De l’Islam minimaliste, de l’Islam orthodoxe et des « sectes »

  Nous pourrions définir ainsi l’Islam minimaliste comme étant tout ce qui est nécessairement connu de la Religion, et qui trouve ses racines dans le Qur’ân et la pratique notoire du Prophète Muhammad (ﷺ), à savoir l’adhésion (par conviction) et la reconnaissance des 5 piliers de l’islam, des 6 piliers de la foi, de l’origine divine du Qur’ân, de l’exemplarité du Prophète (ﷺ) et de sa voie (dans ce qui est réellement authentique et qui est conforme aux sagesses, sciences et vertus qu’il incarnait, en conformité avec le Qur’ân), l’identification des péchés manifestes comme le shirk, la sorcellerie, le meurtre, l’oppression, l’irrespect envers les parents ou les voisins, l’injustice, la tyrannie, le fanatisme, l’adultère, la fornication, le viol, le vol, l’ivresse, la prise illégale de drogue, la calomnie et le faux-témoignage, la brutalité contre ses enfants ou son époux/épouse, le manque de respect envers les personnes âgées, l’obscénité, la vulgarité, l’indécence, etc., de même que la reconnaissance du caractère blâmable et la volonté de lutter intérieurement contre les péchés intérieurs comme l’orgueil, l’hypocrisie, l’ostentation, la vanité, la méchanceté, l’avarice, l’avidité, la tromperie, etc.

  Préférer un mode de vie qui soit pieux, juste, sain et exempt de pratiques ou de choses néfastes pour la foi, l’intellect, l’environnement, la société, la piété, la santé physique et mentale.

  Enfin, reconnaitre l’importance du bon comportement envers les gens (Musulmans ou non) et les animaux de façon générale d’une part, et d’autre part la bonne opinion que l’on doit avoir vis-à-vis d’Allâh, ainsi que la connaissance (et la mise en pratique du mieux possible) du Tawhîd (et le rejet de l’anthropomorphisme et de la négation dans ses Noms et Attributs), du Tawakkûl, de la Sagesse, de la piété (intérieure et extérieure) et de qu’elle implique, etc.

  Est donc islamique et fondamentalement vrai et important, toute parole, action ou aspiration qui ne contredit pas ce qui constitue l’Islam minimaliste (ce qui est essentiel et fondamental) et qui s’inscrit dans cette perspective. Ce sont d’ailleurs là, sur les aspects théologiques, rituels, éthiques, juridiques et moraux, ce qu’il est obligatoire de connaitre et d’étudier en principe pour tout musulman dès qu’il en a la possibilité, et cela constitue aussi les enseignements de l’ensemble des prophètes et de ce qu’ils ont transmis à leur communauté. Quant aux doctrines métaphysiques, théologiques, philosophiques, juridiques, spirituelles, scientifiques, etc. plus avancées et détaillées, et à la dimension ésotérique de l’islam, ce ne sont pas des obligations pour les musulmans de la masse, même si elles font partie de l’Islam traditionnel et orthodoxe.

  Il est donc préférable de s’en tenir à cet Islam fondamental, que d’adhérer à une secte ou à un courant qui viendrait contredire ou amputer l’Islam de ce socle fondamental. Et c’est là que l’on s’aperçoit que de nombreux musulmans de la masse, qui ne sont pas dans les polémiques ni même dans l’étude savante de la Religion, sont dans une meilleure situation, selon l’Islam, que les nombreux sectaires apparus sur les réseaux sociaux, qui pensent maitriser les sciences de l’Islam alors qu’ils en ignorent les fondements et les subtilités, et qui préfèrent les mauvais arguments d’autorité plutôt que les qualités islamiques comme la connaissance bénéfique, la science utile, la sagesse, la bonté d’âme, la compassion, la justice, l’humilité et la clairvoyance.

  Ce sont là les obligations qui incombent aux musulmans en tant que simples citoyens ; pratiquer ce qu’ils peuvent et s’abstenir de commettre des péchés et du mal aux gens. L’Islam leur interdit, s’ils ne sont pas dirigeants, juges ou policiers, d’intervenir pour réprimer les pécheurs, sauf dans le cas où un criminel viendrait à commettre devant eux, un crime sociétal comme le meurtre, le viol, le vol, etc., et qu’ils peuvent intervenir pour les empêcher de commettre ce genre de crimes. Mais sinon, ils ne peuvent pas user de force ou d’un langage obscène ou insultant pour condamner un innovateur, un non-musulman, quelqu’un qui boit de l’alcool ou qui manque de pudeur, etc.

  Il leur faut alors éviter ce genre d’endroits, baisser les yeux et se désavouer par le cœur de ce genre de mauvaises pratiques ou situations.

  Tant que le musulman s’accroche à cela, même leurs erreurs éventuelles, dans leurs orientations ou sensibilités intellectuelles ou doctrinales, qui ne contrediraient pas ce socle, sera pardonné tant qu’il demeure sincère et aspirant au Pardon divin et à Sa Guidance. Aussi, savoir que le Qur’ân que nous possédons est celui qui fut divinement révélé au Prophète – et les manuscrits et éléments historiques prouvent qu’il s’agit du même corpus qurânique et des mêmes enseignements prophétiques fondamentaux que ceux dont nous disposons aujourd’hui (comme l’ont montré par exemple les Dr. Joseph E.B. Lumbard, Dr. Jonathan A.C. Brown, Dr. Muhammad Hamidullah et le Dr. Muhammad Mustafa al-Azâmi[1]), même si par manque de science ou de clairvoyance, les sens de certains versets ou ahadiths (rigoureusement sahîh dans l’isnad/chaine comme dans le matn/énoncé) nous échappent, et suspendre ou délaisser les interprétations qui peuvent troubler notre esprit ou notre âme, ou contredire les principes théologiques, éthiques et juridiques de l’Islam.

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « La droiture et la justice procurent la sérénité à l’âme et la paix de l’esprit dans le cœur. (Tandis qu’on reconnait) le péché au fait qu’il n’est pas agréable à l’âme (tournée vers la pureté et la piété) et ne satisfait pas le cœur (ni n’apporte la sérénité), même si le juge (muftî) vous donne son approbation »[2].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Laissez ce qui vous fait douter pour ce qui ne vous fait pas douter. En vérité, la vérité apporte la tranquillité d’esprit et le mensonge sème le doute et le trouble »[3].

  Et selon Ibn ‘Umar : « Le serviteur d’Allâh n’atteindra pas la réalité de la piété (taqwâ) jusqu’à ce qu’il abandonne ce qui trouble, perturbe et corrompt son coeur »[4].

  Et quant à l’éthique, le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Celui qui croit en Allâh et au Jour dernier (dans l’Au-delà), ne doit pas faire de mal à son voisin (ni à son prochain), et s’il est témoin d’une chose, qu’il en parle en de bons termes ou qu’il se taise (pour ne pas faire de tort ou tomber dans l’injustice et la calomnie). Agissez avec bonté et bienveillance envers les femmes et prenez soin d’elles (…). Alors agissez avec gentillesse envers les femmes et prenez soin d’elles »[5].

  Le Prophète (ﷺ) a dit : « Celui qui aimerait être délivré de l’Enfer et entrer au Paradis, qu’il meure avec la foi en Allâh et au Jour dernier, et qu’il traite les gens (de façon juste, équitable, indulgente, compatissante, bienfaisante et humble) comme il aimerait être traité »[6].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « (Il ne doit y avoir) nulle nuisance et préjudice à soi-même ou envers autrui ! »[7].

  Le Compagnon Abû Dharr al-Ghiffarî a relaté que : « Le Prophète me demanda, en croisant les doigts : « Comment te comporterais-tu, Abû Dharr ! si tu te trouvais avec la lie de l’humanité ? – Que me suggères-tu, Envoyé d’Allâh ? – La patience, la patience, la patience, répéta-il. Soyez indulgents pour la nature des êtres humains, mais ne les suivez pas dans leurs (mauvaises) actions ! » »[8]. Il s’agit du rebut, ce qu’il y a de plus vil, de plus mauvais chez une personne ou un groupe de personne. On dit souvent par exemple « la lie du peuple ». Dans cette situation, qui correspond à notre humanité présente, le Prophète (ﷺ) nous dit d’être patient et indulgent face aux gens mauvais, débauchés, insouciants, mais de veiller à ne pas les suivre dans leurs mauvaises actions et orientations répréhensibles.

