Des limites de la divergence et de la tolérance en contexte islamique

Il est courant d’entendre chez de nombreux musulmans, qu’il est important de respecter la divergence, – le même discours est tenu par les politiciens et penseurs non-musulmans -, et de faire preuve de tolérance à l’égard des autres avis ou tendances, sauf que, dans la pratique, le curseur choisit par chaque courant et les enjeux sociétaux sont tellement différents ou antagonistes, que dans les faits, ce respect de la divergence est souvent mis à mal.

Du point de vue islamique, il est nécessaire de distinguer les différentes dimensions en ce qui concerne les divergences.


1) La divergence doctrinale


Allâh a explicité les fondements et les conditions de la foi dans le Qur’ân, à savoir, professer sincèrement les 6 piliers de la foi et les 5 piliers de l’Islam, approuver l’ensemble du Discours qurânique et de prendre le Prophète Muhammad comme modèle à suivre dans ce qu’il ne lui est pas spécifique, et dans ce qui est obligatoire ou recommandé (d’autres choses, comme ses préférences gastronomiques particulières par exemple, ne sont pas des obligations religieuses), dans ce que l’on pense, – après une enquête approfondie – comme étant bien établie (dans ce qu’il provient de lui), notamment dans les ahadiths mutawatir, la pratique notoire des Compagnons, les dévoilements des grands maîtres spirituels, et les ahadiths ahad ayant une bonne traçabilité et dont les énoncés sont corroborés par le Qur’ân et y convergent.


Quant à Allâh, le Qur’ân exprime Son Unicité, le fait qu’Il ne soit pas comparable ou réductible aux choses créées et qu’Il transcende toutes les modalités physiques. Ses Attributs sont nobles, réels et ne souffrent pas des lacunes ou des limitations propres aux créatures.


Sur le Prophète Muhammad ﷺ, le considérer comme béni, juste et modèle excellent est une obligation qurânique, de même pour l’inspiration divine dont il a été gratifié.


Pour sa famille (parents, épouses, enfants, oncles, tantes, cousins, cousines), le Qur’ân ordonne aux croyants de les respecter et de les aimer, pour les personnes ayant embrassé l’Islam. Allâh a explicitement ordonné cela, et a même innocenté ‘Aîsha contre des calomnies la prenant pour cible.


Concernant les Compagnons du Prophète ﷺ, Allâh en fait l’éloge de différentes manières pour ceux qui, parmi eux, ont cru au Message apporté par l’Envoyé d’Allâh, ont émigré avec lui, ont dépensé leurs biens ou leur vie pour soutenir Sa cause, – enseignée et défendue par le Prophète ﷺ -, il est donc obligatoire de les aimer et de ne pas les rabaisser ou les mépriser, sans pour autant faire d’eux, des êtres infaillibles ou impeccables en tous points. Leurs mérites sont toutefois nombreux et immenses, l’adab du croyant exige donc de les tenir en haute estime, et d’invoquer Allâh pour qu’Il pardonne leurs fautes ou erreurs éventuelles, comme cela est dit dans le Qur’ân,

, notamment dans les versets suivants : « Ceux qui croiront en lui, le soutiendront, lui porteront secours et suivront la lumière descendue avec lui ; ceux-là seront les gagnants » (Qur’ân 7, 157), – incluant notamment les 4 premiers Califes bien-guidés que sont Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Alî -, et « Et [il appartient également] à ceux qui sont venus après eux en disant : « Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos frères (et sœurs) qui nous ont précédés dans la foi » » (Qur’ân 59, 10).

Quant aux épouses du Prophète ﷺ, il est obligatoire de les considérer comme nos mères : « Le Prophète a plus de droit sur les croyants qu’ils n’en ont sur eux-mêmes, et ses épouses sont leurs mères (aux croyants) » (Qur’ân 33, 6).

« Ô femmes du Prophète ! Vous n’êtes comparables à aucune autre femme (…) ô vous, les Gens de la Maison (ahl ul bayt) ! Allâh veut seulement éloigner de vous la souillure, et vous purifier totalement » (Qur’ân 33, 32-33). Les versets antérieurs ne parlent que des femmes du Prophète, donc elles sont les premières concernées par cette qualification (de ahl ul bayt), mais cela n’exclut pas les autres membres de la demeure prophétique pour autant (comme ses enfants par exemple).

Ses épouses sont de bonnes femmes puisqu’Allâh a dit : « Les mauvaises [femmes] aux mauvais [hommes], et les mauvais [hommes] aux mauvaises [femmes]. De même, les bonnes [femmes] aux bons [hommes], et les bons [hommes] aux bonnes [femmes]. Ceux-là sont innocents de ce que les autres disent. Ils ont un pardon et une récompense généreuse » (Qur’ân 24, 26). Et comme le Prophète n’est pas un mauvais homme, ses épouses sont donc de bonnes femmes qui méritent le Pardon Divin et qui auront une généreuse récompense de la part d’Allâh selon le verset, d’autant plus que dans la Loi divine de type muhammadien, il n’est pas permis au croyant qui cherche la piété d’épouser des femmes que l’on sait perverses ou qui nous éloigneront de la foi.

