Récemment un adepte du réformisme (au sens « humaniste » et « moderniste » du terme, donc anti-traditionnel et orienté vers l’individualisme dans la compréhension et la pratique des choses) laissait fortement suggérer qu’il y avait une causalité, ou du moins une corrélation, entre les agissements « terroristes et criminels » d’ « islamistes jihadistes » et le fiqh traditionnel tel qu’il enseigné depuis plus de 1300 ans dans le monde musulman, qu’il soit sunnite ou shiite.
Le texte, intitulé « Les frères Kouachi ont-ils agit d’après ce que le fiqh sunnite classique demande ? » (publié le 10 août 2020) dit ceci :
« Tout le monde sait ce qu’il s’est passé le 07 janvier 2015 lorsque Chérif et Saïd Kouachi pénètrent dans les locaux du siège du journal Charlie Hebdo et tue, au “nom d’Allah”, 8 membres de la rédaction du journal satirique, 2 policiers et 2 autres personnes.
Ils justifièrent leur acte comme étant une vengeance pour le Prophète parce que les auteurs des caricatures l’avait insulté et lui avait manqué de respect en l’humiliant.
On entendit alors, et fort heureusement, des milliers de musulmans affirmer que leur agissement n’était pas conforme à l’islam et qu’ils n’étaient pas de vrais musulmans.
Aussi, une question se pose d’un point de vue religieux et au-delà de leur endoctrinement par des groupes terroristes : est-il correct de dire que leur tuerie ne trouve aucune justification dans l’islam ? Certes, le Coran ne permet pas d’agir de la sorte, mais trouve-t-on dans le patrimoine sunnite (hadith, khabar et fatwa) ce qui pourrait justifier ou permettre leur massacre ?
Pour répondre à cette question, je ne vais ouvrir que la Risâla d’Ibn abi Zayd al-Qayrawânî étant donné qu’il s’agit d’un livre référence de l’Ecole mâlikite, qui est vendu et enseigné aujourd’hui et que l’Ecole mâlikite est celle qui est majoritairement pratiquée en France.
Alors, en ouvrant ce livre et en se référant aux explications des savants de l’Ecole, on trouve plusieurs points qui répondent à notre question :
– Le musulman qui insulte ou dévalorise (en disant qu’il était noir ou petit par exemple) le Prophète Muhammad, n’importe quel autre Prophète ou un ange, doit être tué et ce, même s’il se repent (le repentir ne vaut que lorsque la personne a insulté Dieu…).
– Ibn al-Mundhîr rapporte le ijmâ’ (consensus) sur le fait de tuer celui qui insulte le Prophète. On attribue à ‘Alî ibn abî Tâlib un propos similaire. Abû Dâwûd rapporte également qu’une femme juive, au temps du Prophète, fut étranglée à mort parce qu’elle insultait le Prophète. Or, ce dernier aurait annulé le prix du sang pour ce crime.
– De même, il est précisé que le dhimmî qui insulte Dieu ou Son Prophète doit être mis à mort, sauf s’il se convertit à l’islam. De même, il doit être tué s’il dit que Dieu est avare ou que Muhammad n’est pas un Prophète.
Donc, après cela et sachant que l’on trouve ces avis dans d’autres Ecoles de droit, comment peut-on affirmer que le fiqh sunnite traditionnel n’est pas en partie responsable des dérives de certains musulmans ? Comment peut-on le dédouaner complètement ? Comment ne pas percevoir que la vision du monde et de l’autre qu’il propose et à laquelle il appelle dans plusieurs chapitres juridiques qu’il traite peut engendrer des comportements radicaux, effroyables et monstrueux comme ceux des frères Kouachi dont le Coran et la véritable Sunna sont complètement innocents ?
Il faut ouvrir les yeux : le fiqh sunnite classique a produit, dans plusieurs sujets, ce qui donne une sorte de légitimité à plusieurs actes odieux et fanatiques à la portée de n’importe quel endoctriné ou groupe terroriste. Il faut donc s’atteler encore et avec force à déconstruire cette approche des textes pour en proposer une en conformité avec le Coran, la raison et l’humanisme.
A bon entendeur ».
Avant d’analyser le fond et la forme du discours, attardons-nous quelque peu sur la mentalité qui prédomine chez les adeptes de cette mouvance, – notre critique se veut impersonnelle -, car cela peut nous éclairer sur la mentalité qui préside à ce genre de discours.
Tout d’abord, leurs maîtres à penser sont souvent des charlatans, et nous en connaissons un (assez « actif » en France) qui n’a pas hésité à mentir sur la religion, sa vie, son parcours, des auteurs et des savants qu’il a critiqué injustement, qui change d’avis tous les X temps sans jamais s’excuser auprès de ses auditeurs ou disciples pour les avoir égaré et induit en erreur. Il avait réussi à devenir « imâm » d’une mosquée suite à l’absence de vigilance des responsables de la mosquée, mais a rapidement été viré en raison de son incompétence, de ses mensonges et des dégâts qu’il avait causé en tant que « médiateur ». Il se prétend désormais « enseignant » et dispense des cours dans de nombreuses matières payantes qu’il ne maitrise pas, et pourtant, dans ses cours, il affirme qu’il ne faut pas suivre les savants et qu’il ne faut pas faire payer les cours de religion, alors que c’est ce qu’il fait. Il accuse également de nombreux anciens savants de mensonge et de falsification sur la religion, alors qu’il fait exactement pareil, tout comme il spécule (parfois sans aucun argument solide) sur les intentions et les « inventions » de ahadiths pour des « ambitions politiques » (ce qui est possible évidemment) mais sans aucune approche intellectuelle et académique sérieuse, et lui-même peut être facilement accusé d’une telle chose, sachant à quel point ses positions et ses ambitions sont douteuses et équivoques sur bien des choses. Il prétendait aussi, dans ses vidéos qui sont disponibles en ligne, qu’il suffit de quelques minutes pour apprendre l’Islam et qu’on peut mettre de côté tous les livres de fiqh, mais alors pourquoi propose-t-il autant de modules sur les sciences religieuses qu’il dénonce et rejette lui-même, si ce n’est pour gagner de l’argent sur le dos de la religion et des faibles d’esprit qui le prennent pour « maître » ? Par ailleurs, ce charlatan se considère comme étant un « maître » dans la science du hadîth, or ses nombreuses erreurs et sa méconnaissance de certains éléments précis le disqualifient (certains de ses disciples avaient même dû le corriger à plusieurs reprises), de même que sa malhonnêteté dans cette discipline, où il va « jouer » avec les ahadiths, tantôt les prenant comme arguments, tantôt les jetant à la poubelle, de même qu’il va rejeter certains ahadiths car rapportés selon tels rapporteurs (jugés indignes et menteurs selon lui, parfois à tort) mais il va, pour étayer son argumentation sur d’autres questions, utiliser des ahadiths où l’on trouve les mêmes rapporteurs qu’il avait pourtant rejeté… Au départ se positionnant comme « sunnite anti-salafiste », il n’a pas hésité à qualifier « les ennemis des 4 écoles sunnites » de « comploteurs contre l’Islam, se cachant sous de faux-prétextes », or, quelques temps plus tard, il avouera lui-même s’être fait passer pour un « sunnite traditionaliste » uniquement pour mieux réfuter le salafisme/wahhabisme pour ensuite mieux combattre le sunnisme (et par extension, le shiisme, qu’il accuse d’être une « invention omeyyade »).
