à Ja’far : « N’est-il pas dit que l’on invoque la Grâce [d’Allâh] seulement sur le Prophète (ﷺ) ? ». Il répondit : « Je l’ai entendu tel quel » » ».

  Nous rajoutons aussi ceci : les shiites de cette époque se contentaient d’avoir un amour exagéré envers la famille alide en rabaissant les autres, mais ne croyaient pas, pour beaucoup, à l’infaillibilité ou à la divinisation des imâms, ni n’avaient adopté les dogmes tardifs du shiisme duodécimain, qui se répandirent environ 2 siècles plus tard, et en exagérant les excès qui pouvaient exister déjà du temps des imâms, excès et dérives (moins graves que parmi les générations ultérieures) désavoués déjà par les imâms alides eux-mêmes.

Enfin, lorsqu’un imâm jure par Allâh, il ne peut pas mentir au nom de la Religion, plus encore s’il s’agit d’un imâm considéré comme véridique et digne de confiance. Or, les extrémistes parmi les shiites, en disant qu’ils mentaient au nom de la Religion – car ils ne peuvent pas nier l’existence des paroles élogieuses des imâms envers Abû Bakr et ‘Umar -, ils accusent les imâms alides d’être des pervers et menteurs indirectement, ce qui est une accusation d’une énorme gravité, en plus de contredire leur dogme sur les super-pouvoirs des imâms proches ou apparentés à l’Omniscience et à l’Omnipotence – ce qui est du shirk -, car après ils disent qu’ils ont menti par lâcheté et par peur face à des dirigeants politiques. Or, la Religion ne permet, par taqiyya, de renier par la parole seulement la foi par contrainte ou pour avoir la vie sauve, surtout pour ceux qui manqueraient de bravoure et de force spirituelle (sauf s’il agit pour sauver d’autres innocents), mais la taqiyya ne peut jamais consister, devant des gens, et encore moins devant des élèves ou des disciples proches, à mentir sur la Religion (en disant par exemple le contraire de ce que dit réellement la Religion), mais tout au plus à garder le silence ou à faire preuve de subtilité si l’on craint des troubles. Si on accepte le fait qu’ils étaient des véridiques, alors cela prouve que la famille alide avait un énorme respect pour Abû Bakr et ‘Umar, que depuis l’imâm Ja’far qui descendait aussi d’Abû Bakr, et que, conformément à la doctrine shiite, la famille alide des imâms n’est composée que de gens purs et agréés par Allâh, alors qu’Abû Bakr et ses descendants le soient aussi.

De même, cela prouve le sunnisme de la famille alide et leur attachement au Qur’ân, à la Sunnah et au respect des Compagnons comme des épouses du Prophète, d’autant plus qu’ils rapportaient tous d’Abû Bakr, de ‘Umar, de ‘Uthmân, de ‘Aîsha, et d’autres personnes de l’entourage du Prophète (ﷺ) ne faisant pas partie de la famille alide, et cela, conformément au Qur’ân et aux paroles authentiques du Prophète (ﷺ).

  Il est rapporté dans le Musnad ul Imâm Zayd Ibn ‘Alî, le recueil majeur de hadîth chez les zaydites compilé par Abû Khâlid Al Wâsitî : « Zayd Ibn ‘Alî rapporta d’après son père [‘Alî Zayn ul ‘Âbidîn], qui rapporta de son grand-père [Al Hussayn Ibn ‘Alî] le rapportant de ‘Alî (que la Paix soit sur eux tous), qu’un homme était venu et demanda : Ô Emir des croyants ! Est-ce que les gens de la bataille du chameau, de Siffîn et de Nahrawân sont mécréants ? Il répondit : « Non. Ils sont nos frères qui se sont injustement rebellés contre nous, nous les avons donc combattus jusqu’à ce qu’ils reviennent à Allâh (magnifié et exalté soit-Il) »[6]. Que dire alors pour Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân, qui eux ont protégé les Ahl ul Bayt et leur ont fait honneur sans jamais les avoir combattu, et se sont liés au Prophète (ﷺ) par les alliances de mariage (‘Aîsha bint Abî Bakr et Hafsa bint ‘Umar qui épousèrent le Prophète, et les filles du Prophète Umm Kulthum et Al-Ruqayya qui épousèrent ‘Uthmân Ibn Affân, ce qui montre qu’ils n’étaient pas considérés par le Prophète comme des mécréants ou des pervers, car il n’épouse que des femmes chastes et vertueuses et ne donne ses filles en mariage qu’à des hommes musulmans, dignes, honorables et justes). Si des rebelles qui ont nié l’honneur et les droits des Ahl ul Bayt, en plus de les avoir combattu et renié en tant que Calife (sous le Califat de l’imâm ‘Alî), n’ont pas été considérés comme apostats ou mécréants, que dire alors pour les 3 premiers califes bien-guidés qui étaient les Compagnons du Prophète et les soutiens aussi de l’imâm ‘Alî et de sa famille. La « période » du Califat bien-guidés, débutant par notre maître Abû Bakr As-Siddiq, et se poursuivant par nos maîtres ‘Umar Ibn al-Khattâb, ‘Uthmân Ibn ‘Affân et ‘Alî Ibn Abî Tâlib, et se scellant par l’imâm al-Hassân – que la Paix soit sur eux tous -, fut prophétisé aussi par le Prophète (ﷺ), désignant cette période comme une orientation politique et spirituelle de guidance et de bénédictions concernant les Califes, qui donnera malheureusement suite à des pouvoirs politiques monarchiques puis tyranniques, mais parfois entrecoupés par des dirigeants pieux et justes (comme ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Aziz, descendant de ‘Umar, et très proche de la famille alide) et d’autres sous les différents califats (abbassides, seljukides, bouyyides, ottomans, etc.) qui seront gouvernés tantôt par des chefs Musulmans justes et pieux, et tantôt par des despotes.

 Le Prophète (ﷺ) dit : « Le Califat (bien-guidé) illuminé par la prophétie durera 30 ans, ensuite viendra une période monarchique »[7].

D’après an-Nu’mân ibn Bashîr : « Nous étions assis dans la mosquée quand Abû Tha’laba al-Khushanî vint demander : ‘Ô Bashîr ibn Sa’d, mémorises-tu le hadith du Prophète (ﷺ) concernant les émirs ? – « Moi je mémorise son sermon », répondit Hudhayfa. Abû Tha’laba s’assit. Le Prophète (ﷺ) a dit, poursuivit Hudhayfa : « La prophétie restera parmi vous autant qu’Allâh le souhaitera, puis Allâh y mettra un terme quand Il voudra. Il y aura alors un Califat suivant la voie prophétique, qui vous gouvernera autant qu’Allâh le souhaitera, puis Allâh y mettra un terme quand Il voudra. Puis viendra une royauté injuste (et dynastique) qui vous gouvernera autant qu’Allâh le souhaitera, puis Allâh y mettra un terme quand Il voudra. Puis viendra une royauté tyrannique qui vous gouvernera autant qu’Allâh le souhaitera, puis Allâh y mettra un terme quand Il voudra. Puis viendra alors un Califat suivant la voie prophétique ». Puis le Prophète (ﷺ) se tut »[8]. Les autres ahadiths indiquent que le dernier califat (suivant la Voie prophétique) après la période de régimes politiques injustes et troubles, aura un lien avec la venue de l’imâm Mahdi (‘alayhî Salâm).

  Le Shaykh al-Akbar, tout en critiquant les dérives en milieu shiite, insistait sur l’amour envers les Sahaba, mais aussi et surtout envers les Ahl ul Bayt, les 2 étant complémentaires, comme l’indiquent le Qur’ân, la Sunnah, les Sahaba et les Ahl ul Bayt !

Le Shaykh Ibn ‘Arabî a dit ainsi :

« Ne comparez pas les Ahl al-Bayt à d’autres, car ils méritent la suprématie.

Les haïr est la ruine totale de l’humanité, et les aimer est un immense acte d’adoration (envers Allâh) ».


  Comme l’ont dit plusieurs savants des Ahl ul Bayt : « Il est impossible que soit réuni dans un cœur pur l’amour des ahl ul bayt et l’aversion pour notre maître Abû Bakr, ou ‘Umar ou ‘Uthmân. Est menteur celui qui prétend être partisan des ahl ul bayt tout en détestant les compagnons et les épouses du Prophète Muhammad (ﷺ) car il s’en prend aux compagnons qui ont soutenu le propriétaire (le Prophète) de la demeure prophétique ! ». Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Celui qui aime ‘Umar m’aime, et celui qui hait ‘Umar me déteste »[9], et concernant ‘Aîsha le Prophète (ﷺ) a dit à sa fille Fâtima : « « Ma chère fille, n’aimes-tu pas ce que j’aime ? », « Oh que si répondit-elle »« Alors aime ‘Aîsha dit-il » »[10].

Le descendant du Prophète Habib Ali Al-Jifri a rapporté que l’imâm Jâ’far As-Sâdiq a dit, alors qu’il était sur son lit de mort, quand on lui a demandé ce qu’il pensait de Sayyidûna Abû Bakr et de Sayyidûna ‘Umar (qu’Allâh les agréé) : « Je suis maintenant sur le lit de mort et je ne crains personne. Je perds ma relation filiale avec mon grand-père si je me dissociais (désavouais) de Abû Bakr et de ‘Umar »[11].

L’imâm ‘Alî a dit : « Les meilleures personnes après le Messager d’Allâh sont Abû Bakr et ‘Umar. M’aimer et haïr (en même temps) Abû Bakr et ‘Umar ne se rassemblent pas dans le cœur d’un croyant »[12].

  Ad-Daraqutnî dans ses Sunân a rapporté de Ja’far as-Sâdiq de son père Muhmamad al-Baqir, qu’un homme est venu chez son père Zayn al-Abidin ‘Ali ibn al-Hussayn , qu’Allâh les agrée, et dit : « Parlez-moi d’Abû Bakr ». Il a dit : « À propos d’as-Siddiq ? ». L’homme a dit : « L’appelez-vous As-Siddiq ? ». Zayn al-Abidin a déclaré : « Que votre mère soit privée ; il a été appelé ainsi par le Messager d’Allâh (ﷺ), al-Muhajirîn (les habitants de La Mecque qui ont émigré à Médine) et al-Ansar (les partisans ; les habitants de Médine qui ont soutenu le Prophète). Celui qui ne l’appelle pas As-Siddîq , Allâh ne considère pas comme vraies ses paroles dans cette vie d’ici-bas et dans l’au-delà. Alors allez aimer Abû Bakr et ‘Umar, qu’Allâh les agrée ».

  Al-Hakim a rapporté dans Al-Mustadrak d’al-Mussayyib que : « Abû Bakr était comme un conseiller du Prophète (ﷺ), qui avait l’habitude de s’entretenir avec lui dans toutes ses affaires. Il fut son deuxième homme à embrasser l’Islam, son deuxième dans la grotte, son deuxième dans la tonnelle lors de la bataille de Badr et son deuxième à aller au tombeau (mourir). Le Messager d’Allâh (ﷺ), n’a jamais amené personne devant lui »[13].

  L’imâm ‘Alî a dit : « Ne devrais-je pas vous parler du meilleur de cette nation après son Prophète ? Il s’agit d’Abû Bakr. Ne devrais-je pas vous parler du meilleur de cette nation après Abû Bakr ? Il s’agit d’Umar (Ibn al-Khattâb) »[14].

  L’Imâm ‘Alî rapporte aussi ce hadith du Messager d’Allâh (ﷺ) qui a dit : « Puisse Allâh faire miséricorde à Abû Bakr, il m’a marié à sa fille, et il m’a emmené à la terre de l’émigration, et il a libéré Bilâl avec sa richesse. Qu’Allâh fasse miséricorde à ‘Umar, il dit la vérité même si elle est aigre et désagréable (pour celui qui doit se réformer). La vérité l’a laissé sans ami. Qu’Allâh fasse miséricorde à ‘Uthmân, les anges sont pudiques en sa présence. Qu’Allâh fasse miséricorde à ‘Alî. Ô Allâh ! La vérité est avec lui partout où il se dirige »[15].


  Notre maître Abû Bakr a dit : « Par Allâh ! Entretenir de bonnes relations avec la famille du Prophète (ﷺ) m’est plus cher que d’entretenir de bonnes relations avec ma propre famille »[16] et « Rapprochez-vous de Muhammad au travers des gens de sa famille »[17], et ses épouses font partie de sa famille. Dans le Jami’ Al-Bayân ‘an ta’wil ayat Al-Qur’ân (n°26170) on trouve le hadîth suivant : « Abû Kurayb rapporte de Khalîd ibn Makhnaf, de Mussa ibn Ya’qûb, de Hashim ibn Hashim ibn ‘Utba ibn Abi Waqass, de ‘Abdillah ibn Wahb ibn Zam’a qui rapporte de Umm Salama (l’épouse du Prophète) : « Le Messager d’Allâh a rassemblé ‘Ali, Hassan et Hussayn sous son manteau et a invoqué Allâh puis dit : « Ceux-là sont (aussi) les gens de ma maison (Ahl ul bayti) ». Umm Salama demanda : « Est-ce que j’en fait partie ? ». Le Prophète lui dit : « Tu fais partie de ma famille » ».

At-Tabarânî dans son Al-Mu’jam Al-Kabir (n°2597) rapporte aussi selon Umm Salama : « Que le Messager d’Allâh a rassemblé Fatima, Hassan, Hussayn et les a fait entrer sous son manteau et dit : « Ô Allâh, ceux-là sont les gens de ma maison ». Umm Salama demanda : « Ô Messager d’Allâh, fais-moi entrer avec eux ! ». Le Prophète lui dit : « Tu fais partie de ma famille » ».

   Un autre hadîth du Musnad de l’imâm Ahmad et de At-Tahawî dans le Sharh de Mushkil al Athar (n°770) rapporte que : « Umm Salama demanda : Ô Messager d’Allâh, ne suis-je pas une membre de Ahl ul bayt ? ». Le Prophète dit : « Mais si ». Umm Salama entra alors sous le manteau après l’invocation du Messager d’Allâh concernant les 4 ».

 Et le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit au sujet de ses épouses : « Seul le pieux véridique se rappellera de vous (et cherchera à préserver votre honneur et votre dignité) après moi »[18].

  Et pour la croyance imâmite concernant l’imamat, cela est rejeté de la part des imâms alides eux-mêmes. Ibn Sa’d rapporte dans al-Tabaqât al-Kubrâ (5/324) : « M’a rapporté Muhammad ibn ‘Asim (le grand imâm, l’exemple, le pieux, le fiable) qui rapporte de Shababah ibn Suwar (l’Imâm, le Hafidh, la preuve) qui rapporte de al Fudayl Ibn Marzûq (le muhhadith véridique allié de la famille du Prophète) ceci : « J’ai demandé à ‘Umar ibn ‘Alî et à Al Hussayn ibn ‘Alî les oncles de Jâ’far (as-Sâdiq) : « y’a t’il parmi vous Ahl al bayt une personne envers qui l’obéissance est obligatoire, qui lui est reconnue cette qualité et que quiconque ne lui reconnait pas cette qualité alors il meurt de la mort de la jahiliyyah ? ». Les 2 ont dit : « Non, par Allâh, il n’y a pas cela chez nous, et quiconque affirme que ceci existe chez nous est un menteur ». J’ai dit à ‘Umar ibn ‘Alî : « qu’Allâh te fasse miséricorde, il est dit que vous prétendez que le Prophète a désigné ‘Alî comme successeur puis que ‘Alî a désigné Al Hassân, puis qu’Al Hassân a désigné Al Hussayn, puis qu’Al Hussayn a désigné ‘Alî ibn Al Hussayn puis que ‘Alî ibn al Hussayn a désigné Muhammad ibn ‘Alî comme successeur … ». Alors il a dit : « Par Allâh mon père (‘Alî ibn al Hussayn) est mort et n’a pas laissé en succession 2 mots ! Qu’Allâh les « combatte », par Allâh ces gens-là ne sont pas plus qu’un fardeau sur nous ».

  Même chose pour l’histoire de Fadâk, le Shaykh Muhammad Nâfi’ dans son Ruhamâu Baynahûm (1/126-127) en langue ourdou a réuni 36 voies/narrations à ce sujet. Il y a donc au moins 11 versions qui sont rapportées d’un narrateur autre que l’Imâm Zûhri, et il n’est fait aucune allusion à la colère de Fâtima, ni au fait qu’elle ait délaissé Abû Bakr ou qu’elle ne lui ait plus adressé la parole après cet événement. Les 25 versions suivantes reposent sur le rapport de Zûhri, et 9 d’entre elles ne mentionnent là aussi rien de ce qui a été dit précédemment. Il reste donc 16 narrations (qui constituent la variante minoritaire on peut dire) qui évoquent ce qu’ont soulevé des auteurs shiites et sunnites, sauf qu’il s’agit là d’un rajout tardif (et personnel) d’un narrateur et non pas de la parole de ‘Aîsha. Il y a donc eu idrâj (des propos étrangers et personnels d’un narrateur au sein de la parole rapportée d’une autre personne). D’ailleurs, l’imâm Zûhri faisait parfois cela – mais il se peut ici que cela soit plutôt l’un de ceux qui ont transmis de Zûhri qui a introduit ce rajout -. Il est rapporté au sujet de Zûhri qu’il introduisait parfois ses avis personnels dans les Traditions qu’il rapportait, sans toujours prendre le soin de les différencier clairement des propos originels qu’il citait des Compagnons, ce que certains de ses contemporains lui dirent : « Différencie bien tes propos de ceux du Messager d’Allâh » comme le rapportent Al-Khatîb al-Baghdadî, Ibn Hajar al ‘Asqalânî et d’autres à son sujet.

