Que dit l’Islam sur les musulmans qui sont victimes d’injustice ?

Face aux polémiques et aux provocations islamophobes contemporaines qui fusent de toutes parts, beaucoup de musulmans s’en retrouvent déboussolés. Mais le musulman, comme toujours, doit trouver le juste milieu en toute chose dans leur attitude et leur réaction face aux injustices et aux provocations des uns et des autres.

Que ce soit en terres non-musulmanes comme en terres musulmanes, l’Islam ne permet cependant pas d’attaques ou de meurtres/assassinats contre les citoyens (non-musulmans ou musulmans) même dans une société hostile à l’islam et aux musulmans :


« Combattez dans le sentier d’Allâh (que) ceux qui vous combattent, et n’agressez (et ne transgressez) pas. Certes. Allâh n’aime pas les agresseurs (et les transgresseurs) ! » (Qur’ân 2, 190).


« (…) S’ils s’écartent de vous sans avoir eu à vous combattre, et s’ils vous proposent la paix, alors Allâh n’établira pour vous aucun recours (hostile) contre eux » (Qur’ân 4, 90),

« Entraidez-vous dans l’accomplissement des bonnes oeuvres et de la piété et ne vous entraidez pas dans le péché et la transgression (et l’agression) » (Qur’ân 5, 2).

« Autorisation de se défendre est donnée à ceux qui sont attaqués parce qu’ils ont été opprimés – Allâh a en effet le pouvoir de leur accorder la victoire – ceux qui ont été injustement chassés de leurs foyers, seulement parce qu’ils disaient : « Allâh est notre Seigneur ». Si Allâh ne repoussait pas les gens les uns par les autres, les ermitages seraient démolis, ainsi que les églises, les synagogues et les mosquées où le nom d’Allâh est beaucoup invoqué. Allâh soutient, certes, ceux qui soutiennent (Sa Religion). Allâh est assurément Fort et Puissant.ceux qui, si Nous leur donnons la puissance sur terre, accomplissent la Salât, acquittent la Zakât, ordonnent le convenable (et le louable) et interdisent le blâmable. Cependant, l’issue finale de toute chose appartient à Allâh. Et s’ils te traitent de menteur, [sache que] le peuple de Nûh (Noé), les Aad, les Tamud avant eux, ont aussi crié au mensonge (à l’égard de leurs messagers), de même que le peuple d’Ibrâhîm (Abraham), le peuple de Lot, et les gens de Madyan. Et Mûsâ (Moïse) fut traité de menteur; Puis, J’ai donné un répit aux mécréants, ensuite Je les ai saisis. Et quelle fut Ma réprobation ! Que de cités, donc, avons-Nous fait périr, parce qu’elles commettaient des tyrannies. Elles sont réduites à des toits écroulés : Que de puits désertés ! Que de palais édifiés (et désertés aussi) ! Que ne voyagent-ils sur la terre afin d’avoir des coeurs pour comprendre, et des oreilles pour entendre ? Car ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais, ce sont les coeurs dans les poitrines qui s’aveuglent » (Qur’ân 22, 39-46).


Ces versets montrent que les Messagers n’avaient pas pour mission de tuer ceux qui se moquaient d’eux ou qui les calomniaient, – Allâh se chargera directement des gens injustes et calomniateurs le moment venu après qu’un répit leur aura été donné pour se repentir et revenir à un comportement plus décent et responsable -, et que les croyants ne doivent pas attaquer les lieux de culte (les mosquées, les églises, les synagogues ou les temples fréquentés par des gens qui adorent le Divin à leur façon, même de façon « impure » et « idolâtre »). Les croyants doivent par contre être endurants, être assidus dans leurs prières, dans les aumônes et dans leur inclinaison au Bien et leur éloignement de tout ce qui est blâmable et répréhensible.