Rien n’a ainsi échappé à sa critique et à sa remise en question, si ce n’est sa perfidie et sa bêtise qui semblent être sacrées pour lui ainsi que pour ses élèves endoctrinés. Non seulement la quasi-totalité du fiqh, de la Sunnah et même une partie du Qur’ân ont été remis en question, mais aussi les 5 piliers de l’Islam, c’est-à-dire, le socle fondamental qui réunissait les sunnites, shiites, mu’tazilites, zaydites, ibadites, philosophes et autres courants ultra-minoritaires de l’Islam. Paradoxalement, sans preuve, il va tenir des positions très « dures » envers ceux qui votent, qualifiant non seulement cet acte de « harâm » (illicite) mais aussi de « shirk » (idolâtrie) alors que, comme le savent les savants du fiqh et de la ‘aqida, cela dépend de l’intention, du contexte et de finalité de chacun, et que sa pensée, sur ce sujet, rejoignait ainsi celle des « wahhabites de tendance takfiriste ».
Quant à certains de leurs disciples, tantôt ils prétendent ne pas rejeter toute la Sunnah et considérer tout le Qur’ân comme authentique, mais on lit sous leur plume également qu’ils remettent en question (ou doutaient fortement) le Qur’ân, la Sunnah, les 5 piliers de l’Islam, ne considéraient pas la trinité (sur le plan théologique) comme étant du shirk, que les femmes musulmanes pouvaient épouser sans problèmes des non-musulmans (contredisant le Discours qurânique, preuves textuelles et logiques à l’appui uniquement à partir du Qur’ân, et entrainant des nuisances et des complications familiales et communautaires, si cet avis devait se répandre « massivement »), que l’Islam n’avait pas vocation à être universel ni à s’étendre (en tant que foi), etc., soit, une accumulation d’hérésies et d’absurdités sur le plan purement intellectuel et doctrinal (même uniquement qurânique). Ils usent aussi parfois de tons menaçants dès qu’ils sont mis face à leurs contradictions et que leur approche mielleuse n’opère plus efficacement. Présentant d’abord un visage avenant et souriant, ils manifestent ensuite leur haine, leur raillerie, leur désaveu et même parfois leur « takfir », ou ne répondant tout simplement plus au « salâm » dès qu’ils sont contrariés ou réfutés.
Ceci étant dit, même si les auteurs de cette tendance ont souvent des agendas extrêmement louches, et une approche foncièrement malhonnête, cela ne signifie pas pour autant que toutes leurs critiques ou que leurs questionnements ne sont pas dénués d’un certain intérêt ou ne méritent pas d’être étudiés et analysés plus en profondeur, car après tout, ce sont là le produit de notre époque où presque tout est remis en question de façon maladive et superficielle, et des réponses argumentées sont toujours les bienvenues. Précisons que beaucoup de leurs adeptes aiment à parler de « déconstruction », quand il est plutôt question ici d’une véritable destruction, dans les fondements mêmes de l’Islam qurânique et prophétique, et non plus de quelques avis juridiques (critiquables certes) ou de ahadiths douteux (dans la chaine de transmission soit dans le contenu, – ou en tout cas dans son sens apparent -), car c’est leur mentalité-même, nourrie non pas par le Qur’ân, la sagesse, le savoir utile et la spiritualité, mais par la polémique, l’individualisme, le matérialisme et/ou le sécularisme, qui pose problème et les entraine à toujours aller plus loin dans leurs attaques envers l’Islam et/ou son patrimoine.
Tout ce que nous avons énuméré ici sont des faits avérés (la plupart de leurs propos, textes, vidéos, accusations et autres sont encore vérifiables sur Internet au moment de la rédaction de cet article, et nous ne parlons ici que de leurs déclarations publiques, car en privé, les tons menaçants, le comportement irrespectueux, etc. sont aussi de la partie), et comme à leur habitude, ils vont sortir la carte de la « victimisation », de « l’hystérie » et de la « pleurnicherie » alors qu’ils n’ont pas hésité à tenir des propos diffamatoires, violents, injurieux et très graves envers de nombreux musulmans décédés (notamment de grands savants du passé) et de nombreux musulmans tout à fait respectables (et d’autres qui l’étaient moins certes, comme partout), sans compter le fait qu’ils luttent désormais pour détourner la jeunesse musulmane de la vertu, de la sagesse et de leur patrimoine civilisationnel, sans esprit critique ni pondération.
Il faut dire que la plupart d’entre eux sont des autodidactes, sans aucune qualification sérieuse dans les sciences traditionnelles, ni une formation historique solide, et par conséquent, ils n’ont jamais étudié d’ouvrages avec de professeurs et de savants qualifiés. Ils prétendent, – à l’instar des orientalistes -, que le monde musulman s’est trompé sur toute la ligne depuis plus de 1400 ans, et qu’eux seuls ont désormais la seule vérité possible. Or, leur absence de méthodologie les pousse à embrasser sans recul, les superstitions et idéologies modernes de notre temps, s’inscrivant ainsi dans un paradigme jugé déjà obsolète par les spécialistes des différentes disciplines (physique, médecine, neuropsychologie, sociologie, histoire et philosophie des sciences, …) et à bricoler une « religion à la carte », où leur ego constitue la seule mesure de toute chose, et distinguer le « convenable » du « blâmable ». Ils insinuent que tout n’était que complot, délaissent les récits les plus fiables et notoires pour les écarter, mais prennent en compte des récits apocryphes ou isolés pour ensuite tout extrapoler à l’extrême, sans remettre leur sélection arbitraire en question. Or, si ces « récits isolés » ou « apocryphes » étaient un « danger » pour l’orthodoxie, pourquoi les « savants de l’orthodoxie » les ont quand bien même parfois rapportés, ce qui prouve leur honnêteté intellectuelle et le fait que ces récits ne les troublaient pas outre mesure, soit parce qu’ils étaient faux et apocryphes, soit parce qu’ils avaient une explication qui n’impliquait pas pour autant la fausseté des autres récits (authentiques ou bons) qu’ils rapportaient aussi ailleurs dans leurs recueils, soit que ce qu’on leur attribue est tardif et donc faux et non-fiable (chaque accusation exige à ce titre, toute une étude fastidieuse qui prend énormément de temps, et comme on le sait, il est toujours plus facile de « détruire » que de « construire »). En résumé, à force de rejeter de facto ce qui est notoire, que pour ce qui est marginal, on ne peut en effet, dans leur paradigme biaisé (basé sur une construction anthropologique liée à la société occidentale de notre instant T), que souscrire aveuglément à la thèse du « complot », mais à leur tour, leurs jeux et manipulations des sources dans des objectifs de propagande et de « destruction » du patrimoine, s’apparentent à une forme de « complot » et d’agenda politico-idéologique, même si certains de leurs adeptes ne s’en rendent pas compte, mais leurs objectifs rejoignent, dans les faits, toutes les entreprises islamophobes et orientalistes (parmi ceux qui voulaient « détruire » l’Islam). Mais faut-il réellement s’étonner que, à force de fouiller dans les poubelles de l’histoire que pour y faire remonter les déchets, ils finissent par y baigner dedans ?