 Il est rapporté qu’un homme vint voir le Messager d’Allâh (ﷺ) et dit : « Ô Messager d’Allâh ! Lequel des gens est le meilleur ? ». Il a dit : « Celui qui lutte contre son ego (et ses mauvais penchants) et qui dépense sa richesse dans le Sentier d’Allâh [c’est-à-dire pour élever Sa Parole, repousser le mal, accomplir le bien, instaurer la justice, aider et secourir les veuves, les orphelins, les opprimés, préserver l’environnement, etc.] ». Il a dit : « Et puis qui, ô Messager d’Allâh ? ». Il a dit : « Alors un croyant (s’isolant) dans l’un des cols de la montagne, qui craint Allâh et épargne aux gens son mal [c’est-à-dire qu’il s’abstient de causer du tort aux gens de façon générale au point de préférer s’isoler d’eux plutôt que de leur faire du mal] »[9].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Celui d’entre vous qui voit un mal (ou tout acte répréhensible) qu’il le change par sa main. S’il ne peut pas alors par sa langue et s’il ne peut pas alors avec son coeur et ceci est le niveau le plus faible de la foi »[10].

  L’imâm ‘Alî (‘alayhî salâm) a dit : « Ô croyants, celui qui voit une injustice en train d’être commise ou un acte répréhensible auquel il est invité, s’il les interdit en son coeur, il sera exempt de l’iniquité ; s’il les interdit par sa langue il sera récompensé et considéré meilleur que son devancier ; s’il les interdit par la force [la main, l’épée, etc.] pour que la Parole divine soit la plus élevée et (que) celle des injustes (soit) la plus basse, il sera celui qui a trouvé la véritable voie de la guidance et l’a suivi, et sera celui dont le coeur est véritablement illuminée par la foi (pure) »[11].

  Nous citerons à ce sujet une histoire permettant d’illustrer cet enseignement prophétique : « « Celui qui voit un mal, qu’il le change ». Un jour, un homme partit voir un savant et lui parla de la pratique des gens d’une mosquée voisine. Dans cette mosquée, il y avait le mausolée d’un homme pieux du 17e siècle, et de nombreuses personnes se rendaient avec des offrandes, se prosternaient devant, et demandaient à son occupant de résoudre leurs problèmes. Ce qui constitue une pratique et une croyance erronées d’un point de vue islamique. L’homme dit au savant : « Le Prophète (ﷺ) dit : « celui qui voit une chose blâmable (munkar), qu’il la change avec sa main, et s’il ne le peut pas, avec sa langue, et s’il ne le peut pas, avec son cœur, et c’est cela le degré le plus faible de la foi ». J’ai mis ce hadith en pratique avec eux ».

Le savant demanda : « comment as-tu appliqué ce hadith ?

– Je suis allé vers eux et je leur ai dit que cette pratique était du shirk, que s’ils n’arrêtaient pas ils iraient en enfer, répondit l’homme.

– Ont-ils arrêté ?

– Non, ils se sont mêmes énervés contre moi, dit l’homme.

– Alors, tu n’as pas appliqué le hadith, rétorqua le savant.

– Comment ça ?

– Le hadith dit « qu’il le change », فَلْيُغَيِّرْهُ en arabe. Tu n’as pas changé la situation, tu l’as même peut-être aggravé parce que maintenant ils te détestent et n’accepteront plus aucune parole de toi, dit le savant.

– Que dois-je faire alors ?

– La prochaine fois que tu vois quelqu’un faire cela, prend le par la main, sympathise avec lui, offre-lui un parfum, dis-lui que tu connais un du’a que le Shaykh récitait, et dis-lui que s’il vient avec toi à ta mosquée tu lui apprendra cette du’a. Une fois venu à la mosquée parle-lui longuement d’Allâh afin de vider son cœur de la fausseté, et explique-lui (la vérité) avec sagesse (qu’on invoque et adorons qu’Allâh, le Dieu unique, et que l’on ne peut demander aux Prophètes, aux Saints et aux Vertueux que d’intercéder auprès d’Allâh en notre faveur pour qu’Il nous exauce dans ce que nous Lui demandons, mais que d’eux-mêmes, ils ne peuvent rien sans Allâh et ne peuvent qu’intercéder avec Sa Permission).

L’homme procéda ainsi et par sa cause, des dizaines de familles délaissèrent le culte des tombes (adorer et invoquer les défunts et sacrifier pour eux, alors qu’on ne peut que leur passer le Salâm, invoquer Allâh pour eux, ou leur demander d’invoquer Allâh seul pour nos besoins, et qu’on agit que pour Lui, en espérant que les récompenses et bienfaits de nos bonnes actions soient aussi en faveur de nos proches ou des gens pour qui nous vouons un profond respect) ».

  Ainsi, ce hadith invite le musulman à être responsable en même temps qu’exemplaire et sage, et de ne pas être spectateur ou passif face à des injustices et des choses répréhensibles ou superstitieuses, et de s’en désavouer intérieurement a minima. Mais prononcer une parole en public ou conseiller les gens demande d’abord d’être sûr de bien maitriser un sujet et les nuances qu’il convient d’observer – ce qui est rarement le cas chez bon nombre de « rigoristes », « littéralistes » ou « laxistes », et les subtilités qu’il faut connaitre dans chaque sujet, et la bonne méthode à employer. Si l’on craint que notre parole ou notre acte entraine une fitna plus grande, un mal encore pire, ou un éloignement des gens du bien, il faut alors s’en abstenir. Le musulman doit donc chercher à apaiser ou améliorer la situation, et non pas l’empirer, même si son intention à la base était bonne et louable. Pour cela, il faut connaitre les principes de la spiritualité et de l’éthique en islam, être animé par la justice et la bonté d’âme, avoir une connaissance approfondie de la psychologie humaine et de la sociologie, du contexte et de la mentalité du pays dans lequel on vit, et prendre en compte le degré de compréhension ou la personnalité à qui l’on s’adresse.

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « On nous a ordonné de parler aux gens à la mesure de leur capacité et selon leur degré d’entendement »[12].

  Al-Bukhârî rapporte également dans son Sahîh n°127 qu’Alî a dit : « Dîtes aux gens ce qu’ils connaissent (de convenable et d’utile), parlez-leur selon leur degré d’entendement et de compréhension, et délaissez ce que leur esprit rejette (si cela n’est pas nécessaire), voudriez-vous qu’Allâh et Son Prophète soient reniés (en les poussant involontairement à les traiter de mensonges) ? ».

  En effet, il fait partie de la sagesse d’enseigner aux gens le bien, d’éviter ce qui peut les conduire à l’apostasie, au fanatisme, à la violence, à la haine, à l’égarement, et à tout ce qui peut les troubler dans leur cheminement spirituel vers Allâh.

Muslim rapporte dans l’introduction de son Sahîh  n°14 qu’Ibn Mas’ûd a dit (en se basant sans doute sur une parole prophétique) : « Chaque fois que tu adresseras à des gens un discours qui dépasse leur entendement, il sera une épreuve pour une partie d’entre eux ».

Muslim rapporte aussi dans l’introduction de son Sahîh n°6 et n°7 selon 2 voies différentes que le Prophète (ﷺ) a dit : « Il y aura à la fin des temps des charlatans qui viendront à vous avec des narrations qu’aucun de vos parents n’ont entendu, alors prenez garde à eux de peur qu’ils ne vous égarent et ne vous cause des troubles (intellectuels, sociaux, politiques, religieux, …) ».

 Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Enseignez (le louable avec sagesse), facilitez (la vie aux gens) et ne rendez pas les choses difficiles (pour eux), annoncez-leur de bonnes nouvelles, ne rebutez pas et ne faites pas fuir (les gens), et lorsque l’un d’entre vous s’énerve (ou se met en colère) qu’il se taise (et se maîtrise) »[13].

  Comme nous l’a rappelé le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « La meilleure des choses est (d’adopter) la voie médiane (du juste milieu) »[14], conformément au verset disant : « Et aussi Nous avons fait de vous une communauté de justes (et du juste milieu) pour que vous soyez témoins auprès des gens » (Qur’ân 2, 143).

  Le Prophète (ﷺ) a dit : « Ne méprise (et ne sous-estime) rien de ce que tu peux faire comme bien (parmi les bonnes actions), même rencontrer ton frère (ou ta sœur) avec un visage souriant »[15].