« Tout ce qui vous a été donné [comme bien] n’est que jouissance de la vie présente ; mais ce qui est auprès d’Allâh est meilleur et plus durable pour ceux qui ont cru et qui placent leur confiance en leur Seigneur, qui évitent [de commettre] les péchés les plus graves ainsi que les turpitudes, et qui pardonnent après s’être mis en colère, qui répondent à l’appel de leur Seigneur, accomplissent la Ṣalât, se consultent entre eux à propos de leurs affaires, dépensent de ce que Nous leur attribuons, et qui, atteints par l’injustice, ripostent. La sanction d’une mauvaise action est une mauvaise action [une peine nécessaire] identique. Mais quiconque pardonne et réforme, sa récompense incombe à Allâh. Il n’aime point les injustes ! Quant à ceux qui ripostent après avoir été lésés, … ceux-là pas de voie (recours légal) contre eux ; Il n’y a de voie [de recours] que contre ceux qui lèsent les gens et commettent des abus, contrairement au droit, sur la terre : ceux-là auront une correction douloureuse. Et celui qui endure et pardonne, cela en vérité, fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires » (Qur’ân 42, 36-43).

« Et quel pire injuste que celui qui forge un mensonge contre Allâh ? Ceux- là seront présentés à leur Seigneur, et les témoins (les anges) diront : « Voilà ceux qui ont menti contre leur Seigneur ». Que la malédiction (l’absence de bénédictions) d’Allâh soit sur les injustes ; qui obstruent le sentier d’Allâh (aux gens), cherchent à rendre tortueux et ne croient pas en l’au-delà. Ceux-là ne peuvent réduire (Allâh) à l’impuissance sur terre ! Pas d’alliés pour eux en dehors d’Allâh et leur correction sera doublée. Ils étaient incapables d’entendre ; ils ne voyaient pas non plus. Ce sont ceux-là qui ont causé la perte de leurs propres âmes. Et leurs inventions (idoles) se sont éloignées d’eux. Ce sont eux, infailliblement, qui dans l’au-delà seront les plus grands perdants. Certes ceux qui croient, font de bonnes oeuvres et s’humilient devant leur Seigneur, voilà les gens du Paradis où ils demeureront éternellement » (Qur’ân 11, 18-23).

« Ceux qui ne croient pas et qui obstruent le sentier d’Allâh, s’égarent certes loin dans l’égarement. Ceux qui ne croient pas et qui pratiquent l’injustice, Allâh n’est nullement disposé à leur pardonner, ni à les guider dans un chemin (droit) » (Qur’ân 4, 167-168). Si la mécréance est une chose évidemment blâmable en soi, Allâh distingue l’égarement doctrinal (relevant de la mécréance ou de l’hérésie) de l’injustice sur le plan de la pratique et du comportement. La seule mécréance ne justifie pas la guerre ou l’usage de la force contre eux, par contre l’injustice est sévèrement condamnée et peut exiger dans plusieurs situations et cas, des ripostes et des actions (politiques, militaires ou juridiques). Ces versets nous informent aussi qu’il y a 2 causes qui empêchent beaucoup de gens d’être guidés sur la voie de la Sagesse et de la Vérité, c’est leur refus de vouloir renoncer à leur ego (et donc de s’ouvrir à la Vérité) ainsi qu’à leurs injustices (en s’opposant notamment à la liberté de conscience et de culte pour les croyants).

« Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allâh et soyez des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et prenez garde à Allâh. Car Allâh est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites » (Qur’ân 5, 8). Ainsi, que le peuple soit musulman ou non-musulman, globalement juste ou injuste, et même si ce groupe ou ce peuple nous inspire du dégoût, de la peur ou de la haine, Allâh n’autorise pas l’injustice à leur encontre, ni le fait de les calomnier ou de leur lancer de fausses accusations, car ce sont les injustes qui opèrent de la sorte, tandis que le croyant ne peut pas et ne doit pas en principe cautionner l’injustice ou commettre une injustice.

Le Prophète Muhammad ﷺ en prenant Abû Bakr as-Siddiq (‘alayhî salâm) par la main, lui dit, à propos d’un groupe idolâtre (la tribu des Banû Shaybân) qui incarnait une qualité que le croyant doit mettre en oeuvre : « Quelle noble qualité que celle-ci, par laquelle Allâh contient la violence des uns et des autres, et par laquelle ils se réconcilient » (Rapporté par Al-Bayhaqî dans ad-Dalâ’il al-Nubuwwa 2/422-427, par Abû Nu’aym dans ad-Dalâ’il al-Nubuwwa 1/237-242, Ibn Kathîr dans al-Bidâya wa an-Nihâya 3/164-165).

