Fiqh – L’analogie entre la médecine et le fiqh (droit musulman) est-elle pertinente ? Entre autodidactisme déficient et sacralisation aveugle des savants

Dans les débats contemporains, où l’illusion de la « libre pensée » est confondue avec le règne de l’ego (« moi je, moi je ») où les gens s’improvisent spécialistes sans même avoir des bases solides et des références fiables dans ladite discipline, il convient d’analyser les arguments des différents protagonistes. Ainsi, du côté des juristes et des médecins, on parle souvent de la nécessité de confier le « savoir juridique » et « l’expertise médicale » à des spécialistes reconnus dans le domaine.

L’analogie avec la médecine est pertinente quand on parle du fiqh, tout comme dans le fait de se référer aux savants de la jurisprudence.  De même, l’analogie est valable quand il s’agit de se référer à une école juridique (ou médicale) reconnue pour son sérieux et sa rigueur, et avoir été peaufinée et travaillée pendant plus de 1300 ans par de nombreux spécialistes de la discipline.

Mais il ne faudrait pas oublier que, par analogie, aussi bien les médecins que les juristes, peuvent commettre des erreurs, s’être basés sur des informations qui étaient jugées fiables mais qui ne l’étaient pas en réalité, – ou encore qui avaient été mal compris sur certains points -, de même que les influences culturelles avaient influencé l’avis d’un certain nombre de juristes, même si ces pratiques pouvaient bien être acceptées, ou en tout cas tolérées, par les populations des époques passées. La même chose s’applique pour les médecins, dont les théories et les méthodes ont évolué tout au long de l’histoire.

Il y a aussi des remèdes ou des précautions d’ordre général en médecine, – l’avis retenu dans chaque école dans le fiqh – qui conviennent à une généralité d’individus, en tout cas dans des contextes et conditions similaires, mais qui ne le sont pas pour un certain nombre d’individus, puisque par l’expérience éprouvée par le temps et l’observation, si un avis ne règle pas les problèmes et ne conduit pas la personne à une meilleure santé physique et spirituelle, rien ne doit l’obliger à continuer à suivre un mauvais traitement, – ou un traitement dont l’inefficacité a été fermement constatée -, ainsi, des exceptions ou des remèdes (avis non-retenus dans le droit des écoles majoritaires) plus appropriés à ses maux ou à sa situation, – surtout s’il est avéré que la personne possède un certain degré d’intelligence, de pondération, de piété et de clairvoyance – doivent être appliqués, sans que l’on doive le mépriser ou le critiquer pour autant, à condition que son caractère « d’exception » ne devienne pas la norme chez des personnes où cela reviendrait à les détourner de la piété, de la foi, de l’humilité, de leur dignité et de leur santé de façon générale. Allâh nous a enjoint de suivre les moyens qui nous conduisent à Lui, c’est-à-dire à Le connaitre, à L’adorer et à nous élever à Lui, tout en nous écartant de ce qui nous en éloigne, – comme les péchés explicites et les vices de l’âme -, et entre ce qui est catégorique et ce qui ne l’est pas, il existe toute une gamme de degrés, de nuance et de divergences, – là où ont divergé les juristes comme les médecins -, et en raison de cette « zone intermédiaire », le respect de la divergence et le bon comportement ont été prescrits par Allâh comme « ordres à respecter » pour les croyants, mais force est de constater que peu de gens font cas de cet esprit de respect, – ou à défaut de tolérance – que nous enjoint pourtant le Seigneur des mondes.

Ainsi, dans le fiqh, celui qui n’a pas étudié suffisamment et qui voudrait s’auto-prescrire des avis (à l’instar des médicaments dans le cadre médical) sans avoir consulté des spécialistes qui auraient pu lui enseigner certains détails ou des subtilités qui ont leur importance (des défauts cachés ou une utilisation précise et non pas générale) mettent non seulement leur vie en danger, mais aussi celle d’autrui. Certains avis anciens ou ceux promulgués par des salafistes extrémistes ou des réformistes, ont entrainé des problèmes majeurs et même terribles, entrainant la mort, la rupture conjugale, la destruction de la cellule familiale, l’alcoolisme, la débauche, etc.

Mais d’un autre côté, même si un avis ancien ou contemporain a été promulgué par une autorité reconnue globalement pour sa science, s’il entraine potentiellement ou systématiquement un méfait certain, le Qur’ân, tout comme la Tradition prophétique, nous enjoignent de ne pas le suivre. Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit à ce sujet : « Ne soyez pas des suiveurs (aveugles). Ne dites pas : si les gens font le bien, nous le ferons aussi, et s’ils se conduisent injustement, nous nous conduirons comme eux. Fixez votre pensée, et décidez que si les gens font le bien, vous le ferez aussi, mais s’ils se conduisent méchamment, vous ne vous laisserez pas entraîner à l’injustice » (Rapporté par at-Tirmidhî dans ses Sunân n°2007).

Tout comme le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit également : « Pas de nuisance, ni à soi-même, ni à autrui » (Rapporté sous l’autorité de `Ubâda Ibn As-Sâmit, et rapporté par Mâlik dans son Al Muwattâ, par Ibn Mâjah dans ses Sunân au chapitre des « Jugements » n°2430, par Ahmad dans son Musnad n°23462, par Al-Bayhaqî dans son recueil n°12224).

Si, en dépit de nos recherches approfondies, de nos méditations du Qur’ân et de la Sunnah, et après avoir consulté l’avis de plusieurs spécialistes, l’avis en question parait incohérent ou contraire aux nobles principes qurâniques et prophétiques, personne ne peut blâmer cette personne d’opter pour un avis moins problématique à bien des égards. En ce sens, le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Consulte ton coeur malgré les avis que te donnent les jurisconsultes » (Rapporté par Al-Bukharî dans son Târîkh sous l’autorité de Wâbisa al-Azdî, par l’imâm Al-Munâwî qui le commente dans son Fayd al-Qadir, et par As-Suyûtî dans al-Jami` al-Saghir mais qui ne se prononce pas sur le degré de son authenticité). Ce hadith peut être pris par des ignorants ou des réformistes déviants comme étant une « caution » pour suivre leurs passions sans se soucier de la Vérité et de la justice, tout comme il peut libérer le croyant sincère des « contraintes » de suivre des avis juridiques étranges qui entrainent plus de maux que de bienfaits, et qui ne sont pas en connexion avec la piété et la justice de l’Islam. Quoi qu’il en soit, le sens de ce hadîth rejoint néanmoins plusieurs versets du Qur’ân ainsi que des ahadiths. Le Shaykh Al-Munâwî dit que ce hadith n’est pas pour le commun des gens qui risque de s’égarer en se fiant à sa subjectivité basée sur un certain nombre d’erreurs et l’ignorance, mais pour celui qu’Allâh a purifié et gratifié par une certaine clairvoyance. Cependant, celui qui n’est pas mujtahid mais qui possède un certain niveau intellectuel, et dont sa vie tend globalement vers la piété, peut comparer les différents avis qui ont opposé les mujtahidins entre eux, et sur le plan éthique tout comme certaines activités socio-artistiques (comme le dessin et le chant par exemple), opter pour l’avis qui se rapproche le plus du Qur’ân, de la justice et de la piété qui en sont les finalités parmi les plus importantes dans l’Islam, contrairement aux avis cultuels où il est toujours plus prudent de se référer à une seule école afin d’avoir une méthodologie cohérente et unifiée, et dont les pratiques ont été étudiées et corroborées par une multitude de preuves et d’éléments, et qui de toute façon, ont été transmises de génération en génération par de nombreuses voies, jusqu’à l’époque des Compagnons du Prophète.

Une autre version de ce hadîth dit « Demande la fatwa à ton cœur, demande la fatwa à ton âme. Le bien est ce à propos de quoi l’âme se tranquillise et le cœur se tranquillise. Le péché est ce qui se trame dans l’âme et qui va et vient dans le cœur, même si on te donne des fatwas sur le sujet » (Hadîth a été rapporté et commenté notamment par An-Nawawî dans son Riyad As-Salihîn, As-Shâtibî dans son Al-I’tisâm 2/153 à 159, par Mullâ Alî al-Qârî dans Mirqâtul mafâtîh 6/45).

Si le « cœur » est tourné vers Allâh et la volonté d’atteindre la piété, il ne suivra pas ses passions, – tout au plus il commettra une erreur excusable -, mais s’il préfère suivre ses émotions, et satisfaire son ego, il suivra alors ses passions. Son “coeur” sera sous l’emprise de sa nafs. Wa Allâhu a’lam.

L’imâm ‘Alî ibn Abû Tâlib (‘alayhî salâm) a dit : « J’ai appris de l’Envoyé d’Allâh, – ‘alayhî salât wa salâm -, les paroles suivantes : « Délaisse ce qui te met en doute en faveur de ce qui ne t’y met point » (Rapporté par Nasâ’î n°5615 et par At-Tirmidhî n°2442 dans leur Sunân). Cela concerne évidemment ce qui est douteux (quelque chose contredisant la ‘aqida bien établie par rapport au Tawhîd et aux Attributs et Noms d’Allâh par exemple, ou dans le fiqh ou la morale, par rapport aux grands péchés et aux bonnes actions).

Et dans la version de at-Tirmidhî et Ahmad (n°1629), le hadith se termine par la phrase suivante : « La sincérité est apaisement et le mensonge est incertitude ».

Et dans un autre hadîth encore : « Le licite est clair et l’illicite est clair. Entre les deux se trouvent des choses douteuses à propos de quoi la plupart des gens ne connaissent pas (la règle). Celui qui se préserve des choses douteuses recherche la préservation dans sa religion et son honneur. Et celui qui tombe dans les choses douteuses, proche est le moment où il tombera dans l’illicite… » (Rapporté par al-Bukhârî dans son Sahîh).

Dans notre compréhension du fiqh, la notion de « réforme spirituelle » revêt une importance capitale, car sans la volonté d’agir pour le mieux, les gens prendront soit l’avis juridique qui convient à leurs passions, soit rejetteront tous les avis comportant une sagesse et une incitation au bien, à la sobriété et à la sagesse.

A ce titre, citons plusieurs ahadîths prophétiques : « Allâh prendra en charge les relations humaines de qui prend soin de sa relation à Allâh, et Il changera la situation extérieure de quiconque réforme son intérieur » (Hadîth rapporté par Al-Hâkim dans son Al-Mustadrak).

Cela fait référence également au célèbre verset du Qur’ân : « Allâh ne modifie pas la condition (situation) de gens qui ne changent pas ce qui est en eux-mêmes » (Qur’ân 13, 11).

Ce verset enseigne que sans réforme spirituelle (intérieure), la situation extérieure ne sera pas « pure et apaisante » tant que la vie intérieure ne sera pas présente. C’est-à-dire que, si une personne souhaite que la justice et la paix règnent dans la vie publique, celle-ci doit fournir les efforts et l’intention de les concrétiser déjà en elle-même, sans quoi, ses paroles contrediront ses actes et seront vaines.

Il en va de même pour celui qui prétend à la spiritualité, à la science et au bon comportement, mais qui n’intériorise pas en lui-même les réalités qu’il évoque dans ses propos. Ces réalités ne se manifesteront donc jamais extérieurement si elles ne se réalisent pas d’abord en lui-même.

Et comment obtient-on la Satisfaction Divine, si ce n’est en réalisant intérieurement et extérieurement le Tawhîd jusque dans sa dimension la plus métaphysique), la piété, la pudeur, la bienfaisance, la bienveillance, l’équité et la justice dans nos convictions, nos propos, nos actions et nos aspirations. En ce sens, le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Pour celui qui a rassemblé ses aspirations en une seule, Allâh les comble toutes » (Hadîth rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân), voilà quels sont les connaissants par Allâh, disait le Shaykh du hadîth et du tasawwuf As-Sulâmî dans sa Risalat al-Malamatiyya (littéralement : l’épitre des gens du blâme). Selon une autre version, ce sont les « sciences » qu’il faut synthétiser ou « faire converger » en une seule aspiration (la satisfaction et la proximité avec Allâh).

Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Lis le Qur’ân tant qu’il réforme ton comportement car s’il ne le fait pas, c’est que tu ne le lis (comprends) pas comme il le faut » (Hadîth rapporté par At-Tabarânî dans son Musnad al-Shâmiyyîn, n°1345).

Cet état de dégénérescence fut prédit dans un hadîth où le Prophète Muhammad (ﷺ) dit : « Lorsque ma communauté fera grand cas de la richesse matérielle, l’Islam perdra son charisme. Lorsque ma communauté ne commandera plus le bien et n’interdira plus (sagement) le mal, elle perdra la Bénédiction d’Allâh en rapport avec la Révélation » (Rapporté par Al Hakîm At-Tirmidhî sous l’autorité d’Abû Hurayra, dans Nawâdir al-usûl).

De nos jours, les sociétés des pays « musulmans », sont revenues, sur certains aspects, à la mentalité pré-islamique (jahiliyya), comme l’esclavagisme (sous de nouvelles formes parfois, même si cela concerne l’ensemble des pays contemporains pour la plupart, y compris en Occident), le racisme, le sexisme, le tribalisme, l’éducation superficielle, le consumérisme, le rigorisme, etc.

Cela peut se déduire aussi du hadith suivant : « L’islam a débuté comme quelque chose d’étrange (rare) elle redeviendra étrange comme elle débuté » (Hadîth rapporté par Muslim dans son Sahîh), et d’autres versions contiennent ce passage supplémentaire : « faites donc la bonne annonce aux étrangers [ndt : les musulmans du juste milieu qui se détacheront de ce bas-monde, et non pas les étrangers au sens géographique] » (Rapporté par At-Tirmidhî, par Ibn Mâjah, également par Ibn Khuzaymah et par Al-Khatîb Al-Baghdâdî et d’autres qu’eux).

Nombreux sont aussi les savants qui maitrisent très bien les règles de leurs écoles, ou même des réformistes hypercritiques qui ont de l’érudition, mais qui pour autant, sont à côté de la plaque en ce qui concerne la pertinence de leurs avis ou la pratique intelligente de la religion. Le Prophète Muhammad (ﷺ) a décrit ce constant lorsqu’il dit : « Combien connaissent les règles religieuses (fiqh) tout en manquant de clairvoyance (laysa bifaqîh) ! » (Rapporté par différents rapporteurs parfois avec quelques petites variantes, comme At-Tabarânî, cf. Kanz al-Ummal n°29004).

Ainsi que : « Peut-être que ceux à qui on transmet la connaissance l’appréhendent mieux que ceux qui la (leur) transmettent » (Rapporté notamment par Ibn Mâjah dans ses Sunân, Kitâb man ballagha ‘ilman, n°243-250) et aussi le hadîth que Al-Bukharî rapporte dans son Sahîh (n°1741) : « Peut-être que celui à qui on transmet (une information ou une science) saisit mieux que celui qui entend directement ».

De façon générale, il y a 3 types d’excès qu’il faut éviter, puisque le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Les justes de chaque génération porteront ce savoir et le préserveront de la déformation des rigoristes, de l’usurpation des imposteurs et de l’interprétation des ignorants » (Rapporté par Tabarî, Tamâm, ‘Adî dans ses Fawâ’id : Ibn al Qayyim dans Miftâh dâr as-sa’âda qui le juge Sahîh, Ibn al Wazîr aussi Sahîh ou Hassan, l’imâm Ahmad le juge Sahîh ainsi qu’Ibn ‘Abd al-Barr, rapporté aussi par al-Bayhaqî dans Sunan al Kubrâ’).

Ce hadith est une invitation à la voie du juste milieu, et à l’interdiction de suivre la voie extrémiste, laxiste (conduisant à la banalisation du mal et des vices, et sur le long terme, à leur propagation), rigoriste ou de ceux qui instrumentalisent la religion à des fins politiques (dans le sens de déformer la religion pour qu’elle cadre avec les intérêts mondains des dirigeants ou des “prédicateurs” hypocrites) ou matérielles, bref, à d’autres fins que celles fixées par la religion, à savoir la vérité et la justice. Certains prédicateurs et étudiants en fiqh ignorent totalement cela, et au lieu d’améliorer la situation, ils l’empirent considérablement.

