Réponse aux accusations et aux affirmations de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb à l’encontre des Savants et des Musulmans de la Ummah

Bien que le wahhabisme/salafisme soit répandu et connu dans les débats contemporains, entre leurs adeptes ou leurs ennemis déclarés, trop de choses demeurent encore méconnues car rares sont les gens qui tentent d’analyser le phénomène en profondeur, les gens préférant se contenter de quelques généralités – souvent abusives ou trompeuses -.

Nous renvoyons nos lecteurs aux autres articles abordant le sujet du wahhabisme pour de plus amples détails, car le présent exposé visera à répondre aux accusations principales du fondateur du courant wahhabite (qualifié de secte, au sens péjoratif, par pratiquement tous les autres courants de l’Islam) à l’encontre de la Communauté musulmane dans son ensemble.

Prétention indirecte de connaitre le « Ghayb » et calomnie, takfir de masse et la question du tawassul et des mausolées

Prétention indirecte de connaitre le « Ghayb » (l’Invisible) et calomnie

Ce que Mohammed ‘ibn Abd al-Wahhab a dit dans une de ses lettres, compilées dans le recueil ad-Dûrar as-Saniyyah (10/50-52), et qui est d’une extrême gravité :

« Lorsque ces diables orgueilleux en apparence humaine voient quelqu’un enseigner aux gens ce que leur a ordonné le Prophète Muhammad, (), c’est-à-dire la Shahada, la ilaha illa Allah, ils commencent à se plaindre, mettre des ambiguïtés aux gens et disent : « Comment pouvez-vous rendre mécréants les musulmans ? Comment pouvez-vous parler ainsi sur les morts ? » – Ceci avec le but que la signification de la ilaha illa Allah ne soit pas expliquée aux gens … En ce qui me concerne, par Allâh, en dehors duquel il n’existe personne, ni rien qui mérite d’être adoré, je cherchais la science et ceux qui me connaissaient croyaient que j’en avais, mais à cette époque je ne connaissais pas la (véritable) signification de la ilaha illa Allâh, je ne connaissais pas la Religion d’Islâm avant ce bien qu’Allâh nous a donné. De même, parmi mes savants il n’y en avait aucun qui connaissait cela. Celui qui, parmi les savants, affirme malgré tout qu’il le savait, qu’il savait la signification de l’Islam … ou affirme qu’un de ses savants à lui le savait, alors il ment et met des ambiguïtés aux gens … De ce fait, craignez Allâh, ô les serviteurs d’Allâh ! Ne soyez pas orgueilleux envers votre Seigneur et envers votre Messager (). Faites des louanges à Allâh Le Très-Haut, Celui qui vous a guidé vers le bien … ».

Propos que l’on peut retrouver aussi en substance dans sa Lettre 28 de sa correspondance dans Ar-Rasâ’îl as-Shajsiyya (8/186-187), celui-ci dit : « Je vous informe de ma part que par Allâh, en dehors de Qui il n’y a pas de divinité, j’ai cherché la connaissance [pendant longtemps]. Les gens m’ayant connu [à cette époque] pensaient que je possédais des connaissances. Cependant, à cette époque-là, je ne connaissais pas le sens de « Il n’y a pas de Dieu si ce n’est Dieu », ni je ne connaissais la religion de l’Islam, jusqu’à ce qu’Allâh me fasse la grâce de le comprendre. De même, aucun de mes Maîtres n’a compris ce sens. Et celui qui, parmi les savants de la région de al-‘Âridh, croit connaître le sens de « Il n’y a pas de Dieu si ce n’est Dieu » ou croit connaître le sens de l’Islam avant cette époque [où il m’a été donné de le comprendre], ou croit qu’un de ses Maîtres a pu le comprendre, est un menteur et un charlatan qui trompe les gens et s’arroge des titres qu’il n’a pas ».

Nous disons donc quant à ses propos : par Allâh, il ment et mélange le vrai au faux, et n’a pas maitrisé le Tawhîd, lui-même n’étant pas capable de distinguer entre ce qui relève du Tawhîd et ce qui le contredit (le shirk), puisque qualifiant le Tawassul licite (demander aux défunts près de leur tombe d’invoquer Allâh pour nous – choses qui ont été établies dans le Qur’ân implicitement et dans la Sunnah prophétique explicitement, ainsi que par l’expérience -), dont le principe du tawhîd régit aussi bien les vivants ici-bas que ceux qui ont quitté ce bas-monde parmi les pieux et les vertueux, puisque dans les 2 cas il s’agit d’une demande d’intercession pour qu’ils invoquent Allâh Seul pour nos besoins, et non pas de les adorer ou de les invoquer en dehors d’Allâh, comme beaucoup de wahhabites le prétendent. Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb prétendait ainsi connaitre le « ghayb » dans sa totalité indirectement, pensant connaitre le contenu des cœurs et de l’intelligence de tous les savants de son époque, qui seraient des mushrikins selon lui – alors qu’il n’en connaissait même pas 1% personnellement – incapables de comprendre les fondements du Tawhîd, alors qu’ils puisaient leur compréhension non seulement par l’intellect et la fitra, mais aussi par le Qur’ân, la Sunnah et les ouvrages de ‘aqida transmis de génération en génération depuis l’époque des Salafs, et abondamment commentés et développés, tout cela indique que Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb lui-même a commis une forme de kufr et de shirk, s’attribuant l’Omniscience et la capacité de connaitre le ghayb par lui-même – sans dévoilement spirituel accordé par Allâh sur une chose de l’Invisible -, en plus de commettre une calomnie manifeste et une exagération hallucinante. Il est en cela comparable à certains shiites extrémistes, qui prétendent connaitre le Ghayb et qui, tout en contredisant le Qur’ân, la Sunnah et les enseignements authentiques des Ahl ul Bayt, affirment sans preuve que Abû Bakr As-Siddiq, ‘Umar al-Farûq, ‘Uthmân Ibn Affân, ‘Aîsha et tant d’autres personnes de l’entourage proche du Prophète (ﷺ) font partie des gens de l’Enfer, alors qu’Allâh, Son Messager, les Ahl ul Bayt et les Saints nous ont clairement informé du contraire ! De même pour les shiites extrémistes qui attribuent à certains de leurs imâms issus de la famille alide des attributs propres à Allâh tels que l’Omnipotence et l’Omniscience, choses que les pieux imâms alides n’ont jamais affirmé, bien au contraire !

De même, il a rajouté des conditions aux fondements de la foi et aux annulatifs de la foi qui n’existaient pas du temps du Prophète (ﷺ) et des Compagnons, innovant là de façon blâmable et rendant les gens confus, au point que nombre de ses adeptes, jusqu’à nos jours, ont sombré dans le takfirisme, le kharijisme, la schizophrénie et sont rongés par les insufflations sataniques, ne sachant toujours pas distinguer entre le Tawhîd et le Shirk, entre le Harâm et le Halâl, entre ce qui relève de la ‘aqida et ce qui relève du fiqh, lui-même ayant amoindri le Tawhîd et établi des distinctions qui n’avaient pas lieu d’être, concernant le Tawhîd par rapport aux vivants ici-bas et à ceux qui avaient quitté ce bas-monde. Il a semé la fitna, tué des savants vertueux et adeptes du Tawhîd, rendu tortueux le Sentier d’Allâh et éloigné les gens de la piété, de la sagesse et de la clairvoyance, inventé une secte et dévié du Tawhîd, de l’éthique islamique, de la spiritualité et des règles subtiles caractérisant le fiqh, s’opposant ainsi au Qur’ân, à la Sunnah, aux Salafs et aux savants venus après eux, au point où il a même contredit le Shaykh Ibn Taymiyya sur de nombreux points. Il s’en est pris aux Musulmans orthodoxes, aux pieux comme aux pervers, aux adultes et aux enfants, et s’est opposé à l’Islam traditionnel transmis depuis l’époque des Salafs. Quand des savants venus de l’étranger venaient l’interroger sur certaines questions, il faisait de la taqiyya (dissimulation), leur disant ce qui était conforme à l’Islam traditionnel pour que les savants venus de l’étranger, une fois de retour chez eux, disent qu’il était sur la Voie de l’Islam traditionnel (sunnisme orthodoxe) et qu’il fallait le soutenir, or en interne, Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb disait l’inverse, car ce qu’il disait aux « étrangers » était le contraire de ce qu’il prêchait à ses adeptes, et qui était source de conflits et de graves dissensions. Sur le takfir, sur Ibn ‘Arabî, sur le Tawassul et le Tasawwuf, il reniait – auprès des savants étrangers – remettre cela en question, mais auprès de ses adeptes, et comme l’ont compilé ses adeptes parmi les lettres écrites par lui, on y trouve l’exact contraire, ainsi que la preuve d’une mentalité sectaire et d’une ignorance des principes de la Religion, des règles du fiqh, de la saine compréhension du Tawhîd et de ce qu’implique le Tasawwuf en termes de connaissance, d’adab et de sagesse. Car en effet, si son message était celui des savants sunnites des 4 coins du monde musulman, pourquoi s’en prenait-il férocement aux imâms de la Sunnah parmi les savants des 4 écoles juridiques ? Pourquoi les accusait-il d’hérésies, de kufr et de shirk ? Pourquoi les calomniait-il dans ses lettres et sermons ? Pourquoi disait-il que seul lui avait compris le Tawhîd et non pas les savants de sa région (se basant sur les traités théologiques et juridiques des imâms du Salaf, citant le Qur’ân et la Sunnah) et ceux qui ne voulaient pas lui prêter allégeance ?

Pourquoi appelait-il au takfir de masse (chose interdite en Islam, le takfir se faisant au cas par cas après l’établissement de preuves catégoriques en interrogeant la personne directement) ? Nous avons un cas intéressant illustrant ce fait, notamment celui du takfir des musulmans de la localité d’Huraymilâ – dont le juge de la ville était Sulaymân Ibn ‘Abd al-Wahhâb le propre frère du fondateur du wahhabisme – en 1165 H par Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb et ses adeptes. Les wahhabis accusaient tous les musulmans de cet endroit d’être des apostats idolâtres s’opposant au Tawhîd, à Allâh et à Son Messager, – c’est ce qu’on lit dans leurs ouvrages décrivant l’événement dont celui de leur principal chroniqueur Hussayn ibn Ghanam qui avait déformé pas mal de choses -, alors que dans les ouvrages relatés par les habitants d’Huraymilâ nous y apprenons l’inverse, à savoir qu’ils étaient les adeptes du Tawhîd et de l’Islam orthodoxe, et qu’en raison de leur refus de prêter allégeance aux khawarij (les wahhabites), Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb et ses combattants les avaient calomnié et considéré comme des apostats qu’il fallait réprimer et combattre. Même chose pour les habitants musulmans d’autres localités, comme celle de Manfûha. Dans ses chroniques, il qualifie sans cesse ses opposants et détracteurs « d’apostats » et « d’idolâtres » et uniquement son camp (les wahhabi) de « musulmans », mais sans jamais mentionner les causes (selon eux) de leur apostasie. Or, on sait qu’ils les considéraient comme des musulmans juste avant leur refus ou volonté de ne pas ou plus être sous leur coupe politique et idéologique, car non-conformes à l’Islam ni à leur volonté politique d’autonomie par rapport à l’autorité wahhabite. Ibn Ghanam écrit ainsi à la page 98 de Rawdatu Al-Afkaar (avec la vérification de Nasîr Al-Dîn Al-Asad) en décrivant une attaque faite par Ibn Sa’ûd sur Riyâd en 1160 H (environ 5 ans avant le conflit) : « Muhammad ibn Sa’ûd marcha avec les gens d’Al-’Uyaynaa, Al-Huraymilâ, les gens de Dir’iyya et ses villages ainsi que le peuple de Manfûha dans le mois de Rabî’ Al-Awwal 1160 ».

Ibn Gahanam écrira que les gens de Huraymilâ n’ont apostasié qu’en 1165 H, ce qui implique qu’ils étaient considérés comme Musulmans et « muwahhidîn » (adeptes/gens du Tawhîd) avant 1165, ce qui signifie qu’ils furent désignés apostats uniquement pour des raisons politiques et idéologiques et non pas islamiques. Ibn Ghanam écrit aussi à la page 99 concernant l’allégeance de se battre pour la religion donnée par les gens de Al Huraymilâ : « Puis vint (‘Uthmân ibn Mu’ammar, gouverneur d’Al-’Uyayna) vient à eux 2 (Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb et Ibn Sa’ûd) et il y avait avec lui les gens de Al-Huraymilâ et de Al-’Uyayna. Ils dirent qu’ils feraient le jihâd et se tiendraient pour la religion peu importe le lieu (…) ». Là encore, aucune pratique shirki (ou jugée comme telle par les wahhabites) ne fut identifiée comme étant la cause du takfir puisque juste avant cette accusation d’apostasie les habitants de la localité étaient considérés comme musulmans et n’avaient pas introduit de nouvelles pratiques entre temps.


Le tawassul et les mausolées

Par contre, dans d’autres cas, pour les wahhabis, construire des tombes un peu plus élevées et des mausolées pour honorer les défunts pieux sans les adorer, cela relèverait non seulement du « harâm » mais aussi du shirk pour nombre d’entre eux, contredisant une fois de plus le Tawhîd conformément au Qur’ân et à la Sunnah, qui ne dépend pas de la hauteur de certaines bâtisses (sinon les mosquées et les immeubles aussi seraient des « bâtiments de shirk ») mais de l’intention, de la doctrine et de la finalité. Avec ou sans tombe élevée, des ignorants peuvent commettre le shirk.

Voici la lettre du juge et mufti de la Tunisie à l’époque de Mohammed ibn ‘Abd al-Wahhab, ‘Umar al Mahjûb (décédé en 1807), en réponse à Mohammed ibn ‘Abd al-Wahhab. Cette lettre est mentionnée dans 2 ouvrages Histoire des rois de Tunisie et du protectorat de l’historien tunisien Ahmad Abi Dhiaf et Réplique aux wahhabites et dhahirites du Shaykh Ibrahim Alatar As-Samdûni.
Nous ne citerons ici que le passage concernant les coupoles construites au-dessus des tombes :
« Quant à ta pratique de démolir les coupoles construites au-dessus des tombeaux des saints sans distinction entre les lieux fréquentés et abandonnés c’est la catastrophe absolue et l’injustice terrible par laquelle Allâh t’a égaré malgré ton savoir : « Qui donc est plus injuste que celui qui a empêché qu’Allâh soit invoqué dans Ses maisons et s’est attelé à les détruire ? Ceux-là ne devraient y entrer qu’apeurés ; ils auront la perte dans ce monde et un énorme châtiment dans l’Au-delà » (Qur’ân 2, 114). On dirait que tu as entendu dans une réunion des hadiths interdisant de construire sur les tombes et tu les as pris globalement sans explication, brutalement sans pesée ni mesure, puis tu en as fait ton cheval de bataille pour attaquer et brutaliser en démolissant les constructions sur les tombes des saints et des savants. Si tu avais discuté avec les imâms et demandé clarification auprès des guides de la communauté (musulmane) qui ont plongé dans les profondeurs de la Shar’îah, qui ont affronté les questions les plus coriaces, qui ont résolu la majorité des cas et qui en connaissent les motivations, ils t’auraient informé que cet avertissement s’applique à la construction dans le cimetière fait pour accueillir les sépultures du commun des musulmans car ils ne laisserait pas la place pour d’autres tombes et provoquerait des travaux au-dessus de certains défunts, et les ahadiths ne concernent pas des tombes isolées ».

Al-Hâfiz Ibn Hajar Al-`Asqalânî As-Shâfi`î écrit dans son Fath Al-Bârî (1/626) : « Et Al-Baydâwî a dit : « C’est parce que les Juifs et les Chrétiens se prosternaient devant les tombes de leurs Prophètes en exagérant dans leur révérence [envers eux] et en les prenant comme direction [qibla] vers laquelle ils se tournaient durant la prière, faisant ainsi d’elles des idoles; qu’ils furent maudit et qu’il fut empêché aux musulmans ce type d’agissement. Concernant la construction d’une mosquée à proximité [de la tombe] d’un pieux recherchant ainsi la bénédiction [tabarruk] par la tombe [ndt : le vertueux qu’Allâh bénit par Sa Barâka illuminera et bénira le lieu, et il ne sera alors qu’un support pour bénéficier de la Bénédiction Divine, support qui ne doit jamais être adoré ou divinisé bien entendu] et non en vue d’exagérer dans leur vénération, ou de se tourner vers elles [pour prier]; cela ne rentre [absolument] pas dans cette interdiction » ».

