Réflexion autour de la notion des « Compagnons » (Sahaba) du Prophète (‘alayhî salât wa salâm)

Le terme de « Compagnons » (Sahaba en arabe) pour beaucoup de sunnites désigne l’ensemble des personnes qui ont vu au moins une fois le Prophète dans leur vie, et qui ont embrassé l’Islam. Au sein de cette appellation, il existe ensuite des degrés et des catégories, selon leurs mérites et situations, tels que leur degré de piété et de proximité avec le Prophète, leurs participations dans des batailles critiques (comme celles de Badr ou de Uhûd), leur éducation spirituelle, les dépenses de leurs biens pour la cause de l’Islam, leur bon comportement, etc. Il va de soi que les considérer comme « impeccables » est un abus de langage, sachant qu’ils pouvaient commettre des péchés ou des erreurs, et tous les mettre sur le même pied d’égalité n’a aucun fondement, ni qurânique, ni prophétique.

   Pour autant, le nombre de compagnons, au sens qurânique du terme, et corroboré par la Sunnah authentique, dépasse bien les 10 ou 300 compagnons (1) dignes de confiance et réellement « croyants ». Néanmoins, le terme de « Compagnon » pose problème en ce sens qu’il implique normalement un « compagnonnage », c’est-à-dire des personnes loyales et sincères qui fréquentent autant que possible le Prophète, qui s’éduquent à ses côtés, le soutiennent dans plusieurs épreuves difficiles, etc. Or ce n’est pas le cas pour les quelques 120 000 musulmans qu’on classe parmi les « Compagnons », en tout cas selon certains auteurs. On peut par contre tout naturellement considérer les Compagnons convertis durant l’époque mecquoise (quand la Communauté musulmane était faible et peu nombreuse, persécutée par le pouvoir politique) et ceux qui les ont accueilli à Médine durant les premières années, comme étant des Compagnons loyaux puisqu’ils ont soutenu le Prophète dans une période difficile et pénible, tout comme ils ont côtoyé le Prophète à la Mecque et/ou à Médine, et l’ont accompagné dans ses voyages, ont assisté à ses sermons, l’ont soutenu lors des batailles qui lui furent imposées par les idolâtres. Selon cette définition qui nous semble pertinente, cela permet de les considérer comme « Compagnons », « loyaux », « vertueux » et « dignes de foi », malgré leurs erreurs ou le fait d’avoir commis des péchés. Et là, si le nombre dépasse les « 300 compagnons », on arrive cependant loin des « 120 000 Compagnons ». Le nombre réel devrait avoisiner les 10 000 ou 20 000, et parmi lesquels, les « 10 Compagnons promis au Paradis », – dont les califes bien-guidés -, ainsi que les musulmans parmi les ahl ul bayt, Salmân, Abû Dharr al-Ghifârî et bien d’autres.

   Par ailleurs, entre les spécialistes de la question, il existe quelques divergences théoriques là-dessus. Selon le savant Ali Gomaa (2), pour l’imâm As-Shafi’î, leur nombre se situerait autour des 60 000, pour Abû Zu’ra Ar-Râzî (une sommité dans la science du hadîth) leur nombre serait de 100 000 (nombre de Compagnons qu’il a personnellement recensé), et enfin, pour le célèbre Ibn Hajar al ‘Asqalânî, dans son célèbre recueil Al-Isâba fi maarifati al-sahaba, il en recense approximativement 12 300. Il faut dire aussi que tous n’avaient pas le même rôle ni la même fonction, puisque certains étaient fort occupés avec le commerce sans n’ayant jamais rien transmis à d’éventuels « disciples », d’autres n’ont fait que relater des ahadiths déjà transmis par des Compagnons plus célèbres qu’eux, et tous ne dédiaient pas leur vie à l’enseignement ou à l’aspect communautaire. Le calcul des Compagnons rapporteurs suivant les Six Livres « majeurs » de hadiths (le Sahîh Bukharî, le Sahîh Muslim, et les Sunân de Abû Dawûd, At-Tirmidhî, Ibn Mâjah et de An-Nasâ’î) chez les sunnites est exactement de 962, mais le nombre augmente vite si l’on inclut l’ensemble des corpus de ahadiths connus chez les sunnites comme les recueils de l’imâm Ahmad, de Al-Bayhaqî, de Ibn Abî Shayba, de Abû Nu’aym, de As-Sulâmî, de al-Hakîm at-Tirmidhî, de At-Tabarânî, de Ibn Khuzayma, de Ibn Abî ad-Dunya, de Al-Bazzâr, de al-Hakim An-Naysabûrî, de As-Sanâ’nî, de Ad-Darimî, de Ad-Daylamî, de al-Khatib al-Baghdâdî, de Ibn ‘Asâkir, de Ibn al-Athîr et de bien d’autres.

