Les philosophes comme les scientifiques – qui sont aussi influencés par les croyances et coutumes de leur temps -, parmi ceux qui ne se référaient pas à une Révélation et aux enseignements prophétiques, ont souvent malgré eux, prouver l’impasse du raisonnement spéculatif, où la rationalité, seule, s’avérait incapable de résoudre les grandes questions existentielles, et où beaucoup d’autres problèmes – y compris d’ordres moral et éthique – ne pouvaient guère être tranchés par le seul recours à la Raison (rationalité). Par ailleurs, beaucoup d’écoles philosophiques et scientifiques s’opposent les unes les autres, parfois même très violemment ou radicalement (sur le plan de la pensée). Les penseurs rationalistes, y compris ceux qui s’inscrivaient dans un courant religieux, ont fini par capituler devant les méfaits et les superstitions modernes, quitte à compromettre les fondements religieux eux-mêmes et occulter, négliger ou même combattre la dimension spirituelle des formes traditionnelles, ce qui a conduit à des dérives terribles dont on perçoit encore clairement les conséquences tragiques sur le devenir humain et la direction obscure et alarmante qui est poursuivie par les sociétés modernes.
Bon nombre d’entre eux de plus, n’ont pu résoudre leurs problématiques ou leurs crises existentielles, que par la médiation du Texte Révélé et de la pratique spirituelle (notamment sûfie en milieu musulman). Ainsi en est-il par exemple d’Al-Junayd, d’Al-Hakim at-Tirmidhî, d’Ibn Sina, d’Abû Hâmid al-Ghazâlî et de son frère Ahmad, d’Umar Khayyâm, de Ibn ‘Arabî, de Fakhr ud-Dîn ar-Râzî, de Nasr ud-Dîn at-Tûsî, de Mullah Sadra, de Shihâb ud-Dîn Suhrawardi, de Jalâl ud-Dîn Rûmî, de Nizâmî, Hafez, Sâdi, de l’émir ‘Abd al-Qâdir, du Shaykh Ahmad al-Alawî et de tant d’autres, et dont leurs plus beaux traités de métaphysique, d’éthique, de théologie, de spiritualité et de poésie sont en réalité des commentaires profonds du Qur’ân et de la Tradition prophétique.
Il est malheureusement fréquent de lire encore sur Internet et même dans une partie du monde académique, tant d’erreurs et de mensonges au sujet de la civilisation islamique à ce sujet, sans doute en raison aussi de la profonde méconnaissance de la plupart des orientalistes (à l’exception de certains noms comme Henri Laoust et Louis Gardet), car au sein des écoles sunnites, shiites, ibadites et mu’tazilites, ainsi que dans le mouvement des falâsifa (philosophes), il y a eu d’importants débats théologiques, intellectuels et philosophiques sur la place de la rationalité par rapport à la Révélation, et ce depuis l’ère des Salafs (y compris par les imâms Muhammad Al-Bâqir, Ja’far As-Sâdiq, Sufyân at-Thawrî, Hassân al-Basrî, Abû Hanifa, Mâlik, As-Shafi’i, At-Tahâwî, Ahmad, Al-Muhasibi, At-Tabarî, Al-Junayd, Al-Hakim at-Tirmidhî et d’autres). Certains débats restent d’ailleurs toujours « ouverts » ou « non-tranchés » car la rationalité, à elle seule, demeure inopérante pour produire une quelconque « certitude », d’où la prudence justifiée des Salafs sur le fait d’éviter la voie du raisonnement spéculatif dans les domaines où des principes religieux bien établis, les dévoilements spirituels ou le « bon sens » demeurent plus efficaces, tout en préservant la communauté de polémiques ou divisions sectaires qui seront pires que le « remède » proposé. Le Shaykh Ibn Taymiyya finira par reconnaitre le rôle et la validité du ‘ilm ul-kalâm dans Al-Nubuwwat (p.615) : « Le Kalâm (en tant que science) qui ne contredit pas le Qur’ân et la Sunnah ne relève pas de l’interdiction ». Et dans Dar’ Ta‘arud al-‘Aql wa’l-Naql (7/155) il dit : « Le fait est qu’Ahmad (Ibn Hanbal) déduisait, au moyen de preuves rationnelles, des propositions concernant la Divinité, à condition qu’elles soient valables. Ce qu’il a interdit (et blâmé) était tout ce qui s’opposait au Livre (Qur’ân) ou à la Sunnah, la parole sans connaissance, ou la parole [avec] des significations déviantes (en tant innovations blâmables) dans la religion (al-kalam al-mubtadi’ fi’l-din). Il [l’Imâm Ahmad] n’était pas opposé à l’idée – si les significations du Livre ou de la Sunnah étaient connues – de laisser des termes [textuels] pour d’autres terminologies, si le besoin s’en faisait sentir. En fait, il l’a fait lui-même. Ce qu’il méprisait plutôt, c’étaient les significations déviantes dans ce domaine – c’est-à-dire dans les questions théologiques sur lesquelles les gens se disputaient, comme la nature du Qur’ân ; la Vision Béatifique, la Prédestination ou les Attributs Divins – sauf ce qui est conforme au Livre, à la Sunnah ou aux rapports des Sahaba ou des tabi’in ». Al-Bayhaqî dans son Manâqib de l’imâm As-Shafi’i rapporte aussi l’usage du Kalâm de la part de l’imâm As-Shafi’i, mais que ce qu’il interdisait, était celui des « hérétiques » et « innovateurs » allant à l’encontre de la Loi divine et donc du Qur’ân.
