Réfutation de la thèse orientaliste sur les origines de l’Islam au sujet de la Mecque

Une ancienne thèse orientaliste, déjà réfutée depuis des décennies, mais toujours propagée sur les réseaux sociaux par de pseudo-experts, prétendait que l’origine de l’Islam se situerait plutôt à Pétra (actuelle Jordanie) et non pas dans le Hijaz (Mecque et Médine) de la péninsule arabique (actuelle Arabie Saoudite). Or, tous les manuscrits qurâniques du 1er siècle hégirien, les épigraphies et autres inscriptions islamiques des 2 premiers siècles de l’Hégire, ainsi que tous les traités historiques, théologiques, juridiques, spirituels et éthiques de l’islam des premières générations de Musulmans (les Compagnons, leurs disciples et leurs étudiants) furent unanimes (1) à désigner la Mecque et Médine comme étant le foyer originel de l’Islam Muhammadien, et jamais Pétra.



Cette thèse relève donc d’une croyance absurde et absolument pas crédible – et ne possède aucun appui historique solide -, propagée uniquement pour contrer le narratif de la Tradition musulmane, bien plus crédible et solide, comme le rappelait l’islamologue, docteur et chercheur Joseph Lumbard.

Certains orientalistes prétendaient aussi que la Mecque n’avait jamais existé avant l’ère islamique ou avant le 9ème siècle de l’ère chrétienne, montrant ainsi leur étonnante méconnaissance de l’histoire et de sujet.

Dans la Torah et la Bible, une mention probable de la Mecque, sous l’appellation de Bakkah, qui est une vallée, existe aussi. Elle se trouve notamment dans le passage du Psaume 84:6, soit plusieurs siècles avant l’ère chrétienne.

Selon le Lisân al-‘Arab d’Ibn Manẓûr, le site de la Ka’aba et de ses environs a été nommé « Bakkah » (بَكَّة) en raison de la « concentration humaine » et de la « congestion » des habitants et pèlerins autour du sanctuaire sacré. Le verbe « bakka » (بَكَّ,) signifie « rassembler », « congestionner », « concentrer » dans le sens de rassemblement ou concentration humaine, comme dans un marché où tout lieu où il y a foule. Il est différent du verbe bakâ (بَكَىٰ) (sans redoublement de la lettre « k ») qui est le participe passé de yabkî (يَبْكِي), « pleurer ». En syriaque, une langue sémitique proche, le suffixe « bak » signifie « ville ». Il a la même signification en phénicien et en égyptien. Par exemple, le nom de la ville de « Baalbek » au Liban signifie « Baal » (Soleil) et Bek / ou Bak, c’est-à-dire « la ville du soleil ». À l’origine, Baalbek était prononcé « Ba’labak » selon des manuscrits syriaques du 5e siècle (Cook, 1914, p. 550).
Si certains considèrent que « Bakkah » et « Makkah » comme synonymes, d’autres, notamment des exégètes musulmans, pensent que « Bakkah » fait référence à la Ka’aba et à ses environs immédiats, tandis que « Makkah » fait référence au nom de la ville dans son ensemble.

L’historien et géographe grec Diodore de Sicile (Diodorus Siculus) né vers 90 avant J.C. et mort vers -30 avant J.C., était le contemporain de Jules César et d’Auguste. Il est l’auteur de la Bibliotheca historica, une monumentale histoire universelle.
Il mentionna l’existence d’un temple important pour la plupart des Arabes, ce qui peut ne correspondre, en Arabie, qu’à la Ka’aba de la Mecque. Il déclara : « Après avoir dépassé cette plaine, le navigateur remonte une baie d’un aspect singulier. (…) Elle est entourée de tous les côtés par d’immenses rochers qui en rendent l’entrée tortueuse et presque impraticable. (…) On trouve dans cet endroit un sanctuaire (temple) qui est très saint et très vénéré par tous les Arabes ».
Cela indique donc que la Ka’aba était déjà connue avant le début de l’ère chrétienne, comme le confirmera l’historien Edward Gibbon : « …. de la mythologie aveugle des barbares – des divinités locales, des étoiles, de l’air et de la terre, de leur sexe ou titres, de leurs attributs ou subordination. Chaque tribu, chaque famille, chaque guerrier indépendant, créait et changeait les rites et l’objet de ce culte fantastique ; mais la nation, à chaque époque, s’est inclinée devant la religion ainsi que devant la langue de La Mecque. La véritable antiquité de la Caaba remonte au-delà de l’ère chrétienne : en décrivant la côte de la mer Rouge, l’historien grec Diodore a remarqué, entre les Thamudites et les Sabéens, un temple célèbre, dont la sainteté supérieure était vénérée par tous les Arabes ; le lin du voile de soie, qui est renouvelé chaque année par l’empereur turc, fut offert pour la première fois par les Homérites, qui régnaient 700 ans avant l’époque de Mohammed » (2).