   Une autre source intéressante à ce niveau est mentionnée dans la Bible, où une allusion est faite à l’Islam et donc à la prophétie du Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm), accompagné de plus de 10 000 « Saints compagnons ».

   Il est dit en effet : « Il dit donc : L’Eternel est venu de Sinaï, et s’est levé à eux en Séhir ; il leur a resplendi de la montagne de Paran, et il est sorti d’entre les dix milliers des Saints, et de sa dextre le feu de la Loi est sorti vers eux » (Deutéronome 33:2). Il s’agit là d’une référence à la Révélation que reçurent le Prophète Moïse (Mûsa) au Sinaï, le Prophète Jésus (Issâ’) au Sehir (où se trouve les oliviers) et au Prophète Muhammad puisque la montagne de Parân se situe aux environs de la Mecque, et les « dix milliers de Saints » qui l’accompagneront, sont donc ses compagnons, lors de leur victoire triomphante à la Mecque (vers la fin de la période médinoise) après en avoir été persécutés et chassés, pour y faire instaurer le Tawhîd (le monothéisme pur) et la Loi de Dieu, comme évoqué dans le passage biblique.

   Dans un hadith prophétique il est dit : « Les meilleurs de ma Ummah (communauté) sont la génération à qui j’ai été envoyé » (3). Et cela fait écho aux versets du Qur’ân qui disent : « [Il appartient aussi] aux émigrés besogneux qui ont été expulsés de leurs demeures et de leurs biens, tandis qu’ils recherchaient une grâce et un agrément d’Allâh, et qu’ils portaient secours à (la cause d’) Allâh et à Son Messager. Ceux-là sont les véridiques. Il [appartient également] à ceux qui, avant eux, se sont installés dans le pays et dans la foi, qui aiment ceux qui émigrent vers eux, et ne ressentent dans leurs cœurs aucune envie pour ce que [ces immigrés] ont reçu, et qui [les] préfèrent à eux-mêmes, même s’il y a pénurie chez eux. Quiconque se prémunit contre sa propre avarice, ceux-là sont ceux qui réussissent.

Et [il appartient également] à ceux qui sont venus après eux en disant: « Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos frères qui nous ont précédés dans la foi; et ne mets dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru. Seigneur, Tu es Compatissant et Très Miséricordieux ».

N’as-tu pas vu les hypocrites disant à leurs confrères qui ont mécru parmi les gens du Livre: « Si vous êtes chassés, nous partirons certes avec vous et nous n’obéirons jamais à personne contre vous; et si vous êtes attaqués, nous vous secourrons certes ». Et Allâh atteste qu’en vérité ils sont des menteurs.

S’ils sont chassés, ils ne partiront pas avec eux; et s’ils sont attaqués, ils ne les secourront pas ; et même s’ils allaient à leur secours, ils tourneraient sûrement le dos; puis ils ne seront point secourus » (Qur’ân 59, 8-12).

