L’analyse critique de l’eschatologie comme moyen de revenir à l’essence de l’Islam

 L’eschatologie est une science en Islam, tout d’abord en tant que méthode pour dissocier les véritables paroles prophétiques (1), des récits apocryphes ou des isrâ’îliyyâtes qui se sont mêlés aux paroles prophétiques au fil du temps, ensuite comme vision et moyen permettant de mieux comprendre le Réel, et les écueils à éviter pour ne pas tomber dans une mentalité déviante ou dans un courant problématique.

Une fois le tri effectué, ce sont au moins des centaines de ahadiths dans ce domaine (2), qui sont traçables jusqu’au Prophète, de façon sahîh ou hassân, et parfois aussi dâ’îf dans l’isnad mais vrais dans leur énoncé, qui se sont réalisés de la façon qu’il les avait décrite, montrant par là qu’Allâh lui avait réellement fait voir l’avenir à travers des visions véridiques. Cela démontre d’une part la Réalité divine – douée d’Omniscience – et le fait qu’Il communique réellement des informations à Ses Prophètes et Messagers, et d’autre part, que Muhammad (ﷺ) est un véritable Prophète, ayant bien communiqué la Parole divine et transmis ce qui lui avait été dévoilé concernant le futur de l’Humanité, et plus particulièrement de sa communauté.

Une étude attentive de ce domaine, après avoir trié toutes les informations, et séparer les récits fiables des récits apocryphes ou trop déformés par les rapporteurs au fil du temps, permet de dégager un aperçu global et fiable, correspondant clairement à notre époque. Cela permet aussi de savoir quel était l’Islam enseigné par le Prophète (ﷺ), et comment réagir aux épreuves et troubles de notre temps.

Ce que l’on apprend de ce domaine, c’est qu’il y a d’une part les événements qui surviendront, qui ne seront ni mauvais ni bénéfiques en soi mais qui suivront le cours normal du temps et des choses – comme l’innovation technologique -, et d’autre part, les signes de la déchéance et de la décadence, qui eux, sont associés à des pratiques et mentalités qui sont dénoncées par le Prophète (ﷺ), et donc par l’Islam.

Parmi ces signes, l’apparition et/ou la montée des khawarij, des terroristes, des meurtriers, des rigoristes, des fanatiques, de l’athéisme, de l’esclavagisme sous ses différentes formes, le racisme, le consumérisme, le capitalisme, le matérialisme, le scientisme, le racisme, l’individualisme, l’égoïsme, les déviances sexuelles et mentales autour des mouvements LGBTQ et des travestis (les hommes imiteront les femmes dans ce qui leur est spécifique et les femmes imiteront les hommes dans ce qui leur est spécifique), les dérèglements climatiques, l’escroquerie financière à grande échelle et l’endettement mondial des peuples (par rapport au rîba), le mauvais comportement envers les femmes, les époux, les enfants, les parents, les voisins, etc., l’augmentation des escroqueries et arnaques à l’échelle individuelle et le refus de verser la zakâh, le grand gaspillage, la mentalité tribaliste et identitaire, la mentalité sectaire, la décadence et la corruption des autorités politiques et publiques et l’anarchie ainsi que le manque de respect envers l’autorité de façon générale, la propagation de l’alcoolisme, de l’adultère et de la fornication, les tueries de masse, les femmes dévêtues et impudiques (portant des vêtements indécents liés à la mode décadente) et le manque de pudeur et de décence chez de nombreux hommes, le fait que les droits des femmes seront négligés ou bafoués et qu’à leur tour elles seront sources de troubles et de dérives chez les hommes, le manque d’amour et de miséricorde – rahma – dans le cœur de nombreuses personnes y compris des pouvoirs politiques et de leurs agents -, la propagation de la corruption et de la tyrannie dans les systèmes politiques, les querelles sectaires et intestines au sein de la Ummah, les extrêmes que sont le rigorisme, l’imposture des charlatans et les ignorants suivant leurs passions et opinions erronées qui parleront au nom de la Religion ou sur la Religion, la montée de l’ignorance en matière de Science sacrée et de Religion et la disparition des grands savants au profit d’une surabondance de simples prédicateurs, une vague importante d’apostasie, la présence de Musulmans qui calomnieront et insulteront les Compagnons et leurs disciples, l’éloignement de la spiritualité et le fait de blâmer les maîtres spirituels qualifiés et authentiques, le suivisme aveugle des masses envers les charlatans, la montée des courants extrémistes et rigoristes surfant sur l’ignorance des gens, etc., ce qui correspond à l’actualité, où beaucoup de Musulmans ont été influencés négativement par le salafisme et l’orientalisme dans leur opposition du Tasawwuf orthodoxe, pour se laisser tromper, par ignorance, par le salafisme (apparu au 18e siècle) et l’orientalisme, ayant surfé sur ce genre de préjugés et de subterfuges, pour détourner les Musulmans du Qur’ân, de la Sunnah purifiée, du Tasawwuf et de la sagesse traditionnelle. Beaucoup d’orientalistes malveillants, ainsi qu’islamophobes, ont d’ailleurs souvent vu le Tasawwuf comme leur principal ennemi. Car si l’appartenance à l’Islam transcende théoriquement les différences ethniques, linguistiques, culturelles et politiques des différents pays musulmans, c’est surtout par le Tasawwuf (qui est le cœur et le sommet des degrés de l’Islam, englobant l’adab, la métaphysique, l’éthique, l’éducation spirituelle, etc.) que dans la pratique, ces rivalités ou hostilités s’effacent ou s’amoindrissent pour laisser place à l’amour, à la fraternité et à la sagesse qui unissent les croyants, les préservant des nombreuses tares du racisme, de l’oppression, du suprémacisme sectaire, du tribalisme, de la misogynie, du sectarisme, du fanatisme, etc.

