Le Califat est un système politique ayant succédé à la gestion prophétique des affaires politiques de la communauté musulmane et des communautés non-musulmanes vivant sous la responsabilité des autorités musulmanes.
Ses successeurs immédiats, à savoir ses proches compagnons Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Alî, qui furent alliés des uns des autres, et qui vécurent des moments difficiles avec le Prophète en le soutenant de façon active, furent non seulement agréés par le Prophète (de nombreux éloges et des signes les désignant comme étant des compagnons dignes de confiance pour gérer les affaires de la Ummah après sa mort), mais aussi soutenus et « approuvés » par l’élite des autres compagnons (via la consultation), la famille du Prophète (comme Ibn ‘Abbâs, Fatima concernant l’élection d’Abû Bakr, Al-Hassân, Al-Hussayn, etc., ainsi que ses épouses) et les autres musulmans. N’étant pas au-dessus des lois (islamiques) par rapport aux citoyens, ils se devaient même d’être irréprochables et plus durs envers eux-mêmes qu’à l’égard de leurs administrés. Le califat était alors la meilleure modalité politique pour l’époque, avec les proches compagnons comme dirigeants justes, pieux et clairvoyants. Par la suite, la lumière prophétique qui irriguait le califat des califes bien-guidés diminua lorsque les autres dirigeants (après le court califat de l’imâm Al-Hassân, – ‘alayhî salâm -) s’éloignèrent de l’éthique islamique, tout en continuant de renforcer paradoxalement la puissance de l’Islam et traitant relativement bien les non-musulmans, souvent mieux traités que les musulmans récalcitrants aux dérives des autorités politiques.
Le Califat, symbolisant la gloire de l’Islam, la puissance, l’unité, la
solidarité et la Lumière de l’Islam pour l’ensemble des musulmans, était donc
en pleine conformité avec l’esprit du Qur’ân et les impératifs de l’époque.
Malgré l’absence des détails dans le Qur’ân et dans la Sunnah sur les
obligations liées aux modalités politiques, la majorité des juristes y ont vu
une sorte d’obligation ou de très forte recommandation.
Néanmoins, quelques siècles plus tard, le monde musulman était déjà fortement
divisé en plusieurs entités et courants ne se reconnaissant pas dans le modèle
politique de leurs rivaux. La vérité est donc que, le Califat qui fut une noble
institution politique, fut élaboré selon les réflexions éclairées des
compagnons et des successeurs de l’époque, tout en se conformant aux préceptes
islamiques. A notre époque, d’autres modalités politiques existent, et comme
l’ont dit certains spécialistes comme l’éminent Shaykh Muhammad al-Hassân
Ad-Dedew as-Shinqitî, ce qui est obligatoire pour le monde musulman, c’est que
chaque nation gouverne par la Shar’îah autant que possible, peu importe la
modalité politique (monarchie, démocratie consultative, république, émirat,
etc.) car c’est ce qu’Allâh a demandé du point de vue religieux. D’un point de
vue des réalités du terrain, il est presqu’impossible de réunir l’ensemble des
musulmans et des nations derrière un seul leader commun (calife), car les
divisions idéologiques, identitaires et politiques sont trop importantes, les
mentalités tribales, racistes et matérialistes ont ressurgi avec une intensité
telle, que, même des nations appartenant à la même culture ethnique ou
linguistique (arabes, turcs, arabo-berbères, africains, perses, …) ne
s’entendent même plus entre eux. Jusqu’à l’apparition de l’imâm Al-Mahdî
(‘alayhî salâm), il semble donc impossible de pouvoir réaliser le « retour
du Califat », ce qui ne doit pas pousser les musulmans au fatalisme et à
l’inaction. Réformer les sociétés musulmanes à tous les niveaux à la lumière
des préceptes islamiques (en conformité avec tous les principes qurâniques) est
une nécessité en même temps qu’une obligation religieuse, selon les méthodes
qui conviennent, par l’intelligence, la douceur, la compassion, l’éducation, la
formation d’une élite intellectuelle (acquise à la piété religieuse et à la
spiritualité islamique) et la mise en place progressive des institutions
islamiques (économiques, médiatiques, politiques, éducatives, sanitaires,
etc.).
