Quels sont les 3 courants officiels du Wahhabisme/Salafisme ?

Nombreux sont encore les gens qui ne savent pas exactement ce que recouvre l’étiquette de « wahhabisme », et qui ignorent les mouvements et tendances historiques qui y sont rattachés.

Historiquement, il existe 3 types de Salafis, parmi leurs courants officiels.

1) Le salafisme moderniste et réformiste, à la Mohammed Abduh (1849 – 1905) ou Jamal al-Din al-Afghani (1839 – 1897), se voulant plutôt rationaliste, mais en rupture avec la Tradition spirituelle et orthodoxe de l’Islam, courant beaucoup plus imperméable à l’occidentalisation et aux superstitions modernes (scientisme, sécularisme, matérialisme, etc.). Sans être intellectuellement perspicaces et spirituellement qualifiés, leur ijtihad (« effort de réflexion », « pensée ») les conduisaient souvent à s’éloigner des principes métaphysiques de l’Islam et des règles juridiques pour imiter aveuglément le mode de vie occidental et ses superstitions.

2) Le salafisme wahhabite de type najdite, avec Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhab, avec, là aussi, dans la pratique, une rupture avec la tradition spirituelle de l’Islam sunnite et orthodoxe, et une négation (ou ignorance) de nombreuses règles juridiques et théologiques traditionnelles issues des écoles sunnites, et de même pour la compréhension de certains principes théologiques, mal compris et dénaturés au sein du courant wahhabite (comme le takfir de masse, les conditions de la foi, les conditions du takfir, l’absence de distinction entre le takfir et un acte de kufr, leur mauvaise compréhension du Tawhid comme du shirk, leur confusion entre les questions de ‘aqida avec celles du fiqh, etc.). Confondant littéralisme (approche vidant la lettre qurânique de ses sens les plus profonds, du contexte et de la finalité visée par le Qur’ân) et approche littérale (qui est indispensable pour pénétrer les dimensions spirituelles et métaphysiques du Texte sacré et de la Tradition prophétique), ils assument de nombreuses contradictions logiques qui se répercutent sur une fuite en avant par une approche sectaire et fanatique de la religion, ce qui a conduit beaucoup de gens à quitter ce mouvement ou à apostasier de la Religion, là où le courant salafiste rationaliste n’assumait pas les contradictions internes de cette approche, pour se noyer plutôt dans un rationalisme superficiel (lui aussi incohérent et prisonnier de ses propres contradictions et limitations intellectuelles) qui était aussi une autre fuite en avant, jusqu’à tomber dans d’autres types d’excès. Leur ijtihad, sans en avoir les qualifications traditionnelles requises (selon les conditions fixées par les Salafs et leurs héritiers parmi les Khalafs au sein des Ahl ul Sunnah wa al-Jama’ah) les ont conduit à interdire et considérer comme des hérésies ou des innovations, des pratiques et doctrines totalement conformes au Qur’ân, à la Sunnah et à la pratique des Salafs, comme le tawassul, le tabarrûk, la hiérarchie métaphysique chez les Awliyâ’ (bien que la notion d’awliyâ était reconnue par le fondateur du wahhabisme, à savoir Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb comme il le dit dans ses Rassâ’îl), le dhikr à voix haute et en groupe, le mawlid an-nabawî, la hadra (même si cela est critiqué aussi chez certains savants sûfis ; mais sans doute certaines modalités particulières où s’y rajoutent des pratiques blâmables ou certains excès), la récitation du Qur’ân pour les défunts, l’édification – sans excès – des mausolées et des tombes pour les grandes figures de l’Islam (pratique héritée des Salafs comme le confirme l’immense traditionniste de son temps Al-Hakim l’auteur du recueil Al-Mustadrak), la permission pour la femme de visiter les défunts auprès de leurs tombes tant que l’on craint pas la fitna, raccourcir les sourcils s’il y a une nécessité ou pour plaire à son mari (comme on peut le comprendre des autres variantes du hadith et des propos des Sahaba et Sahabiyyat comme ‘Aîsha sur le sujet ; éléments occultés ou ignorés chez les célèbres prédicateurs wahhabites), etc., et plein d’autres questions juridiques ou théologiques, dans lesquelles les Wahhabis najdistes s’opposent (souvent sans le savoir) à la pratique et aux positions des plus éminents Salafs (comme Hassân al-Basrî, Muhammad Ibn Sirîn, Muhammad al-Bâqir, Zayd Ibn ‘Alî, Abû Hanifa, Ja’far As-Sadiq, Sufyan At-Thawrî, Sufyân Ibn ‘Uyayna, Al-Awzâ’î, Mâlik Ibn Anas, Muhammad as-Shafi’i, Al-Harith al-Muhasibi, Ahmad, Abû Thawr, At-Tabarî, Junayd, Al-Hakim at-Tirmidhî, Sahl al-Tustarî, etc., qui étaient tous des autorités dans le fiqh, le  hadith, le Qur’ân, la langue arabe, et pour la plupart d’entre eux, des maîtres dans le Tasawwuf, ou du moins, rattachés au Tasawwuf, y compris l’imâm Ahmad).

3) Un courant du sous-continent indien, appelé Ahl ul Hadith, Salafi ou même Wahhabi, mais qui se distingue des 2 autres, en acceptant en soi le Tasawwuf, mais en interdisant un certain nombre de pratiques spirituelles et religieuses (pourtant légiférées) à cause des innovations blâmables ou excès que certains groupes de personnes – souvent en milieu populaire – ont pu commettre. Ils sont aussi plus durs et plus stricts sur de nombreux sujets juridiques, contrairement aux Sûfis des autres parties du monde musulman, qui montrent une plus grande souplesse et conformité à la pédagogie prophétique dans leur éthique comme dans le fiqh, que les « Salafis » du sous-continent indien (dont certains ont migré au Balûchistân iranien). Leur psychorigidité, toutefois différente de celle des wahhabis najdis, s’explique parfois par les excès et déviances qui existent dans les milieux populaires de leur région, où il existe encore des populations très attachées à l’idolâtrie comme les hindous de la masse et d’autres qu’eux.

Le terme « Ahl ul Hadith », selon le contexte, peut désigner les courants sunnites (sûfis dans la spiritualité, asharites/maturidites/atharites dans la ‘aqida et hanafites/malikites/hanbalites/shafi’ites dans le fiqh) qui furent parmi les plus grands spécialistes du Hadith (comme Ibn Hibbân, Abû Nu’aym, Ad-Daraqutnî, Al-Hakim, Al-Bayhaqî, Al-Khatib al-Baghdadi, As-Sulâmi, Ibn ‘Asâkir, Ad-Dhahabi, Ibn Hajar al ‘Asqalânî, An-Nawawî, etc. qui étaient presque tous asharites ou très proches de l’asharisme traditionnel), tout comme cela peut désigner ceux qui adoptaient une approche ultra-littéraliste, sectaire voire anthropomorphiste (en opposition aux sunnites orthodoxes) ainsi que leurs « héritiers » contemporains parmi une partie des Wahhabites najdites, ou encore, les « Salafis/sûfis » du sous-continent indien.


Be the first to comment “Quels sont les 3 courants officiels du Wahhabisme/Salafisme ?”