De nombreux historiens, Musulmans comme non-Musulmans, ont mentionné que Diodore fait référence ici à la Ka’aba tels que Jorge Zaydan et Edward Gibbon et un groupe d’orientalistes étaient d’accord avec Edward Gibbon comme Caussin de Perceval, Sir William Muir, Ludolf von Krehl, G E von Grunebaum et d’autres.

Le géographe grec Ptolémée (2e siècle) mentionne dans son ouvrage Géographie VI, 7, 31-3712 une « Makoraba » située en Arabie de l’Ouest, soit dans le Hijâz. L’étymologie de Macoraba est incertaine. Certains chercheurs la font remonter à l’arabe yéménite maqrab qui signifierait « sanctuaire » d’autres à l’éthiopien mikrab, « le temple ». Mekwarb peut signifier le « palais », le « lieu sacré » ou la « synagogue », sans être antinomique du sens surbaissé pour désigner « le lieu du sanctuaire ».

Le nom « ‘Abd Makkah » dans certaines inscriptions thamudiques.
La documentation textuelle la plus ancienne du nom « La Mecque » remonte au premier siècle avant J.-C. ou au premier siècle après J.-C., dans une inscription hasmā’ī écrite par un homme appelé « ‘Abd Makkah ».
Dans son nom, il y a une référence à la sainteté de La Mecque et son statut (3).

La tradition musulmane attribue à Abraha une attaque de La Mecque avec son armée et un éléphant, le nom d’Abraha n’est pas cité nommément dans le Qur’ân mais bien dans la Tradition, notamment par At-Tabârî dans son Târîkh. Dans la Sîrah, le roi Abraha est cité et rapporte qu’Abd al-Muttalib, grand-père du Prophète Muhammad était intervenu auprès d’Abraha pour récupérer ses chameaux, mais laissant la defense de la Ka’aba à Allâh. La Mecque est préservée « miraculeusement » : « N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les gens de l’Eléphant. N’a-t-Il pas rendu leur ruse complètement vaine ? Et envoyé sur eux des oiseaux par volées qui leur lançaient des pierres d’argile? Et Il les a rendus semblables à une paille mâchée » (Qur’ân 105, 1-5). At-Tabarî dans son Târîkh évoque aussi ce phénomène singulier et mystérieux. La Tradition rapporte aussi que des témoins oculaires de cette attaque étaient encore en vie lors de la Révélation de cette Sûrate, – raison pour laquelle aucun Compagnon ou ennemi du Prophète de sa génération ne contesta ce récit qurânique -. Plusieurs textes éthiopiens mentionnent d’ailleurs l’apparition de ces mystérieux oiseaux .Des découvertes archéologiques dans la région témoignent par ailleurs de l’existence du roi Abraha et de son armée , comme la grande inscription d’Abraha, le roi Éthiopien du Yémen commémorant une réparation de la Digue de Marib ou encore le chapiteau provenant de l’église de Sanaa au Yémen, construite par Abraha vers 559-560. Si la campagne d’Abraha contre la Mecque s’avère historique, il est toutefois difficile de dater cet événement précsément, l’histoire de la Mecque ayant été reconstituée chronologiquement en lien avec des événements de la vie du Prophète Muhammad et des intervalles numériques symboliques. La date exacte de cette attaque ne peut encore actuellement être confirmée ou infirmée de manière certaine. Pour Christian Robin : « ce contexte politique [contrôle de la péninsule arabique par Abraha à partir de 552] rend parfaitement plausible une expédition d’Abraha en Arabie occidentale contre Makka » . L’expédition de l’Éléphant est citée aussi dans la poésie préislamique . Selon Robin en 2019, une expédition de l’armée d’Abraha vers l’Arabie centrale peut être ainsi « raisonnablement assuré » en 552 . Cela réfute 2 points fondamentaux de l’école hypercritique postulant l’inexistence de la Mecque en tant que cité « connue et « influente » », et l’apparition de l’Islam en dehors de l’Arabie (généralement Pétra en Jordanie) à une date tardive (4).

