L’Islam, entre indulgence et fermeté envers les pécheurs et les dérives contemporaines

Les différents groupes qui composent notre Humanité actuelle s’accordent pour constater que le monde va mal, que nos sociétés traversent de terribles crises et qu’il y a des choses qui doivent changer, optant pour le changement et des clarifications de nombreuses notions et pratiques, et ce, peu importe notre courant de pensée, notre religion ou absence de religion.

Mais en tant que musulmans, nous voyons la multiplication de dérives, d’erreurs, de confusions et de malentendus en tous genres sur l’actualité et les phénomènes détestables ou délicats qui voient le jour depuis un certain nombre d’années. Il est ainsi impératif de clarifier les choses afin de rétablir certaines vérités, souvent occultées ou étouffées par les différents extrêmes que sont le laxisme, l’insouciance, l’indifférence, le fanatisme, l’ignorance et l’extrémisme lorsque l’on parle des affaires et pratiques concernant la Religion.

Si l’Islam repose bien sur les 5 piliers de l’Islam (en tant que rites fondamentaux et obligatoires pour quiconque est concerné par les conditions de leur accomplissement) et exclut en principe tout anathème de la personne qui s’y reconnait dans ces piliers, l’Islam se fonde aussi sur les piliers de la foi et ce qui en découle, à savoir le Tawhîd, le caractère divin de la Parole divine (cristallisée dans la Révélation qurânique) et dans l’inspiration divine accordée au Prophète à travers sa Sunnah, qui est le développement pratique et l’explication du Qur’ân.

Il y a bien une hiérarchie des priorités et des valeurs, mais cela ne signifie pas qu’il faille tout relativiser sous prétexte que telle ou telle pratique ne fait pas partie des piliers de la Religion, car tout précepte religieux (Qur’ân et Sunnah authentique en accord avec le Qur’ân et l’élévation spirituelle ou la nécessité sociale) fait partie de l’Ordre divin dont nous prêter attention. Ainsi, l’usage du siwâk, le port du voile, le sourire, la charité envers les nécessiteux, la bonne éducation envers les enfants, la compassion à l’égard des créatures d’Allâh, la préservation de l’environnement, sourire aux gens, le perfectionnement spirituel, la recherche de la science et de la connaissance profitable (spirituelle, religieuse, scientifique, …) restent des choses importantes et qui font partie intrinsèquement de l’Islam, même si leur abandon (dans la pratique) pour des raisons d’ignorance, de faiblesse, de contrainte ou de fortes difficultés, n’implique pas l’anathème, mais plutôt des manquements sur lesquels nous devons tous travailler.

Et ces manquements n’excluent pas pour autant de bénéficier de la Miséricorde divine, ni ne doivent susciter le mépris, la violence ou la méchanceté des autres à leur égard. De même, il est important de savoir que le fait de délaisser le port du voile dans nos sociétés où les pressions et propagandes sont énormes, ou de boire de l’alcool dans nos sociétés dépressives et liberticides, ou de fumer le tabac, etc. sont des choses certes répréhensibles, mais qui restent en général moins graves que ce que font certains fanatiques et criminels, à savoir commettre le shirk, tuer des innocents, calomnier des personnes chastes et innocentes (de ce dont ils peuvent bien les accuser), commettre l’adultère, le viol, l’agression physique, la trahison, etc. 

Par ailleurs ces manquements ont été prophétisés par le Prophète (ﷺ) à propos des conditions de vie et des événements qui surviendront vers la fin des temps (et de notre présente Humanité) et il nous a recommandé d’être patient et indulgent envers les pécheurs ou les gens ayant des difficultés et des lacunes dans la Religion, d’être enclin au pardon, d’être de bons conseils sans user de violence ou de mépris, mais plutôt d’être doux et sage dans nos rappels – sans porter de jugement de valeur et sans se croire supérieur et préserver de l’erreur -, de ne pas les rebuter ni de les effrayer, et de se taire en cas de colère ou de dire du bien si cela est préférable. Il y a un moment pour le rappel, un temps pour s’occuper avant tout de ses propres défauts et manquements, des situations où le silence accompagné d’un bon comportement est bien plus productif que la parole, et quelques fois où les échanges (sous forme de discussion apaisée et argumentée plus que sous formes de débats ou de polémiques) sont bien plus bénéfiques et percutants.