Al-Baydawî As-Shafi`î écrit effectivement dans son Tuḥfat al-Abrār Sharḥ Maṣābīḥ as-Sunnah (1/257) : « C’est parce que les Juifs et les Chrétiens se prosternaient devant les tombes de leurs Prophètes en exagérant dans leur révérence [envers eux], et en les prenant comme direction [qibla], et se tournaient vers elles durant la prière, faisant ainsi d’elles des idoles ; qu’ils furent maudits (privés de Bénédictions) et qu’il fut empêché aux musulmans ce genre d’agissement en leur interdisant cela. Concernant la construction d’une mosquée à proximité [de la tombe] d’un pieux, ou le fait de prier en étant sur sa tombe sollicitant ainsi l’aide de son âme [rûh] ou de l’atteindre par une relique de ses adorations [qu’il avait l’habitude d’utiliser], sans exagérer dans sa vénération et sans se tourner vers elle [durant la prière], alors il n’y a rien de mal dans cela. Ne voyez-vous pas la tombe d’Ismaël (‘alayhî salâm) dans la mosquée de la Mecque ? Et cette mosquée est la meilleure mosquée dans laquelle on peut prier. Et l’interdiction de prier dans les cimetières se référent uniquement à celles qui sont découvertes dû aux impuretés [najâsa] qu’il y a ».

Al-Imâm Shihâb ad-Dîn Ahmad Ibn Muhammad Ibn `Umar Al-Khafâjî Al-Misrî Al-Hanafî (m. 1069 H) dans sa glose de l’exégèse du Qur’ân d’Al-Baydâwî qu’il nomma Hâshiyya As-Shihâb Al-Musammâ `Inâya Al-Qâdî wa Kifâya Ar-Râdî `alâ Tafsîr Al-Baydâwî (6/87) écrit : « {Une mosquée} est une preuve concernant l’autorisation de la construction [de mosquées] au-dessus et à côté des tombes des pieux, tout comme cela est mentionné dans Al-Kashâf et il est [également] autorisé de prier dans ces constructions ».

Al-Hâfiz An-Nafasî dans son exégèse du Qur’ân s’intitulant Tafsîr An-Nafasî Madarik al-Tanzil wa-Haqa’iq al-Ta’wil (2/293) écrit sous le verset : « Et c’est ainsi que Nous fîmes qu’ils furent découverts, […] Mais ceux qui l’emportèrent dans cette affaire dirent : « Construisons sur eux une mosquée » » (Qur’ân 18, 21) : « {Ceux qui l’emportèrent dans cette affaire} parmi les musulmans et les dirigeants qui dirent de {construire} sur la porte de la grotte une {mosquée} où les musulmans [de l’époque] prieront et bénéficierons des bénédictions à travers l’endroit [où sont les corps] ».

Allâh dit : « C’est ainsi que Nous avons fait connaître leur retraite pour bien montrer aux habitants de la cité que les promesses de Dieu s’accomplissent toujours et que la résurrection ne fait pas l’ombre d’un doute. Une dispute s’engagea alors à leur sujet, entre les gens de la cité. « Murons-les sous une maçonnerie, de manière que seul leur Seigneur soit au courant de leur mystère », dirent quelques-uns. Mais ceux dont l’avis l’emporta furent ceux qui dirent : « levons au-dessus d’eux un sanctuaire ! » (Qur’ân 18, 21).

Cela ne fut pas abrogé, et c’est aussi la preuve qu’un édifice, en soi, n’est pas de l’idolâtrie, ni nécessairement illicite. Dans le Qur’ân, l’abrogation de cette permission n’est pas mentionnée, or il faut une abrogation explicite (du Qur’ân pour certains ulamas, tandis que d’autres disent qu’un hadîth sahîh mutawatir est suffisant) pour interdire une chose auparavant licite. Quand Allâh condamne une pratique blâmable dans le Qur’ân, Il cite la chose en soi, puis précise son statut juridique selon les différents rapports ou les utilisations qui en sont faites. Or ici, il n’est pas précisé que cela relève du blâmable, de l’interdit, d’une abomination, ou qu’il s’agit d’une pratique exclusive aux « injustes », aux « pervers », aux « égarés », aux « ignorants », aux « mécréants », etc. Par ailleurs, voici comment l’ont interprété les plus grands exégètes, dont nous en citerons que quelques-uns : « C’est ainsi que Nous avons fait connaître leur retraite pour bien montrer aux habitants de la cité que les promesses d’Allâh s’accomplissent toujours et que la résurrection ne fait pas l’ombre d’un doute ».

Al Imâm Ismâ’îl Ibn Kathîr a dit dans son Tafsîr ul Qur’ân ul ‘Azîm : « C’est-à-dire qu’au même titre que Nous les avons fait dormir puis réveiller en étant physiquement intact, Nous avons rendu leur histoire connue auprès des gens ».  « Une dispute s’engagea alors à leur sujet, entre les gens de la cité. « Construisez sur eux un édifice. Leur Seigneur les connaît mieux », dirent quelques-uns. Mais ceux dont l’avis l’emporta furent ceux qui dirent : « Élevons au-dessus d’eux un sanctuaire ! » ».

Al Imâm Muhyî us Sunnah Al Baghawî rapporta dans Ma’âlim ut Tanzîl que Sayyidunâ ‘Abdullâh Ibn ‘Abbâs a dit : « Ils se disputaient au sujet de la construction. Les musulmans [ndt : les monothéistes de la communauté religieuse fidèle aux prophètes de cette époque] dirent : « Construisons sur eux une mosquée [lieu de prière conforme aux directives prophétiques de l’époque] où les gens prieront pour eux car ils sont des adeptes de notre religion ». Tandis que les idolâtres dirent : « Construisons sur eux un bâtiment [dédié à notre religion] car ils sont de notre lignée » ».

Al Imâm Abû Ja’far Ibn Jarîr At Tabarî rapporta dans son Jâmi’ ul Bayân Fî Tafsîr ul Qur’ân que le Tâbi’î ‘Abdu Llâh Ibn ‘Ubayd Ibn ‘Amîr a dit : « Les idolâtres dirent : « Nous allons construire un édifice sur eux, ils sont les fils de nos pères, et nous adorerons Dieu en son sein», tandis que les musulmans déclarèrent : «Nous avons plus de droit sur eux, nous construiront assurément une mosquée [ndt : terme désignant pour les époques antérieures à l’islam, des lieux de prière dédiées à Allâh] sur eux pour y prier et y adorer Allâh ! » ».

Et dans la Sunnah, cette abrogation n’est pas claire, et il y a même des éléments qui tendent à montrer la permissivité (peut-après après une courte période d’interdiction relative le temps que les musulmans assimilent le tawhîd et les règles de bienséance) de cette pratique. Ici l’acte en soi n’a pas été condamné comme étant de l’idolâtrie ou un acte illicite (peu importe quels étaient les actes et idéologies des personnes en question qui avaient décidé d’élever le sanctuaire). Si un mécréant respire, son acte n’est pas forcément illicite, c’est Allâh qui informe du statut illicite d’une chose avec Sa Parole. Et parmi les anciennes communautés, certaines pratiques étaient celles qui furent révélées par Allâh (en excluant celles déformées ou inventées par des êtres humains). Que ce soit des monothéistes ou des idolâtres qui pratiquent une chose, dans le fiqh il faut une preuve pour interdire une pratique. Dans le verset un fait et une pratique ont été mentionnés, mais la nature de cette pratique n’a pas été condamnée ni abrogée.

Il est établi que le Prophète Muhammad (ﷺ) plaça un rocher au-dessus de la tombe de ‘Uthmân Ibn Maz’ûn (qu’Allâh l’agrée) en disant : « Avec cela, je distinguerais la tombe de mon frère [de lait], et enterrez-y plus tard ceux qui décèderont parmi mes proches parents ». Ceci est rapporté d’après un compagnon non-nommé par Abû Dâwud et Al Bayhaqî dans Sunân Al Kubra 3/412, Ibn Al Mulaqqîn dans Tuhfat ul Muhtaj 2/29 et d’autres. Le texte complet indique que le Prophète (ﷺ) demanda à un homme de placer un rocher sur le dessus de la tombe de ‘Uthmân Ibn Maz’ûn. Lorsqu’il fut incapable de le déplacer, il (ﷺ) retroussa ses manches et l’aida, c’est alors que la blancheur de ses bras apparut. Ibn Maz’ûn fut le premier des Muhâjirûn inhumé à Baqî’ ul Gharqad. Ibrâhîm, le fils du Prophète (ﷺ), fut enterré à côté de lui. Et Kharîjah Ibn Zayd a dit : « C’est comme si je me voyais lorsque nous étions jeune homme du temps de ‘Uthmân [Ibn ‘Affân] (qu’Allâh l’agrée). Le plus fort d’entre nous en saut en hauteur était celui qui arrivait à sauter par-dessus la tombe de ‘Uthmân Ibn Maz’ûn » ». Le Shaykh du Hadith al-Ghumarî a commenté cela en disant : « Je dis ça car sa tombe était très haute car le Prophète avait mis juste à côté d’elle une grande pierre pour qu’elle soit connue. Et à l’époque des Khulafa, on a reconstruit la tombe sur cette pierre que le Prophète a mis car celui qui rapporte cette parole ne dit pas « on saute sur la pierre » mais sur la tombe, donc on a construit sur la tombe ». Ce récit est rapporté par Al Bukhârî dans son Sahîh au chapitre intitulé « Placer un tronc sur le dessus d’une tombe ».

Ibn Hajar a dit dans Fath ul Bârî : « Al Bukhârî rapporta ceci avec sa chaîne dans At Tarîkh us Saghîr (1/42) […] Il contient la preuve qu’il est licite d’augmenter la hauteur d’une tombe et de l’élever au-dessus de la surface de la terre ». A d’autres endroits, il fut rapporté avec sa chaîne de transmission, et d’autres récits vont dans ce sens, et aucun récit bien établi n’interdit formellement cela lorsque cela ne conduit guère à l’idolâtrie ou à des pratiques réprouvées.

Ibn Abî Shayba a dit dans son Musannaf, waki` nous a rapporté de Ussama ibn Zayd qui a rapporté de `Abdullâh ibn Abî Bakr qui a dit : « J’ai vu la tombe de `Uthmân ibn Madghûn élevée ». Le Shaykh Al Ghumarî dit : « Cela est une preuve que cette tombe était une construction élevée ». D’autres savants cependant n’en font pas la même interprétation. Or le but d’une telle chose est de distinguer la tombe de celles des autres, et le résultat est que, ce qui est lié à la tombe est bien surélevée, donc le Prophète (ﷺ) l’a permis, et par analogie, surélever la tombe pour les musulmans n’est pas du shirk ni illicite, sauf si l’on craint l’idolâtrie et l’exagération, et Allâh est plus savant sur toute chose.

Plusieurs grands savants malikites l’ont autorisé également, comme Abû-l-Hassan al-Qassar Al-Hattab dans son Mawahib al-Jalil (2/245-246), Ibn Rushd dans son Bayan wa Tahsil (2/219-221) Ad-Disuqi dans sa Hashiya (1/673) et d’autres, chacun avec certaines conditions.

Ibn Hazm le zahirite dans son Kitab al-Muhallâ (5/133) l’a autorisé aussi. Al-Ubbi a dit dans son commentaire du Sahîh de Muslim : « Un des savants shafi’ites a dit une fois que les Juifs et Chrétiens se prosternaient sur (ou en direction) des tombes des Prophètes – que la Paix Divine soit sur eux -. Ils voulaient en faire des qibla [directions vers lesquelles on se tourne] pour se prosterner, et ils les prirent comme idoles. Les musulmans ont été prévenus de cela par une claire interdiction. Toujours est-il que pour celui qui veut construire une mosquée près d’un homme pieux, ou veut prier dans un cimetière avec pour but de tirer une bénédiction de cela, ou par désir que sa demande (invocation adressée à Allâh) soit acceptée, alors il n’y a aucun mal en cela. La preuve qui autorise cela est que la tombe de sayyidûna Ibrahim (‘alayhî salâm) se trouve dans la zone où l’on prie dans la Mosquée Sacrée ». Il était Abû Abdallah Muhammad ibn Khalifa al-Washtani al-Ubbi al-Maliki (m. 827 H).

Le nom de ce commentaire est appelé Ikmal al-Mu’allim. Son commentaire en 4 volumes inclus les avis des 4 commentateurs l’ayant précédé : Al-Mâziri, Iyyâd, al-Qurtubi et an-Nawawî. Ibn al-Hajj dit dans al-Madkhal, section des mérites du pèlerinage : « Il est nécessaire qu’il (le pèlerin) ait l’intention lorsqu’il quitte Médine pour aller vers la mosquée d’al-Aqsa de prier dans celle-ci, et de visiter al-Khalil. De la même manière qu’il fît lors de son départ de la Mecque vers Médine. Il doit avoir l’intention de visiter notre Prophète (ﷺ). Il n’y a aucun endroit qui est connu (c’est-à-dire : comme lieu où se trouve un Prophète) avec certitude après celui de notre Prophète Muhammad (ﷺ) si ce n’est celui de sayyidûna Ibrahim al-Khalil ‘alayhi as-salâm ». Cela signifie qu’il n’y a aucun endroit avec un bâtiment construit dans lequel il a été vérifié qu’il s’y trouve.

Certains savants ont rapporté cela : « Il a été dit au Prophète d’Allâh sayyidina Sulaymân lors de son sommeil : « Construis sur la tombe de mon ami intime un bâtiment par lequel elle sera reconnue ». Lorsqu’il se réveilla au matin, il chercha mais ne pût reconnaître le lieu qui lui fût indiqué comme endroit pour son édification. Il lui a été répété la même chose la nuit suivante. Puis lors de la troisième nuit il dit : « Ô Seigneur, je ne connais pas l’endroit où il est situé ! ». Il lui a été répondu : « Lorsque tu la cherches, recherche un lieu où sur lequel descend une lumière depuis le Paradis, puis construis ici ». Lorsqu’il se réveilla et partit à la recherche du lieu il trouva la lumière telle qu’elle lui fut mentionnée, elle était devenue apparente à cet endroit. Il y plaça alors quelque chose pour marquer le lieu, et utilisa un jinn pour construire à cet endroit. C’est pour cette raison que vous remarquerez qu’en cette zone il faut dix hommes -ou plus- pour soulever la moindre roche ».

Al Wanshiri al-Maliki dans son al-Miyar (1/317) et Ibn Juzaî al-Qalbi al-Malikî dans Qawanin al-ahkam as-sariyah (p. 113) ont rapporté : « Les savants malikites considèrent avec indifférence (donc n’ont pas interdit) le fait d’élever une tombe à la manière d’un bâtiment (tasnimuhu bi-l-bina’) ni de l’entourer d’un mur ou une barrière –sans pour autant construire un toit ou une coupole au-dessus – afin de la distinguer des tombes environnantes, ou pour prévenir sa destruction ou profanation ».

Le Mullah ‘Alî Al Qârî Al Hanafî a dit dans Mirqât ul Mafâtîh Sharh Mishkât ul Masâbîh (2/202) : « Quiconque construit une mosquée près d’une tombe d’une célèbre personne, ou prie auprès de la tombe, demande de l’aide à l’âme de cette personne exceptionnelle ou recherche de la bénédiction (d’Allâh) auprès de sa dépouille, s’il fait cela sans l’intention de lui attribué la Munificence ou de s’orienter complètement vers lui (tawajjuh) [comme il le ferait pour Allâh lors de la prière], alors il n’y a rien de mal en cela. Ne vois-tu pas que la tombe de Ismâ’îl (que La Paix soit sur lui) se situe à l’intérieur même de la Mosquée Sacrée [de La Mecque], près de la partie effondrée (al hatîm) et qu’y prier est plus méritoire que toute autre chose ? Prier auprès des tombes est interdit uniquement si le sol est souillé par des impuretés provenant du mort […] Et au sein de la partie effondrée, entre la pierre noire (hajar ul aswad) et la gouttière d’or (al mîzâb), se trouve « les tombes de 70 Prophètes  » (comme il est dit dans un hadîth) ». Dans le même ouvrage (4/69) il dit : « Les salafs considérèrent comme permis le fait de construire des édifices au-dessus des tombes des célèbres maîtres et savants, de sorte à ce que les gens puissent les visiter et s’installer convenablement ».

L’imâm ‘Abdullâh Ibn ‘Umar Al Baydâwî As-Shâfi’î  – que nous avions déjà cité – a dit dans Anwâr ut Tanzîl Wa Asrâr ut Ta’wîl : « Nous déduisons de ceci qu’ériger un mausolée pour des personnes exceptionnelles, comme les saints et les savants, est permis ».