Mais face à l’excès des rigoristes, il ne faudrait pas tomber dans l’autre excès, qui est de délaisser les savants et de ne point les consulter quand cela est nécessaire ou même toujours recommandé. Le Qur’ân ne dit-il pas : « Demandez aux gens du Dhikr si vous ne savez pas » (Qur’ân 16, 43) ? Il s’agit là d’un conseil universel adressé à tous les gens sincères, et qui s’applique donc également aux musulmans (tout ce qu’Allâh cite dans le Qur’ân concernant les communautés antérieures s’appliquent aussi aux musulmans, sauf s’il existe une indication explicite et une « abrogation » ou une « modification » sur le plan juridique, où Allâh opère une réadaptation politico-juridique dans la Loi Muhammadienne, pour des raisons cycliques, sachant que les aspects contingents de la vie humaine peuvent varier selon le temps et l’espace). Les « ahl ul dhikr » sont ceux qui sont enracinés dans la science sacrée, c’est-à-dire qui ont non seulement connaissance de la science en tant que telle, mais qui cheminent aussi avec piété et humilité vers Lui, et qui rappellent donc Allâh (et les moyens de parvenir à Sa Satisfaction) aux gens. Dans le sens le plus élevé, cela fait référence aux maîtres spirituels qui sont capables d’aider le cheminant à traverser les épreuves de l’existence terrestre et à s’élever spirituellement, de station en station, jusqu’à la Proximité Divine, en s’appuyant sur les fondements de la foi comme sur les fondements du droit et ce qu’il convient à chaque cheminant, de connaitre et d’appliquer selon sa situation, – là où tout musulman doit connaitre au moins tout ce qui doit être nécessairement connu dans la Religion sur le plan doctrinal et la façon dont il doit accomplir les rites obligatoires -.

Cela ne justifie cependant nullement l’argument d’autorité qui ne se fonde pas sur des « preuves évidentes » car Allâh a dit : « Dis : « apportez vos preuves si vous êtes véridiques » » (Qur’ân 2, 111) de même que les versets explicites sont accessibles à la compréhension de tous dans leur sens extérieur : « C’est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre : il s’y trouve des versets sans équivoque, qui sont la base du Livre, et d’autres versets qui peuvent prêter à d’interprétations diverses. Les gens, donc, qui ont au cœur une inclination vers l’égarement, mettent l’accent sur les versets à équivoque, cherchant la dissension en essayant de leur trouver une interprétation, alors que nul n’en connaît l’interprétation, à part Allah. Mais ceux qui sont bien enracinés dans la science disent : « Nous y croyons : tout est de la part de notre Seigneur ! » Mais, seuls les doués d’intelligence s’en rappellent » » (Qur’ân 3, 7), la règle est donc que ce qui est équivoque soit compris à la lumière de ce qui est univoque, catégorique et immuable tels que le Tawhîd, la justice, la piété et l’équité en toute chose, raison pour laquelle des savants ont tenu des discours.
Allâh a dit en effet que : « Allâh ordonne la justice et la bienfaisance et de donner (les biens) aux proches, et Il interdit la turpitude, le blâmable et la tyrannie, ainsi peut-être vous souviendrez-vous (de ce qui est juste) » (Qur’ân 16, 90). Ce verset possède une portée générale, incluant tous les domaines de la vie et toutes les catégories de créatures qui existent ou existeraient dans tous les mondes possibles. Le Shaykh ul islam Ibn ‘Abd As-Salâm, comme le relate Ibn Ashûr dans son ouvrage At-Tahrir wa at-tanwîr (14/260) citant l’ouvrage As-Sîra al-Halabiyya, disait que ce verset constituait une preuve englobant la totalité du fiqh : « Le maître ‘Izz ad-Dîn Ibn ‘Abd As-Salâm a écrit un ouvrage intitulé As-Shajara où il montre que ce verset englobe toutes les prescriptions juridiques de toutes les branches de la jurisprudence », et ce, en dépit des erreurs ou des déviances introduites par certains juristes. Dans le même ouvrage, il est rapporté cette parole du compagnon Ibn Mas’ûd : « C’est le verset du Qur’ân qui a la signification la plus exhaustive » (p. 259 de l’ouvrage de Ibn Ashûr), ce qui est vrai. Sa portée générale est gigantesque et peut concerner l’ensemble des pensées, des actions et des aspirations humaines dans tous les aspects de leur existence.
L’Islam, dans l’idéal qu’il propose, appelle donc à tout ce qui est bénéfique (les intérêts bénéfiques ; al-masâlih) et interdit tout ce qui est concrètement nuisible (les maux ; al-mafâsid).

Dans l’introduction de son ouvrage Qawâ’id al ahkâm (1/8) le Shaykh Ibn ‘Abd as-Salâm rappelle que pour la Loi (réellement islamique) : « L’essentiel des objectifs présents dans le Qur’ân se ramène à ordonner la recherche des intérêts (choses bénéfiques) et de leurs causes, et à blâmer la recherche des maux et de leurs causes ». Et un peu loin (1/11) il rappelle aussi que : « Toutes les injonctions se ramènent à l’intérêt bénéfique des êtres humains dans ce bas-monde et dans l’autre (l’Au-delà) ».

Allâh a dit : « C’est Lui qui a envoyé à des gens sans Livre un Messager des leurs qui leur récite Ses versets, les purifie et leur enseigne le Livre et la Sagesse, car ils étaient auparavant dans un égarement évident » (Qur’ân 62, 2). Le but à atteindre est la purification spirituelle et l’éducation de l’âme, ainsi que la Sagesse. Ceux qui, parmi les musulmans, ne recherchent nullement cela, passent donc à côté des finalités de l’Islâm.

L’essence-même de l’Islam est explicité ici, où Allâh lie le principe immuable du Tawhîd avec la qualité morale (universelle) qui la caractérise, à savoir la bonté d’âme : « Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers vos père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les domestiques sous votre responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36). Comme le dira l’exégète al-Qurtûbî dans son Tafsîr, ce verset ne peut en aucun cas faire l’objet d’une quelconque « abrogation ».

Quant à la Justice, elle est un pilier de la Loi Divine :

« Nous avons effectivement envoyé Nos messagers avec des preuves évidentes, et Nous avons révélé, par leur intermédiaire, l’Écriture et la Balance, afin que les gens établissent la justice » (Qur’ân 57, 25).

« Ô vous qui croyez ! Observez strictement la justice quand vous témoignez devant Allâh, même si c’est contre vous-mêmes, vos parents ou votre famille proche, ou qu’il s’agisse d’un riche ou d’un pauvre » (Qur’ân 4, 135). Il n’est pas permis de cautionner l’injustice, même si nous l’avons-nous-même commis, ou si des proches l’ont commis. La justice prime sur nos liens familiaux, tribaux ou nationaux.

« Et ne laissez point votre haine pour un peuple vous inciter à être injustes. Soyez justes ; cela est plus proche de la piété » (Qur’ân 5, 8).
Si même être injuste envers un peuple qui nous marque de l’hostilité n’est pas autorisé, que dire alors pour nos parents, nos enfants ou la personne qui partage notre vie conjugale ? L’injustice est donc interdite à tous les niveaux.

Tous les juristes musulmans dignes de ce nom sont d’accord pour dire que la Loi Divine repose sur la sagesse, la compassion et la justice, aussi bien ici-bas que dans l’au-delà. A titre d’exemple, citons le juriste hanbalite Ibn al-Qayyim quand il dit dans ses Al-Fawâ’îd : « Les esprits soutenus par l’aide d’Allâh considèrent que la Révélation faite au Prophète est la Vérité conforme à l’intelligence et à la sagesse. Quant aux esprits abandonnés par la Grâce Divine, ils considèrent [faussement] que l’intelligence contredit les Textes Révélés, et que la sagesse s’oppose à la législation ». Ce qui ne l’a pas empêché, pourtant, dans la pratique, de tenir des propos injustes et des avis contestables dans certains cas, mais cela est « normal » puisqu’il n’est pas infaillible. Il dit aussi dans son autre ouvrage I’lam al-muwaqqi’in (tome 3) : « La Sharî’ah est justice dans sa totalité, miséricorde dans sa totalité, bénéfique dans sa totalité, si une question dévie de la justice vers l’injustice, de la miséricorde vers son contraire, de l’intérêt au préjudice, elle ne fait certainement pas partie de la « Sharî’ah », même si l’on tente de l’y introduire par [mauvaise] interprétation ».
Il dit encore dans le même ouvrage : « La Sharî’ah repose sur la justice, la miséricorde, la sagesse et vise essentiellement à protéger les intérêts des êtres humains de leur vivant et même après leur mort. Toute décision qui transgresse ces principes va à l’encontre de la Sharî’ah, celle-ci étant le reflet de la Justice Divine, de la miséricorde accordée par Allâh à Ses serviteurs, Sa Sagesse et Son Omniprésence ».

Il dit encore dans le même ouvrage (3/14-15) : « La Shari’ah représente la justice d’Allâh entre Ses serviteurs, Sa Miséricorde entre Ses Créatures et Sa protection sur Sa terre. Sa Sagesse est la plus accomplie et la plus véridique. Elle est une lumière grâce à laquelle s’éclairent les clairvoyants, une voie droite sur laquelle s’orientent les bien-guidés, le remède qui guérit tout malade et le droit chemin dont celui qui l’emprunte se trouve sur la bonne voie ».

Or quand les savants s’enlisent dans l’apprentissage d’une science (que ce soit la théologie ou le droit) sans chercher la justice et la sagesse, Allâh les prive de lumière intérieure. L’imâm Abû Hamîd al-Ghazâlî a dit à ce sujet dans son Ihyâ ‘ulûm ad-Dîn : « (…) Tel était l’engagement des savants : ordonner le convenable et interdire le blâmable. Ils ne souciaient guère de la puissance des dirigeants, ils comptaient sur Allâh pour les soutenir et raffermir leurs pas, afin de remplir cette lourde responsabilité : le témoignage. Quand les intentions étaient sincères, leurs paroles adoucissaient les cœurs les plus durs. Mais aujourd’hui, la convoitise a lié leurs langues et les a rendus muets. Même s’ils parlent, leurs discours demeurent sans utilité et donc ils échouent (…). La corruption des individus est due à la corruption des dirigeants qui est due elle-même à la corruption des savants ; car ces derniers ne sont intéressés que par l’argent et le pouvoir ».

« Farqad Al Sabakhi raconte qu’il consulta une fois Hassân al Basri sur une disposition de la Loi ; ce dernier lui répondit, mais Farqad lui rétorqua que sa réponse contredisait la position dominante des experts de la Loi (fuqaha). Hassân le rabroua alors, lui disant : « Sais-tu seulement ce qu’est un faqih ? Le faqih, c’est celui qui ne se laisse pas séduire par ce bas-monde et désire l’autre monde ; il comprend très clairement les principes de sa religion et se met toujours au service d’Allâh ; il s’abstient scrupuleusement de s’en prendre à l’honneur des musulmans ou à leurs biens, les conseille sincèrement et fait porter son effort sur le service d’Allâh. S’en tenant à la tradition du Prophète صلى الله عليه وسلم , il ne rejette pas avec dédain ceux qui lui sont supérieurs ni ne se moque de ceux qui lui sont inférieurs ; enfin, il ne monnaie pas la science dont Allâh l’a gratifié  »  » (Rapporté par le Shaykh Ahmad al-Alawî dans son commentaire des aphorismes de Sîdî Abû Madyan).

Un hadîth connu mais pas souvent bien médité permet de donner lieu à une analyse intéressante : « En vérité, les savants (ulémas) sont les héritiers des prophètes. Les prophètes n’ont pas laissé en héritage des monnaies d’or ou d’argent, mais le savoir (ʿilm). Quiconque l’acquiert gagne une grande fortune » (Rapporté par Abû Dawûd, al-Tirmidhî et Ibn Mâjah dans leur Sunân). Dans le hadîth rapporté dans le Jâmi‘ d’al-Tirmidhî (Kitâb al-‘ilm, bâb mâ jâ’ fî fadl al-fiqh ‘alâ al-ʿibâda, n°2682) on y lit : « En vérité – raconte le Compagnon Abû l-Dardâ’ – j’ai entendu l’Envoyé d’Allâh dire ainsi : « Celui qui part à la recherche du savoir, Allâh lui ouvrira un chemin qui mène au paradis. Les anges baissent leurs ailes par agrément de celui qui recherche le savoir. Tous ceux qui sont dans les cieux et sur la terre, et jusqu’aux animaux marins, demandent pardon en sa faveur. La supériorité du savant sur l’adorateur est comme la supériorité de la lune par rapport aux autres corps célestes. En vérité, les (véritables) savants sont les héritiers des prophètes. Les prophètes n’ont pas laissé en héritage des monnaies d’or ou d’argent, mais le savoir. Et quiconque l’acquiert gagne une grande fortune » ». Ainsi, le savant authentique, en Islâm, est celui qui est savant et connaissant de l’héritage spirituel et religieux des prophètes, et qui suivent leur voie, c’est-à-dire, ceux qui se sont détachés de la gloire politique, des attraits matériels de ce bas-monde, de l’hypocrisie, de l’orgueil, de la vanité, de la sottise, de l’injustice, de la tyrannie et de l’idolâtrie sous toutes ses formes, et qui par contre, sont acquis à la justice, à la gnose spirituelle, au Tawhîd dans toutes ses dimensions, à la sagesse, à la sincérité, à la modestie, à la compassion et à la générosité. En effet, la symbolique de l’argent (ici des monnaies d’or et d’argent) est associée aux passions, à l’asservissement et à la tyrannie des plaisirs mondains.

Ils admettent aussi en principe qu’il y a des éléments dans le fiqh qui évoluent.

L’imâm al-Qarâfî en s’adressant au mufti compétent disait dans son Anwar al Buruq fi Anwa’ al Furuq : « Toutes les fois qu’il y a un renouvellement dans la coutume (‘Urf) des gens, le Mujtahid (savant) la prend en considération, et toutes les fois où elle s’arrête, il la laisse. Ne te fige pas sur ce qui est consigné dans les livres toute ta vie ! Mais plutôt, s’il te vient un homme qui n’est pas de ta région et qui te demande la Fatwâ (avis juridique), ne le ramène pas vers la coutume de ton pays. Questionne-le sur la coutume de sa région, guide-le vers celle-ci et donne-lui la Fatwâ par elle sans tenir compte de celle de ton pays et de ce qui est établi dans tes livres. Ceci est la vérité claire et limpide. Le fait d’être figé à jamais dans les textes rapportés (al Manqulât) est un égarement dans la religion et une ignorance des desseins des savants musulmans et des Salafs passés ».

Ibn al-Qayyîm dans son I’lam al-Muwaqqi’in (Riyadh, éd. Dar ibn al-Jawzi, 2002, 6/113-114) a dit : « Car les Fatawa changent avec le changement de temps, de lieu, de coutumes et de circonstances ». Ibn al-Qayyîm a dit dans son ʿĀlam al-Fawâʾid (Makkah, éd. Dar, 2011, pp.570-571) : « Les décisions judiciaires sont de deux types : un type qui n’admet aucun changement ; ni en raison du temps, du lieu ni de l’ijtihad des imams, comme l’exigence des devoirs obligatoires, la prohibition des interdictions, les peines prescrites (hudud) pour les infractions pénales (…). Le second type : ce qui peut changer, selon l’intérêt général rendu nécessaire par le changement de temps, de lieu ou de circonstance, comme le montant, les formes ou types de peines discrétionnaires [tazirat] (…) ».

Le shaykh hanafite Muhammad Amîn Ibn ‘Abidîn (1198h/1783–1252h/1836) a dit : « Les juristes ne doivent pas adhérer de manière stricte et rigide aux livres et aux opinions autoritaires du madhhab (école juridique), mais (les juristes) doivent aussi prêter attention aux besoins des gens de son temps, ou bien le mal qu’il fait l’emportera sur le louable (bénéfice, bienfait) » (Voir ses ouvrages Radd al-Muhtar ala Ad-Durr al-Mukhtar et Al-Uqûd ad-Durriyyah fī Tanqihî Al-Fatâwâ al-Ĥāmidiyyah, cité aussi par Haim Gerber, Islamic Law and Culture, The Netherlands : Brill, 1999, pp. 88, 114, 120, 121).

