Divergence, éthique et allégeance

La divergence fait partie de la Miséricorde Divine, permettant ainsi la diversité des opinions et des sensibilités[1], la liberté d’actions et d’opinions, et empêchant ainsi la tyrannie. Elle constitue ainsi une richesse, à condition qu’elle ne s’oppose ni à la piété[2], ni à la bienfaisance, ni à la justice ni au convenable, constituant 4 axes ancrés qurâniquement pour encadrer la divergence, prohibant ainsi la débauche, l’indécence, l’impudicité, l’injustice, la tyrannie et la nuisance à Ses créatures. Les uns (tendant vers la débauche et le consumérisme) et les autres (tendant vers l’extrémisme et la violence) se cachent derrière cette notion (valable) de « divergence », mais si ce principe est déconnecté de son épistémè qurânique, il perdra alors son sens originel et toute son opérativité spirituelle et sociale.

    La diversité est instituée dans le Qur’ân, mais est associée à l’accomplissement des bonnes œuvres et dans le fait de placer sa confiance absolue en Lui seul, poussant ainsi le croyant à aspirer à Lui et à faire le bien, et non pas à se cacher derrière des divergences douteuses ou blâmables afin de justifier ses passions :

« A chacun une orientation vers laquelle il se tourne. Rivalisez donc dans les bonnes œuvres. Où que vous soyez, Allâh vous ramènera tous vers Lui, car Allâh est, certes Omnipotent » (Qur’ân 2, 148).

« Et sur toi (Muhammad) Nous avons fait descendre le Livre avec la vérité, pour confirmer le Livre qui était là avant lui et pour prévaloir sur lui. Juge donc parmi eux d’après ce qu’Allâh a fait descendre. Ne suis pas leurs passions, loin de la vérité qui t’est venue. A chacun de vous Nous avons assigné une législation et un plan à suivre. Si Allâh avait voulu, certes Il aurait fait de vous tous une seule communauté. Mais Il veut vous éprouver en ce qu’Il vous donne. Concurrencez donc dans les bonnes cœvres. C’est vers Allâh qu’est votre retour à tous ; alors Il vous informera de ce en quoi vous divergiez » (Qur’ân 5, 48).

« A ceux qui ont la foi et font de bonnes oeuvres, Le Tout-Miséricordieux comblera d’amour » (Qur’ân 19,96).

« Allâh aime ceux qui s’en remettent à Lui [Mutawakkilīnun] » (Qur’ân 3, 159), ceux qui ne s’appuient que sur Lui en toute confiance car Lui Seul « fait attribution par où l’on ne s’y attend pas » (Qur’ân 65, 2).

En ce qui concerne la piété, Allâh a dit : « Ô humains ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allâh, est le plus pieux. Allâh est certes Omniscient et Grand Connaisseur » (Qur’ân 49, 13).

« Allâh aime ceux qui se prémunissent [les pieux – Muttaqīnûn] » (Qur’ân 3, 76).

« C’est le Livre au sujet duquel il n’y a aucun doute, c’est un guide pour les pieux, qui croient à l’invisible et accomplissent la Salât et dépensent [dans le bien et dans l’obéissance à Allâh], de ce que Nous leur avons attribué. Ceux qui croient à ce qui t’a été descendu (révélé) et à ce qui a été descendu avant toi et qui croient fermement à la vie future. Ceux-là sont sur le bon chemin de leur Seigneur, et ce sont eux qui réussissent (dans cette vie et dans la vie future) » (Qur’ân 2, 2-5).

 « Ô enfants d’Adam ! Nous avons fait descendre sur vous un vêtement pour cacher vos nudités, ainsi que des parures. – Mais le vêtement de la piété voilà qui est meilleur. – C’est un des signes (de la puissance) d’Allâh. Afin qu’ils se rappellent. Ô enfants d’Adam ! Que le Diable ne vous tente point, comme il a fait sortir du Paradis vos père et mère, leur arrachant leur vêtement pour leur rendre visibles leurs nudités. Il vous voit, lui et ses suppôts, d’où vous ne les voyez pas. Nous avons désigné les diables pour alliés à ceux qui ne croient point » (Qur’ân 7, 26-27).

    A force de s’éloigner de la pudeur, l’attrait pour les illusions de ce bas-monde se renforce, et le sentiment religieux se corrompt. Le verset mentionne le fait que Shaytan tente de leur « arracher » leur pudeur physique, mais aussi morale et spirituelle, car cela se répercute aussi aux autres degrés de l’être.

    Beaucoup de personnes évoquent aujourd’hui les Maqasîd as-Shari’yyah pour justifier le « réformisme » dans un sens moderniste, alors que les objectifs de la Loi s’opposent à leur mentalité moderniste, sachant que la protection de la religion et de la dignité, – et pas seulement de la vie -, font aussi partie des finalités de la Loi divine, et cela passe par le fait de renforcer le sentiment religieux ainsi que l’identité musulmane, – dont l’aspect vestimentaire (le voile pour la femme musulmane par exemple) et la pudeur (aussi bien pour les hommes que pour la femme) font partie -. La piété est une lumière pour le croyant, mais le modernisme s’attaque à la piété ainsi qu’à la pudeur, car ils constituent la « protection » du croyant face aux illusions et aux vices de ce bas-monde. Et la corruption des mœurs est la manifestation d’une absence de piété, comme cela se voit chez les dirigeants corrompus et les riches égarés par les biens matériels : « Et c’est ainsi que Nous t’avons révélé un esprit [le Qur’ân] provenant de Notre ordre. Tu n’avais aucune connaissance du Livre ni de la foi ; mais Nous en avons fait une lumière par laquelle Nous guidons qui Nous voulons parmi Nos serviteurs. Et en vérité tu guides vers un chemin droit, le chemin d’Allâh à Qui appartient ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre. Oui c’est à Allâh que s’acheminent les choses » (Qur’ân, 42, 52-53). Cette « droiture », c’est la piété, et concerne tous les domaines de la vie humaine.

Concernant la bonté et la bienfaisance, il s’agit d’un ordre moral universel : « Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers vos père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les esclaves en votre possession, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36).

 « Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Allâh vous défend seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes » (Qur’ân 60, 8-9). Ici, Allâh dit que ce qu’Il interdit seulement, c’est l’alliance avec des non-musulmans belliqueux, mais que la bonté prévaut aussi envers les non-musulmans qui se sont abstenus de nous combattre.