  Certains rapportent l’argument de Fatima (basé sur le fait que des Prophètes/enfants héritaient selon le Qur’ân, sauf que l’héritage en question était lié à la science et au Message, et non pas à des biens matériels, et que Sulaymân était un Prophète et non pas un simple fils de Dawûd, en plus du fait qu’ils étaient des Prophètes rois, ce qui n’était pas le cas des Prophètes comme Ibrâhîm, Mûsa, Jésus et Muhammad par exemple). De plus, le Prophète n’avait informé personne que sa fille Fatima ni que ses épouses ou d’autres membres de sa famille avaient hérité des terres de Fadak – c’était donc un ijtihad de la part de Fatima -, et Abû Bakr lui répondit que pour Fadak il suivrait la pratique (et l’argument) prophétique – attestée aussi par ‘Alî, Ibn ‘Abbâs et d’autres -, et ‘Ali fut du même avis qu’Abû Bakr. Suite à cela, Fâtima et ‘Ali rentrèrent chez eux et acceptèrent l’argument légitime de Abû Bakr. Le petit-fils de l’imâm ‘Alî – ‘Ali Ibn Hussayn Zayn ul Abidîn – fut interrogé sur cette affaire et dit qu’il aurait fait la même chose qu’Abû Bakr, il dit en effet : « Si j’avais été à la place de Abû Bakr (qu’Allâh soit satisfait de lui), j’aurais rendu le même jugement que lui en ce qui concerne les terres de « Fadâk » », comme le rapporte notamment Ibn Kathîr dans al-Bidâyah wa an-Nihâya (5/290). Néanmoins Abû Bakr et ‘Umar offrirent plusieurs terres de leurs propriétés personnelles à la famille de Fatima et de ‘Alî. Et quand ‘Alî fut calife, il perpétua la tradition prophétique puis des Califes bien-guidés concernant les terres de Fadâk. Ni Abû Bakr, ni ‘Umar ni ‘Uthmân n’avaient utilisé les terres de Fadâk pour eux-mêmes ou pour leurs propres enfants, mais elles étaient plutôt au service de toute la communauté. Al-Bayhaqî rapporte par ailleurs avec une bonne chaine qu’Abû Bakr rendit visite à Fatima et à ‘Alî peu avant le décès de Fâtima, et ‘Alî demanda à Fatima si Abû Bakr pouvait rentrer, et elle lui donna la permission, puis ils discutèrent, Abû Bakr rappela son amour envers les Ahl ul Bayt et il fit rire Fatima, qui fut satisfaite de lui.

  Lorsque Fatima tomba malade, Abû Bakr partit lui rendre visite et demanda la permission d’entrer. ‘Ali demanda : « Ô Fatima, c’est Abû Bakr demandant la permission d’entrer ». Elle répondit : « Veux-tu que je lui donne la permission ? ». Il répondit : « Oui ». Donc, elle lui donna la permission, et il était venu la voir dans le but de rechercher sa satisfaction. Abû Bakr lui dit : « Par Allâh, j’ai quitté ma maison, mes biens et ma famille dans l’unique but de la satisfaction d’Allâh, de son Messager et de vous, ô Ahlul Bayt ». Puis il a conversé avec elle jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite de lui »[19]. Par ailleurs, le célèbre mujtahid shiite Allâmah Bahrâni rapporte lui aussi dans Sharh’ Nahdil Balâghah (p. 543) que Fâtima fut, par la suite, satisfaite du jugement de Abû Bakr.

Ibn Kathîr décrivit objectivement la version la plus objective dans Al Bidâya wa an Nihâya (5/289) où au départ, Fâtima était bien venue réclamer les terres de Fadak à Abû Bakr en guise d’héritage de la part de son père, le Prophète Muhammad. Lorsque Abû Bakr lui rappela les propos du Messager (ﷺ) portant sur le fait que l’ensemble de ce que les Prophètes laissaient derrière eux en quittant ce monde était considéré comme aumône et ne pouvait être hérité, elle accepta cela et ne réclama plus cet héritage. Par contre, elle demanda que la gestion des terres de Fadâk leur soit confiée, à elle et à son époux, ‘Alî. Mais Abû Bakr là encore ne lui donna pas une réponse favorable, arguant du fait qu’étant le Calife (remplaçant) du Prophète Muhammad (ﷺ), il ne désirait pas changer la méthode de gestion de ces terres par rapport à ce qui se faisait du vivant du Prophète Ainsi, il continua à donner la part qui leur revenait de droit aux Ahl ul Bayt (membres de la famille du Prophète Muhammad, exactement comme le faisait le Prophète (ﷺ), et Abû Bakr ne légua pas non plus les terres de Fadâk à un membre de sa famille ni à ‘Umar, ce qui prouve que sa motivation n’était pas personnelle. C’est à cause de ce refus de sa part que Fâtima fut quelque peu mécontente ; cependant, le mécontentement disparut par la suite et elle fut à nouveau satisfaite de lui.

Le désaccord entre Fâtima et Abû Bakr pourrait être considéré comme une divergence d’avis, tel qu’il en existe entre les juristes sur de nombreuses questions. Ainsi, selon l’interprétation de Fâtima rien n’empêchait que la gestion des terres de Fadâk ne lui soit confiée à elle ou à son époux, – bien que l’imâm ‘Alî ne l’ait pas réclamé -. Mais selon l’avis de Abû Bakr, la gestion de ces terres devait rester aux mains du responsable des musulmans, tout en accordant la part réservée aux Ahl ul Bayt. Dans le Sharh (p.90) d’Al-Murtadâ’ concernant le Nahj al-Balagha on apprend que Muhammad Al-Baqir (le père de l’imâm Ja’far) et son frère Zayd Ibn ‘Alî ont dit : « Abû Bakr n’a jamais commis d’acte d’injustice, ni d’outrage envers leurs parents (c’est-à-dire ‘Alî et Fatima) ».

  Dans le Musannaf (n°32840 et 33029) de Ibn Abi Shaybah, un récit avec une chaine forte et sahîh jusqu’à l’imâm Muhammad al Bâqir (‘alayhî Salâm) qui a dit : « ‘Umar (Ibn al-Khattâb) a donné à ‘Alî la terre de Yanbu’ et a rajouté à cette terre d’autres terres »[20]. Et avant lui, Abû Bakr fit la même chose.

Cela montre que ‘Umar – suivant en cela l’exemple d’Abû Bakr – offrait ses terres et biens personnels pour ‘Alî et sa famille, contrairement à l’argent du trésor public et aux biens de la Communauté qui étaient la « propriété » de la Communauté musulmane dans son ensemble.

Selon les imâms des Ahl ul Bayt, ‘Umar Ibn al Khattâb dans une chaine très courte jusqu’aux Imâms d’Ahl al Bayt donna plusieurs terres importantes à l’imâm ‘Alî, sans rien lui demander en échange. Ce n’est pas là le comportement d’une personne qui déteste les Ahl ul Bayt.

Ibn al-Jawzî rapporte de Zayd ibn ‘Alî qu’il a dit à ceux qui y ont renoncé : « par Allâh, sachez que renoncer aux 2 Shaykhs (Abû Bakr et ‘Umar), c’est renoncer à (Alî ; alors allez-y (en y renonçant) ou arrêtez-vous ».

L’imâm ‘Alî a dit dans Nahj al Balagha au sermon 227 (il s’agit d’un ouvrage shiite) : « Qu’Allâh récompense untel (‘Umar ibn al-Khattâb), il a redressé la courbe, a guéri la maladie, a abandonné le mal et a établi la Sunnah. Il est parti de ce monde avec des vêtements intacts et est resté à l’abri de ses maux. Il a offert l’obéissance à Allâh et l’a craint comme Il le mérite. Il est parti et a laissé les gens en des voies diverses dans lesquelles l’égaré ne peut pas obtenir la guidance et le guidé ne peut pas obtenir la certitude (al yaqin) ».

  Dans son Sharh du Nahj al-Balagha (12/3) qui est la plus populaire, le shaykh Ibn Abi al Hadid (qui n’est pas sunnite) a dit : « Celui qui est visé ici est ‘Umar ibn Al Khattâb, j’ai trouvé la copie originale de Nahj al Balagha avec l’écriture personnelle de Abû Al Hassan al Radi (le compilateur de Nahj al Balagha) et il a écrit ‘Umar sous le mot « fûlan ». Puis il a dit : « j’ai demandé au chef des ahl al bayt Abû Ja’far Yahya ibn Abi Zayd al ‘Alawî à ce propos et il a dit : « ‘Umar ibn al Khattâb », je lui ai dit « le chef des croyants (‘Alî) l’a tant loué ? », il a répondu : « oui » ».

  Ibn Abi Shayba rapporte dans son Musannaf que l’imâm ‘Alî fut questionné par une personne sur la tunique qu’il revêtait souvent, ce à quoi il répondit : « C’est quelque chose que m’a fait revêtir mon ami proche et intime ‘Umar Ibn al Khattâb ».

  Al-Hâkim dans Al-Mustadrak rapporte qu’on a demandé à ‘Alî : « Ô Commandeur des croyants, parlez-nous d’Abû Bakr ». Il dit : « Il est une personne qu’Allâh a appelé As-Siddiq (le véridique) à travers la langue du Prophète et il est le calife (le successeur) du Prophète. Nous l’acceptons pour notre religion et pour notre vie terrestre ».

  L’imâm ‘Alî a dit : « Le Prophète (ﷺ) a dit : « En effet, chaque Prophète reçoit 7 gardes (ou proches) rapprochés » – « et j’en ai reçu 14 ». Nous avons dit : « Qui sont-ils ? ». Il a dit : « Moi-même (‘Alî), mes 2 fils (Al-Hassân et Al-Hussayn), Jâ’far (Ibn Abû Tâlib ; le frère de ‘Alî), Hamzah (l’oncle du Prophète), Abû Bakr, ‘Umar, Mus’ab Ibn ‘Umayr, Bilâl (al-Habashi), Salmân (al-Farisî), ‘Ammar, Al-Miqdad, Hudhayfah, Abû Dharr et ‘Abdullâh Ibn Mas’ud »[21]  et selon une autre narration il y a aussi ‘Uthmân Ibn Affân.

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Qu’aucun d’entre vous ne me rapporte quoi que ce soit (de fâcheux et de mauvais) sur le compte de mes Compagnons, car j’aime venir à vous le coeur serein et en paix »[22].

D’après l’imâm Hassân Ibn ‘Ali, le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Tout a une base et la base de lIslam est lamour des Compagnons du Messager dAllâh et lamour dAhl al-Bayt »[23].

Sayyidûna ‘Umar disait à Sayyidûna Al-Hussayn en passant sa main sur sa tête (en signe d’affection) : « Je sacrifie père et mère pour vous, notre chevelure n’a poussé que pour notre amour pour vous, famille du Messager (d’Allâh) ».

    D’autres récits abondent dans ce sens, dont beaucoup sont sahîh, d’autres hassân, et d’autres encore dâ’îf.

  Que la Paix divine, Sa Miséricorde et les Bénédictions d’Allâh soient sur notre Prophète Muhammad (ﷺ), sa sainte famille et ses nobles Compagnons qui l’ont suivi et défendu au péril de leur vie, ainsi que sur l’ensemble des Saint(e)s et des croyants qui sont venus après eux !

  Voilà en ce qui concerne le Shiisme. Quant au Mu’tazilisme, de nombreux débats rationnels et logiques les opposaient aux asharites et aux maturidites, qui comptaient parmi eux des maîtres de la logique et de la théologie scholastique qui mettaient à mal les thèses mu’tazilites avec leurs propres « outils ». La Révélation est une source d’information nécessaire tout comme la spiritualité, car à elle seule, la « raison » n’est pas suffisante pour trancher les questions scientifiques, théologiques, philosophiques, morales et métaphysiques, qui demandent des évidences supra-rationnelles pour les résoudre ou les confirmer. Ce qu’il manquait aux mu’tazilites, de façon générale, c’était la voie spirituelle et une meilleure connaissance des limites du champ rationnel et du ‘aql, qu’ils réduisaient parfois seulement de la rationalité, là où l’intelligence comme l’intellection dépassent la modalité rationnelle, qui n’est qu’une fonction de l’intellect, agissant dans un cadre limité. C’est pour cela qu’un criminel de guerre, un pervers ou un pacifiste ne pourront jamais trancher leurs différends que par la logique ou la rationalité, car elles ne sont que des outils permettant de valider la cohérence d’un système de pensée, mais ne disant rien sur la morale ou l’éthique, puisque tous pourraient justifier leurs actes ou leurs décisions (guerrières, criminelles ou pacifistes) uniquement par la « raison », de même que la seule raison ne permet pas de trancher entre les différentes possibilités rationnelles (par exemple quel chemin a pris tel individu sachant qu’il existe 18 sentiers possibles pour atteindre l’endroit indiqué), devant recourir à l’observation, à l’empirisme, aux témoignages, à la Révélation, à l’inspiration divine, au dévoilement spirituel ou à l’intuition mentale. De nombreux auteurs sunnites et Sûfis, ou influencés par le Tasawwuf, ont abordé ce genre de problématiques, réfutant certaines thèses mu’tazilites, en même temps que les thèses des négateurs ou d’autres courants. Parmi eux, on peut citer Al-Baqillânî, Al-Juwaynî, Abû Hâmid al-Ghazâlî, ‘Umar Khayyâm, Shaykh al-akbar Ibn ‘Arabî, Fakhr ud-Dîn ar-Râzi, Alî Ibn Muhammad al-Jurjanî, Abû Hafs ‘Umar al-Nasafi, Al-Taftâzânî, Najm ad-Dîn al-Qazwînî al-Kâtibî, Kamal al-Din Ibn Yunus,  Ibn Wasil al-Hamawî, Shams al-Din al-Samarqandi, Sadr ud-Dîn al-Qûnawî, Qutb ad-Dîn al-Shirâzî, le Shaykh ul Islâm du Califat ottoman Ibn Kamâl Pasha al-Ḥanafî, ‘Abd al-Ghanî an-Nabulsî, al-Murtada al-Zubaydî et d’autres, parmi les grands logiciens, épistémologies et théologiens sunnites – et dont nombre d’entre eux étaient aussi d’éminents métaphysiciens qui connaissaient aussi bien la philosophie -.

  Allâh peut interagir avec l’Humanité de différentes façons pour manifester Son Aide ou Sa Volonté.

1) Par les miracles accordés aux Prophètes, défiant directement les lois de la nature, et dont la portée est grande et particulière, afin de confirmer leur mission prophétique auprès des gens.

2) Par les prodiges défiant les lois de la nature accordés aux Saints et à d’autres types de personne, mais qui ne sont pas toujours destinés à être montrer en public.

3) Par les Anges qui exécutent Son Ordre.

4) Par les causes naturelles en orientant les lois de la nature dans notre sens, ce qui peut relever de l’extraordinaire ou de l’improbable jouant en notre faveur mais sans sortir du cadre naturel pour autant.

5) Par les créatures (essentiellement les êtres humains) qu’Il envoie pour nous venir en aide.

  Allâh peut communiquer directement à travers l’Humanité selon différents modes :

1) La Révélation (Al-Wahy) communiquée aux Messagers et aux Prophètes.

2) L’inspiration divine (Ilhâm) accordée aux Prophètes mais aussi Saints ou à certains de Ses serviteurs, permettant par exemple de connaitre certaines intentions cachées ou certains états spirituels ou psychiques intérieurs des gens, confirmer l’origine divine, humaine ou shaytanesque de certains récits, théories ou courants idéologiques. Cela peut aussi déboucher sur des découvertes ou confirmations historiques ou scientifiques comme Jalâl ud-Dîn Rûmî (m. 1273) qui par ce biais avait compris et exposé la nature et la structure de l’atome, la fusion et la fission nucléaires. De même, de nombreux Saints ont ainsi connu l’heure de leur mort par ce biais (comme Abû Bakr As-Siddîq, Abû Hâmid al-Ghazâlî, Rûmî, Ahmad Ibn Ishaq ibn Muhammad al-Misri al-Abarquhi comme l’a rapporté son disciple Ad-Dhahâbî dans Mu`jam al-Shuyukh al-Kabir 1/37 : « que durant ces dernières heures (il succomba d’une maladie), il dit, alors qu’il était à la Mecque : « Je vais mourir de cette maladie parce que le Prophète (), m’a promis que j’allais mourir à la Mecque », etc.). Le célèbre scientifique Ibn Sina lui-même rapporte que lorsqu’il faisait face à une impasse, il priait Allâh, et peu de temps après, lui étaient dévoilés les solutions scientifiques et mathématiques à ses problématiques. La différence entre la Révélation et l’Inspiration a bien été définie par le Shaykh, théologien, métaphysicien et logicien ‘Alî Ibn Muhammad al-Jurjanî dans son Kitâb al-Ta’rifat (n°587) concernant le Hadith Qudsi dit : « Cette nouvelle prophétique, sous le rapport du sens, provient de chez Allâh, et sous celui des paroles, du Messager d’Allâh (ﷺ). C’est ce qu’Allâh a énoncé, en mode d’inspiration (ilhâm) ou en rêve (manâm) spirituel, à Son Prophète qui en transmet la signification par une expression qui lui appartient. La Récitation révélée du Qur’ân lui est supérieure car les paroles comme le sens ont été révélés ».

3) Le dévoilement spirituel (kashf) à l’état d’éveil ou lors d’un songe spirituel, accordant des visions véridiques, prémonitoires ou autres. Dans son livre Mukhtasar Al-Fatawa Al-Masriyya (p. 603), Ibn Taymiyya écrit : « Les prodiges des saints sont absolument vrais et corrects et reconnus par tous les savants Musulmans. Le Qur’ân l’a indiqué en différentes places et les hadiths du Prophète (ﷺ) l’ont mentionné et quiconque nie le pouvoir prodigieux des saints est innovateur ou disciple d’innovateurs ». Il continue et cite le hadith du Prophète (ﷺ) au sujet des saints : « Vous êtes les témoins d’Allâh sur la terre ». Dans ses Majmû al fatawâ (11/313) il dit : « Allâh Tout-puissant dévoilera à ses saints des états qui n’ont jamais été dévoilés auparavant et Il leur donnera l’appui sans mesure. Si ce saint commence à parler des choses de l’invisible, passé ou présent ou futur, c’est considéré comme Bab Al-‘Ilm Al-khariq, la connaissance prodigieuse. Tout ce qu’un saint fait qui est de l’invisible, pour les gens ou pour des auditeurs, de guérison ou de connaissance et d’enseignement, c’est accepté et nous devons remercier Allâh pour cela ». Dans son ouvrage Al ‘aqida al wassitiya ainsi que dans son Majmû al fatawâ (3/156) il dit : « Les gens de la Tradition [Sunnah] attestent [de l’existence] les prodiges [des saints], aux choses extraordinaires accomplies par eux – de par la Volonté divine – dans les domaines des sciences, des dévoilements des réalités cachées, ainsi qu’aux différents pouvoirs et influences dont ils sont dotés. Ainsi en est-il des prodiges qui eurent lieu sous les communautés anciennes, et dont la Sûrate « la Caverne » et d’autres encore font état, mais aussi de ceux imputés aux compagnons, à leurs suivants et aux autres générations, prodiges qui subsisteront [dans la communauté] jusqu’au Jour de la résurrection ».

   Par conséquent, dans la science du hadîth, l’inspiration divine (ilhâm) qui produit parfois les dévoilements spirituels (kashf) est utilisée pour statuer de l’authenticité d’un hadîth (ou alors celui qui vit cet état reçoit de la part d’un Prophète qui lui enseigne quelques ahâdîths ; jamais contraires au Qur’ân et à la Sunnah purifiée).