« Les serviteurs du Tout-Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement sur terre, et qui, lorsque les ignorants s’adressent à eux, disent : « Paix/Salut », qui passent les nuits prosternés et debout devant leur Seigneur; qui disent : « Seigneur, écarte de nous la correction de la Géhenne » (…). Qui, lorsqu’ils dépensent, ne sont ni prodigues ni avares mais se tiennent au juste milieu. Qui n’invoquent pas d’autre divinité avec Allâh et ne tuent pas la vie qu’Allâh a rendue sacrée, sauf en toute justice ; qui ne commettent pas de fornication (…) »  (Qur’ân 25, 63 – 70).

« Certes vous serez éprouvés dans vos biens et vos personnes; et certes vous entendrez de la part de ceux à qui le Livre a été donné avant vous, et de la part des Associateurs (idolâtres et négateurs), beaucoup de propos désagréables. Mais si vous êtes endurants et pieux… voilà bien la meilleure résolution à prendre » (Qur’ân 3, 186). Et la piété, c’est le fait d’être bon, humble et juste, de s’adonner aux bonnes œuvres, de dominer sa rage ou ses passions, d’accomplir les actes de dévotion, etc.

« Supporte patiemment (et avec endurance) comme les détenteurs de ferme résolution d’entre les Messagers ont enduré. Ne cherche (donc) pas à hâter leur cas (la correction des injustes). Le Jour (du Jugement Dernier) où ils verront ce qui leur était promis, il leur semblera alors n’avoir vécu qu’une heure » (Qur’ân 46, 35).

Il est rapporté en effet dans les Sahihayn (ceux de Al-Bukharî n°3414, 4390, 4094 et 6995 et de Muslim n°1063 et 1064) que Dhu-l-Khuwayssira, qui vint dire au Prophète après que celui-ci ait partagé un bien entre plusieurs personnes : « Muhammad, crains Allâh, tu n’as pas fait preuve de justice ». Le Prophète répondit : « Ne suis-je pas celui qui mérite le plus de craindre Allâh ? Et qui ferait preuve de justice si je n’en fais pas ? Si je ne suis pas juste, tu es perdu [puisque tu me suis en croyant que je suis Messager d’Allâh] » ».

Ce récit s’est passé lorsque l’imâm ‘Alî a envoyé de l’or depuis le Yémen et c’est cet or que le Prophète avait partagé, et il a été dit que l’imâm ‘Alî a été envoyé au Yémen en l’an 9 (cf. Ibn Hajar dans Fath ul-Bârî 12/363) ou en l’an 10 de l’Hégire selon d’autres (cf. Ibn Taymiyya dans As-Sârim, p. 230), soit, vers la fin de la période médinoise et de la prédication prophétique.

Ce que Dhu-l-Khuwayssira a proféré relevait de la mécréance (kufr) et d’une injustice manifeste. Ne s’étant pas tout de suite repenti de cela, il devint apostat puisqu’il prétendait professer l’Islam avant cet événement. Cela poussa justement un compagnon à ce qu’une peine lui soit appliquée en raison de sa parole offensante envers le Prophète, mais le Messager d’Allâh lui répondit ceci : « Je cherche la protection d’Allâh contre le fait que les gens disent que j’exécute ceux qui sont dans ma compagnie ! » (rapporté dans le Sahîh Muslim n°1063).

Ce qui est conforme à de nombreux versets du Qur’ân : « S’ils te contredisent, dis-leur : « Je me soumets à Allâh, moi et ceux qui me suivent ». Après quoi, demande à ceux qui ont reçu l’Écriture et aux non-initiés : « Et vous ? Êtes-vous soumis à Allâh ? ». S’ils se déclarent soumis à Allâh, c’est qu’ils ont pris la bonne voie, mais s’ils s’en détournent, rappelle-toi que ton rôle se limite à transmettre le Message. Allâh observe constamment Ses serviteurs » (Qur’ân 3, 20).

« S’ils se détournent de toi, sache que Nous ne t’avons pas envoyé pour assurer leur sauvegarde. Tu n’es chargé que de les avertir. Lorsque Nous accordons à l’homme quelques faveurs de Notre part, il s’en réjouit, mais aussitôt qu’un malheur l’atteint pour le punir de ses fautes, il fait preuve d’une grande ingratitude » (Qur’ân 42, 48).