« Les tout premiers [croyants] parmi les Emigrés et les Auxiliaires et ceux qui les ont suivis dans un beau comportement, Allâh les agrée, et ils L’agréent. Il a préparé pour eux des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, et ils y demeureront éternellement. Et ce sera pour eux le comble de la Félicité ! » (Qur’ân 9, 100).

   Ces versets sont magnifiques, et l’actualité ne fait que les corroborer une fois plus.

   Nul doute que, parmi les premiers versets, sont qualifiés de véridiques un certain nombre de compagnons, parmi lesquels Abû Bakr, ‘Alî, ‘Uthmân, ‘Umar, etc. qui ont émigré avec le Messager, qui ont dépensé de leurs biens, lutté avec leur être dans Son Sentier, qui ont aimé aussi bien les Ansâr que les muhajirîns, qui ont donné leurs droits aux autres plutôt qu’à eux-mêmes. Ensuite, Allâh a enjoint les croyants d’invoquer la Miséricorde Divine pour eux, et de ne pas éprouver de rancoeur à leur égard, – enseignement divin auquel s’opposent les haineux et injustes parmi les shiites et même un certain nombre de coranistes et de modernistes -. Enfin, Allâh considère comme relevant d’une attitude hypocrite, ceux qui tournent le dos aux croyants et qui prétendent vouloir leur bien, mais qui les trahissent pour de vils intérêts, faisant fi de ce qu’exige l’Islam à ce niveau. Cela concerne notamment les régimes en place dans bon nombre de pays musulmans, mais qui pour de vils intérêts, ne manifestent leurs forces que pour massacrer des civils ou des résistants (légitimes) parmi les musulmans, et qui gardent le silence, – ou pire, participent – face aux massacres commis par des nations non-musulmanes contre des populations innocentes (qu’elles soient muslmanes ou non-musulmanes) !

   De même que tout cela correspond à l’enseignement transmis par les Ahl ul bayt, notamment par l’imâm ‘Alî Zayn ul ‘Abidîn, appelé aussi l’imâm As-Sajjâd (4), le fils de l’imâm Hussayn (que la Paix soit sur eux deux), où l’on trouve parmi les plus belles invocations en faveur des nobles et proches compagnons du Prophète, où il dit dans sa Sahîfa Sajjâdiya, par rapport aux compagnons du Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) :

   « Ô Allâh, rappelle-Toi avec pardon et bon plaisir les disciples des Messagers, et les gens de la terre qui en ont été témoins sans les avoir vus (alors que les obstinés se sont opposés à eux en criant des mensonges). Ils ont langui pour les envoyés à travers les réalités de la foi, à chaque ère et époque dans laquelle Tu as envoyé un messager, et mis en place un directeur (guide) pour les gens, de la période d’Adam jusqu’à Muhammad (qu’Allâh le bénisse ainsi que les siens), parmi les imâms de la guidance et les dirigeants des dévots (que la Paix Divine soit sur eux) !

   Ô Allâh n’oublie pas ce qu’ont abandonné pour Toi et en Toi les compagnons de Muhammad spécifiquement, ceux qui étaient en bonne compagnie, qui ont supporté la bonne épreuve en l’aidant, qui lui ont répondu lorsqu’il leur a fait entendre l’argument de ses messages, qui se sont séparés de leur conjoint et de leurs enfants dans la manifestation de sa parole, qui ont combattu leurs pères et fils (qui se sont opposés violemment à eux) en renforçant sa prophétie, et qui ont remporté la victoire à travers lui, ceux qui ont été enveloppés dans l’affection pour lui, qui « espèrent des bénéfices impérissables » (Qur’ân 35, 29) dans l’amour pour lui, ceux qui ont été laissés par leurs clans lorsqu’ils se sont accrochés à sa prise et qu’ils ont renié leurs proches lorsqu’ils se sont reposés dans l’ombre de sa famille.