« Allâh aime les bel-agissants (ceux qui font le bien ; muhsinûn] » (Qur’ân 2, 195) qui renvoie à la perfection de l’acte par le Bienfaiteur [Al Mushin] qui est un Attribut Divin.

« Non, mais quiconque soumet à Allâh son être tout en étant bienfaisant (muhsin), aura sa rétribution auprès de son Seigneur. Pour ceux-là il n’y a nulle crainte, et ils ne seront point attristés » (Qur’ân 2, 112).

« Et ne semez pas la corruption sur terre après qu’elle ait été réformée. Et invoquez-Le avec crainte et espoir, car la miséricorde d’Allâh est proche des bienfaisants » (Qur’ân 7, 56).

    Le terme « Al-Ihsân » est l’un des principes islamiques majeurs, où plus de 66 versets lui sont consacrés explicitement, mais où implicitement, tout le Qur’ân invite à réaliser ce principe, le Qur’ân étant un guide pour les « pieux », et dont l’Ihsân est le sommet et le « cœur », car il s’agit non seulement de la bonté et de la bienfaisance, mais aussi de l’excellence en toute chose, ainsi que de vouloir et d’aimer pour les autres en Lui, ce que nous voulons et aimons (de louable) pour nous-mêmes. Il y a aussi le hadith prophétique disant : « En vérité, Allâh vous a prescrit la bienfaisance (et l’excellence) dans tout ce que vous entreprenez »[3].

En ce qui concerne la justice et l’équité : « Allâh aime les équitables [Muqsiţīnûn] » (Qur’ân 5, 42)

« En toute vérité, Allâh commande la justice, la vertu et la générosité (libéralité, assistance) envers les proches, et Il interdit la turpitude, les actes répréhensibles et la tyrannie (l’excès, l’injustice, l’abus) » (Qur’ân 16, 90).

« …et soyez équitables, car Allâh aime les équitables » (Qur’ân 49, 9).

« Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allâh et soyez des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et prenez garde à Allâh. Car Allâh est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites » (Qur’ân 5, 8).

A propos du convenable : « Ceux qui suivent le Messager, le Prophète illettré qu’ils trouvent écrit (mentionné) chez eux dans la Torah et l’Evangile. Il leur enjoint ce qui est reconnu convenable et leur interdit ce qui est reconnu comme blâmable. Et il leur permet les choses saines et bonnes et leur interdit les choses corrompues (et mauvaises). Et il ôte d’eux les fardeaux et les entravent qui les assujettissent. Ceux qui croiront en lui (et mettent en œuvre le Dépôt confié), le soutiendront, lui porteront secours et suivront la lumière descendue avec lui ; ceux-là seront les gagnants » (Qur’ân 7, 157).

« Vous êtes la meilleure communauté, qu’on ait fait surgir pour les hommes. Vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez à Allâh » (Qur’ân 3, 110).

« Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable, et interdit le blâmable. Car ce seront eux qui réussiront » (Qur’ân 3, 104).

   Si Allâh évoque le convenable et le blâmable, sans en préciser ici les modalités, c’est parce que les mœurs changent selon le temps, l’espace et les peuples. Cependant, ce qui ne change pas, c’est l’éthique qu’Il précise et décrète dans le Qur’ân, à savoir les valeurs morales. Et le convenable est ce qui tend donc vers l’idéal éthique, et le blâmable est ce qui s’en éloigne, quand bien même certaines pratiques étaient tolérées ou acceptées à certaines époques (comme l’esclavage, le fait de taper légèrement son conjoint ou sa conjointe, etc.), mais qui ne doivent plus être pratiquées quand dans une société donnée, ladite pratique est mal perçue, à condition que cela n’abroge pas ou ne contrevient pas aux choses qu’Allâh a rendu obligatoires ou méritoires, et aux choses qu’Allâh a clairement interdit ou désapprouvé.

Dans une parole attribuée à l’imâm ‘Alî concernant ces notions, il a été dit : « Si vous êtes en danger, sacrifiez vos biens pour vous sauver la vie. Si un danger menace votre religion, sacrifiez votre vie pour sauver la religion. Le malheureux véritable est celui qui a perdu sa religion, le spolié véritable est celui à qui on arrache sa religion »[4].

L’allégeance : « Ô les croyants ! Obéissez à Allâh, et obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement (l’autorité). Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-le à Allâh et au Messager, si vous croyez en Allâh et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation (et aboutissement) » (Qur’ân 4, 59), c’est-à-dire par ordre hiérarchique Allâh dans le Qur’ân, le Messager d’Allâh dans les ahadiths fiables en conformité avec le Qur’ân, puis à ceux qui détiennent l’autorité, que ce soit dans la politique, la gouvernance, le domaine militaire, le savoir, l’éducation spirituelle, etc., et en cas de divergence dans le domaine de la réflexion, de revenir à ce qui est clair dans le Qur’ân et la Sunnah.

« Et acquittez-vous entièrement de l’engagement d’Allâh quand vous vous êtes engagés. Et ne violez pas les serments après les avoir confirmés, alors que vous avez certes pris Allâh comme Garant pour vous » (Qur’ân 16, 91). Et ce verset suit celui-ci : « En toute vérité, Allâh commande la justice, la vertu et la générosité (libéralité, assistance) envers les proches, et Il interdit la turpitude, les actes répréhensibles et la tyrannie (l’excès, l’injustice, l’abus) ». L’engagement volontaire doit donc être conditionné par la justice et la vertu, et non pas par l’injustice, la tyrannie et le blâmable.