Il dira également que lorsque les conditions et les coutumes changent avec le temps et l’espace, il est nécessaire de réadapter les fatawi (fatâwâ) selon le contexte, et donc qu’appliquer aveuglément certaines fatawi d’une époque passée à notre contexte, peut être contraire aux finalités de l’islam lorsque les fatawi ne protègent pas l’intérêt général des gens. Le point de vue d’Ibn Abidin sur la coutume temporelle (‘urf) était qu’il était important de l’inclure dans les fatawas, à condition que la coutume n’implique rien d’interdit ou de blâmable selon les règles de l’école (ici, hanafite dans son cas).

D’après les spécialistes de la principiologie islamique, les finalités de la Loi Sacrée peuvent être résumées en ces termes (en se fondant sur les enseignements islamiques) : « …pourvoir aux intérêts des êtres humains en leur garantissant ce qui leur est indispensable (darûrî) et en leur procurant le nécessaire (hâjî) et l’accessoire (tahsinî). L’indispensable se résume à la préservation de cinq choses : la religion [ndt : la liberté de conscience et de culte, y compris pour les non-religieux], la vie, la raison [ndt : incluant la maturité psychologique], l’honneur et la propriété. La préservation de ces cinq choses est indispensable à l’être humain » (‘Abd al-Wahhâb Khallâf, Les fondements du droit musulman, éd. Al Qalam, Paris, 1997, p. 307 et 309).

Un véritable état islamique se doit donc d’être fondé sur ces principes universels, ainsi que les penser intelligemment dans leurs applications concrètes à notre époque (en prenant en compte les nécessités et les conditions propres à notre époque).

Pour résumer, nous dirions que tout ce qui élève intellectuellement, spirituellement et moralement l’être humain, relève de l’Ordre Divin, tout ce qui vient s’y opposer ne peut pas être un Ordre Divin, et la seule excuse concerne les nécessités ou les contraintes précises d’une époque où une pratique est répandue, mais dont il faut chercher à s’émanciper et à ne plus la mettre en pratique lorsque celle-ci disparait (comme l’esclavage ancien qui a disparu sur une grande partie de la terre, malgré de nouvelles formes, plus modernes, d’esclavage, car il ne s’agissait pas d’un Ordre Divin, mais d’une permission circonstancielle, – ne pouvant pas faire autrement -, en la restreignant et en recommandant son abrogation tout en interdisant toutes les mauvaises pratiques et les injustices). S’encombrer de tout ce qui s’oppose à la piété, à la spiritualité, à la science utile et au bien, ne peut être qu’une chose blâmable que la religion désapprouve. La religion doit nous conduire à Allâh, par le détachement de ce bas-monde, tout en oeuvrant ici-bas au Bien et à la justice, alors dirigeons-nous vers Lui !

Mais entre le principe, sa compréhension complexe dans les cas pratiques et son application concrète, il y a de nombreuses divergences. Comme le rappelait Muhammad ‘Imâra dans Sahîfat al-Hayât (n°1086) : « L’Islam, en tant que Religion Divine, est un idéal ; quant à l’instauration et l’application de la religion par les humains, elles relèvent de la réalité. Or, il y aura toujours une marge entre la réalité et l’idéal. En raison de cette marge, il existe un stimulant qui pousse l’humain à tenter d’aller au-delà de la réalité et se rapprocher toujours plus de l’idéal visé. N’était cela, l’agenda de l’existence serait vide et les vivants connaitraient le désespoir ».

Le Qur’ân ne contient pas de contradictions, mais en raison de certaines théories légales corrompues ou incomprises, des exégètes et juristes, pour les concilier avec le Qur’ân, ont parlé de nâskh (abrogation) là où il n’en était nullement question, car rien, dans les versets en question ou dans les ahadiths mutawatir ne permettent d’y voir des abrogations. Allâh dit en effet que : « Nous avons, dans ce Qur’ân, cité pour les gens des exemples de toutes sortes afin qu’ils se souviennent. Un Qur’ân [en langue] arabe, dénué de tortuosité, afin qu’ils soient pieux ! » (Qur’ân 39/27-28) ainsi que : « Ne méditent-ils donc pas sur le Qur’ân ? S’il provenait d’un autre qu’Allâh, ils y trouveraient certes maintes contradictions ! » (Qur’ân 4, 82).

Il suffit pour se rendre compte de tout cela, qu’on dise aux gens que telle personne a dit cela suivant telle méthodologie, sans mentionner son nom, pour que beaucoup se mettent à contester cet avis. Or, dès qu’on leur dira que l’auteur de l’avis en question était une sommité (qu’ils apprécient) dans ce domaine, ils suivront plutôt l’argument d’autorité que la preuve.

Comme nous l’avons déjà dit, la maîtrise des règles d’une discipline, – règles utiles mais non pas intrinsèques (nécessairement) – mais tout en commettant des erreurs de raisonnement ou faisant prévaloir un hadith sur un autre, ou un hadith sur un verset du Qur’ân, parfois simplement pour être en phase avec la mentalité de leur époque.

De l’autre côté, beaucoup pensent pouvoir maitriser une discipline et déduire une preuve, – ou l’avis le plus solide – sans en avoir les moyens, et ne suivant au final que leurs passions pour se conformer à l’idéologie du moment. D’autres encore, sans suivre leurs passions, arrivent aussi au même résultat biaisé, comme dans le cas des savants qui se sont tous contredits sur la théorie de l’abrogation dans le Qur’ân, tout cela car ils ont été conditionnés par cette théorie qu’ils ont poussé à l’extrême mais qui n’a ni queue ni tête, puisque le Qur’ân ne se contredit pas, et que le naskh intra-qurânique ne consiste pas en l’abrogation pure et simple de ce qui précède, – et la Sunnah du Prophète le démontre bien -, mais en une modification de règle selon la nouvelle situation donnée. Ainsi, dans chaque situation donnée, il existe une attitude appropriée à mettre en pratique. Quand les non-musulmans sont pacifiques, on leur manifeste de la bonté et de la courtoisie, s’ils nous combattent et que nous avons les moyens légaux et militaires pour les combattre il faut le faire, s’ils nous persécutent et que nous n’avons pas les moyens de combattre, alors nous devons faire profil bas, endurer et patienter jusqu’à ce qu’une solution appropriée et licite permette d’arranger cette situation. Ainsi donc, toutes ses situations ont été réglées dans le Qur’ân, non selon une abrogation, mais selon une modification prenant en compte toutes les nuances et situations du réel, avec une suspension ou un report de certaines règles en fonction du contexte vécu. La théorie de l’abrogation, engendre des contradictions théoriques et non des solutions, même si dans la pratique, même les adeptes de cette théorie n’ont pas appliqué les contradictions de cette théorie, puisque par pragmatisme et en suivant généralement l’avis de leur école de jurisprudence, ainsi que l’éthique islamique, cela entrainait de facto des nuances permettant de saisir les règles logiques et évidentes des différentes situations, entrainant chacune, des actions et réactions spécifiques, – adaptées à chaque situation -.

Quant à la question de l’alcool, elle ne rentre pas vraiment dans la théorie de l’abrogation, – et quand bien même ce serait le cas il s’agirait d’un cas particulier et non pas d’une théorie générale puisqu’il faut une indication claire du Qur’ân pour prouver une éventuelle abrogation surtout en ce qui concerne l’éthique et les rites -, en ce sens que nulle part dans le Qur’ân la consommation de l’alcool avait été rendue explicitement licite ou recommandée, mais n’avait simplement pas été formellement prohibée au départ, tout comme toute une série de pratiques blâmables et de choses nocives que le Qur’ân réprouvera au fur et à mesure des versets révélés. De plus, dans les différents versets où l’alcool est mentionné, il n’y a pas de jugements contradictoires, mais des informations diverses qui se complètent, raison pour laquelle des savants comme Ibn ‘Abd al-Barr (juriste malikite) affirme dans son ouvrage An-Nâskih wal-Mansûkh fî al-Qur’ân al-Karîm (2/172-174) qu’on ne peut pas parler d’abrogation sur cette question, puisque les versets parlent d’une critique et d’une interdiction par étape sans contredire l’étape précédente (le premier verset parle d’interdiction de s’approcher de la prière en état d’ivresse, et finalement de consommer de l’alcool tout court, que ce soit pour la prière ou autre chose).

De même, nous avons du mal à imaginer qu’autant d’institutions scientifiques et médicales puissent se tromper, or il suffit d’observer le cas du Covid-19 où ceux qui sont du côté de la thèse officielle défendue par les médias se contredisent entre eux, et qui prennent en raillerie, – sans analyser leurs arguments – ceux de leurs collègues (bien formés aussi à la médecine) mais qui ne pensent pas de façon préformatée ou qui ne sont pas en connivence avec le pouvoir politique ou les lobbies pharmaceutiques, et pourtant on le constate, et par mimétisme, – nul besoin de penser qu’ils sont tous impliqués sciemment dans un complot international -, beaucoup ne réfléchissent pas aux contradictions de leurs positions alors qu’ils ont les compétences (ici médicales) requises en principe.

La question qui se pose, est donc, pourquoi, pendant plus d’un millénaire, la situation était stable à ce sujet, où les étudiants et gens de la masse allaient naturellement interroger les gens de science (médecins, théologiens, juristes, astronomes, etc.) pour répondre à leurs questions ou pour résoudre leurs problèmes, alors qu’aujourd’hui, non seulement les spécialistes sont délaissés ou remis en question, mais parfois même leurs disciplines le sont également.

Comme souvent, l’extrême est engendré par une exacerbation et une sclérose de ce qui constitue l’objet du rejet ou de la contestation. Ainsi, l’exagération (doctrinale et politique) dans le shiisme tardif (à partir du 2ème siècle de l’Hégire) découle du fanatisme de certains auteurs omeyyades qui furent farouchement opposés aux « ahl ul bayt ». Les plus virulents opposants du mu’tazilisme adoptèrent une position doctrinale intransigeante et parfois même anthropomorphiste face à l’exagération des mu’tazilites dans leur négation et dépouillement de certains Attributs Divins. Et chacun, à leur tour, imposèrent leurs propres conditions pour « valider leur foi », sous peine d’excommunication (dans le pire des cas), ou d’accusation d’hérésies ou de déviances dans le meilleur des cas.

Il en va de même dans la prolifération de toutes les thèses complotistes, les dérives du New-âge, les maux du consumérisme, l’accentuation du terrorisme et du fanatisme ainsi que du racisme et du féminisme. Tout cela est apparu en raison des conditions déviantes dans lesquelles tous ses mouvements ont éclos. A l’origine, le féminisme a été nourri par la société consumériste qui a instrumentalisé la tyrannie (réelle) de certains groupes d’hommes, ce qui a engendré encore plus de problèmes, de crispation et d’extrémisme des 2 côtés.

Pour comprendre un avis (sa justification) cela demande parfois beaucoup d’investigations : langue arabe, contexte, différentes versions des différents ahadiths, la portée des versets du Qur’ân, à qui s’adresse les versets et ahadiths, le milieu socioculturel, etc.

De toute façon, pour ceux qui ont du mal avec certains avis juridiques, si un avis du mahdhab ne leur plait pas et que ça ne relève pas de l’obligation religieuse, il ne leur est nullement obligatoire de le mettre en pratique si ce n’est pas une obligation religieuse, alors pourquoi tout rejeter en bloc de façon péremptoire et hystérique ?

Dans le fiqh (concernant les rites) ce n’est pas une question de « bon » ou « mauvais », mais de : est-ce fondé ou non du point de vue de la méthodologie adoptée par l’école.

Il y a un juste milieu très difficile à atteindre dans le fiqh, sachant que le fiqh doit englober l’ensemble des sensibilités humaines. Et si quelqu’un estime être victime d’abus, il va voir ses parents ou proches, ou le cas échéant, un imâm ou un juge, pour obtenir réparation. Gardons à l’esprit que le patrimoine islamique c’est quand même 1400 ans d’évolution socioculturelle, de nombreux ahadiths à scruter, des peuples aux moeurs fort différentes, etc. C’est normal de trouver des choses singulières ou choquantes, puisque nous évoluons parfois dans des sociétés et des époques totalement différentes, et que certains juristes ont aussi traité de cas très improbables ou exceptionnelles, et qui ne sont donc pas à considérer comme étant une règle générale ou un idéal à atteindre.

Par ailleurs, un acte peut être invalide selon une école, mais pas forcément une autre, – ou du moins un avis fondé mais non-retenu par l’école – mais peut être accepté malgré tout par Allâh. Auprès d’Allâh on sait que c’est l’intention initiale qui compte, suivi du fait de s’abstenir de commettre des péchés, et si la pratique est validée auprès d’une autre école, l’acte sera-t-il validé auprès d’Allâh ou non…A première vue Allâh la validera, wa Allâhu a’lam.

Cependant, il faut bien comprendre que lorsque l’on s’engage auprès de quelqu’un pour suivre sa méthodologie (qui possède un fondement), – l’importance de respecter son engagement est évoquée clairement dans le Qur’ân – et que l’on veut être consciencieux, il faut respecter les règles imposées (tant que ce n’est pas strictement haram). Mais beaucoup de gens n’abordent pas le fiqh comme cela de nos jours, mais plutôt comme support et encadrement pour s’orienter dans la pratique religieuse, d’où une plus grande largesse et souplesse, ce qui n’est pas toujours plus mal.
Les fuqaha ont divergé ensuite sur le fait de pouvoir choisir un avis retenu dans une autre école sur certaines questions précises, tant que la personne ne mélange pas différents avis pour un même acte cultuel, sous peine de voir son acte invalidé selon toutes les écoles.

Lorsque l’on se prétend « président » ou « médecin », il faut agir selon ce qu’exige cette fonction en termes de connaissances, de méthodologies et de pédagogie. Dans le cadre du fiqh, si on dit hanafite par exemple, on suit alors les règles de l’école, et ainsi de suite. Ce n’est pas un jeu et cela exige du sérieux, de l’assiduité et de la discipline, pour éviter de trop s’éparpiller, ainsi que de laisser son ego prendre le dessus en pensant tout connaitre mieux que tout le monde, sans même en avoir les capacités intellectuelles et les outils pour le faire.  Cependant s’il y’a des avis qui sont choquants car dans nos cultures les choses ne se présentent pas de cette façon, et s’il y a une nuisance certaine, cela pose question évidemment, et dans certains cas, il faut les délaisser tout simplement. Le problème que l’on a, c’est de prétendre vouloir suivre la vérité absolument même dans le fiqh, avec une « obsession » sur sa portée morale. Ce n’est pas un mal en soi, mais on manque de recul sur certaines choses, et on impose alors nos « exigences » à des gens qui n’en ont pas forcément les mêmes, d’où les nombreux malentendus. Tout comme il y a aussi des pratiques culturelles qui sont jugées acceptables par certains, et inacceptables par d’autres, ce qui rajoute de la confusion.

En ce qui concerne le principe directeur dans le fiqh, les croyants doivent s’entraider dans le bien et la piété, et non pas dans la transgression et les péchés comme le dit Allâh dans le Qur’ân : « Et que la haine (l’inimitié) envers des gens qui vous ont empêché d’accéder à la Mosquée Sacrée (de la Mecque) ne vous incite pas à vous rendre transgresseurs/agresseurs. Et entraidez-vous dans la vertu et dans la piété, et ne vous entraidez pas dans le péché ni dans la transgression (et la haine). Prenez (donc) pieusement garde à Allâh » (Qur’ân 5, 2).

Le juge, médecin, astronome et philosophe musulman Ibn Rushd a écrit dans son Fasl al-maqâl (paragraphes 61 et 62) : « Le médecin est celui qui cherche à conserver la santé des corps quand elle existe et à la rétablir quand elle fait défaut ; le Législateur est celui qui poursuit le même but relativement à la santé des âmes, et cette santé est ce qu’on nomme [la] crainte d’Allâh. Le Livre précieux [Qur’ân] en prescrit la recherche par les actes conformes à la Loi Divine, dans plus d’un verset. Par exemple, le Très-Haut a dit : « Il vous a été prescrit de jeûner, comme cela a été prescrit à ceux d’avant vous. Peut-être craindrez-vous Allâh ! ». Et le Très-Haut a dit : « La chair des chameaux ne saurait toucher Allâh, ni leur sang, mais ce qui le touche, c’est la crainte que vous avez de Lui ». Et il a dit : « Certes, la prière écarte de l’immoralité et de ce qui déplaît à Allâh », et autres versets, contenus dans le Livre précieux, qui ont le même sens. Le Législateur, par la science religieuse ou la pratique religieuse, ne poursuit que cette santé ; et cette santé, c’est sur elle que repose la béatitude de la vie future, comme sur son contraire les tourments de la vie future ».