Inconsciemment, se sachant perturbés et « perdus », afin de se rassurer, ils veulent entrainer les autres dans leur chute, et passent leur temps à « critiquer » pour le plaisir de « critiquer », tandis que d’autres ne le font (ou en partie) pour le buzz et l’argent, à l’instar des islamophobes youtubeurs, ou avant eux, des islamophobes notoires mis en avant par les médias occidentaux.
Tout déconstruire, par obsession, sans rien proposer d’élévateur en retour, n’est-il pas la manifestation d’un profond malaise intérieur, servant des ambitions blâmables, même inconsciemment ? S’ils passaient plus de temps à adorer leur Seigneur, à abandonner leurs idoles mentales et sociétales, et à accomplir des œuvres salutaires, ou à agir pour le bien de la société, ils n’auraient même pas le temps de passer leur temps à balancer leurs bêtises, à nourrir leur obsession, à écrire des centaines de pages juste pour discuter de certains détails qui ne posaient jamais problèmes à personne, ou pour contester une chose incontestée par tous les peuples pendant des milliers d’années et dont le Qur’ân fait clairement mention…
Lorsqu’il y a relâchement de l’ego, et absence de pratiques et d’aspirations spirituelles, toutes les tares et obsessions se manifestent, au point de tomber dans le ridicule en s’attaquant à des points de détails aussi bien qu’à des pratiques fondamentales comportant de nombreux bienfaits, et c’est exactement là que part le réformisme contemporain : d’une maladie intérieure ou d’une incompréhension, se nourrissant continuellement de polémiques, de critiques plus ou moins stériles, de provocations gratuites et devenant source de nouvelles frictions et tensions.
Venons-en maintenant à ses allégations. Il est connu que la grande majorité des jihadistes salafistes ou shiites identitaires, – qui, comme les groupes athées (qu’ils soient marxistes ou non), sionistes, patriotes ou autres qui sont impliqués dans des actes terroristes et criminels – n’ont pas étudié de façon traditionnelle et continuelle dans les mosquées et madrassa traditionnelles. En général ils ont été éduqués dans les lycées et universités non-religieuses, n’étaient pas profondément religieux, ni n’ont poursuivi des études traditionnelles de fiqh, de ‘aqida, de hadith ou de tafsîr. Dans leurs justifications d’ailleurs, ils restent dans la logique et le pragmatisme, et argumentent aussi par la loi du talion : « ils ont tué nos enfants, on tue alors les leurs », « ils bombardent nos pays, on se venge dans leur pays », etc., c’est donc la situation géopolitique qui a suscité leurs actes, de même que les humiliations et discriminations répétées dans les pays occidentaux (ou orientaux), qui les ont poussé à la radicalisation, ainsi qu’une certaine compréhension du wahhabisme, qui opère justement une rupture avec le patrimoine traditionnel du monde musulman. Or, quand on consulte les anciens ouvrages de fiqh ou de tafsîr, on y lit que tuer volontairement des civils non-musulmans ou musulmans n’est pas autorisé, que la loi du talion ne permet pas de tuer des innocents ou de semer le chaos sur la terre, etc. Et même dans les avis les plus durs, les savants traditionnels ont généralement bien détaillé les modalités et conditions dans lesquelles ces avis pourraient être appliquées, choses que ne font pas les « terroristes » ou les « extrémistes » sachant que tout ne se trouve pas dans les livres, car ils ne sont que des supports secondaires, car pouvant être mal compris, décontextualisés (par rapport au contexte particulier dans lequel l’ouvrage en question a été écrit), et que le fiqh peut évoluer et s’adapter selon les nouveaux contextes, ce qu’enseignent les savants traditionnels d’aujourd’hui, et toujours selon la méthodologie classique de leur propre école juridique.
D’ailleurs, l’énorme majorité des étudiants musulmans en sciences religieuses, qui passent leur temps à étudier le fiqh et le tafsîr, sont bien éduqués, et sont loin des actes terroristes et criminels, et les dénoncent même régulièrement, en plus de les réfuter sur le plan islamique. Bien sûr, les défauts personnels (sectarisme, dureté, etc.) sont toujours possibles chez eux (comme chez les autres), tout comme il sera presque toujours possible de trouver quelques exceptions s’opposant à la réalité de la tendance générale.
En outre, la question de « punir les blasphémateurs » ne se pose pas en général dans les pays non-musulmans, sauf si un accord existe entre un groupe de musulmans et les pays non-musulmans en question. Dans un autre article, intitulé Réflexion sur la liberté d’expression, le droit au blasphème et l’Islam (publié le 19 juillet 2020) nous avons déjà détaillé cette question d’un point de vue global (y compris islamique). Selon le fiqh traditionnel et les savants qui s’y réclament, l’acte des frères Kouachi n’était donc pas légiféré.
Lorsqu’il dit : « Donc, après cela et sachant que l’on trouve ces avis dans d’autres Ecoles de droit, comment peut-on affirmer que le fiqh sunnite traditionnel n’est pas en partie responsable des dérives de certains musulmans ? Comment peut-on le dédouaner complètement ? Comment ne pas percevoir que la vision du monde et de l’autre qu’il propose et à laquelle il appelle dans plusieurs chapitres juridiques qu’il traite peut engendrer des comportements radicaux, effroyables et monstrueux comme ceux des frères Kouachi dont le Coran et la véritable Sunna sont complètement innocents ? Il faut ouvrir les yeux : le fiqh sunnite classique a produit, dans plusieurs sujets, ce qui donne une sorte de légitimité à plusieurs actes odieux et fanatiques à la portée de n’importe quel endoctriné ou groupe terroriste. Il faut donc s’atteler encore et avec force à déconstruire cette approche des textes pour en proposer une en conformité avec le Coran, la raison et l’humanisme ».
