Allâh ne soutient pas les injustes – Les causes de la décadence dans le monde musulman

Tous les peuples qui ont perduré dans le temps, se sont interrogés sur les causes de leurs défaites politiques ou militaires, et les causes de leurs humiliations ou formes de décadence. La communauté musulmane, comme nous l’apprennent le Qur’ân, la Sunnah et les Sahâba, ne fera ainsi pas exception, malgré son rôle déterminant dans les signes eschatologiques et sa fonction universelle pour la présente Humanité. Si les malheurs ont existé avant l’avènement de l’ère moderne, ceux qui nous frappent actuellement connaissent une ampleur sans précédent, comme si le monde musulman était devenu orphelin depuis la chute du Califat ottoman, où aucun protecteur puissant, digne, honorable, juste et intègre, ne semble pouvoir mettre un terme aux agressions répétées des puissances impérialistes qui visent le monde musulman de l’extérieur, ainsi que de l’intérieur, via des milices terroristes qu’ils financent et soutiennent. Les effets de cette déchéance sont visibles, mais il nous faut en identifier les causes.

On pourrait citer par exemple ce hadith qui est plus que jamais d’actualité, relevant aussi d’un signe miraculeux, ce qui montre bien à quel point le Prophète (ﷺ) décrivait ce qu’il voyait (dans le monde spirituel) à l’état d’éveil ou dans les songes spirituels : « (Parmi les Signes de l’Heure et de la fin des temps, lorsque) les différentes communautés et nations se rassembleront et se regrouperont contre vous de toute part comme se regroupent les gens qui mangent autour d’un plat ». Nous dîmes : « Ô Messager d’Allâh ! Est-ce que c’est à cause du fait que nous serons peu nombreux à cette époque ? ». Il dit : « Non, vous serez très nombreux à cette époque, mais vous serez comme les écumes du torrent (divisés et faibles). Et Allâh enlèvera des cœurs de vos ennemis la crainte de vous, et le « wahn » (faiblesse du « cœur ») sera mis dans vos cœurs ». Ils dirent : « Qu’est-ce que le « wahn » ? ». Il dit : « L’amour pour ce bas-monde et la répulsion pour la mort » » (1).

Du temps du Prophète (ﷺ), les Musulmans formaient une petite minorité à son époque face à l’immensité de la population mondiale, et surtout face aux 2 superpuissances qu’étaient Byzance et la Perse sassanide, et qui avaient encore l’ascendant sur les Arabes, et surtout sur la Péninsule arabique (des tribus arabes existaient en effet déjà en Syrie, en Irak et dans d’autres provinces avoisinantes avant l’apparition de l’Islam), mais vers le 18e et 19e siècle, et surtout depuis la fin du 20e et le début du 21e siècle, les Musulmans ont connu une forte croissance démographique, devenant ainsi très nombreux. Et malgré les millions d’ingénieurs, de médecins, de physiciens, d’historiens, de psychologues, d’informaticiens, de biologistes, de chimistes, de prédicateurs, d’imâms, de sportifs, de combattants, etc., depuis la chute du Califat ottoman, les Musulmans n’avaient jamais connu autant de défaites militaires, de divisions et d’humiliations, dans les discours comme dans les actes, alors qu’auparavant ils étaient moins nombreux, mais globalement plus forts, plus intelligents, plus pieux, plus clairvoyants, plus sincères et plus érudits (non seulement dans les sciences islamiques, mais aussi dans les autres sciences). Or, le nombre n’est rien si celui-ci est pollué par des idéologies délétères comme le tribalisme, le sexisme (que ce soit la misogynie ou la misandrie), la mentalité esclavagiste de la jahiliyya ainsi que les autres superstitions ou idéologies que l’Occident moderne s’emploie à imposer aux Musulmans comme le sécularisme, le consumérisme, le scientisme, le matérialisme, etc., qui ravagent le monde musulman jusqu’à étouffer et détourner les consciences de nobles objectifs et des qualités morales.
De même, les Musulmans, pour beaucoup, ne respectent plus leur engagement envers Allâh, transgressent trop souvent la Loi divine, n’ont plus la science des priorités, et se divisent trop facilement pour rien (divisions parfois créées, exacerbées ou instrumentalisées par des puissances non-musulmanes). C’est le retour du tribalisme, du sexisme, de l’esclavage (moderne), du consumérisme, du racisme et du fanatisme, que la prédication prophétique avait réussi en son temps, à éradiquer dans le cœur des Musulmans vertueux. Mais de nos jours, comme les Musulmans se laissent facilement guider par des imposteurs (prédicateurs, dirigeants, stars occidentaux ou institutions politiques occidentales) et des idéologies superstitieuses et corruptrices, ayant oublié l’Au-delà, et sacrifiant leur dignité et leur honneur pour servir de serpillères ou de pions aux puissances impérialistes, la vie du Musulman vaut moins que celle des autres aux yeux des grandes puissances, qui en moins d’un demi-siècle, ont brutalement massacré des millions de Musulmans (Irak, Afghanistan, Syrie, Yémen, Palestine, Somalie, Soudan, Libye, Cachemire, Inde, Chine, Tchétchénie, Mali, Liban, etc.), soit directement par les puissances impérialistes (USA, Europe, Russie, Chine, Israël) soit par leurs alliés régionaux (dictatures appuyées par les puissances impérialistes) soit par des milices ou organisations terroristes pilotées par ses mêmes puissances, qui font le sale boulot à leur place, et faisant tout pour radicaliser une partie de la jeunesse musulmane et de les détourner de la dimension spirituelle et des valeurs éthiques de l’Islam. Les nations (notamment les USA, le Royaume-Uni, la France, la Russie, la Chine, Israël, etc.) se sont en effet rassemblées pour dépouiller, dépecer et massacrer les Musulmans et piller leurs richesses. C’est donc tout cela, et plus encore, que ce hadith décrit parfaitement.