  Le Compagnon Abû Shurayh demanda au Messager d’Allâh (ﷺ) : « Dis-moi quelque chose qui me garantira le Paradis ». Le Prophète (ﷺ) répondit : « (Après la foi en Allâh), dis de bonnes et belles paroles (au monde), répands et offre la paix (aux créatures) et nourris les affamés »[16].

 Un homme dit au Prophète (ﷺ) a dit : « Ô Messager d’Allâh ! Les préceptes de l’Islam sont devenus trop nombreux (et lourds à supporter) pour moi. Indique-moi une œuvre à laquelle je pourrais m’accrocher ? ». Le Prophète (ﷺ) répondit : « Que ta langue ne cesse d’être humide (ou imbibée) par le Dhikr (évocation, invocation, souvenir, rappel, mémoration) d’Allâh »[17].

  Il faut expliquer aux musulman(e)s qui éprouvent des difficultés à accomplir les rites ou préceptes obligatoires de l’Islam, qu’il vaut mieux être négligeant quant à l’accomplissement des obligations religieuses – et être conscient d’être en état de péché ou de situation anormale – plutôt que de nier le caractère obligatoire des obligations, ou de les rejeter/banaliser. Mieux vaut être humble et savoir que l’on commet un péché (en espérant nous réformer dès que possible, et chercher Son Pardon), que de justifier les péchés ou rendre halal ce qui est harâm et vice-versa.

Si tout nous parait difficile à mettre en œuvre, le Prophète (ﷺ) répondit à un bédouin qui trouvait difficile les préceptes de l’islam, en raison de la faiblesse de sa nafs : « alors fais que ta langue soit humide de l’évocation et de l’invocation d’Allâh » ; car cela nous connecte à Lui et ne nécessite ni de faire les ablutions, ni d’être orienté vers la qibla, ni de le faire à voix haute, ni d’être en groupe, etc., bien que cela soit préférable (d’être en état de pureté et dans un endroit plus propice à la méditation). Et il ne faut pas céder au désespoir, malgré le nombre de lacunes, péchés ou négligences que l’on a pu commettre car Allâh dit : « … Dis : « Ô Mes serviteurs qui avez outrepassé les limites, vous incriminant à votre propre détriment, ne désespérez pas de la Miséricorde divine. Allâh pardonne tous les péchés (à qui le demande). Il est Le Pardonneur, Le Très Miséricordieux et le Très-Rayonnant d’Amour … » (Qur’ân 39, 53).

  Le Compagnon Mu’adh Ibn Jabal rapporte que le Messager d’Allâh (ﷺ) l’avait envoyé vers un peuple et lui demanda : « Ô Messager d’Allâh, instruis-moi ». Le Prophète (ﷺ) lui répondit : « Répandez la paix, offrez de la nourriture et soyez modestes devant Allâh comme vous le feriez pour un homme digne de votre famille. Si vous faites une mauvaise action, faites-la suivre d’une bonne action. Rendez votre caractère (et comportement) aussi excellent que possible »[18].

 
L’Islam orthodoxe/traditionnel

  Quant à l’Islam traditionnel et orthodoxe, dont se réclament parfois des courants antagonistes qui sont très éloignés de leurs prétentions, c’est le fait d’atteindre l’excellence doctrinale, rituelle et dévotionnelle, spirituelle, intellectuelle et morale dans tous les aspects de la Religion, sans jamais sombrer dans le fanatisme, lle rigorisme, la débauche, le laxisme, le terrorisme, le banditisme, l’hérésie (contredisant ou abrogeant ce qui est nécessairement connu dans la Religion), les innovations blâmables et les superstitions. Cette voie ne peut jamais contredire les fondements de l’islam (minimaliste et essentiel), mais seulement développer, de façon logique, intellectuelle, pieuse, spirituelle, cohérente ou expérimentale, les différents aspects de la Religion et de sa pratique, sans les rendre nécessairement obligatoires, dans leur adhésion ou dans leur pratique, à l’ensemble des Musulmans, et encore moins dans les divergences théologiques ou juridiques qui peuvent comporter théoriquement des erreurs étant donné le nombre de possibilités rationnelles dans leur interprétation.

  L’Islam orthodoxe et traditionnel, c’est aussi le respect et l’amour envers tous les Prophètes, Messagers, Sages, Saints, nobles Compagnons du Prophète (ﷺ), ses nobles épouses (qui font partie de sa famille) et le reste de sa famille purifiée (les Ahl ul Bayt de façon générale comme des Ahl ul Kissâ en particulier) et de leurs pieux descendants, qui étaient, en grande majorité, des Sunnites traditionnels et orthodoxes suivant la Voie du Tasawwûf. C’est aussi l’amour de la vertu, de la sagesse, de la science utile, de la piété, de la spiritualité et des qualités morales, et de toutes les personnes qui les incarnent à un certain degré (élevé) par la Grâce divine. C’est aussi redoubler d’efforts pour réaliser le Tawhid à tous les niveaux et degrés dans sa vision holistique et universelle (théologique, métaphysique, spirituel, sociétal, économique, scientifique, éthique, politique, juridique, …) et dans le Tawakkûl, ainsi que dans la justice, la vertu, la générosité, la bienfaisance, la charité, l’amour bienveillant et la compassion envers Ses créatures, en domptant sa nafs (ego) et en leur manifestant les plus nobles caractères. Quiconque s’oppose à la voie du Tawhîd (y compris dans ses dimensions spirituelles et métaphysiques), de la Sainteté, de la Sagesse, du respect envers l’entourage prophétique et des grands Saints et Savants vertueux de la Ummah, ne peut donc pas prétendre à l’orthodoxie du point de vue islamique.

  L’imâm, poète, savant et Sûfi Jalâl ud-Dîn Rûmî a dit : « La Religion c’est la maitrise de soi, et non pas la maitrise des autres ».

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le détachement vis-à-vis du monde (des affaires mondaines) repose le coeur et le corps, tandis que le désir mondain et la passion engendrent le souci, la tristesse et la souffrance, et l’oisiveté durcit le coeur »[19].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Je vous recommande la tristesse nostalgique (qui amène à se rapprocher d’Allâh, à méditer et à s’éloigner des affaires mondaines), car c’est la clef du coeur : affamez et assoiffez votre ego (afin de ne pas suivre ses caprices et ses mauvais penchants) »[20].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Lorsqu’Allâh veut le bien pour un serviteur, Il lui accorde une saine exhortation venant de son coeur »[21].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Là où la parole des gens de l’élite se fait entendre, la Miséricorde du Très-Haut tombe en rosée bienfaisante ; et là où tombe la rosée de la miséricorde céleste, ceux qui parlent comme ceux qui écoutent ne seront pas frustrés de leur part »[22].

  Comme l’a dit le Prophète Muhammad (ﷺ), rien ne vaut après la foi en Allâh l’amour bienveillant envers les gens et le bon comportement, car c’est ce qui marque les esprits et (re)lie les âmes entre elles : « Les bases de l’intellect (en Islam), après la foi en Allâh, sont l’amour bienveillant et la bonté envers les gens »[23], conformément à Sa Parole : « Et nous ne t’avons (ô Muhammad) envoyé (essentiellement) que comme Miséricorde, Compassion et Amour-Rayonnant pour les mondes (et ses créatures) » (Qur’ân 21, 107). L’Islam est destiné à tous (n’importe quel être humain peut embrasser l’Islam), et les croyants se doivent d’être justes, compatissants et de vouloir le bien pour toutes Ses créatures, y compris les incroyants et les animaux, car le Prophète fut une miséricorde aussi pour les incroyants et les animaux, et pas seulement pour les fidèles qui le suivirent dans sa voie.

  Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Adore Allâh comme si tu Le voyais, compte ton ego au nombre des morts et prends garde à l’imploration de l’opprimé »[24].

Ce hadîth expose le coeur du cheminement spirituel, à savoir aspirer à Allâh et se concentrer sur le Tawhîd dans toutes nos actions et nos aspirations, agir de sorte à dompter son ego et à s’en libérer, et ne pas nuire aux gens ni à les opprimer, qu’ils soient musulmans ou non-musulmans, car le hadîth a ici une portée générale, et est corroboré par le Qur’ân (cf. par exemple : « Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allâh et soyez des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et prenez garde à Allâh. Car Allâh est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites » Qur’ân 5, 8) ainsi que par d’autres ahadiths tels que celui-ci : « et crains l’invocation de l’opprimé même si c’est un mécréant car il n’y a pas de voile entre elle et Allâh » rapporté par Ahmad dans son Musnad.