Une inscription islamique découverte à la Mecque, datant de l’an 110 H : « Je suis Jâ’far Ibn Muhammad, je recommande à chaque croyant de craindre Allâh, d’agir dans l’obéissance d’Allâh, d’être satisfait de son destin et d’être patient ».


Autre preuve prouvant l’existence de l’Islam au Hijaz bien avant la fin du 2e siècle H. comme le prétendent certains orientalistes. Des inscriptions islamiques dans le Hijâz, un grand nombre y ont déjà été découvert, dont une partie a déjà été analysée, avec des inscriptions datant des premières décennies de l’Hégire (puis du 1er et du 2e siècles de l’Hégire), mentionnant Allâh, le Prophète Muhammad, la religion islamique, les invocations traditionnelles, le Qur’ân et plusieurs de ses versets, les Califes bien-guidés Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, ‘Alî et d’autres Compagnons.

L’historien Henri Lammens dans La république marchande de la Mecque vers l’an 600 de notre ère (Bulletin de l’institut d’Égypte, 1910, pp. 23-54) évoquait la situation du commerce régional dans lequel s’inscrivait aussi la zone du Hijâz vers l’an 600, donc au tout début de l’ère islamique, et qui existait déjà avant, mais qui prendra une toute autre envergure par la suite, lors de l’expansion musulmane en dehors de la péninsule arabique (5). Avant l’Islam, l’Arabie comportait déjà des zones fertiles et agricoles, et était traversée par plusieurs routes commerciales maritimes et terrestres, comme l’ont révélé les traces archéologiques, et ce, bien avant la fin du 6e siècle de l’ère chrétienne (6). R. Simon, étudiant la géostratégie de l’Arabie préislamique, considère qu’à l’époque de la campagne [d’Abraha], La Mecque n’avait pas de commerce indépendant et elle était dirigée par les marchands de la Hira, et dont les habitants aient pris les nomades à leur service, établissant de multiples réseaux d’alliances commerciales et religieuses. La Mecque semble néanmoins avoir été, avec Najran et Adan, une ville active de la région, témoignant d’une relative sécurité et prospérité (7).

L’orientaliste Patricia Crone (m. 2015) qui mit en cause la Mecque comme origine historique de l’Islam dans son livre Meccan Trade And The Rise Of Islam (1987), ouvrage polémique fondé essentiellement sur des erreurs et lacunes de Crone, et sa méconnaissance de nombreux manuscrits et éléments historiques infirmant sa thèse. Le Dr., historien, chercheur et islamologue Robert Bertram Serjeant décrivit son livre comme une « polémique confuse, irrationnelle et illogique, encore compliquée par sa mauvaise compréhension des textes arabes, son manque de compréhension de la structure sociale de l’Arabie et la déformation du sens clair d’autres écrits, anciens et modernes » (8).


Enfin, la Ka’aba est un lieu aussi hautement spirituel, où à chaque époque depuis l’ère islamique, de nombreux prodiges et sensations de paix, d’humilité et de haute spiritualité sont apparus, où des maîtres spirituels notamment ont eu d’intenses visions spirituelles lucides (comme le grand et fameux Ibn ‘Arabî et ses Futûhât al-Makkiyya) marquant leur oeuvre par une étonnante cohérence allant de pair avec une incroyable profondeur. De nombreux pèlerins, encore aujourd’hui, font état d’une profonde sensation de paix, d’une Présence divine dans leur coeur et leur esprit, et de guérisons miraculeuses (9) à proximité de la Ka’aba à la Mecque ou auprès de la tombe du Prophète Muhammad (ﷺ), de ses nobles Compagnons ou de sa sainte famille. Or, on ne retrouve pas cela, à ce degré si élevé, dans les autres lieux de pèlerinage, et encore moins à Pétra. Ainsi, on voit que les éléments historiques, les données de la Tradition musulmane et les multiples expériences spirituelles et enseignements des maîtres spirituels convergent toujours vers la même conclusion, et qui est aussi la plus évidente et la plus solide à l’égard des faits historiques et de la tradition orale, contrairement aux thèses orientalistes qui demeurent inconsistantes, lacunaires, mutuellement exclusives et contradictoires, trop orientées idéologiquement, peu ou pas rationnelles, et occultant toute une masse de données historiques, textuelles et archéologiques qui infirment leurs allégations farfelues.