Par rapport aux bédouins qui ont embrassé l’Islam vers la fin de la mission prophétique, leurs erreurs sont plus nombreuses, leurs mérites moins importants, et ils ne sauraient donc être pris comme modèles au détriment du Prophète ﷺ et de ses plus nobles compagnons, tels que Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, ‘Alî, Abû Dharr al-Ghiffarî, Salmân al-Farisî, Abû ad-Dardâ’, Jâ’far ibn Abî Tâlib, Ibn ‘Abbâs, Mû’adh Ibn Jabal, Ibn Mas’ûd et d’autres parmi les proches Compagnons, ainsi que l’entourage féminin ou familial du Prophète, comme Khadija, ‘Aîsha, Fatima, Umm Salama, etc.

Allâh a préservé les fondements et les principes de la Religion qui sont contenus dans le Qur’ân, si bien que l’intellect et les fruits obtenus dans le cadre du cheminement spirituel sont palpables et expérimentables, et le croyant qui cherche la Paix et aspire à la réalisation spirituelle, à partir des choses qui lui sont nécessaires, utiles et profitables, trouvera tout cela dans le Qur’ân ainsi que dans la Sunnah purifiée du Prophète ﷺ, et dans l’exemple vertueux incarné par nombre de ses compagnons, des membres de sa famille, puis des Saints et des vertueux venus après eux jusqu’à nos jours. Allâh n’a jamais laissé la communauté sans y avoir manifesté des Rapprochés d’Allâh et des âmes vertueuses à chaque génération.


Les courants qui insultent ou méprisent Allâh et Son Messager sont clairement dans la mécréance, et quant à ceux qui calomnient ou haïssent sa famille ou ses nobles compagnons, sont clairement dans le faux et dans l’égarement.

Même si les savants ont divergé sur la façon dont le Qur’ân a été préservé et transmis, – beaucoup de récits étranges, inventés, déformés ou mal compris ont circulé à ce sujet -, toujours est-il que le Qur’ân actuel est préservé, qu’il a été transmis de façon orale par des voies multiples, que leur portée spirituelle a été démontrée, qu’ils présentent une cohérence à toute épreuve, que leur beauté est manifeste, que ses versets sont toujours d’actualité quand les mêmes situations se manifestent, qu’ils contiennent les conditions de la foi et les piliers de l’Islam, les principes et finalités de la Religion, la puissance opérative dans les rites, les qualités du croyant, les indications nécessaires au cheminement spirituel, et ce qui permet de fortifier notre relation avec Allâh et de rejeter ce qui avilit l’âme, éloigne de la Droiture et conteste Son Autorité. Le Qur’ân actuel est aussi identique aux exemplaires du Qur’ân que l’on peut retrouver à l’époque du Prophète ﷺ et de ses compagnons.


A ce sujet, plusieurs courants ont ajouté des conditions de la foi ne faisant pas partie du Qur’ân, et chaque courant a prétendu faussement au consensus pour discréditer les courants adverses. Comme souvent, quand un courant se forge une identité, celle-ci cherche à se spécifier par des caractéristiques propres, – dont certaines sont légitimes et nécessaires au vu du contexte, mais dont d’autres ne le sont pas -. Le devoir du croyant est de rechercher avant tout la Satisfaction d’Allâh et de préserver les fondements doctrinaux de la foi, et non pas de défendre coûte que coûte toutes les positions d’une école théologique. Il est donc possible aussi de diverger avec de grands théologiens là-dessus, tout en les respectant pour leur rang, leurs mérites, leur savoir et leur piété (de façon générale).

Sur tout cela, aucune divergence n’est tolérable sur le plan intellectuel et doctrinal (selon le Qur’ân). Toutes les divergences qui surviennent ensuite, sont soit autorisées si elles ne contredisent pas ce qui est relatif aux fondements de la Religion (ce qui doit en être nécessairement connu pour fonder et « valider » l’islamité de la personne), soit sont strictement prohibées. Et parmi celles qui sont autorisées, elles peuvent être un développement ou un approfondissement légitime, mais elles ne sont pas des conditions de la foi, et relèvent du possible, mais qui n’entrainent pas forcément de certitude ou de nécessité à y adhérer.

2) La divergence juridique

La dimension juridique de l’Islam, bien que n’étant pas la « mère des sciences » ni la plus noble science de la Loi divine, occupe tout de même une place importante et nécessaire, puisqu’elle est indispensable pour la vie terrestre, que l’on soit seul ou en communauté. Aucune société, même moderne, ne peut se passer d’ailleurs d’un corpus juridique pour régir et baliser la vie en société. Le patrimoine islamique est très riche, puisqu’il a été élaboré et enrichi par des millions de savants sur plus de 1400 ans, issus de pratiquement tous les pays du monde (Arabie Saoudite, Iran, Turquie, Maroc, Sénégal, Mali, Albanie, Afghanistan, Pakistan, Chine, Inde, Tchétchénie, Russie, Libye, Etats-Unis, Canada, Espagne, France, Royaume-Uni, Algérie, Egypte, Syrie, Irak, Australie, etc.), nés et apparus dans des milieux socioculturels fort différents, avec des profits psychologiques tout aussi différents, etc., ce qui a engendré un tas de divergences, parfois pour le meilleur, mais aussi pour le pire dans certains cas. Il est donc évident que si certains avis divergents ne sont pas un mal et ne sont pas contradictoires en soi, d’autres peuvent l’être.