Ce hadîth rejoint aussi le célèbre hadith rapporté (par dévoilement) par la plupart des saints « Mourez avant de mourir (faites mourir votre ego) » rapporté aussi par al-Hakim at-Tirmidhî dans Nawadîr al-Usûl. Sayyidûna ‘Umar (‘alayhî salâm) tint une parole similaire aussi : « Faites votre introspection (pesez-vous et mesurez-vous) avant que vous [vos actions] ne soient [physiquement] pesées [le jour de la Résurrection]. Tenez compte de vous-même, avant que cela ne vous soit fait physiquement, car en effet, cela vous facilitera la tâche demain si vous prenez en compte vous-même [maintenant, à l’avance concernant vos actions et vos aspirations] … »[25].

  L’imâm, Sûfi, juriste, théologien, exégète, logicien, historien, ussûlî et spécialiste du Hadith As-Sulâmî a rapporté ce hadith dans son Kitâb al-Futuwwa : « Certes, les Substituts (abdâl ; une catégorie de Saints) de ma Ummah n’entreront pas au Paradis par leurs oeuvres mais par la Miséricorde et l’Amour d’Allâh, la générosité de l’âme et l’intégrité du coeur ».

  Et il rapporte également cet autre hadîth dans ses Tabaqât as-Sûfiyyâ : « Ma Ummah est comparable à la pluie, nul ne sait si le meilleur est au début ou à la fin »[26], et commente en disant : « Le Prophète savait que la fin de sa communauté ne manquerait pas de saints et de substituts qui maintiendraient pour la Ummah l’aspect extérieur de Sa Loi (Shariʿah) et la signification intérieure de sa Réalité essentielle (ḥaqīqa), les incitant à observer ses règles de bon comportement et de noble caractère (âdâb) et leurs exigences (mawâjib), en paroles ou en actes. Ils sont, pour les communautés successives, les lieutenants (khulafâʾ) des Prophètes et des Messagers, les maîtres (parvenus) aux réalités fondamentales de l’Unicité (haqâʾiq al-tawḥîd), les gens auxquels Allâh communique (muḥaddaṯ), détenteurs de dévoilements véridiques et du beau comportement, suivant la pratique des Prophètes jusqu’à la venue de l’Heure. Aussi a-t-on rapporté du Prophète : « Il y aura toujours dans ma Ummah 40 personnes dotées du caractère et du (noble) comportement et de vertus semblables à ceux (du Prophète) Ibrâhîm, l’Ami intime, sur lui la Paix, et quand viendra l’Ordre (al-amr), ils seront enlevés »[27].

 Le Salaf Abû Bakr ibn Abî Dunya (m.281) rapporte dans son recueil Al-Awliyâ’ (n°57, chapitre sur les caractéristiques des Abdâl) : « (…).  Lorsque les Prophètes s’en allèrent alors qu’ils étaient les piliers qui maintenaient la terre, Allâh (ﷻ) a fait naître à leur place 40 personnes de la communauté de Muhammad (ﷺ), que l’on appelle les « Abdâl ». Aucun d’entre eux ne meurt sans que Allâh n’en créé un autre pour le remplacer. Ils sont les piliers qui maintiennent la terre. Les coeurs de 3 d’entre eux sont équivalents à la certitude (yaqîn) d’Ibrâhîm (ﷺ). Ils ne devancent pas (nécessairement) les gens par leur nombre de prières, ni par leur nombre de jeûnes, ni par une meilleure dévotion, ni par un meilleur tempérament, mais plutôt avec la sincérité de leur scrupule, la pureté de leurs coeurs, et leurs conseils d’un coeur doux à tous les musulmans en recherchant l’Agrément d’Allâh, avec patience, bienfaisance et humilité. Sache qu’ils ne maudissent personne, et ne font de mal à personne. Ils ne se prévalent de personne en dessous d’eux et ne les méprisent pas, de même qu’ils ne jalousent personne au-dessus d’eux. Ils ne seront pas craintifs, ni marqués par l’ascèse, ni n’inspireront de l’admiration pour leur entourage, en s’abstenant d’aimer cette vie terrestre et d’aimer les gens pour elle, et ne seront pas aujourd’hui dans la peur révérencielle, pour ensuite demain tomber dans l’insouciance » .

 L’imâm Jalâl ud-Dîn As Suyutî a écrit dans Al Fatawâ as Sûffiyyah : « At Tabarânî dans Mu’jam al Awsat a dit : « Il nous a été rapporté de Anas ibn Mâlik qu’il a dit : « Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « La terre ne sera jamais dépourvue de 40 personnes qui seront tels l’Ami (Khalil) du Tout-Miséricordieux et Tout-Rayonnant d’Amour. C’est par leurs intermédiaires que les gens recevront la pluie et par eux qu’ils seront secourus (par Allâh). Aucun d’entre eux ne meurt sans que Allâh ne le remplace ». Qatâdah a dit : « Nous ne doutons pas que Al Hassân al Basrî fait partie d’eux ». Le Hâfiz Abû al Hassan al Haythamî a dit dans Majmû’ az Zawâ’id : « Sa transmission est bonne (hassan) » ».

  L’imâm As-Shafi’î a dit à son disciple Yûnus ibn ‘Abd al-A’ala : « Réprouvez toujours ce qui est faux et mauvais, mais ne détestez pas celui qui fait des erreurs ou qui commet des péchés. Réprouvez le péché de tout votre cœur, mais pardonnez et ayez pitié du pécheur ».

 Et cela est justifié par le Qur’ân et la Sunnah du Prophète (ﷺ), qui a dit : « Aucun d’entre vous n’a (réellement) la foi s’il n’aime pas pour son frère (ou sa sœur) ou son prochain ce qu’il aime (de bon) pour lui-même »[28].

  L’imâm An-Nawawî a commenté en disant : « Ceci est interprété comme la fraternité en général, de sorte qu’elle inclut les incroyants et les Musulmans. Il doit donc aimer pour son frère mécréant ce qu’il aime pour lui-même, à savoir son entrée dans l’Islam, tout comme il doit aimer pour son frère musulman le fait qu’il reste dans l’Islam. C’est pour cette raison qu’il est recommandé d’invoquer pour que le mécréant soit guidé. Le sens de l’amour ici est une intention de bien et de bénéfice (…) »

     Cette autre parole prophétique va aussi dans ce sens : « Regardez comment vous aimeriez que les gens vous traitent (de façon convenable et respectueuse), puis traitez-les de cette façon. Quelle que soit la manière dont vous détestez ou réprouvez que les gens vous traitent, ne les traitez pas de cette façon (vile, indigne et injuste »[29].

  L’imâm Abû Hâmid al-Ghazâli dit dans son Ayyuha al-Walâd (1/145) : « Chaque fois que vous traitez avec les gens, traitez-les comme vous seriez heureux d’être traité par eux, car la foi d’un serviteur n’est complète que lorsqu’il aime pour tout le monde, ce qu’il aime pour lui-même ». Il faut aimer pour eux ce qui leur sera profitable et bénéfique, et réprouver pour eux ce que l’on ne souhaiterait pas de mal pour nous (comme le kufr, le shirk, l’injustice, l’oppression, l’humiliation, le manque de respect, la méchanceté, la tromperie, la bassesse, la mauvaise santé, le malheur, l’impudicité, la débauche, l’égarement, etc.).

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit encore : « La meilleure foi est d’aimer pour l’amour d’Allâh, de réprouver (ou détester) pour l’amour d’Allâh et de cultiver sa langue en invoquant Allâh ». Mu’adh dit : « Comment ça, ô Messager d’Allâh ? ». Le Prophète a dit : « Que vous aimez pour les gens ce que vous aimez pour vous-même, et que vous détestez pour eux ce que vous détestez pour vous-même, et que vous dites du bien (à leur égard) ou que vous gardez le silence (au lieu de dire du mal ou des obscénités) »[30].  

