Les vertus de la discrétion dans ce monde sont nombreuses, puisque cela peut préserver de la calomnie, de l’arrogance, de l’orgueil, de l’ostentation, de l’esclavage des hommes (la célébrité et la notoriété étant souvent liées à des choses dont la personne est dépendante voire même esclave, devant s’exécuter devant les ordres et les exigences imposés par le gouvernement, une entreprise, un mécène, un média, etc., et étant aussi forcé d’accepter un certain compromis, sous peine d’être diabolisé, licencié ou humilié par ceux qui l’employaient auparavant), l’hypocrisie et la duplicité. Rien ne vaut ainsi le fait de vivre de façon modeste et tranquille, sans devoir rendre des comptes à quiconque si ce n’est à Allâh et à nos proches, de même que le plaisir de voyager sans que l’on soit (re)connu est un bienfait inestimable, où le voyage devient synonyme de liberté où les pressions et les angoisses disparaissent.
Dans la Tradition islamique, cet idéal, – quand les conditions le permettent (notamment pour ceux qui ne doivent pas occuper une fonction publique, bien qu’ils doivent réaliser cet « anonymat » de façon intérieure, en se libérant de l’emprise du monde extérieur) -, est promu par le Prophète (ﷺ).
Le Prophète Muhammad ﷺ a dit en effet ceci : « Renonce à ce bas monde et Allâh- Exalté soit-Il – t’aimera et renonce à ce que les gens possèdent et les gens t’aimeront » (1).
Yazid Ibn Aslam rapporte de son père que notre maître ‘Umar se rendit un jour à la mosquée où il trouva notre maître Mu’adh Ibn Jabal en train de pleurer auprès de la tombe du Prophète (ﷺ). A la question : « Pourquoi pleures-tu ? ». Mu’adh répondit : « Des paroles que j’avais entendues du Prophète ﷺ. Il a dit : « L’ostentation (riyâ‘), dans sa forme la plus simple, est une (sorte d’) association à Allâh. Et quiconque se fait un ennemi des bien-aimés d’Allâh entre de fait en duel avec Allâh. Or, Allâh aime les bons, les pieux et ceux qui sont effacés (aiment rester en retrait) : dont on ne remarque point leur absence et sont méconnus pendant leur présence. Leurs cœurs sont des lanternes de guidée et les flambeaux de la science. Ils sortent de toute Fitna (tentation) ténébreuse » (2).
Le Prophète Muhammad ﷺ a dit : « Le plus enviable des hommes à mes yeux est celui à qui la Prière procure le repos, qui obéit à son Seigneur, qui multiplie en secret les dévotions, qu’on ne montre pas du doigt, qui reste discret au milieu des gens, qui vit de ce qui lui suffit, dont les vœux sont rapidement exaucés, dont l’héritage est maigre et qui est peu pleuré » (3).
Dans un autre hadîth : « Celui de mes amis qui a le meilleur rang à mes yeux est un homme à qui la Prière procure le repos, qui pratique en secret les dévotions envers son Seigneur de la meilleure façon possible, qui reste discret (ou inconnu) au milieu des gens, qu’on ne montre pas du doigt, dont les vœux sont rapidement exaucés, dont l’héritage est maigre et qui est peu pleuré » (4).
Un imâm, juriste, ascète et sûfi parmi les Pieux prédécesseurs, Al-Fudayl Ibn-’Iyyâd, disait à ce sujet : « Si tu peux être un inconnu, alors sois-le. Cela importe peu que tu ne sois pas connu des gens, et cela importe peu qu’on ne te lance pas de louanges. De même qu’il importe peu que tu sois blâmable aux yeux des gens si tu es digne d’éloges auprès d’Allâh, le Puissant, le Majestueux » (5).
Notes :
(1) Hadîth rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân, At-Tabarânî dans Al-Kabîr, et Al-Hâkim dans Al-Mustadrak d’après Sahl Ibn Sâ’d Assa’ïdi
(2) Hadith rapporté par Ibn Mâjah, Abû Nu’aym dans Hilyat al-awliya’ 1/5, par Al-Bayhaqî dans Az-Zuhd al-Kabir n°195, Al-Muttaqî dans Kanz ul Ummâl 1/269. et Al-Hakim dans Al-Mustadrak ; certains ne rapportent qu’une partie du hadîth
(3) Rapporté par Al-Bayhaqî dans Az-Zuhd al-Kabir n°196 selon Abu Umâma, par Ibn al-Mubârak dans Kitâb al-zuhd wa-lraqâ’iq, Appendice, p. 54, n°196 ; par Al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ 3/294 ; par al-Muttaqî dans Kanz al-’Ummâl 1/169 ; par Al-Munâwî dans Fayd al-Qadîr 2/427, n°2210 incluant un commentaire d’Ibn ’Arabî
(4) Rapporté par Ahmad dans son Musnad 5/252&255 et dans son Kitâb al-zuhd p. 25, n°55, par Abû Nu’aym dans Hilyat al-awliya’ 1/25 ; par Al-Bayhaqî dans Shu’ab al-îmân 5/329, n°6814 et d’autres.
(5) Rapporté par Al-Bayhaqî dans Al-Zuhd Al-Kabîr n°148