   De nombreux musulmans ont pu voir ainsi le Prophète (ﷺ), soit à l’état d’éveil, soit à travers un rêve spirituel, tout comme de nombreux cheminants sur la voie spirituelle ont pu ainsi connaitre et échanger avec les différents prophètes et saints dans le monde « invisible » (al-ghayb), le monde supra-physique, et dont nous l’avons nous-même expérimenté, et une telle expérience spirituelle sort clairement de l’expérience « ordinaire ». Dans ce qui est vu et perçu à l’état d’éveil ou en rêve, concernant les Prophètes et les Anges, si ceux-ci rayonnent de nûr, de bonté, de modestie, d’amour et de pudeur, ce sont des Prophètes et des Anges car personne ne peut usurper leur identité (selon le Hadith dans le Sahîh al-Bukharî). S’ils rapprochent d’Allâh et éloignent des péchés, de l’orgueil, du shirk et du blâmable, ce sont des dévoilements authentiques. Les mauvais jinns sont généralement de petite taille (si un Prophète ou un Ange parait petit, sans dévoiler clairement leur identité, alors il y a fort à parier qu’il est question de shayatins), sèment le doute et l’ambiguïté, et enseignent des choses qui éloignent du Tawhîd, de la piété, de la Loi divine (les préceptes et finalités bien connus de la Religion, à ne pas confondre avec les avis juridiques relevant de l’ijtihad), de la Miséricorde, de l’adab et de l’Amour.  Il est rapporté dans le Sahîh que le Prophète et plusieurs Compagnons étaient capables de voir les Anges, notamment sous forme humaine, et parfois même sous leur véritable forme comme dans le cas du Sahabi ‘Imran Ibn Hussayn. Les imâms du Salaf parmi les vertueux, les Saints (Al-Junayd, Al-Hujwiri, Al-Ghazâlî, Al-Jilânî, Ar-Rifâ’î, etc.), et les Savants comme As-Suyûtî étaient capables de voir des Prophètes ou des Anges aussi à l’état d’éveil comme durant les rêves spirituels.

   Ibn al-Qayyîm dans son Madaridj as-Salikin (3/227-228) relata les cas où Abû Bakr et ‘Umar furent gratifiés du kashf comme lorsqu’Abû Bakr révéla à ‘Aîsha que le bébé conçu par sa femme serait une fille, ou lorsque ‘Umar avait reçu un dévoilement et dit : « Ô Sariyya, La montagne ! », c’est-à-dire réfugiez-vous au pied de la montagne », ce qui les sauva et leur permit de remporter la victoire. En effet, selon Nafi, ‘Umar envoya un commando et le plaça sous la direction d’un homme du nom de Sariyya – Au cours de son sermon du vendredi, il dit (soudainement) : « ô Sariyya ! La montagne ! ô Sariyya ! La montagne ! Plus tard, on vérifia qu’au même moment, Sariyya qui se trouvait à un mois de marche, allait se réfugier à une montagne après avoir lancé un raid »[24].

   Ibn Taymiyya écrivit dans sa As-safadiyya (pp. 187-189) : « Nous ne nions pas que l’âme puisse recevoir une sorte de dévoilement à l’état d’éveil ou pendant le sommeil à cause d’un relâchement dans son contact avec le corps dû à un exercice ou à d’autres (facteurs). Ce dévoilement psychologique constitue la première sorte de dévoilement. Les arguments rationnels et religieux ont prouvé l’existence des jjinns qui fournissent aux humains des informations portant sur des choses absentes. C’est ce que montre le comportement des devins avec les possédés et d’autres. Il s’agit ici d’affirmer que le dévoilement permet de connaître des réalités objectives indépendantes et différentes des forces (qui les véhiculent). C’est le cas des jinns qui apportent à beaucoup de devins une foule d’informations. Cela est nécessairement connu par celui qui en a fait l’expérience et celui qui en a été informé par une source sûre. Nous en avons eu à plusieurs reprises une connaissance nécessaire. Voilà une sorte de dévoilement constituant source d’informations sur le mystère, différent du dévoilement psychologique. C’est la deuxième sorte de dévoilement.

La troisième sorte de dévoilement consiste dans les informations apportées par les anges. Celle-ci représente la plus noble sorte comme l’indiquent de nombreux arguments révélés et rationnels. L’information portant sur le mystère peut dépendre de causes psychologiques, de causes sataniques et non sataniques (psychiques) et de causes angéliques (spirituelles) ».

   Et dans son Majmû’ al-Fatawa : « Il est dit qu’après le Sceau des Prophètes (), la Révélation (wahî) ne descend pas sur un autre. Pourquoi pas ? En fait elle descend, mais alors ce n’est pas appelé ‘la révélation’ (mais une inspiration : Ilham). C’est ce que le Prophète () a mentionné quand il a dit : ‘le croyant voit avec la Lumière d’Allâh‘. Quand le croyant regarde avec la Lumière d’Allâh, il voit toutes les choses : le premier et le dernier, le présent et l’absent. Comment une chose peut être cachée de la Lumière d’Allâh ? Donc la signification de la révélation existe, même si elle n’est pas appelée révélation. (…) ce qui est considéré comme un prodige pour un saint est que parfois le saint pourrait entendre quelque chose que les autres n’entendent pas ou voir quelque chose que les autres ne voient pas, pas lorsqu’il est endormi, mais dans un état éveillé de vision (mushâhada). Il peut connaître des choses que d’autres ne peuvent pas connaître, par le biais de l’inspiration ».

   As-Suyûtî rapporte également avoir vu plus de 70 fois le Prophète Muhammad (ﷺ) à l’état d’éveil lors de dévoilements spirituels par la Grâce d’Allâh. Il l’a démontré par son expérience, des ahadiths prophétiques et des récits de salafs, dans al-hâwî li al-fatâwî (2/255-269). Le Prophète (ﷺ) a dit : « Qui m’a vu en rêve, me verra à l’état de veille (yaqazatan), et certes Shaytan ne saurait emprunter mon apparence »[25].

    As-Suyûtî dit dans al-hâwî li al-fatâwî (2/255-269) où il commence par citer des ahadiths qui prouvent cette possibilité : « Nous commencerons par le hadîth rapporté concernant cela : Al-Bukhârî, Muslim, Abû Dâwud ont rapporté : « Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Celui qui me voit dans son rêve me verra à l’état d’éveil (al-yaqaza) et Shaytân ne peut pas prendre mon apparence ». Et l’a rapporté similairement At-Tabarânî d’après le hadîth de Mâlik ibn ‘Abdallâh Al-Khash‘amî, et d’après le hadîth d’Abû Bakrah. Et l’a rapporté similairement Ad-Dârimî d’après le hadîth d’Abû Qatâdah [Al-Ansârî] ».

  Il réfute ensuite l’avis de ceux qui niaient une telle possibilité, pourtant nullement niée par le Qur’ân, la Sunnah ou l’expérience. As-Suyûtî lui-même l’avait vécu de nombreuses fois, et dans sa fatwa, il citait aussi les expériences vécues par de grands savants. Il relate notamment ceci : « Et Al-Imâm Abû Muhammad ibn Abî Jamrah a dit dans ses annotations sur les ahâdith choisis dans le Bukhârî : « Ce hadîth prouve que celui qui le voit dans son rêve le verra à l’état d’éveil (yaqaza). Est-ce que cette déclaration est générale durant son vivant et après sa mort ou est-ce seulement durant son vivant ? Et est-ce pour quiconque le voit ou est-ce spécifique pour ses partisans suivant sa Sunnah ? La formulation semble générale et quiconque prétend que cela est spécifique sans qu’il () ne l’a spécifié/restreint a alors transgressé (mut‘assaf) ». (…) Et il est rapporté d’après certains compagnons – je pense Ibn ‘Abbâs qu’il vit le Prophète () dans un rêve puis il se rappela de ce hadîth et n’arrêtait pas d’y penser alors il alla voir une des épouses du Prophète – je pense Maymûna – et lui raconta son histoire. Alors elle se leva et apporta son miroir et il dit : « Je vois dans le miroir l’image du Prophète et je ne vois pas mon reflet ». Il dit : « Il est rapporté d’après certains prédécesseurs (salaf) et ceux qui les suivirent (khalaf) et ainsi de suite [dans la communauté] qu’ils le virent dans un rêve et ils adhéraient fermement en ce hadîth et le virent après cela [leur rêve] à l’état d’éveil et lui posaient des questions qui leur étaient problématiques et il résolvait leurs ambiguïtés et les informaient de la manière par laquelle ils devaient surmonter la difficulté et cela est survenu comme cela sans ajout ni diminution » ».

   As-Suyûtî poursuit en relatant : « Muslim a rapporté dans son Sahîh d’après Mutarrif qu’il a dit : ‘Imrân ibn Husayn m’a dit : « Par ailleurs on me saluait jusqu’à ce que je me cautérisai. Puis, on ne me salua plus. Ensuite, ayant abandonné la cautérisation, cela reprit ». Et Muslim a rapporté d’après d’un autre d’après Mutarrif qui a dit : ‘Imrân ibn Husayn m’envoya durant sa maladie de la quelle il est mort et dit : « Je te rapporte certains hadîths en espérant qu’Allâh t’en fera profiter après moi. Si je survis, ne dévoile pas mon secret. Mais si je meurs, tu peux les rapporter à volonté : Sache qu’on m’a salué ».

An-Nawawî a dit dans son commentaire du Muslim : « La signification du premier hadîth est que ‘Imrân ibn Husayn souffrait des hémorroïdes et endurait le mal. Les anges le saluaient alors. Puis lorsqu’il se cautérisa, ils cessèrent de le saluer. Ensuite, il renonça à la cautérisation et les anges reprirent sa salutation ». Il dit [également] : « Et sa parole « Si je survis, ne dévoile pas mon secret » : Il entend par cela le fait qu’il recevait le salut [des anges] ; et il n’aimait pas que cette information se répande de son vivant par crainte de s’exposer aux sentiments de suffisance et d’orgueil. Chose qu’il ne risquait pas une fois mort.

Al-Qurtubî a dit dans le commentaire du Muslim : « Cela signifie que les anges le saluaient par respect envers lui et ils le respectaient jusqu’à ce qu’il se cautérise, alors ils arrêtèrent de le saluer. Il y a donc dedans [ce hadîth] l’établissement des prodiges [karâmât] des saints [awliyâ’] » ». As-Suyûtî développe encore puis cite de nombreux grands savants et saints ayant vu le Prophète (ﷺ) en rêve comme à l’état d’éveil : « At-Tirmidhî a rapporté dans sa biographie, Abû Nu’aym, et Al-Bayhaqî dans Dala’il an-nubuwwa d’après Ghazalah qui a dit : « ‘Imrân ibn Husayn nous ordonnait de nettoyer la maison et on entendait : « Salut sur vous ! Salut sur vous ! » et nous ne voyions personne. At-Tirmidhî a dit : « Cela est la salutation des anges ». Et la preuve de l’Islâm Abû Hâmid Al-Ghazâlî dans le livre Al-Munfîdh min Ad-Dalâl a dit : « Puis lorsque je fini avec ce genre de savoir je me suis intéressé à la voie des sûfis (tarîqa as-sûfiyya). Je mentionne ce qui peut être profitable à travers cela ; J’ai su avec certitude (yaqîn) que les Sûfis sont ceux qui suivent uniquement la voie d’Allâh, leur mode de vie est le meilleur de tous, leur voie est la voie la plus droite et leur éthique la plus pure. Que l’on additionne donc la raison des raisonnables, la sagesse des sages, la science des savants de la Loi pour changer une seule chose de leur voie ou de leur comportement et le remplacer par quelque chose de meilleur, on ne pourrait pas le faire ! Car tout ce qui, en eux, bouge ou repose, leur apparence et leur for intérieur, tout s’allume à la lumière de la Prophétie dans sa niche (lampe niche). Et il n’y a pas d’autre Lumière de la prophétie sur la face de terre ». Jusqu’à ce qu’il dise : « En état de veille ils contemplent les anges et les esprits des Prophètes ; ils entendent leurs voix et profitent de leurs conseils. Puis ils se haussent, de la vision d’images et de symboles, à des degrés ineffables. Nul ne peut tenter d’exprimer ces états d’âme, sans courir à l’inévitable échec ». Voilà les paroles d’Al-Ghazâlî.

Et son élève, le Qâdî Abû Bakr ibn Al-‘Arabî, qui fait partie des sommités des imâms malikites a dit dans le livre Qânûn at-ta’wîl : « Les Sûfis ont constaté que ce qui se produit parmi les gens pour celui qui parvient à assainir son âme en purifiant son cœur, rompant tout attachement ainsi qu’en renonçant à tout intérêt lié aux causes de ce monde (comme) la renommée, les biens, commerces, les relations charnelles et la faim en se tournant vers Allâh le Très-Haut entièrement, d’une science continue tout en persévérant dans l’application, alors les cœurs sont dévoilés, les anges ainsi que les esprits des prophètes sont vus et entendus ».

Puis Ibn Al-‘Arabî dit concernant cela : « La vision des prophètes et des anges et l’audition de leurs paroles est un prodige possible pour les croyants (…). Le Qâdî Sharaf Ad-Dîn Hibat Allâh ibn ‘Abd Ar-Rahîm Al-Bârizî dans le livre Tawthîq ‘urâ al-imân : « Al-Bayhaqî a dit dans le livre Al-I‘tiqâd : « Les prophètes après que leurs soient prises leurs âmes, leurs sont rendus et sont vivants auprès de leur seigneur comme les martyrs et notre Prophète () lors de la nuit du Mi‘râj a vu certains d’entre eux, et ses propos – et ses propos sont véridiques – que nos prières lui sont présentés et nos salutations transmises. Et Allâh a interdit à la terre de manger la chaire des prophètes ».

Al-Bâzirî a dit : « Et il été entendu de la part de certains saints (awliyâ’) de notre temps et avant eux qu’ils virent le Prophète () à l’état d’éveil (yaqazah) vivant après son départ ». (…) Le Shaykh Sirâj Ad-Dîn ibn Al-Mulaqqin dans Tabaqât al-awliyâ’ : « Le Shaykh ‘Abd Al-Qâdîr Al-Jîlânî a dit : « J’ai vu le Messager d’Allâh () avant le Zuhr et il me dit : « Ô fils ! Pourquoi ne parles-tu pas ? ». Je dis : « Ô mon père ! Je suis un étranger, comment pourrais-je parler comme les éloquents de Baghdâd ? ». Il dit alors « Ouvre ta bouche » alors je la lui ouvris et il crachota dedans 7 fois et il dit « Parles aux gens et invite-les à la voie de ton Seigneur avec sagesse et avec de bonnes exhortations ». J’ai alors prié le Zuhr et je me suis assis et beaucoup de gens furent en ma présence et je me mis alors à tressaillir, j’ai alors vu ‘Alî debout dans l’assemblée et me dit : « Ô fils ! Pourquoi ne parles-tu pas ? ». Je dis : « Ô mon père ! Je tremble ! ». Il répondit alors : « Ouvre ta bouche », je la lui ouvris alors et il crachota dedans 6 fois. J’ai dit : « Pourquoi ne complètes-tu pas par 7 (fois) ? ». Il dit : « Par convenance envers le Messager d’Allâh () puis il disparut de mon champ de vision. Je dis alors : « Je me sentais comme plongé dans le cœur de l’océan splendide de connaissance qui florissaient dans mon intérieur faisant que les réalités m’étaient rendues saisissables […] ».

Et dans la présentation du Shaykh Khalîf ibn Mûsâ An-Nahramalakî : « Il (Al-Jilânî) voyait beaucoup le Messager d’Allâh () à l’état d’éveil et durant le sommeil. Il reçut beaucoup d’ordres de lui à l’état d’éveil et durant le sommeil. Il l’a vu durant une seule nuit 70 fois, il lui dit durant l’une d’entre elles : « Ô Mon Khalîf ! Ne t’ennuis pas de moi ! Beaucoup de saints meurent en espérant me voir ».

Et Al-Kamâl Al-Udfuwî dans At-tâli‘ as-sa‘îd dans sa présentation de As-Safî Abî ‘Abdallâh Muhammad ibn Yahyâ Al-Aswânî visiteur d’Akhmîm parmi les compagnons d’Abî Yahyâ ibn Shâfi‘ : « Plus connu par (le nom) Salâh, il a des dévoilements et des prodiges. A écrit de lui Ibn Daqîq Al-‘Îd, ibn al-Nu‘mân et Al-Qutb Al-‘Asqalânî. Et il est mentionné qu’il voyait le Prophète () et qu’il le rencontrait ».

Le Shaykh ‘Abd Al-Ghaffâr ibn Nûh Al-Qûsî dans son livre Al-wahîd a dit : « Parmi les compagnons du Shaykh Abû Yahyâ Abû ‘Abdallâh Al-Aswânî résidant à Akhmîm ils rapportent qu’il voyait le Messager d’Allâh () chaque heure à tel point qu’il n’y avait pas une heure où il ne rapportait pas de lui (…) ».

   Citons aussi Abû ‘Abdallâh Muhammad ibn Sa’Îd ul-Bûsīrî As- Shadhilî (1211–1294), l’auteur de la Qasidat al-Burda (Poème du manteau), qui fut frappé de paralysie, puis lors d’une nuit, il vit le Prophète (ﷺ) en songe, qui passa sa main pleine de Bénédictions divines sur son corps, puis à son réveil, il retrouva l’usage de ses membres qui étaient paralysés auparavant[26].