« Si donc ces gens-là se tiennent à l’écart, et au lieu de vous attaquer vous offrent la paix, Allâh ne vous donne plus aucun droit de les inquiéter (Allâh n’établira pour vous aucun recours (hostile) contre eux) » (Qur’ân 4,90).

« Par la sagesse et la bonne exhortation, appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Et si vous punissez, infligez [à l’agresseur] une punition égale au tort qu’il vous a fait. Et si vous endurez… cela est certes meilleur pour les endurants. Endure ! Ton endurance [ne viendra] qu’avec (l’aide) d’Allâh. Ne t’afflige pas pour eux. Et ne sois pas angoissé à cause de leurs complots. Certes, Allâh est avec ceux qui [L’] ont craint avec piété et ceux qui sont bienfaisants » (Qur’ân 16, 125-127).

Quant au fait de répondre à leurs injures et provocations de la même manière qu’eux, Allâh demande aux croyants de ne pas se rabaisser à leur bassesse : « N’insultez pas ceux qui adorent d’autres divinités en dehors d’Allâh » (Qur’ân 6, 108), et nous savons par expérience, que les insultes n’apportent généralement aucune utilité ni aucun bénéfice pour les sociétés et les relations diplomatiques ou politiques. Aussi, insulter les choses considérées comme « sacrées » pour les autres, ne peut que les offenser, et en retour, ils risqueraient de se complaire davantage dans leurs superstitions ou croyances déviantes, voire même manifester encore plus de haine et d’agressivité contre l’Islam et les musulmans.

Allâh, en s’adressant aux croyants, dit : « Ô vous qui avez cru ! Qu’un groupe ne se raille (moque) pas d’un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que « perversion » lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là sont les injustes » (Qur’ân 49, 11).

Ainsi, seul le combat sur un champ de bataille envers des combattants est donc autorisé, et en dehors du champ de bataille, le croyant doit endurer et invoquer son Seigneur, et s’il existe un recours juridique, politique ou médiatique pour qu’il obtienne gain de cause ou réparation, il peut en faire usage, surtout si cela permet de diminuer ou d’éviter totalement une autre injustice (sur lui ou d’autres innocents). En cas d’agression physique, le musulman peut bien entendu se défendre pour protéger sa vie ou celle de ses semblables.

Face aux provocations, au mépris, à la haine, aux discriminations et aux injures, le combat n’est donc pas prescrit en islam même si c’est dur à supporter et à endurer. Si par contre une menace physique pèse sur les musulmans, ils peuvent se défendre ou se sauver, ou en cas de guerre, se défendre militairement et riposter face aux combattants qui ont l’intention et les moyens d’attaquer les musulmans ou les non-musulmans qui sont liés aux musulmans par un pacte ou par un lien de parenté par exemple.


Selon la loi en vigueur dans le pays où l’on se trouve, le musulman peut utiliser les recours légaux (non-violents et qui ne soient pas injustes) pour tenter d’obtenir gain de cause et si possible réparation, même si la loi en vigueur s’inscrit dans un cadre d’un système non-islamique (tant que le musulman exige une chose légitime pour des raisons justes, et que le seul cadre juridico-politique qui fait autorité dans le pays dans lequel il réside est celui-ci, – il n’a plus le choix – et qu’il ne se satisfait pas doctrinalement et moralement de l’idolâtrie, de la mécréance et de l’injustice en soi, il ne commet pas d’acte annulatif de l’Islam contrairement à ce que pensent un certain nombre de takfiris).