Mais il y a des cas complexes et l’étude approfondie du fiqh permet de s’en rendre compte car il y’a d’autres données à prendre en considération que le seul « bon sens » et l’idéal moral.

Le Shaykh Mawlûd al-Sarirî dans son Sharh du Mukhtasar al-Khalîl a écrit : « Le Faqîh oriente l’étudiant d’un madhab sur un avis plutôt qu’un autre selon – entre autres – les fondements, les preuves et les outils qui sont propres à sa doctrine. Certes si un savant Malikî, Hanafî, Shafi’î ou Hanbalî venait à nous argumenter sa position sur une question de divergence commune, nous – muqallīdūn – serions objectivement convaincus de la légitimité de chacune des argumentations. D’un seul hadîth tel que celui rapporté par ‘Âisha – qu’Allâh l’agrée – dans le Muwatta’ et les deux Sahîh sur la question de celui qui veut prier mais ne trouve ni eau, ni de quoi faire le tayyamûm pour ses ablutions possède à elle-seule un avis différent par madhab, et possède par ailleurs des avis divers au sein même du madhab malikî. Quel point cardinal alors suivre, le Nord, le Sud, l’Est ou l’Ouest ? Il y a là une invitation à celui qui proclame suivre la preuve (Ad-dalîl) sans sens, et un rappel lorsque l’on est adepte d’une école (madhab) – l’on ne possède point la vérité absolue – pour la sauvegarde de notre cheminement il faut d’abord avoir atteint la destination d’une seule direction sinon aucune ne sera atteinte ».

L’intellectuel Frithjof Schuon notait déjà le changement d’ambiance amené avec le monde moderne : « Il faut dire que les progressistes ne se trompent pas tout à fait quand ils estiment qu’il y a quelque chose, dans la religion, qui ne va plus ; en fait, l’argumentation individualiste et sentimentale avec laquelle opère la piété traditionnelle ne mord plus guère sur les consciences, et il en est ainsi, non seulement pour la simple raison que l’homme moderne est irréligieux, mais aussi parce que les arguments religieux habituels, n’allant pas suffisamment au fond des choses et n’ayant d’ailleurs pas eu besoin autrefois de le faire, sont quelque peu usés psychologiquement et ne répondent pas à certains besoins de causalité » (Frithjof Schuon, Forme et substance dans les religions, éd. Le courrier du livre, 1993, p. 64).

Là où les réformistes hypercritiques ont tendance à abolir le fiqh (droit) ou même la Loi (shar’) pour certains, les sûfis, eux, transcendent et dépassent le fiqh sans l’abolir ni le nier. Le Shaykh Ahmad Zarrûq a dit dans son Qawâ’îd al-Tasawwuf (Règle n°56) : « La perception du sûfi en ce qui concerne les pratiques religieuses et le comportement (mu’âmalât) est plus particulière que celle du juriste, car celui-ci considère ce qui permet de s’acquitter de son devoir, alors que le sûfi cherche ce qui permet de réaliser la perfection. La perception du sûfi est également plus particulière que celle du théologien, car celui-ci examine l’orthodoxie de la doctrine alors que le sûfi aspire à ce qui renforce la certitude (yaqîn) ».

De même, chez certains sunnites, ainsi que chez de nombreux wahhabites ou shiites akhbarites on constate l’obsession à remettre au goût du jour d’anciennes pratiques sociétales qui n’ont plus de raison d’être et qui n’ont jamais été « louées » par la Religion, – bien au contraire même, la Religion ayant limité ces pratiques et même encouragé les populations à s’en débarrasser d’elles-mêmes par différents moyens légaux ainsi que par l’excellence morale -.

Le Shaykh et gnostique Ahmad Al-Tijânî (qu’Allâh sanctifie son secret) a dit : « Conduisez-vous selon les spécificités de votre époque ».
Dans son Ifadah, le grand disciple (du Shaykh Ahmad At-Tijânî) Sidi Tayyeb Assufayani Al Hassanî a dit : « Il n’y a pas plus ignorant que celui qui veut créer dans une époque ce qu’Allâh ne veut pas y faire apparaitre ».
Il cite ensuite l’érudit Sidi Muhammad al-Hajûjî qui a expliqué cette parole dans son Fayd fadl Allâh al-muntashir, puis mentionne ce qu’a écrit l’érudit Sidi Ahmad ibn al-‘Ayyâshî Skiredj : « Soyez un être de votre époque et évitez de vous occuper du temps passé.

Le temps est comme une épée, si vous ne faites pas attention

Il vous coupera au lieu de le franchir ; profitez donc de sa sérénité ! (…) Il n’y a pas plus ignorant que celui qui veut créer dans une époque ce qu’Allâh ne veut pas y faire apparaitre ».

Ainsi, revenir sans nécessité à une pratique sociale qui avait disparu et qui ne possède aucun avantage réel, et qui engendre des abus certains est le fruit d’une mentalité déviante, suivant les passions plutôt que la Justice de l’Islam. Par ailleurs, nous constatons que beaucoup de gens de la passion suivent tout ce qui n’est pas obligatoire et louable, et tendent souvent vers ce qui est douteux ou nuisible, même en prétextant revenir à d’anciennes pratiques sociales du passé qui ont disparu, mais qui sont souvent peu compatibles avec l’excellence spirituelle et éthique à laquelle invite l’Islam. Tout cela constitue des signes évidents d’une déviance comportementale et intellectuelle.
Il n’y a cependant aucun mal à refaire vivre de nobles pratiques sociales ou culturelles disparues, mais qui ne contredisent pas la noble éthique islamique ni sa doctrine fondamentale.

De même, il ne faut pas se conformer aux spécificités de l’époque qui impliquent un péché manifeste, car la pratique légiférée ne peut pas impliquer ce qu’Allâh a clairement interdit de façon explicite, et qui comporte un mal certain.

Certains prétendent que les avis des 4 écoles sont figés dans le temps alors qu’ils n’ont cessé d’évoluer et de s’adapter aux nouvelles exigences de l’époque, même s’il faut bien l’avouer, dans notre époque, certains juristes à la mentalité rigide ont du mal à intégrer les nouveaux enjeux ou certaines remises en question nécessaires. Cela produit d’ailleurs souvent une défiance et un scepticisme radical chez certains, prétendant soit à l’interprétation absolue du Qur’ân et de la Sunnah sans en avoir les outils tout ne remettant en cause l’ensemble des écoles, et incitant progressivement les musulmans à abandonner des pratiques notoires, des préceptes bénéfiques, puis endoctrinent les esprits faibles jusqu’à les mener dans des croyances comportant de la mécréance, des superstitions modernes, un amoindrissement de la religion, de la spiritualité et de l’amour envers Allâh, Son Messager et Ses bien-aimés, jusqu’à dépouiller le croyant de sa vigueur, de son intelligence, de sa pudeur et de sa spiritualité, ce qui ont conduit de nombreuses personnes, soit à l’apostasie assumée, soit à une apostasie inconsciente, remettant en cause une partie du Qur’ân et une partie conséquente (ou la totalité) de la Sunnah, bien que ces personnes clament encore être « musulmanes ».

Ceux qui rejettent les 4 écoles mais qui affirment au même moment « revenir au Qur’ân et à la Sunnah » sans aucune méthode rigoureuse, et suivant plus les diktats modernistes que les principes de la Religion, fondent, indirectement de nouveaux courants et donc de nouvelles « écoles » d’interprétation, mais cette fois-ci, bien plus superficielles et fragiles que les écoles traditionnelles enrichies tout au long de leurs 14 siècles d’existence (environ).

Ce genre de slogans trompeurs sont courants chez les salafistes comme chez les réformistes. L’imâm ‘Alî (‘alayhî salâm) ne disait-il pas : « Une parole de vérité avec laquelle le mensonge est voulu ».

Ils parlent en effet comme si les écoles juridiques ne prenaient pas appui sur le Qur’ân et la Sunnah. Or, les écoles juridiques prennent bien pour sources le Qur’ân, la Sunnah puis selon les écoles, le consensus des sahaba, le qiyas (l’analogie), et d’autres principes ou outils, et tout un débat technique les oppose. Donc oui, elles suivent le Qur’ân et la Sunnah mais selon une méthodologie élaborée, bien que perfectible et pas toujours convaincante sur certains points, qui engendrent d’ailleurs certaines incohérences plus ou moins importantes parfois, qui ont fait diverger les savants eux-mêmes.

Mais cette déviance n’a été rendue possible, que parce que l’ambiance sociale a été imprégnée des failles des « autorités traditionnelles » qui n’ont pas su être à la hauteur des exigences de « l’orthodoxie » et du « Sacré ». Et que peut-on espérer comme résultat, quand au même moment, on sacralise les savants, ou certains recueils de ahadiths (même si la majorité des récits sont fiables et conformes au Qur’ân, à l’histoire et à l’intellect), mais que dans le même temps, des gens se rendent compte des contradictions ou erreurs manifestes, – que de grands savants n’ont pas pu résoudre de façon convaincante – cela ne peut qu’engendrer le scepticisme radical (cf. coranistes, réformistes hypercritiques, …) chez des gens faibles d’esprit. On voit donc à quel point le principe qûranique du juste milieu doit s’appliquer également dans la ‘aqida, le fiqh et le rapport que nous devons avoir avec le patrimoine musulman dans sa totalité, pour éviter le relativisme décadent aussi bien que le fanatisme ou le rigorisme. Allâh dit : « Et aussi Nous avons fait de vous une communauté de justes (du juste milieu) pour que vous soyez témoins pour les gens, comme le Messager sera témoin pour vous » (Qur’ân 2, 143).

Cependant, les querelles sectaires du passé étaient généralement cantonnées entre les savants polémistes et non pas répandues dans le peuple ni même au sein de l’ensemble des savants. Même si certains tombaient dans le fanatisme, – soit dans des écrits spécialisés mais pas forcément dans leur vie de tous les jours où la douceur et la tolérance pratiques étaient observées, soit dans les écrits et/ou dans la pratique -, parfois par mimétisme et par conflit idéologique ou personnel, beaucoup changeaient d’avis par la suite et évoluaient dans leurs pensées, et étaient souvent des personnes qui pratiquaient de nombreux actes d’adoration.

Le malheur de notre époque est que ces polémiques et querelles, – pour la plupart stériles et concernant les épreuves de l’époque – empoisonnent notre génération avec des conflits qui ne nous concernaient pas réellement, car à cause de cela, les relations de l’ensemble des gens sont corrompues et occupent malencontreusement leur esprit et fragilisent la fraternité et l’entraide. D’autre part, ils oublient l’essentiel des œuvres (actions) et des travaux de ces mêmes savants qui ne portaient pas sur la polémique et le conflit, et les réduisent donc qu’à certains aspects, – souvent les moins utiles et les moins sages -. Cela engendre une perception biaisée de l’Histoire, car même s’il ne faut pas l’idéaliser, cela donne l’impression que toutes les générations étaient corrompues et que les savants passaient leur temps à se critiquer mutuellement, alors les quelques passages de livres où ces types de propos sont tenus ne reflètent pas du tout l’ambiance générale de la société, – contrairement aux descriptions fiables et confirmées d’historiens et de chroniqueurs de l’époque -.

Si les personnes des époques passées avaient éventuellement des excuses en raison de certaines circonstances atténuantes ou car les théories et idéologies en vogue de l’époque conditionnaient leurs mœurs et visions des choses, ceux de notre époque qui s’évertuent à répéter avec fanatisme leurs erreurs, – en dépit des réfutations qui existent et qui sont accessibles et alors même qu’ils n’ont pas grandi dans une société où ce paradigme était dominant -, et à transposer leurs mœurs culturelles (qui ne relèvent ni des obligations ou des fortes recommandations religieuses, ni des nobles vertus spirituelles qui elles, sont toutes universelles et immuables) à notre époque où ces mœurs ne sont ni convenables ni répandues et qui engendrent des abus certains, qu’ils gardent à l’esprit qu’ils ne sont nullement excusables sous ce rapport, d’autant plus que dans la majorité des cas, ceux qui commettent cela ne cherchent qu’à suivre leurs passions et à assouvir leurs désirs sans respecter l’éthique islamique, ni se réformer intérieurement, ni protéger la dignité des croyants et des gens de manière générale.

Il faut tout d’abord bien se rendre compte devant quoi nous faisons face : des millions d’individus aux sensibilités politiques, culturelles et religieuses différentes, dont beaucoup inventent, déforment ou répandent des rumeurs ou des informations à la suite de conflits politiques. N’étant pas des témoins directs des événements, nous devons adopter une approche rigoureuse, basée, en tant que musulmans, sur les méthodes qurâniques, rationnelles, spirituelles et historiques. Or, en s’attardant déjà sur la fiabilité historique et logique des récits et thèses shiites dans leurs attaques des Compagnons, l’on se rend déjà compte qu’ils n’ont aucune base solide, et qu’ils contredisent le Qur’ân, les faits historiques notoires, les ahadiths bien établis et répandus, et qui relèvent du vraisemblable aussi bien que du bon sens. De l’autre côté, certains ont une image très idéalisée de certains Compagnons de la dernière heure, et pensent qu’ils n’ont commis aucun tort et que tout peut être, sous ce point de vue-là, excusable. Si le Qur’ân et des ahadiths bons et authentiques disent que les Sahaba sont intouchables, – car il s’agit de ceux qui ont tout abandonné pour Allâh et Son Prophète, qui ont dépensé de leurs biens, ont enduré de nombreuses souffrances et injustices et qui l’ont soutenu et accompagné jusqu’au bout -, leur honneur doit être protégé, et cela fait partie de l’adab envers Allâh et Son Messager, que de ne pas dire du mal des Compagnons, – ou de ses épouses -, même s’ils ne sont ni infaillibles, ni impeccables du point de vue éthique pour plusieurs d’entre eux. Eux l’ont soutenu directement tandis que nous n’étions pas encore là, ils ont bénéficié de sa proximité corporelle et spirituelle ici-bas contrairement à tous les autres, ce qui leur donne un mérite particulier de nature supérieure à notre égard.

Leur manquer de respect est une marque d’impolitesse à l’égard du Messager d’Allâh, et les calomnier est une insulte envers Allâh et Son Messager. Quant à leurs actions et leurs intentions, Allâh seul les jugera, et Il ne nous a pas autorisé à les juger à Sa place.


Dans toutes les oppositions qui divisent les musulmans aujourd’hui, le vrai débat concerne l’état d’esprit et le paradigme. Est-ce que l’on s’enracine dans les valeurs, principes, pratiques et finalités de l’islam, ou dans les superstitions, idéologies et moeurs culturelles de l’époque pour orienter notre compréhension de l’Islam et notre mode de vie ? Est-ce que l’on tend vers la justice et la piété, ou les vices de l’âme et le relâchement des bonnes moeurs ? Est-ce que l’on souhaite se rapprocher d’Allâh ou se conformer aux caprices de l’ego et aux méfaits du consumérisme ?

Le Shaykh Mustafâ ‘Abd al-Azîz (né Michel Vâlsan) a dit : « La Loi (Shar’) en Islam n’a pas le sens restreint qu’elle a dans la civilisation chrétienne où elle s’oppose même d’une façon spéciale aux idées de Foi et de Grâce ; elle se rapporte, au contraire à l’institution révélée dans toute sa généralité, car la Loi islamique est totale et inclut tous les domaines et tous les degrés de la vie spirituelle et temporelle, y compris les principes et les méthodes de la connaissance métaphysique » (Michel Vâlsan, L’Épître sur l’Orientation Parfaite, Études Traditionnelles,‎ 1966, p. 245, note 10).

Quand on comprend que tous les domaines de la vie peuvent être des supports pour la contemplation Divine et recueillir Ses Bénédictions, on comprend que le rejet de la Sunnah revient à se priver de la Baraka qu’Allâh a accordé à Son Messager, et de laisser d’autres influences humaines ou infra-humaines avoir une emprise sur notre vie et notre perception des choses, conduisant ensuite l’individu au sécularisme et aux dérives de la modernité, dont on ne sait que trop bien tous les méfaits insoupçonnés comme visibles qu’elle engendre.