4) L’intuition mentale – qui parfois peut se confondre avec l’inspiration -, permettant notamment d’identifier des criminels, de résoudre des affaires compliquées, ou de faire de nombreuses découvertes scientifiques majeures (en chimie, physique quantique, mathématiques, etc.) comme l’ont affirmé Albert Einstein, Henri Poincaré, Dmitri Mendeleïev, Carl Gustav Jung, ou encore les grands mathématiciens du 20e siècle comme Kurt Gödel et Srinivasa Ramanujan qui étaient d’ailleurs selon leurs propos « inspirés » par Dieu sous forme d’intuitions mathématiques. Ramanujan dit en effet : « Une équation pour moi n’a aucune signification, à moins qu’elle ne représente une pensée de Dieu »[27] et il recevait parfois les formules mathématiques à travers des visions métaphysiques, et lui-même était très religieux. Kurt Gödel lui-même, qui était très croyant mais sans pratiquer de religion particulière tout en se disant proche de la vision islamique de l’existence et du monde : « J’aime l’islam, c’est une idée cohérente de la religion et une ouverture d’esprit »[28], proposa une démonstration logico-mathématique prouvant la nécessité d’un Principe absolu et créateur aux « réalités contingentes »[29] et c’est aussi l’implication métaphysique et la conclusion logique de son théorème de l’incomplétude (où chaque système fini et limité ne peut s’expliquer et tirer son existence que de principes supérieurs, jusqu’à remonter à l’Absolu et à l’Infini), ce que des mathématiciens ont récemment confirmés en disant que l’Être divin était une nécessité en logique et rationnelle[30], ce que René Guénon avait déjà démontré aussi auparavant sachant que le « plus » ne peut pas émaner du « moins », autrement dit, que la « vie, l’information, l’intelligence, la conscience » ne peut pas émaner de leur contraire sachant que l’existence d’une qualité et d’un effet ne peut pas exister sans sa « cause » qui contient au moins virtuellement ce qu’elle manifeste ensuite dans le monde créé. Le relatif ne peut donc pas exister, en fin de compte, et à la « fin de la chaine causale » sans une Réalité ultime et absolue, éternelle et infinie. Pour conclure sur le sujet de l’intuition et de la logique, le propos du mathématicien et physicien Henri Poincaré le résume bien dans Science et Méthode (1908) : « C’est avec la logique que nous prouvons et avec l’intuition que nous trouvons » bien que la formulation soit différente : « À côté des futurs ingénieurs, d’autres élèves, moins nombreux, doivent à leur tour devenir des maîtres ; il faut donc qu’ils aillent jusqu’au fond ; une connaissance approfondie et rigoureuse des premiers principes leur est avant tout indispensable. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas cultiver chez eux l’intuition ; car ils se feraient une idée fausse de la science s’ils ne la regardaient jamais que d’un seul côté et d’ailleurs ils ne pourraient développer chez leurs élèves

une qualité qu’ils ne posséderaient pas eux-mêmes. Pour le géomètre pur lui-même, cette faculté est nécessaire, c’est par la logique qu’on démontre, c’est par l’intuition qu’on invente. Savoir critiquer est bon, savoir créer est mieux. Vous savez reconnaître si une combinaison est correcte ; la belle affaire si vous ne possédez pas l’art de choisir entre toutes les combinaisons possibles. La logique nous apprend que sur tel ou tel chemin nous sommes sûrs de ne pas rencontrer d’obstacle ; elle ne nous dit pas quel est celui qui mène au but. Pour cela il faut voir le but de loin, et la faculté qui nous apprend à voir, c’est l’intuition. Sans elle, le géomètre serait comme un écrivain qui serait ferré sur la grammaire, mais qui n’aurait pas d’idées. Or, comment cette faculté se développerait-elle, si dès qu’elle se montre on la pourchasse et on la proscrit, si on apprend à s’en défier avant de savoir ce qu’on en peut tirer de bon.

Le savant n’étudie pas la nature parce que cela est utile ; il l’étudie parce qu’il y prend plaisir et il y prend plaisir parce qu’elle est belle. Si la nature n’était pas belle, elle ne vaudrait pas la peine d’être connue, la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue. Je ne parle pas ici, bien entendu, de cette beauté qui frappe les sens, de la beauté des qualités et des apparences ; non que j’en fasse fi, loin de là, mais elle n’a rien à faire avec la science ; je veux parler de cette beauté plus intime qui vient de l’ordre harmonieux des parties, et qu’une intelligence pure peut saisir (…). On fait la science avec des faits, comme on fait une maison avec des pierres ; mais une accumulation de faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierre n’est une maison », et développant aussi ce propos dans La Valeur de la Science (éd. Flammarion, 1905) au chapitre 1 sur L’intuition et la logique en mathématiques : « Pour faire une science quelconque, il faut autre chose que la logique pure. Cette autre chose, nous n’avons pour la désigner d’autre mot que celui d’intuition. (…) Ainsi, la logique et l’intuition ont chacune leur rôle nécessaire. Toutes deux sont indispensables. La logique qui peut seule donner la certitude est l’instrument de la démonstration : l’intuition est l’instrument de l’invention (…) ».

  En général, ce sont là les réalités qui surviennent par ceux qui sont assidus dans le Dhikr, la Salât, qui aspirent sincèrement à leur Seigneur en éduquant leur âme, et s’adonnent librement aux actes de dévotion ou encore par le samâ’ légiféré, qui plongent la conscience humaine dans la Présence divine. Les fruits particuliers du Dhikr sont un pur Don de leur Seigneur, qui leurs permettent de bénéficier de ce genre de choses, en dehors de ce qui est spécifique aux Prophètes (comme la Révélation). Mais pour le reste, les Saints et d’autres types d’adorateurs d’Allâh peuvent être gratifiés des prodiges, dévoilements et inspirations divines, que les Prophètes pouvaient aussi manifestés par Sa Grâce, la seule exception concerne la Révélation et le degré de prophétie. L’Imâm Abû Ḥanîfa dans son Fiqh al-Akbar dit : « Les signes miraculeux (muʾjizât) accordés aux Prophètes sont établis comme étant vrais, tout comme les prodiges (karâmât) manifestés à travers les Saints (Awliyâʾ) ».

  Quant au Dhikr, celui-ci est un mode particulier, où l’adorateur s’efface quelque peu devant Lui (pouvant aller jusqu’à s’oublier soi-même pour ne contempler que l’Unique, le Réel absolu). En dehors des relations directes entre Allâh et nous, Il a fait don également de l’intelligence, de la logique, de l’observation et des perceptions sensorielles pour que nous puissions comprendre un tant soit peu Sa Volonté et Sa Loi à travers la Révélation qu’Il a fait descendre, la Voie prophétique de Son Messager en guise d’exemple pratique, ainsi que la Nature et le Cosmos pour que l’on contemple Son Œuvre et les théophanies qui s’y manifestent. En somme, la logique et la rationalité (le raisonnement discursif et analytique) sont mis au service de la Révélation, de l’inspiration divine et de la science – qui donnent accès à des informations et données directes, notamment dans le cas du dévoilement spirituel/initiatique (kashf) et de l’inspiration divine (ilhâm). Le raisonnement discursif peut comporter un doute ou des incertitudes, là où les perceptions extra-sensorielles, le kashf, l’intellect et l’ilhâm – tout en étant confortés par la logique – sont des connaissances immédiates, où le « monde extérieur » et la réalité intime et intérieure de notre être coïncident dans une connaissance immédiate et directe, et donc sans doute, et où les visions spirituelles sont encore plus « directes et certaines » que notre vision physique du ciel, des arbres, des nuages, de la lune et d’autres corps célestes ou terrestres.

  Pour résumer, bien que divergeant sur un certain nombre de questions juridiques et théologiques techniques ou secondaires, ces courants reconnaissaient tous le corpus qurânique comme étant préservé et transmis oralement avec ses différents modes et variantes de lecture se complétant dans le sens mutuellement – enseignés par le Prophète (ﷺ) -, les 5 piliers de l’Islam, les 6 piliers de la foi, les différentes modalités liées à la façon de prier, de verser la zakât, de jeûner durant le mois de Ramadan, du Hajj, le haut statut du Prophète Muhammad (ﷺ), l’importance de la piété et de la pudeur, des invocations, du dhikr, du bon comportement et de la lecture du Qur’ân, etc. Les manipulations politiques ne pouvaient donc pas briser ce « consensus », transmis par des milliers de voies différentes et indépendantes, dans toutes les contrées musulmanes et ailleurs (notamment les commerçants musulmans voyageant en dehors du monde musulman), ni contredire le noyau théologique, juridique, moral et spirituel de l’Islam, rendant ainsi le Qur’ân inaltérable et préservé, et devant donc se contenter d’inventer certains ahadiths « isolés et singuliers » ou de dénaturer l’interprétation du Qur’ân, pour tenter d’induire les gens en erreur. Le Qur’ân et la Sunnah mutawatir circulaient en dehors des cercles du pouvoir et étaient transmis par tellement de monde qu’il était impossible de pouvoir les changer, même entre courants profondément antagonistes, qui cherchaient pourtant à se distinguer des autres en inventant de nouvelles conditions ou spécifications, dans leur doctrine, qui de ce fait, leur était spécifique, tout en reconnaissant le noyau commun avec les autres courants. Par ailleurs, la pratique notoire des rites de l’islam, la transmission orale (pouvant se passer des supports écrits[31], qui cependant existaient aussi et fixaient un certain nombre de ahadiths et de versets qurâniques, déjà bien mémorisés oralement et pratiqués au quotidien). Cela réfute donc les thèses orientalistes de la secte hypercritique, thèses reprises parfois par certains coranistes et modernistes. Ainsi, tous les courants s’accordaient sur le noyau originel de l’Islam, mise à part, assez tardivement, certains ismaéliens qui inventaient des récits prétendant que le « vrai » Qur’ân serait 3 fois plus volumineux, alors que le Qur’ân d’Alî fut le même que celui de ‘Uthmân (et dont ‘Alî participa au recensement et approuva l’initiative d’Abû Bakr, puis la finalisation du travail par ‘Uthmân) sauf que celui d’Alî suivait l’ordre chronologique, tandis que celui de ‘Uthmân (en concertation avec tous les mémorisateurs et connaisseurs du Qur’ân de son époque) suivait l’ordre indiqué par le Prophète (ﷺ) lui-même, et tous les descendants d’Alî, d’Abû Bakr, de ‘Umar et des autres Sahaba suivaient le même Qur’ân et ne l’ont pas contesté, de même qu’on ne trouva jamais les autres versets dont parlaient tardivement certains ismaéliens, qui contredisaient ainsi même la position des imâms alides, dont ils prétendaient faussement se réclamer. Ibn Abi Shayba dans son Musannaf n°30229 (sahîh), Ibn Abî Dawûd dans son Kitâb al-Masahif, As-Suyûtî dans son Al-Itqân (p. 217) et authentifié notamment par l’imâm Ibn Hajar al ‘Asqalânî, rapportant de ʿAbd Ḫayr : « J’ai entendu ʿAlî dire : « C’est Abû Bakr qui est le plus digne de récompense en ce qui concerne les recueils qurâniques. (Que) La Miséricorde d’Allâh soit sur Abû Bakr ! Ce fut le premier qui recueillit (officiellement) le Livre d’Allâh (Qur’ân) ».

  A notre époque, on peut rajouter aussi les courants modernes qui ont opéré une rupture avec l’Islam traditionnel et orthodoxe comme la Ahmadiyya dans le sous-continent indien (courant qui se rapproche des doctrines sunnites mais qui prétend que leur maître était le dernier Prophète et l’imâm Mahdi[32], ce qui relève de l’hérésie, contredisant le fait que le Prophète Muhammad était le Sceau de la prophétie et le dernier Messager), les coranistes (qui prétendent s’en tenir qu’au Qur’ân, tout en rejetant le sens évident et l’esprit de nombreux passages qurâniques qui invitent pourtant au suivi de la Sunnah et de la sagesse traditionnelle), et le réformisme (au sens de modernisme), rejetant de nombreuses prescriptions de l’Islam de même que des valeurs essentielles comme la pudeur, la spiritualité, la sagesse traditionnelle, la piété religieuse, etc., autant de courants qui éloignent généralement leurs adeptes de la Sainteté, de la vertu, de la piété religieuse et de la Proximité divine et de l’amour envers le Prophète (ﷺ). Les « coranistes » et les « modernistes » sont souvent illusionnés, plus que les autres du moins, par les idéologies et superstitions du monde moderne comme le « Progrès » (menant à la déchéance, là où seules la justice et la piété conduisent à une société meilleure et préservée de la débauche, de la décadence et de la violence sociale), « le rationalisme » (qui travesti la rationalité et réduit l’intelligence uniquement à son aspect « instrumental » et encore, de façon arbitraire), au matérialisme, au laïcisme, au positivisme, au consumérisme, au capitalisme, à l’individualisme, etc. Ils se font donc « une religion à la carte » selon leurs envies et opinions personnelles, sans se soucier de ce qui est vrai, juste, fondé et bénéfique ou non, ce qui peut élever l’âme et l’esprit, etc.

  Le Qur’ân lui-même réfute les thèses coranistes, puisque de nombreux passages qurâniques évoquent des événements ou principes qui sont explicités dans les Révélations antérieures, dans les faits historiques de l’époque, ou dans la pratique prophétique, qui exigent de se référer donc aux livres d’histoire, de Sîrah et de Hadith, avec comme « filtres » et « bases » le Qur’ân, l’intellect et la recherche de la piété et de la sagesse.

« Dis : Si vous aimez vraiment Allâh, suivez-moi, Allâh vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés. Allâh est Pardonneur et Miséricordieux » (Qur’ân 3, 31). Et par Allâh, celui qui aime Allâh est attiré par son lien terrestre – le Prophète Muhammad – et celui qui aime sincèrement le Prophète Muhammad voit croitre son amour pour Allâh, car Allâh y a déposé aussi Sa Lumière et Ses Bénédictions. Le Messager d’Allâh est notre « lien » à Allâh, et surtout à Son Amour et à Ses Bénédictions.

« Ainsi, Nous avons envoyé parmi vous un messager de chez vous qui vous récite Nos versets, vous purifie, vous enseigne le Livre et la Sagesse et vous enseigne ce que vous ne saviez pas » (Qur’ân 2, 151).

« Ô gens du Livre ! Notre Messager (Muhammad) vous est certes venu, vous exposant beaucoup de ce que vous cachiez du Livre, et passant sur bien d’autres choses ! Une lumière et un Livre explicite vous sont certes venus d’Allâh » (Qur’ân 5, 15). Sa « lumière », aussi bien ésotérique qu’exotérique, se trouve donc dans le modèle prophétique, en plus du Qur’ân.

« Ô Prophète ! Nous t’avons envoyé [pour être] témoin, annonciateur, avertisseur, appelant (les gens) à Allâh, par Sa permission ; et comme une lampe éclairante » (Qur’ân 33, 45-46).

« Ô vous qui croyez ! Répondez à Allâh et au Messager lorsqu’il vous appelle à ce qui vous donne la (vraie) vie, et sachez qu’Allâh s’interpose entre l’homme et son cœur, et que c’est vers Lui que vous serez rassemblés » (Qur’ân 8, 24).

« Et gardez dans vos mémoires ce qui, dans vos foyers, est récité des versets d’Allâh et de la sagesse » (Qur’ân 33, 34). Il y a donc autre chose que le Qur’ân, qu’Allâh agréé pour les croyants, et Il désigne aussi le Prophète comme un modèle à suivre et détenteur d’une sagesse qu’Allâh lui a octroyé.

« Et (Allâh) lui enseignera l’écriture, la sagesse, la Thora et l’Evangile » (Qur’ân 3, 48). En plus de la Révélation, Allâh peut inspirer ou enseigner la Sagesse pour mettre en pratique Sa Révélation selon une bonne compréhension.

 « Ô les croyants ! Obéissez à Allâh, et obéissez au Messager (Muhammad) et à ceux d’entre vous qui détiennent l’autorité. Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-le à Allâh et au Messager, si vous croyez en Allâh et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation (et aboutissement) » (Qur’ân 4, 59). Ainsi, on donne la primauté au Qur’ân, puis à la Sunnah, puis aux gens de l’autorité qui prennent appui sur le Qur’ân et la Sunnah.

« Quiconque obéit au Prophète, obéit à Allâh » (Qur’ân 4, 8),

« Non !… Par ton Seigneur ! Ils ne seront pas croyants aussi longtemps qu’ils ne t’auront demandé de juger de leurs disputes et qu’ils n’auront éprouvé nulle angoisse pour ce que tu auras décidé, et qu’ils se soumettent complètement [à ta sentence] » (Qur’ân 4, 65), car le musulman dompte son ego et l’efface pour être réceptif à la Parole divine et à l’autorité prophétique, dans lesquelles résident tout le bien et la vertu.

« Prenez ce que le Messager vous octroie ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en » (Qur’ân 59, 7)

  Au 18e siècle, un autre courant apparait, le Salafisme, dans 2 tendances antagonistes quant à leurs conclusions, mais partant de la même rupture avec la Tradition. Tout d’abord le salafisme de la tendance najdite/wahhabite, rejetant ou ignorant le Tasawwuf et la métaphysique dans la pratique, ainsi que les règles subtiles liées au fiqh et des pratiques instituées en Islam comme le tawassul, le tabarruk, l’élévation pondérée des tombes et des mausolées, l’attitude tolérante face à la divergence, et qui ont négligé l’éthique et l’adab, tout comme certains d’entre leurs savants et prédicateurs sont tombés dans des paroles de kufr (mécréance) liées à l’Essence divine et à Ses Attributs – en tenant des positions anthropomorphistes – ainsi qu’à leur façon de rabaisser le Prophète (ﷺ) et son statut ainsi que celui des Saints et des Ahl ul Bayt. Au niveau des ussûl (fondements), les savants sunnites les expulsent de la sphère sunnite, et pour les plus extrémistes parmi les wahhabites, ils sortent de l’Islam par leur négation ou forte déformation de certaines valeurs, pratiques et doctrines fondamentales de l’Islam, mais sont vus a minima comme des khawarij (des extrémistes hérétiques, juste en de-deçà de l’apostasie). Parallèlement s’est développé le salafisme rationaliste, rejetant ou ignorant aussi la dimension spirituelle de l’Islam, et se laissant tromper par le nationalisme en Occident, le scientisme et le matérialisme, et dénaturant le rôle tout en ignorant les limites intrinsèques à la rationalité. Les courants déviants apparus à l’époque du monde moderne ont été prédits par le Prophète (ﷺ) dans plusieurs ahadiths sahîh ou hassân.

  Quant à la position du sunnisme traditionnel/orthodoxe, au sujet des autres courants, nous pouvons la résumer comme l’ont fait les anciens savants sunnites. L’imâm Ad-Dhahâbî sur la dernière position du Shaykh Ibn Taymiyya (à sa connaissance) vis-à-vis des adeptes des autres courants islamiques, dans son Siyar A‘lâm an-Nubalâ’ (15/85-89) : « Le grand Savant, l’imâm des théologiens, Abû al-Hassan ‘Alî ibn Ismâ‘îl ibn Abî Bishr Ishâq ibn Salim ibn Ismâ‘îl ibn ‘Abd Allah ibn Mûssa fils de l’émir de Bassora Bilâl ibn Abî Burda fils du compagnon du Prophète (ﷺ) Abî Mûssa ‘Abd Allah ibn Qays ibn Hadhar al-Ash‘arî al-Yamânî al-Basrî. (…) J’ai vu chez Al Ash‘arî une parole qui m’a étonné, et elle est confirmée, al Bayhaqî [m.458 H] l’a rapporté en disant : J’ai entendu Abû Hâzim al ‘Abdawî [m.417 H] dire : J’ai entendu Zâhir ibn Ahmad as Sarakhsî [m.389 H] dire : Lorsque les derniers instants de Abû al Hassan al Ash’arî ont approché dans ma maison à Baghdâd, il m’a appelé, je suis venu, puis il a dit : «Atteste de ma part que je ne rends personne mécréant parmi les gens de la Qiblah, car tous appellent à une Divinité Unique, et nos divergences ne sont que dans les expressions ». Je dis [Ad-Dhahabî] : Sur cela je pratique ma religion. Notre Shaykh Ibn Taymiyya [m.728 H] était ainsi lors de ses derniers jours, il disait : « Je ne déclare personne de la communauté mécréant, et le Prophète (ﷺ) a dit : « Personne ne garde son ablution sauf un croyant, quiconque prie avec son ablution est musulman » ».