Ces manquements ne sont pas des empêchements majeurs d’accéder au Salut (Paradis) étant donné que l’Islam n’en a pas fait des conditions de la foi et de l’islamité d’une personne (en cas de de non-accomplissement, sauf si cela s’accompagne de leur négation doctrinale), – puisque nous serons interrogés avant tout sur le contenu de notre cœur, notre relation avec le Divin et avec Ses envoyés dont le dernier qui est Muhammad (ﷺ), ainsi que sur la façon dont nous avons vécu sur Terre, répondu à Ses injonctions et les actions que nous avons répandu ici-bas – mais il ne faut pas minimiser pour autant leur impact, leur nécessité et leur importance, car tout précepte émanant du Divin comporte des bénédictions et des sagesses qui exercent une influence louable et profitable pour notre âme, notre entourage et la société, tout en procurant une protection contre de nombreux fléaux dont les méfaits sont terribles et bien visibles de nos jours depuis l’abandon des préceptes religieux. Quand on les délaisse, des troubles, dérives et fléaux se produisent partout sur Terre et les premiers à s’en plaindre sont ceux qui ont délaissé toutes les injonctions et recommandations Divines et prophétiques…

Autre chose importante qu’il convient de savoir, c’est que certaines personnes ont traversé des épreuves très difficiles à supporter – et qu’on ne soupçonne parfois même pas -, les ayant éloigné du Din ou des milieux religieux en raison des choses blâmables qui s’y faisaient, du fanatisme de certains, ou des dérives et conditions du monde moderne qui poussent constamment les gens à la dépression, à l’ignorance, à la violence, au dégoût, au fatalisme ou à faire les mauvais choix de vie, et ne trouvant pas des personnes réellement pieuses et clairvoyantes, ces personnes pensent ne jamais pouvoir retrouver la Voie droite et le Pardon divin, alors qu’il faut les inviter à se rapprocher de Lui, même par un seul acte (la prière, le dhikr, le sourire, la charité, le bon comportement, écouter, réciter ou lire le Qur’ân, enseigner une science utile, soigner des gens malades et blessés, aider des personnes âgées, garder une bonne opinion d’Allâh, invoquer les Bénédictions divines sur le Prophète, sa famille, ses compagnons, les saints et nos proches qui aspirent à Lui, …) quand bien même à côté ces personnes auraient de nombreux autres manquements ou des vices nocifs (alcool, tabac, fornication, drogue, etc.). Il faut les élever au lieu de les enfoncer davantage. Si la prière et les ablutions sont trop lourdes pour certains, il faut leur enseigner une Sûrate (courte par exemple) à réciter, leur dire d’avoir l’intention de prendre les grandes ablutions lorsqu’ils se douchent, d’exécuter les gestes et mouvements fondamentaux pour la prière et de réciter ce qu’ils peuvent – avec ou sans le port du voile pour les femmes qui n’y arrivent pas encore -, et petit à petit ils perfectionneront la Salât, car même si la prière incomplète n’est pas valide selon le fiqh, l’intention pure elle, ainsi que les efforts (même imparfaits) réalisés pour Allâh, eux, sont récompensés et valorisés, et purifieront petit à petit leur âme jusqu’à ce qu’Allâh leur accorde plus de clairvoyance et les assistera graduellement dans leur cheminement. Allâh loue et récompense aussi les personnes qui ont l’intention de faire le bien, d’approfondir leur savoir, de mieux comprendre leur religion, de cheminer vers Lui, d’aider leur prochain, de perfectionner leur prière, etc., et ce même s’ils n’y arrivent pas malgré leurs efforts et leur bonne intention.