Sur les illusions et dangers des opinions personnelles fondées sur autre chose que la connaissance au sens véritable du terme, Frithjof Schuon, dans son ouvrage La Transfiguration de l’homme faisait très justement remarquer que : « Un mot sur la « libre-pensée », ou plus précisément sur l’obligation quasi morale qui est faite à tout homme de « penser par lui-même » : cette exigence n’est nullement conforme à la nature humaine, car l’homme normal et vertueux, en tant que membre d’une collectivité sociale et traditionnelle, se rend compte en général des limites de sa compétence. De deux choses l’une : ou bien l’homme est exceptionnellement doué sur tel ou tel plan, et alors rien ne peut l’empêcher de penser d’une manière originale, ce qu’il fera d’ailleurs en accord avec la tradition — dans les mondes traditionnels qui seuls nous intéressent ici— précisément parce que son intelligence lui permet de saisir la nécessité de cet accord ; ou bien l’homme est d’intelligence moyenne ou médiocre, sur un plan quelconque ou d’une façon générale, et alors il s’en remettra aux jugements de ceux qui sont plus compétents que lui, et c’est là dans son cas la chose la plus intelligente à faire. La manie de détacher l’individu de la hiérarchie intellectuelle, c’est-à-dire de l’individualiser intellectuellement, est une violation de sa nature et équivaut pratiquement à l’abolition de l’intelligence, et aussi des vertus sans lesquelles l’entendement réel ne saurait s’actualiser pleinement. On n’aboutit ainsi qu’à l’anarchie et à la codification de l’incapacité de penser ».

Et quand on voit que la plupart des profils qui rejettent en bloc la Sunnah sont des personnes très peu cultivées, dénuées de sagesse et de savoir, et aussi souvent très éloignés de la piété, il y a de quoi se poser des questions, sachant qu’ils rejettent des ahadiths qui sont soit en conformité avec le Qur’ân, soit dans le sens apparent n’était pas le sens voulu, mais qui possède une utilité lorsque l’on revient en contexte. Beaucoup ignorent qu’un hadith n’est pas forcément authentique (selon les sunnites) ou qu’il ne doit pas forcément être appliqué puisque certaines pratiques ont été abrogées, que certains ahadiths possèdent un sens restreint et non pas général, qu’un hadith peut être plus « fort » et « complet » que d’autres, que certains ahadiths sont adressés aux gouverneurs, aux juges, aux parents et non pas à l’ensemble des musulmans, etc. Tout cela ils l’ignorent, et par méconnaissance, mélangent tout (comme c’est souvent le cas de nombreux wahhabites parmi les takfiri et les qitalistes) ou rejettent tout (comme les coranistes ou les réformistes hypercritiques).

Frithjof Schuon, ailleurs, faisait encore remarquer qu’il était facile de critiquer les ancêtres et de les taxer de fanatisme alors que les modernes n’essaient même pas de les comprendre. Il faut bien garder à l’esprit qu’ils ne rigolaient pas avec le sacré car c’était leur raison d’être et la chose la plus sacrée qui soit à leurs yeux. Or, de nos jours, le curseur s’est déplacé, mais le fanatisme perdure, puisque des groupes emprisonnent, censurent ou tuent des personnes avec la laïcité, la patrie, la démocratie, l’économie ou encore le « terrorisme ».

Là où le fanatisme juridique est étouffant, – et conduit à des extrêmes -, c’est quand il pose comme vérité que les musulmans sont incapables de la moindre réflexion valide, – exception faite dans la ‘aqida où le suivisme aveugle n’est pas autorisé – tant qu’ils n’auront pas atteint le degré requis dans l’ijtihad, sauf qu’ils ont posé des conditions tellement drastiques, – sans appuyer cela par le Qur’ân et la Sunnah – que dans les faits cela parait presque impossible à atteindre. Or, il n’est pas nécessaire d’avoir un bon niveau d’arabe pour comprendre les principes, fondements, choses nécessairement connues et finalités de la religion, ce qui permet de s’orienter, ni même pour connaître les obligations et interdictions explicites de la religion, ni même pour soigner son comportement, ni même connaître le contexte quand il est question des qualités du croyant, et de l’interdiction de nuire clairement à ses proches, ses voisins, employés, voyageurs, etc. qui ne représentent aucun danger pour la société ou sa propre vie. Nul besoin de savant et de fatwa sur cela, contrairement aux questions complexes liées à l’économie, au bon fonctionnement de l’état, aux règles liées aux situations exceptionnelles ou délicates pour le culte, la politique, l’application des hudud, les faits historiques, etc. Si la fatwa donnée par un savant est compréhensible, cela est aussi le cas pour celui qui peut comparer les différents avis entre eux, et ensuite identifier lequel semble se rapprocher le plus du Discours qurânique et de la voie prophétique.

Ceux qui ont poussé trop loin le principe légitime de consulter les savants, ceux qui ont sacralisé les savants, et qui ont prétendu qu’en dehors d’eux il n’était possible de rien connaitre de la religion dans nos interactions, sont tombés dans un extrême où la réflexion a été bannie, et qui a entraîné l’excès inverse avec des autodidactes soumis à leurs passions et endoctrinés par les idéologies occidentales. Résultat, comme on trouve des contradictions chez de nombreux savants, les gens perdent confiance en eux et pensent pouvoir tout statuer eux-mêmes sans intelligence, ni pondération ni pudeur ni humilité et rigueur intellectuelle dans leurs recherches.

Il est évident que la légitimité d’une personne occupant une fonction quelconque est importante, car il serait « absurde » de consulter des personnes qui n’ont pas été bien formées dans une discipline pour obtenir des réponses « fiables », que ce soit en droit, en économie, en physique ou en médecine. Or, on sait à quel point de nos jours, il existe des charlatans et des incompétents qui s’autoproclament spécialistes alors qu’ils n’ont pas du tout le niveau intellectuel et le bagage technique pour maitriser les sujets sur lesquels ils s’expriment. Pour autant, on sait aussi par expérience, confrontation et comparaison, que des « spécialistes reconnus » ont pu compromettre leur intégrité pour des raisons idéologiques ou financières, ou suite à des pressions et à des chantages, de même que l’on sait qu’une bonne méthode n’implique pas toujours d’avoir raison comme nous l’apprend l’histoire des sciences tout comme dans l’histoire des sciences islamiques. L’opinion personnelle n’a pas sa place quand on parle de vérité ou de norme sociétal en Islam, car celle-ci peut être influencée et conditionnée par une idéologie, une déficience mentale, des lacunes sur le plan rationnel, une absence de clairvoyance ou par la méconnaissance de nombreuses informations. Si chacun, pour soi, peut exprimer son opinion personnelle, ce qui importe, du point de vue islamique, c’est d’avoir une bonne méthode fiable capable d’orienter la personne vers les finalités exposées par l’Islam tout en s’appuyant sur ses fondements et ce qui doit être nécessairement connu de la religion et qui ne peut aucunement être altéré ou inventé par le pouvoir politique, et qui a fait l’objet d’un « consensus » dans les premiers courants de l’Islam qui se sont politiquement et/ou intellectuellement opposés entre eux.

En médecine comme dans le droit musulman, les « complotistes » sont apparus car ces deux disciplines ont été tellement sacralisées, et que les « spécialistes » ont refusé d’accepter par humilité leurs erreurs – ou leurs lacunes -, ce qui a engendré une perte de confiance en leur autorité de la part des personnes de la masse. Mais entre les « suiveurs aveugles » du fiqh classique et les « réformistes-complotistes » qui remettent en question leur légitimité et pratiquement l’ensemble du fiqh classique, il existe un juste milieu. Et s’il n’est pas question de jeter le discrédit sur tout ce qui a été dit dans le passé, il est cependant nécessaire de ne pas sacraliser ce qui était valable de façon circonstancielle et temporelle, et qui n’avait aucune raison d’être imposé de façon immuable et universelle, car c’est là la source du problème majeur dans les polémiques actuelles concernant le fiqh.

Un hadîth résume cela également : « Ne soyez pas des suiveurs. Ne dites pas : si les gens font le bien, nous le ferons aussi, et s’ils se conduisent injustement, nous nous conduirons comme eux. Fixez votre pensée, et décidez que si les gens font le bien, vous le ferez aussi, mais s’ils se conduisent méchamment, vous ne vous laisserez pas entraîner à l’injustice » (Rapporté par at-Tirmidhî dans ses Sunân n°2007).

Comment et pourquoi choisir une école ?

Selon la région où l’on vit, il convient de se rattacher globalement à une école juridique adoptée (consciemment ou non) par la majorité des habitants ou de sa propre famille. Si la population est divisée là-dessus et que les différentes écoles juridiques se répandent de façon équivalente (à peu près) au sein de la population, alors mieux vaut choisir l’école juridique avec laquelle on se trouve plus en phase, selon nos propres sensibilités. Et si par contre, sur un sujet spécifique, l’avis d’une autre école nous convient mieux, – par nécessité ou selon notre sensibilité sans que cela soit motivé par un intérêt égoïste ou passionnel -, rien, islamiquement, ne l’interdit, et un certain nombre de savants traditionnalistes l’autorisent également (certains en posant quelques conditions). Quand on voyage, et que l’on risque de perdurer la stabilité et la concorde au sein de la population locale, il convient aussi d’éviter ce qui pourrait susciter la discorde, la polémique ou l’incompréhension s’accompagnant d’hostilité. Les différents cas ont été exposés par les savants des écoles, et lorsque le problème se pose, il ne faut pas hésiter à s’orienter vers eux ou leurs ouvrages spécialisés.

Le célèbre et grand savant Shâh Waliyullâh Ad-Dahlawî (1703 – 1762), – considéré par beaucoup comme étant un mujadîd – qui avait maitrisé les différentes sciences islamiques en plus de s’être formé aux mathématiques, à l’astronomie, à l’histoire et à la médecine, avait écrit dans son Hujjat ullâh ul-bâligha (1/446-447) :  « Aucun reproche ne peut être fait à celui qui ne considère permis que ce qu’Allâh et Son Messager ont déclaré permis, et interdit ce qu’Allâh et Son Messager ont déclaré interdit, mais qui, se sachant manquer de connaissances pour connaître les nombreux ahadîths du Prophète (‘alayhî salât wa salâm), pour savoir comment concilier les ahadîths qui sont apparemment divergents, et pour savoir comment extraire des textes du Qur’ân et des ahadîths les principes à appliquer dans les nouvelles questions, suit un savant qu’il considère très compétent. Ce faisant, il garde l’intention de suivre ainsi le Qur’ân et les ahadîths et de délaisser l’avis de ce savant sans dénigrement s’il apparaît de façon sûre que cet avis contredit un Hadîth authentique et clair du Prophète », et ce, à condition de savoir si ce hadîth n’a pas été abrogé par un autre hadith authentique (comme par exemple l’interdiction de la visite des tombes au début, qui a ensuite été levée et rendue recommandée quand les Compagnons avaient assimilé le Tawhîd et les règles de bienséance par rapport à la visite des défunts) ou qu’il s’agit là de la version la plus authentique et complète parmi celles qui existent (par exemple, certains se sont basés sur des ahadiths plus courts et ont interdit les choses de façon générale, alors que les mêmes ahadiths plus longs et authentiques existent, qui précisent la nature de l’interdiction et les exceptions qui sont autorisées, comme par exemple l’interdiction des statues ou dessins servant à l’idolâtrie, mais l’autorisation des dessins d’êtres vivants, même complets, qui ne sont pas destinés à être adorés en dehors d’Allâh, qui ne seront trop mis en valeur au point de les honorer ou de les idolâtrer ou d’exprimer des valeurs ou doctrines anti-islamiques).

Toujours dans le même ouvrage (1/442), l’imâm Shâh Waliyullâh Ad-Dahlawî écrit : « La Communauté du Prophète – ou au moins ceux qui sont à considérer parmi elle – s’est mise d’accord jusqu’aujourd’hui pour considérer qu’il est permis de suivre une de ces quatre écoles. Il y a en cela des bienfaits qui sont clairs, spécialement aujourd’hui où les ardeurs à l’effort ont diminué, où les âmes s’adonnent abondamment à la recherche du plaisir, et où chacun se complaît dans son avis personnel ».

Pour autant, les excès que l’on constate chez certains de ceux qui suivent une école sont à éviter.

Sur la base de ce qu’a écrit Shâh Waliyullâh, il convient de distinguer les différents niveaux qui existent chez les musulmans quant à leur connaissance et compréhension de la Religion dans sa dimension juridique (nous reprenons ici partiellement ce qu’a écrit le Shaykh Ahmed Anas Lala dans son article Compétences pour interpréter Coran et Hadîths – Ecoles juridiques paru le 5 avril 2008, qui se réclame de l’école hanafite tout en adoptant des avis doctrinaux ou juridiques, – parfois très faibles et contestables du Shaykh Ibn Taymiyya et de Ibn al-Qayyim, tout comme du Shaykh Al-Qaradawî le contemporain – mais qui a le mérite d’être ouvert d’esprit et de citer différents avis qui existent sur une même question, même si son parti pris pro-taymiyyien l’empêche de voir les arguments probants des savants qui ont un autre avis que celui d’Ibn Taymiyya) :

Pour le musulman qui est du niveau très élevé, il est sûr que de toutes façons il changera tout avis de son école qui contredit un Hadîth authentique et clair. C’est par exemple ce que Abû Yûsuf et Muhammad ibn al-Hassân ont fait par rapport à certains avis de l’imâm Abû Hanîfa.

En ce qui concerne celui qui est d’un niveau en-dessous, il doit « chercher suffisamment de ahadîths pour se préserver de contredire un Hadîth authentique et clair et ce sur quoi les pieux prédécesseurs se sont mis d’accord » (Iqd ul-jîd, p. 79, de Shâh Waliyullâh,). Il doit également actualiser les règles que les savants du passé de son école ont émis en fonction du contexte dans lequel ils vivaient (p. 81).

Pour le musulman d’un niveau encore inférieur, s’il s’aperçoit, après des recherches poussées (tabahhur, ijtihâd wa law fî mas’alah), qu’un avis donné de l’école juridique qu’il suit n’est pas conforme à ce que dit un Hadîth authentique et clair, il doit délaisser cet avis et suivre le Hadîth.

Par rapport au musulman qui n’a pas un niveau très élevé de connaissance (des textes) et de compréhension (une façon intelligente et clairvoyante de comprendre les textes), l’excès consiste à avoir découvert, après des recherches poussées et approfondies (tabahhur), qu’un avis donné de l’école juridique qu’il suit n’est pas conforme à ce que dit un Hadîth authentique et clair, mais de penser quand même : « Je préfère faire une interprétation forcée – ta’wîl – de la parole du Prophète plutôt que de délaisser cet avis de mon école ». Cela constitue un excès selon des savants.

De même, il ne faut pas condamner ceux qui suivent d’autres avis juridiques, – tant qu’ils n’entrainent pas d’interdit clair – élaborés par des mujtahidûn reconnus, tout comme il ne faut pas refuser de prier, – alors que c’est l’heure de la prière – derrière un musulman qui suit une autre école juridique ou dont le rite est accompli selon les conditions obligatoires de la salât selon toutes les écoles reconnues (accomplissement des ablutions, personne lucide et non-ivre, récitation de la Sûrah al-Fatiha, accomplissement des différentes stations physiques dans l’ordre : debout, inclinaison et prosternation, puis redressement/assise ; selon les différents cycles (rakât) fixés pour chaque prière canonique), et dont on sait qu’il ne remet pas en cause Allâh ou le Qur’ân, ni la Sunnah en soi ni Son Prophète (Muhammad) ou une chose nécessairement connue de la Religion (comme l’existence des autres Prophètes et Révélations, le Paradis et l’Enfer, le Jour du Jugement dernier, etc.).