En Islam, le fiqh se subdivise en plusieurs catégories dont celles-ci (nommées parfois différemment selon les écoles, mais nous utiliserons ici une terminologie simplifiée) :


a) Il y a tout d’abord le fiqh des actes cultuels et rituels, à savoir, comment prier, verser la zakât, accomplir le Hajj et la Umra, comment jeûner et tout ce qui peut invalider, sur le plan juridique, ces actes d’adoration.

Les principales écoles juridiques s’accordent sur l’essentiel et sur l’importance des piliers de l’islam et des actes d’adoration, mais divergent sur certaines modalités ou sur le statut juridique de certains actes cultuels périphériques, certains les considérant comme étant obligatoires et d’autres comme étant recommandés ou fortement recommandés par exemple, ou alors a contrario pour des pratiques jugées douteuses, certains vont l’interdire au point de les considérer comme étant « haram » (illicite comportant un péché), tandis que d’autres vont l’interdire et le désapprouver (makruh) mais pas au point d’en faire un péché, tandis que d’autres vont les déconseiller mais sans plus. Toutes les écoles se fondent sur des preuves comme sur des arguments discutables, libre alors à chacun de suivre l’avis qui lui semble le plus approprié à sa situation ou le plus sûr selon l’école à laquelle il s’affilie, sauf si cet avis porte clairement préjudice à sa santé physique ou mentale, ou qu’il porte atteinte clairement aux droits des gens ou l’éloigne de la piété religieuse.

b) Le fiqh des relations sociales entre les gens (musulmans comme non-musulmans, dans les sociétés musulmanes comme non-musulmanes, …). Il y a, là aussi, des divergences notables.

Les écoles proposent des méthodologies cohérentes, mais qui sont perfectibles, avec des risques d’erreurs, tout comme dans les écoles de médecine ou de physique. Le recul est nécessaire en cas de fortes divergences ou de doutes, tout comme le fait de s’adapter aux nouveaux contextes socioculturels, ou à la meilleure connaissance d’une discipline (médecine, astronomie, physique, psychologie, économie, etc.), qui implique soit une adaptation de la fatwa pour prendre en compte les nouvelles conditions de vie ou certaines données nouvelles ou corrigées, soit l’application d’un autre type de fatwa si presque tout est à revoir sur le plan médical ou économique par exemple. Sur les coutumes, celles-ci évoluent avec le temps et selon les régions, ce qui implique qu’on ne peut pas suivre des fatawa inadaptées à notre situation, et ce qui doit pousser le croyant à consulter les spécialistes (reconnus pour leur savoir comme pour leur piété) dans la discipline concernée, et ensuite agir en âme et conscience après avoir consulté Allâh dans ses affaires.

Si les 4 grandes écoles se sont globalement mis d’accord sur le statut juridique d’une chose, dans la plupart des cas, c’est qu’il s’agit de l’avis le plus fort et le plus solide sur le plan islamique. Dans quelques cas seulement, cet avis là contredit l’avis d’autres mujtahidîn parmi les salafs ou parmi les khalafs, – mais non pas sur les fondements -, et la divergence est donc acceptable si elle ne contredit pas l’éthique islamique, et qu’elle repose sur des arguments recevables, et qu’elle n’implique pas le rejet de versets du Qur’ân ou du sens explicite de certains versets ou principes généraux.

Le consensus (ijmâ’) ou l’avis prépondérant (jumhûr) se divisent en 2 catégories principales, à savoir ce qui relève du culte, et ce qui relève des coutumes sociales. Dans le premier cas, remettre cela en question est périlleux puisque les preuves scripturaires et règles juridiques vont dans leur sens, et ne dépendant nullement de l’évolution des mœurs ou d’un paradigme politique. Dans le second cas, le jumhûr ou le consens ne constituent pas une preuve absolue, et peut changer, puisque dépendant des coutumes sociales, de l’ambiance politique, des conditions temporelles de l’époque, et tout cela évolue. Un nouvel avis est donc possible et même parfois souhaitable ou nécessaire si les conditions changent, mais la légitimité de cet avis doit trouver un fondement clair dans le Qur’ân et/ou dans la Sunnah.

En lisant de nombreux traités juridiques, on s’aperçoit que beaucoup de savants ont tenu des avis contradictoires, et qu’ils invoquaient souvent à tort le consensus sur une question, soit que leur consensus était restreint à l’avis de leur partisan, – c’est un consensus qui n’est donc pas général et n’a donc aucune force contraignante pour le croyant -, soit qu’ils ignoraient l’avis d’autres savants, ce qui n’a donc là aussi aucune force contraignante pour le croyant n’étant pas d’accord avec cet avis.

Certains étaient même très durs sur certaines pratiques ou savants adoptant d’autres avis que les leurs, parfois même en associant ces pratiques à tort comme de la perversion, de l’hérésie ou comme étant illicites, alors que des arguments puisés du Qur’ân, de la Sunnah et de l’intellect contredisent leurs affirmations. La psychorigidité peut être soit générale chez certains savants (ou même chez les gens de la masse) soit partielle et restreinte, ne concernant que certains points. Là où les preuves scripturaires et principes de la Religion ne soutiennent pas clairement leur position, et que de grands maîtres ont adopté un avis plus proche de l’Esprit et/ou du Texte de la Révélation, alors l’avis engendré par la psychorigidité de certains n’a aucune force contraignante non plus, mais le respect de la divergence doit demeurer.