Les Musulmans ont apporté une impressionnante contribution – sans doute la plus riche de toute la période médiévale – dans les domaines de la rationalité, de l’épistémologie, de la philosophie politique, de la théorie légale, de la philosophie du langage et de la rhétorique, de la philosophie morale, de la logique et de la théologie, avec de grands noms comme Abû al-Hassân al-Ash’arî, Abû Mansûr Al-Maturidî, Al-Baqillâni, Ibn Sina, Al-Kindi, Al-Birûnî, Al-Juwaynî, Abû Hâmid al-Ghazâlî, ‘Umar Khayyâm, Ibn Tufayl, Abû al-Barakât al-Baghdadî, Ibn ‘Arabî, Sadr ud-Dîn al-Qunawî, Mulla Shams ad-Din Muhammad ibn Hamzah al-Fanari (savant musulman ottoman, très réputé en métaphysique comme en logique, en fiqh et en théologie, se rattachant à l’école du Shaykh al-Akbar Ibn ‘Arabî) Fakhr ud-Dîn ar-Râzî, Nasr ud-Dîn at-Tûsî, Mullah Sadra, Haydar Amoli, Qutb ad-Dîn as-Shirazî, Shihab ud-Dîn ‘Umar al-Suhrawardi, Shihâb ud-Dîn al-Qarâfî , Najm ud-Din ‘Umar al-Nasafi, Sâ’d ud-Dîn Al-Taftazani, As-Shatibî, Az-Zamakshari, ‘Izz ud-Dîn Ibn ‘Abd as-Salâm, Ibn Daqîq al-‘Îd, Ibn Kâmal Pasha (Shaykh ul Islam de l’empire Ottoman de son époque), ‘Abd al-Ghani an-Nabulsî, Al-Murtadâ’ Az-Zubaydî et tant d’autres. Or, la plupart des « modernistes » et orientalistes de nos jours, tout comme des mouvements salafistes ou shiites, ignorent cette richesse inestimable du patrimoine civilisationnel de l’islam, et proposent donc des analyses biaisées, lacunaires et infondées, pour ensuite formuler des conclusions qui le sont tout autant, du moins partiellement. Pour la philosophie analytique contemporaine voir notamment les travaux du Dr. Asa Q. Ahmed (chercheur, éditeur, islamologue, professeur de philosophie et de littérature, logicien, historien des sciences et spécialisé aussi dans l’astronomie), spécialiste reconnu au niveau mondial dans ces différentes disciplines, qui enseigne à l’Université de Californie (Berkeley) et qui est aussi directeur du Center for Middle Eastern Studies, après avoir été professeur à l’Université de Cambridge. Sur la métaphysique, l’épistémologie, la logique et la philosophie des sciences dans le contexte du monde moderne, voir aussi les travaux des mathématiciens, épistémologues et philosophes des sciences Mahmoud Bina et Alireza K. Ziarani, et leur synthèse qui a été présentée dans leur ouvrage traduit en 2021 aux éditions Tasnîm sous le titre La Philosophie de la science à la lumière de la Sagesse pérenne, et qui démontre les limites et les contradictions logiques des croyances (érigées en paradigmes de la modernité) comme le scientisme, le matérialisme, le positivisme, le rationalisme (qui peut être vu en même temps comme un abus et une trahison de la Raison, et qui ne repose pas entièrement sur une approche rationnelle dans ses propres postulats et axiomes) et d’autres croyances encore.