Par le passé, pour des délits et crimes de ce genre, un certain nombre de pays musulmans et non-musulmans appliquaient la peine de mort ou l’emprisonnement à la suite d’un procès, – et non pas des assassinats dans les rues commis par des citoyens lambda -, et beaucoup étaient graciés en cas de repentir extérieur, soit en public, soit devant les juges lorsqu’ils étaient convoqués et jugés. Le monde musulman a intégré ainsi, dans son droit (fiqh), la coutume répandue à son époque. En effet, le délit de blasphème, d’insulte ou de provocation envers un citoyen musulman ou non-musulman, n’est pas un « hadd » (peine immuable et universelle) mais une peine discrétionnaire (ta’zir) qui peut évoluer ou changer selon les coutumes.
Les seules peines immuables maximales (d’autres peines moins sévères peuvent être appliquées selon les contextes, situations et conditions) concernent les peines de l’assassin/meurtrier qui tue injustement une autre personne, la peine du voleur lorsque le vol n’a pas été motivé par la nécessité, la contrainte, le besoin réel et qu’il ne s’est pas rendu à la justice avant qu’il soit retrouvé par les autorités ou que la victime du vol refuse de lui pardonner -, la sanction pour la fornication ou l’adultère qui insiste de lui-même pour recevoir la peine ou qui a été pris en flagrant délit de rapport sexuel en public devant des témoins intègres et pieux (qui ne soient pas eux-mêmes des débouchés). Concernant le violeur ou le pédophile, la peine peut aller jusqu’à la peine de mort, pour le banditisme et la volonté de semer la terreur (s’il n’y a pas eu de meurtres), cela peut aussi aller jusqu’à la peine de mort selon la décision des autorités, – même si la peine de mort n’est pas exigée stricto sensu ici par l’Islam mais est laissée aux autorités légales, dans la volonté de faire appliquer la justice et de faire en sorte de combattre la criminalité et d’instaurer un climat de justice, de sécurité et de stabilité pour les citoyens. L’Islam se fixe comme buts d’instaurer un climat de paix, d’ordre, d’équité et de sécurité, donc ce qui peut y mener sans cautionner d’injustices, de calomnies et de terreur, peut être appliqué (soit par « hadd » soit par « ta’zir ») sachant que certaines peines peuvent être suspendues en cas de nécessité, de contrainte ou pour viser l’intérêt général ou le moindre mal.


Le Shaykh Ibn Taymiyya a dit dans ses Majmû al-Fatawâ (28/126-128) : « là où la Mafsada (nuisance) qu'(entraîne) le fait d’ordonner (le bien) et d’interdire (le mal) est plus grand que sa Maslaha (bénéfice/intérêt), cela ne relève pas de ce que Allâh a ordonné. (…) Cela se fait parfois par le cœur [seulement], parfois par la langue [aussi], et parfois par la main [également]. Pour ce qui est du cœur, cela est obligatoire en toute circonstance (…) Deux groupes de gens commettent ici une erreur. Un premier groupe délaisse (de façon absolue) l’exhortation et la dissuasion, en faisant une interprétation (erronée) de ce verset [Qur’ân 5, 105) (…). Et le second groupe est constitué de ceux qui veulent ordonner (le bien) et interdire (le mal) par la langue et la main de façon inconditionnelle (mutlaqan), sans compréhension (fiqh), longanimité (hilm), patience et considération pour ce qui convient à ce sujet et ce qui ne convient pas, et pour ce dont on a (réellement) la capacité et ce dont on n’en a pas la capacité. (…) Ces gens ordonnent (le bien) et interdisent (le mal) en croyant qu’ils obéissent ainsi à Allâh et suivent Son Messager, alors qu’en fait ils outrepassent les limites fixées par Allâh ».