N’oublions pas qu’en tant que musulmans, nous devons viser l’excellence même en cas de défaillance, et que nous ne devons pas cautionner et banaliser nos manquements ou les injustices, sinon on ne pourra guère s’élever et se purifier, et qui sont pourtant des finalités de la Religion que nous ne devons jamais abandonner en tant qu’idéaux à atteindre malgré nos faiblesses. De même que nous sommes une grande famille, il nous faut donc être compatissant et doux envers les autres membres de la Communauté ainsi qu’avec nos proches ou nos voisins (non-musulmans), mais aussi ferme quand cela est nécessaire pour éviter l’excès de laxisme et de laisser aller de certains qui finiront par entrainer tout le monde dans leur chute.

Ne jamais désespérer de la Miséricorde divine et de Son Pardon, est un signe de foi, aussi minime soit-il, qui fait qu’il n’est jamais trop tard pour abandonner la mauvaise voie, les péchés et les mauvaises habitudes, de se repentir et d’espérer de mourir en obtenant le Pardon divin. Accomplir une bonne œuvre avec une bonne intention vaut mieux que de n’en faire aucune, et cette petite action sincère permettra peut-être de soulever des montagnes, de se purifier par la suite, d’être dans les invocations de certaines personnes pieuses, ou d’obtenir la Grâce et le Pardon d’Allâh.

Et parmi les preuves textuelles de ce que nous avons dit, ces quelques éléments suffiront mais ils sont bien plus nombreux que ce que nous évoquerons ici.
En effet, le Prophète (ﷺ) a dit : « Celui qui respecte les limites d’Allâh et celui qui les transgresse sont semblables à un groupe de gens qui, sur un bateau, tirent au sort ; certains se retrouvent sur la partie supérieure et les autres dans la partie inférieure. Quand ils puisent de l’eau pour boire, ceux qui se trouvent en-dessous passent à côté de ceux qui se trouvent au-dessus et finissent par se dire : si nous faisions un trou dans notre partie, de sorte à ne pas déranger ceux qui sont au-dessus ? Ainsi, si [les gens d’en haut] les laissent faire, tous périront tous, tandis que s’ils les en empêchent, tout le monde sera sauvé » (Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°2493 et 2686 selon An-Nu’mân ibn Bashîr).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) m’a dit : « Soyez doux et bons (envers les autres créatures). En vérité, la douceur et la bonté ne se trouvent dans une chose sans qu’elles ne l’embellissent, et ne sont éloignées ou privées d’une chose sans qu’elles ne l’enlaidissent et la déshonorent ». (Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°24417 selon ‘Aîsha, sahîh).

« Par la sagesse et la bonne exhortation, appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Et si vous punissez, infligez [à l’agresseur] une punition égale au tort qu’il vous a fait. Et si vous endurez… cela est certes meilleur pour les endurants.  Endure ! Ton endurance [ne viendra] qu’avec (l’aide) d’Allâh. Ne t’afflige pas pour eux. Et ne sois pas angoissé à cause de leurs complots. Certes, Allâh est avec ceux qui [L’] ont craint avec piété et ceux qui sont bienfaisants » (Qur’ân 16, 125-127).

Et cela vaut pour toutes les personnes qui commettent des actes répréhensibles ou nocifs, que ce soit en lien avec l’alcool, la drogue, le tabagisme, les déviances et dérives sexuelles et mentales, la délinquance, la criminalité, les tendances terroristes ou violentes, etc. Il faut engager le dialogue constructif autant que dès que les conditions le permettent, fournir les meilleurs arguments possibles – sans être trop lourd au point de les rebuter, et parfois le silence accompagné de bonté est la meilleure solution dans certains contextes -, et comme l’a dit le Prophète (ﷺ) : « Enseignez (les choses utiles et profitables), facilitez (les choses aux gens dans les bonnes œuvres, les choses nécessaires et utiles et dans ce qui conduit vers Allâh) et ne rendez pas les choses difficiles, annoncez de bonnes nouvelles et ne faites pas fuir (du Sentier d’Allâh et du bien) et lorsque l’un d’entre vous s’énerve qu’il se taise (au lieu de s’énerver, de prononcer de mauvaises paroles, de dégouter autrui ou de porter préjudice aux gens) » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°2137 selon Ibn ‘Abbâs et dans une forme similaire par al-Bukhari dans son Sahîh n°6125 selon Anâs Ibn Mâlik).