Le Texte révélé – puis le modèle prophétique de Muhammad et les qualités de ses Compagnons et de son entourage familial en accord avec le Qur’ân – occupent donc une place centrale, car contenant la quintessence de la science, de la spiritualité, de la sagesse universelle, de l’éthique, des principes métaphysiques, théologiques, spirituels, philosophiques, artistiques, scientifiques et politiques. Le problème ne réside donc pas dans le Texte, mais plutôt dans le rapport au Texte, vécu à la fois de façon intime et personnelle pour chacun, mais aussi dans une dimension plus collective où selon le groupe auquel on se rattache, le fanatisme et la sclérose peuvent surgir si on n’y prend pas garde.
La Révélation a toujours été une source de méditations et de commentaires inépuisables par des millions de personnes à toutes les époques. Mais pour qu’un commentaire soit légitime, il doit correspondre aux principes et aux finalités de la Révélation et de la sagesse prophétique. Lorsqu’il sort du cadre des principes théologiques et métaphysiques, et qu’il transgresse ou s’écarte du cadre éthico-moral qui vise à purifier l’âme de ses vices et mauvaises tendances ainsi qu’à assurer l’ordre, la sécurité, la justice, la paix, la compassion et la vertu dans la société, il devient aux yeux de la Loi divine, un commentaire illégitime qui ne doit être ni suivi, ni appliqué, et ce même s’il provient d’autorités humaines considérées comme éminentes (à tort ou à raison), alors que la Révélation critique justement le fait d’idolâtrer des avis humains en contradiction avec les principes universels, alors que les humains ne sont pas omniscients, et qu’en dehors des Prophètes, il n’y a aucune infaillibilité sur tous les sujets touchant à la Religion comme à la société.
La problématique survient quand certaines autorités veulent « sceller » ou « restreindre » la portée et le caractère inépuisable de la Parole divine, alors que celle-ci demeure toujours vivante et ouverte sur l’universel :
« Dis : Si la mer se faisait d’encre pour écrire le langage de mon Seigneur, elle s’y épuiserait, même si Nous en doublions l’étendue, avant que ne s’épuisât le langage » (Qur’ân 18, 109).
« Quand bien même tous les arbres de la terre se changeraient en calames [plumes pour écrire], quand bien même l’océan serait un océan d’encre où conflueraient 7 autres océans, les Paroles d’Allâh ne s’épuiseraient pas. Car Allâh est Puissant et Sage » (Qur’ân 31, 27).
« Il est le Premier (al-Awwal) et le Dernier (al-Akhir), l’Extérieur/Manifesté (al-Zâhir) et l’Intérieur/Non-Manifesté (al-Bâtin). Il est informé de toute chose » (Qur’ân 57, 3). Son Nom Al-Bâtin fait donc référence, sur le plan de la connaissance, à l’ésotérisme, car de chaque Nom divin découle des actes et une science correspondante.
Quant à la Tradition prophétique, rappelons ces quelques ahadiths :
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le Qur’ân possède un extérieur, un intérieur, [Il] détermine des principes et ouvre sur l’universel » (1).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Combien connaissent les règles religieuses (fiqh) tout en manquant de clairvoyance (laysa bifaqîh) ! » (2).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le Qur’ân a été descendu (et révélé) selon 7 lectures (significations et degrés de compréhension). Chacune de ses lectures (et significations) comporte un aspect extérieur (zahir) et un aspect intérieur et subtil (batin) ; chacune de ses lectures possède une limite, et chaque limite comporte un point d’ascension (et une borne) » (3).
Le Shaykh al-Akbar Ibn ‘Arabî dans ses Futûhât al-Makkiyya a authentifié par kashf un autre hadith prophétique : « Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Chaque verset du Qur’ân a un zâhir (le sens extérieur et explicite), un Bâtin (le sens intérieur et subtil), un Hadd (une borne, le sens limité) et un Matla’ (le sens le plus élevé) ; chacun de ces niveaux a ses interprètes et ses savants, et chaque groupe a son Qutb (chef spirituel) et ce Qutb est le pivot de ce Kashf (vision et dévoilement d’ordre spirituel) » (…). Nos savants parmi les gens de Kashf ont unanimement convenu de son authenticité ».