Parmi les divergences acceptables, citons le chant, la musique (accompagnée d’instruments), la représentation complète d’êtres vivants, la danse (non-efféminée pour les hommes), le raqs lors du dhikr, le dhikr collectif, l’élévation des tombes, le tabarruk, le tawassul, etc., car même si des savants, – et non des moindres -, ont pu interdire certaines de ses pratiques, – parfois ils sont revenus sur leurs avis ou les ont nuancé selon la modération ou l’exagération qu’ils pouvaient voir chez leurs contemporains -, d’autres savants, – eux aussi nombreux et de haut niveau -, ont autorisé les pratiques en question.

Parmi les divergences inacceptables, car contredisant les principes et les finalités de la Religion, et comportant une grande nuisance, citons la consommation de l’alcool en tant que boisson, la fornication, la consommation de drogue, le meurtre d’innocents, le mariage des femmes musulmanes avec des hommes non-musulmans, le mépris envers le voile ou l’incitation (ou l’obligation) de l’enlever dans la sphère publique, le fait d’encourager volontairement la promotion de la mécréance, de l’idolâtrie, de l’injustice ou de la tyrannie, favoriser la maltraitance humaine ou animale, le fait d’encourager à maltraiter les femmes ou les enfants, etc., toutes ces choses sont prohibées selon la Loi divine, – soit explicitement selon le Qur’ân, soit implicitement selon les principes et finalités de la Loi évoqués dans le Qur’ân que l’on peut facilement déduire -. Toutes ces pratiques, peuvent mener à la mécréance et à la tyrannie, et si les gens les approuvent intérieurement, cela constitue un acte annulatif de l’Islam, puisque contredisant la Loi divine dans ses principes explicites et ses exhortations évidentes.

Comme le rappelait si bien l’homme politique, érudit et intellectuel musulman Alija Izetbegovic : « Les sources de l’islam fourmillent de dualité. Ce sont avant tout, les deux sources de base : le Coran et les hadiths, qui représentent l’une et l’autre l’inspiration et l’expérience, l’éternité et le temps, la pensée et la pratique, ou l’idée et la vie. L’islam est moins une manière de penser qu’une manière de vivre. Toutes les interprétations du Coran montrent que, sans les hadiths, il est sans vie, incompréhensible. Ce n’est qu’avec l’interprétation d’une vie, celle du prophète Muhammad, que l’islam s’énonce comme une philosophie pratique, une direction de vie globale. Si nous incluons dans nos considérations la troisième source de l’islam, l’idjma (la tradition), nous restons sur la même position. L’idjma est la pensée concordante des docteurs (unanime selon l’imam Chafii, majoritaire selon Tabari et Al-Razi) sur certaines questions juridiques. L’islam ne serait pas lui-même si un principe élitiste ne s’y combinait pas avec le nombre et la quantification. Dans l’idjma se trouve à la fois un principe qualitatif, aristocratique ».
(Alija Izetbegovic, L’islam entre l’Est et l’Ouest, éd. François-Xavier de Guibert, 2003, p. 214)

Nous ne dirions cependant pas qu’il est incompréhensible, mais le Qur’ân étant destiné à être aussi vécu intérieurement ainsi qu’à être pratiqué et extériorisé au quotidien, le meilleur exemple de la façon de le vivre et de le comprendre, réside dans le modèle prophétique qui l’a incarné (Muhammad).

En effet, il a été rapporté par son épouse ‘Aîsha que : « Son caractère était le Qur’ân » (Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân 40/2, An-Nasâ’î dans ses Sunân 199/3, Ad-Darimî dans ses Sunân 345/1 et d’autres) et « qu’il était comme un (le) Qur’ân vivant (qui marche) » (Rapporté entre autres par l’Imâm Ahmad dans son Musnad 6/91 n°163 et par Al-Bayhaqî dans Al-Sunân al-Kubrâ, connu aussi sous le nom de Sunân al-Bayhaqî 2/499).

Le Qur’ân dit : « Vous avez dans le Messager d’Allâh un excellent modèle [à suivre], pour quiconque espère en Allâh et au Jour dernier et invoque Allâh fréquemment » (Qur’ân 33, 21).

3) La divergence éthique
Allâh définit clairement l’éthique du croyant, si bien que celle-ci est manifeste et explicite, aussi bien dans les Textes du Qur’ân que dans la Sunnah (en accord avec le Qur’ân), ainsi qu’identifiable selon l’intellect et la fitra (nature/conscience primordiale et innée), qui est universelle et reconnaissable comme telle par les communautés non-musulmanes ayant encore une sensibilité éthico-morale.

Parmi les nobles valeurs et principes de la Religion sur l’éthique, citons la justice, l’équité, la bonté, la gentillesse, la douceur, la compassion, l’humilité, la justesse, la pondération, la générosité, la modestie, l’aspiration à la paix, l’indulgence, le pardon, la clémence, la bienveillance, l’amour bienveillant, le courage, la loyauté (dans le convenable), la pudeur, la piété, la sagesse, la connaissance, la science utile, la patience, l’endurance, le contrôle de soi, l’altruisme, la charité, etc.

L’éthique, comme l’enseigne le Qur’ân, doit prendre le pas aussi sur des avis juridiques comportant une dimension éthique.

Quiconque, – fussent-ils des rois, de grands savants, des juges ou autres -, contredit ou abroge une qualité morale et une vertu spirituelle, aura contredit la Loi divine et ses finalités, et ne saurait être suivi en cela.