   L’Islam implique un engagement avec Allâh, et une alliance que nous avons conclu avec Lui. Nous Lui devons donc notre amour et notre obéissance, dans ce qu’il nous incombe d’accomplir, selon nos capacités respectives. C’est à Lui que nous devons nous fier et nous confier. Les écoles juridiques, les tendances politiques, les opinions des penseurs ou des réformistes ne sont donc pas une fin en soi et sont autant perfectibles que faillibles sur un certain nombre de sujets. Si la méthode est importante, elle n’est pas infaillible ni une fin en soi. Il y a certes des questions complexes ou des informations utiles relatives aux modalités dans le culte, dans la gestion politique, dans les questions commerciales, économiques, médicales et autres, qu’apportent les écoles juridiques traditionnelles et les spécialistes de chaque discipline. Mais en ce qui concerne l’éducation spirituelle, notre relation à Lui et l’éthique, les choses sont évidentes dans le Qur’ân, dans les ahadiths ayant une portée générale et dans les enseignements des maîtres spirituels, nourris par la Révélation qurânique, leur piété et leur suivi du modèle prophétique dans toute sa pureté et sa noblesse. Nous ne devons cependant pas prêter allégeance, ni une confiance absolue, dans des partis politiques ou des avis juridiques dont les finalités et les modalités s’éloignent des principes et des valeurs islamiques. Une école juridique est riche mais comporte aussi des divergences, des problématiques, des avis inopérants et des lacunes, et en cas de doute majeur sur ce qu’il convient d’adopter ou non en matière d’éthique, c’est ce qui nous conduit à la piété, à la justice et à la bienfaisance qui doit être privilégié, comme Allâh l’a clairement enjoint dans le Qur’ân. Allâh a dit en effet ; « L’ouïe, la vue et le coeur: sur tout cela, en vérité, on sera interrogé » (Qur’ân 17, 36), « Par la sagesse et la bonne exhortation appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Car c’est ton Seigneur qui connaît le mieux celui qui s’égare de Son sentier et c’est Lui qui connaît le mieux ceux qui sont bien guidés » (Qur’ân 16, 125), « A chacun une orientation vers laquelle il se tourne. Rivalisez donc dans les bonnes œuvres. Où que vous soyez, Allâh vous ramènera tous vers Lui, car Allâh est, certes Omnipotent » (Qur’ân 2, 148), « (…) Concurrencez donc dans les bonnes cœvres. C’est vers Allâh qu’est votre retour à tous ; alors Il vous informera de ce en quoi vous divergiez » (Qur’ân 5, 48). Et dont un hadîth explicite aussi cela : « Rien ne pèse plus lourd sur la balance que les bonnes manières (bonnes valeurs, bons caractères, noble comportement) »[5].

   Allâh jugera ce qu’on aura fait de la religion, des sciences, de nos mains, de notre esprit, de notre intelligence, de la politique, de nos yeux, etc..

    De nombreux réformistes (modernistes), ainsi qu’un certain nombre de wahhabites ou de shiites rawafidh (extrémistes), ou encore des pervers (peu importe leur tendance), sont des « corrupteurs » selon le Qur’ân, alors qu’ils n’en ont pas conscience. En effet, il sera toujours possible, – théoriquement du moins – de trouver des avis contredisant l’avis majoritaire ou le « consensus » des grandes autorités, mais utiliser cette divergence malsaine comme excuse, quand celle-ci implique le délaissement de la piété et des autres valeurs et principes de l’Islam, est un poison pour l’âme. Allâh met en garde contre cela : « Et qui est plus égaré que celui qui suit sa passion sans une guidée d’Allâh ? » (Qur’ân 28, 50).

« Ô Dâwûd, Nous avons fait de toi un calife sur la terre. Juge donc en toute équité parmi les gens et ne suis pas ta passion, sinon elle t’égarera du sentier d’Allâh » (Qur’ân 38, 26).

« Ils ne suivent que la conjoncture et les passions de [leurs] âmes » (Qur’ân 53, 23).

« Vois-tu celui qui prend sa propre passion pour divinité ? » (Qur’ân 45, 23).

   Allâh les décrit merveilleusement bien, montrant encore une fois l’actualité et la pertinence du Discours qurânique : « Parmi les gens, il y a ceux qui disent : « Nous croyons en Allâh et au Jour dernier ! » tandis qu’en fait, ils n’y croient pas. Ils cherchent à tromper Allâh et les croyants ; mais ils ne trompent qu’eux-mêmes, et ils ne s’en rendent pas compte. Il y a dans leurs coeurs une maladie (de doute et d’hypocrisie), et Allâh laisse croître leur maladie. Ils auront un châtiment douloureux, pour avoir menti. Et quand on leur dit : « Ne semez pas la corruption sur la terre », ils disent : « Au contraire nous ne sommes que des réformateurs (restaurateurs) ! ». Certes, ce sont eux les véritables corrupteurs, mais ils ne s’en rendent pas compte. Et quand on leur dit: « Croyez comme les gens ont cru », ils disent : « Croirons-nous comme ont cru les faibles d’esprit ? ». Certes, ce sont eux les véritables faibles d’esprit, mais ils ne le savent pas. Quand ils rencontrent ceux qui ont cru, ils disent: « Nous croyons »; mais quand ils se trouvent seuls avec leurs diables, ils disent: « Nous sommes avec vous; en effet, nous ne faisions que nous moquer (d’eux) ». Allâh Se moque d’eux et les renforce dans leur révolte (et leur démesure) et sont sans repères ! Ce sont eux qui ont troqué le droit chemin contre l’égarement. Eh bien, leur négoce n’a point profité. Et ils ne sont pas sur la bonne voie. Ils ressemblent à quelqu’un qui a allumé un feu; puis quand le feu a illuminé tout à l’entour, Allâh a fait disparaître leur lumière et les a abandonnés dans les ténèbres où ils ne voient plus rien. Sourds, muets, aveugles, ils ne peuvent donc pas revenir (de leur égarement) » (Qur’ân 2, 8-18). Cela se vérifie encore de nos jours.

« Et ne semez pas la corruption sur la terre après qu’elle ait été réformée » (Qur’ân 7, 56).

Les réformistes wahhabites ou modernistes ont les mêmes slogans et prétendent « restaurer » (ou retourner) au vrai islam et donc réformer les conceptions de leur temps qui sont fourvoyées. Cependant, sans se conformer au Qur’ân et à l’héritage spirituel des héritiers du Qur’ân et du Prophète, on ne peut que se fourvoyer et se perdre soi-même dans un « réformisme » qui se conforme aux passions et aux idéologies dominantes qui ne sont pas conformes aux principes qurâniques, et qui pousseront donc les réformistes (rigoristes ou sécularistes) à tordre le sens des versets du Qur’ân.

Certains deviennent tellement arrogants, qu’ils pensent rendre service à la Loi Divine, que la « réformer » à l’aune de leurs passions et de leur ignorance, pensant ainsi que les musulmans devraient leur être redevable : « Ils te rappellent leur conversion à l’Islâm comme si c’était une faveur de leur part. Dis : « Ne me rappelez pas votre conversion à l’Islam comme une faveur. C’est tout au contraire une faveur dont Allâh vous a comblés en vous dirigeant vers la foi, si toutefois vous êtes véridiques » (Qur’ân 49, 17).