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le Qur’ân a été révélé selon 7 modes et degré de lecture et de compréhension. Chaque verset parmi eux a un sens extérieur et un sens intérieur, et chaque limite a un horizon » (4). Dans le même recueil, il commente le hadith en disant : « Nous avons médité sur ce hadith et la meilleure des interprétations possibles est qu’il y a un sens extérieur, dont le sens est évident et explicite, et un sens intérieur, dont le sens est subtil et (plus) profond. Cela montre que les gens doivent rechercher ses significations intérieures tout comme ils recherchent ses significations extérieures ».
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit encore : « Lisez le Qur’ân et cherchez [humblement] à saisir ses significations extraordinaires » (5).
Le Compagnon du Prophète (ﷺ) Abû-l-Dardâ’ disait quant à lui : « Nul ne comprend le Qur’ân jusqu’à qu’il perçoive en lui des significations multiples » (6).
Le Shaykh al-Murtadâ’ az-Zubaydî al-Hussaynî (1145 H/1732 – 1205 H/1790), célèbre Sûfi mais aussi l’une des plus hautes autorités dans le Hadith, la langue arabe (la grammaire, la philologie et la lexicographie notamment), la jurisprudence hanafite (fiqh), la logique, la métaphysique, la théologie (‘aqida), le Qur’ân et son exégèse (Tafsîr), l’histoire et le Tasawwuf, dira dans son commentaire du Ihyâ’ de l’imâm Al-Ghazâlî, intitulé Ithâf al-sâdat al-muttaqîn bi-sharh Ihyâ’ ‘ulûm ud-Dîn (5/84) : « Le serviteur (d’Allâh) sera capable de magnifier et honorer la Parole divine (Qur’ân) à la mesure de sa piété religieuse (taqwâ). De même, il comprendra le Discours divin selon sa connaissance et sa vénération du Locuteur (Allâh). C’est ainsi qu’il pourra goûter à la méditation de la Parole divine ».
L’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî dira aussi dans Al-Munqîd min al-dalâl (p.39) : « Je suis resté en retraite spirituelle pendant 10 ans, et j’eus durant cette période le dévoilement spirituel et l’inspiration divine de tant de choses qu’il m’est impossible de tous les dénombrer ». Et en effet, le Qur’ân indique clairement, et ce aussi bien à l’égard du Prophète Mûsâ (Paix sur lui) que pour le Prophète Muhammad (Paix sur lui), qu’il y a des secrets qu’ils n’ont pas dévoilé à leurs Compagnons, et que Mûsâ (‘alayhî as-Salâm) lui-même n’avait pas toute la connaissance ésotérique dont Allâh avait gratifié Al-Khidr (‘alayhî as-Salâm) : « Ils trouvèrent l’un de Nos serviteurs à qui Nous avons donné une grâce de Notre part, et à qui Nous avons enseigné une Science émanant (directement) de Nous. Mûsa lui dit : « Puis-je te suivre à la condition que tu m’apprennes ce qu’on t’a appris concernant une bonne direction ? ». L’autre dit : Sûrement, tu ne pourras pas être patient avec moi » (Qur’ân 18, 65-67).
Mais même pour les plus éminents maîtres spirituels de l’Islam comme dans les autres traditions spirituelles, leur sainteté n’est que le fruit de leur proximité (et le fait d’avoir réalisé intérieurement) avec les principes et le Texte de la Révélation, et le suivi du Modèle prophétique dans ses états extérieurs comme intérieurs, et ainsi, par le dépouillement de leur ego, ont eu accès à la Sagesse universelle, à la Proximité divine, aux saintes inspirations, aux dévoilements spirituels, et à de formidables intuitions, au point d’avoir eu accès à des vérités scientifiques avant leur confirmation expérimentale (que ce soit sur la rotondité de la Terre, la structure de l’atome et le phénomène nucléaire, le principe de non-localité en physique quantique, la pluralité des mondes et des dimensions, etc.),
Ce que l’on sait aussi, c’est que le raisonnement spéculatif, déconnecté de la réalité et de la spiritualité, conduit souvent à des aberrations, – parfois même à la folie – car on perd prise sur le réel, et que l’on s’éloigne de l’essentiel et de nos priorités, pour au final se perdre dans les ténèbres de l’ego, les illusions du mental, et les polémiques incessantes.