C’est d’ailleurs sur l’éthique, ainsi que sur les fondements de la foi, que les croyants seront interrogés essentiellement le Jour du Jugement, comme l’indiquent le Qur’ân et la Sunnah.

4) La divergence politique

A notre époque, les divergences quant aux modalités et aux voies politiques sont multiples dans la Communauté musulmane.

Les pays musulmans n’étant pas tous dans la même situation et ne connaissant pas tous les mêmes sensibilités et configurations géopolitiques et socioculturelles, chaque méthode doit s’adapter au contexte et aux enjeux du moment, mais en gardant toujours à l’esprit d’avoir un agenda clair à atteindre, en l’encadrant par les principes théologiques de l’Islam, l’éthique du croyant et les finalités à atteindre, tout en procédant intelligemment par étape, – et donc de façon graduelle -, ce qui a été la méthode prophétique, en commençant par relier le peuple à la conscience du Divin, à l’amour du Prophète, à l’enseignement de la vertu et de l’éthique, à l’incitation aux prescriptions rituelles et morales de l’Islam, à assurer la sécurité, la justice sociale et l’accès aux soins et à l’éducation à tous les citoyens, et ensuite seulement, à appliquer les hudûd une fois que l’on ne craint ni injustice, ni révolte ni corruption, et que des tribunaux compétents soient mis en place, que les citoyens prennent conscience de la gravité des crimes (comme le meurtre, la sorcellerie, l’adultère, …), etc. Les citoyens doivent pouvoir s’exprimer librement, tout en agissant de sorte à limiter la débauche, les incitations à la haine et au blasphème volontaire, etc., car tout cela ruine la société.

De même, du fait de la méconnaissance et de la propagande qui se généralisent, beaucoup ont une vision biaisée de la Sharî’ah comme des conflits géopolitiques, il convient donc d’être patient et de déconstruire avec des arguments, les préjugés de chacun.

Désavouer ou critiquer le blâmable tout en respectant l’individu

L’Islam a décrété que la sacralité de la vie, par essence, était sacrée, et que seulement un crime majeur pouvait introduire une exceptionnalité dans la sanction.

Allâh a dit : « Et nous avons (honoré et) donné à chaque être humain une dignité » (Qur’ân 17, 70).

« (…) quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué toute l’Humanité. Et quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à toute l’Humanité. En effet Nos messagers sont venus à eux avec les preuves. Et puis voilà, qu’en dépit de cela, beaucoup d’entre eux se mettent à commettre des excès sur la terre » (Qur’ân 5, 32).

« et ne tuent pas la vie qu’Allâh a rendue sacrée, sauf à bon droit (et en toute justice) » (Qur’ân 25, 68).

« Et ceux qui croient et pratiquent les bonnes oeuvres, ceux-là sont les gens du Paradis où ils demeureront éternellement. Et [rappelle-toi], lorsque Nous avons pris l’engagement des enfants d’Israël de n’adorer qu’Allâh, de faire le bien envers les pères, les mères, les proches parents, les orphelins et les nécessiteux, d’avoir de bonnes paroles avec les gens ; d’accomplir régulièrement la Salât et d’acquitter le Zakât ! – Mais à l’exception d’un petit nombre d’entre vous, vous manquiez à vos engagements en vous détournant de Nos commandements. Et rappelez-vous, lorsque Nous obtînmes de vous l’engagement de ne pas verser le sang, [par le meurtre] de ne pas vous expulser les uns les autres de vos maisons. Puis vous y avez souscrit avec votre propre témoignage. Quoiqu’ainsi engagés, voilà que vous vous entre-tuez, que vous expulsez de leurs maisons une partie d’entre vous contre qui vous prêtez main forte par péché et agression. Mais quelle contradiction ! Si vos coreligionnaires vous viennent captifs vous les rançonnez alors qu’il vous était interdit de les expulser (de chez eux). Croyez-vous donc en une partie du Livre et rejetez-vous le reste ? (…) » (Qur’ân 2, 82-85).

De même, la piété est ce qui permet objectivement d’obtenir un degré de mérite supérieur auprès d’Allâh : « Ô humains !  Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, afin que vous fassiez connaissance entre vous.  Certes, le plus noble d’entre vous, auprès d’Allâh est celui qui a la meilleure conduite (qui est le plus pieux).  Certes, Allâh est Omniscient et très bien informé » (Qur’ân 49, 13).

   En effet, l’éthique du musulman a été enseigné aussi dans ce hadîth prophétique : « Le Musulman est celui dont les gens sont épargnés du mal de sa langue et de sa main et le croyant est celui dont les gens ont confiance en ce qui concerne leur vie et leur biens matériels » (Rapporté par An-Nasâ’î dans ses Sunân, n°4995).

En Islam, Allâh nous demande d’être juste même face aux personnes adoptant des pratiques ou des croyances injustes. Allâh dit dans le Qur’ân : « …et soyez équitables, car Allâh aime les équitables » (Qur’ân 49, 9).

Il dit aussi : « Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allâh et soyez des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et prenez garde à Allâh. Car Allâh est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites » (Qur’ân 5, 8).

L’exégète Al-Qurtûbî dit dans son Tafsîr al-Qurtûbî (commentaire du passage qurânique 5/8) : « Ce verset montre que la mécréance du mécréant ne l’empêche pas d’être traité avec justice ! ».