Les historiens et biographes musulmans (2) ont rapporté le propos de Sayyiduna ‘Umar Ibn Al-Khattâb, disant qu’Allâh ne donnera la victoire aux Musulmans sur les ennemis qui les combattent que s’ils ne s’humilient pas devant les tyrans et les oppresseurs, qu’ils ne cherchent pas la fierté et la satisfaction dans autre chose que les préceptes de l’Islam, et surtout, s’ils se gardent d’être injustes, débauchés et corrompus (dans leurs moeurs comme dans leurs aspirations et visions des choses). En effet, si les Musulmans se complaisent dans les péchés et les transgressions, Allâh ne leur donnera pas les Bénédictions ni Son Soutien, surtout face à des ennemis plus nombreux ou mieux préparés. Sans la Rahma, la justice, la science utile, la piété et la sagesse, il n’y aura pas de victoire éclatante et spirituelle et militaire sur ceux qui nous combattent.

Lorsque le Calife ‘Umar bin Al-Khattâb a envoyé l’armée de Sa’d ibn Abi Waqqas à la bataille d’Al-Qadisiyyah (que les Sassanides avaient déclenché par leurs hostilités), il lui a conseillé : « Craignez vos péchés et vos transgressions plus que vous ne craignez l’ennemi, car vos péchés et méfaits sont plus dangereux pour vous que votre ennemi. Nous les Musulmans ne sommes victorieux que sur notre ennemi parce que leurs péchés sont plus nombreux que les nôtres, pas pour une autre raison. Si nos péchés étaient égaux à ceux de notre ennemi, alors ils nous vaincraient, en raison de leur nombre et de leurs ressources supérieurs (à ceux dont nous disposons) ».

Abû Ishaq Al-Fazârî a dit : « L’ennemi n’a jamais pu tenir tête aux Compagnons du Messager d’Allâh (ﷺ), alors quand la nouvelle de la défaite des Byzantins est arrivée à Héraclius à Antioche, il a demandé à [son peuple] : « Malheur à vous, parlez-moi de ces gens qui combattent, ne sont-ils pas des humains comme vous ? ». Ils ont répondu : « En effet, ils le sont ». Il a demandé : « Alors vous êtes plus nombreux ou eux le sont ? ». Ils ont répondu : « Nous sommes beaucoup plus nombreux qu’eux (sur tous les fronts) ». Il a dit : « Alors comment se fait-il que vous soyez vaincu chaque fois que vous les affrontez ? ».
Un aîné et individu estimé parmi eux a répondu : « Parce qu’ils se tiennent dans la prière la nuit, jeûnent le jour, tiennent fidèlement leurs engagements, leurs accords/traités et leurs promesses, enjoignent ce qui est juste et interdisent ce qui est mal, ils sont justes (envers les gens) et justes (aussi) entre eux ; et parce que nous buvons du vin, forniquons, désobéissons, brisons nos accords, volent (ce qui ne nous appartient pas), opprimons les autres et commettons l’injustice, commettons ce qui suscite la Rigueur divine et interdisons aux gens ce qui plait pourtant à Allâh, et nous provoquons le mal et la corruption dans le pays ».
Héraclius a dit : « Vous êtes celui qui a dit la vérité »
.