Et le premier mausolée de l’ère muhammadienne fut celui du Prophète Muhammad lui-même (ﷺ), ayant été enterré dans ce qui était l’appartement de sa femme Sayyidatunâ ‘Âïsha, attenant à la mosquée, où se trouvent également Sayyidunâ Abû Bakr et Sayyidunâ ‘Umar, – et quel endroit béni ! -. Cette tombe fut donc placée au sein d’un édifice avec l’accord unanime des Compagnons (qu’Allâh soit satisfait d’eux). On voit également à travers cela qu’il est licite d’avoir une tombe au sein d’une mosquée et d’un quelconque édifice dédié à la religion, et d’y adorer Allâh à proximité.

L’imâm Badr ud-Dîn Az Zarkashî As-Shâfi’î a dit dans Khâdim ur Râfi’î Wa-r-Rawdah : « Dans Al Mustadrak, immédiatement après avoir authentifié les ahâdith traitant de la prohibition d’édifier des structures au-dessus des tombes et d’y graver des inscriptions, l’Imâm Al Hâkim a dit : « Ces [ahâdîth] ne sont pas mis en application. Tous les imâms des musulmans, d’Est en Ouest, ont des structures édifiées au-dessus de leurs tombes, et c’est une chose que les dernières générations (al khalaf) ont héritées des prédécesseurs (as salaf) ». Al Burzulî a dit : « Ceci est désormais un sujet qui fait consensus » (…). Un des récents érudits parmi nos imâms mentionna le soutien de l’autorisation d’édifier des structures au-dessus des tombes à travers de belles paroles : ils (les savants) affirmèrent la validité de laisser un legs destiné à construire la mosquée Al Aqsâ ainsi que les tombes des Prophètes (que La Grâce et La Paix d’Allâh soient sur eux tous). Shaykh Abû Muhammad [Al Juwaynî] y inclut les tombes des savants des vertueux parce que cela entraîne le revivification des visites [de ces personnes bénies]. Dans Al Wasît et Al Ihyâ’, Al Ghazâlî affirma que cela indique la permission d’édifier des structures au-dessus des tombes des érudits de la religion, des maîtres de l’Islâm et autres personnes vertueuses. Et il n’est clairement pas tiré par les cheveux que cette licéité soit basée sur la volonté de les honorer ». Les quelques ahadiths semblant l’interdire sont interprétés comme étant spécifiques et ayant un sens restreint et non général, comme par exemple lorsque l’on craint sérieusement l’idolâtrie ou le manque de respect envers les défunts, et surtout, quand cela concernait les non-musulmans enterrés dans les lieux saints de l’Islam, et ceci afin de ne pas glorifier des mécréants ayant combattu l’Islam et rejeté volontairement la foi. De même que certaines interdictions sont liées à certaines conditions, comme le fait de construire ou non sur un terrain public ou privé, dans des zones peu appropriées, ou s’il y a un manque d’espace pour enterrer toutes les dépouilles, etc.

Aussi, lorsqu’on demanda au Muftî shâfi’ite de La Mecque de son temps, l’Imâm Ahmad Ibn Hajar Al Haytamî dit dans ses Fatâwâ ul Fiqhiyyah (2/7) : « Étant donné que la tombe de l’un des Compagnons du Messager d’Allâh est abritée par un mausolée et que quelqu’un veut être enterré à côté d’elle, bien qu’il n’y ait pas suffisamment d’espace pour le faire, à moins de détruire une petite partie de ce mausolée, est-ce que cette destruction est autorisée ? Si vous considérez que ceci est permis, alors cela sera fait, mais si vous le considérez comme interdit, alors comment cela serait-il en accord avec ce qu’a dit As-Shâfi’î : « J’ai vu les gouverneurs de La Mecque ordonner la destruction des structures funéraires, ceci sans que les juristes ne lèvent la voie contre eux », l’Imâm Al Haytamî répondit à cela en disant : « Si ce mausolée est construit au sein d’un cimetière public, comme cela est habituellement le cas pour les lieux de sépultures d’ici, alors la destruction est justifiée et chacun est habilité à agir ainsi. Si, cependant, [le mausolée est construit] sur un terrain privé et non pas dans un cimetière public, alors personne n’a le droit de le détruire, par exemple si quelqu’un souhaite être enterré à côté, comme mentionné dans la question ».

Respecter les défunts et l’endroit où ils reposent est une obligation islamique également, que ce soit par les paroles ou par les actes.
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Que l’un de vous se serait assis sur une braise et qu’elle brûle ses vêtements jusqu’à la peau, cela vaudrait mieux pour lui que de s’asseoir sur une tombe (par manque de respect ! » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°971 selon Abû Hurayra, par Abû Dawûd dans ses Sunân n°3228 et d’autres).

Amr Ibn Hazm a dit : « Le Messager d’Allâh (ﷺ) m’a vu m’appuyer sur une tombe et m’a dit : « Ne fais pas de mal ainsi à celui qui est enterré dans cette tombe » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad, en partie par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°2045, par l’auteur du Fiqh as-Sunnah 4/71 et d’autres, les chaines sont tantôt sahîh parfois hassân).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Briser l’os d’un défunt équivaut (en péché) au même acte fait à un vivant (ici-bas » (Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°1616 selon ‘Aîsha avec une bonne chaine et n°1617 selon Umm Salama, par Abû Dawûd dans ses Sunân n°3207 selon ‘Aîsha avec une chaine sahîh, Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°567 dans le Livre concernant les funérailles, et d’autres).

Et sur le tawassul, le wahhabisme contredit aussi Ibn Taymiyya sur la nature shirki de cette pratique (en demandant aux défunts d’invoquer Allâh) dans Qâ’ïda jalîla fi-t-tawassul wa-l-wassîla (pp. 176-177 et192) : « Bien qu’Allâh nous ait informé que les Anges prient (Allâh) pour nous et Lui demandent de nous accorder Son pardon [voir Qur’ân 40, 7-9], nous n’avons pas le droit de leur demander de faire cela. De même en est-il en ce qui concerne les prophètes et les pieux : même s’ils sont vivants dans leur tombe, et même à supposer qu’ils invoquent Allâh en faveur des vivants, et même s’il y a des Hadîths qui indiquent cela, personne ne doit leur demander de faire cela [invoquer Allâh en sa faveur]. Aucun de nos pieux prédécesseurs n’a fait cela. Et cela est une porte ouverte pouvant mener au shirk et pouvant amener ensuite à les invoquer eux-mêmes et non plus Allâh. Cela contrairement au fait de demander à l’un d’eux [d’invoquer Allâh en sa faveur] alors qu’il est vivant… (…). Certes, il est permis de saluer les défunts dans leur tombe et de leur adresser la parole ainsi : le Prophète a enseigné à ses Compagnons, lorsqu’ils visitent les tombes, de dire : « Que la Paix soit sur vous, habitants de ces lieux parmi les croyants et musulmans. Nous vous rejoindrons si Allâh le veut. Qu’Allâh nous accorde ainsi qu’à vous Son Pardon. Nous lui demandons la sécurité pour nous et pour vous. (…) Mais il n’est pas permis de demander aux défunts d’invoquer Allâh ni de faire autre chose ». Ici, le Shaykh Ibn Taymiyya fait bien la distinction entre ce qui relèverait du harâm selon lui et du shirk, là où Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb et nombre de ses disciples directs ou tardifs affirment, à savoir que cela relève du shirk, et encore de nos jours, en discutant avec des wahhabi, ils demeurent incapables de faire cette distinction et de saisir la différence entre la demande d’intercession (qui peut être faite aux Prophètes, aux Compagnons et aux Pieux ; de leur vivant à l’unanimité et auprès de leurs tombes selon l’avis majoritaire) et l’invocation/adoration qui ne peut être adressée qu’à Allâh Seul. Néanmoins, comme nous l’avons vu dans notre article sur le Tawassul, le Qur’ân l’autorise de façon générale (sans restriction liée aux « vivants » ou aux « défunts », avec un passage explicite où Allâh demande au Prophète Muhammad de demander une chose aux Prophètes qui l’ont précédé – et non pas de les invoquer -), la Sunnah l’autorise de façon explicite, et la pratique des Compagnons et de leurs disciples aussi l’autorise comme l’ont rapporté et authentifié des imâms comme Al-Bayhaqî, Ad-Dhahâbî, Ibn Kathîr et Al-Qurtûbî dans leur Tafsîr, Ibn Hajar al Haytâmî, Taqî ud-Dîn As-Subkî, Ibn Hajar al ‘Asqalânî, An-Nawawî, etc., ce qui démontre l’erreur d’Ibn Taymiyya dans son affirmation : « Aucun de nos pieux prédécesseurs n’a fait cela », puisque des Compagnons et leurs disciples l’ont fait, tout comme les imâms du Salaf comme Ahmad Ibn Hanbal, As-Shafi’î, Ibn Khuzayma et d’autres qu’eux de la génération suivante comme Ibn Hibbân, Al-Hakîm, etc.

Cependant, bien que sa da’wah contient en elle-même du sectarisme et des déviances, ses disciples bédouins ont encore été plus loin et plus extrêmes, jusqu’à combattre le Califat ottoman – qui était légitime toujours malgré les dérives et erreurs existantes à l’époque -, jusqu’à les accuser d’être des apostats et des idolâtres en usant d’arguments infondés, de calomnie et les accusant de shirk pour des pratiques pourtant légiférées en Islam (à savoir le Tawassul et le Tabarruk conformes au Tawhîd, pratiqués par les Sahaba et leurs disciples). Lui et ses disciples disaient que les musulmans de leur époque, qui pourtant connaissaient globalement le Tawhîd (malgré l’existence – à toute époque – de gens de la masse ignorants qui mélangent parfois le Tawhid et l’Islam aux croyances et pratiques folkloriques pouvant comporter des innovations blâmables ou des hérésies), pratiquaient et reconnaissaient les piliers de l’Islam et de la foi, ne s’opposaient ni à Allâh ni à Son Messager (ﷺ) et ni aux croyants, étaient pourtant pires que les idolâtres qurayshites de l’époque prophétique, alors que ceux-ci étaient des mushrikins avérés, qu’ils combattaient ouvertement Allâh, Son Messager et les croyants, ne pratiquaient pas les piliers de l’Islam et de la foi, et qu’ils se comportaient comme des injustes, des criminels et des oppresseurs. Or, il leur attribue un « meilleur tawhîd » et un degré moins grave qu’aux musulmans de son époque qui étaient exempts des tares (dénoncés) des qurayshites idôlatres, preuve supplémentaire de son ignorance et de son kharijisme. Il généralise aussi en pensant que tous les arabes non-musulmans de l’époque avaient tous la même croyance, alors qu’ils étaient de différentes catégories (juifs, chrétiens, négateurs de l’Au-delà et du Jugement dernier, idolâtres adorant plusieurs fausses divinités et idoles, etc.) de même qu’il a prétendu qu’on pouvait avoir un « type de tawhid » et pas un autre, alors que le Tawhîd est un tout mais comportant plusieurs degrés, car en effet, on ne peut pas être à la fois un « monothéiste » sur un aspect des choses et « idolâtre » sur un autre, le Tawhîd étant un tout, et une trace de « shirk » compromettrait ce tout. Le Tawhîd c’est reconnaitre que seul Allâh possède l’Essence divine, et de L’unifier dans notre adoration pour Lui (seul méritant d’être adoré en vertu du fait qu’Il soit le Créateur et d’Essence divine), dans Ses Noms et Attributs, et de reconnaitre que seule Sa Loi est parfaite dans ses principes et légitime en soi dans son application pour l’Humanité, même si par la force des choses, il faut respecter le contrat social de ceux qui détiennent l’autorité temporelle sur terre à un moment donné, alors même qu’ils n’appliquent pas convenablement la Shar’îah ou qu’ils appliquent carrément un autre système, et ce bien sûr, avec les conditions juridiques qui ont émises, par rapport à l’attitude à adopter face au kufr, à la tyrannie, à l’oppression, aux méthodes et au moindre mal à observer dans ce genre de cas. Ceci étant dit, sa da’wah a rappelé tout de même un certain nombre de principes importants de la Religion – bien qu’il les ait déformé et détourné de leur compréhension et application originelles – comme le Tawhîd, le principe de l’alliance et du désaveu, l’importance de la Shar’îah, les annulatifs de la foi, etc., mais il a mêlé le vrai au faux et a empoisonné « l’eau » de la Science à laquelle puisait la Communauté musulmane depuis plus de 1100 ans (à son époque). Cela permet d’expliquer les avis contradictoires qu’il avait pu formuler, et nous n’ignorons pas que certains « savants » ou « musulmans » de son temps, pouvaient avoir été déviants sur certains points, et ignorants sur d’autres, mais cela a existé à toutes les époques, et les grands savants de la Sunnah n’ont jamais agi de façon aussi fanatique et déviante que lui face aux « déviants » ni face aux musulmans de la masse, que ce soit les imâms Ja’far as-Sâdiq, Zayd Ibn ‘Alî, Abû Hanifa, As-Shafi’î, Mâlik, Sufyân at-Thawrî, Ahmad, At-Tabarî, al-Bukharî, Al-Junayd, Al-Qushayrî, Al-Ghazâlî, Al-Jilânî, Ahmad ar-Rifâ’î, Ibn ‘Arabî, An-Nawawî, Ahmad Ibn Atâ’iLlâh as-Sakandarî, Ibn Taymiyya, Ibn al-Qayyîm, Ibn Rajâb al-Hanbali, Ibn Hajar al ‘Asqalânî et tant d’autres, ni même le propre père et le propre frère (Muhammad et Sulaymân) de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb, et qui étaient d’authentiques savants hanbalites aussi lecteurs d’Ibn Taymiyya et d’Ibn al-Qayyîm. Wa Allâhu a’lam.

Le wahhabisme a bricolé la Religion et parfois puisé ici et là de certaines fatawa (parfois erronées ou exceptionnelles liées à un contexte particulier) ou d’événements du passé, complètement isolés ou décontextualisés, pour en faire des règles générales, contredisant pourtant formellement le Qur’ân et la Sunnah purifiée, ainsi que la voie de l’élite des Sahaba et des Salafs. Il suffit pourtant d’étudier en profondeur les écrits et anecdotes de la vie de l’élite des Salafs et des Savants de la Sunnah (ayant réalisé les 3 degrés de la Religion, à savoir le fiqh, la ‘aqida et le Tasawwuf) pour s’apercevoir que le wahhabisme contredit tout cela sur des points très importants et d’autres points mineurs. Le Shaykh Tâj ad-Dîn as-Subkî (fils du célèbre Shaykh ul Islâm Taqî ud-Dîn As-Subkî) a dit dans Mu`îd An-Ni`am wa Mubîd An-Niqam : « Les sciences de la Religion sont aux nombres de 3 : la jurisprudence (fiqh), qui, selon la Tradition transmise par le fils de `Umar, se rapporte à l’Islâm (soumission), les principes théologiques (ussûl ad-Dîn), qui se rapportent à l’Imân (la Foi), et le Sûfisme (Tasawwûf), qui se rapporte à l’Ihsân (excellence spirituelle). Tout le reste, ou bien se réduit à l’une de ces 3 dénominations, ou bien est en dehors de la Religion ».


La Religion permet de lutter contre l’oppression ou de sanctionner (amende, emprisonnement ou peine capitale) ceux qui commettent des crimes majeurs sur les plans éthiques et sociétaux comme le meurtre, et non pas de tuer les gens pour leurs croyances, sauf s’ils souhaitent imposer des croyances clairement hérétiques sur le plan politique tout en combattant les adeptes du Tawhîd, de la Sagesse et de la Vertu (ce qui n’est pas le cas des khawarij, qui ne maitrisent pas le Tawhid et qui sèment la haine de l’autre tout comme parfois la violence et la terreur au sein de la société, autant de déviances et de péchés blâmés et condamnés par l’Islam).