Il faut savoir d’une part que les actes en question dont ils parlent, ont été commis par des capitalistes, communistes, athées laïcs, fascistes, nazis, sionistes, « réformistes » (dans le monde musulman ; les tyrans et dictateurs, – ainsi que leurs laquais -, tels que Ben Ali, Mustapha Kemal, Mubarak, Sissi, Hafez et Bashar Al Assad et tant d’autres étaient dans la lignée « réformiste » et s’alignaient contre la perspective traditionnelle), etc. qui n’étaient pas d’inspiration religieuse, et que souvent, c’est la situation politique suivie des caprices de l’ego qui sont en première instance, responsables de ces actes odieux, et que, ensuite seulement, certains chercheront à les justifier par des idéologies ou des raisons ad hoc ; la démocratie, la laïcité, l’athéisme, le communisme, la religion, le nationalisme, etc. Les réformistes fanatiques parmi eux, sous-entendent clairement que les sunnites, shiites, mutazilites, ibadites, zaydites et philosophes musulmans qui se rattachent à travers le fiqh classique (à toutes les époques) sont des terroristes et des criminels sanguinaires en puissance, là où l’Histoire a montré que la grande majorité faisait preuve d’un noble comportement de façon générale. Or que dire de bon nombre de « réformistes » qui sont soit soldats soit policiers soit gouverneurs dans les pays musulmans en Syrie, en Egypte, en Tunisie (sous l’ère Ben Ali), en Algérie, etc., qui ne sont pas des adeptes de la liberté d’expression, qui torturent, emprisonnent, volent, violent, répriment la population (en cas de manifestations) et massacrent leurs populations en cas de guerre civile ? N’est-ce pas là la même rhétorique que les islamophobes les plus violents et hystériques, qui confondent tout et jettent constamment la suspicion sur les musulmans, alors que la plupart ne font que vivre tranquillement leur religion, nourrissent les pauvres, s’occupent des orphelins, entretiennent de bonnes relations avec leurs voisinages, etc. ?
Ensuite, les juristes traditionnels, puis les « islamistes » qu’il dénonce, sont au contraire, – en général du moins -, très rationnels et pragmatiques dans leur vision des choses, ce qui montre que son approche à lui, est déficiente et lacunaire, malgré ses prétentions de s’en tenir au « Qur’ân, à la raison et à l’humanisme » sachant que la rationalité peut justifier des avis contradictoires, que l’Humanisme est une nouvelle (pseudo-religion) qui est responsable de la mort de centaines de millions d’individus, à travers les différentes idéologies qui en dérivent.
Par rapport à son article, al Ustadh Ismaîl Ar-Roubaysî, enseignant et professeur de fiqh malikite, le 12 août 2020 nous avait dit ceci : « Beaucoup (parmi ces gens) utilisent cette analogie pour discréditer le fiqh traditionnel mais je pense qu’aller sur ce terrain n’est pas intéressant, car ce qui nous intéresse en tant que musulman est est-ce que ces règles existent dans notre religion ?
Et est-ce que ces règles contredisent le aql ou non ? Il faut les amener à revenir à la question de fond. Le souci est qu’ils ne veulent pas aller sur la question de fond, par facilité ils préfèrent utiliser la faiblesse des musulmans vis-à-vis des idées occidentales, ce qui permet de piéger facilement toute personne qui débattrait. Maintenant ce qui est clair, est que la grande différence entre nous et les djihadistes est que ces derniers pensent qu’ils sont ceux qui sont concernés par l’application de tels ahkam ; or ces règles sont d’ordre public et seront appliquées par le gouverneur légitime, et non les awamm (gens du commun). Cela implique donc un état musulman et dont le responsable est le hakim. La différence est également que nous avons conscience que les règles de ce type dépendent de l’intérêt général et que celles-ci dépendent de leurs raisons d’être. Dès lors ces derniers sont à blâmer du fait qu’il n’est pas autorisé pour eux de prendre une vie quelconque et trahissant le 3ahd ; et en désobéissant au dirigeant musulman auquel ils s’affilient. C’est au dirigeant de le faire s’il en a la possibilité. C’est pourquoi plusieurs savants détestaient évoquer ces sujets aux awamm de crainte qu’ils appliquent avec ignorance des règles qui ne les concerne pas ».
Quant au fiqh sunnite, comme pour le fiqh shiite ou mutazilite (école dite « rationaliste »), ou même le droit moderne en Occident, on trouve en effet des avis divers qui sont soit erronés (du point de vue islamique, en tout cas selon une lecture intellectuelle des textes), soit à contextualiser selon l’époque à laquelle ces avis ont été édictés. En général les avis qui ont fait autorité, s’enracinent dans les conditions politiques, mentales et sociétales dans lesquelles ils ont vu le jour, d’où le danger d’opérer des anachronismes comme le font des salafistes, des réformistes et des orientalistes. Ce qui était « normal » et « rationnel » pour les époques précédentes, ne l’est plus forcément aujourd’hui, puisque les conditions et les mentalités ont changé (parfois en pire, parfois en « mieux »). Les savants traditionnels qui sont clairvoyants, savent ainsi faire la part des choses, et intègrent les enjeux et conditions de notre époque, et réadaptent les priorités et l’application des sentences juridiques sur un certain nombre de domaines.
Là où dans le passé les relations internationales étaient moins réglementées, – même si aujourd’hui elles sont mieux réglementées, cela n’évite pas pour autant les guerres injustes, les génocides et l’impérialisme, ce qui manifeste encore un autre paradoxe de notre temps -, il fallait forcément une conception du fiqh qui prenne en compte les réalités de l’époque et agir selon une certaine réciprocité, et défendre ainsi les intérêts de sa nation. A notre époque, certaines règles du principe ne peuvent donc plus s’appliquer de nos jours puisque le contexte est différent sur certains aspects.
Quant aux sociétés traditionnelles, les « réformistes » ne comprennent pas qu’elles ont toujours instauré des barrières psychologiques et sociétales afin d’encadrer les principes pour garantir l’ambiance sacrée de la société, où la Vérité, la Vertu, la réalisation de la Sagesse et le sens de la Justice devaient en être les normes inviolables, quand bien même leurs déformations et leurs instrumentalisations furent toujours possibles en raison des vices et défauts de « l’âme rebelle ». Ces barrières, en soi, n’étaient pas forcément des obligations religieuses formelles, d’où l’absence de leurs mentions dans les Textes sacrés. Néanmoins, chaque modèle politique devait mettre en œuvre ce qui pouvait éviter le chaos, la désintégration sociale, les troubles et les diffusions assumées des hérésies, des dérives et des vices qui, s’ils se répandaient au sein de la société, en marquaient irrémédiablement la fin, tant que l’âme humaine est faible face aux suggestions de l’ego, et qui, sans cadre traditionnel qui le discipline, sombre dans tous les excès imaginables. Or, le réformisme le plus abject qui soit, commence d’abord, par des paradigmes extérieurs à la perspective traditionnelle (fondée sur les Textes sacrés), par détruire ces barrières salutaires pour les gens de la masse, – mais où l’application de certaines peines n’est ni obligatoire ni chose souhaitable dans certains cas -, pour ensuite contester les bases même de la Foi, de la Sagesse, de l’Intellect, et de la Vertu.