Quand l’empereur perse (de la dynastie sassanide) a demandé à un Sahabi capturé : « Pourquoi se fait-il que nous vous avons combattu avant et que nous avons toujours eu le dessus, mais maintenant nous ne pouvons pas vous vaincre ? ». Le sahabi a répondu « Les batailles étaient entre vous et nous, et vous aviez plus de pouvoir donc vous nous vaincriez, toutefois, la situation maintenant est qu’Allâh, le Puissant, est de notre côté (car nous suivons fidèlement Sa Voie et observons la justice et la piété) et Allâh ne peut jamais être vaincu ».
Un espion décrivit les Sahâba devant l’empereur ainsi : « Le jour, ce sont des guerriers (valeureux), mais la nuit, ce sont des moines (des gens s’adonnant à la méditation, à la prière et à la contemplation) »
(3).

Sans introspection ni recherche de la justice et de la sagesse, pas de Baraka (Bénédiction) divine. Telle est l’équation islamique :

« Puis Nous t’avons mis sur la Voie de l’Ordre [une religion claire et excellente dans tous ses aspects]. Suis-la donc et ne suis pas les passions (et les méfaits) de ceux qui ne savent pas. Ils ne te seront d’aucune utilité vis-à-vis d’Allâh. Les injustes sont vraiment alliés les uns des autres; tandis qu’Allâh est le Protecteur des pieux (enracinés dans la justice et la droiture) » (Qur’ân 45, 18-19).

« Puis, s’ils s’y conforment, réconciliez-les avec justice, et soyez équitables et justes car Allâh aime les équitables et les justes » (Qur’ân 49, 9).

« Pour ceux qui ont exercé la justice et œuvré dans le bien, la bonté et la droiture dans ce monde, une bonne récompense (leur sera octroyée dans l’Au-delà), et la Terre d’Allâh est vaste et spacieuse. Ceux qui persévèrent avec constance et endurance (dans le bien et la justice) recevront pleinement leur récompense, sans compter » (Qur’ân 39, 10).

« En vérité, Allâh ne modifie et ne change guère l’état d’un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne changent pas (les mauvaises choses) qui se trouvent est en eux-mêmes » (Qur’ân 13, 11).

Il est rapporté de l’imâm et juriste du Salaf Sufyân Ibn ‘Uyayna (107 H/725 – 198 H/814) – qui était aussi le fondateur d’une école juridique à son époque – qu’il a dit : « En vérité, le Messager d’Allâh (ﷺ) est la référence suprême (parmi les créatures) ; c’est à lui que se mesurent les choses : son (noble) caractère, son mode de vie (équilibré et spirituel) et son (magnifique) comportement. Tout ce qui concorde avec ces principes est vrai et correct, et tout ce qui les contredit est erroné et faux » (4).
Conformément à Sa Parole : « Vous avez dans le Messager d’Allâh un excellent modèle [à suivre], pour quiconque espère en Allâh et au Jour dernier et invoque Allâh fréquemment » (Qur’ân 33, 21) ; « Et nous ne t’avons envoyé (Muhammad) que comme miséricorde, compassion et amour-Rayonnant et bienveillant pour les mondes » (Qur’ân 21, 107) ; « Et tu es certes (Ô Muhammad), d’une moralité éminente et d’une noblesse de caractère excellent et la plus élevée » (Qur’ân 68, 4). Et comme il est rapporté dans le Musnad Ahmad n°25813 – sahîh – selon Sayyida ‘Aîsha : « Son comportement, son caractère et sa personnalité étaient (calqués sur) le Qur’ân ».
L’imâm du Salaf et juriste hanafite Abû Ja’far At-Tahâwî dans Sharh Mushkil Al-Athâr (11/267) commenta ce récit en disant : « C’est-à-dire qu’il appliquait les ordres mentionnés dans le Qur’ân et délaissait ses interdits », et la Sunnah ne peut donc qu’expliciter, détailler, développer ou prolonger ce qui est contenu dans le Qur’ân en termes de préceptes, de principes, de perspectives, de qualités (morales et spirituelles) et de finalités (sagesse, piété, justice, bienfaisance, paix, compassion, sécurité, protection des droits, etc.). Si le sens apparent d’un hadith ou d’un avis juridique contredit cela, c’est que le récit ou l’avis est erroné, ou qu’il s’agit d’une exception/particularité contextuelle de l’époque (n’ayant pas vocation à être universelle ou inhérente à la Religion), ou que le sens voulu est autre que celui du sens apparent impliquant une contradiction avec le Qur’ân et la Sunnah purifiée (en accord avec le Qur’ân et ses principes).