  Toujours dans son Siyar A‘lâm an-Nubalâ’ (20/46), on y lit : « Les fanatiques (exagérateurs) Mu’tazilites, les fanatiques Shiites, les fanatiques Hanbalites, les fanatiques Ash’arites, les fanatiques Murji’a, les fanatiques Jahmites, les fanatiques Karramites, ont envahi le monde et se sont multipliés. Il y a parmi eux des intelligents, de vrais adorateurs, des savants, on implore le pardon d’Allâh pour les gens du Tawhîd, et on s’innocente à Lui des passions et innovations, on aime la Sunnah et ses gens et on aime le savant pour ses qualités dans le suivi et les bonnes moeurs, et on n’aime pas ce qu’il a innové par une interprétation légitime, car le bon exemple est fruit de la multitude des bonnes oeuvres ».

  Dans le même recueil, à la biographie de Thâbit ibn Aslam le faqih (juriste) shiite, on peut y lire : « Le savantissime (‘allamah) Abû-l-Hassan Al-Halabî, le faqih shiite et le grammairien d’Alep, il fait partie des plus grands élèves du shaykh Abû-s-Salah. Il s’est dévoué à la production scientifique bénéfique, et il a un ouvrage dans le dévoilement des égarements des ismâilites [secte déviante se réclamant du shiisme], il dévoila leur da’wah et qu’elle est basée sur des faussetés. Il fut capturé par le dâ’i [les chefs de la secte ismâ’ilite sont appelés dâ’i/prédicateur] de ces gens, et il fut amené en Egypte [centre des « fatimides » à l’époque] et Al-Muntassir [le faux calife fatimide] le fit crucifié. Qu’Allâh n’agrée pas celui qui l’a tué. Et pour cela, la bibliothèque d’Alep fut brûlée, il s’y trouvait 10 000 volumes. Qu’Allâh fasse miséricorde à cet innovateur qui a défendu la Religion. Et l’affaire, au final, revient à Allâh ». Ainsi, même pour une personne considérée comme innovateur (selon notre prisme, donc à tort ou à raison), l’équité et la sagesse doivent s’appliquer à son égard également.

  Il n’est pas non plus permis de désavouer un musulman uniquement en raison du fait qu’il n’adhère pas à un groupe particulier. Ibn Taymiyya a dit dans Majmû al Fatawâ (20/164) : « Il ne revient à personne d’imposer à la Ummah (communauté islamique) un homme et d’appeler à son chemin et d’allier et se désavouer en fonction de cette personne sauf s’il s’agit du prophète. Et il n’est pas permis d’imposer une parole et de s’allier et se désavouer sur cette parole sauf s’il s’agit de la parole d’Allâh et de Son Messager ou du consensus de la communauté. Plutôt, ceci fait partie des actes des gens d’innovations (blâmables) qui élèvent une personne ou une parole et divisent la communauté (musulmane) en s’alliant sur cette parole et en se désavouant en fonction de cette alliance ».

  Et dans le même recueil, il dit : « Toutes les factions égarées se rejoignent en un point ; c’est celui de postuler que la majorité des musulmans sont dans l’égarement et qu’ils sont eux le groupe sauvé, sachant pertinemment qu’ils ne représentent qu’une infime minorité de la Ummah (Communauté musulmane) ».

  Dans son Majmû’ Al-Fatâwa (13/96-97) il dit : « Beaucoup d’innovateurs parmi les shiites, les jahmites et autres sont allés en terre de mécréance et par leur intermédiaire, beaucoup de gens ont embrassé l’Islam qui sont certes devenus des musulmans innovateurs mieux vaut ceci plutôt que d’être mécréants ». Et un peu plus loin dans le même recueil (35/201)il dit : « Quiconque croit au message que Muhammad (ﷺ) a apporté, est meilleur que quiconque le renie. Même s’il existe chez celui qui croit au message de Muhammad (ﷺ) une sorte de bid’a. Que ce soit la bid’a des kharijites, des shiites, des murji’ites, des qadariyya [ndt : à ne pas confondre avec les sûfis de la voie qadiriyya, à laquelle était rattaché le Shaykh Ibn Taymiyya lui-même] ou autres ».

  L’imâm As-Shawkani a dit dans As sayl al jarar (4/578) : « Sache que s’agissant du fait de juger l’individu musulman comme étant sorti de l’islam, et tombé dans la grande mécréance, il convient au musulman qui croit en Allâh et au Jour dernier de ne s’y avancer que s’il dispose d’une preuve irréfutable, plus claire encore que le soleil ne l’est en plein jour. Car il a certes été authentiquement rapporté par la voie d’un groupe de compagnons dans des hadiths authentiques que celui qui dit à son frère : « Ô mécréant », alors cette parole doit nécessairement s’appliquer sur l’un des 2 ».

Al-Muqbilî dans son livre Al-`Alam As-Shâmikh : « Je ne suis ni Mu`tazilite ni Ash`arite. Je n’accepte d’être rattaché qu’à l’Islâm et au Porteur de la Loi (Muhammad) – que la Paix Divine soit sur lui -. Je considère que nous sommes tous frères et que nous oeuvrons tous en commun au service de la Vérité ».

  Il faut savoir aussi que les recueils de ahadiths sunnites comme shiites, comportent des narrateurs issus des différents courants (shiites, sunnites, khawarij, etc.), et où certains ahadiths jugés sahîh comportent des narrateurs de ces différentes tendances, mais qui furent jugés comme honnêtes et dignes de confiance malgré leurs profondes divergences doctrinales, mais reconnaissant tous les piliers de l’Islam et de la foi, et donc ne les excluant nullement de l’Islam, pour ceux qui s’y accrochaient, et qui ne mentaient pas par sectarisme ou des intérêts politiques ou personnels. Cela fut d’ailleurs reproché par certains contemporains aux imâms al-Bukharî et Muslim, qui dans leur Sahîh, avaient inclus des narrateurs shiites, khawarij et d’autres, mais ils les ont accepté car ils les estimaient sincères et honnêtes, bien que dans le cas d’Al-Ikrimah Abû ‘Abdullâh Al-Madanî par exemple, il fut critiqué par Muslim et d’autres à cause des ses penchants khawarij qui pouvaient le pousser à se tromper ou à dissimuler certaines choses[33], mais certains qui étaient accusés de mensonges l’ont été à tort, ou d’autres ont accepté leur rapport à condition que d’autres voies sahîh et indépendantes confirment leur rapport, sachant que même des menteurs peuvent dire la vérité sur d’autres sujets.

  Quel Islam donc pour notre temps ? L’imâm, Sûfi, théologien ash’arite, logicien et grand juriste Ibn Ashîr (990 H/1582 – 1040 H/1631) a dit que pour les gens du Maghreb, telle était leur voie : « Dans la ‘aqida de (l’imâm) Al-Ash’arî, le fiqh de (l’imâm) Mâlik et la Voie dans le cheminement spirituel (tariqa) de (l’imâm) Al-Junayd ». Les imâms Al-Asha’rî, Mâlik et Al-Junayd étaient des grands imâms du Salaf, versés dans la science et cheminant sur la voie de la spiritualité et de la piété. L’imâm et Shaykh Ahmad Al-‘Alawî a rapporté ces vers de l’imâm Ibn Ashir en les commentant dans al-Minah al-Quddûsiyya qui est un commentaire du Murshid al-Mu’în d’Ibn ‘Âshîr : « L’auteur résume dans ces 2 vers les 3 étapes du cheminement spirituel : se conformer en actes à la jurisprudence malikite ou à celle de tout autre rite canonique ; s’ancrer dans la Voie spirituelle d’al Junayd pour parvenir à la Contemplation divine, c’est-à-dire ne plus rien voir dans l’existence (wujud) autre que l’Existentiateur (mujid) [en tant que Réel absolu produisant les choses créées] ; et une fois parvenu à cette station, le cheminant devra en évoquant les vérités spirituelles se limiter à l’énoncé de la doctrine orthodoxe communément admise, dont celle bien entendu d’al Ash’ari. Et cela afin de ne pas choquer ses coreligionnaires. On demanda un jour au Prophète (ﷺ) si on devait rapporter tout ce qu’il disait ? Et lui de répondre : « Oui, excepté les propos que les gens ne peuvent pas comprendre car cela pourrait être source de confusion ».

L’imâm As-Shafi’i a composé à cet égard les vers suivants :

« Tiens aux gens un langage auquel ils sont habitués,

Évite d’évoquer ce qui peut leur sembler inaccoutumé,

Les ignorants ont cependant une grande excuse ;

Même en voyant la réalisation, ils ne la reconnaîtraient pas ».

Est-il concevable que les Sûfis adhèrent à une autre doctrine (‘aqida) différente de celle d’al Ash’ari ? Il faut savoir qu’al Ash’ari lui-même professait une autre doctrine, plus profonde, qu’on appelle la doctrine des Hommes (rijal). Cette profession de foi intime ne saurait être révélée aux « enfants », car comme on dit : « L’aliment des adultes est nuisible pour les enfants ». Le Prophète () lui-même disait : « Il se trouve une science gardée tel un objet précieux que seuls les connaissants par Allâh exalté soit-Il connaissent ; s’ils la révélaient, bien des leurrés la rejetteraient »[34]. Où te situes-tu par rapport à cette doctrine ? Si tu n’en possèdes pas une part, tu n’es rien et tes discours ne sont que futilités.

Sache par ailleurs que les Sûfis ne s’adressent à nous que selon notre degré de compréhension. Leur référent étant le hadith : « Parlez aux gens selon leur degré d’entendement »[35]. Chacun des 3 maîtres cités, al Ash’ari, Malik et al Junayd, avaient réalisé les 3 niveaux du cheminement : la Foi, la Loi et la Voie. Mais chacun d’entre eux s’était distingué par une science propre à sa vocation et conforme à sa fonction ».

  Contrairement à ce que pensent certains wahhabites et salafis, les imâms Al-Ash’arî et Al-Junayd sont aussi des références et des imâms de guidance dans la Religion.

    Ibn Kathîr a dit dans Tabaqât as Shâfi’iyah (1/449) : « L’affirmation de tout ceci (les Attributs d’Allâh) sans attribuer de modalité (physique) à quoi que ce soit et sans faire d’assimilation, comme le firent les Salafs et ce fut sa (à Abû-l-Hassân al Ash’arî) voie dans al Ibânah qu’il a composé en dernier. Le Qadî al Baqillanî (m.402 H) l’a expliqué et le Hâfiz Abû al Qâssim ibn ‘Asâkir (m.571 H) l’a transmise et c’est ce qu’ont suivi al Baqillanî et l’imâm al Haramayn (m.478 H) et la dernière position de beaucoup d’imâms les ayant suivis et Allâh sait mieux ». Et l’imâm Al-Juwayni al-Haramayn était le maître de l’imâm Al-Ghazâlî dans la ‘aqida.

  L’imâm Ad-Dhahâbî, élève du Shaykh Ibn Taymiyya dit dans son Siyar A‘lâm an-Nubalâ’ (15/85-89) : « Le grand Savant, l’imâm des théologiens, Abû al-Hassan ‘Alî ibn Ismâ‘îl ibn Abî Bishr Ishâq ibn Salim ibn Ismâ‘îl ibn ‘Abd Allah ibn Mûssa fils de l’émir de Bassora Bilal ibn Abî Burda fils du compagnon du Prophète (ﷺ) Abî Mûssa ‘Abdallâh ibn Qays ibn Hadhar al-Ash‘arî al-Yamânî al-Basrî (…) ». Et ailleurs dans son Siyâr (17/554-555-558-559) dans la biographie du Hâfiz Abû Dharr al Harawî al Ash’arî (355-434 H) : « Le Hâfiz, l’imâm, le savant du Tajwîd [de la récitation du Qur’ân], l’illustre, le Shaykh de l’enceinte sacrée, Abû Dharr, ‘Abd ibn Ahmad ibn Muhammad ibn ‘Abd Allah ibn Ghufayr ibn Muhammad, connu dans sa contrée par Ibn as Sammâk, al Ansarî, al Khurasânî, al Harawî, al Mâlikî. Il est l’auteur d’ouvrages, et le rapporteur du Sahîh al Bukhârî selon trois personnes : Al Mustamlî (m.376 H), Al Hamawî (m.381 H), et al Kushmâhanî (m.389 H). Abû al Walîd al Bâjî (m.478 H) a dit dans son livre Ikhtissâr firaq al fuqahâ’ en parlant du Qâdî ibn al Bâqillânî (m.403 H) : « Le shaykh Abû Dharr m’avait informé, qu’il cheminait vers sa voie, je lui ai donc demandé : D’où tiens-tu cela ? ». Il dit : « Je marchais à Baghdâd avec le Hâfiz ad Dâraqutnî (m.385 H), lorsque nous avons rencontré Abû Bakr ibn Tayyib al Bâqillânî, le Shaykh Abû al Hassan ad Dâraqutnî alla à sa rencontre et embrassa son visage et ses yeux. Lorsque nous nous furent séparés, je lui dis alors : « Qui est celui à qui tu as fait ce que je n’aurais pas cru que tu fasses, toi qui es l’imâm de ton temps ? ». Ad-Dâraqutnî répondit : « Il est l’imâm des musulmans, Le défenseur de la religion, c’est le Qâdî Abû Bakr Muhammad ibn Tayyib ». Abû Dharr a dit : « Depuis ce moment qui s’est répété avec mon père, toute contrée où je suis entré parmi les régions du Khurasân et les autres, on ne désignait comme faisant partie des gens de la Sunnah que ceux qui étaient sur sa voie et son chemin ».

Je dis (Ad-Dhahabî) : C’est lui qui à Baghdâd, représentait la Sunnah et la voie du hadîth par le débat et l’argumentation, en présence des têtes des Mu‘tazilites, Rafidhites, Qadirites, et toutes sortes d’innovateurs. Ces derniers avaient un état et se sont manifestés avec l’état des Buwayhites. Il réfutait les Karramiyah, défendait les Hanbalites, Il y avait entre lui et les gens du hadîth une entente prospère, même s’ils divergeaient sur de minutieuses questions, c’est pour cela qu’ad-Daraqutnî l’a traité avec profonde estime. Il a même écrit un livre nommé Al Ibânah où il dit dedans : « S’il est dit : Quelle est la preuve qu’Allâh a « litt : Face » et « litt : Main » ? Nous répondons : Sa parole « Ce que j’ai créé de « litt : Mes Mains » » (38, 75) et : « Seul subsistera le Wajh « litt : Face » de ton Seigneur » (55, 17). Donc Allâh a affirmé pour Lui-Même qu’Il a « litt : Face » et « litt : Main ». Et s’il est dit : Dites-vous qu’Allâh est partout ? Nous répondons : Qu’Allâh nous donne refuge ! Il est plutôt « mustawi » au-delà de Son Trône comme Il l’a informé dans Son Livre (…) jusqu’à ce qu’il dise : les Attributs de Son Être qui sont perpétuels et Il ne cesse d’être qualifié par : la Vie, la Science, la Puissance, l’Ouïe, la Vue, la Parole, la Volonté, Al-Wahj (« Face »), les « Deux Mains », les « Deux Yeux », la « Rigueur », la « Satisfaction » ». Ceci est ce qu’il a cité. Et il a dit quelque chose de semblable dans son livre At-Tamhîd, et dans le livre Ad-Dhâb ‘An al-Ash‘arî où il a dit : « Nous avons expliqué la Religion de la communauté et des gens de la Sunnah, que ces Attributs sont laissés tels qu’ils sont parvenus sans « comment » (modalité), ni limite, sans donner de nature, ni (de) représentation ».

Je dis (Ad-Dhahabî) : Cette méthodologie est la voie des Salafs, et c’est celle que Abû al Hassân al Ash‘arî (m.324 H) et ses compagnons ont éclairci, et c’est la soumission aux textes du Qur’ân et de la Sunnah, et c’est sur quoi étaient al Bâqillânî (m.403 H), ainsi que ibn Fûrak (m.406 H), et les grands jusqu’à l’époque de Abû al Ma‘âlî al Juwaynî (m.478 H), puis l’époque de Abû Hâmid al Ghazâlî (m.505 H), puis par la suite il s’est produit des divergences et d’autres sortes, nous demandons à Allâh le pardon.

Abû Dharr al Harawî a un livre sur les Attributs du même type que le livre de Abû Bakr al Bayhaqî (m.458 H) avec des « nous a rapporté, nous a informé » [chaînes de transmissions].

Al Hassan ibn Baqî al Mâliqî a dit : Un shaykh m’a rapporté : Il a été dit à Abû Dharr : « Toi Harawî ! D’où est ce que tu t’es conformé à l’école de Mâlik et de Abû al Hassan al Ash‘arî ? ». Il répondit : « Je suis allé à Baghdâd ». Et il a cité l’équivalent de ce que nous avons précédemment dit sur Ibn Tayyib. Puis il conclut : « J’ai donc suivi son école » ».

  Ad-Dhahabi, après sa période « déviante » durant sa jeunesse – il écrira une épitre où il énoncera son regret à ce sujet -, finit par s’assagir et faire l’éloge de nombreux grands savants ash’arites, qui étaient des références dans le Tasawwuf, la théologie, le Qur’ân et son Tafsîr, le Hadith, le Fiqh et les autres sciences islamiques. Par exemple, dans son Siyâr, il dit de l’imâm Al-Bayhaqî qui était asharite et shafi’ite : « Il est le Hâfiz (spécialiste de la science du Hadîth et mémorisateur du Qur’ân), l’illustre savant (‘Allâmah), le digne de confiance, le spécialiste de la jurisprudence (Faqîh), Shaykh ul-Islâm (…). Si l’Imâm Al-Bayhaqi aurait voulu fonder sa propre école (Madhhab) dans laquelle il réalise son ijtihâd (effort de réflexion) il aurait été capable de cela vu l’abondance de sa science, et sa connaissance des divergences ».

  Salâh ud-Dîn As-Safadi – qui avait côtoyé Ibn Taymiyya tout en étant l’élève de l’imâm Ad-Dhahâbî – a dit au sujet d’Al-Baqillânî l’imâm ash’arite dans Al-Wâfî bi l-Wafayât : « Il n’avait pas d’égal à son époque ». Et dans sa biographie du Shaykh Ibn Taymiyya, As-Safadî écrit : « Le Shaykh Taqî Ad-Dîn Ibn Taymiyah est l’un des 3 géants que j’ai côtoyés et qui n’avaient pas leurs pareils à leur époque, ni même dans le siècle écoulé. Ces 3 géants sont le Shaykh Taqî Ad-Dîn Ibn Taymiyya, le Shaykh Taqî Ad-Dîn Ibn Daqîq Al-`Id et notre Shaykh, l’érudit Taqî Ad-Dîn As-Subkî. J’ai composé ces vers pour leur rendre hommage.