On le voit bien de nos jours, où sans encadrement juridico-social, beaucoup de gens délaissent l’honnêteté et l’équité dans les marchés et le commerce, délaissent, négligent ou rejettent la prière, la zakâh, le dhikr, le respect des parents et des orphelins, ou répandent ouvertement leurs hérésies (sans aucun fondement), leurs avis isolés et entrainant des méfaits pour la société, et tout en minimisant la conscience du Divin et des rites sacrés auprès des gens, glorifient en même temps leur ego et leur ignorance. Car là où le cœur se vide du Divin, il se remplit nécessairement d’autre que Lui.
Ainsi, même des avis traditionnels jugés très « durs » aux yeux de nos contemporains (qui sont encore plus barbares et dangereux, sur le plan des idées, que les « anciens »), étaient avant tout dissuasifs, car les conditions pour leur application étaient extrêmement difficiles, et en même temps, y échapper était très facile en principe (un repentir devant le tribunal suffisait, simuler la folie ou d’autres astuces), comme les sanctions pour le musulman délaissant publiquement la salât, celui qui voulait renoncer publiquement à la foi, car la sphère publique doit être conforme en principe à l’ordre traditionnel, tandis que dans le privé, les gens font presque tout ce qu’ils veulent. C’était donc avant tout la menace contre l’ordre traditionnel qui n’était pas tolérée, car l’Etat est responsable de l’ordre, de la sécurité physique de ses citoyens, mais aussi du bien commun et de sa « sauvegarde spirituelle »). Le réformisme (islâh de type moderniste, à ne pas confondre avec le tajdîd, la réadaptation traditionnelle des sciences et dimensions du Sacré, selon les nouvelles conditions propres à chaque époque) est la porte ouverte, donnant à l’ego, toute son emprise sur la société, où hérésies, individualisme, dérives et maladies de l’âme en tous genres écrasent et rongent tout sur leur passage, détournant ainsi l’Humanité de toute élévation spirituelle.
D’ailleurs, pour mieux faire avancer leurs idées, ils se cachent derrière le « prétexte » de la « tolérance », et que toutes les opinions ont droit de cité, mais une fois qu’ils prennent l’ascendant du point de vue « médiatique » ou « politique », cette « tolérance » se transforme en persécution et en « inquisition » où seule leur vision des choses peut être élevée au rang de « vérité-norme incontestable », ayant le monopole de la « rationalité », de la « sagesse » et de la « vertu ». Les autres opinions deviennent « illégales » ou « inadmissibles », sont « criminalisées » et accolées de sobriquets et de « terrorisme intellectuel » tels que « horribles », « barbares », « terroristes », « obscurantistes », etc., et où, comme par « magie », seules leurs opinions, – au demeurant pas plus rationnelles, – voire moins – que celles de bon nombre de leurs opposants -, y échapperaient totalement.
Fait partie de la sagesse que d’orienter les gens dans le Bien et la Vertu, de ne pas les embrouiller ou les distraire par ce qui leur est inutile ou nuisible, et de ne pas les pousser à perdre leur temps dans ce qui ne leur procurera aucun bienfait sur le plan spirituel.
Quant aux sujets pointilleux qui n’intéressent pas le public, il n’y a pas à les jeter en pâture comme ça, surtout quand il y a un manque flagrant de sérieux, d’honnêteté et de maturité intellectuelle, il serait donc plus sage, – conseil adressé à tous les groupes -, de n’en discuter que dans des groupes fermés, avec des gens sachant prendre un minimum de recul, ou alors en présentant le sujet de façon sérieuse et nuancée, avec bienveillance et en incitant toujours à l’élévation spirituelle pour en tirer ainsi des enseignements utiles, plutôt que de vaines polémiques, des vices de l’âme ou de l’incompréhension et de la haine envers les « autres ».
Comme nous le rappelait un frère, à la fois très érudit et clairvoyant, ayant suivi l’évolution de la « mouvance réformiste » de très près : « Qui a vu sa pratique religieuse, sa relation avec Allah s’améliorer après la lecture de ce genre d’article. D’ailleurs pourquoi ils n’incitent jamais aux meilleurs des actes ? Eux-mêmes comment vivent-ils leur foi et leur pratique ? Effectivement, Allâh est un libérateur, la foi doit provoquer un sentiment d’apesanteur, un sentiment libérateur et pas un fardeau, symbolisé par un sac de contraintes (mentales avant tout). Mais est-ce qu’on parvient à élever son niveau de conscience et à concrétiser sa relation avec Allâh avec ce genre de débat ? ».
Ce sont là des questionnements pertinents, car à y regarder de plus près, si l’on devait en faire un bilan, celui-ci serait globalement catastrophique, causant des problèmes et déflagrations familiales, communautaires, sociétales et spirituelles, comme on peut déjà le voir, malgré que le réformisme (moderniste) reste un phénomène minoritaire pour le moment, Dieu merci ! Au final, il n’y a pas plus de cohésion et d’apaisement chez eux, sachant qu’à part leur opposition commune à la Tradition, ils restent très divisés entre eux puisque l’ego est au centre de leurs activités, et qu’ils n’ont au final que des opinions personnelles et donc une vision individualiste de la société et de la religion : « Tous ne vous combattront que retranchés dans des cités fortifiées ou de derrière des murailles. Leurs dissensions internes sont extrêmes. Tu les croirais unis, alors que leurs cœurs sont divisés. C’est qu’ils sont des gens qui ne raisonnent pas » (Qur’ân 59, 14). Comme nous l’informe ce verset, et bien qu’historiquement et en premier lieu, cela désigne les mécréants qui combattent la Foi, l’analogie avec ceux qui s’opposent à la Tradition islamique dans ses fondements et ses finalités, est pertinente, puisque de nombreux réformistes et « coranistes », – mais pas tous évidemment -, se sentent plus proches des athées, des islamophobes ou des anti-religieux que des sunnites ou des shiites traditionnels, qui pourtant reconnaissent Allâh et Son Messager, méditent et mémorisent entièrement le Qur’ân, le tiennent en haute estime, etc., alors que l’on ne peut pas en dire autant des « réformistes » et des « coranistes » même s’ils prétendent prendre le Qur’ân pour appui, alors qu’ils en rejettent ou en falsifient plusieurs passages.