   Ô Allâh satisfais-les avec Ton bon plaisir pour les créatures qu’ils ont conduites à Toi alors qu’ils étaient avec Ton Messager, appelant à Toi pour Toi.

   Montre-leur de la gratitude pour avoir laissé les demeures de leur peuple pour Ton amour et pour être sortis d’une vie riche pour une vie réduite. Et montre de la gratitude pour ceux d’entre eux qui sont devenus les objets d’injustices et que Tu as augmenté dans l’exaltation de Ta religion.

   Ô Allâh, donne aussi Ta meilleure récompense à ceux qui ont agi en suivant les compagnons, qui disent : « Seigneur, pardonne-nous ainsi qu’à nos frères qui nous ont devancé dans la foi » (Qur’ân 59, 10), à ceux qui se sont dirigés sur la voie des compagnons, qui ont poursuivi leur itinéraire, et qui ont progressé avec leur coutume. Aucun doute concernant leur discernement sûr ne les a détournés et aucune incertitude ne les a troublés pour ne pas suivre leurs traces et ne pas être dirigés par la guidance de leur lumière. En tant qu’assistants et défenseurs, ils ont professé leur religion, remporté la guidance à travers leur guidance, se sont accordés avec eux, et ne les ont jamais accusés dans ce qu’ils ont bénéficié d’eux.

   Ô Allâh, bénis aussi les partisans, à partir de ce jour de notre époque jusqu’au Jour du Jugement, leurs épouses, leur descendance et ceux d’entre eux qui T’obéissent, avec une bénédiction à travers laquelle Tu les préserveras de la désobéissance à Ton égard, Tu leur feras une place dans les terrains de Ton jardin, Tu les défendras de la duperie de Shaytân, Tu les aideras dans la piété dans laquelle ils recherchent de Toi, Tu les protègeras des événements soudains qui proviennent la nuit et le jour – sauf les événements qui viennent avec un bien – et Tu les inciteras à nouer fermement le lien du bon espoir en Toi, en ce qui est avec Toi, et à s’abstenir de mauvaises pensées, en raison de ce que les mains de Tes serviteurs tiennent. Ainsi, Tu peux les rétablir après T’avoir recherché et pour T’avoir craint, les amener à renoncer à l’abondance de l’immédiat, les faire aimer l’œuvre pour le terme et les pousser à se préparer pour ce qui vient après la mort, alléger pour eux toute détresse qui leur parvient le jour où les âmes quittent les corps, les libérer de ce qui entraine les périls de la tentation et la descente et le séjour indéfini en enfer, et les emmener dans un lieu sûr, le lieu de repos des dévots ».

   Même s’il ne nomme pas précisément tous les compagnons (car il y en a beaucoup, il en donne la définition, qui englobe Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân notamment, et invoque donc en leur faveur. Bien plus, dans ses conditions et fondements de la foi, ni dans les branches, il n’évoque Abû Bakr,’ Umar ou ‘Uthmân en mal ni comme condition de la foi, contrairement à de nombreux shiites rawafidhs qui exigent le désaveu et/ou la malédiction et la détestation des 3 premiers califes bien-guidés et des épouses du Prophète comme ‘Aîsha et Hafsâ, – qu’Allâh soit satisfait d’eux tous.