Bien que l’approche critique, la rationalité et la technologie aient leur importance dans une certaine mesure, ce n’est pas elles qui ont permis aux sociétés musulmanes de répondre aux nouveaux défis et dérives de la modernité, ou qui ont préservé les sociétés musulmanes de la corruption des mœurs, de l’injustice sociale, de la répression politique ou d’une situation économique pénible. On le voit, des pays laïcisés comme la Turquie (jusqu’en 2002), la Syrie, le Liban et d’autres pays ont connu une crise économique sans précédent – avant qu’Erdogan par une approche teintée de spiritualité musulmane et de politique islamique (avec de sérieuses limites et concessions certes) ne redresse le pays pour en faire l’un des 20 pays les plus développés politiquement, scientifiquement et économiquement (jusqu’en 2018, puis après avec les attaques occidentales sur son économie et le fanatisme kémaliste et identitaire de l’opposition, l’économie turque a prise un sacré coup même si la croissance économique se poursuit avec un meilleur bilan que les pays européens, et où les mégaprojets se poursuivent). D’autres pays, très sécularisés, dans le monde musulman comme ailleurs, sont parmi les pays aussi les plus pauvres, les moins développés scientifiquement et les plus tyranniques de la planète. Ainsi, le rationalisme, le sécularisme ou la laïcité ne garantissent ni l’indépendance et la justice du système politique, ni la spiritualité et la morale dans la société, ni la prospérité économique. On constate aussi que des pays musulmans où la Shar’îah constitue le cœur de la constitution (à laquelle se greffent parfois des éléments culturels, tribaux ou modernistes) comme le Qatar, le Sultanat d’Oman, le Koweït, le Bahreïn ou le Sultanat de Brunei font partie des pays les plus riches du monde, avec un très niveau de développement technologique, où la pratique religieuse est encore répandue – malgré les méfaits du consumérisme et de l’occidentalisation qui augmentent le taux de suicide, les inégalités et la consommation de drogue au cours de ces dernières années -, et où le taux de criminalité est bien inférieur à celui des pays de l’Union européenne ou d’Amérique du Nord (USA et Canada). Pour autant, d’autres pays qui de façade, présentent une « vitrine théocratique » comme l’Iran, mais qui ont adopté un système politique inspiré de la République maçonnique de France, ont un bilan plus mitigé, malgré des prouesses scientifiques et technologiques dépassant le niveau européen dans de nombreux domaines scientifiques (y compris la nanotechnologie), mais il faut préciser que le bilan économique est lié en grande partie à l’embargo illégal de l’Occident sur l’Iran, les nombreux agents doubles qui ont infiltré la politique et l’armée du pays, et la corruption de la caste politique, où la piété religieuse et la spiritualité sont souvent aux abonnés absents.
Le monde musulman a été intoxiqué par des idéologies contraires à l’Islam comme le tribalisme, le communisme, le capitalisme (et le consumérisme) ainsi que par le wahhabisme et son équivalent dans le monde shiite. Mais à cela se rajoute les limites et dangers du « réformisme » de type moderniste, et ceux du traditionnisme « sectaire ». Les réformistes sont rarement rigoureux (sans parler de la sincérité ou de l’hypocrisie des uns et des autres), et trop souvent illusionnés par les superstitions et dérives de la modernité, avec des fléaux que l’on constate clairement, s’éloignant des principes et finalités de l’Islam qui sont la sagesse, la spiritualité, la piété religieuse, la pudeur, la connaissance métaphysique, la préservation du socle familial, etc. De l’autre, pour les traditionnistes sectaires ou psychorigides, c’est souvent leur rigorisme et leur non-respect de leurs propres fondements et méthodologies (dans le fiqh notamment) que l’on peut leur retourner, – et leur manque flagrant d’adab (donc encore une trahison et transgression à l’égard de la Tradition) – car ils sont rarement fidèles à l’esprit des Salafs dans leur façon d’interpréter les textes selon les règles juridiques en lien avec le contexte et l’adaptation aux nouvelles mentalités et réalités sociopolitiques. Leur refus de mettre en pratique l’ijtihâd dans le fiqh à travers le concept de « tajdîd » pour actualiser les principes universels de la Religion et du Fiqh aux nouveaux contextes, et leur manque de clairvoyance sur la façon de comprendre et d’enseigner la Religion, les conduit à « scléroser » la vision religieuse et la société, poussant ainsi les gens à abandonner la Religion ou à adopter une certaine approche « fanatique » ou « superficielle », très loin de la spiritualité de l’Islam et de ses nombreuses subtilités dans le fiqh, la politique, l’économie et l’art de l’Islam.