« Ô vous qui croyez ! Ne prenez pas pour alliés, vos pères et vos frères s’ils préfèrent la mécréance à la foi. Et quiconque parmi vous les prend pour alliés… ceux-là sont les injustes » (Qur’ân 9, 23). Il ne s’agit pas ici de respect ou d’amitié, mais de conclure des alliances avec des non-musulmans ou des « injustes » et des « pervers » contre ceux qui ont la foi et qui veulent élever la Parole Divine.
De même, ces versets qurâniques de la Sûrah 49, compris à un autre niveau de lecture (mais ne contredisant nullement le sens littéral), nous renseigne bien sur leur mentalité, qui est blâmée par Allâh : « Ô vous qui avez cru (qui avez la foi) ! Ne devancez pas Allâh et Son Messager. Et craignez Allâh. Allâh est Audient et Omniscient.
Ô vous qui avez cru ! N’élevez pas vos voix au-dessus de la voix du Prophète, et ne haussez pas le ton en lui parlant, comme vous le haussez les uns avec les autres, sinon vos oeuvres deviendraient vaines sans que vous vous en rendiez compte.
Ceux qui auprès du Messager d’Allâh baissent leurs voix sont ceux dont Allâh a éprouvé les coeurs pour la piété. Ils auront un pardon et une énorme récompense.
Ceux qui t’appellent à haute voix de derrière les appartements, la plupart d’entre eux ne raisonnent pas.
Et s’ils patientaient jusqu’à ce que tu sortes à eux, ce serait certes mieux pour eux. Allâh cependant, est Pardonneur et Miséricordieux.
Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair [de crainte] que par inadvertance vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait.
Et sachez que le Messager d’Allâh est parmi vous. S’il vous obéissait dans maintes affaires, vous seriez en difficultés. Mais Allâh vous a fait aimer la foi et l’a embellie dans vos coeurs et vous a fait réprouver la mécréance, la perversité et la désobéissance. Ceux-là sont les bien dirigés, c’est là en effet une grâce d’Allâh et un bienfait. Allâh est Omniscient et Sage.
Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l’un d’eux se rebelle contre l’autre, combattez le groupe qui se rebelle, jusqu’à ce qu’il se conforme à l’ordre d’Allâh. Puis, s’il s’y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Allâh aime les équitables.
Les croyants ne sont que des frères. Etablissez la concorde entre vos frères, et craignez Allâh, afin qu’on vous fasse miséricorde.
Ô vous qui avez cru ! Qu’un groupe ne se raille pas d’un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que « perversion » lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là sont les injustes.
Ô vous qui avez cru ! Evitez de trop conjecturer [sur autrui] car une partie des conjectures est péché. Et n’espionnez pas; et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? (Non !) vous en aurez horreur. Et craignez Allâh. Car Allâh est Grand Accueillant au repentir, Très Miséricordieux.
Ô humains ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allâh, est le plus pieux. Allâh est certes Omniscient et Grand- Connaisseur.
Les Bédouins ont dit : « Nous avons la foi ». Dis : « Vous n’avez pas encore la foi. Dites plutôt : Nous nous sommes simplement soumis, car la foi n’a pas encore pénétré dans vos coeurs. Et si vous obéissez à Allâh et à Son Messager, Il ne vous fera rien perdre de vos œuvres ». Allâh est Pardonneur et Miséricordieux.
Les vrais croyants sont seulement ceux qui croient en Allâh et en Son Messager, qui par la suite ne doutent point et qui luttent avec leurs biens et leurs personnes dans le chemin d’Allâh. Ceux-là sont les véridiques.
Dis : « Est-ce vous qui apprendrez à Allâh votre religion, alors qu’Allah sait tout ce qui est dans les cieux et sur la terre ? ». Et Allâh est Omniscient.
Ils te rappellent leur conversion à l’Islam comme si c’était une faveur de leur part. Dis : « Ne me rappelez pas votre conversion à l’Islam comme une faveur. C’est tout au contraire une faveur dont Allâh vous a comblés en vous dirigeant vers la foi, si toutefois vous êtes véridiques ».
Allâh connaît l’Inconnaissable des cieux et de la terre et Allâh est Clairvoyant sur ce que vous faites » (Qur’ân 49, 1-18).
Cette Sûrah est sublime et très riche en enseignements. Le verset 1 nous informe de l’attitude du croyant, qui doit être d’écouter puis de méditer sur la Parole Divine (cf. Allâh) et les enseignements du Prophète (cf. Son Messager), et de ne pas les « devancer » par précipitation en suivant notre nafs, et obéissant à nos passions, qui ne sont pas bonnes conseillères. Là aussi, les enseignements prophétiques suivent le Qur’ân et doivent y être rattachées, sinon les incompréhensions, déformations ou tortuosités se manifestent.
Le verset 2 nous apprend que notre voix (ainsi que par extension : nos opinions, nos aspirations, etc.) ne doivent pas contrevenir à l’adab en présence du Prophète (y compris quand ses paroles ou ses actes sont évoqués en notre présence), car ce serait manquer d’adab envers la Parole Divine et Son support (qui est le Prophète Muhammad). De plus, Allâh nous informe que nous détourner de Son Prophète et de son Message, en le rendant caduque, ou en le considérant comme de simples paroles au même titre que celles des personnes ordinaires, c’est se priver de Sa Barakah, et risquer de voir nos actions devenir inopérantes et vaines, en ce sens que l’on se fourvoiera dans nos illusions et que l’on ne fera que nourrir notre ego.
Le verset 3 enseigne que, ceux qui auront suivi humblement la voie prophétique en cherchant sincèrement la piété, bénéficieront du Pardon Divin et d’énormes Bienfaits.
Le verset 4 met en garde contre ceux qui se cachent derrière de faux-prétextes, de fausses prétentions et des agendas occultes, en voulant détourner les croyants de la voie prophétique, et ces gens-là, ne sont pas de ceux qui jouissent de la clairvoyance et de l’intelligence, comme l’indique Allâh dans ce verset.
Le verset 5 inculque aux croyants, l’importance de l’endurance et de la patience, dans la résolution de leurs affaires et de leurs questionnements, jusqu’à ce qu’Allâh les éclaire et leur indique la bonne voie à suivre, notamment à travers l’exemple de Son Messager Muhammad. Comme on le sait, en raison du fait que, à la suite de leurs maigres recherches, certains n’ont pas trouvé de réponses satisfaisantes à leurs questionnements, ils ont rebroussé chemin, et se sont laissés dominés par leur ego et ont suivi la voie tortueuse et l’opinion personnelle (dénuée de fondement) des « premiers venus ».