   Certains, qu’ils soient najdites ou modernistes, font même le takfir de masse, soutiennent les opérations terroristes et militaires menées contre les pays musulmans et qui tuent de nombreux civils, approuvent les meurtres ou les arrestations de civils innocents (n’appelant ni à la haine, ni au terrorisme, ni à la débauche ou à l’incivilité) par des régimes sécularistes, sous prétexte de « réformisme » ou « d’hérésie ».

« Toutes les fois qu’ils allument un feu pour la guerre, Allâh l’éteint. Et ils s’efforcent de semer le désordre sur la terre, alors qu’Allâh n’aime pas les semeurs de désordre » (Qur’ân 5, 64). Il ne s’agit pas seulement ici de la guerre militaire ou politique, mais aussi confessionnelle, ethnique, culturelle ou idéologique, où certains agissent, inconsciemment ou non, en « semeurs de désordre », parfois même en énonçant certaines paroles véridiques mais mélangées à de l’ignorance ou à une mentalité polémiste ou déviante, engendrant ainsi des maux, des tensions et des divisions supplémentaires, là où Allâh a dit ; « Ô vous qui avez cru (qui avez la foi) ! Ne devancez pas Allâh et Son Messager. Et craignez Allâh. Allâh est Audient et Omniscient. Ô vous qui avez cru ! N’élevez pas vos voix au-dessus de la voix du Prophète, et ne haussez pas le ton en lui parlant, comme vous le haussez les uns avec les autres, sinon vos oeuvres deviendraient vaines sans que vous vous en rendiez compte. Ceux qui auprès du Messager d’Allâh baissent leurs voix sont ceux dont Allâh a éprouvé les coeurs pour la piété. Ils auront un pardon et une énorme récompense. Ceux qui t’appellent à haute voix de derrière les appartements, la plupart d’entre eux ne raisonnent pas. Et s’ils patientaient jusqu’à ce que tu sortes à eux, ce serait certes mieux pour eux. Allâh cependant, est Pardonneur et Miséricordieux. Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair [de crainte] que par inadvertance vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait. Et sachez que le Messager d’Allâh est parmi vous. S’il vous obéissait dans maintes affaires, vous seriez en difficultés. Mais Allâh vous a fait aimer la foi et l’a embellie dans vos coeurs et vous a fait réprouver la mécréance, la perversité et la désobéissance. Ceux-là sont les bien dirigés, c’est là en effet une grâce d’Allâh et un bienfait. Allâh est Omniscient et Sage. Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l’un d’eux se rebelle contre l’autre, combattez le groupe qui se rebelle, jusqu’à ce qu’il se conforme à l’ordre d’Allâh. Puis, s’il s’y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Allâh aime les équitables. Les croyants ne sont que des frères. Etablissez la concorde entre vos frères, et craignez Allâh, afin qu’on vous fasse miséricorde. Ô vous qui avez cru ! Qu’un groupe ne se raille pas d’un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que « perversion » lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là sont les injustes. Ô vous qui avez cru ! Evitez de trop conjecturer [sur autrui] car une partie des conjectures est péché. Et n’espionnez pas; et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? (Non !) vous en aurez horreur. Et craignez Allâh. Car Allâh est Grand Accueillant au repentir, Très Miséricordieux. Ô humains ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allâh, est le plus pieux. Allâh est certes Omniscient et Grand- Connaisseur. Les Bédouins ont dit : « Nous avons la foi ». Dis : « Vous n’avez pas encore la foi. Dites plutôt : Nous nous sommes simplement soumis, car la foi n’a pas encore pénétré dans vos coeurs. Et si vous obéissez à Allâh et à Son Messager, Il ne vous fera rien perdre de vos œuvres ». Allâh est Pardonneur et Miséricordieux. Les vrais croyants sont seulement ceux qui croient en Allâh et en Son Messager, qui par la suite ne doutent point et qui luttent avec leurs biens et leurs personnes dans le chemin d’Allâh. Ceux-là sont les véridiques. Dis : « Est-ce vous qui apprendrez à Allâh votre religion, alors qu’Allâh sait tout ce qui est dans les cieux et sur la terre ? ». Et Allâh est Omniscient. Ils te rappellent leur conversion à l’Islam comme si c’était une faveur de leur part. Dis : « Ne me rappelez pas votre conversion à l’Islam comme une faveur. C’est tout au contraire une faveur dont Allâh vous a comblés en vous dirigeant vers la foi, si toutefois vous êtes véridiques ». Allâh connaît l’Inconnaissable des cieux et de la terre et Allâh est Clairvoyant sur ce que vous faites » (Qur’ân 49, 1-18).

   Cette Sûrah est sublime et très riche en enseignements. Le verset 1 nous informe de l’attitude du croyant, qui doit être d’écouter puis de méditer sur la Parole Divine (cf. Allâh) et les enseignements du Prophète (cf. Son Messager), et de ne pas les « devancer » par précipitation en suivant notre nafs, et obéissant à nos passions, qui ne sont pas bonnes conseillères. Là aussi, les enseignements prophétiques suivent le Qur’ân et doivent y être rattachées, sinon les incompréhensions, déformations ou tortuosités se manifestent.

    Le verset 2 nous apprend que notre voix (ainsi que par extension : nos opinions, nos aspirations, etc.) ne doivent pas contrevenir à l’adab en présence du Prophète (y compris quand ses paroles ou ses actes sont évoqués en notre présence), car ce serait manquer d’adab envers la Parole Divine et Son support (qui est le Prophète Muhammad). De plus, Allâh nous informe que nous détourner de Son Prophète et de son Message, en le rendant caduque, ou en le considérant comme de simples paroles au même titre que celles des personnes ordinaires, c’est se priver de Sa Barakah, et risquer de voir nos actions devenir inopérantes et vaines, en ce sens que l’on se fourvoiera dans nos illusions et que l’on ne fera que nourrir notre ego.

   Le verset 3 enseigne que, ceux qui auront suivi humblement la voie prophétique en cherchant sincèrement la piété, bénéficieront du Pardon Divin et d’énormes Bienfaits.