A celui qui ne connaît des règles de l’islam que les grandes lignes, et qui ne veut pas (ou ne peut pas) passer beaucoup de temps à approfondir ses recherches dans le fiqh, – ou qui ne sait pas où s’orienter pour de bonnes références -, on ne peut pas lui demander de faire des recherches approfondies, et pour lui, l’excès c’est de se mettre à penser par exemple ceci : « Ce savant ne peut pas se tromper, et même s’il apparaissait clairement qu’il s’est trompé à propos d’un avis, je suivrais quand même cet avis ». C’est cela, écrit Shâh Waliyullâh, qui est blâmable en ce qui le concerne. Il lui faut donc, – comme pour chacun – garder à l’esprit que « en dehors du Prophète, il arrive à tout grand savant de se tromper dans ses interprétations des textes des sources ». Ce grand savant recevra d’ailleurs une récompense pour une telle erreur s’il a été sincère et qu’il cherchait la vérité et le bien, et sera donc « excusé » en cas d’erreur. Il nous est parvenu en effet selon un hadîth authentique que : « Lorsque le juge a fait un effort (juridique) (ijtahada) puis a atteint la vérité, il a deux récompenses, et s’il a fait un effort (juridique) et s’est trompé, il a une seule récompense » (Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh, n°6805 au chapitre Al- i‘tisâm bi al-kitâb wa as-sunna).
Quant à la légitimité de l’ijtihâd, outre les versets qurâniques qui enjoignent à la réflexion et à l’observation concernant le fiqh (ainsi que la science, la ‘aqida, le tafsîr, etc.), il y a aussi ce célèbre hadith prophétique où le Prophète avait enseigné à Mu’âdh ibn Jabal avant de l’envoyer au Yémen comme messager des bonnes valeurs de l’Islam : « Selon quoi jugeras-tu lorsque le besoin s’en présentera ? – Selon le Livre d’Allâh (Qur’ân), avait répondu Mu’âdh. – Et si tu ne trouves pas (de solution explicite) dans le Livre d’Allâh ? – Je jugerai alors selon les Hadîths du Messager d’Allâh, avait répondu Mu’âdh. – Et si tu ne trouves pas (de solution explicite) dans les Hadîths du Messager d’Allâh ? – Je ne manquerai alors pas de faire un effort de réflexion (ijtihâd) pour formuler mon opinion, avait répondu Mu’âdh ». Sur quoi le Prophète avait manifesté son approbation en ces termes : « Louange à Allâh qui a guidé le messager (émissaire) du Messager d’Allâh vers ce qu’agrée le Messager d’Allâh » (Rapporté par at-Tirmidhî et Abû Dâwûd dans leur Sunân ainsi que par Ibn al-Qayyîm dans I’lâm ul-muwaqqi’în 1/49-50). Ce hadîth peut illustrer parfaitement ce noble verset du Qur’ân : « Ô les croyants ! Obéissez à Allâh, et obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement (l’autorité). Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-le à Allâh et au Messager, si vous croyez en Allâh et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation (et aboutissement) » (Qur’ân 4, 59), c’est-à-dire par ordre hiérarchique Allâh dans le Qur’ân, le Messager d’Allâh dans les ahadiths fiables en conformité avec le Qur’ân, puis à ceux qui détiennent l’autorité, que ce soit dans la politique, la gouvernance, le domaine militaire, le savoir, l’éducation spirituelle, etc., et en cas de divergence dans le domaine de la réflexion, de revenir à ce qui est clair dans le Qur’ân et la Sunnah.

A propos de ceux qui ont atteint le rang de Mujtahid mutlaq

Par rapport aux savants qui ont atteint le statut de mujtahid mutlaq, ils sont bien plus que 4 (Abû Hanifa, Mâlik, As-Shafi’î et Ahmad). Il y en a eu bien plus que 4, seulement en général leur propre ijtihad ont rejoint l’une des méthodologies traditionnelles, ou ont divergé seulement sur quelques points parmi leurs contemporains. Sinon même à l’époque des 4 imâms, il y avait aussi les imâms Jâ’far, Zayd Ibn ‘Alî, Sûfyân at-Thawrî, Sûfyân Ibn ‘Uyayna, Hassân al-Basrî, Ibrâhîm an-Nakhâ’î, Al-Awzaʻi, Al-Layth, Ibn Jarîr at-Tabarî, Al-Junayd, al-Harith al-Muhasibi, etc. Parmi ceux qui avaient atteint ce rang mais qui ont préféré se rattacher à une école existante, – tout en adoptant parfois d’autres avis mais selon les mêmes fondements juridiques, nous pouvons citer Abû Yûsuf et Muhammad Ibn al-Hassân (élèves de Abû Hanifa notamment), puis plus tard des savants comme Al-ʻIzz ibn ʻAbd As-Salâm, An-Nawawî, Ibn Daqîq Al-ʻÎd, At-Taqî ud-Dîn As-Subkî, Ibn ‘Arabî, etc. (certains classent aussi dans cette catégorie Abû Hâmid al-Ghazâlî, Al-Juwaynî, Al-Jilânî et Ibn Taymiyya par exemple), qui étaient considérés comme étant des personnes ayant atteint le statut de mujtahid mutlaq. Wa Allâhu a’lam. Ils étaient traditionnels en ce sens que leurs méthodologies partaient de la perspective traditionnelle et remontaient par chaine/voie de transmission de maîtres à disciples jusqu’aux Compagnons (dont les ahl ul bayt).

Il y a des divergences techniques sur les différents types d’ijtihad et de mujtahid, par exemple Mujtahid Muqayyad ou Mujtahid de Takhrīj (celui qui imite l’imâm dans ses avis juridiques et applique l’ijtihâd dans les sujets non-étudiés par l’imâm fondateur de l’école), le Mujtahid de Tarjīḥ ou Mujtahid de fatwâ c(elui qui évalue entre les avis des mujtahidîn de son école sans appliqué un ijtihâd direct dans le Qur’ân et la Sunnah), le Mujtahid Mustaqill (Celui qui atteint le degré d’ijtihâd dans toutes les disciplines juridiques et a établi ses propres fondements juridiques (usûl) et déduit les ahkâm (statuts légaux) à partir des textes légaux que sont le Qur’ân et Sunnah). Certains placent ainsi tel savant dans l’une de ses catégories tandis que d’autres situent les mêmes savants dans une autre des catégories susmentionnées.

A l’époque ils ne voyaient pas la nécessité de changer de mahdhab non plus car ils vivaient encore dans un monde traditionnel qui ne fut pas totalement bouleversé et chamboulé comme à notre époque, où le monde moderne a renversé les valeurs, changé considérablement les moeurs et les perspectives, semé la confusion, et qui a fait rejaillir toutes les bizarreries ou déviances de l’Histoire en exagérant et en amplifiant les divergences de chaque époque comme si cela était la norme, alors que les sociétés traditionnelles étaient bien plus nuancées que cela et qu’ils ne vivaient pas que selon ce que l’on pouvait trouver dans les livres. Wa Allâhu a’lam.

Selon les conditions mentionnées par la plupart des spécialistes (voir par exemple ce qu’ont expliqué le Shaykh Corentin Pabiot et le Dr. Hassen Amdouni dans son ouvrage Oussoul al Fiqh), de nos jours, il y aurait potentiellement des centaines ou des milliers de personnes pouvant prétendre à ce rang, s’ils sont pieux, ont une bonne maîtrise de la logique, ont accès au Qur’ân et à la Sunnah (entendus ici par les recueils de ahadiths) en langue arabe dans les dimensions éthiques, cultuelles et juridiques des sources scripturaires (connaitre les autres dimensions n’étaient pas obligatoires), maitrisent la grammaire et le contexte des versets, connaissent la terminologie et les sciences du hadîth en se référant à leur contexte (pour savoir si tel hadith a été abrogé ou appliqué à un moment précis), – ils pourront toutefois se contenter de se référer aux spécialistes du hadith eux-mêmes pour les détails et les règles précises et le statut des rapporteurs par exemple -, connaître les règles des Uṣûl al fiqh (fondements du droit), c’est-à-dire la capacité de distinguer les sens particuliers, généraux, communs, propres ou figurés des textes scripturaires, les textes catégoriques et équivoques, et les règles qui régissent la recherche et l’emploi du motif causal, de la ‘Illah (la cause ou la finalité de la prescription).

L’opposition fanatique au sunnisme

Parmi les ennemis acharnés du sunnisme, certains répandent de nombreuses calomnies ou exagérations, mais ce qu’ils reprochent au sunnisme (qui ne concerne au final que des groupes sunnites mais pas l’ensemble du sunnisme ni des sunnites), il y a en réalité le même problème avec tous les groupes : scientifiques, athées, chrétiens, démocrates, shiites, etc., tous ont leurs divergences internes, leurs sensibilités différentes, leurs hérétiques et leurs désaveux de leurs compères qu’ils estiment « égarés ».

Le terme sunnite est légitime (islamiquement et intellectuellement) car il s’agit de suivre la voie instituée par le Prophète, en opposition avec les éventuels musulmans qui s’y opposeraient. Mais comme on pouvait s’y attendre, dans un groupe composé de plusieurs centaines de millions d’adeptes au fil des âges, cela allait évidemment amener des tendances diverses au sein du sunnisme, – tout comme dans des groupes à plus petite échelle comme les juifs, les shiites, aujourd’hui les coranistes, … -, aucun groupe humain, selon le Qur’ân, n’échappera aux différends et aux divergences. Le sunnisme en soi englobe le Qur’ân, la Voie prophétique, l’amour des ahl ul bayt, les différentes dimensions de l’Islam, le tasawwuf, l’usage de la réflexion, etc.

Il faut cependant éviter la sacralisation de ce qui ne doit pas être sacralisé, le fanatisme, l’attachement au rigorisme et le fait de tout politiser, là où le politique doit être conditionné par le spirituel et non pas l’inverse, si l’on veut éviter l’extrémisme et le sécularisme.

Sur le plan politique, ce qu’ils reprochent au sunnisme peut pourtant être soutenu par une lecture du Qur’ân et par l’avis de plusieurs ahl ul bayt comme Ibn ‘Abbâs, Hassân, ‘Alî Zayn ul Abidîn, Muhammad Al-Bâqir, Jâ’far As-Sâdiq, etc. Tandis que des imâms comme ‘Alî, Hussayn, Zayd Ibn ‘Alî, Abû Hanifa et Mâlik aussi (selon les contextes) sont d’avis qu’il est possible de se rebeller contre des gouverneurs injustes. Qu’Allâh leur fasse Miséricorde, car tous souhaitaient le Bien de la Communauté mais divergeaient sur les méthodes. Qu’Allâh fasse Miséricorde à al-Hassân qui a accepté le compromis et s’est effacé politiquement pour préserver l’union et la stabilité et éviter un bain de sang. Qu’Allâh fasse Miséricorde à l’imâm ‘Alî, – malgré l’injonction de son fils Hassân de ne pas faire cela – pour avoir manifesté son droit et faire rentrer dans le rang les rebelles. Qu’Allâh fasse Miséricorde à l’imâm Hussayn pour être sorti afin de s’opposer à l’oppression et à la tyrannie des injustes ! Qu’Allâh pardonne à Mu’awiyya pour être sorti contre l’imâm juste (‘Alî), et ‘Alî tout comme Mu’awiyya ont regretté les conséquences et décisions qui ont mené à ce conflit !

Le problème est moins doctrinal que politique liée à la maslaha. Entre des injustices qui n’engendrent pas de massacres de grande ampleur, et une fitna (« et la fitna est pire que le (simple) meurtre », cf. Qur’ân) qui engendre de grands massacres et de nouvelles tensions qui risqueront d’engendrer de nouveaux bains de sang, les imâms divergent là-dessus. C’est là tout le drame ; risquer d’amener une situation encore pire ou ne rien faire de concret face à l’injustice d’un pouvoir politique.

Quant à notre époque, parmi « l’opposition », rares sont ceux qui sont clairvoyants et vertueux à la fois, car les révolutionnaires sont soit naïfs ou utopistes, soit sanguinaires (ou suivant leurs passions et vices a minima, et avec le chaos de la guerre, ils développent de très mauvaises manières).

Des savants sunnites ont par ailleurs adopté des visions nuancées là-dessus selon les différents cas, comme Ibn Hajar al ‘Asqalânî, Al-Ghazâlî, An-Nawawî et même Ibn Taymiyya. Les mêmes positions se retrouvent chez les réformistes, les shiites et les néo-mu’tazilites.

Quant au peuple et aux savants, ils peuvent très bien se désavouer et ne pas approuver le moins du monde l’injustice du gouvernement sans pour autant se révolter par les armes et la guerre civile.

A travers ces prétextes fallacieux, ceux qui veulent détruire les écoles traditionnelles sont clairement dans l’erreur (pour les gens sincères parmi eux) et dans la manipulation pour les autres, d’autant plus que cela reviendrait à encourager l’anarchie et donc l’éclosion de nombreux nouveaux courants où chaque opinion personnelle fera office d’autorité non-consensuelle, ce qui amènera à la fois au relativisme culturel, – où les avis absurdes et sanguinaires seront mis au même rang que les autres avis – et à une société fragmentée et sectaire où le vivre-ensemble sera difficilement possible, sauf dans un Etat qui, sur le plan exécutif et législatif, imposera une loi « imposant » le vivre-ensemble et un certain nombre de codes sociétaux « consensuels ».

Les écoles traditionnelles de fiqh et de ‘aqida sont donc suffisantes et possèdent de nombreux outils intellectuels et juridiques d’une grande richesse, de même que la diversité des avis qu’elles possèdent, – indépendamment de la question de l’avis retenu dans chaque école -, mais ce qu’il faut éviter, c’est le sectarisme, le fanatisme et faire du fiqh une discipline desséchée et détachée de l’éthique, car alors elle se transformera un trouble provoquant des déséquilibres et de l’hypocrisie chez bien des gens « malades » ne cherchant qu’à assouvir leurs passions égoïstes. De même, l’Islam n’impose pas aux croyants de suivre à tout prix l’avis retenu sur des questions qui ne concernent que leur vie privée, puisque l’avis d’un mujtahid reconnu, et qui n’altère ni la piété ni le sens de la justice chez celui qui l’adoptera, est légitime et fait partie des divergences acceptables, et que selon le Qur’ân et la Sunnah, la divergence, sous ce rapport, est une miséricorde et que la facilité, – tant qu’elle n’implique pas de commettre un acte illicite ou d’assouvir ses passions se détournant de la justice et de la piété -, est encouragée par Allâh, en même temps que le croyant est exhorté à dompter son ego et à ne pas trop se laisser aller. Mais si un(e) musulman(e) est confronté(e) à une difficulté « paralysante », « angoissante » ou « insupportable », de quels droits certains juristes (ou étudiants avancés) imposent un avis, – ne faisant aucunement consensus – comme la seule solution possible, alors que cela les conduit au désespoir, à la schizophrénie, à l’abandon de toute pratique ou même à l’apostasie ?

Ainsi donc, ceux qui se rattachent globalement à une école dans le fiqh (dont la « nécessité » concerne surtout l’accomplissement des rites sur des bases solides et corroborées par de nombreuses preuves et méthodes), mais qui choisiraient sur certaines questions sociétales, alimentaires, artistiques ou conjugales, des avis issus des autres écoles, sans compromettre leur « orthodoxie doctrinale », la noble éthique islamique, et l’accomplissement des rites selon la validité des règles édictées par l’école, ne peuvent aucunement être blâmés ou traités « d’égarés » ou « d’hérétiques » selon le Qur’ân, la Sunnah ou les salafs. Or ceux qui agissent de façon sectaire le font par fanatisme et par ignorance, et ils devront en répondre devant Allâh, pour avoir méprisé injustement Ses serviteurs, pour avoir compliqué inutilement la vie des croyants, pour avoir imposé de façon illusoire et non-nécessaire, des avis étranges ne comportant aucun bienfait réel, et pour les avoir éloigné de l’excellence spirituelle et morale que le Prophète a enjoint, visant justement à transcender les codes culturels nuisibles ou « neutres » mais pouvant causer du tort quand ils n’étaient pas encadrés par l’éthique islamique. Les fruits (amers) d’une telle approche « mécanique » et « sans saveur » du fiqh engendre bien des maux, tels que le fanatisme, l’injustice, l’hypocrisie, le mépris, le sectarisme, la nuisance aux croyants, l’obsession pour les détails au détriment des principes, de la spiritualité et de l’éthique, la sacralisation des savants malgré les incohérences ou les absurdités de certains avis, le fait de placer (dans les faits même si pas dans la théorie) l’argument d’autorité mal fondé au-dessus du Wahî (Révélation), de la Prophétie et de l’intelligence (‘aql) dans des choses qui relèvent du bon sens et de la généralité (car il faut être conscient que sur les sujets ou détails complexes, cela demande des efforts et études considérables réalisés par des spécialistes de la langue arabe, des ussul et du fiqh) qui sont accessibles à tout le monde et qui n’exigent pas de faire de longues études. Et tout cela pousse les faibles d’esprit ou les personnes « traumatisées » par cette approche, le rejet global ou total du fiqh, le fanatisme dirigé contre les écoles, la Tradition, la piété et même l’éthique, ou encore l’apostasie ou la « folie » comme on peut le voir chez certains détracteurs des écoles traditionnelles.