Pour le délit de blasphème (envers Allâh, les Prophètes, les Anges, les Livres sacrés, la Religion, etc.), un certain nombre de savants hanafites, concernant les dhimmis en terres d’Islam qui seraient coupables de tels actes, ne doivent pas être mis à mort mais sanctionnés d’une autre façon (l’emprisonnement par exemple) car en Islam le péché le plus grave demeure le shirk/kufr (l’idolâtrie et la mécréance), or on laisse les non-musulmans vivre en terres d’Islam et pratiquer leur religion ou philosophie contraire au Tawhîd (Unicité divine), de même qu’Allâh demande aux musulmans de les protéger en cas d’agression ou de besoin, et de bien se comporter envers eux et de ne pas les léser ou les insulter. Or, le kufr pouvant comporter le blasphème, on ne peut pas les tuer pour cette raison. Cependant, le pacte passé entre les dhimmis et les autorités musulmanes doit être respecté selon les conditions fixées par les 2 camps, et en cas d’infractions ou de violations, des sanctions proportionnelles à leurs crimes et délits peuvent être mises en place pour les coupables. Rappelons que la peine de mort pour un certain nombre de délits (dont les critiques envers l’idéologie athée et le système politique) est toujours en vigueur à notre époque (2021) dans des pays dont le système politique est athée et communiste, comme en Chine et en Corée du Nord par exemple, ou encore aux Etats-Unis où le capitalisme est roi, où certains Etats pratiquent encore la peine de mort. Jusqu’en 1989, la loi française permettait la peine de mort, – les autorités politiques françaises continuent cependant de commanditer officieusement des assassinats pour un certain nombre de raisons envers des opposants politiques, des humoristes, des journalistes, des chefs d’Etat ou des intellectuels -. Les peines et sanctions pénales et juridiques ont évolué tout au long du temps et continuent encore de changer aujourd’hui, et l’Islam permet donc aux autorités d’adapter le dispositif juridique selon les nouvelles situations, les mentalités et coutumes de chaque région et époque, à condition qu’elles ne contredisent pas les fondements, valeurs et finalités de l’Islam, devant ainsi toujours viser la justice, l’équité, la sécurité et la paix dans et pour la société.

Quant aux pays où la loi en vigueur sanctionne déjà les appels à la haine, à la guerre civile ou aux blasphèmes indécents et obscènes, cela règle déjà le problème en quelque sorte, car l’injustice (provocations, injures, discriminations, etc.) est sanctionnée par le système politique et judiciaire en place, – que ce soit en terres musulmanes ou en terres non-musulmanes -, ce qui doit suffire pour calmer les tensions et ressentir le « sentiment » de justice, car une société qui encourage la haine et l’injustice finira par pousser les gens à bout et à se radicaliser pour obtenir gain de cause. Les autorités politiques autant que les citoyens portent donc une lourde responsabilité dans la montée de la haine du fanatisme et du terrorisme.