   Le verset 4 met en garde contre ceux qui se cachent derrière de faux-prétextes, de fausses prétentions et des agendas occultes, en voulant détourner les croyants de la voie prophétique, et ces gens-là, ne sont pas de ceux qui jouissent de la clairvoyance et de l’intelligence, comme l’indique Allâh dans ce verset.

   Le verset 5 inculque aux croyants, l’importance de l’endurance et de la patience, dans la résolution de leurs affaires et de leurs questionnements, jusqu’à ce qu’Allâh les éclaire et leur indique la bonne voie à suivre, notamment à travers l’exemple de Son Messager Muhammad. Comme on le sait, en raison du fait que, à la suite de leurs maigres recherches, certains n’ont pas trouvé de réponses satisfaisantes à leurs questionnements, ils ont rebroussé chemin, et se sont laissés dominés par leur ego et ont suivi la voie tortueuse et l’opinion personnelle (dénuée de fondement) des « premiers venus ».

   Le verset 6 dévoile l’importance de faire attention aux paroles, prétentions, allégations et « informations » rapportées par un « pervers », qui se détourne de la voie de la sagesse et de la piété, qui souhaite semer la zizanie, éloigner les croyants de la « taqwa », de la pudeur et de la droiture, et quand bien même cette « information » rapportée serait exacte en soi, le contexte et la finalité visés par ce « pervers » doivent être analysés et pris en compte pour ne pas tomber dans son piège et nous détourner de ce que la sagesse et la piété exigent de nous. La suite nous informe que les conséquences de leurs paroles et « manipulations » entrainent des conséquences fâcheuses et que, celui qui cherche à bien faire, regrettera les méfaits causés par ses « informations » (inventées ou simplement relayées), et c’est ce que l’on voit chez un certain nombre de personnes, réformistes ou non, où les dégâts causés par leurs opinions personnelles ou les avis blâmables qu’ils enseignaient et diffusaient, ont entrainé des dommages sérieux et graves, parfois même irréversibles.

   Les versets 7 et 8 parlent du fait que nous sommes « continuellement » en présence du Prophète (le verset n’indique pas une période déterminée et restreinte dans le passé), – qui est aussi une Grâce d’Allâh -, et que, ses enseignements et sa lumière (la Lumière Muhammadienne) sont des bienfaits et grâces d’Allâh, dont il convient de garder à l’esprit et de faire preuve d’adab, et que placer notre ego et nos opinions personnelles avant les enseignements prophétiques et la Parole Divine, ne ferait que nous causer des problèmes et des tortuosités, raison pour laquelle Allâh a donné prééminence au Prophète, ainsi que l’inspiration Divine, afin de ne pas être confondu par les passions humaines et les opinions personnelles déficientes. Également, le croyant qui a la foi réprouve formellement la mécréance, la perversité et la désobéissance à la Loi Divine (et ne peut donc pas aimer Ses interdits, tels que le meurtre, la sorcellerie, la débauche, le viol, l’agression fortuite, l’adultère, le vol, la calomnie, la médisance, etc.).

   Les versets 9, 10 et 11 enseignent l’attitude à adopter entre les croyants et décrivent comment gérer la situation en cas de conflits entre les croyants.        Ainsi, si des groupes se combattent, il faut chercher la conciliation autant que possible, et si l’un d’eux s’y refuse catégoriquement, il faut les neutraliser selon nos moyens, jusqu’à ce que, affaibli ou raisonné, le groupe rebelle se conforme à l’Ordre d’Allâh et retrouve une attitude pacifique. S’il retrouve la voie de la sagesse, il est obligatoire de les traiter avec justice et équité malgré nos ressentiments pour le mal qu’ils ont causé. Cela peut s’appliquer aussi bien aux groupes « déviants » armés (physiquement) qu’aux groupes dont la lutte est idéologique ou juridique, et qui ne combattent pas avec des armes physiques, mais par leurs mots ou leurs idées. Le passage qurânique exhorte également les croyants à ne pas se rabaisser aux injures, aux provocations gratuites et aux railleries en cas de divergence ou de dissension, car c’est là une chose bien détestable et contre-productive.

   Le verset 12 insiste sur l’interdiction de médire et de calomnier, d’espionner la vie privée des gens pour salir leur honneur ou les discréditer, tout comme il met en garde contre les conjectures et les spéculations gratuites, ce qui concerne aussi les « intentions cachées » des savants décédés, et dont un certain nombre de « coranistes », de « shiites », « d’orientalistes » et de « réformistes » en raffolent, puisque spéculant sans preuve, – et tombant parfois dans la diffamation et la calomnie -, sur les motivations politiques cachées et leurs « manipulations », alors qu’ils n’en savent rien, que des faits et des informations contredisent leurs maigres éléments (souvent douteux ou isolés), et que de nombreux éléments, concernant les époques et conflits du passé, nous échappent ou nous sont difficilement accessibles, – et encore moins vérifiables -, et que ce que l’on possède, est sujet à caution. Quant aux défauts évoqués dans le verset, ils peuvent s’appliquer aux adeptes de chaque groupe, car c’est là un défaut qui peut affecter tout être humain indépendamment de sa religion, de son idéologie, de sa communauté ou de son ethnie.

   Le verset 13 nous rappelle qu’Allâh a créé différentes communautés, et que le croyant, outre la connaissance et l’exploration de la Création, doit avoir pour objectif d’atteindre la piété.

   Et enfin, les versets 14 à 18 nous révèlent que certains se disent « croyants » alors que la foi n’a pas pénétré leur cœur malgré une adhésion extérieure et formelle à l’Islam, et la voie du succès est celle qui consiste à se conformer à l’Ordre Divin et à se calquer sur le modèle prophétique, porteur de Baraka et de sagesse. Et qu’est-ce que la foi, sinon l’adhésion sincère à l’Islam, l’amour et l’obéissance envers Allâh et Ses bien-aimés (et en premier lieu, envers Muhammad), l’humilité dans le cheminement, l’assiduité dans la pratique, l’intelligence dans nos perceptions, la piété dans nos oeuvres, la générosité dans nos dépenses, la bonté d’âme, la bienfaisance et la bienveillance à l’égard de Ses créatures, la gentillesse et la douceur à l’égard de nos proches, le respect de Ses créatures et de leurs droits qu’Allâh leur a accordé ?