Ils sont 3 en tout et pour tout. Tu peux en être parfaitement sûr.

Tous sont des taqî aux normes de la piété et nul ne pourra les décrire à leur juste valeur.

Si tu veux, tu peux aussi bien parler d’Ibn Taymiyya, que d’Ibn Daqîq Al-`Îd que d’As-Subkî ». Et As-Subkî comme Ibn Daqîq Al-‘Îd étaient asharites, et ce dernier fut considéré comme étant le mujaddîd de son époque selon de nombreux savants dont Ad-Dhahâbî dans son Siyâr : « Je dis : pour le 4e siècle, il s’agit de Abû Hâmid Al Isfarâyînî ; pour le 5e siècle, il s’agit de Abû Hâmid Al Ghazâlî ; pour le 6e siècle, il s’agit du Hâfiz ‘Abd ul Ghanî ; et pour le 7e siècle, il s’agit de notre Shaykh Abûl Fath Ibn Daqîq Al ‘Îd », citant là aussi plusieurs imâms asharites. Le grand savant Shah Walîy Allâh Ad-Dahlawî a dit à ce sujet dans Izâlat al-Khafâ ‘An-Khilâfat ul-Khulafâ : « Pour le 1er siècle : ‘Umar ibn ‘Abd al-‘Azīz ; au 2e siècle : l’Imâm As-Shâfi’î ; 3e : Abû-l Hassân Al-Ash’arî ; 4e siècle : Al Hakîm, Al-Bayhaqî (et ses semblables) et Abû Hâmid Al-Isfarâyînî (et ses semblables) ; 5e siècle : l’Imâm Al-Ghazâlî ; 6e siècle : l’Imâm Fakhr ud-Dîn Ar-Râzî et l’Imâm An-Nawawî », et ils sont presque tous asharites.

  Il s’agit là d’une Promesse divine évoquée par le Prophète (ﷺ) dans un hadith célèbre, que l’expérience et l’observation ont confirmé à chaque génération jusqu’à la nôtre. Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Certes, Allâh enverra un revivificateur de la Religion (al mujaddid) auprès de cette communauté (al Ummah), et ceci, à l’avènement de chaque génération (ou de chaque siècle) »[36].

 Et concernant l’imâm Abû al-Qassîm al-Junayd, Ibn Kathîr et Ad-Dhahâbî le considéraient comme une autorité en Islam, de même que pou le Shaykh Ibn Taymiyya qui dit dans al-Majmû’ al-fatâwâ (14/355) : « Celui qui chemine sur la voie d’Al-Junayd parmi les gens du Tasawwûf et de la connaissance (spirituelle et métaphysique), sera guidé, sauvé et heureux ».

  Le Prophète (ﷺ), qui en présence de ses Compagnons qui conquerront et délivreront les peuples de l’oppression, de l’ignorance et de l’idolâtrie dans les régions de la Perse, du Shâm, d’Irak, d’Egypte, du Maghreb, du Yémen et de la Palestine (y compris la ville de Jérusalem), prédit cependant que pour Constantinople (Istanbul) cela ne se fera pas du vivant des Compagnons, qui pourtant ont essayé (le célèbre Sahabi Abû Ayyûb al-Ansârî tomba en martyr lors de cette bataille, à Constantinople, et sa tombe existe toujours à Istanbûl, et est fréquemment visitée).

  Pour la Perse, le Yémen et le Shâm (Syrie, Jordanie, Liban et une partie de l’Iraq, qui furent sous la domination byzantine, et une partie sous l’empire sassanide) : « Nâfi’ ibn ‘Utbah a dit : « Nous étions avec le Messager d’Allâh (ﷺ) lors d’une bataille, puis des gens venus de l’ouest, vêtus d’habits de laine, se présentèrent au Prophète (ﷺ) et se positionnèrent sur un monticule. Ils étaient debout et le Messager d’Allâh (ﷺ) était assis. Je me suis alors dit à moi-même : « Avance-toi vers eux, et mets-toi entre eux et lui, afin qu’ils ne l’assassinent pas ! ». Mais je me suis ravisé en me disant : « Peut-être, a-t-il une conversation confidentielle avec eux ». Je me suis alors avancé vers eux et je me suis mis entre eux et lui. J’ai alors retenu 4 phrases, que je comptai avec [les doigts] de la main. Il (ﷺ) a dit : « Vous serez amenés à combattre (par la force des choses) les Arabes idolâtres de la Péninsule arabique (qui refusent la paix et qui vous seront hostiles), et Allâh vous accordera la victoire sur eux ; puis vous combattrez la Perse et Allâh vous accordera la victoire sur eux ; ensuite, vous combattrez Byzance et Allâh vous accordera la victoire sur eux (…) »[37].

 Dans un autre hadith : « En creusant le fossé, les musulmans sont tombés sur une pierre qui refusait simplement de se briser. Étant affamés depuis 3 jours, les Compagnons s’étaient évanouis. Incapables de réussir dans cette tâche, ils se sont finalement présentés devant le Prophète et ont dit : « Il nous est impossible de briser une pierre. » Le Prophète (ﷺ) avait également attaché une pierre sur son ventre à cause de la faim, mais il se rendit là-bas immédiatement à leur demande, souleva un pic et frappa la pierre en prononçant le nom d’Allâh. Quand le fer frappa la pierre, une étincelle jaillit, suite à quoi le Prophète (ﷺ) lança à haute voix : « Allâhu Akbar ! Puis il dit : « On m’a accordé les clés du royaume du Shâm. Par Allâh, en ce moment, je contemple les palais de pierre rouge du Shâm ! ». Le coup avait quelque peu écrasé une partie de la pierre. Le Prophète (ﷺ) brandit le pic une seconde fois au nom d’Allâh, ce qui produisit à nouveau une étincelle, suite à quoi le Prophète (ﷺ) dit : « Allâhu Akbar ! Cette fois, j’ai reçu les clés de la Perse, et je vois les palais blancs d’Al-Mada’in ». Le rocher avait été brisé dans une large mesure. Le Prophète (ﷺ) brandit le pic une troisième fois, ce qui produisit une autre étincelle et le Prophète (ﷺ) a dit : « Allâhu Akbar ! J’ai reçu les clés du Yémen ! Par Allâh, on me montre les portes de Sana’a en ce moment » Finalement, le rocher fut complètement fendu »[38].

  Pour la Palestine, et surtout sa capitale Jérusalem : « Comptez 6 signes qui indiquent l’approche de l’Heure : ma mort, la conquête de Jérusalem, un fléau qui vous affligera (et vous tuera en grand nombre) comme le fléau qui afflige les brebis, l’accroissement des richesses jusqu’au point que même si l’on donne 100 dinars à quelqu’un, il ne sera pas satisfait, puis une affliction qu’aucune maison arabe ne fuira, puis un traité de paix entre vous et Bani Al-Asfar (c’est-à-dire les Occidentaux, les « Romains », les « Byzantins ») qui vous trahiront et vous attaqueront sous 80 drapeaux, Sous chaque drapeau il y aura 12 000 soldats et combattants »[39]. Plusieurs pays musulmans ont en effet été trahis par des nations occidentales (USA, France, Belgique, Royaume-Uni, Canada, etc. et d’autres pays faisant partie de l’OTAN ainsi que des pays de l’Est) et non-occidentales (notamment la Russie), au point où de nombreux pays et des centaines de milliers de soldats ont été envoyés en Afghanistan et en Irak notamment, pour y semer le chaos, alimenter le terrorisme, massacrer des populations civiles, piller les richesses, etc., mais il se peut, au vu de la situation actuelle dans le monde, qu’une guerre encore plus globalisée et intense, voit le jour, dans le monde musulman comme ailleurs. De même qu’aujourd’hui, les gens ne se contentent plus d’un salaire moyen, mais veulent toujours plus, l’expression du hadith pouvant signifier vouloir devenir millionnaire ou milliardaire. Avant l’ère moderne, les nations ne se faisaient pas la guerre avec des alliances internationales, mais plutôt régionales ou locales. Ainsi, la description du hadith évoque plutôt ce genre de configurations « mondiales » et « internationales » dans un genre de nouvelle guerre, contrairement à la norme existante dans les époques passées. On pourrait par ailleurs rajouter cet autre hadith comme signe miraculeux, ce qui montre bien à quel point le Prophète (ﷺ) décrivait ce qu’il voyait (dans le monde spirituel) à l’état d’éveil ou dans les songes spirituels : « Les différentes communautés et nations se rassembleront et se regrouperont contre vous de toute part comme se regroupent les gens qui mangent autour d’un plat ». Nous dîmes : « Ô Messager d’Allâh ! Est-ce que c’est à cause du fait que nous serons peu nombreux à cette époque ? ». Il dit : « Non, vous serez très nombreux à cette époque, mais vous serez comme les écumes du torrent (divisés et faibles). Et Allâh enlèvera des cœurs de vos ennemis la crainte de vous, et le « wahn » (faiblesse du « cœur ») sera mis dans vos cœurs ». Ils dirent : « Qu’est-ce que le « wahn » ? ». Il dit : « L’amour pour ce bas-monde et la répulsion pour la mort » »[40].

  Du temps du Prophète (ﷺ), les Musulmans formaient une petite minorité face à l’immensité de la population mondiale, et surtout face aux 2 superpuissances qu’étaient Byzance et la Perse, et qui avaient encore l’ascendant sur les Arabes, et surtout sur la Péninsule arabique (des tribus arabes existaient en effet déjà en Syrie, en Irak et dans d’autres provinces avoisinantes), mais vers le 18e et 19e siècle, et surtout depuis la fin du 20e et le début du 21e siècle, les Musulmans ont connu une forte croissance démographique, devenant ainsi très nombreux. Et malgré les millions d’ingénieurs, de médecins, de physiciens, d’historiens, de psychologues, d’informaticiens, de biologistes, de chimistes, de prédicateurs, d’imâms, de sportifs, de combattants, etc., depuis la chute du Califat ottoman, les Musulmans n’avaient jamais connu autant de défaites militaires, de divisions et d’humiliations, dans les discours comme dans les actes, alors qu’auparavant ils étaient moins nombreux, mais globalement plus forts, plus intelligents, plus pieux, plus clairvoyants, plus sincères et plus érudits (non seulement dans les sciences islamiques, mais aussi dans les autres sciences). Or, le nombre n’est rien si celui-ci est pollué par des idéologies délétères (que l’Occident s’emploie à imposer aux Musulmans comme le sécularisme, le consumérisme, le scientisme, le matérialisme, etc.) qui ravagent le monde musulman jusqu’à étouffer et détourner les consciences de nobles objectifs et des qualités morales.

  De même, les Musulmans, pour beaucoup, ne respectent plus leur engagement envers Allâh, transgressent trop souvent la Loi divine, n’ont plus la science des priorités, et se divisent trop facilement pour rien (divisions parfois créées, exacerbées ou instrumentalisées par des puissances non-musulmanes). C’est le retour du tribalisme, du sexisme, de l’esclavage (moderne), du consumérisme, du racisme et du fanatisme, que la prédication prophétique avait réussi en son temps, à éradiquer dans le cœur des Musulmans vertueux. Mais de nos jours, comme les Musulmans se laissent facilement guider par des imposteurs (prédicateurs, dirigeants, stars occidentaux ou institutions politiques occidentales) et des idéologies superstitieuses et corruptrices, ayant oublié l’Au-delà, et sacrifiant leur dignité et leur honneur pour servir de serpillères ou de pions aux puissances impérialistes, la vie du Musulman vaut moins que celle des autres aux yeux des grandes puissances, qui en moins d’un demi-siècle, ont brutalement massacré des millions de Musulmans (Irak, Afghanistan, Syrie, Yémen, Palestine, Somalie, Soudan, Libye, Cachemire, Inde, Chine, Tchétchénie, etc.), soit directement par les puissances impérialistes (USA, Europe, Russie, Chine, Israël) soit par leurs alliés régionaux (dictatures appuyées par les puissances impérialistes) soit par des milices ou organisations terroristes pilotées par ses mêmes puissances, qui font le sale boulot à leur place, et faisant tout pour radicaliser une partie de la jeunesse musulmane et de les détourner de la dimension spirituelle et des valeurs éthiques de l’Islam. Les nations (notamment les USA, le Royaume-Uni, la France, la Russie, la Chine, Israël, etc.) se sont en effet rassemblées pour dépouiller, dépecer et massacrer les Musulmans et piller leurs richesses. C’est donc tout cela, et plus encore, que ce hadith décrit parfaitement.

  Pour en revenir aux premières conquêtes, concernant l’Egypte il y a plusieurs ahadiths dont celui-ci : « Lorsque l’Egypte sera conquise, soyez pleins d’égard et de bonté envers les Coptes car ils disposent d’un lien de sang et de parenté » et dans un autre hadith : « ils disposent d’une dhimma (protection) et d’un lien de parenté » signifiant par-là que la mère d’Isma’îl était des leurs[41].

  Pour Constantinople, le Prophète (ﷺ) mentionna 3 phases. La première étant une tentative infructueuse à l’époque des Compagnons, puis celle de la victoire (après l’époque des Sahaba) : « Certes, la ville de Constantinople sera conquise. (Et) quel excellent et béni commandant que celui qui la conquerra, et quelle excellente et bénie armée que la sienne »[42], et une autre période, ultérieure, où Istanbul sortira politiquement du giron de l’Islam et sera libérée et reprise pacifiquement par le « Takbir », ce qui peut se référer à la victoire des partis musulmans sous Erdogan après près d’un siècle de kémalisme et de sécularisme, ou encore à un autre événement devant se produire à l’avenir, et Allâh sait mieux. Et concernant la phase de la conquête aboutissant à la victoire, il n’a pas mentionné que ce soit ses Compagnons de leur vivant, mais une époque ultérieure, et ce fait eut lieu en 1453. Et, la bénédiction implique l’agrément d’Allâh et du Prophète concernant ceux qui ont accompli cette action, pas seulement évoquée de façon neutre comme un simple événement historique, mais en y apportant satisfaction et éloge. Or le Sultan Fatih Mehmet Han et son armée étaient composées majoritairement de sunnites qui étaient asharites ou maturidites en ‘aqida, hanafites ou shafi’ites en fiqh, et qui étaient rattachés au Tasawwuf. Ce fut lors d’un songe spirituel où il vit le Prophète (ﷺ) lui indiquer la méthode à suivre pour contourner les forces ennemies et obtenir la victoire, que le Sultan put atteindre son objectif, contre toute attente, sachant que ni ses ennemis ni ses conseillers ne s’attendaient à une telle stratégie, et que ses conseillers y étaient opposés au début. Ce hadith prouve donc aussi 2 choses. D’une part la Réalité divine et Ses relations avec les Prophètes, et d’autre part la guidance des imâms asharites ou maturidites dans la ‘aqida, des écoles juridiques et des voies spirituelles parmi les vertueux et les véridiques. Et qui était le Sultan Fatih Mehmet ? Bien qu’il ait été calomnié par ses ennemis pour des raisons politiques et idéologiques, que ce soit sur sa sexualité ou sa façon de traiter ses sujets, on sait par des sources fiables et concordantes, qu’il était un homme pieux et cultivé (poète, amoureux des sciences, des arts, de la philosophie et de la Religion, parlant le turc ottoman, le persan, l’arabe, le grec et le latin notamment), combattif et très tolérant, assurant la protection aux Juifs, aux Chrétiens et aux autres communautés sous son règne. Sous son règne, Constantinople devint Istanbul, une ville encore plus florissante et belle, avec de somptueuses mosquées, des universités et centres de savoir, des hôpitaux, des fondations pieuses, des édifices et endroits pour que les chiens, les chats et les oiseaux puissent se protéger des intempéries et s’y abreuver.

  Un autre hadith permet de confirmer la guidance générale du sunnisme traditionnel, celui disant que la Perse (le peuple de Salmân al-Farisî) islamique reprendra le flambeau de l’Islam durant un temps : « Lorsque nous étions assis avec le Prophète, la Sûrah « Le Vendredi » (Sûrat al-Jumu’a) lui fut révélée. Quand le Prophète récita le verset « C’est Lui qui a envoyé à des gens sans Livre (les Arabes) un Messager des leurs qui leur récite Ses versets, les purifie et leur enseigne le Livre et la Sagesse, bien qu’ils étaient auparavant dans un égarement évident, ainsi qu’à d’autres parmi ceux qui ne les ont pas encore rejoints. C’est Lui le Puissant, le Sage » (Qur’ân 62, 2-3). Je dis : « Qui sont-ils, Ô Messager d’Allâh ? ». Le Prophète ne répondit pas jusqu’à ce que je répète 3 fois. À ce moment Salmân était avec nous ». Le Messager d’Allâh mit sa main sur Salmân, disant : « Si la foi était aux pléiades, même alors certains individus de ce peuple (celui de Salmân, les Perses) l’auraient atteint » »[43]. Et parmi ceux qui portèrent la Religion aux plus hauts degrés, nous pouvons citer Al-Hassân al-Basrî, Abû Hanifa, Al-Bukharî, Muslim, At-Tirmidhî, At-Tabarânî, Al-Hakim at-Tirmidhî, At-Tabarî, Abû Nu’aym al-Isbahânî, Al-Bayhaqî, Al-Birûnî, Al-Qushayrî, les frères Abû Hâmid et Ahmad al-Ghazâlî, Jalâl ud-Dîn Rûmî, Farid ud-Dîn Attâr et tant d’autres, qui sont nés en Perse (et ayant parfois aussi une ascendance arabe par l’un des 2 parents), autant de grands imâms sunnites et sûfis, qui ont transmis le Qur’ân, la Sunnah et le Tasawwuf en Perse – celle-ci étant le bastion du sunnisme durant près de 1000 ans avant que la dynastie safavide arrive au pouvoir et y imposa le shiisme pour des raisons politiques afin de se distinguer des Ottomans -. Ceci étant dit, l’ancienne Perse, qui comprenait l’Iran, l’Afghanistan, l’Uzbékistan, le Kazakhstan, le Tajikistan, le Turkémistan et l’Azerbaïdjan, restent en majorité sunnite (tous les pays de l’ancienne Perse sont majoritairement et traditionnellement sunnites, sauf l’Iran, qui compte entre 15 et 25% de sunnites actuellement).