   Les Compagnons dont il est fait l’éloge dans le Qur’ân et la Sunnah doivent être distingués des « simples bédouins » convertis à l’Islam du temps du Prophète, mais dont la « foi » n’a pas vraiment pénétré ni illuminé leur cœur et ne s’est pas « enracinée » dans leur âme : « Ils vous font des serments pour se faire agréer de vous, même si vous les agréez, Allâh n’agrée pas les gens pervers. Les Bédouins sont plus endurcis dans leur impiété et dans leur hypocrisie, et les plus enclins à méconnaître les préceptes qu’Allâh a révélés à Son messager. Et Allâh est Omniscient et Sage. Parmi les Bédouins, certains prennent leur dépense (en aumône ou à la guerre) comme une charge onéreuse, et attendent pour vous un revers de fortune. Que le malheur retombe sur eux ! Allâh est Audient et Omniscient. (Tel autre,) parmi les Bédouins, croit en Allâh et au Jour dernier et prend ce qu’il dépense comme moyen de se rapprocher d’Allâh et afin de bénéficier des invocations du Messager. C’est vraiment pour eux (un moyen) de se rapprocher (d’Allâh) et Allâh les admettra en Sa miséricorde. Car Allâh est Pardonneur et Miséricordieux. (…) Et parmi les Bédouins qui vous entourent, il y a des hypocrites, tout comme une partie des habitants de Médine. Ils s’obstinent dans l’hypocrisie. Tu ne les connais pas mais Nous les connaissons. Nous les corrigerons deux fois puis ils seront ramenés vers une énorme correction. D’autres ont reconnu leurs péchés, ils ont mêlé de bonnes actions à d’autres mauvaises. Il se peut qu’Allâh accueille leur repentir. Car Allâh est Pardonneur et Miséricordieux. Prélève de leurs biens une Sadaqa par laquelle tu les purifies et les bénis, et prie pour eux. Ta prière est une quiétude pour eux. Et Allâh est Audient et Omniscient. Ne savent-ils pas que c’est Allâh qui accueille le repentir de Ses serviteurs, et qui reçoit les Sadaqât, et qu’Allâh est L’Accueillant au repentir et le Miséricordieux. Et dis : « Oeuvrez, car Allâh va voir votre œuvre, de même que Son messager et les croyants, et vous serez ramenés vers Celui qui connaît bien l’invisible et le visible. Alors Il vous informera de ce que vous faisiez ». Et d’autres sont laissés dans l’attente de la décision d’Allâh, soit qu’Il les sanctionne, soit qu’Il leur pardonne. Et Allâh est Omniscient et Sage. Ceux qui ont édifié une mosquée pour en faire [un mobile] de rivalité, d’impiété et de division entre les croyants, qui la préparent pour celui qui auparavant avait combattu Allâh et son Envoyé et jurent en disant : « Nous ne voulions que le bien ! » [Ceux-là], Allâh atteste qu’ils mentent. Ne te tiens jamais dans (cette mosquée). Car une Mosquée fondée dès le premier jour, sur la piété, est plus digne que tu t’y tiennes debout [pour y prier]. On y trouve des gens qui aiment bien se purifier, et Allâh aime ceux qui se purifient. (…) Certes, Allâh a acheté des croyants, leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis. Ils combattent dans le sentier d’Allâh : ils tuent (l’ennemi), et ils se font tuer. C’est une promesse authentique qu’Il a prise sur Lui-même dans la Torah, l’Evangile et le Qur’ân. Et qui est plus fidèle qu’Allâh à son engagement ? Réjouissez-vous donc de l’échange que vous avez fait : Et c’est là le très grand succès. Ils sont ceux qui se repentent, qui adorent, qui louent, qui parcourent la terre (ou qui jeûnent), qui s’inclinent, qui se prosternent, qui commandent le convenable et interdisent le blâmable et qui observent les lois d’Allâh… et fais bonne annonce aux croyants » (Qur’ân 9, 96-112).