   Les vrais croyants, selon le verset 15, sont ceux qui suivent Allâh et Son Messager, ce qui infirme la prétention qui voudrait faire des non-musulmans (parmi les Gens du Livre) des croyants au sens islamique, parmi ceux qui ont la possibilité (sans excuse d’aucune sorte) de suivre Allâh et Son Messager. Et ensuite que les « Véridiques » parmi les « vrais croyants » sont ceux qui ont la « certitude spirituelle » et qui dépensent de leurs biens et de leur personne, pour soutenir Sa cause, qui consiste à élever Sa Parole, soutenir les opprimés, aider les veuves et les orphelins, instaurer la Justice, repousser le mal, lutter contre la corruption, pacifier et sécuriser les pays musulmans et les nations non-musulmanes qui ne sont pas hostiles aux musulmans, etc.

   Et les derniers versets dénoncent le discours de ceux qui prétendent être un « atout » pour l’Islam ou la communauté, qui font preuve d’orgueil et d’arrogance, qui s’arrogent des droits illégitimes, qui prétendent mieux connaitre l’Islam qu’Allâh, Son Messager et ses « héritiers » parmi les maîtres spirituels, et qui veulent soit abroger certains versets ou enseignements, soit en falsifier et en détourner les sens et les finalités. Or, c’est par l’Islam, – Grâce d’Allâh – qu’ils ont été honorés et non pas l’inverse. L’orgueil et l’ostentation sont donc dénoncés ici, et les croyants doivent impérativement s’en prémunir.

   Dans cette Sûrah, toutes les vertus et les mises en garde qui y sont contenues, sont réunies dans le cheminement du tasawwuf, balisé et illuminé par les maîtres de la voie dans le Tasawwuf, Louange à Lui ! Et en effet, en observant et en « côtoyant » les Saints (qui sont des Rapprochés d’Allâh), et par l’expérience dont Il nous gratifie, tout cela devient palpable et bien « visible » ! Et cheminer sincèrement dans le tasawwuf, peut apporter de nombreuses réponses, et cultiver une intelligence et une clairvoyance qui peuvent facilement mettre un terme aux doutes superficiels et aux polémiques stériles qui pullulent aujourd’hui, tout comme le tasawwuf apportait déjà des réponses aux querelles théologiques ou juridiques des époques antérieures !

    Les modernistes autant que les rigoristes sectaires entrainent la société vers la violence et la décadence, au point, soit de renier une partie du Livre[6] et de croire en des idéologies contraires à l’essence même de la Parole Divine, telles que la laïcité en terres d’islam, le sécularisme, le consumérisme, le communisme, le matérialisme, le scientisme, l’humanisme et laisser à une majorité de gens peu avertis et clairvoyants la prérogative de décréter ce qui est bon ou mauvais sans se conformer au Réel (Al-Haqq ; l’un des Noms d’Allâh) et à leurs véritables besoins, suivant ainsi leur avidité et leur ignorance, soit (dans le cas des adeptes de la violence) d’en pervertir le Message, d’en délaisser dans la pratique toute la dimension éthique (justice, piété, bienfaisance, …) et de semer le désordre et le chaos dans plusieurs pays.

    Ainsi, sous prétexte de vouloir « lutter contre la violence », certains réformistes (eux-mêmes très violents parfois dans d’autres contextes et régions du monde), proposent de mécroire en une partie (ou en quasi-totalité) de la Parole Divine, et cela, malgré leurs fausses prétentions de s’attacher au Qur’ân (uniquement pour mieux rejeter la Sunnah dans leur méthodologie), car ils finissent souvent, consciemment ou non, par rejeter une partie du Qur’ân. Ils ne se rendent pas compte, – ou alors font semblant d’ignorer l’histoire et l’actualité -, que leur mentalité réformiste a nourri, selon des sensibilités différentes, les plus grandes tragédies de notre époque moderne. S’ils refusent la piété, la pudeur et l’amour d’Allâh, et qu’ils ne veulent pas s’imprégner de l’amour du Messager d’Allâh, notamment dans les fondements qui ont été révélés, qu’ils laissent alors l’islam et les musulmans tranquilles au lieu de les entrainer dans leur chute. Ils souhaitent un « protestantisme » de l’Islam, mais le protestantisme a divisé l’Europe et l’a conduit dans de nouvelles guerres meurtrières, à réduire la religion à un vague sentimentalisme déconnecté du spirituel, et rendant justement la religion à la merci du capitalisme sauvage. Ce qu’ils proposent, en somme, c’est un génocide spirituel et l’asservissement des humains à l’idole capitaliste. Cela ne s’apparente-t-il pas à la corruption sur terre évoquée par Allâh dans le Qur’ân ? Si on revient à l’histoire on constatera l’inanité de leur point de vue et des dérives que leur mentalité a engendré, et dont le wahhabisme n’en est qu’une des différentes manifestations modernes de la mentalité réformiste, tout comme le mouvement des Jeunes Turcs, en a été une autre. Le wahhabisme est aussi une forme de « protestantisme » de l’islam, et on voit ce que cela a donné, enfantant avec la politique séculariste occidentale, des mouvements comme Daesh. La politique répressive des gouvernements sécularistes dans le monde musulman, est aussi une conséquence de la mentalité « réformiste ».

    Le penseur Malek Bennabi disait vrai quand il disait : « Quand les archétypes sont effacés, on n’entend plus l’accent de l’âme dans le concert. Les idées exprimées se taisent à leur tour : elles n’ont plus rien à exprimer ; elles ne peuvent plus rien exprimer. La société qui en est à ce point s’atomise faute de motivations communes…C’est le moment des idées mortes. (…) On n’agit pas n’importe comment, sous peine de rendre une tâche impossible. On n’agit pas sans raison, sous peine d’entreprendre une tâche absurde. L’action ne peut donc se déterminer en dehors d’un schéma qui implique, en même temps que ses termes visibles (l’homme et son outil), un élément idéel représentant ses motivations et ses modalités opératoires »[7].

    Comme nous l’avons déjà mentionné précédemment, le Qur’ân entérine la notion de divergence et de diversité. Mais certains citent aussi un hadîth attribué au Prophète, mais dont les juristes divergent quant à son statut, entre « faible » ou carrément « apocryphe » : « La divergence de ma communauté est une miséricorde ». Cependant, ce propos a été prononcé par des Compagnons et leurs disciples.