René Guénon mettait déjà en garde contre ce double écueil (du réformisme comme du rigorisme) dans son article sur La Réforme de la mentalité moderne qui sera ensuite repris comme chapitre dans son ouvrage Symboles fondamentaux de la science sacré (éd. Gallimard, 1962), et Seyyed Hossein Nasr également dans son ouvrage L’Islam traditionnel face au monde moderne (éd. L’Âge d’Homme, 1993).
Quand on médite le Qur’ân, on voit bien que la mentalité « réformiste/moderniste » est clairement dénoncée et décriée (cf. début Sûrah Al-Baqara), tout comme celle des « traditionnistes » à l’horizon limité et à la mentalité psychorigide et rigoriste. Dans le Qur’ân, une distinction est faite entre la Tradition (au sens métaphysique, religieuse et spirituelle) qui se veut « universelle et immuable » car « venue d’en haut » (du Ciel ; donc du Divin) – qui est ad-Dîn ul-Qayyîm – et la « coutume/culture » transgressant ou s’éloignant de la Loi divine et de la vertu, le Qur’ân fustigeant alors d’une part ceux qui s’opposent à la Tradition (spirituelle, morale, métaphysique, etc.) des « pieux anciens », et d’autre part ceux qui refusent la sagesse, la spiritualité, l’adaptation du fiqh à leur propre réalité historique et particulière sous prétexte de rester fidèle à la « coutume de leurs ancêtres » (éloignés de la piété, de la vérité et de la spiritualité). C’est une lutte d’ailleurs qui existe dans les différentes communautés du monde entier, où les sages, les vertueux et maîtres spirituels qui sont sur une voie équilibrée, font face à l’hostilité des hypocrites, des rigoristes et des fanatiques ignorants, ainsi qu’à l’ignorance, à la décadence ou à l’indifférence d’une partie du peuple qui se complait dans ses pratiques culturelles et parfois même dans sa propre déchéance sociale, morale, politique et intellectuelle.
Dans les 2 cas, les réformistes/modernistes et les traditionnistes psychorigides suivent leurs passions et sacralisent des avis humains. Chez les premiers, l’avis erroné de certains philosophes, scientifiques ou politiciens corrompus font office « d’autorité » et suivent aveuglément les mensonges, méfaits ou les erreurs de certaines idéologies ou croyances modernes, devenues pour beaucoup des idoles comme « la démocratie », « le Progrès », le « scientisme », le « matérialisme », le « capitalisme », le « modernisme », etc., autant d’idoles et d’idéologies réfutées aussi bien par la science, que la rationalité, la logique modale et l’observation, sans compter que ces mots recouvrent beaucoup de contradictions et d’impossibilités en eux-mêmes et les manipulations sémantiques dont se sont rendus coupables les pires criminels et hypocrites de l’Histoire humaine, comme l’ont démontré René Guénon, Frithjof Schuon, Martin Lings, Ananda Kentish Coomaraswamy, Titus Burckhardt, Seyyed Hossein Nasr, Hamza Benaïssa, Tahar Abdarrahman et tant d’autres.
« Ils ont pris leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Christ fils de Marie, comme Seigneurs en dehors d’Allâh, alors qu’on ne leur a commandé que d’adorer un Dieu unique. Pas de divinité à part Lui ! Gloire à Lui ! Il est au-dessus de ce qu’ils [Lui] associent » (Qur’ân 9, 31).
« Et qui est plus égaré que celui qui suit sa passion sans une guidée d’Allâh ? » (Qur’ân 28, 50).
« Ô Dâwûd, Nous avons fait de toi un calife sur la terre. Juge donc en toute équité parmi les gens et ne suis pas ta passion, sinon elle t’égarera du sentier d’Allâh » (Qur’ân 38, 26).
« Ils ne suivent que la conjoncture et les passions de [leurs] âmes » (Qur’ân 53, 23).
« Vois-tu celui qui prend sa propre passion pour divinité ? » (Qur’ân 45, 23).
