Il existe un hadith qui est souvent mal compris par certains, et rejeté par d’autres. Ce hadith, est celui-ci où il est rapporté que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Je n’ai pas laissé derrière moi de tentation (fitna) plus fatale (ou plus grande) pour les hommes que les femmes ». Or, pour la chaine, ce hadith a été authentifié par Al-Bukhari dans son Sahîh n°5096 selon Ussâma Ibn Zayd, Muslim dans son Sahîh n°2741 et d’autres ont authentifié également ce hadith, bien que certains modernistes aient voulu affaiblir le hadith.
Quant au sens du hadith, celui-ci est confirmé par le Qur’ân : « Ô vous qui avez cru, vous avez parmi vos conjoint(e)s et enfants une tentation (« ennemi »). Prenez-y garde donc. Mais si vous [les] excusez, passez sur [leurs] fautes et [leur] pardonnez, sachez qu’Allâh est Pardonneur, Très Miséricordieux » (Qur’ân 64-14). Une parole attribuée à Sayyidûna Issâ’ (‘alayhî as-Salâm) dans la Bible va également dans le même sens : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée, car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère, et l’on aura pour ennemis les membres de sa famille » (Matthieu 10, 34). Or, l’épée ici, c’est dans sa portée symbolique et sa dimension spirituelle, la lumière qui discrimine et qui distingue le vrai du faux, la justice de l’injustice, le spirituel (et la vertu) des passions et de l’ego, etc.
Quant aux sens de ce verset et du hadith, il y a le fait notamment que pour l’homme ou la femme, la personne du sexe opposé comme ses enfants, par leurs caprices, un amour passionnel excessif et aveugle ou leur mauvais comportement, peuvent les détourner du Sentier d’Allâh, c’est-à-dire du Tawhid, de la justice, de la bienfaisance, de la charité, de la spiritualité, de la vertu, de la sagesse, etc., et peuvent donc les mener parfois jusqu’à la folie, l’égarement, l’hystérie, la fornication ou l’hostilité. Or, bien qu’aimer, respecter et prendre soin de son époux/épouse et des enfants est un devoir religieux, cela ne doit pas aller jusqu’à renier le Droit divin et le respect de Son Ordre et des droits des autres créatures.
De même, on voit bien que les femmes ou les hommes qui ne prennent pas leurs précautions, constituent des tentations et des troubles pour la paix individuelle, conjugale, familiale et même sociale. Ce hadith peut aussi être compris comme le fait que l’homme et la femme seront interrogés sur leur façon de respecter les épouses/époux ainsi que les femmes et les hommes en général : sa façon de se comporter envers le sexe opposé, qui doit être courtoise et respectueuse en cultivant la maitrise de soi et en respectant une certaine distance (en dehors du mariage ou du cadre familial) avec les personnes du sexe opposé, puisque dans le cas contraire, les dérives – encore plus nombreuses et terribles dans les sociétés modernes et sécularisées – se manifesteront au point de causer d’immenses catastrophes dont la majorité des humains se plaignent aujourd’hui. Cette parole prophétique, incite donc aussi les hommes (et les femmes par analogie et voie de conséquence) à cultiver la piété et la vigilance afin de ne pas être injuste ou toxique envers les autres, car sur tout cela, nous devrons rendre des comptes le Jour du Jugement.
Cependant, ce hadith a été instrumentalisé par certaines personnes pour lui faire dire ce qu’il ne dit pas, puisque le Qur’ân et la Sunnah affirment clairement que la femme est l’égale de l’homme concernant son essence, son humanité, ses récompenses et ses qualités morales et spirituelles, et qu’ils auront les mêmes bienfaits, honneurs, stations spirituelles et célestes et récompenses au Paradis d’une part. Et d’autre part, que toutes les femmes ne sont pas comparables entre elles – certaines étant vertueuses et justes tandis que d’autres ne le sont pas -, tout comme les hommes ne sont pas comparables entre eux, puisqu’il en existe parmi eux qui sont mauvais, justes et pervers (comme l’indiquent le Qur’ân et la Sunnah à plusieurs reprises) tandis que d’autres sont vertueux, justes et honorables.
« Je ne laisse perdre l’action d’aucun agissant parmi vous, homme ou femme, en réciprocité… » (Qur’ân 3, 195).
« Les croyants et les croyantes sont alliés les uns des autres. Ils commandent le convenable, interdisent le blâmable accomplissent la Salât, acquittent la Zakât et obéissent à Allâh et à Son messager. Voilà ceux auxquels Allâh fera miséricorde, car Allâh est Puissant et Sage » (Qur’ân 9, 71).