Le sunnisme se suffit donc à lui-même al-Hamduli-Llâh. Les positions de certains savants n’engagent qu’eux, et cela n’est pas le produit du sunnisme, mais des éléments isolés et étrangers qui s’y sont greffés. Et si ces positions isolées n’ont jamais été les positions de la majorité, ce n’est pas pour rien.

Beaucoup de réformistes fanatiques mentent, occultent des faits (et notamment les mérites et les ouvrages bénéfiques) des personnalités ou groupes qu’ils critiquent, citent des propos hors du contexte, mésinterprètent ou amplifient la portée de certains propos, ne rapportent pas leur repentir, opèrent des amalgames et s’en prennent injustement à des personnes qui sont décédées et qui ont évolué dans des sociétés complètement différentes de la leur, – a minima cela exige de la distanciation et d’une remise en contexte (et par cohérence, de les excuser sur ces questions s’ils ont été victimes des passions et tribulations de leur temps).
Par ailleurs, les réformistes oublient que dans leur rang, soit parmi les penseurs, soit parmi les acteurs politiques, il y a des ennemis du Qur’ân, du Prophète, des ahl ul bayt et des nobles Compagnons, de la Sunnah en tant que tel, de la pudeur et de l’honneur des femmes musulmans, de la sécurité de nos populations…
Mohammed Ben Salman en Arabie se situe dans la mouvance réformiste/séculariste, la famille Assad en Syrie qui est connue pour leurs crimes sanglants s’inscrivent dans un paradigme réformiste et séculariste, l’émir du Bahreïn et celui des Emirats arabes unis aussi, qui s’inscrivent dans une vision réformiste et séculariste de la religion, et qui combattent le sunnisme tout comme ils combattent la Turquie (qui fait globalement de bonnes choses dans la région) et l’Iran en raison de leur influence dans la région. Leurs prisons sont remplies de sunnites traditionnalistes en majorité, ainsi que de shiites traditionnalistes, et de quelques militants des droits de l’Homme de tous bords. Mais contrairement à eux, nous ne mettons pas personnellement tous les réformistes dans le même sac, ni nous n’appelons à les persécuter.
Il est donc un fait établi pour quiconque suit les pages des mouvements réformistes, de voir que beaucoup d’entre eux s’allient avec les sionistes et se détournent de la cause palestinienne, syrienne, ouïghoure, yéménite ou autre.

Comme chacun le sait (ou est censé le savoir), quand un groupe est composé de plus d’1 milliard d’individus, influencés par les mœurs et les idéologies en vogue, qui ne connaissent pas forcément les grands principes fondateurs du sunnisme, qui ont des sensibilités différentes, il est donc tout à fait normal que l’on trouve une diversité d’avis, reflet de la diversité des sensibilités et des profils psychologiques et culturels – mais les réformistes ne sont pas à une contradiction près puisqu’ils prétendent à l’ouverture d’esprit et à la divergence mais ne la tolèrent point dans les faits quand des avis contestent les leurs, ce qui ressemble à la rhétorique des laïcs fanatiques et intolérants -.

Quant à nous, nous sommes sunnites car nous reconnaissons le Qur’ân et la Sunnah purifiée, nous nous désavouons de toute conception anthropomorphiste du Divin, nous aimons les ahl ul bayt (qui étaient majoritairement sunnites comme ils le disent eux-mêmes), la Loi Divine est supérieure aux lois humaines, nous sommes contre le fanatisme, l’injustice, la tyrannie et le terrorisme sous toutes leurs formes.
Nous rejetons les avis que nous estimons erronés, déviants ou injustes, sans pour autant diaboliser les savants qui les ont défendu pour une raison excusable ou non, et chacun devra répondre de ses paroles et de ses actes devant Allâh le Tout-Puissant au Jour du Jugement.

Ce que d’autres font, n’engagent qu’eux-mêmes ou leurs conceptions des choses, mais non pas l’Islam ou le sunnisme en soi.


Le rapport envers les savants : ni sacralisation ni diabolisation

Comme nous l’avons vu, il y a deux excès que l’Islam condamne, – aussi bien dans le Qur’ân que dans la Sunnah – dans nos rapports avec les savants. Il s’agit de leur sacralisation, – voire même de leur idolâtrie – en les pensant infaillibles ou moralement irréprochables (et se pose aussi la question de savoir si ce que leur reproche sur ce plan-là, tout comme sur le plan intellectuel, est fondé de la part de leurs détracteurs), et de leur diabolisation, c’est-à-dire le fait de ne se focaliser que sur leurs défauts ou leurs erreurs (minimes ou graves), alors que leurs détracteurs tombent souvent dans les mêmes travers, ou font même pire parfois.

Si l’on assimile bien le fait qu’ils ne sont pas infaillibles et qu’ils sont en partie le produit de leur temps, il devient plus facile d’être pondéré et équitable, de prendre d’eux les choses bénéfiques qu’ils ont laissé à l’Humanité, de prendre du recul sur ce qui est douteux ou qui n’a aucune utilité pour notre époque, et délaisser clairement ce qui est faux ou injuste de façon certaine.

Le Qur’ân dit d’une part : « Ils ont pris leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Christ fils de Marie, comme Seigneurs en dehors d’Allâh, alors qu’on ne leur a commandé que d’adorer un Dieu unique. Pas de divinité à part Lui ! Gloire à Lui ! Il est au-dessus de ce qu’ils [Lui] associent » Qur’ân 9, 31), c’est-à-dire que, parmi les anciennes communautés, des groupes ont tellement exagéré qu’ils ont délaissé la récitation et la méditation de la Parole Divine, pour « déifer » des hommes au moins qu’ils en altéraient la juste compréhension, et que leurs suiveurs les sacralisaient, – voire même leur vouait un culte -. Cela est évident chez les shiites extrémistes à l’égard des « 12 imâms » comme envers certains de leurs « marja ». Chez certains sunnites ou autres groupes (y compris non-musulmans), on peut trouver parfois un fanatisme en exagérant sur les mérites et « l’autorité absolue » d’un savant (ou de certains savants) ou de leurs figures fondatrices (comme c’est le cas de nombreuses sectes non-religieuses, où le culte de la personnalité est central).

D’un autre côté, le Qur’ân rappelle ceci : « Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos frères qui nous ont précédés dans la foi ; et ne met dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos semblables qui nous ont précédés dans la foi ; et ne met dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru » (Qur’ân 59, 10).

Toute une Sûrah dans le Qur’ân donne les règles à suivre et à méditer concernant ces sujets qui causent bien des dégâts, encore aujourd’hui :

« Ô vous qui avez cru (qui avez la foi) ! Ne devancez pas Allâh et Son Messager. Et craignez Allâh. Allâh est Audient et Omniscient.

Ô vous qui avez cru ! N’élevez pas vos voix au-dessus de la voix du Prophète, et ne haussez pas le ton en lui parlant, comme vous le haussez les uns avec les autres, sinon vos oeuvres deviendraient vaines sans que vous vous en rendiez compte.

Ceux qui auprès du Messager d’Allâh baissent leurs voix sont ceux dont Allâh a éprouvé les coeurs pour la piété. Ils auront un pardon et une énorme récompense.

Ceux qui t’appellent à haute voix de derrière les appartements, la plupart d’entre eux ne raisonnent pas.

Et s’ils patientaient jusqu’à ce que tu sortes à eux, ce serait certes mieux pour eux. Allâh cependant, est Pardonneur et Miséricordieux.

Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair [de crainte] que par inadvertance vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait.

Et sachez que le Messager d’Allâh est parmi vous. S’il vous obéissait dans maintes affaires, vous seriez en difficultés. Mais Allâh vous a fait aimer la foi et l’a embellie dans vos coeurs et vous a fait réprouver la mécréance, la perversité et la désobéissance. Ceux-là sont les bien dirigés, c’est là en effet une grâce d’Allâh et un bienfait. Allâh est Omniscient et Sage.

Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l’un d’eux se rebelle contre l’autre, combattez le groupe qui se rebelle, jusqu’à ce qu’il se conforme à l’ordre d’Allâh. Puis, s’il s’y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Allâh aime les équitables.

Les croyants ne sont que des frères. Etablissez la concorde entre vos frères, et craignez Allâh, afin qu’on vous fasse miséricorde.

Ô vous qui avez cru ! Qu’un groupe ne se raille pas d’un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que « perversion » lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là sont les injustes.

Ô vous qui avez cru ! Evitez de trop conjecturer [sur autrui] car une partie des conjectures est péché. Et n’espionnez pas; et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? (Non !) vous en aurez horreur. Et craignez Allâh. Car Allâh est Grand Accueillant au repentir, Très Miséricordieux.

Ô humains ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allâh, est le plus pieux. Allâh est certes Omniscient et Grand- Connaisseur.

Les Bédouins ont dit : « Nous avons la foi ». Dis : « Vous n’avez pas encore la foi. Dites plutôt : Nous nous sommes simplement soumis, car la foi n’a pas encore pénétré dans vos coeurs. Et si vous obéissez à Allâh et à Son Messager, Il ne vous fera rien perdre de vos œuvres ». Allâh est Pardonneur et Miséricordieux.

Les vrais croyants sont seulement ceux qui croient en Allâh et en Son Messager, qui par la suite ne doutent point et qui luttent avec leurs biens et leurs personnes dans le chemin d’Allâh. Ceux-là sont les véridiques.

Dis : « Est-ce vous qui apprendrez à Allâh votre religion, alors qu’Allah sait tout ce qui est dans les cieux et sur la terre ? ». Et Allâh est Omniscient.

Ils te rappellent leur conversion à l’Islam comme si c’était une faveur de leur part. Dis : « Ne me rappelez pas votre conversion à l’Islam comme une faveur. C’est tout au contraire une faveur dont Allâh vous a comblés en vous dirigeant vers la foi, si toutefois vous êtes véridiques ».

Allâh connaît l’Inconnaissable des cieux et de la terre et Allâh est Clairvoyant sur ce que vous faites » (Qur’ân 49, 1-18).

L’Imâm Ahmad appréciait ce qui était rapporté de Hâtim al-Asam, lorsqu’on lui dit : « Tu n’es pas Arabe et tu ne parles pas avec éloquence, pourtant personne ne débat avec toi sans que tu ne le fasses taire. Comment prends-tu le dessus sur tes adversaires ? ». Il répondit : « Par trois choses : Je suis heureux lorsque mon opposant dit vrai, et je m’attriste lorsqu’il se trompe. Je retiens ma langue face à lui, de peur que je ne dise quelque chose qui le blesserait » – ou une parole du même sens – alors Ahmad a dit : « Que cet homme est sage ! » » (Cité par l’imâm Zayn ud-Dîn Ibn Rajab al-Hanbali dans son Al-Farq bayna an-Nasihah wat-Ta’yir).

L’imâm Ad-Dhahâbî dans son Siyar A’lâm An-Nubalâ (10/92-93) a écrit : « S’il apparaît évident que des paroles de savants [contre d’autres ont été proférées] par passion et par discrimination, alors on ne les prend pas en compte, et on ne les rapporte pas. C’est la règle qui fut appliquée pour les paroles et les disputes entre les compagnons – qu’Allâh les agrées -. Cependant, ces paroles souvent discontinues et faibles et dont certaines sont mensongères, sont toujours rapportées dans les livres. Alors, il convient de les cacher, de les rendre inexistantes, afin que les cœurs restent purs et se consacrent entièrement à l’amour des compagnons et demander à Allâh de les agréer. L’accès à ces paroles doit être interdit au public et à certains savants. Cependant, on peut permettre à un savant juste, dépourvu de passion de lire cela à l’écart, à condition qu’il demande pardon en leur faveur, comme Allâh nous l’a appris, car Il dit : « Et [il appartient également] à ceux qui sont venus après eux en disant : « Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos frères qui nous ont précédés dans la foi ; et ne met dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos semblables qui nous ont précédés dans la foi ; et ne met dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru » (Qur’ân 59, 10). Car ces gens ont de bons antécédents et des œuvres qui expient ce qu’il y a eu entre eux, ils ont un ijtihad qui efface [les péchés] et une adoration purifiante. Et nous ne sommes pas de ceux qui exagèrent les louanges de l’un d’entre eux, et nous ne prétendons pas qu’ils sont infaillibles (…). Ensuite, certains parmi les tabi‘în ont parlé contre d’autres, se sont livrés combat et des choses qu’il n’est pas possible d’expliquer se sont passées. Il n’y a donc aucun intérêt à les diffuser. Il est survenu dans les livres d’histoire, et ceux de la récusation et d’agrément, des faits surprenants. Celui qui est doué de raison est celui qui juge sa propre personne, et parmi les caractéristiques du bon musulman, il y a le fait d’abandonner ce qui ne le concerne pas, et [sachez que] la chair des savants est empoisonnée ».

Dans la même encyclopédie (15/85-89) il dit : « Le grand Savant, l’imâm des théologiens, Abû al-Hassan ‘Alî ibn Ismâ‘îl ibn Abî Bishr Ishâq ibn Salim ibn Ismâ‘îl ibn ‘Abd Allah ibn Mûssa fils de l’émir de Bassora Bilal ibn Abî Burda fils du compagnon du Prophète ( صلى الله عليه وسلم) Abî Mûssa ‘Abd Allah ibn Qays ibn Hadhar al-Ash‘arî al-Yamânî al-Basrî. (…) J’ai vu chez Al Ash‘arî une parole qui m’a étonné, et elle est confirmée, al Bayhaqî [m.458 H] l’a rapporté en disant : J’ai entendu Abû Hâzim al ‘Abdawî [m.417 H] dire : J’ai entendu Zâhir ibn Ahmad as Sarakhsî [m.389 H] dire : Lorsque les derniers instants de Abû al Hassan al Ash’arî ont approché dans ma maison à Baghdâd, il m’a appelé, je suis venu, puis il a dit : «Atteste de ma part que je ne rends personne mécréant parmi les gens de la Qiblah, car tous appellent à une Divinité Unique, et nos divergences ne sont que dans les expressions». Je dis [Ad-Dhahabî] : Sur cela je pratique ma religion. Notre Shaykh Ibn Taymiyyah [m.728 H] était ainsi lors de ses derniers jours, il disait : « Je ne déclare personne de la communauté mécréant, et le Prophète ( صلى الله عليه وسلم) a dit : « Personne ne garde son ablution sauf un croyant, quiconque prie avec son ablution est musulman » ».

Ailleurs dans la même encyclopédie (20/46) il dit encore : « Les fanatiques (exagérateurs) Mu’tazilites, les fanatiques shiites, les fanatiques Hanbalites, les fanatiques Ash’arites, les fanatiques Murji’a, les fanatiques Jahmites, les fanatiques Karramites, ont envahi le monde et se sont multipliés. Il y a parmi eux des intelligents, de vrais adorateurs, des savants, on implore le pardon d’Allâh pour les gens du Tawhîd, et on s’innocente à Lui des passions et innovations, on aime la Sunnah et ses gens et on aime le savant pour ses qualités dans le suivi et les bonnes moeurs, et on n’aime pas ce qu’il a innové par une interprétation légitime, car le bon exemple est fruit de la multitude des bonnes œuvres ».