   Ainsi que dans cet autre verset : « Les Bédouins ont dit : « Nous avons la foi ». Dis : « Vous n’avez pas encore la foi. Dites plutôt : Nous nous sommes simplement soumis, car la foi n’a pas encore pénétré dans vos coeurs. Et si vous obéissez à Allâh et à Son Messager, Il ne vous fera rien perdre de vos œuvres ». Allâh est Pardonneur et Miséricordieux. Les vrais croyants sont seulement ceux qui croient en Allâh et en Son Messager, qui par la suite ne doutent point et qui luttent avec leurs biens et leurs personnes dans le chemin d’Allâh. Ceux-là sont les véridiques. Dis : « Est-ce vous qui apprendrez à Allâh votre religion, alors qu’Allah sait tout ce qui est dans les cieux et sur la terre ? ». Et Allâh est Omniscient. Ils te rappellent leur conversion à l’Islam comme si c’était une faveur de leur part. Dis : « Ne me rappelez pas votre conversion à l’Islam comme une faveur. C’est tout au contraire une faveur dont Allâh vous a comblés en vous dirigeant vers la foi, si toutefois vous êtes véridiques ». Allâh connaît l’Inconnaissable des cieux et de la terre et Allâh est Clairvoyant sur ce que vous faites » (Qur’ân 49, 1-18).

   Comme on peut le constater dans ces versets, Allâh distingue les « Compagnons » parmi les « Croyants », des « Bédouins » qui ont embrassé l’Islam (extérieurement du moins), et dont certains sont des hypocrites, d’autres sont des pécheurs avérés, et d’autres qui accomplissent globalement des bonnes œuvres, sans être pour autant des « Compagnons » parmi ceux de l’élite ou des « vertueux » parmi ceux qui ont souvent côtoyé le Prophète.

   Et parmi tous ses compagnons, 4 ont un rôle prépondérant et particulier, à savoir les Califes bien-guidés : Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Alî. Le hadith prophétique dit : « Suivez ma voie (celle du Prophète) et celle des Califes bien-guidés qui me succéderont » (5).

   Dans un autre hadîth prophétique, une prédiction prophétique qui s’est réalisée à chaque époque nous annonce que : « La prophétie demeurera parmi vous aussi longtemps qu’Allâh le voudra. Puis Allâh la reprendra lorsqu’Il voudra et elle sera remplacée par un califat qui suivra le chemin tracé par la prophétie (califat bien-guidé), et qui demeurera aussi longtemps qu’Allâh le voudra. Puis Allâh le reprendra lorsqu’Il voudra et il sera remplacé par une monarchie (autoritaire) d’oppression qui demeurera aussi longtemps qu’Allâh le voudra. Ensuite viendra un pouvoir autoritaire contre la volonté de son peuple qui demeurera aussi longtemps qu’Allâh le voudra ; Il le retirera selon Sa Volonté. Puis Allâh le reprendra lorsqu’Il voudra et il sera remplacé par un califat qui suivra le chemin tracé par la prophétie » (6). On ne peut pas imputer ce hadith à une « invention omeyyade » sachant que ce hadith décrit la période (excellente) de la prophétie, puis la période bénie des califats bien-guidés, et ensuite des périodes remplis de troubles où des dirigeants injustes prendront le pouvoir, et cela commença avec Yazîd Ibn Mu’awiyya qui instaura un pouvoir monarchique d’oppression. Avant cela, donc, le Prophète approuva les califes bien-guidés et leur gestion du pouvoir.

Le célèbre compagnon ‘Abdallâh Ibn Mas’ûd, une référence en ce qui concerne le Qur’ân, et un Compagnon qui fut agréé par le Prophète, dira : « Quiconque veut suivre la voie d’une autre personne, qu’il suive la voie de ceux qui sont déjà morts car on ne peut pas s’atteindre à ce que ceux qui sont encore en vie ne soient pas sujets à la tentation. Je parle des Compagnons de Muhammad (‘alayhî salât wa salâm). Par Allâh, ils étaient les meilleurs de cette Ummah. Ils avaient les cœurs les plus pieux et la connaissance la plus profonde. Ils ne se rendaient pas la vie difficile comme d’autres. Ce sont eux qu’Allâh a choisi pour accompagner Son Prophète (‘alayhî salât wa salâm) et établir Sa Religion. Reconnaissez leurs vertus, suivez leur voie et adhérez à leur comportement à leurs pratiques religieuses autant que possible, car ils étaient véritablement sur une voie pure et droite » (7).