Le Calife ‘Umar Ibn al-Khattâb a dit : « Nous étions un peuple avili et humilié avant l’Islam, (et aujourd’hui) nous sommes un peuple qu’Allâh a élevé par l’Islam. Si nous recherchons la puissance et la fierté par autre que l’islam, Allâh nous avilira » (5). Et qu’est-ce que l’Islam, si ce n’est avant tout le Tawhid (et la conscience de l’Absolu), la justice, la compassion, l’amour bienveillant et la volonté de vouloir le bien pour toute l’Humanité et s’abstenir de leur causer du tort (y compris pour les animaux et les plantes), l’importance de la prière, de la charité, du jeûne, de l’humilité, de la recherche de la paix et de la sagesse, et le refus de l’oppression, de la perversion, de l’orgueil, de la lâcheté, de la tyrannie et de l’injustice ? Allâh ne dit-Il pas : « En vérité, Allâh commande la justice, la vertu, la générosité, la libéralité et l’assistance [dans le bien et le licite] envers les proches, et Il interdit la turpitude, les actes répréhensibles, la tyrannie, l’injustice et rébellion [envers les autres et les autorités légitimes] » (Qur’ân 16, 90).

Tant que les différents courants se réclamant de l’islam, ou que les comportements des individus se disant musulmans, ne retournent pas aux préceptes fondamentaux de la Religion, aux nobles valeurs morales et éthiques, dans une démarche d’unité en transcendant les divergences secondaires pour se concentrer sur l’essentiel, et que chacun agit en suivant ses passions, et sans jamais chercher à s’élever spirituellement, à cultiver la sagesse, à observer la justice, à voir clair dans les jeux politiques malsains des uns et des autres, les choses n’iront qu’en s’empirant. Et ce ne sont certainement pas la mentalité sectaire, la vision rigoriste ou laxiste de la Religion ou de la société, ou la focalisation sur des détails techniques du fiqh ou de la ‘aqida – parfois dans des erreurs ou mentalités qui ne concernaient que les époques passées et qui ne sont plus les réalités socioculturelles ni les priorités de notre époque ! – qui sortiront le monde musulman de la décadence, mais plutôt l’attachement à l’Amour d’Allâh et de Son Messager (ﷺ), de ses nobles Compagnons (Sahâba) et de sa famille purifiée, aux Saint(e)s et aux Sages, aux gens de vertu et de justice, et surtout, l’observation de la piété religieuse (dans les oeuvres de dévotion et de bienfaisance, dont la charité) et de la justice et de la compassion dans toutes nos affaires et situations, le fait de tenir ses engagements, penser à l’intérêt général, s’abstenir de causer du tort aux gens (qu’ils soient Musulmans ou non) ou de semer la corruption, l’oppression, le chaos ou la dépravation sur terre (cf. Qur’ân).

Et c’est là que nous comprenons pourquoi les Sahâba ont enchainé les victoires (par la Grâce d’Allâh) face à des ennemis plus nombreux, mieux équipés qu’eux militairement et qui possédaient pourtant une formation et tradition militaires millénaires. Parce qu’ils étaient attachés à Allâh et à Son Messager, aspiraient à la justice et à la piété, faisaient régulièrement leur introspection, faisaient preuve de compassion et de pédagogie, et n’abandonnaient ni la spiritualité ni le tawakkul dans leur perspective, tout en étant conscients des réalités socioculturelles et politiques de leur temps. Tant qu’un peuple, même avec ses limites, ses faiblesses et ses péchés, suivent globalement l’orientation de son élite (tournée vers la spiritualité, la sagesse, la justice et la piété), ils peuvent, par Sa Grâce, triompher de toutes les adversités humaines et politiques.

Notes :

(1) Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4297 selon Thawban, sahîh, Ibn Abi Asim dans Kitâb az-Zuhd n°268), Al-Ruyani dans son Musnad n°654, At-Tabarânî dans Al-Shamiyyin n°600 et dans Al-Mu’jam Al-Kabîr n°1452, Al-Bayhaqi dans Al-Dala’il an-Nubuwwa 6/534, Ibn ‘Asâkir dans Târîkh Dimashq 23/330, Ahmad dans son Musnad n°22397, Abû Nu’aym dans Hilyat Al-Awliya’ 1/ 182, etc.
(2) Voir notamment At-Tabarî dans son Târîkh, As-Suyûtî dans son Târîkh al-khulafâ al-râshidûn, etc.
(3) Rapporté notamment par Abû Bakr Al-Daynûrî dans Al-Mujâlasah wa Jawâhir Al-‘Ilm 4/91.
(4) Rapporté par Al-Khatîb Al-Baghdadi dans Akhlâq Al-Râwî wa Âdâb al-Sâmi’, n°8.
(5) Rapporté par Al-Hâkim An-Naysabûrî dans Al-Mustadrak n°214 selon Tariq ibn Shihab, sahîh.


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