  L’imâm du Salaf, théologien, ascète et Sûfi Ibrahim ibn Adham (vers 100 H/718 – 165 H/782), descendant de notre Sayyidûna ‘Umar Ibn al-Khattâb – et aussi d’Abdullâh le frère de l’imâm Jâ’far selon certains -, rapporte : « Nous traversions quelques villes et j’ai vu deux personnes parmi les ascètes en voyage. L’un d’eux dit à l’autre : « Ô frère, qu’est-ce que les gens qui aiment Allâh héritent de leur bien-aimé ? ». L’autre dit : « Ils héritent de la perspicacité de la Lumière d’Allâh le Très-Haut et de la compassion pour ceux qui désobéissent à Allâh ». J’ai dit : « Comment peut-il avoir de la compassion pour les gens qui contredisent leur bien-aimé ? ». Il m’a regardé et m’a dit : « Ils abhorrent leurs péchés et actes répréhensibles et ont de la compassion pour eux afin que, par leur remontrance, ils puissent abandonner leurs (mauvais) actes, et ils éprouvent de la sympathie à leur égard (en raison de l’empathie) à l’idée que leurs corps puissent être brûlés dans les flammes de la Géhenne. Le croyant n’est pas vraiment croyant tant qu’il n’est pas satisfait que les autres aient ce qu’il souhaite pour lui-même »[31].

  Et l’imâm Ibn Rajab Al-Hanbalî dit dans son Jâmi’ al-‘Ulûm wal-Ḥikam (p. 13) : « Certains Salafs (pieux prédécesseurs parmi les savants vertueux) ont dit : « Les gens qui aiment Allâh regardent par la Lumière divine et sont compatissants envers ceux qui désobéissent à Allâh. Ils réprouvent leurs (mauvaises) actions mais font preuve de miséricorde à leur égard afin que, grâce à leurs remontrances, ils puissent abandonner leurs (mauvaises) actions. Ils ont peur que les Flammes de la Géhenne ne consument leurs corps. Le croyant ne sera pas vraiment croyant tant qu’il ne sera pas satisfait que les autres aient ce qu’il souhaite pour lui-même ».

 Allâh dit en effet : « Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair [de crainte] que par inadvertance vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait. Et sachez que le Messager d’Allâh est parmi vous et en vous. S’il vous obéissait dans maintes affaires, vous seriez en difficultés. Mais Allâh vous a fait aimer la foi et l’a embellie dans vos coeurs et vous a fait réprouver et détester la mécréance, la perversité et la désobéissance (dans ce qui est mal et répréhensible). Ceux-là sont les bien guidés, c’est là en effet une grâce d’Allâh et un bienfait. Allah est Omniscient et Sage » (Qur’ân 49, 6-8). Le passage « parmi vous et en vous », cela fait référence d’une part à la présence corporelle du Prophète auprès de ses Compagnons, et « en vous » à la Lumière prophétique et Muhammadienne qui permet de nous lier à sa voie et à ses enseignements, ainsi qu’à ses états et réalités spirituelles dans le cheminement spirituel, Allâh l’ayant qualifié de « lumière » : « Ô Prophète ! Nous t’avons envoyé [pour être] témoin, annonciateur, avertisseur, appelant (les gens) à Allâh, par Sa permission ; et (comme) une lampe éclairante » (Qur’ân 33, 45-46) et : « Une lumière et un Livre explicite vous sont certes venus d’Allâh ! Par ceci (le Qur’ân), Allâh guide aux chemins du salut ceux qui cherchent Son agrément. Et Il les fait sortir des ténèbres à la lumière par Sa grâce. Et Il les guide vers un chemin droit » (Qur’ân 5, 15-16). Les qualités, vertus, états spirituels et réalités spirituelles que connaissent les Saints ne font que bénéficier d’une partie de la Lumière Muhammadienne et donc de sa « réalité », tout en étant, sur le plan individuel, différent de lui, et « inférieur », et n’étant pas Prophète comme l’est (le Prophète) Muhammad (ﷺ). Mais en réalisant les plus hautes stations spirituelles, les Saints et grands maîtres spirituels sont capables de percevoir une grande partie des réalités spirituelles qu’il (ﷺ) évoquait, et réalisés spirituellement les versets du Qur’ân, confirmant par ce biais leur origine divine.

  Le rôle de l’État (islamique) dans la perspective de l’Islam

   Concernant le rôle de l’Etat cette fois-ci, dans la perspective islamique, il est nécessaire d’inscrire l’islam et la Shar’îah au coeur de la constitution, dans ses principes et finalités, qui sont à distinguer des interprétations humaines dans le fiqh. La Sharî’ah se base sur la justice, l’équité, la sagesse, le bien-être des citoyens, la protection de l’ordre public et des finalités du Droit (protection de la Religion comme de la liberté de conscience, de l’intellect, de la vie humaine, de la santé physique et mentale, des propriétés privées, de la dignité, respect de l’environnement et des animaux, etc.). Toute interprétation du fiqh qui irait à l’encontre de ses principes doit être rejetée ou délaissée. Et les autorités se doivent être justes, humbles, cherchant l’Agrément divin, faire preuve de taqwâ (cultiver la piété et se prémunir contre les péchés, l’oppression, les transgressions, l’orgueil, etc.) vis-à-vis d’Allâh et des gens, et d’être au service du peuple tout en les conseillant dans le bien et leur inculquant des limites à ne pas dépasser afin d’assurer la cohésion sociale, l’ordre public, la dignité de tous les citoyens, le respect des choses sacrées, de l’Etat, des différentes communautés, de l’environnement et des animaux.

L’imâm al-‘Izz ad-Din ibn `Abd as-Salâm a dit dans son Shajarat al-ma’arif wa al-ahwal wa salih al-aqwal wa al-a’mal (p.401) : « Sache qu’Allâh, exalté soit-Il, n’a établi des lois que pour servir un intérêt précis dans cette vie ou dans la vie dernière, ou présentement et à l’avenir, afin de combler Ses serviteurs de Sa grâce (…).  C’est un signe de bonté, de compassion, de commodité et de sagesse qu’Allâh n’ait pas chargé Ses serviteurs de tâches pénibles et inutiles dans cette vie ou dans l’autre, et qu’Il les ait appelés à se rapprocher de Lui par la piété et l’accomplissement des bonnes œuvres. Car l’intérêt des gens en ce monde-ci se voit dans tout ce qui leur est utile, et leur procure bien-être, bonheur et confort, et en parallèle, dans tout ce qui les aide à éviter les maux et les dommages, de même qu’à repousser les préjudices, aussi bien en ce bas-monde que dans la vie dernière ».

L’imâm Ibn al-Qayyîm (m. 751 H/1350) a dit dans I’lam al-muwaqqi’in (3/14-15) : « Il s’agit d’un chapitre extrêmement bénéfique dont l’ignorance a provoqué une énorme confusion au sujet de la législation (Sharî’ah), ce qui a impliqué la gêne, la difficulté et l’imposition de ce qui est insupportable et que la formidable législation – qui se situe au plus haut degré des intérêts – ne pourrait apporter. Car, en effet, la Législation est établie et fondée sur la prise en compte des finalités et des bénéfices (pour les gens), dans ce bas-monde et dans l’au-delà. Elle est dans sa totalité justice, miséricorde, bénéfices et sagesse … Ainsi toute question qui dévie de la justice vers l’injustice, de la miséricorde vers son opposé, de l’intérêt vers le préjudice, de la sagesse vers la frivolité, ne fait pas partie de la législation [la loi islamique] même si on l’y insère par (mauvaise) interprétation ».

  Il dit aussi dans Turûq Al-Hukmiyyah (p. 13) : « Allâh l’Exalté a clairement indiqué dans Sa Loi que l’objectif est l’établissement de la justice entre Ses serviteurs et l’équité entre les gens du peuple, donc quel que soit le chemin qui mène à la justice et à l’équité fait partie de la religion et ne peut jamais s’y opposer ». Ainsi, aussi bien les moyens que la fin doivent être justes et sains, ce qui est contraire à la voie empruntée par les terroristes, les criminels et les despotes pour qui « la fin justifie les moyens (injustes et barbares) ».