La question du takfir et de la violence contre les « autres »

Le wahhabisme, qui a opéré une rupture avec la Tradition islamique (que ce soit concernant ses dimensions métaphysiques et théologiques, spirituelles et éthiques, sociales et juridiques, et politiques et historiques), est rejeté non seulement par les shiites, les ibadites et les autres courants de l’Islam, mais aussi par le sunnisme traditionnel et orthodoxe à travers ses 4 écoles juridiques (malikisme, hanafisme, shafiisme et hanbalisme) et théologiques (asharite, maturidite et atharite) car le wahhabisme najdite – et le salafisme contemporain qui puise abondamment dans le wahhabisme sans verser cependant dans la violence physique sauf parfois dans les pays en guerre mais où les mouvements « salafistes » n’ont pas du tout le monopole de la violence -, ne se conforme pas aux ussûl (fondements) et aux furû’ (branches) principaux du sunnisme traditionnel, au point qu’indirectement, le salafisme constitue bien une nouvelle « école » ou plutôt un nouveau « courant », sans méthodologie rigoureuse et cohérente, irriguée par la Baraka qui est transmise dans les chaines de transmission remontant jusqu’au Prophète (ﷺ) en passant par les Compagnons et leurs disciples, qui ont fondé les différentes écoles d’interprétation. Déjà à son époque, les principaux opposants et détracteurs de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb étaient des hanbalites, y compris des savants hanbalites de tendance taymiyienne. Son propre frère Sulaymân était un savant hanbalite taymiyyien, et rédigea 2 épîtres visant à réfuter les déviances et dérives de son frère et de son courant. Il fut même l’un des premiers à nommer son courant/mouvement de « wahhabi ». Cependant, lorsqu’il fut capturé, menacé de mort puis en résidence surveillée, on dit qu’on le força à écrire une lettre dans laquelle il devait se repentir et louer le « wahhabisme » et la prédication de son frère, mais qu’il fut ou non sincère en écrivant cela – on peut en douter -, ses livres où il dénonce le wahhabisme comportent de nombreux arguments islamiques et logiques montrant les déviances du wahhabisme, là où dans son hypothétique lettre d’excuse, il n’y a aucune démonstration du bien-fondé du wahhabisme.

L’historien Hamadi Redissi (chercheur et spécialiste tunisien du wahhabisme, malheureusement trop laïc, et qui donc reproche en même temps à l’islam certains aspects qu’il ne comprend pas bien, – pourtant positifs et sages quand on prend bien la peine de les examiner-), dans son ouvrage Le pacte de Nadjd : Ou comment l’islam sectaire est devenu l’islam (éd. Seuil, 2007) dont son travail de documentation et certaines de ses critiques sont à saluer écrit : « En effet, l’opposition commence à s’organiser alors qu’Ibn Abd al-Wahhab réside encore à Al-Uyayna (1740-1745). La réaction de son frère est très représentative du peu de crédit qu’on accordait, à cette époque, à la doctrine d’un illuminé dont on redoutait l’hérésie. Suleyman ibn Abd al-Wahhab (mort en 1793), à qui on doit le néologisme wahabbiyya (que d’aucuns ont pourtant imputé aux « orientalistes » !), a été l’un des premiers à rédiger, vers 1753, Les Foudres divines réfutant le wahhabisme. Il s’y adosse aux écrits d’Ibn Taymiyya, qu’il retourne contre son disciple » (p. 98). Il dit aussi à aux pages 101-102 : « Pour leur part, les muftis des quatre Écoles de droit avalisent très tôt (en 1743) une réfutation « contre l’égaré qui égare », faite par les soins d’un certain al-Tandawi, savant d’origine égyptienne, résidant à La Mecque, et intitulée Le Livre de la prévention de l’égarement et de la répression de l’ignorance. Une fois rédigé, le manuscrit est adressé à dix autorités dont les muftis des quatre rites de La Mecque. Ils ont adjoint au réquisitoire de brefs commentaires d’appui (taqarith), y compris celui du mufti hanbalite. Ce dernier, après avoir lu celle des trois autres muftis, s’est contenté d’ajouter : « Ma réponse est également affirmative, similaire à celle de nos maîtres et du sheikh Abd al-Wahhab [le père du prédicateur]. Dieu, gloire à Lui, est le meilleur de ceux qui connaissent ». On dénombre ainsi à près de 200 – provenant du Maroc jusqu’en Inde – les épîtres et ouvrages écrits contre le mouvement wahabbi, dans les temps immédiats ou quelque peu postérieurs à l’émergence de celui-ci, et sans doute encore plus dans les cercles privés qui n’ont pas rendu publics tous les traités et épitres réfutant les déviances de cette mouvance.

Le Shaykh Al-Hajj Abu Ja`far Al-Hanbali, anciennement salafiste-wahhabite, qui est revenu au hanbalisme traditionnel, s’est mis à critiquer les déviances de Mohammed ibn ‘Abd al-Wahhâb et les erreurs du Shayk Ibn Taymiyya. Il a également traduit en anglais des ouvrages de savants musulmans qui avaient critiqué le salafisme-wahhabisme comme celui d’un Shaykh Syrien (du 19e siècle) qui était un juge hanbalite (et aussi théologien, juriste, muhaddîth, historien, etc.), l’imâm Mustafa Ibn Ahmad As-Shatti (né dans une grande famille de savants d’origine baghdadienne mais basée à Damas depuis quelques générations) dont son ouvrage an Nuqul as Shariyyah fir Rad al Wahabbiya (traduit en anglais sous le titre The Divine Texts – Answering Muhammad Ibn Abdul Wahhabs Movement) a l’intérêt de synthétiser plus de 60 livres réfutant les déviances présentes dans le wahhabisme.

Voici ce que nous écrivait à l’époque un frère hanbalite : « Ibn Abd al Wahhâb ne fait pas le takfîr pour les péchés mais il a rentré dans les shahâdatayn toute sorte de choses qui ne rentrent pas là-dedans, ce qui est le principe du khârijisme (le fait de rentrer toutes les actions d’obéissance dans les shahâdatayn et donc dire que toute désobéissance est un rejet des shahâdatayn). Ensuite, il est sorti avec l’épée sur des groupes d’innovateurs mais aussi sur des musulmans totalement innocents, or ce n’est pas là la méthode prophétique ni celle des pieux salâfs. C’est une fitna terrible la da’wa d’Ibn Abd al-Wahhâb parce que la majorité de ses opposants sont des pieux musulmans, mais aussi des innovateurs avec toute sorte d’actes ressemblant aux actes des mushrikîn, et donc la confusion est facile à faire entre ce genre d’innovateurs et le shirk des Arabes et autres peuples. Et comme il n’aimait pas être contredit, ni par les pieux musulmans [parmi les gens étant parfaitement sur le Tawhîd], ni par des innovateurs ou des gens qu’il considérait comme tels à tort, il a sorti l’épée contre tous ceux qui ne le suivaient pas. Aussi, il a fait un énorme travail de propagande avec la Sunnah, le Qur’ân et des principes communément admis (comme « celui qui ne fait pas le takfîr des mushrikîn est un kâfir lui aussi »), en y introduisant de nombreuses ambiguïtés et en les sortant de leur contexte et cadre licite, pour légitimer ses passions et ses méthodes sanglantes, ce qui est beaucoup plus insidieux ».

Enfin, inconsciemment ou non, Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb se posait finalement comme une personne plus importante « qu’Allâh et Son Messager », en ce sens que pour lui, le principe de l’alliance et du désaveu ne se faisait pas sur « Allâh et Son Messager » (la double attestation de foi ; as-shahâdatayn) mais sur sa propre personne (et sa mauvaise compréhension de la Religion), simple cause d’apostasie selon lui et ses adeptes. Or, cela contredit non seulement le Qur’ân et la Sunnah, ce qui est grave en soi, mais aussi les paroles du Shaykh Ibn Taymiyya et du Shaykh Ibn al-Qayyîm, 2 savants qu’il prétendait suivre et respecter. En effet, le Shaykh Ibn Taymiyya a dit dans Majmû’ al-fatâwa (20/164) : « Il ne revient à personne d’imposer à la Ummah un homme et d’appeler à son chemin et d’allier et se désavouer en fonction de cette personne sauf s’il s’agit du Prophète. Et il n’est pas permis d’imposer une parole et de s’allier et se désavouer sur cette parole sauf s’il s’agit de la parole d’Allâh et de Son Messager ou du consensus de la communauté. Plutôt, ceci fait partie des actes des gens d’innovations (d’égarement) qui élèvent une personne ou une parole et divisent la communauté en s’alliant sur cette parole et en se désavouant en fonction de cette alliance ». Et Ibn Al-Qayyîm dans Al-Fawâ’îd a dit : « La science (« certaine ») c’est : Allâh a dit, le Prophète a dit et les Compagnons ont dit ».

Si Ibn Taymiyya connut une période intellectuelle que l’on pourrait qualifier de sectaire, – sa période intermédiaire -, il y renonça vers la fin de sa vie, comme en témoignait l’un de ses élèves Ad-Dhahâbî dans son Siyar A‘lâm an-Nubalâ’ (15/85-89) : « Le grand Savant, l’imâm des théologiens, Abû al-Hassan ‘Alî ibn Ismâ‘îl ibn Abî Bishr Ishâq ibn Salim ibn Ismâ‘îl ibn ‘Abd Allah ibn Mûssa fils de l’émir de Bassora Bilal ibn Abî Burda fils du compagnon du Prophète (ﷺ) Abî Mûssa ‘Abd Allah ibn Qays ibn Hadhar al-Ash‘arî al-Yamânî al-Basrî. (…) J’ai vu chez Al Ash‘arî une parole qui m’a étonné, et elle est confirmée, al Bayhaqî [m.458 H] l’a rapporté en disant : J’ai entendu Abû Hâzim al ‘Abdawî [m.417 H] dire : J’ai entendu Zâhir ibn Ahmad as Sarakhsî [m.389 H] dire : Lorsque les derniers instants de Abû al Hassan al Ash’arî ont approché dans ma maison à Baghdâd, il m’a appelé, je suis venu, puis il a dit : « Atteste de ma part que je ne rends personne mécréant parmi les gens de la Qiblah, car tous appellent à une Divinité Unique, et nos divergences ne sont que dans les expressions ». Je dis [Ad-Dhahabî] : Sur cela je pratique ma religion. Notre Shaykh Ibn Taymiyya [m.728 H] était ainsi lors de ses derniers jours, il disait : « Je ne déclare personne de la communauté mécréant, et le Prophète (ﷺ) a dit : « Personne ne garde son ablution sauf un croyant, quiconque prie avec son ablution est musulman » ».

Parmi les principes dont il faut tenir compte au sujet de l’excommunication, on peut rappeler également que l’on n’a pas le droit d’excommunier qui que ce soit en raison des conséquences auxquelles peut donner son discours, et que l’on ne peut justifier l’excommunication par les agissements motivés par ce discours. Il est en effet possible qu’une personne affirme une chose qu’elle pense juste, sans accepter les implications logiques qui découlent de son affirmation.

Notre maître Abû Hâmid al-Ghazâlî (m.505 H) a écrit aussi dans Al Iqtisâd Fî al I’tiqâd (p. 305) : « Il convient au fonctionnaire d’état de pencher vers la précaution sur l’anathème (takfîr) dans un cas où trouver une échappatoire est envisageable, car verser les sangs et s’emparer des biens de ceux qui prient en direction de la Qiblah, qui proclament ouvertement la parole : « Pas de divinité excepté Allâh (la ilaha illa Allâh) » est dangereux. L’erreur dans le fait de ne pas laisser en vie 1000 incroyants est moins grave que se tromper en versant une goutte de sang d’un seul musulman ».

Le Shaykh Ahmad Mashhûr Al-Haddâd dit dans Miftah ul Falâh : « Il y a unanimité sur l’interdiction de jeter l’anathème (kufr) sur un musulman, sauf s’il renie la réalité du Créateur Omnipotent – Gloire à Lui-, ou s’il commet un acte d’associationnisme (shirk) explicite n’admettant aucune interprétation, ou s’il renie le statut du Prophète ou une chose nécessairement connue de la religion, ou encore s’il renie une chose faisant l’objet d’une transmission abondante (tawâtur) ou d’une unanimité nécessairement établie dans la religion ». On compte parmi les choses nécessairement connues de la religion, le monothéisme, la foi en les Prophètes, croire que le Message Divin fut scellé par Muhammad (ﷺ), la foi en la résurrection, le jugement et la rétribution le Jour Dernier, l’existence de l’Enfer et du Paradis comme réalités supra-physiques (et non pas comme de simples métaphores). Quiconque renie ce qui est nécessairement connu dans la religion est jugé mécréant. Il n’est point possible pour un musulman d’invoquer l’ignorance concernant ces questions, sauf s’il s’agit d’un converti très récent. Ce dernier est excusé jusqu’à qu’il en soit instruit ; il n’aura point d’excuse après cela.

Al-Hafîz Ibn Hajar Al-’Asqalânî a dit dans son Fath al-Barî : « On juge mécréant celui dont les propos expriment une mécréance catégorique ou celui qui revendique sa parole ; or, celui qui renonce à ses paroles et se repent ne doit pas être jugé mécréant même si ses paroles impliquent la mécréance. Enfin, on ne traite de mécréant que celui que tous les Musulmans reconnaissent en tant que tel ou fournissent une preuve incontournable explicitant sa mécréance », c’est-à-dire impliquant le rejet d’un pilier de l’Islam, d’une partie du Qur’ân, d’une chose nécessairement connue de la Religion et du Prophète (ﷺ) à l’unanimité des savants vertueux de tous les courants de l’Islam des premiers temps.

C’est l’avis soutenus par plusieurs savants tels que Ibn Battal, Ibn ’Abd Al-Barr, Ibn Taymiyya et bien d’autres. Même Mohammed Ibn ’Abdel l-Wahhâb dont certains se revendiquent a dit sous taqiyya dans Ad-Durar As-Sanniyya : « Nous n’excommunions que celui qui est unanimement excommunié par les savants. Un individu ne doit être excommunié que s’il répond à tous les critères qui le font sortir de l’Islam ». Mais comme démontré, dans les faits, il a tout de même fait le takfir de masse de façon injustifiée, contredisant sa propre règle.

L’imâm An-Nawawî a dit dans son Sharh Sahîh Muslim : « Sache que dans la doctrine des gens de la Vérité, on n’accuse jamais d’incroyance l’un des gens de la Qibla [un Musulman] pour un péché qu’il a commis. De même, on n’accuse pas d’incroyance ceux qui suivent leur passion et ceux qui sont coupables d’innovations ou d’hérésie ».

L’imâm At-Tahawî de la génération du Salaf a dit dans son traité ’Aqidâ At-Tahawiyya : « Nous ne traitons pas de mécréante une personne pour un crime tant qu’elle ne le considère pas comme licite ».

L’imâm Ibn Taymiyya a dit dans Majmû’ al-fatâwa (10/372) : « Les textes du Qur’ân et de la Sunnâh recèlent des avertissements ainsi que les livres des savants musulmans qui abordent le sujet de l’excommunication et de la perversité, etc. […] ne peuvent être appliqués au cas particulier de tel ou tel individu que s’il répond à toutes les conditions qu’ils ont fixées et qu’il n’y a pas d’entraves qui interdisent leur application ; en cela, il n’y a pas de différence entre les fondements [al-ussûl] et les questions secondaires [al-furû’] ». Toujours dans le même recueil, il dit : « Avant d’excommunier celui qui a mal interprété [le Qur’ân ou la Sunnah], il faut lui présenter les preuves irréfutables de sa mauvaise interprétation, lui montrer son erreur et lui présenter la vérité. Il faut encore que l’on sache les situations où l’excommunication n’est plus permise. Parmi lesquelles, on peut citer : l’ignorance, l’erreur et la contrainte. Allâh ta’ala dit : « Quiconque a renié Allâh après avoir cru […] – sauf celui qui y a été contraint alors que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi » » [Sûrah An-Nahl, verset 106] ».

L’imâm Ibn Al-Qayyîm a dit dans sa Al-Qassidah an-Nuniyyah : « L’excommunication est l’apanage d’Allâh et de Son Prophète. Elle n’est prouvée que par le Livre d’Allâh et la Sunnâh de Son Prophète, et n’est aucunement prouvée par ce que dit tel ou tel homme. Est le véritable incroyant celui que le Seigneur de l’univers et Son Serviteur ont excommunié ».

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit en effet : « Le musulman qui prie notre prière, se tourne vers notre Qibla et mange de notre sacrifice rituel, est le musulman dont la vie est sous la garantie d’Allâh, ne trahissez pas Allâh dans ses protégés ! » (Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh sous l’autorité d’Anâs Ibn Malîk).

Or, les wahhabis des premières générations ont fait tout le contraire, et n’ont pas seulement fait le takfir de masse de nombreux musulmans, mais ont massacré aussi des milliers de musulmans qui reconnaissaient le Tawhid, qui priaient Allâh, qui versaient la zakâh, qui jeûnaient, qui accomplissaient le Hajj, etc., et réduit en esclavage les femmes et les enfants musulmans des résistants musulmans qu’ils avaient tué.