  Le Maghreb, comme le reste du monde musulman, n’ont donc nullement besoin de se « convertir » au wahhabisme, à l’athéisme, au sécularisme, au matérialisme, à l’orientalisme ou au shiisme, puisqu’avec le sunnisme traditionnel et orthodoxe (incluant donc le Tasawwuf), ils ont déjà tout ce qu’il faut pour éclairer leur intellect, s’élever spirituellement, purifier leur âme, recueillir les Bénédictions divines, se préserver de nombreux maux, et suivre la voie prophétique dans leur amour d’Allâh, de Son Messager, des Ahl ul Bayt, des Sahaba, des Awliyâ et des vertueux de toutes les générations venues après eux. Ils se préservent du manque de foi, de vertu et d’intelligence qu’entrainent l’athéisme et le matérialisme, ils aiment tout ce qu’Allâh et Son Messager ont agréé – y compris les Ahl ul Bayt et les Sahaba -, sans tomber dans la déviance de maudire, excommunier ou insulter les proches et bien-aimés du Prophète (ﷺ). Ils ne se coupent ni du Qur’ân, ni de la Sunnah (Voie prophétique), de l’intellect, ni de la sagesse, ni de la spiritualité, ni de la logique ni de la bienfaisance. En somme, le sunnisme traditionnel est le viatique du juste milieu, et celui qui est le plus fidèle au Qur’ân et à l’exemple prophétique, et celui qui a connu le plus grand nombre de Saints, même si l’on peut aussi trouver des gens pieux et vertueux dans d’autres courants – par la Grâce divine -. Pour peu que les « sunnites » se préservent des courants tardifs qui ont pu constituer le « sunnisme officiel » (des autorités politiques déviantes et despotiques), connaissant les mêmes travers que le « shiisme officiel » ou le « mu’tazilisme officiel », ou que « l’athéisme » officiel, ou leur équivalent dans les civilisations non-musulmanes, le sunnisme gardera cette pureté originelle, transmise et vivifiée par tous les grands maîtres spirituels.

  Quant au fiqh, l’école malikite leur suffit – tout comme le fiqh des autres écoles suffit aux autres pays musulmans – à condition de vivre en phase avec leur temps en ce qui concerne les coutumes sociales et conditions de vie – tant que cela est encadré par la piété, la pudeur et la justice -, et de ne pas alimenter ou remettre sur le tapis d’anciennes querelles ou opinions déviantes ou problématiques. Être souple dans le fiqh et ne pas imposer aux gens des choses pouvant les troubler ou leur rendre compliquer leur pratique aisée et sincère de la Religion, est une nécessité, et plus encore pour notre temps, dans cette période de décadence généralisée[44].

  L’imâm al-Ifrânî dit dans as-Safwah – un livre rassemblant les récits de pieux du 11e siècle hégirien – d’après Mayyarah : « J’assistais au cours de Ibn Ashir, et je trouvais que tout son (cours) n’était que problématiques (mushkilan) ». C’est-à-dire que tout son cours consistait à l’exposition de problématiques et à la recherche de solutions ou réponses scientifiques pour les résoudre ». al-Ifrânî dit ensuite : « Ibn Ashir était un grand critique (naqqâd). Il recherchait dans les questions de fiqh et en déduisait des choses qui stimulaient la réflexion, et déconcertaient la pensée ».

  Le Shaykh et gnostique Ahmad Al-Tijânî (qu’Allâh sanctifie son secret) a dit : « Conduisez-vous selon les spécificités de votre époque ». Dans son Ifadah, le juriste malikite et grand disciple (du Shaykh Ahmad At-Tijânî) Sidi Tayyeb Assufayani Al Hassanî a dit : « Il n’y a pas plus ignorant que celui qui veut créer dans une époque ce qu’Allâh ne veut pas y faire apparaitre ». Il cite ensuite l’érudit Sidi Muhammad al-Hajûjî qui a expliqué cette parole dans son Fayd fadl Allâh al-muntashir, puis mentionne ce qu’a écrit l’érudit Sidi Ahmad ibn al-‘Ayyâshî Skiredj : « Soyez un être de votre époque et évitez de vous occuper du temps passé. Le temps est comme une épée, si vous ne faites pas attention. Il vous coupera au lieu de le franchir ; profitez donc de sa sérénité ! (…) Il n’y a pas plus ignorant que celui qui veut créer dans une époque ce qu’Allâh ne veut pas y faire apparaitre ».

  Le problème vient donc souvent des suiveurs qui « figent » ce que les anciens (leurs prédécesseurs) ne figeaient pas, et qui n’adaptent pas le « fiqh » selon les nouvelles conditions propres à chaque époque, d’où la nécessité, selon les paroles prophétiques déjà citées de comprendre et d’appliquer le fiqh avec « clairvoyance et intelligence », de renouveler/revivifier (tajdîd ; mujaddîd) le fiqh, de ne pas complexifier et rendre difficile inutilement la Religion aux gens, de ne pas leur imposer des avis trop strictes alors qu’on ne se les imposent même pas soi-même, et enfin, de revenir à l’essentiel et d’enseigner les choses avec douceur et indulgence.

  Le Shaykh Ahmad Al-Alawî est l’une des perles du Maghreb. Ce maitre, tout comme pour Ibn ‘Arabi ou l’émir ‘Abd al Qadîr, rien qu’en les lisant, Allâh nous fait vivre des états spirituels puissants et tout semble limpide, lumineux, profond et transcendant, comme si leurs écrits étaient vivants et du dhikr en soi, et ils avaient réalisé l’excellence et le bon équilibre sur tous les aspects de la Religion. L’Emir Abd al-Qâdir descendant du Prophète (ﷺ) par l’imâm al-Hassân, et inspirateur d’une partie du droit international, exprime dans son Kitâb al-Mawqîf la quintessence de son œuvre[45], un magnifique commentaire métaphysique et spirituel du Qur’ân et de la Tradition prophétique, répondant aux problématiques philosophiques et métaphysiques qui ont tourmenté bon nombre de philosophes, scientifiques et théologiens à travers les siècles. L’émir fut un grand combattant, chef politique et résistant à la colonisation française en Algérie. Il étudia, depuis son enfance, le Qur’ân et son exégèse, le Hadith et ses sciences, l’histoire islamique, la langue arabe, la grammaire, le fiqh, la logique, la théologie, le tajwîd et le Tasawwuf. En plus des sciences islamiques, il étudia aussi la médecine, la littérature occidentale et orientale, l’astronomie et la philosophie. De nombreux auteurs et diplomates occidentaux l’approchèrent, y compris des Francs-maçons, et eurent des échanges épistolaires avec lui, jusqu’au jour où l’émir comprit l’agenda occultiste et sombre de la nouvelle orientation des loges maçonniques (tournées contre la Tradition et la spiritualité véritable). L’Emir fut initié à la tariqa qâdiriyya tout en étant le disciple spirituel de la voie akbarienne d’Ibn ‘Arabî. Récusant l’anthropomorphisme, le panthéisme, l’incarnationnisme et le mu’tazilisme, autant que le fanatisme et le littéralisme, il chemina dans la voie du sunnisme traditionnel, harmonisant avec excellence le fiqh, la ‘aqida et le tasawwuf, dans un bel équilibre. Son œuvre réfute également de nombreuses thèses athées, orientalistes, islamophobes, extrémistes et matérialistes.

  Une autre figure intéressante, mais orientale celle-ci, est celle du Shaykh Baha’ ud-Dîn Al-‘Amili (1547 – 1621), né en 1547 à Bâlbek sous l’empire ottoman (actuel Liban) et décédé en 1621 à Ispahân (sous l’empire safavide). Il fut une autorité dans le shiisme avant d’embrasser le sunnisme via le Tasawwuf, qualifiant les Sûfis comme étant les vrais croyants et partisans des Ahl ul Bayt. Véritable savant polymathe, il maitrisa les sciences islamiques (Qur’ân, Hadith, Fiqh, ‘aqida, Tafsîr, logique, langue arabe, histoire, …) en plus d’avoir été mathématicien, architecte, astronome, poète, métaphysicien, philosophe et théologien. Il fut considéré, en milieu shiite comme étant le mujaddîd (revivificateur) de son époque. Il finira cependant par devenir Sûfi et écrire son célèbre ouvrage exprimant ses positions et expériences spirituelles Resâla fi l-waḥda al-wojûdīyya, démontrant que la Voie pure des Ahl ul Bayt est celle de leurs disciples sûfis, ce qui lui vaudra une critique de la part du célèbre savant shiite sectaire Muhammad Baqir al-Majlisi (auteur de nombreux ouvrages mais aux positions très contestables), qui était un fervent opposant du sunnisme, de la spiritualité islamique (sûfie), de la philosophie et des Ottomans. Il est enterré à Mashhad aux côtés de l’imâm Sûfi de la famille alide ‘Alî ar-Ridhâ.

  De même pour l’imâm, juriste, théologien, exégète et Sûfi Nûruddîn Abdurrahmân al Isfarâyinî ‎(1242-1317), un maître spirituel iranien (persan) qui s’est rattaché à la voie kubrâwiyya, qui a choisi le sunnisme malgré que son maitre fut shiite, explique bien la distinction dans son Kâshif al-asrâr entre l’imam Jâ’far et le shiisme, il dit dans sa troisième lettre à Dastjirani : « Comme c’est dans l’imam Jâ’far que nous trouvons véritablement les 2 sortes de descendance (du Prophète) à savoir celle de l’esprit et celle de la silhouette (le corps), celle de l’âme et du cœur conjoint à celle du corps, c’est à lui que revient la préséance. Toutefois Allâh est omniscient. Mais si cela devait servir de prétexte pour préférer les shiites aux sunnites, alors non ! L’imam Jâ’far lui-même, voir ‘Alî et même le Prophète Muhammad (ﷺ) seraient dégoûtés d’eux ! D’où peut-on savoir que le madhab shiite [ndt : celui que les shiites appellent l’école jafarite] fut celui de l’imâm Jâ’far ? Si les traditions alléguées pour le prouver étaient authentiques alors tous les grands sûfis auraient dû être shiites depuis Ma’rûf, Junayd, Abû Ali Katib, Ahmad al-Ghazâlî, Abû Najib (Suhrawardi) jusqu’à Najm ud-din Kubra et nous-même parce que notre Tariqa remonte sans interruption de Ma’rûf à Jâ’far (As-Sâdiq) et de Jâ’far au Prophète (ﷺ) ». En outre, les imâms Abû Hanifa, Mâlik, Sufyân at-Thawrî et Sufyân Ibn ‘Uyayna furent aussi les disciples de l’imâm Ja’far.

En conclusion, par rapport au Sunnisme traditionnel, il s’agit de la voie par excellence au niveau des principes, se conformant à la vision qurânique et aux sources qui y sont évoquées. Au niveau des différents courants sunnites, certains cependant s’en éloignent sur un aspect ou plusieurs aspects. En termes de méthodologies, ils suivent bien la Voie prophétique (Qur’ân, Sunnah, qiyas, ijtihâd et autres principes et outils juridiques et intellectuels) transmises directement par les plus grands Sahaba (Abû Bakr, ‘Umar, ‘Alî, Ibn ‘Abbâs, Ibn Mas’ûd, etc.) et autres Ahl ul Bayt (dont les épouses du Prophète ﷺ), ce qui n’exclut pas les divergences légitimes, ou les erreurs et dérives toujours possibles sur le plan individuel (que ce soit chez les savants ou les suiveurs lambda), Et parmi les grandes figures sunnites, beaucoup ont directement puisé leurs enseignements du Prophète Muhammad  (ﷺ) à l’état d’éveil ou en songes par le biais du kashf, à l’instar d’Al-Junayd, Abû al-Hassân al-Kharaqânî, Abû Hâmid al-Ghazâlî, Al-Jilânî, Ahmad ar-Rifâ’î Ibn ‘Arabî, Najm ud-Dîn al-Kubrâ, et d’autres.

  Ainsi, il suffit ainsi pour tout musulman de suivre la Voie prophétique au travers des grandes figures qui l’ont incarnée et transmise, comme Ibn Ashîr, Ahmad Ibn ‘Ajiba, Muhammad Al-‘Arabî al-Darqawî, l’Emir ‘Abd al-Qâdîr et le Shaykh Ahmad al-Alawî – pour ne citer que de grands noms en milieu maghrébin mais chaque région musulmane possède leur équivalent -, pour goûter à la profondeur de la foi, cheminer sur la voie des Rapprochés d’Allâh, cultiver la sagesse et la connaissance bénéfique, et devenir par Sa Grâce un support de Ses Bénédictions et de Sa Lumière sur terre.

  Il n’y a pas de lumière pour celui qui passe son temps à maudire ou à haïr les gens – et pire encore quand il s’agit des Sahaba ou des Ahl ul Bayt – comme le font certains wahhabites ou shiites sectaires, car au lieu de se rapprocher d’Allâh, de faire le bien et d’étudier Sa Création, le cœur est occupé avec des insanités s’enveloppant dans les ténèbres de l’ego et de la bêtise. Allâh a dit : « Ô vous qui croyez ! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien. Peut-être réussirez-vous ! » (Qur’ân 22, 77) ; « Certes vous serez éprouvés dans vos biens et vos personnes ; et certes vous entendrez (…) de leur part beaucoup de propos désagréables. Mais si vous êtes endurants et pieux… voilà bien la meilleure résolution à prendre » (Qur’ân 3, 186).

  Toute approche et lecture du Qur’ân, doit donc se comprendre à la lumière des objectifs qu’Il (nous) propose d’atteindre. Et en cela, toutes les interprétations rigoristes, modernistes ou autres, qui s’en écartent, doivent être délaissées ou prises avec beaucoup de prudence.


Notes :

[1] Au Maghreb, en Asie et en Afrique, certaines voies qui étaient orthodoxes à l’origine, ont connu des déviances dans certaines de leurs branches, tombant parfois dans le folklorisme, l’occultisme, la sorcellerie, etc. comme certaines branches de la Aissawiyya par exemple. En France, la voie de Khaled Bentounès connait aussi d’autres types de dérives, notamment le manque de pudeur et de sérieux dans l’engagement spirituel et les rites exotériques. En Asie, la Kubrawiyya, a fini par se « shiitiser » alors qu’elle était à l’origine une voie fondée par le grand Savant orthodoxe Najm ud-Dîn Kubrâ, tombé en martyr face aux envahisseurs moghols, et fervent sunnite et partisan des Ahl ul Bayt autant que des Sahaba. Les déviances surviennent quand certains adeptes introduisent leurs propres opinions et passions tout en délaissant les obligations religieuses et les convenances spirituelles, déviances qui apparaissent de la même façon chez les « juristes » rigoristes ou trop laxistes. D’un autre côté, nous connaissons des frères et sœurs qui sont disciples de la Bouchichiyya, de la Naqshbandiyya (aussi bien des branches Rajâbi que de la Mujadiddî Saïfiyya), de la Tijaniyya, de la ba’alawiyya, etc. et qui sont orthodoxes, très attachés au Qur’ân et à la Sunnah, à la Voie des Sahaba et des Ahl ul Bayt, avec un immense amour pour Allâh, Son Messager, ses nobles Compagnons et les membres de sa famille et de sa descendance, de même qu’ils adoptent un bon comportement, se montrent humbles et patients envers toutes les créatures d’Allâh, etc. Aussi faut-il distinguer les disciples les plus avancés des moins avancés (pouvant négliger certaines choses ou commettre des péchés) d’une part, et les disciples (qui n’ont pas encore atteint la réalisation spirituelle) des maîtres, car si les maitres réprouvent les mauvais comportements ou les excès des disciples, ils ne sont pas responsables de leurs fautes, contrairement au cas où les « maîtres » toléreraient ou encourageaient le manque d’adab, les doctrines ou les pratiques blâmables ou hérétiques. Il y a aussi le cas de frères et soeurs qui suivent des « maîtres » suspects ou étranges, mais dont leur amour d’Allâh et leur connaissance de la Religion l’emportent sur le reste, et se préservent des choses douteuses ou des vices de leur « Shaykh ». A noter qu’il y a aussi des personnes qui prétendent se rattacher à la tijaniyya mais qui n’en sont pas, et qui sont désavoués par les disciples tijâni. La tijâniyya a fait l’objet par ailleurs de certaines rumeurs et critiques infondées, qui ont été réfutées sur leurs sites officiels.

[2] En français, voir par exemple Grégory Gonty, L’ibadisme – Les gens de l’appel et de la droiture, éd. Geuthner Ibadica, 2021.

[3] A propos du médecin, chimiste, mathématicien, astronome, théologien mu’tazilite et philosophe Abû Bakr Muḥammad ibn Zakariyyāʾ al-Râzî – dit Rhazès (vers 864 – 935) en Occident – il était mu’tazilite et non pas un déiste anti-religieux. Cette accusation provient de son opposant ismaélien Abû Hatim ar-Râzî qui déforma ses propos et ses intentions. Al-Birûnî dans la liste des ouvrages attribués authentiquement à Abû Bakr ar-Râzî, évoque 2 ouvrages dans lesquels il faisait les éloges de l’Islam et du Prophète dont Fi Wujub Da‘wat al-Nabi ‘Ala Man Nakara bi al-Nubuwwat et Fi anna li al-Insan Khaliqan Mutqinan Hakiman. Peter Adamson écrivait dans son ouvrage Al-Rāzī (Oxford University Press, 2021, p. 123) au sujet de l’état actuel de la recherche dans ce débat : « Il convient de noter que le travail de Stroumsa est antérieur à la découverte par Rashed de cette preuve dans Fakhr al-Dīn, de sorte qu’elle n’a pas eu l’avantage de pouvoir examiner comment cette nouvelle information pourrait être conciliée avec les preuves. C’est le but que je vais me fixer dans ce chapitre. Je devrais jouer cartes sur table et dire que je suis convaincu par le récit de Rashed, et ne crois pas que Razi organisait une attaque générale contre la prophétie ou la religion comme Abū Ḥātim voudrait nous le faire penser ». L’imâm asharite et savant polymathe Fakhr ud-Dîn ar-Râzî (vers 1149 – 1209) citait d’ailleurs Abû Bakr ar-Râzî en mentionnant que pour corroborer ses propres positions philosophiques et religieuses, s’appuyait sur les versets du Qur’ân et les enseignements prophétiques. Selon d’anciens historiens et savants musulmans comme Muhammad al-Shahrastānī (1083 – 1153) et des chercheurs contemporains comme Abdul Latif al-‘Abd et Peter Adamson, Abû Bakr ar-Râzî était bien musulman, mais comme il s’en était pris intellectuellement au courant ismaélien, ceux-ci (Abû Hatim ar-Râzî et son disciple Ḥamîd ad-Dîn Karmânî) dans un débat virulent, déformèrent ses propos pour le discréditer en le faisant passer pour un ennemi de la Religion, alors qu’il contestait simplement la pertinence de leurs arguments sur certains sujets comme l’anthropomorphisme, le taqlid (imiter/suivre l’avis des spécialistes dans un domaine) vs le nazâr (l’obligation de raisonner pour trouver la Vérité), l’argument des miracles pour prouver la nature prophétique de la personnalité du Prophète Muhammad (qu’il ne remettait pas en cause), etc. Voir notamment Seyyed Hossein Nasr et Mehdi Aminrazavi, An Anthology of Philosophy in Persia, Vol. 1, New York : Oxford University Pres 1999, p. 353. Ibn Taymiyya le classait aussi parmi les mu’tazilites.