L’érudit ‘Abd Allâh al-Mâliki a dit : « De même, établir la justice et confirmer la vérité est une partie essentielle de la sharî’a de Dieu. De même, l’ordre de faire le bien et l’interdiction de faire le mal sont un des piliers de la sharî’a. De même, l’action de s’entraider dans la bienfaisance et la piété ou le fait de dire la vérité devant un chef inique représentent une partie principale de la sharî’a. Je dirais même plus, se rendre utile à autrui, bien traiter les animaux et les plantes, respecter et préserver l’environnement et la nature, font partie de la sharî’a. Tout ce qui contribue à donner à l’homme sa dignité ou à la concrétiser ou à la renforcer, tout ce qui contribue à élever celui-ci matériellement et spirituellement, tout ce qui constitue une utilité ou une amélioration sur la terre relève de la sharî’a et constitue un moyen d’en établir les fondements. Toute œuvre, tout effort qui vise à écarter l’injustice, l’oppression ou empêche la corruption et le préjudice sur la terre, entre dans le cadre de la sharî’a »[32].

  Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Malheur aux (mauvais) princes, malheur aux (mauvais) fonctionnaires, malheur aux (mauvais) trésoriers. Ce sont les individus qui, au Jour de la Résurrection, seront pendus au ciel par le toupet et souhaiteront n’avoir jamais eu à exercer leur mandat »[33] ainsi que : « Au Jour de la Résurrection, tous ceux à qui on aura accordé l’autorité, seront conduits enchaînés jusqu’au cou. S’ils ont été justes et équitables, ils seront remis en liberté, dans le cas contraire, des chaînes supplémentaires leur seront ajoutées (en guise de punition pour leurs méfaits) »[34].

  Le Calife ‘Umar ibn al-Khattâb (‘alayhî Salâm) a dit : « Le gouverneur ne peut être bon que s’il possède 4 qualités, et s’il lui en manque une il ne peut assumer sa charge : la force nécessaire pour collecter l’argent là où il est dû, l’aptitude à en disposer comme il se doit, être juste, droit et soucieux (de ses devoirs et de ses responsabilités) sans être injuste ou tyrannique, et être bon, avenant, clément et doux sans être faible »[35].

  Le Calife ‘Alî (‘alayhî Salâm) a dit : « Malheur au juge de ce monde qui comparaitra face au Juge des cieux, sauf celui qui aura été impartial dans ses jugements, qui n’aura pas jugé selon son humeur, n’aura pas favorisé ses proches et qui ne se sera pas rétracté par peur ou par convoitise, qui aura fait du Livre d’Allâh (le Qur’ân) son miroir et qui s’y conformera dans ses jugements »[36].

   Et il rapporte aussi qu’un jour le Calife ‘Umar ibn al-Khattâb (‘alayhî Salâm) suivait un cortège funèbre. Un homme s’avança et dirigea la prière mortuaire, lorsqu’on enterra le défunt, le même homme posa la main sur sa tombe et dit « Ô mon Dieu, si Tu le corriges, cela Te revient car il T’aura désobéi et si Tu te montres clément à son égard, il est alors pauvre (et dépendant) de Ta miséricorde. Bienheureux sois-tu, ô toi le défunt si tu n’as jamais été (mauvais) prince, contrôleur, secrétaire, huissier ou collecteur d’impôts ». Puis l’homme disparut, ‘Umar ordonna qu’on l’amenât mais il resta introuvable, puis ‘Umar comprit qu’il s’agissait d’Al-Khidr (‘alayhî Salâm) et dit : « Cet homme est al-Khidr (‘alayhî Salâm) »[37].

  Le Calife ‘Alî (‘alayhî Salâm) a dit : « 3 types de supplication ne sont jamais refusées (par Allâh) : un dirigeant juste pour ses sujets (citoyens), un parent (bienveillant) pour son enfant, et la supplication des opprimés (envers les oppresseurs) »[38].

  L’Etat islamique doit donc veiller à promouvoir et faciliter tout ce qui tend vers la justice, la vertu, l’ordre, le bien-être (sans tomber dans les dérives telles que le luxe, le gaspillage, l’indécence, etc.), l’intellectualité, la spiritualité, l’art sacré (architecture, calligraphie, artisanat, poésie, chants, etc.), mais ne pas brutaliser les gens qui ont des manquements dans leur pratique religieuse, surtout pas à notre époque, car cela risque de produire l’effet inverse qu’escompté au départ.

  L’Etat peut, par ses médias et discours politiques et éducatifs, rappeler l’importance de la vertu, de la justice, de la bienfaisance, de la charité, de la morale, de la pudeur, de la recherche scientifique, de l’art et de la spiritualité, et mettre sur pied des structures visant à améliorer et faciliter ce genre de choses, mais sans contraindre ou réprimer les gens pour ce qui ne constitue pas à proprement parler un crime sociétal (meurtre, viol, adultère en public, vol, banditisme, pédocriminalité, troubles à l’ordre public et provocations injurieuses et violentes contre l’Etat, la Religion, les communautés religieuses ou ethniques, etc.). L’Etat doit interdire aussi les persécutions (de la part des citoyens comme des autorités) contre les minorités ethniques, religieuses ou sexuelles, mais veiller à ne pas légaliser les déviances sexuelles et tout ce qui peut porter atteinte aux droits des hommes, des femmes et des enfants, et de leur santé physique et mentale, tout en luttant par des discours scientifiques, éthiques, théologiques, philosophiques, etc. contre les mouvements impérialistes sur les plans culturels et idéologiques contre les méfaits du sécularisme, du consumérisme, du matérialisme, du new-âge, des dérives LGBT, etc., mais sans user de violence politique ou physique et sans chercher à les humilier ou à les insulter, ni à bafouer leurs droits fondamentaux,, mais à pénaliser ceux qui en feront sciemment l’apologie, le prosélytisme ou la pratique en public, car cela s’identifie à des fléaux, des atteintes à l’ordre public et aux droits des citoyens, à la santé physique et mentale du peuple.

Conclusion

  Le Qur’ân résume cela de façon brève mais tellement puissante : « Ô vous qui croyez ! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien (en étant bienfaisants envers Ses créatures). Peut-être réussirez-vous ! » (Qur’ân 22, 77).


  Mais qu’est-ce que l’essentiel de l’Islâm ? Un hadith magnifique permet de présenter l’essence et la finalité de l’Islam, avec les Musulmans envoyés en Abyssinie, – la première émigration -, en raison des persécutions que subissaient les Musulmans. Lorsque les Musulmans arrivèrent en Abyssinie (terre chrétienne), et qu’ils furent accueillis par le Négus, ce dernier demanda aux Musulmans de leur décrire l’Islam, et le Compagnon Jâ’far Ibn Abû Tâlib (le cousin du Prophète (ﷺ) et le frère de l’imâm ‘Alî) décrivait ainsi l’Islam : « Le Négus convoqua ses prêtres, qui étendirent leurs livres autour d’eux. Quand les Musulmans entrèrent, il leur demanda : – Pourquoi avez-vous quitté votre peuple sans adhérer à notre religion ni à celle d’aucun autre ? Celui qui lui répondit fut Ja’far Ibn Abî Tâlib qui dit : « – Ô roi ! Nous étions un peuple de l’ignorance. Nous adorions des idoles. Nous mangions la chair morte (de cadavres d’animaux) et nous commettions des turpitudes (commettant toutes sortes d’atrocités et de pratiques honteuses). Nous brisions les liens du sang et nous portions préjudice aux voisins, manquant aux règles de l’hospitalité. Le plus fort d’entre nous exploitait le faible. Nous vivions dans cet état, jusqu’à ce qu’Allâh nous envoie un Prophète dont nous connaissions la généalogie, la sincérité, la loyauté et la chasteté. Il nous appela à Allâh et à Son unicité, non sans avoir à renoncer à ce que nos pères adoraient en dehors de Lui en pierres et en idoles. Il nous a ordonné la sincérité dans nos paroles, la remise du dépôt à qui de droit, d’être aimable et respectueux envers nos proches (ainsi que le respect des liens de parenté) et le bon voisinage. Il nous a ordonné de ne plus nous adonner aux interdits ni de verser du sang (injustement). Il nous a interdit l’indécence et l’abomination, le faux témoignage, la dilapidation des biens de l’orphelin et l’atteinte à l’honneur de la femme vertueuse. Il nous a ordonné d’adorer Allâh sans rien Lui associer. Il nous a ordonné la prière (salât), la zakât et le jeûne »[39].

  D’ailleurs la notion de « Salâm » en islam, renvoie aux sens et idées de salut, de préservation, de paix et de sécurité, donc quand les Musulmans se saluent les uns les autres, ou saluent les non-Musulmans avec le Salâm (il leur est autorisé aussi de saluer les non-Musulmans en premier, ils doivent donc inspirer la paix et la sécurité, et non pas l’hostilité, l’insécurité ou l’agressivité. L’un des Noms divins est justement As-Salâm, Celui qui accorde la Paix et qui inspire la Paix à Ses serviteurs et créatures.