« Les Musulmans et Musulmanes, croyants et croyantes, obéissants et obéissantes, loyaux et loyales, endurants et endurantes, pieux et pieuses, donneurs et donneuses d’aumône, jeûnants et jeûnantes, gardiens de leur chasteté et gardiennes, invocateurs souvent d’Allâh et invocatrices : Allâh a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense » (Qur’ân 33, 35).
« Et ne souhaitez pas ce par quoi Allâh a donné préséance (fadhl) à certains d’entre vous sur d’autres. Aux hommes une part de ce qu’ils ont acquis, et aux femmes une part de ce qu’elles ont acquis. Et demandez à Allâh de Sa faveur. Allâh est de toute chose Savant » (Qur’ân 4, 32).
« Les mauvaises [femmes] aux mauvais [hommes], et les mauvais [hommes] aux mauvaises [femmes]. De même, les bonnes [femmes] aux bons [hommes], et les bons [hommes] aux bonnes [femmes]. Ceux-là sont innocents de ce que les autres disent. Ils (hommes et femmes) seront gratifiés d’un pardon et d’une récompense généreuse » (Qur’ân 24, 26).
Ce hadith ne signifie pas non plus que la femme (ou l’homme) ne se réduise qu’à cela (la fitna) ou qu’elle ne peut pas sortir de chez elle, puisqu’à l’époque du Prophète (ﷺ), puis des Califes bien-guidés, les femmes sortaient de chez elles pour faire du sport, pour travailler (agriculture, enseigner la science utile, tannerie, médecine, astronomie, mathématiques, jurisprudence, théologie, etc.), pour visiter la famille ou voyager, pour se rendre à la mosquée, aller au marché, contempler la nature, étudier, enseigner, etc. Seulement, l’Islam pose comme cadre la pudeur, le respect et la décence quand les hommes et les femmes sortent de chez eux, pour éviter les situations malaisantes, oppressantes, dangereuses ou indécentes. D’ailleurs, on retrouve des paroles élogieuses à l’égard des femmes, que ce soit par Allâh dans le Qur’ân, du Prophète (ﷺ) dans la Sunnah, des Califes bien-guidés dans leur sermons, ou des maîtres spirituels (qui sont les héritiers spirituels des Prophètes selon le hadith bien connu) tout au long de l’histoire islamique. Ce hadith là, bien compris, est même une réfutation de la mentalité misogyne et les rappelle à l’ordre en redoublant de vigilance et d’efforts pour ne pas succomber à la fitna ni à l’alimenter, que ce soit par leurs discours, leurs actes ou leurs pensées.
Et la règle générale dans le Qur’ân, concernant le couple, à ce sujet demeure celle-ci : « … Parmi Ses signes qu’Il ait créé pour vous à partir de vous-même des épouses, afin qu’auprès d’elles vous trouviez l’apaisement ; et Il a placé entre vous mawwada (affection et tendresse) et rahma (miséricorde, amour, compassion, …) » (Qur’ân 30, 21).
« Elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles » (Qur’ân 2, 187).
« C’est Lui qui vous a créé d’une âme unique, dont il tira l’épouse, pour que ce dernier trouvât auprès d’elle la paix… » (Qur’ân 7,189).
« Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté, bienfaisance et bienveillance envers vos père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les serviteurs/employés qui sont sous votre responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36). Allâh lie ainsi pour les musulman(e)s l’ordre du Tawhîd au fait de cultiver la bonté, la bienveillance et la bienfaisance en soi afin de les manifester pour tous nos proches, nos voisins, nos parents, les gens sous notre responsabilité ou à notre charge, etc. Et l’ordre de bonté implique l’interdiction de l’injustice, de la violence, de la maltraitance, de l’avarice, de la méchanceté, de l’oppression, de l’égoïsme, du mépris, de l’orgueil et de l’arrogance, comme précisé à la fin du verset.
Cette sélection arbitraire d’authentification de la part des modernistes (comme de certains salafistes et orientalistes d’ailleurs), couplée à leur incapacité intellectuelle à comprendre les choses en profondeur, est une catastrophe, car leur critique de la Sunnah ou du fiqh (même dans ce qu’il ne comporte rien de problématique en soi), revient souvent à critiquer le Qur’ân et le réel quand tous sont pourtant en phase et en concordance.
Pour saisir les choses plus en profondeur, ils doivent se former impérativement, en plus de la science du Hadith, à la science du kalâm et à l’épistémologie, et ensuite comprendre les choses à travers l’histoire (par une méthodologie rigoureuse et non pas en piochant ici et là des éléments hétéroclites et peu fiables), la sociologie, la psychologie et la métaphysique.
Que ce soit le Qur’ân ou les ahadiths les plus connus et solides dans les Sahihayn et les Sunân, l’Islam insiste sur les droits de la femme, leur sacralité (dans le respect de leur vie, leur dignité, leur honneur, leur conscience, leur foi, leur santé et leurs biens) et le respect dont elles doivent bénéficier et jouir en tant que femmes en soi, ainsi que dans leur statut de mère, d’épouse, de sœur, de fille, de voisine, de savante, etc.