En Islam, l’injustice et la tyrannie sont tellement graves pour l’Humanité et les êtres vivants, qu’Allâh manifeste Sa Rigueur chez ceux qui oppriment ou persécutent injustement les gens, ou qui maltraitent inutilement les animaux.

Le Calife et Compagnon du Prophète Muhammad ﷺ, ‘Umar ibn al-Khattâb (‘alayhî salâm) a dit : « La larme de celui qui subit une injustice peut paraître comme une simple goutte d’eau, mais auprès d’Allâh, elle est telle la foudre qui frappe en plein milieu de la nuit ».

Allâh dit en effet : « Les gens des cités sont-ils sûrs que Notre correction rigoureuse ne les atteindra pas la nuit, pendant qu’ils sont endormis ? Les gens des cités sont-ils sûrs que Notre correction rigoureuse ne les atteindra pas le jour, pendant qu’ils s’amusent ? Sont-ils à l’abri du stratagème d’Allâh ? Seuls les gens perdus se sentent à l’abri du stratagème d’Allâh »(Qur’ân 7, 97-99).

« Et lorsque ces gens-là eurent oublié ce qui leur avait été rappelé, Nous ouvrîmes toutes grandes devant eux les portes de la jouissance. Et c’est au moment où ils exultaient de joie devant tant de richesses qu’ils avaient reçues que Nous les saisîmes soudain et les jetâmes dans la consternation et le désespoir » (Qur’ân 6, 44).

« Et ne pense point qu’Allâh soit inattentif à ce que font les injustes. Il leur accordera un délai jusqu’au jour où leurs regards se figeront » (Qur’ân 14, 42).

Lorsque les nations délaissent la justice et imposent la tyrannie, qu’elles soient musulmanes ou non-musulmanes, afin de les ramener à la sagesse et à l’humilité, Allâh les corrige par Miséricorde et pour châtier l’orgueil et la tyrannie des despotes.

« Nous t’avons (Muhammad) seulement envoyé comme Miséricorde pour les mondes » (Qur’ân 21, 107), et la Miséricorde implique la bonté, le pardon, la douceur, l’équité, l’humilité, la bienveillance, la lumière, la générosité, l’indulgence, la compassion, la gentillesse, etc. De même, elle implique la justice et la lutte contre l’injustice et l’oppression, par miséricorde envers les démunis et les opprimés, ainsi qu’un soutien envers les faibles, les veuves et les orphelins. Et par « les mondes », cela englobe les humains dans leur généralité (les musulmans et les non-musulmans), ainsi que les jinns et les autres êtres vivants.

Le Prophète Muhammad ﷺ a dit : « Aucun de vous n’a (vraiment) la foi tant qu’il n’aime pas pour son frère ou pour son prochain ce qu’il aime pour lui-même » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°45 selon Anas ibn Malik).

L’imâm An-Nawawî commente ce hadîth dans Sharḥ al-Arba’în (p. 13) en disant : « Ceci est interprété comme la fraternité en général, de sorte qu’il inclut le mécréant et le musulman. Il devrait donc aimer pour son frère, le mécréant, ce qu’il aime pour lui-même qui est son entrée dans l’islam, tout comme il devrait aimer pour son frère musulman qu’il reste dans l’islam. Pour cette raison, il est recommandé d’invoquer (Allâh) pour que le mécréant soit guidé. La signification de l’amour ici est une intention pour le bien et le bénéfice, et cette signification relève de l’amour religieux (…) ».

L’imâm Hamza Muhammad Qasim écrit quant à lui dans Manâr al-Qârî (1/91) : « La parole du Prophète d’aimer pour son frère ce qu’il aime pour lui-même est interprétée comme une fraternité universelle, telle qu’elle inclut le mécréant et le musulman, et il devrait aimer pour son frère les mécréants ce qu’il aime pour lui-même c’est son entrée dans l’Islam. Pour cette raison, il est recommandé de supplier pour leur guidée (en Islam et dans le bien). Le Prophète a invité les incroyants des Qurayshites à la bonté et il a aimé (et voulu) le bien pour eux. Il disait : « Ô Allâh, guide mon peuple (les arabes restés encore non-musulmans) car il ne sait pas ». Cela confirme que le sens est d’aimer le bien pour tous. Il n’y a aucune différence entre un musulman et un mécréant dans son affirmation selon laquelle la meilleure foi est d’aimer pour les gens ce que vous aimez pour vous-même et de haïr pour les gens ce que vous détestez pour vous-même ».

Dans un autre hadith, le Prophète Muhammad ﷺ a dit : « Quiconque aimerait être délivré du feu de l’enfer et entrer au paradis, alors laissez-le mourir avec la foi en Allâh et au Jour dernier, et laissez-le traiter les gens comme il aimerait être traité » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1844 selon Abdullah ibn Amr).


Et dans le même sens, citons aussi cette parole prophétique : « Regardez comment vous aimeriez que les gens vous traitent, puis traitez-les de cette façon. Quelle que soit la façon dont vous détestez que les gens vous traitent, alors ne les traitez pas de cette façon » (Rapportée par At-Tabarânî dans al-Mu’jam al-Kabîr n°15833 selon Abû Muntafiq, chaîne sahîh).

L’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî écrivait à ce sujet dans son Ayyuhâ al-Walad (1/145) : « Chaque fois que vous traitez avec des gens, traitez-les comme vous seriez heureux d’être traités par eux, car la foi d’un serviteur n’est pas complète tant qu’il n’aime pas pour tous ce qu’il aime pour lui-même ».