Tout cela indique que l’Islam enjoint le Tawhid, la spiritualité, la science utile, la connaissance bénéfique, la sagesse, la justice, la bonté, la compassion, la charité, la solidarité, le soutien des opprimés, etc. et interdit formellement le terrorisme, la délinquance, la criminalité, le fanatisme, le rigorisme, l’esclavagisme, le tribalisme, le sectarisme, la violence aveugle, la misogynie ou la misandrie, la maltraitance envers les épouses ou les époux, les parents ou les enfants, la nuisance envers les voisins ou son prochain, la pédophilie et la zoophilie, l’injustice envers les non-Musulmans, la pollution de l’environnement et la violence ou la souffrance gratuites contre les animaux, etc.

C’est tout cela l’Islam, en même temps que les 5 piliers de l’Islam, les 6 piliers de la foi, reconnaitre que le Qur’ân est la Parole divine, que le Prophète Muhammad est un modèle à suivre dans toutes les qualités morales et vertus spirituelles qu’il a manifestées, en accord avec le Qur’ân et la Sunnah mutawatir – contrairement aux ahadiths douteux ou apocryphes qui lui ont été imputés -, et c’est le bon comportement, la pudeur, la droiture, le sens de la justice, la compassion et l’amour bienveillant envers Sa Création, qui constituent le noyau et l’essentiel du Message islamique et prophétique, et tout ce qui viendrait contredire ces éléments, doivent donc être vus comme suspects ou faux, qu’il faut délaisser ou catégoriquement rejeter.

  L’imâm et Hujjat al-Islâm (Preuve de l’Islam) Abû Hâmid al-Ghazâlî (m. 505 H/1111) (3) a dit dans son Ayyuha l-Walad (Lettre au disciple) : « Sache que le Tasawwuf, c’est 2 choses : la véracité (droiture et véridicité) avec Allâh Tout-Puissant et la longanimité (teintée d’indulgence, de compassion et de patience) envers les gens. Le Süfi est celui qui est véridique et droit envers Allâh et qui adopte la meilleure façon de se comporter avec les gens : il les traite avec bonté, et se montre patient avec eux. La rectitude consiste à soumettre les désirs de son âme aux ordres d’Allâh. Bien se comporter avec les gens signifie ne pas les contraindre à se plier au bon vouloir de ton âme, mais la soumettre plutôt à leur vouloir tant qu’ils ne dérogent pas à la Loi sacrée. Tu m’as interrogé sur la servitude totale à Allâh (al- ‘ubûdiyya). Sache qu’elle consiste à observer les préceptes de la Loi, à être satisfait du Décret divin et du destin qu’Il a établi, et à renoncer à sa propre satisfaction pour chercher l’agrément d’Allâh. Tu m’as interrogé sur la confiance et l’abandon en Allâh (at-tawakkûl). Sache donc que tu dois avoir une foi totale en la promesse d’Allâh, c’est-à-dire croire fermement que ce qu’Il t’a destiné s’accomplira inéluctablement, quand bien même tous les êtres de la terre s’uniraient pour l’empêcher, et que ce qui ne t’a pas été destiné ne t’atteindra jamais, quand bien même l’univers entier t’aiderait pour te le faire parvenir ».

