L’état de la recherche scientifique et le monde musulman aujourd’hui

Si l’on se souvient à juste titre de l’Age d’or sur les plans économiques et scientifiques du monde musulman entre le 7e siècle et le 17e siècle, beaucoup de nos contemporains restent encore par les préjugés issus de la période de décadence qui a frappé et bouleversé le monde musulman, bien qu’il y a toujours eu une contribution (bien que nettement moins importante en comparaison avec le passé) dans le domaine des sciences et des arts, par des musulmans du monde entier.

Aussi, et contrairement à la propagande séculariste voulant faire croire que le progrès scientifique n’est possible qu’avec l’abandon d’une identité musulmane et d’une perspective islamique, l’actualité dément formellement une telle assertion. En effet, depuis l’arrivée des “Mollahs” en Iran, des “islamo-conservateurs” (AKP) en Turquie, le retour de l’Islam politique au Qatar, en Indonésie ou en Malaisie par exemple, ou avec la population musulmane en Arabie Saoudite comme aux émirats arabes unis, la recherche scientifique a connu une énorme progression depuis les années 2000.

Ainsi, en termes de publications et de recherches scientifiques, la Turquie, sous l’AKP a connu un véritable bond en avant. En 1996 dans le domaine des sciences informatiques, on notait 274 publications, en 2020, le chiffre était de 6055 (devançant de nombreux pays européens comme le Portugal, la Suisse, la Suède, l’Ukraine, la Grèce, la Belgique, la Finlande, la Norvège, et avant Israël aussi). Dans les neurosciences, 127 publications en 1996 contre 1161. Dans les sciences économiques, 30 publications en 1996 contre 1006 en 2020. Dans les sciences de l’environnement, 369 publications en 1996 contre 3980 en 2020. En physique et en astrophysique, 588 publications en 1996 contre 5675 en 2020. Dans le domaine des énergies, 157 publications en 1996 contre 2335 en 2020. Dans les sciences médicales, 2873 publications en 1996 (24e rang mondial) contre 21840 en 2020 (15e rang mondial). Dans les mathématiques, 294 publications en 1996 (34e rang mondial) contre 4796 en 2020 (17e rang mondial). En chimie, 617 publications en 1996 (31e rang mondial) contre 4736 en 2020 (18e rang mondial). Dans le domaine de l’ingénierie, 739 publications en 1996 (30e rang mondial) contre 9523 en 2020 (20e rang mondial). Dans les domaines des arts et des sciences humaines, 40 publications en 1996 contre 1477 en 2020. En psychologie, 30 publications en 1996 contre 1088 en 2020.

   Dans tous les domaines académiques confondus, la Turquie a enregistré 59027 publications (18e rang mondial), contre 5819 publications en 1996 (sous le régime kémaliste et laïc, occupant la 26e place à une époque où de nombreux pays étaient encore arriérés ou étant à peine en voie de développement comme la Chine, le Brésil, etc.)[1]. En 2015, avant l’année de la tentative du coup d’Etat donc, la Turquie enregistrait 44885 publications (18e rang mondial), et en 2020, occupe toujours le même rang, mais ayant augmenté tout de même considérablement le pourcentage (+ de 30%) de publications totales, 14 142 publications de plus sur une même année par rapport à 2014, ce qui n’est pas négligeable, tout en faisant face aux sanctions américaines et européennes, aux pressions et attaques terroristes ou d’autres pays.

   Ainsi, la Turquie aujourd’hui enregistre 10 fois plus de publications qu’en 1996, et cela, sans compter les dizaines de milliers de Turcs qui publient leurs travaux en Allemagne, aux Etats-Unis, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Suède, etc. A noter que l’Iran occupe très souvent une très bonne position aussi, devançant de nombreux pays européens malgré les lourdes sanctions économiques qui affectent considérablement le pays. En 2020, plusieurs pays musulmans devançaient ainsi de nombreux pays occidentaux en matières de recherches et de publications : l’Iran (74440 publications ; 16e rang mondial), Turquie (59027 publications ; 18e rang mondial, devant la Belgique, la Pologne, Taïwan et la Suède), Indonésie (50145 publications ; 21e rang mondial), la Malaisie (39166 publications ; 24e rang mondial), l’Arabie Saoudite (38718 publications ; 25e rang mondial), l’Egypte (32323 publications ; 30e rang mondial), le Pakistan (30453 publications ; 32e rang mondial) devançant tous des pays comme la Norvège, Israël, la Finlande, la Grèce, l’Irlande, l’Ukraine, la Hongrie, la Roumanie, le Luxembourg, l’Islande, l’Arménie, …

   Pour pratiquement l’ensemble des pays musulmans, on observe une croissance considérable en termes de publications scientifiques par rapport aux années 1990. Ainsi le Maroc (829 publications en 1996 contre 10403 en 2020), la Tunisie (455 publications en 1996 contre 8890 en 2020), l’Algérie (371 publications en 1996 contre 8534 en 2020), le Kuwait (615 publications en 1996 contre 2603 en 2020), le Qatar (70 publications en 1996 contre 5733 en 2020), les Emirats arabes-unis (414 publications en 1996 contre 11363), la Jordanie (449 publications en 1996 contre 6849 en 2020), le Liban (272 publications en 1996 contre 4771), le Sultanat d’Oman (177 publications en 1996 contre 2805 en 2020), le Bahreïn (126 publications en 1996 contre 1145 en 2020), le Bangladesh (537 publications en 1996 contre 9357 en 2020) et d’autres pays musulmans, ont connu une progression considérable (et parfois, dépassant le fois 20 dans certains cas !) et contribuent activement à la recherche scientifique, aux domaines de l’art, des sciences humaines et de la psychologie[2].

   Pour les nanotechnologies, l’Iran se classe 4e avec 11546 publications (juste après la Chine, les USA et l’Inde, et devant la Corée du Sud, l’Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni). L’Arabie Saoudite se classe 11e avec 5138 publications (devant l’Australie, l’Espagne, l’Italie, le Brésil et le Canada), l’Egypte 17e avec 3887 publications, la Turquie 18e avec 3538 publications, le Pakistan 19e avec 3475 publications (devant Taïwan et la Pologne), la Malaisie se classe 22e avec 2595 publications (devant Singapour, le Vietnam, les Pays-Bas, la Belgique, etc.)[3].

   De façon générale, il faut aussi noter que des pays comme l’Inde, la Russie, la Chine, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et la France, peuvent compter aussi sur une forte population active musulmane ou « étrangère/immigrée » dans les publications académiques. En effet, les Maghrébins et les Turcs sont très présents en Allemagne, en Belgique, en France et aux Pays-Bas, les Iraniens sont très présents en Allemagne et aux Etats-Unis, les Pakistanais sont nombreux au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, etc. La Chine, l’Inde et la Russie comptent aussi une importante minorité musulmane autochtone (entre 5 et 20% en Chine, entre 15 et 25% en Inde, entre 20 et 30% en Russie).

L’histoire se déroulant de façon cyclique, les choses changent, et les situations finissent par s’inverser.


[1] Voir les rapports et données du Scimago Journal & Country Rank (SJR) de 2020 : https://www.scimagojr.com/countryrank.php?year=2020

[2] Ibid.

[3] “2020’s Statistical Review on Nanotechnology Publications”, Stat Nano, 7 janvier 2021 : https://statnano.com/news/68509/2020%E2%80%99s-Statistical-Review-on-Nanotechnology-Publications

  

  



Be the first to comment “L’état de la recherche scientifique et le monde musulman aujourd’hui”