Ce qui est techniquement réalisable, c’est de former une union
« mondiale » des nations musulmanes, favorisant un espace économique
commun, une alliance militaire dissuadant les nations non-musulmanes d’envahir
ou de déstabiliser une nation musulmane, des échanges culturels et des accords
énergétiques ainsi que des partenariats scientifiques pour développer le monde
musulman. Le monde musulman est capable de produire déjà des drones, des tanks,
des voitures, des bus, des constructions immobilières, des navires, des avions,
des téléviseurs, des logiciels, des smartphones, des produits électro-ménagers,
des équipements médicaux, des composants électroniques, du textile, exploiter
les énergies renouvelables, etc., et regorge d’ingénieurs, de physiciens, de
chimistes, etc. travaillant au plus haut niveau scientifique. Des pays comme la
Turquie, l’Iran, le Pakistan, la Malaisie, l’Indonésie, l’Egypte, le Qatar et
d’autres, s’ils s’unissaient pour élaborer un espace commun, rien que par
rapport aux ressources énergétiques, à la démographie (population totale) et à
la production scientifique, il serait déjà possible de réaliser de grandes
choses, tout en collaborant avec des pays non-musulmans « amis » qui
n’ont pas ou plus de visée impérialiste sur le monde musulman (comme le Japon,
la Corée du Sud, etc.) sur plusieurs projets d’envergure. De même, il est
important d’investir dans la nanotechnologie (l’Iran, la Turquie et l’Arabie
Saoudite sont dans le classement des meilleurs pays dans ce secteur en 2018 par
exemple) et l’informatique, pour assurer l’indépendance à ce niveau-là, et
éviter l’espionnage, le piratage et les sanctions économiques imposées par des
nations comme les Etats-Unis.
Le renforcement de l’économie, l’indépendance énergétique et militaire, la
préservation des écosystèmes, l’éducation des jeunes, le développement
d’infrastructures pour assurer des conditions de vie décentes et un bon niveau
éducatif dans le monde musulman, relèvent de la nécessité qu’il est
indispensable de développer pour assurer la stabilité et la cohésion du monde
musulman.
Mais cela ne sera possible, sur le plan politique, qu’en nettoyant les
institutions politiques des pays musulmans, des dictateurs ennemis de l’Islam,
des traitres et des agents travaillant pour des nations étrangères qui ne
veulent pas l’indépendance du monde musulman. Par rapport aux musulmans sur le
plan individuel, tout un travail pour les sensibiliser aux enjeux politiques,
aux priorités de notre temps, à l’éthique islamique, aux finalités de la Loi, à
l’éducation spirituelle et à l’union sur les fondements de la foi (piliers de
l’Islam et les piliers de la foi) doit être mené sur de nombreuses années pour
réformer les mentalités, et préserver les nouvelles générations du terrorisme,
du sectarisme, du racisme, du tribalisme et des idéologies modernes qui
détruisent la planète et ravagent nos sociétés.
Les impasses, échecs et dérives du sécularisme et du « fanatisme »
(réel, pas celui inventé et déformé par les médias de masse) doivent nous faire
comprendre, que, notre « salut » et que nos « solutions »,
ne résident pas dans les idéologies ou les institutions modernes, ni dans les
parodies « religieuses » qui misent tout sur une forme superficielle
dissimulant une absence de spiritualité et d’éthique, et que cela nous ramène
donc, pour le monde musulman, aux principes qurâniques modelant la spiritualité
traditionnelle de nos maîtres spirituels, avec les nécessités et priorités de
notre temps, qui réadapteront, le fiqh, selon les mentalités et conditions
contemporaines, en conformité cette fois-ci, avec les finalités de la Shar’îah
et ses fondements, pour éviter un fiqh desséché et moribond, tout comme pour le
réformisme libéral qui conduit à un relâchement moral qui vide la société de
toute spiritualité et relation au Sacré et au bien commun.