  Le Shaykh ul Islâm et Imâm ‘Abd al-Qâdir al-Jilânî (m. 561 H/1166) (4) résumait en somme l’Islam de cette façon dans ses Sermons spirituels : « 𝐴𝑡𝑡𝑎𝑐ℎ𝑒𝑧-𝑣𝑜𝑢𝑠 à 𝑙𝑎 𝑟é𝑎𝑙𝑖𝑡é 𝑑𝑒 𝑙’𝐼𝑠𝑙𝑎𝑚 𝑞𝑢𝑖 𝑒𝑠𝑡 𝑑𝑒 𝑠’𝑎𝑏𝑎𝑛𝑑𝑜𝑛𝑛𝑒𝑟 𝑒𝑛 toute 𝑐𝑜𝑛𝑓𝑖𝑎𝑛𝑐𝑒 à 𝐴𝑙𝑙âℎ. 𝐶𝑜𝑚𝑝𝑎𝑡𝑖𝑠𝑠𝑒𝑧 𝑎𝑢𝑗𝑜𝑢𝑟𝑑’ℎ𝑢𝑖 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑙𝑒𝑠 𝑐𝑟é𝑎𝑡𝑢𝑟𝑒𝑠 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑞𝑢𝑒 𝑑𝑒𝑚𝑎𝑖𝑛 𝐴𝑙𝑙âℎ 𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑝𝑟𝑒𝑛ne 𝑒𝑛 𝑆𝑎 𝑚𝑖𝑠é𝑟𝑖𝑐𝑜𝑟𝑑𝑒. 𝑆𝑜𝑦𝑒𝑧 𝑚𝑖𝑠é𝑟𝑖𝑐𝑜𝑟𝑑𝑖𝑒𝑢𝑥 𝑒𝑛𝑣𝑒𝑟𝑠 𝑐𝑒𝑢𝑥 𝑞𝑢𝑖 𝑠𝑜𝑛𝑡 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑎 𝑇𝑒𝑟𝑟𝑒 (c’est-à-dire dans ce bas-monde) 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑞𝑢𝑒 𝐶𝑒𝑙𝑢𝑖 𝑞𝑢𝑖 𝑒𝑠𝑡 𝑎𝑢 C𝑖𝑒𝑙 𝑠𝑜𝑖𝑡 𝑚𝑖𝑠é𝑟𝑖𝑐𝑜𝑟𝑑𝑖𝑒𝑢𝑥 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑣𝑜𝑢𝑠 ». La dernière phrase est issue d’un hadith rapporté par plusieurs voies notamment par al-Bukharî dans al-Adab al-Mufrad, Ahmad dans son Musnad, At-Tirmidhî dans ses Sunân, Al-Hakim dans Al-Mustadrak, etc.

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit en effet : « Le Tout-Miséricordieux et Rayonnant d’Amour (Allâh) accordera Sa Miséricorde et Son Amour rayonnant (d’un degré particulier) à ceux qui font preuve de miséricorde et d’amour rayonnant envers les autres. Faites miséricorde aux êtres peuplant la terre, (car) Celui qui est au Ciel (c’est-à-dire Celui qui transcende la terre et les cieux et qui les domine) vous accordera Sa Miséricorde et Son Amour rayonnant » (5).

Le Shaykh Al-Munawî a dit dans son Fayd al-Qadîr (hadith n°4489) : « Il s’agit ici de ceux qui font miséricorde à tous les êtres peuplant la terre – qu’ils soient humains ou animaux – en faisant preuve d’empathie, en étant bienfaisants à leur égard et en s’abstenant de tout mal à leur encontre … Le gnostique al Bûnî a dit : « Si tu aspires à la Miséricorde divine, fais preuve de miséricorde envers toi-même et envers les autres : fais miséricorde à l’ignorant en lui accordant de ta connaissance ; à celui qui est rabaissé en lui faisant profiter de ta notoriété ; au pauvre en lui donnant un peu de tes richesses ; à la personne âgée et au jeune enfant en te montrant doux et indulgent envers eux ; au pécheur en priant pour lui ; à la bête de somme en en prenant soin et en la préservant de ta colère. L’homme le plus proche de la Miséricorde divine est celui qui est le plus miséricordieux envers les créatures ». Dans al-Futûhât al-Makkiyya, Ibn ‘Arabî écrit : « Le Très-Miséricordieux demande à l’être humain de commencer par faire miséricorde à son âme. En effet, celui qui fait preuve de miséricorde envers son âme la pousse vers la guidée et la préserve de sa passion. Ce faisant, il fait miséricorde à son « plus proche voisin » et à une réalité qui a été créée à l’image d’Allâh. Il accomplit, de la sorte, deux biens simultanément » (…) ».