Pour justifier ce genre de massacres, Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb s’appuyait sur un récit historique dont les descriptions variaient entre les auteurs. Celui de l’histoire de Al Ja’d Ibn Dirham qui faisait partie des gens les plus connus pour leur science et leur adoration. Mais lorsqu’il nia certains points concernant les Attributs d’Allâh, – et bien que ces propos fussent ignorer par la plupart des gens -, Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb relate le récit comme suit dans Sîrat rassûl (p.81) : « Khâlid ibn Abdallah al-Qasri l’égorgea en guise de sacrifice de jour de l’Aïd al Adha. Il dit : Ô gens ! Sacrifiez vos offrandes. Quant à moi je sacrifierais Al-Ja’ad Ibn Dirham. En effet, il prétend qu’Allâh n’a pas pris Ibrahim comme Ami intime et qu’il n’a pas effectivement parlé à Mûsa ». Puis il descendit du minbar et il l’égorgea. On ne connait aucun des savants de la Sunnah qui ait reproché son geste comme louable. Au contraire, Ibn Al Qayyim rapporte qu’il y a consensus a considéré ce geste comme louable : Tout partisan de la Sunnah a remercié ce sacrifice ô frère, quelle offrande, qui par Allâh, sera acceptée ». S’il y a consensus des savants sur le bien-fondé de l’exécution d’une personne connue pour sa science et son adoration, et qui a étudié chez les compagnons, qu’en est-il alors de la croyance des ennemis d’Allâh comme les bédouins ? ».

Or, non seulement il n’y a aucun consensus que cet acte relevait de l’obligatoire ou du louable, mais cela contredit clairement le Qur’ân, la Sunnah et l’attitude des Salafs, notamment de l’imâm Ahmad et de l’imâm As-Shafi’î face à leurs opposants et oppresseurs mu’tazilites par exemple, se  contentant de chercher refuge dans le Secours d’Allâh et d’invoquer Allâh pour qu’Il guide ceux qui les avaient châtié et emprisonné. On relate la même attitude d’imâms comme Mâlik, Abû Hanifa, al-Bukharî, Sufyan at-Thawrî et d’autres, face à des gens injustes parmi les courants innovateurs ou hérétiques.

Le Qur’ân dit par ailleurs parmi les versets qui n’ont jamais été abrogés : « Pas de contrainte en religion » (Qur’ân 2, 256 ; révélé en l’an 8 ou de 9 de l’Hégire selon At-Tabarî dans son Tafsîr, soit peu de temps avant la mort du Prophète).

« Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Allâh vous défend seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes » (Qur’ân 60, 8-9 ; révélé durant la même période, aux alentours de l’an 630, soit à la fin de la période médinoise).

« Combattez sur le sentier d’Allâh ceux qui vous combattent » (Qur’ân 2, 190 ; période médinoise).

« Et s’ils inclinent à la paix, incline vers celle-ci (toi aussi) et place ta confiance en Allâh, car c’est Lui l’Audient, l’Omniscient. Et s’ils veulent te tromper, alors Allâh te suffira. C’est Lui qui t’a soutenu par Son secours, ainsi que par (l’assistance) des croyants » (Qur’ân 8, 61-62 ; période médinoise).

At-Tabarî dans son Tafsîr (23/323) au verset 60/8 réfute ceux qui pensent aussi que ces versets médinois sont abrogés (alors qu’ils furent parmi les derniers révélés) : « La première opinion en cela est correcte, ceux qui disent que ce que l’on entend par « Allâh ne vous interdit pas envers ceux qui ne vous combattent pas pour la religion », sont parmi tous les types de croyances et de religions, que vous soyez bienveillants envers eux, ayez de bonnes relations avec eux et soyez justes envers eux. En effet, Allâh Tout-Puissant a généralisé dans Sa Parole « ceux qui ne vous combattent pas pour la religion et ne vous expulsent pas de vos maisons », pour inclure tous ceux qui peuvent être décrits de cette manière et Il ne l’a pas restreint pour certains à l’exclusion d’autres. Cela ne veut pas dire comme ceux qui disent qu’il a été abrogé ».

  Al-Qurtûbî dans son Tafsîr (18/59-60) au verset 60/8 dit : « La majorité des exégètes disent que le verset 60/8 est opérant (muhkamah) … Le juge Ismai’l ibn Ishaq est entré dans la maison d’un citoyen non-musulman et s’est montré généreux avec lui. Ceux qui étaient présents lui en ont tenu rigueur, alors il leur a récité ces versets [comme preuve qurânique justifiant son attitude bienfaisante et généreuse envers les non-musulmans] ».

  Concernant le verset : « Et s’ils inclinent à la paix, incline vers celle-ci (toi aussi) et place ta confiance en Allâh, car c’est Lui l’Audient, l’Omniscient » (Qur’ân 8, 61), Ibn Kathîr dans son Tafsîr au sujet de ce verset qu’il n’est pas abrogé, citant plusieurs cas où, vers la fin de la période médinoise (avec le traité d’Hudaybiyya avec les idolâtres ennemis) – quand le rapport de force ne penchait pas vers les Musulmans face à leurs oppresseurs -, ou même jusqu’à sa mort, – et annonçant aussi qu’après sa mort les Musulmans devraient multiplier les traités de paix autant que possible avec les autres nations , et que, à chaque fois que l’intérêt général l’exige – tendre vers la paix et la sécurité -, cela doit être fait. Le Messager d’Allâh () a dit en effet : « En vérité, après moi, il y aura des conflits ou des affaires (troubles, délicates et difficiles), donc si vous êtes en mesure d’y mettre fin en paix, faites-le » (rapporté par Ahmad dans son Musnad 1/469 n°695, sahîh selon Ahmad Shâkir).

Le Shaykh Ibrahima Niass a écrit dans son Tafsîr : « Allâh a fait des humains des frères (et sœurs). Et il est de 2 sortes de fraternité :

– une fraternité à l’image des Prophètes Mûsa (Moïse) et Harûn (Aaron).

– une fraternité à l’image des Prophètes Yusuf et ses frères.

Et chacun de nous doit œuvrer pour être avec son frère tels que Mûsa (Moïse) et Harûn (Aaron). Car Mûsa, quand Allâh l’a envoyé [comme prophète], il a sollicité d’Allâh la prophétie pour son frère.

« Harûn mon frère, accrois par lui ma force ! Et associe-le à ma mission » (Qur’ân 20, 30/32). Et Allâh accepta sa demande, en ce sens Allâh dit : « Nous allons, par ton frère, fortifier ton bras et vous donner des arguments irréfutables ; ils ne sauront vous atteindre, grâce à Nos Signes. Vous 2 et ceux qui vous suivrons seront les vainqueurs » (Qur’ân 28, 35) ».

De la même manière, notre prochain ou notre frère biologique est de 2 sortes, notre semblable en humanité s’il ne partage pas notre foi ou nos aspirations, – et alors Allâh demande de les respecter et de les préserver de tout mal émanant de notre bouche ou de nos mains (et il est recommandé de leur manifester de la bienfaisance et de bons conseils pour les inciter à choisir la meilleure des voies, et il est aussi autorisé d’invoquer Allâh évidemment pour qu’Il les guide ou qu’Il leur accorde une bonne issue ou une bonne santé en cas d’épreuves ou de maladies) -, ou alors il est notre frère/sœur en Islam, et alors Allâh nous impose non seulement la même chose, mais aussi les droits qui incombent aux musulmans (faire la prière mortuaire en cas de décès, invoquer la Miséricorde divine en cas de décès, le rappeler sagement à l’ordre en cas de péché ou de faute, de ne leur offrir que ce qui est islamiquement licite, etc.).

« Et quant à ceux qui croient (en Allâh) et font de bonnes œuvres, Nous leur effacerons leurs méfaits, et Nous le rétribuerons de la meilleure récompense pour ce qu’ils auront accompli. Et Nous avons enjoint à l’être humain d’être bon et bienfaisant envers ses père et mère, et « si ceux-ci te forcent à M’associer (à commettre de l’idolâtrie), ce dont tu n’as aucun savoir, alors ne leur obéis pas en cela (faire le shirk ou un acte répréhensible et mauvais) ». Vers Moi est votre retour, et alors Je vous informerai de ce que vous faisiez. Et quant à ceux qui croient et font de bonnes œuvres, Nous les ferons certainement entrer parmi les gens de bien » (Qur’ân 29, 7-9).

« Ton Seigneur a ordonné de n’adorer que Lui. Il a prescrit d’être bon envers ses père et mère. Soit que l’un d’eux ait atteint la vieillesse, ou que tous deux y soient parvenus, étant à ta charge, garde-toi de marquer la moindre répulsion à leur égard ou de leur manquer de respect. Parle-leur toujours affectueusement. Fais preuve, à leur égard, d’humilité pour leur témoigner ta tendresse et dis: Seigneur ! Aie pitié d’eux comme ils l’ont été pour moi, lorsqu’ils m’élevèrent tout petit » (Qur’ân 17, 23).

En lien avec le passage qurânique 60/8, une preuve supplémentaire est fournie avec le récit impliquant la la mère d’Asmâ’ bint Abi Bakr qui était toujours non-musulmane en l’an 630 (soit environ 2 ans avant la mort du Prophète, à la fin de la période médinoise), sa mère (qui vivait au milieu de gens faisant la guerre au Prophète, à Abû Bakr et à ses propres enfants !), se déclarant pourtant elle-même (à ce moment-là) hostile à l’Islam, vint la voir à Médine et réclamait de sa fille de lui offrir un cadeau. Asmâ’, embarrassée, demanda conseil au Prophète Muhammad (ﷺ) : « « Ô Messager d’Allâh, ma mère mécréante est venue me voir. Puis-je la recevoir et entretenir des (bonnes) relations avec elle malgré sa mécréance ? ». Ce à quoi le Prophète (ﷺ) répondit : « Oui, sois bonne et gentille avec ta mère » » (Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°2620, 2624 3183, 5978 – al-Bukhari rapporte que l’imâm et Salaf Ibn ‘Uyayna liait ce hadith au verset 60/8 – et n°5979 ainsi que dans Al-Adab Al-Mufrad n°25, Muslim dans son Sahîh n°1003, Abû Dawûd dans ses Sunân n°1668).

Nous avons donc ici un exemple du fait que, même si la personne est mécréante – membre de la famille ou non – et qui de plus a rejoint le camp des ennemis idolâtres tout en détestant l’islam, mais qui se présente à un(e) musulman(e) dans le cadre d’une rencontre pacifique, non seulement cette personne ne doit pas être combattue, mais elle doit aussi être traitée avec gentillesse, courtoisie et bonté surtout s’il s’agit de sa propre mère -. Traiter avec bonté et courtoisie ses parents, même non-musulmans, – et ce même s’ils incitent leurs enfants à commettre du shirk – fait partie d’une prescription divine qu’il convient d’observer consciencieusement. Que dire alors quand les parents sont des musulmans (qu’ils soient ignorants sur certaines choses, innovateurs, égarés sur certains aspects, etc.) !?

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit en outre : « En vérité, les pires transgresseurs devant Allâh sont ceux qui tuent dans la Mosquée sacrée, ceux qui tuent celui qui ne l’a pas combattu, ou ceux qui tuent avec la vengeance de l’ignorance (durant l’ère pré-islamique ; al-jahiliyya) » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°6641 selon ‘Abdullâh Ibn ‘Amr, sahîh) et dans un autre hadith prophétique : « Les gens les plus réticents à tuer sont les gens de la foi » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°3728 et 3729 sous l’autorité d’Abdallâh Ibn Mas’ûd). Et leur façon de tuer les croyants était comparable à la mentalité qui prévalait chez les fanatiques avant l’arrivée de l’Islam, c’est-à-dire la mentalité de la jahiliyya.

Comme le relate aussi Ibn Rushd (le petit-fils) dans son Bidâyat al-Mujtahid wa Nihâyat al-Muqtaṣid (2/150) : « Abû Hanifa, Mâlik et As-Shafi’i (sont d’avis) « qu’un traité de paix (avec les non-musulmans) est permis si le dirigeant y voit un avantage (pour l’intérêt général) ».

L’imâm As-Shafi’î (m. 204 H) a dit dans Kitâb Al Umm (4/370) :  « Si le musulman est fait prisonnier et que les non-musulmans le contraignent à jurer de rester dans leurs pays et ne pas en sortir, alors il n’est pas obligé de respecter cela car il aura juré sous la contrainte et il ne commet aucune injustice en fuyant mais il lui est interdit de les combattre ou de prendre leurs biens car, en lui laissant la vie sauve alors la réciprocité s’applique à eux aussi, et je ne connais aucune divergence à ce sujet ».

Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Savez-vous qui est l’homme ruiné et corrompu ? ». Ils répondirent : « Selon nous, l’homme ruiné est celui qui ne possède ni biens ni argent ». Le Prophète dit alors : « Dans ma communauté, l’homme ruiné (qui est corrompu) est celui qui, le Jour du Jugement, viendra avec à son actif des prières, des journées de jeûne, des aumônes, mais qui aura par ailleurs insulté untel, calomnié un autre, volé l’argent de tel autre, versé le sang de celui-ci et frappé celui-là (sans aucun droit d’aucune sorte). On lui prendra alors de ses bonnes actions pour les distribuer à ses victimes ; si elles ne suffisent pas à l’expier de ses péchés, on prendra alors des péchés de ses victimes et on les lui inscrira à son actif, puis on le jettera en Enfer » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2581 d’après Abû Hurayra, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2418 et d’autres).

Ce hadith nous informe de l’importance des actes d’adoration et de bienfaisance d’une part (comme la prière, l’aumône, le jeûne, etc.) mais aussi d’autre part de la gravité de commettre des péchés qui nuisent aux autres comme le meurtre, la calomnie, le mensonge, le vol, etc., au point que les bonnes actions découlant des actes d’adoration serviront à compenser pour les personnes victimes de ses méfaits, le préjudice qu’ils ont subi de la part des criminels, même si ceux-ci se disent musulmans et pratiquent certains rites. Cela est donc une mise en garde sévère contre les criminels et les khawarij (tombant dans le terrorisme et la criminalité).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Si une personne affirme (par orgueil et fanatisme) que les gens sont tous égarés, ruinés, perdus et corrompus, alors il est le plus égaré, corrompu, ruiné et perdu d’entre eux » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2623 selon Abû Hurayra, par Mâlik dans Al-Muwattâ n°1815 dans la section n°56, et d’autres).

L’imâm An-Nawawî a dit dans son Sharh ‘alâ Sahîh Muslim (commentaire de ce hadith) : « Les savants conviennent que cette désapprobation se réfère uniquement à ceux qui le disent avec mépris pour les gens, pour les dénigrer, se prétendre supérieurs à eux et les accuser de mauvaises intentions, car il ne connaît pas les secrets. d’Allâh dans Sa création ».

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit, en le répétant 3 fois : « Ruinés et perdus sont les extrémistes, les fanatiques et les rigoristes (litt. ceux qui passent leur temps à couper les cheveux en 4) » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2670 d’après ‘Abdullâh dans le chapitre de la Connaissance).  Ce hadith est une mise en garde générale contre ceux qui dépensent leur temps et leur énergie dans ce qui n’est ni profitable pour eux, ni pour les autres, qui se tuent à la tâche dans des actes d’adoration qu’ils ne supportent pas et qui leur cause préjudice au point de tomber dans l’injustice, la dépression, l’extrémisme, le fatalisme ou au point de les éloigner de la piété, d’une pratique religieuse constante et saine, de la connaissance spirituelle et de la science utile.

Comme l’indiquent d’autres ahadiths, mieux vaut faire peu d’actes d’adoration sincères de façon régulière, qu’en faire beaucoup durant une courte période pour tout abandonner ensuite.

L’imâm An-Nawawî dans son Sharh du Sahîh Muslim explique que cela se réfère à « ceux qui plongent trop profondément (sans en avoir les capacités), sont extrêmes et vont au-delà des limites dans leurs discours et leurs actions ».

D’autres encore ont précisé que cela désignait aussi ceux qui recherchent des choses sans intérêt et qui ne les concernent pas, comme fouiller dans des questions subtiles liées au Ghayb ou à la Loi n’ayant aucune importance pour la foi ou la pratique de l’islam, ceux qui vont au-delà des limites légales dans leur culte et tombent dans des appréhensions sans fondement comme le dit le Shaykh Al-Munawî dans Fayd al-Qadir, en somme, tout ce qui dépasse la limite du bien, de l’utile, de la pondération, du raisonnable et de la sagesse.

« En toute vérité, Allâh commande la justice, l’équité, la vertu et la générosité (libéralité, assistance) envers les proches, et Il interdit la turpitude, les actes répréhensibles, la tyrannie (la rébellion et l’injustice) » (Qur’ân 16, 90).

Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb n’a donc puisé sa justification que de personnes égarées aux tendances kharijites dans le passé – c’est-à-dire réprouvées et blâmées selon l’Islam -.