Yazid Ibn Aslam rapporte d’après son père que ‘Umar (qu’Allâh l’agrée) se rendit un jour à la mosquée où il trouva Mu’âdh entrain de pleurer auprès de la tombe du Prophète (ﷺ). A la question : « Pourquoi pleures-tu ? ». Mu’adh répondit : « Des paroles que j’avais entendues du Prophète (ﷺ). Il a dit : « L’ostentation, dans sa forme la plus simple, est une (sorte d’) association à Allâh. Et quiconque se fait un ennemi des bien-aimés d’Allâh entre de fait en duel avec Allâh. Or, Allâh aime les bons, les justes, les pieux et ceux qui sont effacés (aiment rester en retrait et être discret autant que possible) : dont on ne remarque point leur absence et sont méconnus pendant leur présence. Leurs cœurs sont des lanternes de guidée. Ils sortent de toute Fitna (tentation) ténébreuse » (Rapporté avec de légères variantes par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3989, Al-Bayhaqi dans Kitâb az-Zuhd n°195 d’après Ibn ‘Umar et dans Shu’ab al-Imân, Al-Hakim dans Al-Mustadrak n°4 avec une chaine sahih, Ibn Al-Qayyim al Jawziyya dans Madarij as salikîn, Abû Nu’aym dans Hilyal al-awliyâ’ 1/5 et 1/15, par al-Muttaqî al-Hindî dans Kanz ul-‘Ummâl 1/269 et d’autres).

Ibn Mas’ûd, en se basant sur l’enseignement prophétique a dit : « Soyez des sources de science, des flambeaux éclairant le droit chemin. Restez dans vos demeures (lors de périodes de troubles). Soyez les lumières de la nuit. Ayez un coeur tendre et les vêtements usés (c’est-à-dire, soyez des ascètes détournés des illusions de ce bas-monde). Soyez connus auprès des habitants du ciel et inconnus auprès des habitants de la terre » (Rapporté par Ibn Al Qayyim, dans Al-Fawâ’îd, chapitre Les sagesses d’Ibn Mas’ûd).

« Ceux qui suivent le Messager, le Prophète illettré qu’ils trouvent écrit (mentionné) chez eux dans la Torah et l’Evangile. Il leur ordonne le convenable, leur défend le blâmable, leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises, et leur ôte le fardeau et les jougs qui étaient sur eux. Ceux qui croiront en lui, le soutiendront, lui porteront secours et suivront la lumière descendue avec lui ; ceux-là seront les gagnants » (Qur’ân 7, 157). Continuer à faire le bien, à se montrer juste, à cultiver la spiritualité et l’endurance, et se désavouer du mal et de l’injustice, font partie de la perspective et de l’attitude que le croyant doit toujours observer.

« Et quiconque se purifie, ne se purifie que pour lui-même, et vers Allâh est la Destination » (Qur’ân 35, 18).

« Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée ; et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété ! A réussi, certes celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt » (Qur’ân 91, 7-10).

« Ceux qui donnent leurs biens en aumône dans l’aisance comme dans la difficulté, qui contiennent (et dominent) leur colère (et leur rage) et se montrent indulgents envers les gens : Allâh aime les vertueux (qui sont bienfaisants) » (Qur’ân 3, 134).

« Dis : « Mon Seigneur a commandé l’équité. Que votre prosternation soit exclusivement pour Lui. Et invoquez-Le, sincères dans votre culte. De même qu’Il vous a créés, vous retournez à Lui » (Qur’ân 7, 29).

Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Sois totalement sincère dans ta religion et peu d’actes te suffiront » (Rapporté par al-Hâkim dans Al-Mustadrak n°4221, selon Mû’adh Ibn Jabal, sahîh).

Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « En vérité, les gens ne seront ressuscités le Jour du Jugement que selon leurs intentions » (Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4229 et 4230 dans le Kitâb az-Zuhd, selon Abû Hurayra et Jabir, les 2 chaînes sont sahîh).

Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit encore : « Les justes de chaque génération porteront ce savoir et le préserveront de la déformation des rigoristes, de l’usurpation des imposteurs et de l’interprétation des ignorants » (Rapporté par At-Tabarânî dans Musnad al-Shâmiyyîn n°588 selon Abû Hurayra, sahîh, Al-Bayhaqî dans As-Sunân al-Kubrâ n°21439, Abû Nu’aym dans Ma’rifat as-Sahaba n°732, et d’autres).

Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Ô vous les gens, prenez garde à l’extrémisme et au rigorisme en matière de Religion, car ceux qui sont venus avant vous (les anciennes communautés) ont péri à cause de leur fanatisme et de leur extrémisme dans leur rapport à la Religion » (Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3029 selon Ibn ‘Abbâs, sahîh).

Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « En vérité, la religion est chose facile (dans sa compréhension et sa pratique essentielles) et personne ne s’embarrasse de religion si elle ne le submerge. Suivez le droit chemin, cherchez à vous rapprocher d’Allâh, annoncez la bonne nouvelle et cherchez de l’aide pour l’adoration le matin et le soir et dans une partie de la nuit » (Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°39 selon Abû Hurayra).

Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Quand une personne déclare et affirme (avec orgueil ou ignorance en se pensant le seul bien-guidé) que les gens sont (tous ou globalement) perdus, c’est (sans doute) lui qui est le plus égaré et perdu » (Rapporté par Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°1815 selon Abû Hurayra, par Muslim dans son Sahîh n°2623).

Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Ruinés sont les extrémistes, les fanatiques et les rigoristes qui compliquent et alourdissent inutilement la Religion (litt. qui se livraient à se couper les cheveux en 4) – et il le répéta 3 fois » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n° 2670 dans le Livre sur la connaissance, au chapitre 4 intitulé « la destruction de ceux qui penchent vers l’extrémisme », selon ‘Abdullâh).

Le terme arabe utilisé est « mutanati », un nom dérivé de « tanatu` » qui indique le fait plonger profondément dans quelque chose de manière exorbitante et exagérée. L’imâm An-Nawawî dans son Sharh du Sahîh Muslim explique que le contexte de ce hadith fait référence à ceux qui sont « extrêmes et vont au-delà des limites (autorisées et raisonnables) dans leurs discours et leurs actions ».

Le Shaykh Al-Munawî dans son Fayd al-Qadîr commente en disant que cela peut aussi viser ceux qui passent leur temps à se mêler sans nécessité des affaires des autres alors que ça ne les regarde pas, ceux qui perdent leur temps à « approfondir » des choses sans utilité, nécessité ni bienfait, ceux qui passent leur temps sur des questions spéculatives sans intérêt pour leur foi ou leur cheminement spirituel, ceux qui dépassent les limites légales concernant l’éthique, le culte, etc.

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Certes la bonne voie, la belle apparence (pudique, sobre, chaste, simple et harmonieux) et la modération sont une partie des 25 parties de la prophétie » (Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4776 selon Ibn ‘Abbâs, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2010 selon Abdullâh Ibn Sarjis Al-Muzam qui rapporte seulement une partie et avec « 24 parties » au lieu de « 25 », avec une bonne chaîne).

Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « C’est à partir des conditions de la Dernière Heure (la fin des temps) que la connaissance (sacrée et bénéfique) sera enlevée et que l’ignorance (des choses sacrées et profitables) prévaudra (dans le monde), que les boissons enivrantes seront consommées (et répandues) et que l’adultère deviendra endémique » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n° 2671 selon Anas Ibn Mâlik).