Sacraliser des avis humains, qu’ils soient anciens ou contemporains, ne garantie en rien le salut, la guidance et la pertinence de leur valeur ou de nos choix. Car soit les avis en question sont erronés dès l’origine, soit sont mal compris, décontextualisés ou inadaptés tout simplement à notre contexte particulier. Et selon le Qur’ân, lorsqu’une divergence existe, il faut revenir à la Parole divine dans ses principes et ses énoncés explicites, dans l’exemple du Prophète dans ce qui a été rigoureusement et abondamment authentifié, et parmi les sages et justes qui détiennent l’autorité : « Ô les croyants ! Obéissez à Allâh, et obéissez au Messager (Muhammad) et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement (l’autorité). Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-le à Allâh et au Messager, si vous croyez en Allâh et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation (et aboutissement) » (Qur’ân 4, 59).
Et ce qu’Allâh a commandé est ceci : « Ils croient en Allâh et au Jour dernier, ordonnent le convenable, interdisent le blâmable et concourent aux bonnes œuvres. Ceux-là sont parmi les gens de bien. Et quelque bien qu’ils fassent, il ne leur sera pas dénié. Car Allâh connaît bien les pieux cultivant la justice et la droiture (Muttaqin) » (Qur’ân 3, 113-115), et l’interdiction du blâmable englobe le terrorisme, la criminalité, la délinquance, l’injustice, la maltraitance, …
« Certes, Allâh enjoint la justice, la bienfaisance, la générosité et l’assistance aux proches. Et Il interdit l’indécence, l’injustice, la tyrannie et la rébellion (contre l’autorité légitime) » (Qur’ân 16, 90).
« Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bienfaisance, bienveillance et bonté envers (vos) père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les domestiques (employés) sous votre responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36).
Du point de vue de la Révélation, ce qui importe, c’est de se rapprocher de l’idéal et des objectifs qui y sont fixés, à partir des principes fournis par la Révélation, et leur réalisation à chaque époque par les sages et les maîtres spirituels. Avant de vouloir contredire les modèles de nos prédécesseurs, il faut d’abord s’assurer de bien les avoir compris, tout en distinguant ce qui relève de l’universel et du principiel de ce qui relève du temporel ou du contextuel. Et enfin, démontrer la supériorité d’un avis sur un autre, ou d’un nouveau modèle sur le précédent, et là, on s’apercevra que les propositions modernes sont rarement pertinentes et convaincantes, là où il s’avère souvent plus pertinent d’analyser à l’aune des principes islamiques (plutôt que de les rejeter au nom des idéologies ou superstitions modernes, par pur conformisme ou par « complexe d’infériorité ») les lacunes ou contradictions de certains avis contextuels de l’ère médiévale, et qui du reste ne faisaient déjà pas consensus à leur époque. En analysant les choses et les problématiques à la lumière de la principiologie islamique, les Musulmans se garderont des influences culturelles et/ou idéologiques de leur temps, du moins en grande partie car il reste extrêmement difficile de s’extraire complètement de l’influence socioculturelle dans laquelle on baigne. L’intention, la finalité, le contexte et l’approche principiologique sont ainsi des éléments et critères déterminants pour se conformer à la Religion et tendre de façon opérative vers les finalités proposées par la Révélation, et d’adopter des choix en toute connaissance de cause, en posant bien la problématique, en trouvant des ressources et outils – au sein de l’Islam et de son patrimoine qui s’enrichit à chaque génération -, dans une perspective s’enracinant dans l’Islam et dans le Réel, en vue d’atteindre la justice et la vérité, et non pas par peur de déplaire à tel ou tel groupe, ou par « contrainte » vis-à-vis d’un pouvoir politique quel qu’il soit (y compris laïc ou séculariste, qui souvent s’immisce négativement dans les affaires religieuses et leurs interprétations contrairement à leurs fausses prétentions d’être « neutres »), ou par ignorance ou complexe d’infériorité par rapport à « l’Occident » ou d’autres types d’influence culturelle. C’est pour Lui que nous vivons et agissons, et c’est donc par Lui et pour Lui, qu’il faut se lever pour éviter ou combattre l’injustice et l’oppression, réfuter le mensonge, rétablir la Vérité, instaurer la justice, propager la paix, cultiver la sagesse, etc.
