Le renouveau islamique passera essentiellement par quelques pays musulmans

Depuis un peu plus d’un demi-siècle, la pensée islamique a connu un renouveau important, – après une période de profonde décadence intellectuelle depuis le 19e siècle – provenant essentiellement du Pakistan, de la Turquie, de l’Iran, de l’Indonésie et de la Malaisie, mais aussi de certains intellectuels musulmans d’Europe (René Guénon, Martin Lings, Titus Burckhardt, Charles-André Gilis, Jean-Louis Michon, …) et du monde arabe et maghrébin (comme Malek Bennabi, Mustafa Mahmûd, Hamza Benaïssa, Taha Abdarrahman, Hamza M. Abdelhaqq, Inès Safi, Mohammed Taleb le journaliste scientifique et philosophe algérien, …). Il s’agit d’intellectuels de haut niveau, très attachés à l’Islam, possédant une vaste culture générale et qui sont très critiques de la modernité et de ses dérives. Nombreux déjà sont les musulmans qui se nourrissent de leurs œuvres et qui contribuent à repenser les défis contemporains tout en connaissant les principes islamiques et les idéologies occidentales.

Peu de gens le savent également à propos de la Turquie, mais le Président turc Erdogan est entouré d’intellectuels intéressants, qui ont beaucoup lu et travaillé sur les questions liées à la modernité et à la Tradition. 

Citons notamment Yalçın Akdoğan, vice-premier ministre de Turquie de 2014 au 24 mai 2016 qui connait bien l’œuvre de Guénon et de Seyyed Hossein Nasr : « Yalçın Akdoğan, on the other hand, admitted he had read most about conservatism, human rights and philosophy of freedom in the 2000s, naming Rene Guenon and Seyyed Hossein Nasr as his favorite writers » (“Like father, like son: Aides explain how to handle angry Erdoğan”, Hurriyet Daily News, 27 avril 2015 : https://www.hurriyetdailynews.com/like-father-like-son-aides-explain-how-to-handle-angry-erdogan-81597).

İbrahim Kalin, – actuel conseiller et porte-parole du président turc – qui est un spécialiste de Mullâ Ṣadrâ, de Ibn Arabî, al-Ghazâlî, Rûmî, Yunus Emre, etc., et qui a écrit plusieurs livres sur l’histoire des sciences, la philosophie et la métaphysique chez les auteurs musulmans.

Selon Seyyed Hossein Nasr lui-même : « L’émergence de nouveaux intellectuels musulmans annonce une nouvelle période de la civilisation musulmane qui intériorise des concepts appartenant à un autre système de valeurs pour les intégrer à la pensée islamique, dépassant ainsi une simple logique d’imitation de l’Occident. (…). Il y a cinquante ans, il n’y avait que deux types d’intellectuels dans le monde islamique. Le premier type était celui des oulémas − des grands spécialistes de la langue arabe, de théologie et de la loi islamique − et l’autre type d’intellectuels était ceux qui étaient totalement occidentalisés. Mais Dieu ne figure pas dans la pensée scientifique occidentale. Or 50 ans plus tard, maintenant, nous avons un certain nombre de jeunes intellectuels en Turquie, en Malaisie, en Indonésie, en Iran, au Pakistan – ils sont surtout dans ces cinq pays. Même quand ils écrivent sur Derrida et Heidegger, ils essaient de le faire à partir de la perspective d’une tradition musulmane. C’est un très, très bon signe » (“Seyyed Hossein Nasr : « Nouveaux intellectuels musulmans : dépassons l’imitation de l’Occident »”, Saphirnews, 17 août 2010 : https://www.saphirnews.com/Seyyed-Hossein-Nasr-Nouveaux-intellectuels-musulmans-depassons-l-imitation-de-l-Occident_a11748.html).

Un excellent article écrit par Daoud Riffi à propos de Seyyed Hossein Nasr, – qu’il nous a été donné de lire il y a quelques mois déjà -, paraitra officiellement fin mars inchaAllâh prochainement dans une revue spécialisée.

En Turquie, l’œuvre de René Guénon a été étudiée et transmise à travers des intellectuels comme Hilmi Ziya Ülken, Mustafa Tahralï, Sadïk Kïlïç, Mahmûd Erol Kïlïc, Osman Türer et d’autres.

Pour ceux qui connaissent un peu le monde académique turc, ce que dit Nasr est tout à fait vrai ; il y a énormément d’intellectuels musulmans de haut niveau, très attachés à l’islam et en même temps très critiques de la modernité et de ses dérives. Malheureusement ils demeurent encore peu connus et sont rarement traduits dans d’autres langues, mais la même chose vaut aussi pour des intellectuels iraniens, pakistanais et malaisiens, bien qu’en anglais il est possible de trouver plusieurs de leurs ouvrages.

Le monde musulman gagnerait à compter parmi ses ministres, députés et intellectuels du pouvoir, des auteurs lucides par rapport aux dérives de la modernité, de l’importance de la spiritualité musulmane pour combattre le fanatisme idéologique, le sectarisme confessionnel, la mentalité consumériste et les comportements grossiers qui ont parfois cours dans le monde musulman.

En plus de l’apprentissage des sciences islamiques traditionnelles à travers les références anciennes de la civilisation islamique (comme Al-Ghazâlî, As-Suyûtî, An-Nawawî, Ibn Hajar al Haytâmî et Al-Asqalânî, Zakariyya al-Ansarî, Jâlal ud-Dîn Rûmî, Ibn Abidîn, Murtadâ Az-Zubaydî, Al-Qarafî, Fakhr ud-Dîn ar-Râzî, …) et des maîtres spirituels de la tradition islamique, les musulmans doivent se pencher sur une étude critique des idéologies modernes pour mieux en saisir les dangers, les limites et les impasses, – dont les crises successives mondiales en sont la parfaite illustration -.


Be the first to comment “Le renouveau islamique passera essentiellement par quelques pays musulmans”