Le verset 6 dévoile l’importance de faire attention aux paroles, prétentions, allégations et « informations » rapportées par un « pervers », qui se détourne de la voie de la sagesse et de la piété, qui souhaite semer la zizanie, éloigner les croyants de la « taqwa », de la pudeur et de la droiture, et quand bien même cette « information » rapportée serait exacte en soi, le contexte et la finalité visés par ce « pervers » doivent être analysés et pris en compte pour ne pas tomber dans son piège et nous détourner de ce que la sagesse et la piété exigent de nous. La suite nous informe que les conséquences de leurs paroles et « manipulations » entrainent des conséquences fâcheuses et que, celui qui cherche à bien faire, regrettera les méfaits causés par ses « informations » (inventées ou simplement relayées), et c’est ce que l’on voit chez un certain nombre de personnes, réformistes ou non, où les dégâts causés par leurs opinions personnelles ou les avis blâmables qu’ils enseignaient et diffusaient, ont entrainé des dommages sérieux et graves, parfois même irréversibles.
Les versets 7 et 8 parlent du fait que nous sommes « continuellement » en présence du Prophète (le verset n’indique pas une période déterminée et restreinte dans le passé), – qui est aussi une Grâce d’Allâh -, et que, ses enseignements et sa lumière (la Lumière Muhammadienne) sont des bienfaits et grâces d’Allâh, dont il convient de garder à l’esprit et de faire preuve d’adab, et que placer notre ego et nos opinions personnelles avant les enseignements prophétiques et la Parole Divine, ne ferait que nous causer des problèmes et des tortuosités, raison pour laquelle Allâh a donné prééminence au Prophète, ainsi que l’inspiration Divine, afin de ne pas être confondu par les passions humaines et les opinions personnelles déficientes. Également, le croyant qui a la foi réprouve formellement la mécréance, la perversité et la désobéissance à la Loi Divine (et ne peut donc pas aimer Ses interdits, tels que le meurtre, la sorcellerie, la débauche, le viol, l’agression fortuite, l’adultère, le vol, la calomnie, la médisance, etc.).
Les versets 9, 10 et 11 enseignent l’attitude à adopter entre les croyants et décrivent comment gérer la situation en cas de conflits entre les croyants. Ainsi, si des groupes se combattent, il faut chercher la conciliation autant que possible, et si l’un d’eux s’y refuse catégoriquement, il faut les neutraliser selon nos moyens, jusqu’à ce que, affaibli ou raisonné, le groupe rebelle se conforme à l’Ordre d’Allâh et retrouve une attitude pacifique. S’il retrouve la voie de la sagesse, il est obligatoire de les traiter avec justice et équité malgré nos ressentiments pour le mal qu’ils ont causé. Cela peut s’appliquer aussi bien aux groupes « déviants » armés (physiquement) qu’aux groupes dont la lutte est idéologique ou juridique, et qui ne combattent pas avec des armes physiques, mais par leurs mots ou leurs idées. Le passage qurânique exhorte également les croyants à ne pas se rabaisser aux injures, aux provocations gratuites et aux railleries en cas de divergence ou de dissension, car c’est là une chose bien détestable et contre-productive.
Le verset 12 insiste sur l’interdiction de médire et de calomnier, d’espionner la vie privée des gens pour salir leur honneur ou les discréditer, tout comme il met en garde contre les conjectures et les spéculations gratuites, ce qui concerne aussi les « intentions cachées » des savants décédés, et dont un certain nombre de « coranistes », de « shiites », « d’orientalistes » et de « réformistes » en raffolent, puisque spéculant sans preuve, – et tombant parfois dans la diffamation et la calomnie -, sur les motivations politiques cachées et leurs « manipulations », alors qu’ils n’en savent rien, que des faits et des informations contredisent leurs maigres éléments (souvent douteux ou isolés), et que de nombreux éléments, concernant les époques et conflits du passé, nous échappent ou nous sont difficilement accessibles, – et encore moins vérifiables -, et que ce que l’on possède, est sujet à caution. Quant aux défauts évoqués dans le verset, ils peuvent s’appliquer aux adeptes de chaque groupe, car c’est là un défaut qui peut affecter tout être humain indépendamment de sa religion, de son idéologie, de sa communauté ou de son ethnie.
Le verset 13 nous rappelle qu’Allâh a créé différentes communautés, et que le croyant, outre la connaissance et l’exploration de la Création, doit avoir pour objectif d’atteindre la piété.
Et enfin, les versets 14 à 18 nous révèlent que certains se disent « croyants » alors que la foi n’a pas pénétré leur cœur malgré une adhésion extérieure et formelle à l’Islam, et la voie du succès est celle qui consiste à se conformer à l’Ordre Divin et à se calquer sur le modèle prophétique, porteur de Baraka et de sagesse. Et qu’est-ce que la foi, sinon l’adhésion sincère à l’Islam, l’amour et l’obéissance envers Allâh et Ses bien-aimés (et en premier lieu, envers Muhammad), l’humilité dans le cheminement, l’assiduité dans la pratique, l’intelligence dans nos perceptions, la piété dans nos oeuvres, la générosité dans nos dépenses, la bonté d’âme, la bienfaisance et la bienveillance à l’égard de Ses créatures, la gentillesse et la douceur à l’égard de nos proches, le respect de Ses créatures et de leurs droits qu’Allâh leur a accordé ?
Les vrais croyants, selon le verset 15, sont ceux qui suivent Allâh et Son Messager, ce qui infirme la prétention qui voudrait faire des non-musulmans (parmi les Gens du Livre) des croyants au sens islamique, parmi ceux qui ont la possibilité (sans excuse d’aucune sorte) de suivre Allâh et Son Messager. Et ensuite que les « Véridiques » parmi les « vrais croyants » sont ceux qui ont la « certitude spirituelle » et qui dépensent de leurs biens et de leur personne, pour soutenir Sa cause, qui consiste à élever Sa Parole, soutenir les opprimés, aider les veuves et les orphelins, instaurer la Justice, repousser le mal, lutter contre la corruption, pacifier et sécuriser les pays musulmans et les nations non-musulmanes qui ne sont pas hostiles aux musulmans, etc.
Et les derniers versets dénoncent le discours de ceux qui prétendent être un « atout » pour l’Islam ou la communauté, qui font preuve d’orgueil et d’arrogance, qui s’arrogent des droits illégitimes, qui prétendent mieux connaitre l’Islam qu’Allâh, Son Messager et ses « héritiers » parmi les maîtres spirituels, et qui veulent soit abroger certains versets ou enseignements, soit en falsifier et en détourner les sens et les finalités. Or, c’est par l’Islam, – Grâce d’Allâh – qu’ils ont été honorés et non pas l’inverse. L’orgueil et l’ostentation sont donc dénoncés ici, et les croyants doivent impérativement s’en prémunir.