Shirk (idolâtrie, associationnisme) et Tawhîd dans le Wahhabisme

Si le wahhabisme a eu raison d’insister sur l’importance du Tawhîd et le danger du shirk, ils en ont déformé la compréhension et la définition, tout en s’en prenant aux savants de la Sunnah qui étaient sur le Tawhîd et qui mettaient en garde contre le shirk. Si du point de vue ésotérique toute créature bénéficie d’une manière ou d’une autre de la Miséricorde divine : « Et Ma Miséricorde ainsi que Mon Amour Rayonnant embrassent (englobent et transcendent) toute chose » (Qur’ân 7, 156), du point de vue exotérique, le Pardon divin embrasse tous les actes de l’être humain pour peu qu’il s’en repentisse et cherche à effacer ses méfaits par de bonnes œuvres, cependant, si la personne ne se repent pas du shirk, en principe, il n’y aura pas de Pardon divin (puisqu’il n’y aura pas de demande de repentir) – question différente par rapport à la Miséricorde divine embrassant toute chose – : « Certes, Allâh ne pardonne pas qu’on Lui donne quelques associés (idoles). En dehors de cela, Il pardonne à qui Il veut » (Qur’ân 4, 116).

Cependant, sous prétexte que le shirk est ce qu’il y avait de plus grave sur le plan théologique – ce qui est vrai -, puisque notre raison d’être est d’adorer, de connaitre et de contempler le Seigneur des mondes qui nous a tout donné et qui a tout créé (y compris la science, la nature, l’amour, notre subsistance, etc.) et donc de connaitre la Vérité (Al-Haqq ; le Vrai, le Réel, étant un Nom divin), il s’est autorisé à détester et combattre tous ceux qui pour lui, étaient des « apostats » et des « idolâtres » parmi les musulmans, alors même que cette attitude n’est guère permise pour les non-musulmans qui ont connu le Prophète (ﷺ) sans le suivre. Allâh n’a-t-Il pas dit, en parlant du Prophète qui aimait certaines personnes d’un amour naturel alors qu’ils étaient encore idolâtres à ce moment-là ? : « Certes tu ne guides pas ceux que tu aimes mais Allâh guide qui Il veut et Il est plus connaisseur des biens-guidés » (Qur’ân 28, 56), verset lié notamment au cas de l’oncle du Prophète, Abû Tâlib (rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°1360, Muslim dans son Sahîh n°24, At-Tabarî dans son Tafsîr et d’autres) ce qui prouve qu’il est possible et pas blâmable d’aimer naturellement des personnes non-musulmanes pour leur personnalité ou liens de parenté, sans toutefois approuver leurs croyances contraires aux principes islamiques ou leurs défauts contraires aux bonnes valeurs morales et éthiques.

Allâh a dit : « Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers vos père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les esclaves en votre possession, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36), la bonté étant un ordre qu’il faut pratiquer avec tout le monde sans distinction de religions, de croyances, d’ethnie, de sexe ou de classe sociale, sauf contre ceux qui commettent de graves injustices (comme le meurtre, la sorcellerie, le terrorisme, le pillage, le viol, etc.).

Al-Qurtûbî dans son Tafsîr du passage qurânique 4/36 : « (…) Je dis sur la base de ce verset, un traitement aimable des voisins est enjoint, qu’ils soient musulmans ou non-croyants, et c’est la bonne chose à faire. Un traitement bienveillant peut être dans le sens d’aider ou cela peut être dans le sens d’être gentil, de s’abstenir de faire du mal et de les soutenir (dans ce qui est licite) ».

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Jibrîl n’a cessé de m’enjoindre la bienveillance et la bienfaisance envers le voisin, jusqu’à ce que je pense qu’il aurait droit à une part de l’héritage; et il n’a pas cessé de m’enjoindre la bienveillance et la bienfaisance envers les femmes, jusqu’à ce que je pense qu’il serait interdit de les divorcer [ndt : c’est-à-dire qu’elles sont sacralisées et qu’elles ont donc des droits sur nous] ; et n’a pas cessé de me recommander de traiter avec bonté les esclaves (et les domestiques), jusqu’à ce que je pense qu’il leur accorderait une période de temps après laquelle ils seraient automatiquement libres ; et il n’a pas cessé de me recommander l’utilisation du siwâk jusqu’à ce que j’aie eu peur que ma bouche s’use à force de me brosser les dents ; et il n’a pas cessé de me conseiller de faire qiyâm ul-layl (prière spécifique durant la nuit) jusqu’à ce que je pense que les meilleurs de ma Ummah ne dormaient pas la nuit » (Rapporté par Al-Qurtûbî dans son Tafsîr au verset 4/36 sur les droits du domestique).

 « La bonté pieuse (al birr) ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allâh, au Jour Dernier, aux Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quelqu’amour qu’on en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs (affranchir les esclaves), d’accomplir la Salât et d’acquitter la Zakât. Et ceux qui remplissent leurs engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et les voilà les vrais pieux ! » (Qur’ân 2, 177). Là encore, l’amour bienveillant envers les non-musulmans (puisque le verset possède une portée générale) est autorisé et n’est nullement blâmé.

 « Au milieu des biens qu’Allâh t’a accordés, recherche la Demeure Dernière. Ne néglige pas ta part de ce bas-monde. Sois bon comme Allâh est Bon avec toi. Ne cherche (et ne sème) pas la corruption sur la Terre. Allâh n’aime pas ceux qui sèment la corruption » (Qur’ân 28, 77).

 « (…) ceux qui ont la foi et accomplissent de bonnes œuvres ; puis qui [continuent] d’être pieux et d’avoir la foi et qui [demeurent] pieux et bienfaisants. Car Allâh aime les bienfaisants » (Qur’ân 5, 93).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Par Celui qui détient mon âme en Son Pouvoir, Allâ n’octroie Sa Miséricorde (particulière) qu’aux miséricordieux ». On lui dit : « Messager d’Allâh, nous pratiquons tous la miséricorde ». Il (ﷺ) répondit : « Il ne s’agit pas de miséricorde envers vos compagnons, mais de miséricorde envers tous les êtres humains » (Rapporté dans le Musnad de Abû Ya’lâ n°4258, par Al Bayhaqî dans Shû’ab al îmân n°11060).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le croyant ne se moque pas des autres, il ne maudit pas les autres, il ne commet pas de choses obscènes (et blasphématoires) et il n’abuse pas des autres » (Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1977 selon Abdallâh Ibn Mas’ûd, avec une bonne chaîne).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Est-ce que je vous informe sur (le véritable) croyant ? Il s’agit de celui dont les gens sont en sécurité vis-à-vis de leur bien et d’eux-mêmes (le vrai croyant ne peut porter atteinte aux autres ni à leur biens), le Mujahîd est celui qui lutte contre son ego dans l’obéissance à Allâh (à Ses ordres et aux vertus qu’Il nous enjoint de réaliser), et le Muhajir (celui qui émigre) est celui qui abandonne et fuit les péchés (et les transgressions) » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°23967 selon Fudâla Ibn ‘Ubayd, par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°4862, authentique également selon Ibn Hajar al ‘Asqalânî, et le récit de l’imâm Ahmad est jugé bon par le Shaykh Shû’ayb al-Arna’ût dans son Takhrij Al-Musnad, rapporté aussi en partie par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3934).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « La meilleure oeuvre après la foi en Allâh est l’amour bienveillant envers les gens » (Rapporté par At-Tabarânî dans son Mu’jam al-Kabîr et par As-Suyûtî dans al-Jâmi’ al-Saghîr n°1237 avec une bonne chaîne).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit alors qu’il se trouvait devant une ville où les habitants étaient encore non-musulmans : « Ô Allâh, bénis-nous dedans (dans cette affaire). Ô Allâh, donne-nous ses fruits (de lumière, de guidance, d’affection et de bien), fais-nous aimer de son peuple, et fais-nous aimer les justes de ce peuple » (Rapporté par At-Tabarânî dans al-Mu’jam al-Awsaṭ n°4755 selon Ibn ‘Umar, sahîh).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le serviteur (c’est-à-dire le musulman) n’atteint la réalité de la foi que lorsqu’il aime pour les gens ce qu’il aime pour lui-même de bon » (Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°238 selon Anas Ibn Mâlik, sahîh).

L’imâm al-Râghib al-Isfahânî (m. 502 H/1109) dans son Tafsîr dit : « Il fut dit : « L’amour (mawaddat) interdit [vis-à-vis des non-musulmans] est l’amour religieux et non pas l’amour bénéfique ou passionnel. Car, si l’amour que nous avons à leur égard est dû au bénéfice qu’ils nous apportent, alors nous aimons le bénéfice à l’instar de notre amour pour le dhimmî qui nous aide à repousser les idolâtres ».

Ibn al-Qayyîm quant à lui a dit dans al-Jawâb al-Kâfî (1/190) : « L’amour naturel (al-mahabbat al-tib’iyyah) est ce à quoi l’humain tend de par sa nature, comme l’amour de la soif pour l’eau, l’amour de la faim pour la nourriture, l’amour du sommeil, une femme ou un enfant. Cet amour n’est pas blâmable à moins qu’il ne détourne du souvenir d’Allâh et détourne de Son amour ».

D’après Abû Shurayh : « Je demandai au Prophète de m’enseigner quelque chose qui me ferait mériter le Paradis. Il dit : « Efforce-toi de n’avoir que de belles (et bonnes) paroles, offre (et répands) la paix et nourris ceux qui sont affamés » » (Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh, n°509, sahîh).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Ô Allâh ! Fais naître l’affection dans nos coeurs, soigne et règle nos relations sociales, guide-nous vers les voies qui conduisent à la Paix, sauve-nous de l’obscurité vers la Lumière, sauve-nous de toutes sortes d’indécence, aussi bien celles qui sont apparentes que cachées. Bénis notre ouïe (et notre audition), notre vue (et notre vision), nos coeurs, nos conjoint(e)s et nos enfants, et fais-nous entrer dans Ta Miséricorde (ou : place Ta miséricorde sur nous). En effet, Tu es Celui qui accepte grandement le repentir (de Tes serviteurs), Celui qui est (sans cesse) Miséricordieux » (Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Mustadrak1/265).

On comprend dès lors que Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb et ses disciples zélés transgressaient la Loi islamique et les valeurs de l’Islâm, et correspondent à ce qu’Allâh décrit dans le Qur’ân : « Les Bédouins ont dit : « Nous avons la foi ». Dis : « Vous n’avez pas encore la foi. Dites plutôt : « Nous nous sommes simplement soumis, car la foi n’a pas encore pénétré dans vos cœurs. Et si vous obéissez à Allâh et à Son messager, Il ne vous fera rien perdre de vos œuvres ». Allâh est Pardonneur et Miséricordieux » (Qur’ân 49, 14).


Ceci concernant la spiritualité et l’éthique. Mais à propos du Tawhîd – dont l’amour bienveillant et la bonté de l’âme font partie des implications du Tawhîd sur les plans éthiques et spirituels -, il y a aussi des déviances à noter. En se basant sur les écrits de Ibn Taymiyya (comme ce que l’on peut trouver dans les Majmû’ al Fatâwa par exemple) ou de Mohammed ibn Abdel Wahhâb (principalement ce qui est contenu dans Ad-Durâr as-Saniyyah, qui contient ses propos ainsi que ceux de ses successeurs), le Shaykh Abû Sulayman (Corentin Pabiot), dans sa traduction de la La ‘aqida tahawiyya : la profession de foi des gens de la Sunna (2015, aux éditions Maison Ennour, pp. 19-21) réfuta leurs erreurs et déviances, et nous avons cependant pris la liberté d’apporter des références supplémentaires entre crochets et de modifier la façon de retranscrire certains termes et certains noms, sans jamais trahir le texte original) : « Établir une distinction entre tawhîd ar-rububiyya et tawhîd al ulûhiyya, est une innovation blâmable. Ibn Taymiyya est le premier homme à avoir divisé le tawhid en 3 catégories* : unicité seigneuriale ; unicité divine (ou unicité d’adoration) ; et unicité des Noms et des Attributs divins. Aucun Docteur de l’Islâm, Ancien ou Moderne ne l’avait fait avant lui. Professer “l’unicité seigneuriale”, c’est croire que Dieu est le Seul Créateur, le Seul Pourvoyeur, le Seul Agent, et qu’aucun associé ne participe à Son oeuvre ; professer “l’unicité d’adoration”, c’est vouer à Dieu un culte exclusif et sans partage ; enfin professer “l’unicité des Noms et des Attributs divins” , c’est affirmer l’existence de ces Noms et de ces Attributs tels qu’ils conviennent à Dieu et tels qu’ils ont été rapportés dans les Textes.
Or, selon Ibn Taymiyya, la ligne de partage entre l’islâm et le non-islâm passe par l’unicité d’adoration, la seule à même de faire sortir du kufr, de l’incroyance. En effet, nous dit-il, on peut très bien admettre l’unicité seigneuriale tout en demeurant infidèle. On en veut pour preuve le Qur’ân : {Dis : “Qui donc vous procure la nourriture du ciel et de la terre? Qui dispose de l’ouïe et de la vue ? Qui fait sortir le vivant du mort ? Qui fait sortir le mort du vivant ? Qui dirige toute chose avec attention ? ” Ils répondent : “C’est Dieu”. Dis : “Ne le craindrez-vous pas ?”} Surate 10, verset 31.
Sauf que les associateurs aiment leurs associés “comme on aime Dieu” : {Il est des hommes qui prennent en dehors de Dieu des idoles qu’ils aiment à l’égal de Dieu} Surate 2, verset 165.
Donc ce qui fait entrer en Islâm, c’est l’unicité d’adoration. Elle est la coupure fatidique qui sépare l’Islam et l’infidélité.

* Ibn Taymiyya distingue en général 2 sortes de tawhid, mais, comme souvent chez lui, sa terminologie est hésitante : parfois, il en compte 3.

Plus tard, Mohammed Ibn ‘Abd-Al-Wahhab, éponyme de la secte wahhabite, développera cette thèse en des termes plus graves et plus extrêmes encore : « Les infidèles que le Prophète a combattus, tués, dont il a pillé les richesses et rendu licites les femmes, croyaient en la seigneurie divine, faisaient l’aumône, le pèlerinage, rendaient le culte et s’abstenaient des choses interdites, parce qu’ils craignaient. Pourtant, cela ne les a pas fait entrer en Islâm et n’a pas rendu leur sang et biens illicites… » (pp. 17-18). Il ajoute que le Prophète () a combattu les Juifs et les Chrétiens qui reconnaissaient qu’ « il n’est de dieu que Dieu ». Poussée à l’extrême, la distinction débouche sur le fanatisme : « Celui qui connait le tawhid et n’agit pas en conséquence est un infidèle, obstiné comme Pharaon et Iblis ! ». Et celui qui innocente le coupable d’un tel acte, qu’il s’agisse des Anciens ou des « impies de notre époque », est lui-même un infidèle. Ils sont tous coupables de la « grande impiété », c’est à dire, de l’associationnisme ».

On réfutera cela en disant que “l’unicité seigneuriale” est identique à “l’unicité d’adoration” et qu’il n’y a aucune raison de diviser le tawhid en 2 ou 3 parties distinctes. Professer l’unicité de Dieu, c’est aussi bien croire que Dieu est le seul Créateur, le seul Pourvoyeur, le seul Agent, que vouer à Dieu un culte exclusif et sans partage.

Dieu dit dans le Qur’ân : {Ne suis-je pas votre Seigneur (rabb) ?} Surate 7, verset 172.
Or, celui qui reconnait la seigneurie de Dieu prend en même temps l’engagement de L’adorer, car le rabb, le Seigneur, n’est rien d’autre que l’ilâh, la Divinité. En outre, il est dit dans le hadith qu’au moment de la mort, les Anges interrogent la personne décédée en lui demandant : “qui est ton Seigneur (rabb) ?”, et non : “Qui est ton Dieu (ilâh)”. [ndt : hadîth rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4753, et rapporté de façon sommaire par al-Bukharî et Muslim dans leur Sahîh].

Qui plus est, les Docteurs sunnites s’accordent à dire qu’il n’est pas permis de qualifier de muwahhid (partisan de l’unicité divine) quiconque rejetterait les pratiques de l’Islâm. Reconnaître la Seigneurie de Dieu tout en refusant de Lui vouer un culte exclusif, ce n’est pas être un mauvais partisan de l’unicité divine, mais c’est être mécréant, voilà tout. Preuve en est, le verset coranique suivant : {N’est-ce pas à Dieu qu’est dû le culte pur ? Ceux qui, en dehors de Lui, se sont donné des maîtres [disent] :  Nous ne les adorons que pour qu’ils nous rapprochent intimement de Dieu”. En vérité, Dieu [dans la vie future] tranchera le différend qui les oppose. Dieu ne guide point le menteur, le mécréant invétéré} Surate 9, verset 3.

La raison démonstrative de ce verset, c’est que Dieu qualifie clairement les associateurs de menteurs et de mécréants ; dès lors, comment les qualifier de muwahhid qui professent l’Unicité Seigneuriale après cela, comme l’affirme Ibn Taymiyya ?