Mu’adh a rapporté que le Prophète Muhammad ﷺ a dit : « Le meilleur de la foi est d’aimer pour Allâh, de réprouver (les mauvaises choses) pour Allâh et d’habituer sa langue dans le Souvenir d’Allâh (dhikr).

Mu’adh a dit : « De quelle manière, ô Messager d’Allâh ? ». Le Prophète a dit : « Que vous aimez pour les gens ce que vous aimez pour vous-même, et que vous détestez pour eux ce que vous détestez pour vous-même, et que vous dites de bonnes paroles ou que vous gardez le silence » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°21627).

Le salaf, ascète et juriste Ibrahim ibn Adham a rapporté : « Nous traversions certaines villes et j’ai vu 2 personnes parmi les ascètes en voyage. L’un d’eux a dit à l’autre : « Ô frère, qu’est-ce que les gens qui aiment Allâh héritent de leur Bien-aimé (Allâh) ? ». L’autre a dit : « Ils héritent de la perspicacité de la lumière d’Allâh et de la compassion pour ceux qui désobéissent à Allâh ». J’ai dit : « Comment peut-il y avoir de la compassion pour les gens qui contredisent leur Bien-aimé ? ». Il a regardé vers moi et a dit : « Ils ont horreur de leurs actes (péchés) et ont de la compassion pour eux, et que par leurs avertissements (et conseils) ils pourraient abandonner leurs (mauvais) actes, et ils ressentent de l’empathie à l’idée que leurs corps puissent être brûlés dans la Géhenne. Le croyant n’est pas vraiment un croyant tant qu’il n’est pas content que les gens aient ce qui lui plaît pour lui-même » (Rapporté par Abû Nu’aym dans Hilyat al-Awliyâ’ n°11441).

Ibn Rajab al-Hanbalî dans Jâmi ’al-‘Ulûm wal-Ḥikam (p. 13) a dit : « Certains des pieux prédécesseurs ont dit : « Les gens qui aiment Allâh regardent par la lumière d’Allâh, et ils sont compatissants avec ceux qui désobéissent à Allâh. Ils réprouvent leurs (mauvaises) actions mais leur manifeste de la miséricorde afin que, grâce à leurs avertissements, ils puissent abandonner leurs (mauvaises) actions. Ils ont peur que la Géhenne consume leurs corps. Le croyant ne sera pas vraiment un croyant tant qu’il ne sera pas content que les gens aient ce qui lui plaît pour lui-même ».

‘Umar ibn al-Khattâb a dit : « Ne laissez pas votre haine causer la destruction ». Il a été dit : « Comment ça ? ». ‘Umar a dit : « Quand vous détestez quelqu’un, vous aimeriez voir votre compagnon périr » (Rapporté par al-Bukharî dans Al-Adab al mufrad n°1322), c’est-à-dire que la haine ne doit pas pousser le croyant à vouloir la perte et la perdition de son ennemi ou de celui qu’il déteste.

Le Prophète Muhammad ﷺ nous avait mis d’ailleurs en garde contre cela : « Là sont venues à vous les maladies des nations avant vous : l’envie et la haine, et la haine est le rasoir. Il rase (détruit) la religion et il ne rase pas les cheveux » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad selon n°1415 Al-Zubayr ibn ‘Awwam).


Et même dans le cas où l’on détesterait quelqu’un, voici un noble conseil prophétique : « Détestez légèrement celui que vous détestez, car il deviendra peut-être votre bien-aimé un jour » (Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1997 selon Abû Hurayra, chaîne sahîh).

Ibn al-Jawzî rapporte dans At-Tabsirah que le Compagnon : « Abû Ad-Dardâ’ était passé à côté d’un homme qui a commis un péché, et les gens l’ont insulté, alors il leur a dit : « Voyez-vous s’il est tombé dans un puits, ne l’en sortiriez-vous pas (c’est-à-dire lui, le pécheur) ? ». Ils ont dit : « Oui, nous le ferions ». Il a dit : « Par conséquent, n’insultez pas votre frère et remerciez Allâh qui vous a épargné ce qu’il a fait ». Ils ont dit : « Ne le détestez-vous pas ? ». Il a dit : « Je déteste son action ; s’il l’abandonne, alors c’est mon frère » ».

L’imâm as-Shafi’î a dit à son disciple Yûnus ibn Abd al A’ala : « Ô Yûnus ! Des centaines de problématiques (et de questions) nous unissent, et un seul problème nous divise ? N’essaye pas de triompher dans toutes les différences ; parfois, gagner des cœurs est plus important que gagner des situations. Ne démolissez pas les ponts que vous avez construits et traversés, car vous en aurez peut-être encore besoin un jour pour votre retour. Détestez toujours ce qui ne va pas, mais ne détestez pas celui qui se trompe. Détestez le péché de tout votre cœur, mais pardonnez et ayez pitié du pécheur. Critiquez le discours, mais respectez l’orateur. Notre travail consiste à éliminer la maladie, pas le patient » (Rapporté notamment par Ad-Dhahâbî dans son Siyâr a’lam an-Nubalâ’, et par Mas’ûd Sabry, chercheur et enseignant dans la Faculté islamique de l’Université du Koweït, cité dans son article paru le 4 février 2018 sur https://islamonline.net/25056).