Notes :

(1) Ces ahadiths sont présents dans de nombreux recueils de ahadiths, parmi lesquels le Sahîh d’Al-Bukhari ainsi que celui de Muslim, Ibn Hibbân, Khuzayma et d’autres, le Musannaf d’Abd ar-Razzâq et celui d’Ibn Abi Shayba, le Mustadrak d’Al-Hakim, les Masânid des imâms Ahmad, Al-Bazzâr, Abû Ya’la, Al-Daylamî et d’autres, les Sunân d’At-Tirmidhî, Ibn Mâjah, An-Nasâ’î, Al-Bayhaqî, dAbû Dâwûd, Ad-Daraqutnî et d’autres, ainsi que les recueils d’Al-Khatib al-Baghdadî, As-Sulâmî, Al-Kindi, Ibn ‘Asâkir, Ibn al-Athîr, Al-Qurtûbî, At-Tabarânî, Ibn Kathîr, Ibn Abi ad-Dunya, Nu’aym Ibn Hammad et d’autres.

(2) Et d’autres ahadiths, eux aussi pertinents, mais pas toujours très explicites, qui demandent donc à être interprétés à la lumière de nos observations, et par des personnes qualifiées et clairvoyantes, comme l’a précisé le Prophète, et ce afin d’éviter les manipulations des uns et les mauvaises interprétations des autres. Les divergences d’interprétation existent donc pour ce genre de ahadiths, sachant que plusieurs interprétations sont aussi justes et possibles, s’enrichissant mutuellement et ne s’excluant nullement, de la même manière que de nombreuses données historiques, psychologiques, économiques et scientifiques font elles aussi l’objet de divergences d’interprétation parmi les historiens, les psychologues, les économistes et les scientifiques.

(3) L’imâm Al-Ghazâlî, comme l’imâm Al-Jilânî qui lui « succéda », furent des mujtahidîn dans le fiqh, d’éminents théologiens, logiciens et exégètes, ainsi que de grands Sûfis et maîtres spirituels, et furent considérés comme faisant partie des mujadiddîn (revivificateurs de la Religion). Le Hâfiz Ad-Dhahabî a dit dans Siyar A‘lâm an-Nubalâ’ (19/346) : « Le Shaykh, l’imâm, l’Océan, la Preuve de l’Islam, la merveille de l’époque, Zayn ad Dîn Abû Hâmid Muhammad ibn Muhammad ibn Muhammad ibn Ahmad at Tûsî, As Shafi’î, al Ghazâlî, l’auteur de nombreux ouvrages, et d’une intelligence hors du commun (…) ».

(4) L’imâm An-Nawawî dit de l’imâm Al-Jilânî dans son Bustân al-Arifîn : « Nous n’avons jamais connu quelqu’un de plus digne que le Shaykh Muhyi al-Din ‘Abd al-Qâdir al-Jilanî de Baghdâd, qu’Allâh l’agrée, le Shaykh des Shafi’ites et des Hanbalites à Baghdâd ». Et il était un mujtahid selon les 4 écoles de fiqh sunnite, ainsi qu’un éminent théologien, muhhadith, exégète du Qur’ân, logicien et métaphysicien. L’imâm Ad-Dhahabi (élève du Shaykh Ibn Taymiyya) a dit à son sujet dans son Siyâr A’lâm An-Nubalâ : « Le Shaykh `Abd Al-Qâdir (Al-Jîlânî), le Shaykh, l’imâm, le savant, le zâhid (ascète), le connaissant, le modèle, le Shaykh de l’islâm, l’emblème des awliyâ’ (saints), le hanbalite, le Shaykh de Baghdâd. Je (Ad-Dhahabi) dis qu’il n’en est aucun parmi les grands Shaykhs qui ait plus d’états spirituels et de prodiges (karâmat) que le Shaykh ‘Abd Al-Qâdir (…) ».

(5) Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân selon plusieurs variantes ayant le même sens, n°1922 selon Jarîr Ibn ‘Abdullâh, n°1924 selon ‘Abdullah Ibn ‘Amr et d’autres, par des chaines sahîh et hassân.


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