S’agissant ensuite du verset qurânique : {Dis : “Qui donc vous procure la nourriture du ciel et de la terre ? Qui dispose de l’ouïe et de la vue ? Qui fait sortir le vivant du mort ? Qui dirige toute chose avec attention ? ” Ils répondent : ” C’est Dieu ” Dis : ” Ne craindrez-vous pas ?”} sourate 10, verset 31.

Il ne signifie nullement que les assiociants (associateurs) professaient “l’Unicité Seigneuriale de Dieu”. En réalité, ces gens tenaient ces propos uniquement pour contredire le Prophète (ﷺ). En effet, lorsque celui-ci leur eut prouvé que Dieu existait, qu’il n’y avait d’autre dieu que Lui, et qu’il leur demanda de renier les idoles devant lesquelles ils se prosternaient en dehors de Dieu, ils se trouvèrent dans un embarras manifeste. Ils dirent alors en réponse à la question du Prophète (ﷺ) : “Qui donc a créé les cieux et la terre ?”, C’est Allâh”, prétendant par là qu’ils adoraient ces idoles uniquement pour qu’elles les rapprochent davantage de Lui. C’était évidemment un mensonge de leur part, car en réalité ils ne croyaient aucunement en la Réalité de Dieu, Créateur des cieux et de la terre. Ce qui le prouve, c’est que Dieu leur a ordonné de méditer sur la création des cieux et de la terre afin qu’ils sachent qui en est le Créateur et qu’ils se soumettent, Dieu dit :  {Ne regardent-ils pas comment les chameaux furent créés, comment le ciel fut élevé, comment les montagnes furent érigées, comment la terre fut nivelée ?} Surate 88, versets 17-20.

Si vraiment les associants avaient regardé Dieu comme le Créateur des cieux, de la terre et de ce qu’ils contiennent, quel intérêt avait le Seigneur à leur demander de méditer sur les chameaux et la façon dont ils furent créés, sur les montagnes et la manière dont elles furent dressées, sur la terre comme elle fut nivelée, sur les cieux comme ils furent élevés ?

Enfin, on n’a jamais entendu que le Prophète (ﷺ) avait établi une différence entre le tawhid ar-rubûbiyya et le tawhid ulûhiyya, lui qui attendait seulement les convertis qu’ils attestassent qu”il n’est de dieu que Dieu et que Muhammad est son Prophète”. Établir une distinction entre les 2 types de tawhid est donc une innovation blâmable (bid’a) ».

Bien qu’Ibn Taymiyya ait innové dans la façon d’expliquer mais aussi dans la compréhension du Tawhîd, ce qu’il dit reste globalement correct (exceptés quelques points qui peuvent engendrer des conséquences fâcheuses chez les faibles d’esprit) concernant les principes du tawhîd dans ses 3 axes majeurs, à savoir l’Unicité de l’adoration d’Allâh, de la Seigneurerie et de Ses Attributs, mais ses 3 axes sont compris implicitement dans le fait même qu’Il soit Dieu (Divin), et les implications qui découlent de son raisonnement erroné, peuvent engendrer des confusions, des erreurs et des innovations blâmables, comme on peut le voir chez Mohammed ibn ‘Abd al-Wahhâb. C’est là qu’on voit les contradictions chez les salafistes : accepter ou refuser arbitrairement les innovations…généralement refusant les bonnes innovations et acceptant les mauvaises innovations.

Enfin, Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb ment sur le compte du Prophète Muhammad (ﷺ) ou ignore une partie du Qur’ân, de la Sunnah authentique et des épisodes bien attestés de la Sîrah, qui montrent, sans l’ombre d’un doute, 2 choses qui ruinent totalement sa prédication sur ce qui la distingue de l’Islam traditionnel, à savoir dans un premier temps, le fait que parmi les ennemis du Prophète (ﷺ) et des Musulmans, il y avait beaucoup d’idolâtres qui insultaient et combattaient ouvertement Allâh et Son Messager, qui niaient parfois Allâh tout en vouant un culte à des idoles inventées, qui niaient l’existence du Jour du Jugement ainsi que du Paradis et de l’Enfer, qui ne faisaient pas la prière, ni ne versaient la zakâh, ni ne faisaient le Hajj, ni ne jeûnaient, ni ne se comportaient avec justice et droiture envers les femmes, les enfants, les anciens, les voyageurs, les esclaves, etc. et que pire encore, certains ajoutaient à cela, le fait de s’opposer clairement à la diffusion du Message de l’Islam, à insulter Allâh et Son Messager, à obstruer le Sentier d’Allâh pour les croyants ou les nouveaux convertis, à les empêcher de retourner dans leurs demeures ou d’accomplir le grand ou le petit pèlerinage, sans parler de ceux qui ont pris les armes contre le Prophète (ﷺ) et sa communauté. Or, après tout cela, il ose dire que les Musulmans qui se sont opposés à lui (Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb) étaient pires que les ennemis du Prophète (ﷺ) ? C’est bien là une inspiration shaytanesque qui l’a égaré, car il contredit le Qur’ân, la Sunnah et la Sîrah à ce sujet. Et la deuxième chose, est que l’on trouve de façon très explicite et catégorique dans le Qur’ân, la Sunnah et la Sîrah, le fait que le Prophète (ﷺ) n’ait jamais combattu des non-musulmans pour leur croyance erronée, mais parce qu’ils avaient lancé les hostilités, qu’ils expulsaient les croyants de leurs demeures et persécutaient leurs familles, ou car ils renonçaient à un traité de paix durant la période médinoise lorsque les Musulmans avaient fondé leur propre état, en incluant aussi les communautés non-musulmanes, leur assurant protection et solidarité en cas de problèmes ou d’agressions ennemies. Faisant fi des nombreux versets du Qur’ân et des ahadiths prophétiques interdisant de tuer les non-combattants ou de persécuter les gens uniquement sur base de leurs croyances, il s’est sans doute basé sur un seul hadith complètement décontextualisé disant « Il m’a été ordonné de combattre les gens (ou les idolâtres selon une variante) jusqu’à ce qu’ils témoignent qu’il n’est de divinité qu’Allâh et qu’ils croient en moi [en tant que Prophète] et en ce que j’ai apporté » (Rapporté par de nombreuses voies, y compris par Abû Hurayra, ‘Alî, Ibn ‘Umar et d’autres comme relatés par Muslim dans son Sahîh, Bukharî dans son Sahîh et d’autres). Or, le sens apparent ne peut pas être celui qui est visé, puisque cela contredirait le Qur’ân, la Sunnah authentique et l’attitude prophétique ainsi que des Califes bien-guidés (Abû Bakr ,’Umar, ‘Uthmân, ‘Alî et Hassân) qui après la mort du Prophète (ﷺ) ont toujours interdit de s’en prendre aux non-combattants du camp ennemi, tout en protégeant les résidants non-musulmans (dhimmis) en terres d’islâm. Or, la réalité, c’est que ce hadith – authentique – a été promulgué sur un champ de bataille, où le combat face à l’ennemi belliqueux a été ordonné (pour se défendre en cas d’attaque) mais que si l’ennemi déposait les armes tout en proclamant sa conversion à l’Islam, alors on ne devait plus le combattre, et ce, même s’il disait cela par hypocrisie pour éviter d’être tué, comme l’indiquent plusieurs narrations, notamment celles rapportées et authentifiées par An-Nawawî dans son Riyâd as-Salihîn. Même pour ceux qui ne disent pas proclamer l’attestation de foi, mais qui déposent les armes et souhaitent quitter le champ de bataille, alors Allâh ordonne non seulement de les laisser tranquille, mais même de les escorter jusqu’en lieu sûr : « Et si l’un des associateurs te demande asile, accorde-le lui, afin qu’il entende la parole d’Allâh, puis fais-le parvenir à son lieu de sécurité. Car ce sont des gens qui ne savent pas. Comment y aurait-il pour les associateurs (qui ont agressé et transgressé) un pacte admis par Allâh et par Son messager ? A l’exception de ceux avec lesquels vous avez conclu un pacte près de la Mosquée sacrée. Tant qu’ils sont droits envers vous, soyez droits envers eux. Car Allâh aime les pieux. Comment donc ! Quand ils triomphent de vous, ils ne respectent à votre égard, ni parenté ni pacte conclu. Ils vous satisfont de leurs bouches, tandis que leurs coeurs se refusent ; et la plupart d’entre eux sont des pervers. Ils troquent à vil prix les versets d’Allâh (le Qur’ân) et obstruent Son chemin. Ce qu’ils font est très mauvais ! Ils ne respectent, à l’égard d’un croyant, ni parenté ni pacte conclu. Et ceux-là sont les transgresseurs. Mais s’ils se repentent, accomplissent la Salât et acquittent la Zakât, ils deviendront vos frères en religion. Nous exposons intelligiblement les versets pour des gens qui savent. Et si, après le pacte, ils violent leurs serments et attaquent votre religion, combattez alors les chefs de la mécréance – car, ils ne tiennent aucun serment – peut-être cesseront-ils ? Ne combattrez-vous pas des gens qui ont violé leurs serments, qui ont voulu bannir le Messager et alors que ce sont eux qui vous ont attaqués les premiers ? Les redoutiez-vous ? C’est Allâh qui est plus digne de votre crainte si vous êtes croyants ! (…) ».

Allâh conditionne donc le combat par les violences et trahisons causées par les autres, et exhorte les croyants à cibler en priorité les chefs pour faire cesser la guerre car les soldats ne font généralement que suivre les ordres donnés par leurs commandants, or, en ciblant les chefs ennemis, cela pourrait sauver la vie de nombreux Musulmans et non-Musulmans qui cesseront la guerre si les donneurs d’ordre disparaissent. Ces versets font partie des derniers qui furent révélés concernant le combat, et ne sont donc pas abrogés (même pour ceux qui suivraient la thèse de « l’abrogation » intra-qurânique).

D’autres versets sur le même thème sont également explicites : « [tuez ceux qui vous combattent où que vous les trouviez] à l’exception de ceux qui visitent une tribu (qawn) à laquelle vous êtes liés par un traité ou de ceux qui viennent vous trouver le cœur serré à l’idée de vous combattre ou de combattre leur tribu ; si Allâh l’avait voulu, Il les aurait rendus maîtres de vous et ils vous auraient combattus. S’ils s’écartent de vous sans avoir eu à vous combattre, et s’ils vous proposent la paix, alors Allâh n’établira pour vous aucun recours (hostile) contre eux » (Qur’ân 4, 90).

« Tout ce qui vous a été donné [comme bien] n’est que jouissance de la vie présente; mais ce qui est auprès d’Allâh est meilleur et plus durable pour ceux qui ont cru et qui placent leur confiance en leur Seigneur, qui évitent [de commettre] les péchés les plus graves ainsi que les turpitudes, et qui pardonnent après s’être mis en colère, qui répondent à l’appel de leur Seigneur, accomplissent la Ṣalât, se consultent entre eux à propos de leurs affaires, dépensent de ce que Nous leur attribuons, et qui, atteints par l’injustice, ripostent. La sanction d’une mauvaise action est une mauvaise action [une peine nécessaire] identique. Mais quiconque pardonne et réforme, sa récompense incombe à Allâh. Il n’aime point les injustes ! Quant à ceux qui ripostent après avoir été lésés, …ceux-là pas de voie (recours légal) contre eux ; Il n’y a de voie [de recours] que contre ceux qui lèsent les gens et commettent des abus, contrairement au droit, sur la terre : ceux-là auront une correction douloureuse. Et celui qui endure et pardonne, cela en vérité, fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires » (Qur’ân 42, 36-43).

« Acquitte-toi de la salât, ordonne la bonté et interdis l’iniquité, et supporte avec endurance (et patience) tout ce qui peut t’arriver. Tout cela fait partie des bonnes résolutions. Ne regarde pas les gens avec mépris, et ne marche pas sur terre avec arrogance. En vérité, Allâh n’aime ni l’arrogant ni le vantard. Sois modeste dans ton maintien, et baisse la voix : en vérité, la voix la plus affreuse de toutes est celle de l’âne (quand il brait) » (Qur’ân 31, 17-19).

Cela pour les non-musulmans, que dire alors pour ceux qui se réclament ouvertement de l’Islam et qui pratiquent les piliers de la Religion ? Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit par ailleurs : « Celui qui rompt l’allégeance, et quitte l’assemblée (des musulmans) et meure, sa mort sera une mort de Jahiliyya (époque pré-islamique). Et celui qui combat sous une bannière folle et aveugle, qui se met en colère par sectarisme, ou appelle au sectarisme, ou pour faire triompher le sectarisme, et est tué, il mourra dans l’état de la jahiliyya. Et celui qui se rebelle contre ma communauté, et frappe sans égard ses bons comme ses mauvais, sans considération pour ses croyants, et ceux qui sont sous leur protection (pacte), celui-là n’est pas de moi, ni moi de lui » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1848 selon Abû Hurayra).

Et dans un autre hadith prophétique : « Viendra à la fin du temps des jeunes gens [jeunes sots], aux ambitions sottes, ils parlent de la meilleure des façons (belles paroles), (mais) sortiront de l’Islam comme la flèche sort de sa cible, leur foi ne dépassera pas leurs gosiers, là où vous les trouvez, leur mort sera rétribué le Jour de la Résurrection » (Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°3611 et par Muslim dans son Sahîh n°1066).

Depuis environ 30 ans, nous voyons que les jeunes révoltés qui ont délaissé la spiritualité, l’éducation religieuse traditionnelle et l’accomplissement des œuvres de bienfaisance dans les domaines sociaux et humanitaires, bien qu’ils affichent de beaux slogans trompeurs, n’en demeurent pas moins des gens agressifs, violents, peu cultivés (religieusement, psychologiquement et politiquement parlant), – contrairement à d’autres domaines où ils peuvent exceller (médecine, informatique, chimie, physique, …) -, qui ne manifestent aucune justice ni aucune bienfaisance avec les individus (y compris musulmans) qui ne partagent pas leur vision déviante des choses et qui n’adhèrent pas à leur groupe sectaire. Ainsi, si un adepte du fanatisme prend les armes pour semer le chaos, il devient un devoir de le raisonner si cela est possible, mais le cas échéant, alors le combattre devient obligatoire et nécessaire pour préserver la sécurité des citoyens (le mettre hors d’état de nuire sans le tuer est préférable, mais si la situation dérape et qu’elle exige la mise à mort par nécessité liée à la sécurité et à la légitime défense, alors cela n’est plus un péché, même si c’est une situation triste pour laquelle il ne faut pas se réjouir en tant que tel). Ces mouvements contemporains puisent dans le wahhabisme leurs slogans, même si leurs actes criminels sont aussi commis par des mouvements identitaires (marxistes, laïcs ou « shiites ») en Irak, en Syrie, en Afrique ou ailleurs, ou lors des conflits armés entre pays non-musulmans, mais la particularité ici se trouve dans les slogans qu’ils scandent et manipulent pour les besoins de leur cause.

L’imâm Ismâ’îl Ibn Kathîr (m. 773 H/1373), théologien, historien, exégète du Qur’ân, spécialiste du hadîth et juriste shâfi’ite originaire de Syrie, a dit dans son ouvrage Al Bidâyah wa an Nihâyah au sujet des khawarîj :  « Si les khawârij prennent encore le pouvoir, ils corrompront toute la terre de l’Irâq et du Shâm. Ils n’épargneront ni le garçon ni la fille, ni l’homme ni la femme, car selon leur doctrine, les gens sont entrés dans un tel état de corruption qu’ils ne peuvent être réformés que par le meurtre de masse ».

Or Allâh nous enseigne ceci : « Tandis que celui qui, redoutant de comparaître devant son Seigneur, aura dompté ses passions ; c’est le Paradis qui constituera son séjour » (Qur’ân 79, 40-41).

Pourquoi autant de succès ?