Le Compagnon Abû Dharr al-Ghiffarî a relaté que : « Le Prophète me demanda, en croisant les doigts : « Comment te comporterais-tu, Abû Dharr ! si tu te trouvais avec la lie* de l’humanité ? – Que me suggères-tu, Envoyé d’Allâh ? – La patience, la patience, la patience, répéta-il. Soyez indulgents pour la nature des hommes, mais ne les suivez pas dans leurs (mauvaises) actions ! » » (Rapporté par al-Bayhaqî dans Az-Zuhd al-Kabir n°192 sous l’autorité d’Abû Dharr, ainsi que par Al-Haythâmî dans Majmâ’ al-Zawâ’id 7/283). * Il s’agit du rebut, ce qu’il y a de plus vil, de plus mauvais chez une personne ou un groupe de personne. On dit souvent par exemple « la lie du peuple ».

L’imâm ‘Alî a dit à ses partisans : « Mêlez-vous aux gens par la langue et le corps, tout en vous en séparant par le coeur et les oeuvres, car ce que l’homme a acquis ainsi lui appartient, et, le Jour de la Résurrection, il sera en compagnie de ceux qu’il a aimés » (Rapporté par al-Bayhaqî dans Az-Zuhd al-Kabir n°189).

D’après Mansûr ibn ’Abdallâh (Khâlidî) : « Interrogé sur l’isolement, Abû Muhammad Jurayrî donna la réponse suivante : « C’est pénétrer dans la foule en préservant ton être intime (sirr) qu’elle ne l’entraîne dans ses rivalités, et en te tenant à l’écart des péchés, jusqu’à ce que ton être intime soit bien attaché au Seigneur » » (Rapporté par al-Bayhaqî dans Az-Zuhd al-Kabir n°187, par Al-Qushayrî dans al-Risâla al-qushayriyya fi’ilm al-tasawwuf, p. 86, par Ibn Khamîs dans Manâqib al-abrâr wa-mahâsin al-akhyâr folio 207a ; on rapporte de ’Abdallah ibn Mas’ûd et de l’imâm ‘Alî l’expression du même enseignement).

Le Prophète Muhammad ﷺ a dit : « Le musulman (ou selon une variante, « le croyant ») qui fréquente les gens et fait preuve de patience à l’égard de leur méchanceté est préférable à celui qui ne se mêle pas à eux et n’a pas à supporter leurs méfaits » (Rapporté par al-Bayhaqî dans Az-Zuhd al-Kabir n°190 et dans Shu’ab al-Imân 6/266 n°8102, par Ahmad dans son Musnad 2/43 et 5/365 ; par Abû Nu’aym dans Hilyat al-awliyâ’ 5/62-63, et 7/365, par al-Muttaqî dans Kanz ul-Ummâl p. 86).

Selon le Compagnon Abû Sa’îd Khudrî : « Le Prophète se leva pour nous adresser un discours, dans lequel il nous dit notamment ceci : « En vérité, je ne vais pas tarder à être rappelé à Allâh et à Lui répondre. Après moi, vous serez gouvernés par des hommes qui parleront en fonction de ce qu’ils sauront et qui agiront en fonction de ce qu’ils connaîtront. Leur obéir, ce sera m’obéir à moi-même. Ils resteront un certain temps, puis, après eux, vous serez gouvernés par des hommes qui parleront de ce qu’ils ignorent et qui agiront sans savoir. Ceux qui les conseilleront, les assisteront et les aideront, périront et entraîneront les autres à leur perte. Mêlez-vous à eux par le corps, mais séparez-vous en par les oeuvres ! Et témoignez en faveur de celui qui agit bien qu’il est tel, et contre celui qui agit mal qu’il est tel ! » » (Rapporté par al-Bayhaqî dans Az-Zuhd al-Kabir n°191).

La compassion concerne donc tout le monde à l’origine, sauf que face à des criminels qui sèment l’injustice et la terreur, ou à des idéologues qui sèment clairement la corruption dans la société, soit en y incitant à l’idolâtrie, à la mécréance, à la débauche, à la corruption, à l’injustice, aux hérésies manifestes ou à la glorification de l’ego et à s’éloigner de la spiritualité, tout cela représente des menaces réelles et graves qui ne sont pas sans conséquence pour la Nation, la société, la famille et l’individu. Si les réfutations, les exhortations ou les avertissements ne suffisent pas pour les ramener à la raison, il faut alors mener des actions juridiques (amendes, restrictions, emprisonnement, etc.) pour limiter ou éradiquer le mal qu’ils peuvent commettre.


Conclusion

Cultiver la sagesse et la connaissance, passe ainsi par une plus grande ouverture d’esprit, mais sans jamais abandonner ou contrevenir à ses principes. Pour juger si une pratique ou une croyance peut être légitime ou louable du point de vue islamique, on l’examine à la lumière des principes de la Révélation, des qualités dont le croyant doit se parer, des effets et fruits engendrés par ces pratiques, et du fait si cette pratique ou cette croyance, nous rapproche d’Allâh et de la piété, et si elle comporte des choses louables ou bénéfiques ou non. C’est la « balance » (mizân) du Qur’ân, et la Lumière (nûr) que le Qur’ân manifeste, qui permet d’établir un jugement et de distinguer le vrai du faux, l’utile de l’inutile, le licite de l’illicite, le louable du blâmable.


Be the first to comment “Des limites de la divergence et de la tolérance en contexte islamique”