[4] Ibn al-Âthir, Al-Kâmil, page sur l’année 121 H.

[5] Ibn Kathîr, Al-Bidâya wa al-Nihâya, p. 330.

[6] Voir aussi Majmû’ ul Hadîthî wa-l-Fiqhî, p.302, éd. mu’assasah al imâm Zayd ibn ‘Alî ath thaqâfiyyah.

[7] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°226 selon Sa’îd Ibn Jumhan, Abû Dawûd dans ses Sunân n°4647 selon Safinah, Ibn Hibbân dans son Sahîh n°6657 selon Safinah et n°6658 selon Abû Hurayra, Ahmad dans son Musnad et d’autres selon une chaine sahîh. Il existe plusieurs chaines avec quelques variantes sur ce qui suit la prédiction prophétique des 30 ans, et certaines sont faibles, tandis que d’autres sont bonnes ou sahîh. Plusieurs d’entre elles sont bonnes (hassân) comme indiqués par Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans Muwâfaqat al-khubr alkhabar fî takhrîj aḥâdîth al-Mukhtassar 1/141, Shu’ab al-Arna’ût dans son Takhrîj du Siyâr d’Ad-Dhahabî. Selon le calendrier lunaire, cela correspond bien aux règnes de Abû Bakr As-Siddiîq (2 ans, 3 mois et 10 jours), de ‘Umar ibn al-Khattâb (10 ans, 6 mois et 8 jours), de ‘Uthmân Ibn ‘Affân (11 ans, 11 mois et 9 jours), de ‘Alî Ibn Abî Tâlib (4 ans, 9 mois et 7 jours) et enfin de Hassân Ibn ‘Alî durant environ 6 mois, ce qui donne 30 ans. Avec le règne de Mu’awiyya, lui-même se proclama être le 1er Roi du monde musulman, opérant ainsi une rupture avec la pratique antérieure, mais plaçant toujours officiellement la Shar’îah comme Loi de l’empire. Avec son fils Yazid malheureusement, éduqué en partie dans une cour royale supervisée par des chrétiens hostiles à l’Islam, les transgressions et dérives se multiplièrent, le pouvoir sombrant dans la tyrannie et la brutalité, jusqu’à l’apparition du Calife et descendant d’Umar Ibn al-Khattâb, – il en est l’arrière-petit-fils de par son ascendance maternelle – à savoir ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azîz (680 – 720) accédant au pouvoir en 99H/717 jusqu’à son assassinat en 101 H/720, il était connu pour sa piété, son ascétisme, sa spiritualité et sa justice, – Ibn ‘Arabî dans ses Futûhât dira même que lui et Mu’awiyya II (à ne pas confondre avec Mu’awiyya Ibn Abî Sufyân dit Mu’awiyya 1er) étaient de ceux qui avaient réalisé le Califat ésotérique (spirituel) ainsi qu’exotérique (temporel et politique) à l’instar d’Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, ‘Alî et Hassân. Il était également très proche de Hassân al-Basrî (à la fois protégé par ‘Umar et ‘Alî, et disciple d’Alî) et de Muhammad al-Baqîr (célèbre imâm de la lignée alide, petit-fils de l’imâm Hussayn Ibn ‘Alî et défenseur de l’honneur et du rang éminent d’Abû Bakr et de ‘Umar face aux shiites du courant rafidite).

[8] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°18406, Al-Haythami dans Majmâ’ al-Zawâ’îd 5/188-189, At-Tabarânî dans Al-Mu’jam Al-Awsat n°6577, Abû Dawûd At-Tayalasi dans son Musnad n°438, al-Bayhaqî dans Minhaj al-Nubuwwa, Al-Bazzâr dans son Musnad. At-Tabarî et d’autres, considéré comme hassân par Shu’ab al-Arna’ût et sahîh par d’autres comme le Shaykh Al-`Irâqî selon les voies.

[9] Rapporté par Qadî ‘Iyyâd dans As-Shifâ dans la Section 5 sur la vénération des Compagnons et de la connaissance de leurs droits.

[10] Rapporté par Muslim dans son Sahîh, Livre des mérites des compagnons, n°2442

[11] Habib Ali Al Jifri – L’amour d’Ahl al Bayt et des Sahaba : https://www.youtube.com/watch?v=64AEuIDzwe0

[12] Rapporté par At-Tabarânî dans Mu’jam al-Awsât, Ibn al-Qayyîm dans Al-Fawâ’îd pp.111-112 et d’autres.

[13] Rapporté aussi par As-Suyûtî dans Târîkh ul-Khulafâ’.

[14] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°833, sahîh. Et à une autre occasion, il répondit la même chose à son fils Muhammad Ibn al-Hanafiyya, comme le rapporte al-Bukharî dans son Sahîh n°3671.

[15] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3714.

[16] Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°3810.

[17] Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°3509.

[18] Rapporté par Ibn Sâ’d dans ses Tabâqat al Kubrâ.

[19] Rapporté par al-Bayhaqî dans Sunân al Kubrâ 6/300-301 et Dala’il al-Nubuwwa 7/273-281 qui a dit : « La chaîne est bonne (hassân) ».  Muhibb al Din al-Tabari le cite dans al Riyad Al Nadira 2/96-97 n°534, Ad-Dhahabî dans “son Siyâr, Ibn Kathir juge qu’il s’agit d’un récit sahih dans Al Bidâyah wa An-Nihâyah 5/290, Ibn Hajar Al ‘Asqalanî dans Fath Al Bari 6/202 et d’autres.

[20] La chaine est composée de Ibn Abi Shayba qui est fiable, de Hafs Ibn Ghiyah (Qâdi de Kûfa) qui est fiable et partisan des ahl ul bayt, l’imâm Jâ’far As-Sâdiq qui est l’imâm des ahl ul bayt de son temps, et son père l’imâm Muhammad Al-Bâqîr qui est digne de confiance et savantissime à l’unanimité. Dans Al-Sunân al-Kubra de Al-Bayhaqî, le même récit est rapporté avec une autre chaîne : Abû ‘Abdullâh (Hafiz et digne de confiance), Muhammad Ibn Ya’qûb (digne de confiance), Al Rabi’î Ibn Sulayman (digne de confiance), ‘Abdullâh Ibn Wahb (digne de confiance), Sulaymâ Ibn Bilâl (digne de confiance), selon l’imâm Jâ’far As-Sâdiq et selon son père Muhammad Al-Bâqîr.

[21] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°4154 selon Al-Musayyab Ibn Najabah. Ce récit évoque en effet les Compagnons très proches du Prophète et qui avaient de grands mérites.

[22] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°3759, Abû Dawûd dans ses Sunân n°4860 selon Ibn Mas’ûd, At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3896 et d’autres.

[23] Rapporté par Al-Bukharî dans son Târîkh.

[24] Rapporté par Ahmad dans Fadhail as-Sahaba 1/269 avec une chaîne sahîh.

[25] Rapporté sous différentes versions notamment par Al-Munawî dans Al-Fuyûd al-Ilâhiyya, fol.61, recto, par Abû Dawûd dans ses Sunân selon Abû Hurayra, par al-Bukharî dans son Sahîh, As-Suyûtî dans al-hâwî li al-fatâwî 2/255-269 et d’autres.

[26] Pour une approche scientifique de ces phénomènes, qui sont attestés encore à notre époque, voir nos ouvrages Soufisme, Lumière d’Islam (éd. Hanif, 2020) et Pour en finir avec les superstitions de l’athéisme moderne (éd. Hanif, 2020).

[27] Gregory Chaitin, « Less Proof, More Truth », New Scientist, n°2614,‎ 28 juillet 2007, p. 49 ; Shiyali Ramamrita Ranganathan, Ramanujan, the Man and the Mathematician, Bombay, Asia Publishing House, 1967. Et pour les formules mathématiques qu’il recevait sous formes de visions : Robert Kanigel, The Man Who Knew Infinity: a Life of the Genius Ramanujan, New York, Charles Scribner’s Sons, 1991, p.281.

[28] Hao Wang, A Logical Journey: From Godel to Philosophy, The MIT Press. 1996, p. 148.

[29] Plus précisément il s’agit de la preuve ontologique sous la forme d’un argument formel de logique modale. Voir Graham Oppy, “Gödel’s Ontological Argument”, Stanford Encyclopedia of Philosophy.8 février 1996 et révisé le 6 février 2019 : https://plato.stanford.edu/entries/ontological-arguments/#GodOntArg ; sa démonstration est irréfutable et a été démontrée aussi via les calculs par ordinateur, voir Christoph Benzmüller et Bruno Woltzenlogel Paleo, « Gödel’s God in Isabelle/HOL », Archive of Formal Proofs,‎ 2013.

[30] Thomas Cavaillé et Kirill Nikitine, Existence de Dieu, les mathématiques ont enfin la réponse, 26 juillet 2020.

[31] Les recherches archéologiques et historiques en Arabie Saoudite ont montré la mise par écrit, notamment sous formes de graffitis et d’épigraphies, de très anciennes inscriptions islamiques datant des 2 premiers siècles de l’Hégire, avec les mêmes versets du Qur’ân, ahadiths célèbres et invocations traditionnelles, que l’on mémorise ou récite encore de nos jours. L’historien et spécialiste Juan Cole dans son Hijazi Rock Inscriptions Love of the Prophet and Very Early Islam – Essays from Informed Comment (2020) recensait une liste non-exhaustive des plus anciennes inscriptions islamiques retrouvées en Arabie Saoudite, notamment dans le Hijaz (et donc à Médine) comportant la Shahâda, le Nom d’Allâh, la Basmallâh, le nom du Prophète Muhammad, le nom de plusieurs Compagnons comme Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, ‘Alî, Zuhayr, Sa’d et bien d’autres, ainsi que de la mère des croyants ‘Aîsha – l’épouse du Prophète Muhammad -, des versets du Qur’ân, des formules traditionnelles ou des paraphrases ou des formules concises ou compressées du Qur’ân (par manque de place sur les roches). Il se basait entre autres sur les nombreuses découvertes faites par le chercheur saoudien Mohammed Abdullah Alruthaya Almaghthawi, plus connu sous son pseudonyme Mohammed93athar sur Twitter, où il poste régulièrement les photos des inscriptions islamiques. Le recensement est parfois mis à jour sur le site personnel de l’historien et chercheur Juan Cole (dernière mise à jour sur son site postérieure à la parution de son livre en 2020) : https://www.juancole.com/quran-commentary-in-context/inscriptions-related-quran et https://www.juancole.com/2018/08/inscriptions-prophet-history.html. Beaucoup d’autres inscriptions confirment également l’existence d’événements évoqués dans le Qur’ân et la Sunnah du temps prophétique et des Califes bien-guidés, ainsi que des anciens savants des premiers temps de l’Islam, confirmant une partie fondamentale de la Tradition.

[32] Leur mouvement semble avoir été fondé sur un projet politique britannique pour diviser les Musulmans, comme le courant « baha’i », qui est un syncrétisme pseudo-universaliste des différentes philosophies et religions du monde. En tout cas, le fondateur de l’Ahmadisme ne peut pas être le fameux Mahdi attendu, car son époque et sa description ne correspondent en rien à la description prophétique sur sa personnalité, son apparence, son ascendance et l’époque à laquelle il devait apparaitre, et n’a pas le 10ème de son charisme ni n’a accomplit les prédictions à son sujet, de restaurer la justice et la spiritualité partout sur terre après une phase mondiale d’oppression, de matérialisme et de corruption.

[33] Voir Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans Tahdib al-Tahdib 7/234 : « (…) Il fut accusé de mensonge, ceci est rapporté par Ibn ‘Umar, Saîd ibn Al Mussayab, Muhammad Ibn Sirîn, ‘Ali ibn ‘Abddillah ibn ‘Abbâs, Yahya ibn Saîd Al Qassim ibn Muhammad et ‘Atta al Khurassanî. (…) ‘Ali ibn al Madani (un des shuyukhs de l’imâm Al Bukhari) a dit : ‘Ikrimah s’attachait aux avis de Najda qui était un kharijite (…) » ou Ad-Dhahabî dans Târîkh al-Islâm 7/173 : « (…) Ibrahim ibn Sa’d rapporte de son père que ibn Al Mussayab a dit à son serviteur : ne mens pas sur moi comme ‘Ikrimah a menti sur ‘Ali ibn ‘Abbas (…) ».

[34] Rapporté avec parfois de légères variantes par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Mishkât al-anwâr wa misfât al-asrâr dans le préambule, As-Sulâmî dans son Kitâb al-arba’în fî al-tasawwuf n°32 selon Abû Hurayra, Al-Muttaqî’ al-Hindî dans Kanz al-‘Ummal n°28942, Al-Mundhirî dans at-Targhib wa at-tarhib, Ad-Daylâmî dans son Musnad al-Firdaws 3/42 n°4104 selon l’imâm ‘Alî, As-Suyûtî et d’autres.

[35] Rapporté notamment par Al-Daylamî dans son Musnad al-Firdaws n°1611 par Ibn ‘Abbâs, avec une faiblesse dans la chaine, Ahmad Zarrûq dans son Qawâ’îd al-Tasawwuf à la Règle n°17 : Parlez aux gens selon leur degré de compréhension, et le sens du hadith est aussi rapporté par al-Bukhari dans son Sahîh n°127 mais selon ‘Alî Ibn Abî Tâlib.

[36] Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4291, sahîh, confirmé et authentifié par Al-Hakîm dans Al-Mustadrak, al-Hafiz Zayn al-‘Irakî, al-Hafiz Ad-Dhahâbî dans son Siyâr, As-Shawkanî et d’autres. Selon nous, il s’agit de chaque génération, et non pas forcément de chaque « siècle ». Ibn Hajar dans Fath al-Bâri 13/295 et Ad-Dhahâbî dans Târîkh al-Islâm 23/180 affirment que le hadîth peut concerner un groupe (taîfa) de personnes et non pas seulement une seule personne à chaque génération/siècle, ce qui nous parait plus pertinent, car de grands imâms ont revivifié la compréhension et pratique de la Religion à chaque époque, comme Ja’far as-Sâdiq, Abû Hanifa, Sufyân at-Thawrî, Mâlik, etc. à leur génération, puis As-Shafi’i, Ahmad, Al-Harith al-Muhasibi, etc., puis les grands imâms du Hadith comme al-Bukharî, Muslim, Abû Dawûd, An-Nasâ’î, at-Tabarânî, etc. et ceux de la génération suivante comme Ibn Hibbân, Al-Hakim, Ad-Daraqutnî, Al-Bayhaqî, etc.

[37] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2900, selon Nâ’fi’ Ibn ‘Utbah.

[38] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°14249 et 18716 et par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°3176 et 8807, avec de bonnes chaines comme l’a précisé Ibn Ḥajar dans Fatḥ al-Bāri (7/458) et aussi des chaines sahîh selon al-Ishbīli dans al-Aḥkâm aṣ-Ṣughrâ (510). Pour Jérusalem et la Palestine, voir al-Bukhari dans son Sahîh n°7118.

[39] Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°3176 selon ‘Awf Ibn Malik, et Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4042.

[40] Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4297 selon Thawban, sahîh, par Ibn Abi Asim dans Kitâb az-Zuhd n°268), Al-Ruyani dans son Musnad n°654, At-Tabarânî dans Al-Shamiyyin n°600 et dans Al-Kabîr n°1452, Al-Bayhaqi dans Al-Dala’il an-Nubuwwa 6/534, Ibn ‘Asâkir dans Târîkh Dimashq 23/330, Ahmad dans son Musnad n°22397, Abû Nu’aym dans Hilyat Al-Awliya’ 1/ 182, etc.

[41] Rapporté par Al-Haythamî dans Majmâ’ Az-Zawâ’îd 10/62 selon une voie sahîh, ainsi que par Al-Hâkim dans Al-Mustadrâk et Ad-Dhahâbî qui l’a aussi authentifié dans Mukhtasar al-Mustadrak li al-Hakim 2/753, et At-Tabarânî l’a également rapporté.

[42] Rapporté par Aḥmad dans son Musnad n°18189, Al-Bukharî dans son Târîkh aṣ-Ṣaghîr n°1482, aṭ-Ṭabarânî dans al-Mu‘jam al-Kabîr n°1282, al-Ḥâkim dans Al-Mustadrak n°8300 et authentifié par Ad-Dhahâbî dans sa vérification du recueil, al-Bukharî dans Târîkh al-Kabir 2/81, Ibn Mandah dans Ma’rifat as-Sahaba, Al-Bazzâr dans son Musnad ainsi qu’Abû Nu’aym, al-Baghawi et d’autres. L’une des voies est sahih, et bien qu’Al-Albani et Shu’ab al-Arna’ût ont affaibli l’une des voies sans raison valable selon de nombreux spécialistes du hadith – peut-être car cela revenait à admettre que le Prophète avait loué des asharites-maturidites et sûfis qui composaient le commandement militaire – dont le Sultan Muhammad Al-Fatih et son armée -.

[43] Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°4897 selon Abû Hurayra.

[44] Par exemple pour un commentaire contemporain du matn d’Ibn Ashir en contexte français, voir le Shaykh Tarek Abû Nûr dans son ouvrage L’Essentiel de la Religion Musulmane (éd. Iqra, 2e édition 2007, réédité plusieurs fois), où le fiqh malikite est commenté et adapté par rapport aux conditions actuelles, et où il réfute aussi certaines thèses salafistes sur certains sujets mêlant ‘aqida et fiqh. Il a aussi commenté l’autre grand traité du fiqh malikite du célèbre théologien asharite et juriste malikite Ibn Abî Zayd al-Qayrawânî (m. 386 H/996), intitulé La Risâla: le fiqh selon l’école Malikite (éd. Iqra, 2023). Dans les anciens traités de fiqh, il faut toujours distinguer entre ce qui relève du nécessaire et de l’universel d’une part, et ce qui relève du facultatif et du circonstanciel d’autre part, n’étant pas destiné à être mis en pratique à toutes les époques ou dans toutes les situations.

[45] Voir notamment à ce sujet la présentation de Tayeb Chouiref, Docteur en islamologie, spécialiste du Qur’ân, de l’histoire islamique, du Hadith, de la médecine prophétique, de la psychologie et de la spiritualité musulmane, en plus d’être écrivain, professeur, traducteur et conférencier : https://youtu.be/lmH3WsRqTCA


2 thoughts on “Quel Islam pour le monde musulman d’aujourd’hui ?

  1. :

    Salam aleïkoum
    On trouve la note 1 tout en bas de la page à propos d’une phrase mais dans le texte censé renvoyer à la note en début de page on ne trouve rien pas même la note 1.On passe directement à la note 2 et suivantes.

    1. :

      Wa ‘alaykum Salâm. Etrange, car la note 1 s’affiche bien dans l’article, en-dessous de l’article.

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