Son disciple et compagnon Tâj ud-Dîn As-Subkî a écrit, quant à lui, dans ses Tabaqat as-Shafiyya (1/190) : « Nous t’avons enseigné que la critique n’est pas acceptée, même si elle est détaillée vis-à-vis de celui dont les obéissances surpassent les désobéissances, celui dont ceux qui font son éloge sont supérieurs en nombre à ceux qui le dénigrent, celui dont ceux qui l’approuvent sont supérieurs en  nombre à ceux qui le critiquent, et s’il existe une concurrence de la vie d’ici-bas comme cela se passe entre des concurrents ou autres. Ainsi donc, nous n’accordons aucune considération à la parole d’At-Thawrî et autres, contre Abû Hanifa, ni à celle d’Ibn Abû Dhib et autres, contre Mâlik, ni à celle d’Ibn Ma‘în contre As-Shâfi‘î et celle de An-Nasâ’î contre Ahmad Ibn Sâlih et bien d’autres. Si nous avions fait précéder la critique, aucun des imams n’y aurait échappé, car tous les imams ont fait l’objet de dénigrement et ont été la cause de la perdition des damnés [qui leur causent du tort] ».

Les gens se sont effectivement rendus mutuellement malades et leurs relations ont été empoisonnées en raison du fait que des gens de la passion, ou des savants surenchérissant face aux critiques et aux tensions, se sont noyés dans la « mer des polémiques » et ont causé la division, le mépris, le fanatisme voire même l’agression ou le combat parfois, à cause de tout cela. Et de nos jours, tout cela est mis à la portée de tous, et nous voyons les gens, – qu’ils soient athées, chrétiens, musulmans sunnites, musulmans shiites, musulmans réformistes, etc. – s’insulter mutuellement, se détester ou se combattre à cause des querelles du passé ou des polémiques qui ont opposé des savants entre eux.

Par ailleurs, parfois la critique est justifiée, parfois elle se fonde sur une passion et un vice, d’autre fois encore, elle est sincère mais se fondant sur des rumeurs ou des incompréhensions, et c’est là une chose humaine qui existe encore plus à notre époque, entre les différentes communautés tout comme entre les groupes d’une même communauté, et ce, malgré les nombreux moyens « directs » de communication, de médias et de messagerie. Que dire alors durant les époques anciennes, où les rumeurs ne pouvaient pas toujours être vérifiées dans l’immédiat ?

Aujourd’hui, aucun groupe n’échappe à la critique (ni les communautés comme les musulmans, les chrétiens, les juifs, les bouddhistes, les hindous, les marxistes, les athées, les panthéistes, les fascistes, les français, les américains, …) ni même aucun savant ou intellectuel, car dès qu’il existe une prise de position, cela implique de faire face à un groupe d’opposition.

Il convient donc de garder une extrême prudence quant aux accusations, car soit les paroles ou les actes incriminés peuvent bénéficier d’une autre interprétation (sous-entendue ici : acceptable), soit possèdent une circonstance atténuante, soit ont été déformés ou carrément inventés sur le compte de certaines personnalités, soit encore, ces mêmes personnes sont revenues entre temps sur leurs positions controversées. S’il subsiste une incertitude, il faut s’en remettre à Allâh et analyser la situation au conditionnel, c’est-à-dire, « si tels savants ou tels groupes, ont dit ceci et ont voulu signifier cela, alors cela est correct ou incorrect puisque … » ; « si cette personne est morte en pensant cela alors … ».


L’importance de revenir à l’éthique islamique

Cette absence de miséricorde, de fraternité, d’indulgence et de bonté, signe la « mort du coeur » alors que la Sunnah vise essentiellement à revivifier la noblesse du « cœur ».

De nombreuses paroles prophétiques abondent pourtant dans ce sens, ayant une portée générale :

« Efforce-toi de n’avoir que de belles paroles et répands la paix » (Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh, n°490).

« Le compagnon ‘Abdallâh Ibn ‘Amr rapporte que : « On a dit : « Ô Messager d’Allâh ! Quel est le meilleur des hommes ? ». Il a répondu : « Tout homme au cœur makhmûm, à la langue véridique ». On lui demanda alors : « L’homme à la langue véridique, d’accord nous le connaissons, mais que signifie au cœur makhmûm ? ». Il répondit : « C’est le cœur pur et pieux où il n’y a ni péché, ni injustice, ni ressentiment, ni jalousie » » (Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân),

« Le Prophète me demanda, en croisant les doigts : « Comment te comporterais-tu, Abû Dharr ! si tu te trouvais avec la lie* de l’humanité ? – Que me suggères-tu, Envoyé d’Allâh ? – La patience, la patience, la patience, répéta-il. Soyez indulgents pour la nature des hommes, mais ne les suivez pas dans leurs (mauvaises) actions !’ » » (Rapporté par al-Bayhaqî sous l’autorité d’Abû Dharr).
* Il s’agit du rebut, ce qu’il y a de plus vil, de plus mauvais chez une personne ou un groupe de personne. On dit souvent par exemple « la lie du peuple ».

« La personne ignorante [mais] généreuse est plus aimée auprès d’Allâh, Puissant et Majestueux, que la personne adoratrice [mais] avare » (Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân mais certains l’ont qualifié de faible, mais comme l’ont précisé des autorités dans le hadîth comme le Shaykh al-Munawî, les différentes chaînes et versions de ce hadîth se renforçaient mutuellement et peut se déduire également des versets qurâniques).

« La meilleure œuvre après la foi en Allâh, est l’amour bienveillant envers les gens » (Rapporté par At-Tabarânî avec une bonne chaine, et cité par Tayeb Chouiref dans son ouvrage Les enseignements spirituels du Prophète, vol. 1, p. 51, hadîth n°7).

« Il faut pratiquer la bienveillance et prendre garde à ne pas être violent ou indécent » (Rapporté par al-Bukharî, et cité par Tayeb Chouiref dans son ouvrage Les enseignements spirituels du Prophète, vol. 1, p. 51, hadîth n°8).

« La meilleure foi est celle qui s’accompagne de patience et d’indulgence » (Rapporté par Ad-Daylamî, avec une chaine authentique, et cité par Tayeb Chouiref dans son ouvrage Les enseignements spirituels du Prophète, vol. 1, p. 53, hadîth n°9).

« Rien n’est plus lourd dans la balance d’un croyant le jour de la résurrection que de jouir d’un bon caractère (comportement). Allâh réprouve l’homme grossier qui prononce des paroles obscènes » (Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân et par An-Nawawî dans son Riyâd As-sâlihîn au chapitre du bon caractère).

« Quelles sont les meilleures de toutes les actions ? Réjouir le cœur d’une personne, nourrir celui qui a faim, aider celui qui est éprouvé, alléger le chagrin de celui qui est chagriné, et alléger les souffrances de celui qui est blessé » (Rapporté par al-Bukharî).

« Je n’accepte pas d’être témoin d’une injustice » (Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh sous l’autorité de An-Nu’mân Ibn Bashîr).

 « Les meilleurs d’entre vous sont ceux qui suscitent en vous l’invocation d’Allâh lorsqu’ils sont vus, et les pires d’entre vous sont ceux qui répandent la calomnie, qui divisent ceux qui s’aiment et qui cherchent à faire souffrir » (Relaté sous l’autorité de Ibn ‘Umar et rapporté par al-Bayhaqî).

L’Imam ‘Alî (‘alayhî salâm) demanda au Prophète Muhammad (ﷺ) par rapport à son cheminement et il répondit : « La Foi est ma capitale. L’intellect est le fondement de ma religion. L’amour est ma fondation. L’Aspiration est ma monture. Le Rappel d’Allâh est mon compagnon le plus fidèle. La Confiance est mon trésor. Le chagrin est mon compagnon. Le savoir est mon armure. La patience est mon manteau. La satisfaction est mon butin. L’incapacité est mon orgueil. L’abnégation est ma profession. La certitude est ma nourriture, La sincérité est mon intercesseur. L’obéissance est suffisante pour moi. Lutter contre le mensonge est mon caractère et la fraicheur de mon oeil est dans la prière ». Il (ﷺ) a aussi dit : « Les fruits de mon coeur repose dans le Dhikr. Mes peines sont pour le sort de ma nation. Mon aspiration n’est que pour mon Seigneur, Le Très-Haut (en perfection et qualité) » (Rapporté par Al Qadî Iyyâd ibn Musa Al Yashubi, Kitab ash-Shifa bita’rif ‘Huquq Al-Mustafa – L’Antidote qu’est de savoir les droits de l’élu Prophète, Section 21 – La crainte révérencielle du Prophète pour Allâh, son obéissance et son intensité dans l’adoration d’Allâh).

Quoi qu’il en soit, rares sont les savants et les avis juridiques qui ont réellement fait l’unanimité, et on ne peut guère éviter les « étiquettes », donc à partir de là, la recherche sincère de la Vérité et l’idéal de justice doivent guider nos pas, nous menant à ne vouloir que la Satisfaction Divine puisqu’il n’est guère possible de « contenter » tout le monde. Et ce ne sont pas les autres qui assumeront à notre place nos actes et nos pensées le Jour du Jugement, mais nous serons seuls devant Lui, en espérant toutefois l’intercession de Ses bien-aimés, d’où l’importance de ne pas manquer de respect à Ses Prophètes, leurs nobles compagnons, leur famille bénie, les Saints et les vertueux de la Communauté, – en dépit de nos désaccords ou de leurs éventuels péchés -.

N’oublions pas également ce hadîth prophétique rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh (I’tisâm) : « Toute ma Communauté entrera au Paradis sauf celui qui refuse ». On lui demanda : « Qui peut refuser ? ». Il dit : « Celui qui m’obéit entrera au Paradis, et celui qui me désobéit aura refusé ». C’est-à-dire que si le musulman sait que le Qur’ân dit une chose et qu’il s’évertue à renier cela ou à transgresser volontairement, – et qu’il fait la même chose avec un hadîth explicite, qu’il sait fiable/authentique et qu’il sait qu’il doit le mettre en pratique mais qu’il s’y refuse -, c’est qu’il aura refusé ce qui lui permettait d’entrer au Paradis. Ce hadith s’oppose au fanatisme des querelles entre les différents courants, tout comme il incite chaque musulman consciencieux à faire de son mieux pour suivre le Message apporté par le Prophète Muhammad (ﷺ).

Les dangers de l’anachronisme et des biais idéologiques dans nos jugements de l’Histoire

Il faut faire attention aux anachronismes et aux jugements expéditifs sur le plan moral quand on parle de nos ancêtres qui évoluaient dans des époques aux conditions et mentalités fort différentes, sous peine d’être injustes à cause des biais idéologiques et cognitifs dans nos perceptions des choses. Il n’est pas question pour autant de justifier les injustices qui ont existé à travers pratiquement toutes les époques et toutes les communautés, car là n’est pas notre propos.

On peut dire que certaines pratiques nous paraissent étranges, choquantes ou dénuées de tout intérêt à et pour notre époque, sans pour autant les considérer comme des barbares. Cela ressemble à l’argument des végans antispécistes qui considèrent les êtres humains qui consomment de la viande et du poisson, – tout comme les animaux qui se nourrissent d’insectes ou d’autres animaux – de criminels, de barbares ou de génocidaires, alors qu’il ne s’agit là que d’un besoin naturel et du cycle de la vie, sachant que chaque espèce à ses spécificités et ses règles, et que nous ne pouvons pas les transposer telles quelles aux autres espèces. Là où la barbarie concerne les motivations malsaines et perverses et les méthodes cruelles, – et le manque d’empathie, de douceur et de compassion qui accompagne le rendement industriel moderne -. Cet argument se retourne également contre les végans antispécistes qui détournent nos besoins naturels, veulent transformer le cycle naturel de la vie et qui menacent la prospérité des plantes et des fleurs, en plus de menacer l’équilibre entre le monde végétal (les arbres et les plantes sont aussi, selon leur propre mode d’existence, vivants) et le monde animal, qui sont eux aussi, interdépendants.

Il y a donc fort à parier que, si les végans antispécistes, via leurs associations et lobbies, s’imposent de plus en plus dans le paysage politico-médiatique, avec une certaine radicalité que l’on perçoit déjà dans leurs discours et dans leurs méthodes parmi les fanatiques en leur sein -, que dans quelques années ou décennies, l’ensemble des populations humaines, qui à travers les âges, ont consommé de la viande ou en ont défendu la licéité, seront perçus injustement comme des barbares et des personnes immorales ou arriérées. Or, présentement, nous vivons cette époque, et nous savons que nous ne sommes pas des êtres immoraux ou rétrogrades car nous mangeons de la viande ou du poisson, tout comme nous condamnons les dérives qui existent dans les sociétés modernes concernant ce qui se déroule dans des abattoirs ou la façon dont certains maltraitent les animaux, choses que nous désavouons totalement.

Mais nous partons du principe que nous ne sommes pas les dieux, et que seul le Divin, qui donne la vie à toute chose, peut la reprendre dans Son bon droit, tout en donnant la permission aux êtres humains, sur ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas faire, concernant la façon de se nourrir. De plus, nous savons par l’expérience et la rationalité, que les animaux meurent, que d’autres se nourrissent d’autres animaux, et que de toute façon, la vie poursuit un cycle où chaque être goûtera à la mort ; les tuer pour se nourrir ne changera donc rien à cette fatalité, si ce n’est que nous devons préserver le bétail, bien traiter et bien nourrir nos animaux, tout en les protégeant du danger des autres prédateurs, et en leur procurant de bonnes conditions de vie. Et dans tout cela, il y a de l’amour, du respect et de la compassion, même si chez certains, les choses ne seront pas perçues sous cet angle.

Une autre erreur dans leur discours, est qu’ils transposent leurs croyances à l’ensemble de l’Humanité ou même des espèces animales, et pensent que tous souffrent de la même manière, alors qu’il y a une différence de conscience entre un être humain, une plante et un moustique, et que nous n’avons aucune preuve qu’ils considèrent comme injustes, les lois naturelles qui s’appliquent à l’ensemble du monde du vivant, et qu’ils n’ont donc pas les mêmes ressentis ni les mêmes objectifs ou préoccupations dans la vie, ni même le même rapport à l’égard de la vie ou de la mort ; chaque espèce agit selon son propre mode de conscience en conformité avec sa nature et ses prédispositions naturelles, et accepte son sort et ce pourquoi il a été créé.

Conclusion

Dans cette époque où les confusions fusent et éloignent les gens les uns des autres, il est important de s’orienter vers de bonnes références intellectuelles qui vivifient l’âme, élèvent et aiguisent l’esprit, apportent un savoir profitable, et rapprochent du Divin.

S’il est question de doutes intellectuels et d’élévation spirituelle, et de critiques des idéologies modernes, des auteurs comme René Guénon, Hamza Benaïssa, Martin Lings, Sofiane Meziani, Frithjof Schuon, Roger Dupasquier, Titus Burckhardt, Seyyed Hossein Nasr, Tayeb Chouiref ou Malek Bennabi sont excellents, car ils montrent les contradictions logiques et les limites des idéologies modernes, la profondeur spirituelle et les principes métaphysiques qui fondent la Religion, et poussent à l’élévation spirituelle.

Pour renforcer la foi, saisir la dimension spirituelle de l’Islam et dompter la nafs, des maîtres comme Abû Hâmid al-Ghazâlî, l’imâm Al-Haddâd du 17e siècle, le Shaykh Ahmad al-Alawî, l’émir Abdel Qâdir al-Jazaîri, Ibn ‘Ajiba, l’imâm As-Sakandarî (et ses Hikâm), As-Sulâmî et Al-Darqawî sont sublimes.

Pour connaitre la vie du Prophète de façon fiable, avec les méthodes historiques et spirituelles, le rejet des récits douteux ou contradictoires, voir celles écrites par Martin Lings et Muhammad Hamidullah.

Pour combattre la solitude involontaire, passer du temps en vrai (ou à défaut via le virtuel), avec des personnes du même sexe qui aspirent à la piété, qui sont bienveillants, et parler de choses intéressantes.

Ne pas négliger le dhikr et la salât (obligatoire, puis surérogatoire) car ce sont des moments intimes avec Allâh, où Il nous écoute, de même que la salât an nabî possède bien des secrets et des bienfaits (cf. Qur’ân : « Certes, Allâh et Ses Anges prient sur le Prophète ; ô vous qui croyez priez (Allâh) sur lui et adressez [lui] vos salutations » 33, 56).

S’éloigner un temps des polémiques qui tuent le cœur et détournent du Rappel d’Allâh et de l’apaisement. Voire même, se retirer un moment des réseaux sociaux et bien s’entourer en vrai de quelques personnes de confiance.


Be the first to comment “Fiqh – L’analogie entre la médecine et le fiqh (droit musulman) est-elle pertinente ? Entre autodidactisme déficient et sacralisation aveugle des savants”