Notes :

(1) Par exemple les traités des imâms, chroniqueurs, historiens et savants des premiers temps comme Ibn Humâm, ‘Alî Zayn ul ‘Abidîn, Ibn Sa’d, Ja’far As-Sâdiq, Abû Hanifa, Abû Yûsuf, Mâlik, Ibn Ishâq, ‘Abdullâh Ibn al-Mubârak, At-Tabarî, ‘Abd ar-Razzâq As-Sanâ’nî, Ahmad Ibn Hanbal, etc.

(2) Voir notamment Edward Gibbon (Introduction by Christopher Dawson), Gibbon’s Decline And Fall Of The Roman Empire, Volume 5, Everyman’s Library, London, pp. 223-224 ; Bibliotheca Historica, Translated by C H Oldfather, Diodorus Of Sicily, Volume 2, William Heinemann Ltd., London & Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts, MCMXXXV, p. 217 ; G E von Grunebaum, Classical Islam: A History 600-1258, George Allen & Unwin Limited, 1970, p. 19, etc. Voir aussi l’article “Ka’bah As A Place Of Worship In The History”, Islamic Awareness : https://www.islamic-awareness.org/history/kaaba.html

(3) Roger D. Woodard, The Ancient Languages of Syria-Palestine and Arabia, éd. Cambridge University Press, 2008.
Voir aussi OCIANA (Online Corpus of the Inscriptions of Ancient North Arabia).

(4) Christian Julien Robin, “Soixante-dix ans avant l’Islam : l’Arabie toute entière dominée par un roi chrétien”, Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2012, 156-1, pp. 525-553 : https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2012_num_156_1_93448
Voir aussi Christian Julien Robin, “L’Arabie dans le Coran. Réexamen de quelques termes à la lumière des inscriptions préislamiques” dans Les origines du Coran, le Coran des origines, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2015, pp.28-48 ; et Christian Julien Robin, L’Arabie préislamique, 2019. – Donald R. Hopkins, The greatest killer: smallpox in history, with a new introduction, University of Chicago Press, 2002. Ce qui confirme les récits rapportés à ce sujet par At-Tabarî dans son Târîkh.

(5) Accessible ici : https://www.persee.fr/doc/bie_1110-1938_1910_num_5_4_4554

(6) “Pre-islamic Arab Economy”, History of Islam, 2013 : https://historyofislam.org/pre-islamic-arab-economy/

(7) Robert Simon, L’inscription RY 506 et la préhistoire de la Mecque, Acta Orientalia Academiae Scientiarum Hungaricae, 1967, 20(3), 325-337. Bien qu’il relativise l’indépendance commerciale de la Mecque, d’autres travaux, plus récents, semblent confirmer l’indépendance de la Mecque du point de vue commercial. Voir aussi Christian Julien Robin, La péninsule arabique à la veille de la prédication muhammadienne, dans Thierry Bianquis, Pierre Guichard et Mathieu Tillier (dirs.), Les débuts du monde musulman, VIIe – Xe siècle : De Muhammad aux dynasties autonomes, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », 2012, p. 6.

(8) Robert Bertram Serjeant, “Patricia Crone, “Meccan Trade and the Rise of Islam: Misconceptions and Flawed Polemics”. Journal of the American Oriental Society, 1990, 110 (3): 472. doi:10.2307/603188. JSTOR 603188.

(9) Parmi les maladies guéries spirituellement qui ont été attestées : maladies chroniques, maladies épidermiques, cécité, paralysie totale ou partielle, douleurs articulaires ou musculaires, troubles psy, etc., là où la médecine moderne ou conventionnelle était inefficace. Ce genre de phénomène est aussi rapporté auprès des tombes de certains Prophètes ou Saints, comme l’imâm Hussayn, Abû Hanifa, Jalâl ud-Dîn Rûmî, Ibn ‘Arabî, l’imâm sûfi ‘Alî ar-Ridhâ à Mashhad (en Iran), etc. Plusieurs de nos proches et connaissances, issues d’horizons divers, ont également expérimenté cela à la Mecque à proximité de la Ka’aba, à Médine devant la tombe du Prophète Muhammad (ﷺ) et auprès des tombes de certains Sahaba et Saints, hommes comme femmes.




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