   L’Imam Al-Khatib Al Baghdadî rapporte dans son ouvrage sur les biographies des transmetteurs d’après Mâlik : « Le calife Abbasside Al-Rashid a dit à Malik ibn Anas : « Oh Abû Abdallâh ! Veux-tu que nous recopiions tes livres et que nous les repandions dans toutes les contrées de l’Islam pour obliger la communauté musulmane à le suivre ? ». Mâlik répondit : « Oh prince des croyant ! Les divergences des savants sont une miséricorde de la part d’Allâh pour cette communauté. Chacun suit ce qu’il estime être fondé. Chacun désire (l’agrément) Allâh ».

    L’Imâm Abû Ishâq As-Shâtibî dans sa fatwâ relate ceci :

« Une grande partie des Salaf a considéré que les divergences dans les branches [de la religion] étaient un des signes de la miséricorde d’Allâh. Ce qui clarifie le fait que la divergence susmentionnée soit une miséricorde, et c’est ce qui est rapporté des propos de Al Qâssim Ibn Muhammad : « Allâh nous a fait bénéficier des divergences parmi les Compagnons du Messager d’Allâh dans leur pratique. ». Et personne ne s’est attaché à la pratique de l’un d’entre eux sans qu’il (Al Qâssim) ne l’ait considéré sur la bonne voie.

Dumrâ Ibnou Rajâ° a rapporté : « ‘Umar Ibn ‘Abdi al ‘Azîz et Al Qâssim Ibn Muhammad se sont rencontrés et commencèrent l’analyse de ahâdîth. ‘Umar a ensuite commencé à parler des choses qui différaient de ce que Al Qâssim avait mentionné, et Al Qâssim allait lui donner du fil à retordre concernant cela, et ceci jusqu’à ce que la situation devienne plus claire. [Sachant cela], ‘Umar lui dit alors : « Ne fais pas ça ! Je déteste ôter les faveurs [d’Allâh] provenant des divergences » ».

Ibn Wahb a également rapporté que Al Qâssim a dit : « J’ai été heureux de la parole de ‘Umar Ibn ‘Abd al ‘Azîz : « Je détesterais que les Compagnons n’eurent pas divergés entre eux, car s’ils n’avaient pas divergé, il n’y aurait alors aucune liberté [pour nous]. Vraiment, les Compagnons sont des Imâms par lesquels les gens sont guidés. Si quelqu’un suit la parole de l’un d’entre eux, il est dans la Sunnah » ».

La signification de tout ceci est qu’ils (les Compagnons) ont ouvert la porte de l’ijtihâd (effort d’interprétation) ainsi que celle de la permission de la divergence dans l’ijtihâd pour les gens. S’ils ne l’avaient pas fait, les mujtahidîn auraient été dans une impasse, car les confrontations d’ijtihâd et d’avis personnels ne concordent généralement pas : les gens qui pratiquent l’ijtihâd seraient, malgré l’obligation de suivre ce dont ils sont convaincus, obligés de suivre ce avec quoi ils ne seraient pas d’accord, et ceci constituerait une obligation insoutenable et l’une des contraintes les plus éprouvantes.

Allâh a donc donné une liberté d’action à la communauté à travers l’existence de la divergence en son sein dans le domaine des branches de la Sharî’ah. C’est la porte qu’Il a ouverte pour la communauté afin qu’elle soit comblée par Sa miséricorde. Comment pourraient-ils ne pas être ceux concernés par « Ceux à qui ton Seigneur a fait miséricorde » dans le verset : « Et ils ne cessent de diverger, exceptés ceux à qui ton Seigneur a fait miséricorde » [Qur’ân 11/118-119].

Donc, leurs divergences dans les branches de la loi sont sur le même plan que leur accord [suite au fait que ces deux cas constituent une miséricorde pour la communauté musulmane]. Et toute la louange est à Allâh ».

    La parole de Ibn Hazm est donc erronée, lorsqu’il est rapporté dans Al Ihkâm fî Ussûl ul Ahkâm à propos du fait que la divergence est une miséricorde : « C’est une des paroles les plus incorrectes qui soit, car si la divergence était une miséricorde, alors l’accord serait une punition, ce qu’aucun musulman ne dirait, parce qu’il peut seulement y avoir accord ou désaccord et il peut seulement y avoir miséricorde ou punition ». Or, le contraire de la miséricorde ou de l’indulgence n’est pas forcément la punition ou la malédiction.

    L’imâm An-Nawawî lui avait d’ailleurs répondu dans son commentaire du Sahîh Muslim intitulé Al Minhaj : « Si quelque chose est une miséricorde, cela ne signifie pas que l’inverse de cette chose est l’inverse d’une miséricorde. Personne ne fait ce genre de lien, et personne ne dit même ce genre de choses sauf un ignorant ou celui qui affecte l’ignorance. Allâh a dit : « Et parmi Sa Miséricorde, Il a créé la nuit pour vous afin que vous vous y reposiez » (Qur’ân 28, 73), et Il a qualifié la nuit de miséricorde : pourtant, cela n’implique pas forcément que le jour soit une punition ».

    L’Imâm Badr Ud Dîn Az Zarkashî dans Tadhkirah fil Ahâdîth ul Mushtaharah rapporta que l’Imâm de Médine de son temps, l’imâm Al Qâssim Ibn Muhammad Ibn Abî Bakr As Siddîq a dit : « Les divergences parmi les Compagnons de Muhammad sont une miséricorde pour les serviteurs d’Allâh ».

    Quant au Shaykh Ibn Taymiyya, il a dit dans Mukhtasar Fatâwî Al Misriyyah : « Le consensus des Imâms est une preuve indubitable et leur divergence est une vaste miséricorde ».

     Et tout cela ne contredit pas les versets du Qur’ân qui appellent à l’union sur les principes et à ne pas se diviser en sectes ou en partis politiques hostiles les uns des autres, dont les mentalités sectaires et rigoristes sont blâmées plus que la différence des opinions et des sensibilités propres à chacun sur les branches de la religion : « Et cramponnez-vous tous ensemble au « Habl » (câble) d’Allâh et ne soyez pas divisés; et rappelez-vous le bienfait d’Allâh sur vous : lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui réconcilia vos coeurs. Puis, pas Son bienfait, vous êtes devenus frères. Et alors que vous étiez au bord d’un abîme de Feu, c’est Lui qui vous en a sauvés. Ainsi, Allâh vous montre Ses signes afin que vous soyez bien guidés » (Qur’ân 3, 103).