Certains khawarij citent un verset du Qur’ân en le décontextualisant pour justifier leur « haine » de l’autre : « Certes, vous avez eu un bel exemple [à suivre] en Ibrâhîm (Abraham) et en ceux qui étaient avec lui, quand ils dirent à leur peuple: « Nous vous désavouons, vous et ce que vous adorez en dehors d’Allâh. Nous vous renions. Entre vous et nous, l’inimitié et le désaveu sont à jamais déclarées jusqu’à ce que vous croyiez en Allâh, seul ». Exception faite de la parole d’Ibrâhîm [adressée] à son père : « J’implorerai certes, le pardon [d’Allâh] en ta faveur bien que je ne puisse rien pour toi auprès d’Allâh ». « Seigneur, c’est en Toi que nous mettons notre confiance et à Toi nous revenons [repentants]. Et vers Toi est le Devenir » (Qur’ân 60, 4). Or, les 3 premiers versets de la Sûrate 60 fournissent déjà le contexte, à savoir ceux qui avaient refusé sciemment la Vérité, qui avaient combattu les croyants et expulsé les croyants de leurs demeures : « Ô vous qui avez cru ! Ne prenez pas pour alliés Mon ennemi et le vôtre, leur offrant l’amitié, alors qu’ils ont nié ce qui vous est parvenu de la vérité. Ils expulsent le Messager et vous-mêmes parce que vous croyez en Allâh, votre Seigneur. Si vous êtes sortis pour lutter dans Mon chemin et pour rechercher Mon agrément, leur témoignerez-vous secrètement de l’amitié, alors que Je connais parfaitement ce que vous cachez et ce que vous divulguez ? Et quiconque d’entre vous le fait s’égare de la droiture du sentier. S’ils vous dominent, ils seront des ennemis pour vous et étendront en mal leurs mains et leurs langues vers vous ; et ils aimeraient que vous deveniez mécréants. Ni vos proches parents ni vos enfants ne vous seront d’aucune utilité le Jour de la Résurrection, Il [Allâh] décidera entre vous, et Allâh est Clairvoyant sur ce que vous faites ». Quant aux versets qui suivent le passage cité par certains khawarij, ils réfutent leur allégation : « Seigneur, ne fais pas de nous [un sujet] de tentation pour ceux qui ont mécru; et pardonne-nous, Seigneur, car c’est Toi le Puissant, le Sage. Vous avez certes eu en eux un bel exemple [à suivre], pour celui qui espère en Allâh et en le Jour dernier: mais quiconque se détourne… alors Allâh Se suffit à Lui-même et est Digne de louange. Il se peut qu’Allâh établisse de l’amitié entre vous et ceux d’entre eux dont vous avez été les ennemis. Et Allâh est Omnipotent et Allâh est Pardonneur et Très Miséricordieux. Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants (bons) et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allâh aime les équitables. Allâh vous interdit seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes. Ô vous qui avez cru! Quand les croyantes viennent à vous en émigrées, éprouvez-les; Allâh connaît mieux leur foi; si vous constatez qu’elles sont croyantes, ne les renvoyez pas aux mécréants. Elles ne sont pas licites [en tant qu’épouses] pour eux, et eux non plus ne sont pas licites [en tant qu’époux] pour elles. Et rendez-leur ce qu’ils ont dépensé (comme mahr). Il ne vous sera fait aucun grief en vous mariant avec elles quand vous leur aurez donné leur mahr. Et ne gardez pas de liens conjugaux avec les mécréantes. Réclamez ce que vous avez dépensé et que (les mécréants) aussi réclament ce qu’ils ont dépensé. Tel est le jugement d’Allah par lequel Il juge entre vous, et Allâh est Omniscient et Sage. Et si quelqu’une de vos épouses s’échappe vers les mécréants, et que vous fassiez des représailles, restituez à ceux dont les épouses sont parties autant que ce qu’ils avaient dépensé. Craignez Allâh en qui vous croyez. Ô Prophète ! Quand les croyantes viennent te prêter serment d’allégeance, [et en jurent] qu’elles n’associeront rien à Allâh, qu’elles ne voleront pas, qu’elles ne se livreront pas à l’adultère, qu’elles ne tueront pas leurs propres enfants, qu’elles ne commettront aucune infamie ni avec leurs mains ni avec leurs pieds et qu’elles ne désobéiront pas en ce qui est convenable, alors reçois leur serment d’allégeance, et implore d’Allâh le pardon pour elles. Allâh est certes, Pardonneur et Très Miséricordieux. Ô vous qui avez cru ! Ne prenez pas pour alliés des gens contre lesquels Allâh est courroucé et qui désespèrent de l’Au-delà, tout comme les mécréants désespèrent des gens des tombeaux » (Qur’ân 60, 5-13).

Cette Sûrah, – l’une des dernières qui fut révélée dans ce domaine – est magnifique, puisqu’elle reste encore d’actualité, à savoir que là où l’islamophobie domine la sphère politique, nous constatons en effet des provocations, injustices et discriminations incessantes visant les musulman(e)s et l’Islam, et qu’Allâh exige que l’on se désavoue de leur hypocrisie, de leur tyrannie et de la « noirceur » de leur âme, – et de ne pas les prendre pour alliés sous peine de devenir aussi des injustes -, mais que ce désaveu et cette opposition envers les négateurs injustes ne doivent nous faire oublier que nous ne devons pas être injustes ou agressifs envers les non-musulmans qui ne nous combattent pas, et mieux encore, que l’adab du croyant est d’être non seulement équitables envers eux mais aussi d’être bons et bienfaisants, – ce qui peut se manifester par des cadeaux, du soutien moral ou financier notamment.

   Si chacun haïra quelqu’un en raison de ses sentiments ou de ses préjugés, en Islam, il faut garder à l’esprit qu’Allâh a créé toutes les créatures et elles sont dignes et sacrées en tant que telle, sauf que l’on doit se désavouer de tout comportement détestable et de toute croyance fausse ou anti-islamique. Le pardon, l’indulgence, l’équité et la courtoisie s’appliquent quand même aux pécheurs, sinon il faudrait détester tout le monde sauf les Prophètes et les Saints qui ne pêchent plus.

N’oublions jamais qu’Allâh appelle les croyants à la Paix, ici-bas comme dans l’Au-delà, et que les plus nobles aspirations concernant l’Au-delà doivent se refléter autant que possible dans les limites de ce bas-monde : « Allâh appelle à la demeure de la paix et guide qui Il veut vers un droit chemin » (Qur’ân 10, 25).


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