Mais comment réagir face à cet état de fait – une déchéance touchant pratiquement toutes les sociétés humaines dont une partie considérable des sociétés musulmanes, affectées par les ravages du sécularisme – ? Beaucoup tombent dans l’erreur de condamner le blâmable en commettant eux-mêmes des actes répréhensibles et usant de méthodes contre-productives voire dangereuses et illicites pour « ordonner le bien » là où ils éloignent davantage les pécheurs ou les non-musulmans du Bien et de la Vérité.

Déjà à l’époque des Compagnons, il existait des comportements déplacés et répréhensibles, en présence même du Prophète (ﷺ). Face à cela, certains Compagnons voulaient par exemple frapper le bédouin qui urinait dans la mosquée en présence du Prophète (ﷺ), mais il leur fut interdit d’agir ainsi. En effet, il a été rapporté qu’ « Un bédouin avait uriné dans la mosquée et les gens ont couru vers lui (pour le battre). Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « (Ne le frappez pas et) n’interrompez pas sa miction (c’est-à-dire laissez-le finir) » Puis le Prophète (ﷺ) a demandé un récipient d’eau et a versé l’eau sur la place de l’urine (afin de nettoyer l’impureté). Puis le Prophète a dit : « vous devez (être doux et conciliants et) rendre la vie facile aux gens et non pas leur rendre la vie difficile et contraignante » ». (Rapporté avec quelques variantes mais dont le sens est le même (être patient et indulgent, ne pas frapper/humilier les pécheurs pour ce genre d’actes, et nettoyer les impuretés qu’ils ont causé) : par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°54 et 571 selon Anas Ibn Mâlik (sahîh) dans le Kitâb de la purification et de la Sunnah, par Al-Bukharî dans son Sahîh n°219 dans le Kitâb du Wudu’ et n°6025 dans le Kitâb de l’Adab au chapitre sur le fait d’être gentil et conciliant en toute chose ainsi que n°6128 selon Abû Hurayra avec le rajout consistant à un conseil adressé à ses compagnons : « vous devez (être doux et conciliants et) rendre facile la vie aux gens et non pas leur rendre la vie difficile et contraignante » et d’autres).


Et pour des choses plus graves encore, qui apparaitront vers la fin des temps, il est rapporté en ce sens que : « Le Prophète me demanda, en croisant les doigts : « Comment te comporterais-tu, Abû Dharr ! si tu te trouvais avec la lie de l’humanité ? – Que me suggères-tu, Envoyé d’Allâh ? – La patience, la patience, la patience, répéta-il. Soyez indulgents pour la nature des hommes, mais ne les suivez pas dans leurs (mauvaises) actions ! » » (Rapporté par al-Bayhaqî dans Kitâb az-Zuhd n°192 sous l’autorité d’Abû Dharr, ainsi que par Al-Haythâmî dans son Majma’ al-Zawâ’îd 7/283). La « lie » signifie ici le rebut, ce qu’il y a de plus vil, de plus mauvais chez une personne ou un groupe de personne. On dit souvent par exemple « la lie du peuple ».

« Ô vous qui croyez ! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien. Peut-être réussirez-vous ! » (Qur’ân 22, 77).