« Les serviteurs du Tout-Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement sur terre, et qui, lorsque les ignorants s’adressent à eux, disent : « Paix » » (Qur’ân 25, 63), cela englobe donc bien les non-Musulmans. L’Imâm Ibn ‘Abd al-Barr a dit dans son At-Tamhîd (17/91) : « Il est rapporté d’Ibn Mas’ûd, Abû ad-Dardâ’ et Fadalah Ibn ‘Ubayd qu’ils prenaient l’initiative de passer le Salâm aux citoyens non-musulmans (Ahl ul dhimma). Ibn Mas’ûd a un jour écrit a quelqu’un des gens du Livre et il a dit : salâm ‘alayk (paix sur toi) ». Toujours dans le même ouvrage (17/92) : « Muhammad ibn Ka’b a dit : « Quant à moi, je ne vois aucun mal à les saluer d’abord avec la paix (as-Salâm) ». On lui demanda : « Pourquoi donc ? ». Ibn Ka’b a dit : « Allâh a dit : « Pardonnez-leur et dites des paroles de paix, car ils le sauront bientôt » (Qur’ân 43, 89) ». Al-Qurtûbî a relaté dans son Tafsîr al-Jâmi’ li-Aḥkâm al-Qur’ân (19/41) : « Il a été dit à Sufyân Ibn ‘Uyayna : « Donnez-vous la permission de saluer un incroyant avec la paix (le Salâm) ? Sufyân a dit : « Oui, car Allâh a dit : « Allâh ne vous interdit pas de ceux qui ne vous combattent pas dans la religion ni ne vous expulse de vos maisons que vous soyez juste et généreux envers eux. En vérité, Allâh aime ceux qui sont généreux et équitables » (60, 8). Sufyân a ajouté : « Allâh a dit : « Il vous est venu le meilleur exemple en Ibrâhîm » (60, 4) et « Ibrâhîm a dit à son père (non-musulman) : Que la paix soit sur vous » (19, 47) » ».


  L’imâm ‘Alî a dit : « Il est vraiment surprenant que le Musulman, lorsque son frère musulman (ou sa sœur) vient à lui pour une nécessité, ne se sente pas obligé de lui faire du bien ? Même s’il n’espère pas de récompense (du Paradis) et ne craint pas une punition (de l’enfer), il devrait se hâter d’agir noblement car les bonnes actions indiquent la voie du salut ». Quelqu’un lui demanda : « As-tu entendu ces propos de la bouche de l’Envoyé d’Allâh ? ». Il répondit : « Oui ! Et ce qui est encore meilleur que cela. Lorsqu’on ramena les prisonniers de Tayyi’, une jeune captive (Saffana bint Hâtim at-Ta’î) se leva au milieu d’eux et dit : « Ô Muhammad, puisses-tu me libérer et éviter que les tribus Arabes se réjouissent de mon malheur ! Je suis la fille du chef de mon peuple. Mon père protégeait les familles, libérait les captifs, nourrissait les affamés, distribuait la nourriture, saluait les gens, et n’a jamais renvoyé une personne les mains vides. Je suis la fille de Hâtim al-Tā’î ». Le Prophète lui dit : « Ô jeune fille, c’est vraiment là des qualités dignes des croyants ! Si ton père avait été musulman, nous aurions invoqué la Miséricorde Divine (parmi celle qui est propre aux croyants) sur lui. Libérez-la ! Son père aimait les nobles traits de caractère, et Allâh aime les nobles traits de caractère ! ». Abû Burda ibn Niyâr dit alors : « Ô Envoyé d’Allâh, Allâh aimerait-Il les nobles traits de caractère ? ». Il lui répondit : « Par Celui qui tient mon âme en Sa Main, seul celui qui a un bon caractère entrera au Paradis (sans être d’abord éprouvé par la Géhenne ?) ! » »[40]. Elle fut renvoyée alors auprès de son frère Adî ibn Hatim at-Tâ’î (Tayy), – qui était hostile au Prophète (ﷺ) -, puis quand elle le retrouva, elle lui conseilla d’embrasser l’Islam car il était probablement, selon elle, le Messager d’Allâh. Alors il décida d’aller le voir à l’improviste à Médine vers l’an 630 (peu avant la mort du Prophète), puis le rencontra, l’observa, profita de sa belle compagnie, vit ses nobles manières et caractères, et comprit qu’il ne se comportait pas comme un roi, mais comme un Messager et serviteur d’Allâh, humble, juste, ascète et reconnaissant envers Lui, et finit par embrasser l’Islâm[41].

  Et de façon générale, le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Le musulman est celui dont les gens sont en sécurité et préservés de sa langue (mauvaises paroles et fausses accusations) et de la main (agression physique ou meurtre), et le croyant est celui dont les gens ont confiance en leur vie et en leur richesse (et dans leurs biens) »[42].  Et en une autre occasion, le Prophète (ﷺ) dit encore : « Vous informerais-je au sujet du croyant (mû’min) ? C’est celui que les gens ne craignent pas quant à leurs biens et leur propre personne (leur vie et leur intégrité physique et morale). Et le musulman, c’est celui dont les gens sont épargnés (du mal) de sa main et de sa langue. Et le (véritable) combattant (al mujâhid) est celui qui lutte contre son ego (et ses mauvais penchants comme l’injustice, l’avarice, l’oppression, la malveillance, la méchanceté, l’hypocrisie, l’orgueil, etc.). Et l’émigré (al muhâjir) est celui qui délaisse (quitte) les péchés et les mauvaises actions (et donc tout acte répréhensible) »[43]. Ce hadith interdit donc aux Musulmans de tuer, violer, agresser, opprimer, persécuter, voler, piller, calomnier, effrayer, insulter ou nuire aux gens, qu’ils soient musulmans ou non.

  Chaque communauté a l’obligation de procéder à son autocritique et de ne pas alimenter le fanatisme, car les méfaits commis par un groupe de fanatiques finissent souvent par rejaillir sur toute la communauté qui paie alors les pots cassés à cause de malfrats ne représentant qu’eux-mêmes.

  Il convient donc de toujours dissocier l’Islam et les Musulmans vertueux d’une part, qui enjoignent constamment la justice, la sagesse, la spiritualité et la compassion dans les relations humaines et intercommunautaires, – avec la nécessité de se défendre en cas d’oppression ou d’invasion -, et d’autre part, ceux qui, tout en se réclamant de la communauté musulmane, n’hésitent pas à transgresser les préceptes religieux, en transgressant la Loi islamique, pour se comporter comme le font leurs ennemis, c’est-à-dire de façon injuste. Le Qur’ân lui-même considère ce genre de “musulmans” comme des rebelles, des égarés, des pécheurs, des injustes, des pervers, des hypocrites ou des transgresseurs selon les cas.


Notes :

[1] Selon le Dr. Joseph E.B. Lumbard (islamologue, spécialiste du Qur’ân, du Hadith, de la philosophique islamique et du Tasawwuf), l’ensemble des éléments historiques et archéologiques découverts ces dernières décennies corroborent l’essentiel de la Tradition islamique, réfutant ainsi de nombreuses thèses orientalistes. https://youtu.be/_0IXzprAk-M ; depuis son intervention, de centaines d’autres de manuscrits, inscriptions archéologiques et épigraphiques confirment davantage les grandes lignes de la Tradition musulmane. Pour Jonathan A.C. Brown, voir The Canonization of al-Bukhārī and Muslim: The Formation and Function of the Sunnī Ḥadīth Canon, Brill Publishers, 2007 et Le Hadith. L’Héritage du Prophète Muhammad, des origines à nos jours, éd. Tasnîm 2019.

Pour Mustafa Al-Azami, voir The History of the Qur’anic Text from Revelation to Compilation: A Comparative Study with the Old and New Testaments ; Hadith Methodology and Literature ; Studies in Early Hadith Literature ; et en français L’histoire du texte du Coran – De la Révélation à la compilation, éd. Ilm, 2024.

Pour Muhammad Hamidullah, voir Textes fondateurs de l’islam : authenticité du Coran & du hadith, éd. héritage, 2023.

[2] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°17396 avec le sahabi Abû Tha’laba.

[3] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2518 selon Hassân Ibn ‘Alî, sahîh.