Cependant, après la période de l’ère prophétique et des Califes bien-guidés (qui débuta par Sayyidûna Abû Bakr et qui fut clôturé par l’imâm Al-Hassân), un certain nombre de récits forgés et apocryphes fut inventé et propagé en dehors du Hijâz, provenant des personnes ayant (prétendument) embrassé l’Islam mais qui venaient de milieux culturels ou religieux différents. Que ce soit concernant le fiqh, les femmes, la politique, certaines pratiques culturelles ou autres, des récits fabriqués ont ensuite été imputés au Prophète (ﷺ) à tort ainsi qu’à son entourage familial et religieux – dont ses épouses et ses proches Compagnons -.
L’imâm Al-Ramahurmuzi explique dans al-Muhaddith al-Fasil que la période de transition entre transmission orale et compilation écrite (autour du 2e siècle hégirien) a produit une situation malheureusement propice pour les gens qui voulaient inventer ou déformer des récits.
Muslim dans son Sahîh, dès l’introduction, évoque que la multiplication des centres d’enseignement en Irak, en Syrie, au Khurassân et au Hijâz, avait facilité la circulation de récits non-vérifiés, chaque région développant parfois ses propres versions ou variantes de ahadiths pour justifier leurs pratiques locales ou leurs mentalités culturelles.
L’imâm Al-Khatib al-Baghdâdi rapporte dans Târîkh Baghdâd par exemple, note que durant le califat d’al-Mansûr (754-775), plus de 600 000 hadiths circulaient, dont la majorité étaient suspects ou clairement fabriqués. Cette prolifération s’explique par l’absence initiale de critères rigoureux de vérification et par l’instrumentalisation politique de la Tradition prophétique (Sunnah).
L’imâm Ibn Hibbân observe dans al-Majruhin que la fabrication de ahadiths concernant les femmes a particulièrement augmenté durant les troubles politiques impliquant des figures féminines influentes, notamment lors de la fitna entre al-Amin et al-Ma’mun (809-813), période où plusieurs femmes de l’élite abbasside ont joué des rôles politiques décisifs.
Sur les quelques millions de ahadiths qui circulaient (avec leurs différentes variantes évidemment) près de 150 ans après le décès du Prophète (ﷺ), seuls quelques milliers de ahadiths provenaient bien de lui, ahadiths que l’on retrouve essentiellement dans le Musnad de l’imâm Zayd Ibn ‘Alî, et ceux des imâms Abû Hanifa, ‘Abdallâh Ibn al-Mubârak et As-Shafi’i, dans le Muwattâ’ de l’imâm Mâlik, les Sahihayn d’Al-Bukhari et Muslim, dans le Sahîh d’Ibn Hibbân, dans le Musnad de l’imâm Ahmad, dans les Sunân d’Abû Dawûd, At-Tirmidhî, Ad-Dârimi, Sa’îd Ibn Mansûr, d’An-Nasâ’î, d’Al-Bayhaqî, d’Ibn Mâjah, dans le Musnad d’Abû Ya’la ainsi que dans celui d’Al-Bazzâr, dans les recueils d’At-Tabarânî, d’Ibn Abi Shayba, d’Ibn Abi ad-Dunya, de ‘Abd ar-Razzâq As-San’ani, d’Al-Hâkim At-Tirmidhî, d’Al-Daraqutnî, d’Al-Hâkim An-Naysabûrî, d’Abû Nu’aym Al-Isbahani, d’As-Sulâmî, d’Al-Khatib Al-Baghdadi et de quelques autres parmi les plus célèbres recueils. Cependant, dans ces mêmes recueils, y compris dans les Sahihayn d’Al-Bukhari et Muslim, tous ne sont pas rigoureusement authentifiés, et à chaque génération, d’éminents spécialistes du hadith et historiens ont procédé à une critique de certains ahadiths problématiques (du point de vue islamique et historique) qui pouvaient s’y trouver.
Il est donc nécessaire de revenir toujours au Qur’ân et au noyau dur et fondamental de la Sunnah pour mieux comprendre les autres ahadiths isolés (ou moins connus), voire même pour les rejeter s’il demeure impossible de les concilier avec le Qur’ân et ses principes, la Sunnah mutawatir, les faits historiques, la spiritualité, la sagesse universelle et l’intellect.
Wa Allâhu a’lam.
Anselme Nicolas – :
Salam Aleikoum Akhi, il y a une faute de frappe. Tu as écrit :
” il en existe parmi eux qui sont mauvais, justes et pervers. ” alors que tu voulais dire injustes.
Car la du coup ça crée un contresens.