« Et ne soyez pas comme ceux qui se divisèrent et se disputèrent une fois que les preuves évidentes leur furent exposées » (Qur’ân 3, 105).

« Dirige tout ton être vers la religion exclusivement [pour Allâh], telle est la nature qu’Allâh a originellement donnée aux hommes – pas de changement à la création d’Allah -. Voilà la religion de droiture ; mais la plupart des gens ne savent pas. Revenez repentants vers Lui ; prenez garde à Lui, accomplissez la Salât et ne soyez pas parmi les associateurs, parmi ceux qui ont divisé leur religion et sont devenus des sectes, chaque parti exultant de ce qu’il détenait » (Qur’ân 30, 30-32)

« Craignez Allâh, et maintenez la concorde entre vous et obéissez à Allah et à Son Messager, si vous êtes croyants » (Qur’ân 8, 1).

   Allâh avait anticipé l’existence des divergences, qu’elles soient fondées ou infondées, souhaitables ou inacceptables sur certaines questions : « Certes, ceux qui ont cru, les Juifs, les Sabéens, les Nazaréens, les Mages (zoroastriens) et ceux qui donnent à Allâh des associés, Allâh tranchera entre eux le jour du Jugement, car Allâh est certes témoin de toute chose » (Qur’ân 22, 17).

« Et sur toi (Muhammad) Nous avons fait descendre le Livre avec la vérité, pour confirmer le Livre qui était là avant lui et pour prévaloir sur lui. Juge donc parmi eux d’après ce qu’Allâh a fait descendre. Ne suis pas leurs passions, loin de la vérité qui t’est venue. A chacun de vous Nous avons assigné une législation et un plan à suivre. Si Allâh avait voulu, certes Il aurait fait de vous tous une seule communauté. Mais Il veut vous éprouver en ce qu’Il vous donne. Concurrencez donc dans les bonnes cœvres. C’est vers Allâh qu’est votre retour à tous ; alors Il vous informera de ce en quoi vous divergiez » (Qur’ân 5, 48).

    La divergence sur les branches n’empêche nullement la fraternité, et chaque jour, nous en sommes témoins, où malgré nos divergences sur certains sujets juridiques, spirituels, politiques ou théologiques, – dans ce qui ne relève pas des piliers et des fondements de l’Islâm et de la Foi (al-Imân) -, nous discutons, passons des moments et aimons en Lui, Ses serviteurs, et ceux qui aspirent à Lui, surtout ceux qui agissent avec noblesse et dignité, car ils sont les plus aimés d’Allâh et de Son Messager : « Certes ceux d’entre vous que j’aime le plus et ceux d’entre vous qui seront assis le plus proche de moi le Jour de la Résurrection sont ceux parmi vous qui ont le meilleur comportement »[8].

    Et notre aspiration, devrait être celle-ci : « Seigneur, accorde-moi sagesse (et savoir) et fais-moi rejoindre les gens de bien » (Qur’ân 26, 83).

    De nos jours, nombreux sont ceux qui s’invectivent ou qui sont rongés par le sectarisme, pour de simples divergences dans les branches du fiqh, ou pour des divergences secondaires dans la ‘aqida, alors qu’ils délaissent dans le même temps les injonctions qurâniques de la piété, de la concorde et de la bonté.


[1] Le problème dans le fiqh est que, chaque école juridique suit une méthode possédant globalement sa cohérence et sa logique selon les outils et prémisses sur lesquels elle repose, d’où les divergences sur des questions où une école autorisera telle chose, tandis que telle autre l’interdira. Ces écoles ont été enrichies durant plus de 1300 ans, mais incluent aussi les sensibilités et fatawa temporelles liées à des mentalités et des époques fort différentes et espacées qui n’ont plus forcément vocation à être pratiquées, aussi bien dans le temps que dans l’espace. De plus, une école possède une pluralité d’avis mais certains avis sont plus forts que d’autres. Se pose aussi la problématique de la compréhension, dans la pratique, de ce qu’est la justice et le convenable, selon les mœurs ou les réalités répandues à une époque donnée. Enfin, même si des juristes n’interdisaient pas formellement certaines pratiques, ils laissaient le soin aux gens de faire preuve de bon sens et les encourageaient à suivre plutôt l’idéal islamique en termes d’éthique et de morale : à faire preuve de piété, de gentillesse, de justice, de douceur, etc.

[2] En général, ceux qui appellent au « réformisme » dans son opposition à la Tradition, incitent, consciemment ou non, à la débauche ou à une vie de moins en moins spirituelle, et de plus en plus conforme au consumérisme, et à une vision « impudique » des relations humaines et sociales. Sur le plan pratique, tous les pervers, qu’ils se cachent derrière le « réformisme », le « traditionnalisme » ou non, s’écartent de la piété et de la pudeur auxquelles invitent le Qur’ân.

[3] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1955 sous l’autorité de Shadid ibn Aws. Le contexte particulier est mentionné dans la suite du hadîth : « donc si vous tuez, tuez de la meilleure manière et si vous abattez, abattez de la meilleure manière. Laissez l’un de vous aiguiser (convenablement) son couteau pour que son animal ne ressente aucune douleur ». Cela signifie donc, que cette injonction est générale, et inclut aussi la façon d’abattre les animaux pour se nourrir, à savoir que, eux aussi méritent notre bonté et qu’il nous incombe, d’éviter de les faire souffrir inutilement.

[4] Citée dans Vasa’el –o–Shie,11/451.

[5] Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4799, par At-Timirdhî dans ses Sunân n°2002.

[6] En tant que minorité dans un pays non-musulman, les musulmans doivent s’accommoder du système en place tant qu’ils ne sont pas persécutés et contraints de commettre des grands péchés. Mais de là à vouloir imposer ce système politique et idéologique à l’ensemble du monde musulman comme le souhaitent certains réformistes, c’est du kufr (mécréance) qui fait sortir de l’Islam, car refusant la Loi Divine et donc Sa fonction de Législateur.

[7] Malek Bennabi, Le problème des idées dans le monde musulman, éd. Albouraq, 2006, préface, pp. 12-13.

[8] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2018, d’après Jabir Ibn ‘Abdallâh.


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