Nul doute ici qu’il parle bien des « Compagnons » du Prophète, et non pas des simples « bédouins ». Car ce sont bien les « Compagnons », parmi lesquels Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, ‘Alî, Salmân, ‘Abdallâh Ibn Mas’ûd, Ibn ‘Abbâs et d’autres, qui ont répandu l’Islam, mémorisé et transmis le Qur’ân, suivi le Messager d’Allâh dans ses déplacements, qui l’ont soutenu, ont dépensé de leurs biens, ont exécuté ses ordres, ont cherché à le protéger contre les dangers de toutes sortes, et ont placé leur confiance en Allâh tout en cherchant à se réformer intérieurement. Ceux qui les insultent sont dénués de bon sens et de clairvoyance, puisqu’ils prennent finalement le Qur’ân d’eux, tout comme ils oublient que si l’imâm ‘Alî a pu commander la communauté et que le dar al islam existe toujours, c’est à travers leurs œuvres et leurs exploits, principalement ceux de Abû Bakr, de ‘Umar et de ‘Uthmân, par la Grâce d’Allâh.

Notes :

(1) Les thèses shiites évoquent entre 10 et 300 Compagnons, – en général -, qui constitue selon eux le nombre de « Compagnons sincères et vertueux » au temps du Prophète, en excluant bien souvent les plus nobles d’entre eux tels que Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân, alors qu’ils agréent (à juste titre) des Compagnons qui étaient proches d’eux, comme Salmân al-Farisî et Abû Dharr al-Ghifarî. Qu’Allâh soit satisfait d’eux tous !

(2) Dans son Qawl al-sahabi ind al-usuliyin, p. 34. ‘Alî Gomaa est un savant connu d’origine égyptienne. Elevé au poste de « Grand Mufti » d’Egypte sous Hosni Mubarak en 2003, il est souvent considéré comme étant à la solde du pouvoir égyptien, connu pour sa tyrannie et pour sa politique pro-occidentale (sauf sous la courte présidence de Muhammad Morsi qui fut démocratiquement élu, avant sa destitution forcée à la suite du coup d’Etat mené par Sissi et soutenu par le régime israélien, la France, les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, et approuvé par la Russie et quelques autres pays européens), ce qui se confirme par les fatawa indignes qu’il donne pour satisfaire l’iniquité de Mubarak puis de Sissi. Certaines de ses autres fatawa sont critiquées aussi, et il est vu comme un « réformiste » (au sens blâmable du terme) sur certains points par les sunnites traditionnels. Pour autant, son érudition est incontestable, et sa formation englobe le Qur’ân, l’histoire, le commerce, le hadith, la théologie, les fondements du droit, le fiqh shafiite, le fiqh comparé, la spiritualité musulmane, etc.

(3) Hadith rapporté par Muslim dans son Sahîh.

(4) Il est l’imâm des ahl ul bayt de sa génération, celui qui fut reconnu à l’unanimité des gens de la Sunnah pour sa science et sa piété, l’imâm ‘Alî Zayn ul Abidîn (‘alayhî salâm), – fils de l’imâm Al-Hussayn (‘alayhî salâm), et donc petit-fils de l’imâm ‘Alî (‘alayhî salâm) et arrière-petit fils du noble Messager d’Allâh, Muhammad (‘alayhî salât wa salâm), surnommé l’imâm As-Sajjâd, né en 38 de l’Hégire et mort en 95 H (il a donc connu son grand-père ‘Alî Ibn Abû Tâlib, mort en 40 H).

(5) Hadîth rapporté par Abû Dawûd et At-Tirmidhî dans leur Sunân.

(6) Hadith rapporté par Ahmad, Al-Bazzâr et At-Tabarânî, et authentifié notamment par le Hâfiz Al-`Irâqî.

(7) Rapporté par Al-Baghawî dans son Sharh as-Sunnah 1/214-215.


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