[4] Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°8.

[5] Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°5185 et 5186 selon Abû Hurayra, et avec une variante par Muslim dans son Sahîh n°1468. Ce hadith traduit est la synthèse des 2.

[6] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1844 selon ‘Abdullah Ibn ‘Amr, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3956, An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4191.

[7] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°2865 avec une chaine hassân, Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°1435, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°2340, Al-Hakim dans Al-Mustadrak n°2345 avec une chaine sahîh et Ad-Dhahâbî l’a authentifié aussi, Al-Bayhaqî dans As-Sunân al-Kubrâ n°11717, An-Nawawî dans son recueil des 40 ahadiths n°32, Ad-Daraqutnî dans ses Sunân 3/77 et d’autres par plusieurs voies qui se renforcent via Ibn ‘Abbâs, Abû Hurayra, Abû Sâ’îd al-Khudri, ‘Aîsha et d’autres.

[8] Rapporté par al-Bayhaqî dans Az-Zuhd al-Kabir n°192 sous l’autorité d’Abû Dharr, ainsi que par Al-Haythâmî dans Majmâ’ al-Zawâ’id 7/283.

[9] Rapporté par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°3105 selon Abû Sa’îd al-Khudrî, sahîh.

[10] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°49 d’après Abû Saîd al-Khudrî.

[11] Rapporté dans le Nahj ul-Balagha – Sagesse n°373 -, At-Tabarî dans son Târîkh 2/1086, Ibn Al-Athîr dans son Târîkh 4/478 et d’autres.

[12] Rapporté par Al-Daylamî dans son Musnad al-Firdaws n°1611 selon Ibn ‘Abbâs, avec une faiblesse dans la chaine, Ahmad Zarrûq dans son Qawâ’îd al-Tasawwuf à la Règle n°17 : Parlez aux gens selon leur degré de compréhension, et le sens du hadith est aussi rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°127 mais selon ‘Alî Ibn Abî Tâlib.

[13] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°2137 selon Ibn ‘Abbâs et dans une forme similaire par al-Bukhari dans son Sahîh n°6125 selon Anâs Ibn Mâlik.

[14] Rapporté par Al-Bayhaqi dans ses Sunân 3/273.

[15] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2626 selon Abû Dharr.

[16] Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°509, sahîh.

[17] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3375 selon ‘Abdullah Ibn Busr, sahîh. An-Nawawî dans son Rîyâd as-Salihîn n°1438, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3793, Ahmad et d’autres. Ibn Hibbân dans son Sahîh n°818 rapporte la parole prophétique selon Mu’âdh Ibn Jabal que parmi les actions les plus chères à Allâh, il y a de mourir en ayant fait du Dhikr.

[18] Rapporté par Al-Bazzâr dans son Musnad n°2642, sahîh.

[19] Rapporté par As-Suyûtî dans al-Jâmi’ al-Saghîr n°4596 selon ‘Abdullâh Ibn ‘Amr avec une bonne chaine, par al-Qudâ’î dans Musnad al-Shihâb et d’autres.

[20] Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam al-Kabir et Al-Haythâmî juge que la chaine est bonne dans Majmâ’ al-Zawâ’îd n°14188.

[21] Rapporté par Ad-Daylamî dans Musnad al-Firdaws selon Umm Salama, par Hâfiz al-‘Iraqî dans son Takhrîj ahâdith al-Ihyâ’ au chapitre ‘Ajâ’îb al-qalb avec une bonne chaine et d’autres.

[22] Rapporté par Farid ud Din Attar dans l’introduction de son Tadhkirat Al awliya’, et dans la traduction turque de son oeuvre, l’auteur affirme aussi le fait qu’il y a au moins 18 000 mondes, et 124 000 prophètes. Ce hadith est rapporté selon une version proche par Abû Nu’aym dans Al-Hilya 7/285 et par Al-Khatîb al-Baghdadî dans Târîkh Baghdâd 4/408 : « Lorsqu’on évoque les gens de bien (fermement enracinés dans la spiritualité et la religion), la Miséricorde divine se manifeste (là où ils sont évoqués) ». La chaine est parfois jugée faible, mais son contenu est vrai, et peut être expérimenté – et nous pouvons le confirmer par l’expérience et l’observation ! -. La lecture même du livre de Farid ud-Dîn Attâr confirme ce hadith.

[23] Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mu’jâm al-Awsât n°6067 selon Abû Hurayra, hassân.

[24] Rapporté par Abû Nu’aym dans Hilyat al-awliyâ et par As-Suyûtî dans al-Jâmi’ al-saghîr n°1133 selon Abû ad-Dardâ’.

[25] Rapporté par Abû Nu’aym dans Hilyat al-awliyâ n°135.

[26] Rapporté aussi par Ahmad dans son Musnad 3/130, 3/148 et 4/319, At-Tirmidhî dans ses Sunân et d’autres.

[27] Rapporté avec ses différentes variantes concordantes par Al-Hakim at-Tirmidhî dans Nawâdir al-Ussûl.

[28] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°45 selon Anas Ibn Mâlik.

[29] Rapporté par At-Tabarânî dans son Al-Mu’jam al-Kabîr n°15833 selon Abû Muntafiq, sahîh.

[30] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°21627, sahîh.

[31] Rapporté par Abû Nu’aym dans Hilyat al-Awliyâ n°11441.

[32] ‘Abd Allâh al-Mâliki, La souveraineté de la Umma passe avant l’application de la Sharî’a, éd. Maison d’Ennour, 2018, p.41, traduit par le Shaykh Corentin Pabiot.

[33] Rapporté par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Kitâb at-tibr al-masbûk fi nasîhat al-mulûk.

[34] Ibid.

[35] Rapporté par At-Tartûshî (451 H/1059 – 520 H/1126) dans Sirâj al-mulûk fi Sulûk al-Mulûk, p.50, ainsi que par le Dr. Ragheb El Serjany dans L’apport des musulmans à la civilisation humaine, éd. Bayane, 2014, tome 2, p. 20.

[36] Rapporté par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Kitâb at-tibr al-masbûk fi nasîhat al-mulûk.

[37] Ibid.

[38] Rapporté par Ibn al-Ja’d dans son Musnad n°2401.

[39] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°1740, et Muhammad Hamidullah, Le Prophète de l’Islam, sa vie, son oeuvre, éd. El Falah, 7e, 2009.

[40] Rapporté par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ dans le Kitâb al-ma’îsha wa akhlâq al-nubuwwa dans le préambule (avant le Bayân 1), voir aussi dans le Takhrij al-Ihyâ’ 2/440, rapporté aussi par At-Tirmidhî, par Ibn Kathîr dans Al-Bidâya wa al-Nihâya 5/1 dans l’histoire de Udayy Ibn Hatîm al-Tâ’î et dans sa Sirah an-Nabawiyya 1/75-77, par al-Bayhaqî avec une bonne chaîne également, par le Shaykh Jamal ad-Dîn Ibn Natabah dans Sarh al-Uyyûn du Sharh de la Rissâla de Ibn Zaydûn. Sur le contexte de cette parole, voir aussi Ibn Sa’d dans Al-Tabaqat al-kabir 2/202, Ahmad dans son Musnad, Ibn Qayyim Al-Jawziyya dans Zad al-Ma’ad, Saifur Rahman al-Mubarakpuri, The Sealed Nectar, Darussalam Publications, 2005, p. 269. Cela eut lieu en l’an 9 de l’Hégire, donc vers la fin de la période médinoise.

[41]   Voir notamment sa biographie dans Companions of The Prophet de Abdul Wâhid Hâmid, éd. MELS, 1995, en 2 volumes. Voir aussi Ali ibn al-Athîr dans Usd ul-Ghabah fi marifat al-Saḥabah 3/393 et Ibn Hajar dans Al-Isaba fi tamyiz al-Sahaba 2/468.

[42] Rapporté par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4995 selon Abû Hurayra, sahîh et n°4996 selon ‘Abdullah Ibn ‘Amr, sahîh. En certaines occasions, il s’agissait d’une injonction à l’égard de tous les Musulmans – mais par extension de façon implicite à tous les êtres humains pacifiques -, et en d’autres occasions, cela désignait explicitement l’ensemble des gens (croyants ou incroyants).

[43] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°23438 selon Fadalah ibn ‘Ubayd, Ibn Hibbân dans son Sahîh n°4862 et d’autres.


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