Mieux vaut être musulman et pécheur que non-musulman et pécheur, être musulman et prier plutôt que de ne pas prier, être musulman et bienveillant sans prier plutôt que d’abandonner la foi et le bon comportement en plus de la prière. Chaque acte de bonté et de dévotion constitue un bienfait inestimable qu’il ne faut abandonner sous aucun prétexte, peu importe le nombre de mauvaises actions ou de négligences que l’on peut commettre au quotidien, et accomplir de bonnes actions compensent – jusqu’à les dominer et les effacer – les mauvaises actions comme le dit le Qur’ân : « (…) certes les bonnes actions font partir (et effacent) les mauvaises. Ceci est un rappel pour ceux qui se rappellent » (Qur’ân 11, 114) ainsi que cette recommandation prophétique : « Fais preuve de piété envers Allâh (sois pieux, bon et juste envers les créatures) où que tu sois ! Fais suivre la mauvaise action par une bonne, elle l’effacera ; et comporte-toi bien avec les gens ! » (Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1987 selon Abû Dharr et Mu’âdh Ibn Jabal avec une bonne chaine, par An-Nawawî dans son recueil de 40 ahadiths n°18) ainsi que cette parole prophétique : « Si une personne accepte l’islam, de sorte que son islam est bon, Allâh décrétera une récompense pour chaque bonne action qu’il a faite auparavant, et chaque mauvaise action qu’il a faite auparavant sera effacée. Alors après cela viendra le compte ; chaque bonne action sera récompensée 10 fois jusqu’à 700 fois. Et chaque mauvaise action sera enregistrée telle qu’elle est (comme une seule mauvaise action), à moins qu’Allâh, le Puissant et Sublime, ne la pardonne » (Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4998 selon Abû Sa’îd al-Khudri, sahîh, et une version similaire par al-Bukharî dans son Sahîh n°42 selon Abû Hurayra).

Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Chaque être humain doit (faire) une aumône chaque jour où le soleil se lève…(…). C’est aussi faire l’aumône que de guider un aveugle, d’aider un sourd-muet à entendre et à comprendre, d’aider quelqu’un à trouver quelque chose quand on sait où elle est, de courir de la force de ses jambes vers l’affligé qui appelle au secours, de soulever de la force de tes bras la charge des faibles ; tout cela participe au devoir de faire l’aumône » (Rapporté par Ahmad ibn Hanbal dans son Musnad n°21522, Ibn Hibbân dans son Sahîh n°3377, Al Bayhaqî dans Shu’ab al imân n°7618,  par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°9027).

  Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit aussi : « Le fait de sourire à ton frère est une aumône. Le fait de recommander le bien et d’interdire le mal est une aumône. Le fait de renseigner un homme qui s’est égaré est une aumône. Le fait d’enlever de la voie publique les saletés, les épines et les os est pour toi une aumône. Le fait de verser de l’eau de ton récipient dans celui de ton frère est pour toi une aumône. Le fait d’aider un homme malvoyant est pour toi une aumône » (Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1956 selon Abû Dharr avec une bonne chaîne).

« Dis : « Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde d’Allâh. Car Allâh pardonne tous les péchés. Oui, c’est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux ». Et revenez repentant à votre Seigneur » (Qur’ân 39, 53-54).

« Dis : « Invoquez Allâh, ou invoquez le Tout-Miséricordieux (le Tout-Rayonnant d’Amour). Quel que soit le nom par lequel vous L’appelez, Il a les plus beaux Noms » » (Qur’ân 17, 110).

« Et Ma miséricorde embrasse (englobe, dépasse) toute chose » (Qur’ân 7, 156).

« Allâh est le meilleur gardien, et Il est Le plus Miséricordieux des miséricordieux » (Qur’ân 12, 64).

En dépit de tous nos péchés et manquements, le simple fait de ne pas se complaire dans nos fautes et dans les mauvaises situations, de vouloir nous réformer et de garder un lien avec Allâh (par la prière, ou les invocations, ou le dhikr, ou la lecture du Qur’ân, ou enseigner le bien, ou apprendre la Religion, ou faire acte de charité, ou ne pas nuire aux gens, ou demander Son Pardon, ou jeûner, ou aider les gens dans le besoin, ou condamner le mal, etc.) peu importe notre degré spirituel, nos vices ou nos déviances, puisque maintenir un lien avec Lui favorise le Pardon divin, laisse entrevoir l’espoir et une porte de sortie, et donc une source de réconfort, d’apaisement et de libération face aux entraves de l’existence et aux ruses et illusions de notre ego.


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