Se pose ensuite une autre question, à savoir, comment autant de personnes ont pu embrasser le wahhabisme, qui était une résurgence du kharijisme, qui selon une parole authentique du Prophète (ﷺ), réapparaitra de façon cyclique. Se basant sur de beaux et bons slogans (retour à l’Islam originel, Qur’ân et Sunnah, Voie des Pieux prédécesseurs, etc.) il y a de quoi séduire des gens qui ne connaissent pas grand-chose à la Religion ni à la complexité de l’histoire. Or une analyse attentive montre que le sunnisme traditionnel est la Voie du Qur’ân, de la Sunnah et de l’élite des Salafs, puisque puisant ses méthodologies et avis directement chez les Salafs et leurs disciples, de façon approfondie et détaillée, connaissant les règles de fiqh, les différentes variantes ou faiblesses liées au Hadith, aux méthodes d’interprétation du Qur’ân, etc., là où Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb, avait affirmé avoir renoncé aux sciences islamiques de façon traditionnelle, d’agir en autodidacte, en se basant sur des ahadiths faibles ou inventés, ou en déformant des ahadiths authentiques, sans les relier au Qur’ân ni aux ahadiths authentiques plus notoires et généraux, ce qui a donné les catastrophes que nous savons. Ceux qui n’ont pas pu étudier sérieusement les sciences religieuses et l’histoire ont donc pu être séduits par ce courant aux ambitions grandioses mais à la vision simpliste, binaire et caricaturale, méthode fallacieuse reprise d’ailleurs par Daesh en 2014 pour attirer de nombreux jeunes n’ayant jamais étudié les sciences religieuses auprès de savants qualifiés, en plus du contexte favorable ayant permis l’émergence de ce groupe (pays en guerre, ravagé par le sectarisme et le chaos alimentés par les puissances occidentales et la tyrannie des régimes dictatoriaux de la région). Néanmoins, même de grands intellectuels et penseurs, dans un premier temps, étaient tombés dans le panneau, puisque se fiant seulement aux « slogans » du wahhabisme (retour à l’Islam originel face aux altérations de certains courants au fil du temps), mais s’éloignant ou réfutant le wahhabisme par la suite lorsqu’ils ont commencé à l’étudier en profondeur et à y voir les dérives en totale opposition avec les principes et finalités islamiques. De tels auteurs, comme le savant As-Shawkanî, ou des intellectuels comme Muhammad Asad (Léopold Weiss), Malek Bennabi, Roger Du Pasquier et d’autres, se sont ainsi ravisés, car dans leurs premiers ouvrages, où pouvait parfois y lire brièvement un commentaire élogieux concernent le wahhabisme (qui pouvait laisser présager un renouveau intellectuel dans une période trouble, là où il aura finalement été un fléau poussant soit les gens vers l’extrémisme et le fanatisme, soit vers l’apostasie, en s’attaquant notamment aux grands intellectuels et maîtres spirituels de la Communauté musulmane), mais dans leurs ouvrages postérieurs, on y lisait des critiques plus détaillées du courant wahhabite, après avoir mené leurs recherches et investigations.

Le wahhabisme a émergé dans un contexte où le monde musulman connaissait une phase de décadence généralisée, sauf à quelques endroits qui étaient encore prospères et traditionnels avec un peuple globalement pieux et une élite intellectuelle traditionnelle et orthodoxe, et produisant encore quelques grands savants polymathes. Face à cette décadence et au laxisme, il était donc tentant – ce que l’on peut encore observer de nos jours – que des mouvements se forment pour tenter d’y remédier, mêlant cependant ignorance et fanatisme, adoptant de mauvaises méthodes (ne prenant pas en compte les principes et finalités de l’Islam, ou du moins le contexte et les conditions psychologiques et sociologiques d’une population donnée), et y intégrant un certain nombre de personnes hypocrites et opportunistes. Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb fut-il sincère ? Difficile question, et nous laissons cela à Allâh qui le jugera en toute justice et sagesse, mais son alliance politique avec un bédouin éloigné de la piété religieuse, du sens de la justice et de la sagesse, et le « Pacte du Najd » impliquant une loyauté aveugle à cette alliance entre un idéologue dangereux et déviant et un chef politique peu scrupuleux, est par nature contraire aux principes et finalités de l’Islâm. Il serait faux de penser que l’ambition politique eut été son seul motif – car sinon il aurait pu être beaucoup plus accommodant envers ses opposants ou les conceptions religieuses (islamiques) de ses opposants – il ne fit la guerre qu’aux musulmans qu’il qualifia d’apostats, mais jamais aux non-musulmans, ce qui pourrait peut-être s’expliquer par le fait qu’il cherchait d’abord à unifier le Najd d’où il était originaire, et dont le hadith prophétique prédisait l’avènement du wahhabisme comme cause singulière de troubles dans le monde musulman. En effet, comme le rapportent al-Bukharî dans son Sahîh n°7094 ainsi qu’At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3953 sous l’autorité de Ibn ‘Umar que le Prophète (ﷺ) a dit : « Ô Allâh ! Accorde Tes bénédictions sur notre Shâm ! Ô Allâh ! Accorde Tes bénédictions sur notre Yémen. Les gens ont dit : « Et aussi sur notre Najd ». (Il répéta ces invocations une 2ème fois), – et je pense que la 3ème fois, le Prophète (ﷺ) a dit : « Là (au Najd) est le lieu des tremblements de terre et des afflictions et de là sortira la corne (ou le fer de lance) de Shaytân ». Si certains savants ont voulu identifier le « Najd » à l’Irak comme l’imâm al-Khattâbi comme l’a mentionné Ibn Hajar dans son Fath ul Bârî’ (47/13) : « Nous trouvons concernant la direction de l’Est, et concernant celui qui est à Médine, que son Najd, était la région de l’Irak et ses alentours, c’est cela le Najd des gens de Médine … », cela n’est cependant pas exact – et Allâh sait mieux -, puisque ces personnes-là étaient des Arabes issus de la péninsule arabique et non pas d’Irak – qui était déjà désigné par d’autres termes que « Najd ». D’ailleurs, le Najd se situe bien à l’Est de Médine lorsque l’on prend une carte géographique, et les savants salafis eux-mêmes en Arabie se désignent comme étant les savants du « Najd » et se caractérisent par leurs déviances et leur fanatisme en matière de religion depuis l’avènement du wahhabisme dans le Najd. S’il est aussi exact que d’autres contrées ont vu émerger l’apparition de certaines sectes ou déviances, du point de vue historique et islamique, le Najd saoudien eut un impact majeur et dévastateur pour le monde musulman seulement avec l’apparition du wahhabisme. Par ailleurs, les savants hanbalites du Najd – y compris les tayyimiyyens parmi eux – ont identifié la prédication de Mohammed Ibn Abdel Wahhâb à cette fitna annoncée par le Prophète Muhammad (ﷺ) et à ce type particulier des khawarij, et ce, bien que les disciples de Mohammed Ibn ‘Ab al-Wahhâb furent plus radicaux et fanatiques que lui. Ce sont des centaines de savants de renom qui ont critiqué et réfuté ce mouvement et sa prédication à leur époque, comme par exemple le propre frère de Mohammed, Sulaymân Ibn ‘Abd al-Wahhâb ainsi que leur père, en plus des savants hanbalites et malikites divers – pas forcément taymiyyiens – comme le savant et Muftî Ibn Humayd al Hanbalî (m.1295 H) et son grand-père Muhammad, le Shaykh Muhammad Ibn Fayrûz, le Shaykh Uthmān Ibn Sanad al Basrî al Mâlikî, le Shaykh ‘Abdullâh Ibn Ahmad Ibn ‘Abdullâh Ibn Suhaym, le Shaykh Sulaymân Ibn Suhaym al Hanbalî (m. 1181 H), le Muftî Marî Ibn Yûsuf al Karmî al Hanbalî (m.1033 H), le Shaykh ‘Abd al Hayy Ibn al Imâd al Hanbalî (m.1089 H) et bien d’autres ont réfuté, directement ou indirectement, les déviances et ont dénoncé les dérives et actes relevant de l’égarement et de l’horreur, commis par le fondateur du wahhabisme et ses disciples issus des premières générations. Que ce soit dans le fiqh, la ‘aqida, la politique, le tasawwuf et autres, ils ont proposé de très belles et bonnes réfutations de façon générale, malgré quelques points perfectibles ou des dérives qui ne sont pas propres qu’aux wahhabis. Il s’agit donc bien de la région de la péninsule arabique dont la capitale est Riyad, se trouvant à l’Est de Médine. Le Shaykh Ibn Taymiyya dans son Bayan talbis bayan al-jahmiyya (1/17-23) dit d’ailleurs ceci : « Il a été rapporté d’une manière récurrente « tawatûr » que le Prophète a informé que la discorde et la source de la mécréance proviendront de l’Est c’est-à-dire de l’Est de Médine comme la région de Najd et ce qui est l’Est du Najd (…). Et il n’y a pas de doute que c’est de ceux-là que s’est produit l’apostasie et d’autres sortes de mécréance, de Musaylimah al Kadhdhab (le menteur) et ceux qui l’ont suivi, de Tulayhah al-Asadî et ceux qui l’ont suivi et de « Sajah » et ceux qui l’ont suivi ». Il faut donc analyser la chose et voir quels ont été les fruits de la wahhabiyya najdiyya – qui était un courant fort différent de la wahhabiyya/salafiyya du sous-continent indien à plus d’un titre -. Et là, même s’il y a quelques points positifs que nous énumérerons plus loin, le bilan est globalement catastrophique et terrible : ignorance, fanatisme, troubles majeurs, trahisons, apostasie, confusions permanentes, absence de spiritualité et d’intelligence dans le fiqh, rupture majeure avec l’Islam traditionnel et civilisationnel, et de multiples courants radicaux et terroristes – même si manipulés et financés parfois par les puissances non-musulmanes – qui ont semé le chaos dans le monde musulman et qui ont Sali l’honneur des musulmans et l’image de l’Islam. Le monde musulman ne s’est guère redressé avec le wahhabisme, mais a été plongé dans une succession d’épreuves terribles, qui ont eu une répercussion sur pratiquement l’ensemble des musulmans, encore de nos jours.

Wahhabisme et politique

Le wahhabisme qui se caractérise par un certain rigorisme et un manque flagrant de spiritualité et de noble éthique – trouvant leurs fondements dans le Qur’ân et la Sunnah -, a modelé des groupes armés et politiques qui ont dénaturé complètement les valeurs et les finalités de l’Islam – bien que cette accusation de la part des ennemis de l’islam et des tyrans de la région qui commettent parfois plus d’atrocités que les plus fanatiques des wahhabites soit instrumentalisée à des fins politiques et idéologiques doit aussi être dénoncée -. Le fait est que, partout où les régimes tyranniques ont pris le pouvoir – souvent avec le soutien occidental ou russe selon les cas -, la répression laïciste et la lâcheté de certains savants musulmans ont conduit les jeunes à se tourner vers les discours radicaux, soit du wahhabisme soit du shiisme rafidite le plus extrémiste, soit marxiste (notamment avec le PKK et ses branches syriennes et irakiennes par exemple), soit à apostasier de l’Islam. Cette responsabilité est donc plurielle, car quand les savants, les parents et les dirigeants ne jouent pas leur rôle éducatif pour apaiser les tensions, assurer la justice, clarifier les ambiguïtés ou les sujets sensibles de façon honnête et convaincante, alors la situation devient un terreau fertile pour l’extrémisme (politique ou idéologique, ainsi que « religieux), et lorsqu’une guerre éclate, des groupes se forment et deviennent des mouvements armés, et en l’absence d’une véritable éducation spirituelle et religieuse, d’une connaissance approfondie de l’Histoire et de sa complexité, les choses peuvent très vite dégénérées. Ainsi, les mouvements wahhabites ont souvent été corrélés à une montée de la haine de l’Islam et à l’apostasie d’une partie des musulmans, pas seulement en raison des mensonges médiatiques occidentaux ou russo-chinois dans leur propre contexte géopolitique, mais aussi car de réelles dérives sont à déplorer. Il faut dire aussi que beaucoup de ces jeunes étant manipulables (y compris pour d’autres mouvements non-islamiques comme le PKK par exemple ou les réseaux d’Extrême droite ou d’Extrême gauche en Occident), ne connaissant que très peu l’histoire, la sociologie, la psychologie, l’économie et les sciences islamiques, tombent dans le panneau, et sont parfois même manipulés et pilotés – inconsciemment ou indirectement – par des agents occidentaux ou russes pour ensuite justifier leurs interventions politiques ou militaires, et renforcer leur agenda et leurs opérations dans la région, ou la répression contre des intellectuels, associations ou groupes de l’opposition dans leur propre pays. De façon générale, ce qui est certain, est que le « wahhabisme politique » a été un terrible échec.

Conclusion et attitude face à la divergence

Il convient de distinguer le fondateur du wahhabisme et ses premiers disciples qui étaient extrémistes, des wahhabites des générations suivantes, et notamment de nos contemporains, qui pour beaucoup ignorent les fondements déviants et obscurités
de la prédication wahhabite, et où l’on trouve même parmi eux, des gens sincères et pieux et se préservent, sans le savoir, de certaines tares du wahhabisme, il faut donc les traiter comme nos frères et éviter d’aborder les divergences qui peuvent susciter l’incompréhension ou la rancœur, et ne clarifier les sujets qui font l’objet de divergences que lorsque les discussions se présentent d’elles-mêmes. Attitude qu’il faut observer aussi avec nos frères shiites, néo-mu’tazilites, ibadites et autres, qui sont sincères, bienveillants, courtois et pieux, et qui s’abstiennent des choses répréhensibles comme la haine, la malédiction et l’insulte contre les Compagnons, les membres de la demeure prophétique, les Awliyâ’ et les Musulmans de façon générale, et plus encore pour les personnes qui fuient intelligemment les polémiques pour se concentrer sur les actes d’adoration et de bienfaisance, car beaucoup d’entre eux recherchent la Satisfaction de leur Seigneur, tout en aimant le Prophète (ﷺ) et son entourage (au sens large), et non pas à semer la haine et la division au sein de la Communauté, et ignorent ou se détournent volontairement des dérives sectaires qui ont pu voir le jour au sein du courant de pensée auquel ils disent se rattacher pour diverses raisons (culturelles et familiales, politiques, sociologiques, par ignorance, etc.), d’autant plus que beaucoup de courants connaissent d’importantes différences et évolutions au fil du temps, ainsi que des divergences plus ou moins grandes en leur propre sein. Cela ne signifie pas qu’il faille pour autant abandonner toute discussion intellectuelle sur les sujets délicats, sensibles ou polémiques, mais qu’il ne faut pas détourner l’attention des croyant(e)s de la piété, des actes de dévotion (prières, invocations, lecture et récitation du Qur’ân, dhikr, contempler le cosmos et la nature, méditer sur la vie et la Tradition purifiée du Prophète ﷺ, etc.) et les actes de bienfaisance (charité, soutien aux orphelins et aux veuves, aides aux nécessiteux, construction d’écoles et d’hôpitaux, etc.), car mieux vaut chercher l’union autour des piliers de l’Islam et de la foi ainsi que de l’entraide dans les bonnes œuvres et la piété, que de vouloir diviser les gens et alimenter le sectarisme et la rancœur : « Entraidez-vous dans l’accomplissement des bonnes oeuvres et de la piété et ne vous entraidez pas dans le péché et la transgression » (Qur’ân 5, 2). Néanmoins, lorsqu’une fitna apparait, il faut composer des traités et épitres visant à clarifier un sujet ou réfuter l’objet de la discorde, par des preuves probantes, avec les propos nuancés et sages que cela exige du point de vue islamique : « Par la sagesse et la bonne exhortation, appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. (…) Certes, Allâh est avec ceux qui [L’] ont craint avec piété et ceux qui sont bienfaisants » (Qur’ân 16, 125 et 127).

« Et aussi Nous avons fait de vous une communauté de justes (et du juste milieu) pour que vous soyez témoins aux gens » (Qur’ân 2, 143).

« Et c’est être, en outre, de ceux qui croient et s’enjoignent mutuellement l’endurance (dans la droiture et le bien), et s’enjoignent mutuellement la miséricorde » (Qur’ân 90, 17).

Quant aux gens sectaires, ils existent  dans tous les courants (musulmans ou non-musulmans), et il convient tout simplement de nous éloigner d’eux car ils sont trop rongés par la colère, la rage, la haine et l’orgueil, et cela n’amène rien de bon à polémiquer en perdant un temps précieux qui aurait pu servir ailleurs de façon plus bénéfique ou du moins plus profitable, et dans ce cas, il faut alors se contenter d’invoquer Allâh pour leur guidée et qu’Il les empêche de causer du tort aux gens, de même qu’il faut les réfuter avec sagesse et clairvoyance quand la situation l’exige : « Accepte ce qu’on t’offre de raisonnable, commande ce qui est convenable et éloigne-toi des ignorants (qui t’éloignent du Divin et du bien). Et si jamais le Shaytân t’incite à faire le mal, cherche refuge auprès d’Allâh. Car Il entend, et sait tout. Ceux qui pratiquent la piété, lorsqu’une suggestion du Shaytân les touche, se remémorent Allâh : et les voilà devenus clairvoyants. (Quant aux malfaisants), leurs partenaires (parmi les diables) les enfoncent dans l’aberration, puis ils ne cessent (de s’enfoncer davantage) » (Qur’ân 7, 199-202).

Wa Allâhu a’lam.


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