Dans cette Sûrah, toutes les vertus et les mises en garde qui y sont contenues, sont réunies dans le cheminement du tasawwuf, balisé et illuminé par les maîtres de la voie dans le Tasawwuf, Louange à Lui ! Et en effet, en observant et en « côtoyant » les Saints (qui sont des Rapprochés d’Allâh), et par l’expérience dont Il nous gratifie, tout cela devient palpable et bien « visible » ! Et cheminer sincèrement dans le tasawwuf, peut apporter de nombreuses réponses, et cultiver une intelligence et une clairvoyance qui peuvent facilement mettre un terme aux doutes superficiels et aux polémiques stériles qui pullulent aujourd’hui, tout comme le tasawwuf apportait déjà des réponses aux querelles théologiques ou juridiques des époques antérieures !
Pour en revenir à l’étude du courant réformiste, gardons à l’esprit que, auparavant, les discussions polémistes se cantonnaient entre les savants qui se spécialisaient dans ces questions, et n’embêtaient pas généralement les gens du commun, or de nos jours, toutes les divergences, polémiques et avis isolés remontent à la surface, et sont jetés en pâture aux gens du commun, qui manquent souvent d’esprit critique, de clairvoyance, d’intelligence et de connaissance technique, puis perdent leur temps dans ces débats sans fin et sans utilité pratique, et finissent par délaisser l’essentiel, les fondements de la foi, et corrompent aussi bien leur âme que leur esprit, alimentant le sectarisme, le fanatisme, la haine et la division, là où l’Islam enjoint chacun à mieux connaitre Allâh tout en évitant les débats polémistes et véhéments, à œuvrer concrètement et non pas à « agresser ou à humilier son prochain » (que ce soit physiquement, verbalement ou politiquement). Comment en sommes-nous arrivés là ? Tout simplement en perdant un certain « bon sens inné » et en délaissant la spiritualité. En effet, au plus on s’enracine dans la spiritualité, au plus Allâh nous élève par la sagesse, la clairvoyance, la piété et la science utile, nous donnant accès à des réalités plus profondes, à des expériences spirituelles et à une intelligence qui nous permettent de mieux distinguer les choses, d’en saisir la portée et les conséquences, et c’est ce qu’ont brillamment montré nos maîtres comme Al-Junayd, Al-Qushayrî, Abû Hâmid al-Ghazâlî, Jalâl ud-Dîn Rûmî, Ibn ‘Arabî, Sadr ud-Dîn Al-Qunawî, l’imâm As-Sha’ranî, le Shaykh Al-Munâwî, l’imâm As-Sakandârî ou plus récemment des maîtres comme l’émir Abdel Qadîr al-Jazâ’irî ainsi que le Shaykh Ahmad al-Alawî, ainsi que des métaphysiciens comme René Guénon, Seyyed Hossein Nasr, Titus Burckhardt et Martin Lings, montrant la nécessité du fiqh dans ce qu’il a d’essentiel mais aussi dans des pratiques et aspects plus secondaires, qui regorgent de bienfaits et qui sont autant de barrières contre les méfaits du modernisme. Et en vertu de la loi du symbolisme, les éléments du fiqh sont justifiés par des réalités spirituelles correspondantes, et sont ainsi un moyen d’élévation spirituelle, ce qui démontre à la fois leur utilité et leur fondement (non seulement textuel, qu’il soit qurânique ou prophétique, mais aussi spirituel, et donc conforme au Réel et à la sagesse). Cela ne veut pas dire pour autant que tous les avis juridiques sont pertinents, utiles ou bénéfiques, car il y a, comme à chaque époque, des débats et des analyses qu’il convient de laisser aux spécialistes, afin de ne garder que ce qui est profitable aux gens, et ce qui permet d’éviter, ou au moins de limiter la criminalité et les troubles à l’ordre public. Tout cela est corroboré par le Qur’ân, la Sunnah bien établie, le bon sens, l’intelligence, l’observation et les expériences spirituelles, contre lesquels rien d’autre ne saurait prévaloir, et surtout pas des opinions personnelles fondées sur la passion ou la méconnaissance de nombreuses données empiriques ou de réalités spirituelles ou même simplement psycho-psychiques.
Dans la voie spirituelle (conforme à la vision qurânique et à la Tradition prophétique, et remontant jusqu’aux sahaba, aux ahl ul bayt et donc jusqu’au Prophète Muhammad, – ‘alayhî salât wa salâm), on nous apprend à nous concentrer sur l’essentiel dans le fiqh, à nous préserver des interdits catégoriques, à nous focaliser sur les obligations religieuses, à nous conformer aux fondements de la foi (tels qu’évoqués dans le Qur’ân), à exempter Allâh des imperfections et des modalités propres à Ses créatures, et à nous adonner à des exercices spirituels trouvant leurs fondements dans le Qur’ân et la Sunnah bien établie, et voilà que la réforme spirituelle opère de l’intérieur jusqu’à se manifester à l’extérieur, trouvant l’apaisement, nous détachant des polémiques stériles, nous faisant voir les choses autrement, nous donnant accès à des stations et visions spirituelles plus élevées et profondes, nous éloignant des illusions et des attaches matérielles de ce bas-monde, à travers un cheminement initiatique qui dure tout le long de notre séjour terrestre, et où les cheminants se concentrent davantage sur ce qui fait consensus et qui constitue les grands principes de l’Islam, tout en cultivant les valeurs morales et les vertus spirituelles, ce sur quoi nous serons d’ailleurs interrogés essentiellement le Jour du Jugement.
Et pour résumer, nous avons d’un côté tout un patrimoine civilisationnel composé des plus grands maîtres spirituels, théologiens, logiciens, juristes, muhaddithins, exégètes, scientifiques, poètes, linguistes, encyclopédistes, historiens, qui a été retravaillé et élaboré à chaque époque par de grands spécialistes, et qui l’est encore de nos jours, et dont il a toujours existé des divergences juridiques ou théologiques qu’il n’est pas question de nier (et qui méritent d’être résolues dans un cadre intellectuel, serein et productif), et de l’autre, des personnes qui ne sont pas des sommités dans leur domaine, et qui contestent à peu près de tout, de façon hystérique et peu convaincante (sur le plan intellectuel) et dont les méthodes sont douteuses et contradictoires, de même que leurs prétentions et leurs ambitions. De même, ils nous invitent, inconsciemment pour certains, à tourner le dos aux plus beaux enseignements éthiques et spirituels de nos maîtres spirituels authentiques, et à se priver de leurs magnifiques méditations qurâniques et sagesses prophétiques, et ne pas les suivre dans leur mode de vie (fondé sur la sagesse, l’acquisition du savoir utile, les longues méditations qurâniques, le dhikr, leurs valeurs morales, les bonnes œuvres qu’ils accomplissent au quotidien, etc.), mais répondre à l’invitation de ces réformistes, serait synonyme d’une mort spirituelle et d’une dégénérescence intellectuelle sans pareille. La sagesse nous pousse nécessairement à ne pas les suivre dans leur chemin rempli de tortuosité, d’impasses, de lacunes et de travers en tous genres.