« Dis : « En vérité, ma Salât, mes actes de dévotion, ma vie et ma mort appartiennent à Allâh, Seigneur des mondes » (Qur’ân 6, 162).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Nulle obéissance dans les actions qui sont mauvaises et blâmables (et impliquant la désobéissance à Allâh), l’obéissance ne se fait que pour ce qui est bon, juste et convenable et qui est reconnu universellement (comme étant une bonne chose) » (7).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « L’écoute et l’obéissance sont exigées de chaque musulman – dans ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas – tant que cela n’implique pas la désobéissance (au Créateur) dans ce qui constitue un péché ou un acte blâmable et nuisible. Si on lui ordonne de désobéir à Allâh (dans un acte légiféré et relevant du bien), alors aucune écoute ou obéissance (envers celui qui donne un ordre illicite ou injuste) n’est exigée de lui » (8).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Quiconque abandonne l’obéissance et se sépare de la Jama’a (de l’unité des croyants et de l’union nationale) et meurt ensuite, il meurt d’une mort des Jours de l’ignorance (Jahiliya). Quiconque se bat sous une bannière aveugle et fanatique, se fâchant par sectarisme et tribalisme (‘asabiya), appelant vers cela, ou le soutien de cela et meurt ensuite, il meurt d’une mort des Jours de l’ignorance (Jahiliya). Quiconque attaque ma Ummah (de façon indiscriminée), tuant les justes et les pieux comme les pervers (pécheurs), n’épargnant pas les croyants et ne respectant pas la promesse faite à ceux qui ont reçu un gage de sécurité (les non-musulmans), celui-là n’a rien à voir avec moi et je n’ai rien à voir avec lui » (9).
L’Islam accorde une grande importance au soutien des opprimés et à la lutte contre l’oppression et l’injustice, notamment à travers le célèbre pacte Hilf al-fudul, – rapporté notamment avec une chaine sahîh par Ibn Hishâm dans As-Sirah an-Nabawiyya 1/134, Al-Bayhaqî dans As-Sunân al-Kubrâ n°12114 selon Talha ibn Abdullâh, Ibn Kathîr dans sa Sîrah -, où le Prophète (ﷺ) dit : « Certes, j’avais été témoin d’un pacte de justice dans la maison d’Abdullah ibn Jud’an auquel, si j’étais appelé à y répondre maintenant, au temps de l’Islam, j’y répondrais. Faites de telles alliances afin de rendre les droits à leur peuple, afin qu’aucun oppresseur n’ait de pouvoir sur les opprimés ».
Cela est conforme au Qur’ân qui interdit simplement de prendre pour alliés des injustes et des criminels, mais pas des Musulmans ou des non-Musulmans qui font le bien et luttent en faveur de la justice et de la paix.
« Il se peut qu’Allâh établisse de l’amitié entre vous et ceux d’entre eux dont vous avez été les ennemis. Et Allâh est Omnipotent et Allâh est Pardonneur, Très-Miséricordieux et Rayonnant d’Amour. Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants, généreux et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la Religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allâh aime les équitables et les justes. Allâh vous interdit seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la Religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes » (Qur’ân 60, 7-9). Ce verset, révélé en 630, soit vers la fin de la période médinoise, peu de temps avant la mort du Prophète (ﷺ), et qui était l’un des derniers versets révélés concernant les relations intercommunautaires, et qui n’a jamais été abrogé, nous informe clairement qu’Allâh nous interdit de combattre ou d’opprimer les Musulmans ou les non-Musulmans qui sont pacifiques ou du moins qui ne nous combattent pas, et nous exhortent même à se montrer juste, bienfaisant, généreux et équitable envers ceux qui ne nous combattent pas, et qu’il est possible de se lier d’amitié ou de sceller des alliances diverses avec eux, tant que les moyens sont licites et que les buts visés sont nobles et louables (justice, bienfaisance, respect de l’environnement, soutien des opprimés, sécurité des citoyens, etc.) et que ces alliances ne conduisent donc pas à corrompre la foi, la santé, la société, la sécurité, la justice, etc.
« Et s’ils inclinent à la paix, incline vers celle-ci (toi aussi) et place ta confiance en Allâh, car c’est Lui l’Audient, l’Omniscient » (Qur’ân 8, 61), Ibn Kathîr dans son Tafsîr au sujet de ce verset qu’il n’est pas abrogé, citant plusieurs cas où, vers la fin de la période médinoise (avec le traité d’Hudaybiyya avec les idolâtres ennemis) – quand le rapport de force ne penchait pas vers les Musulmans face à leurs oppresseurs -, ou même jusqu’à sa mort, – et annonçant aussi qu’après sa mort les Musulmans devraient multiplier les traités de paix autant que possible avec les autres nations , et que, à chaque fois que l’intérêt général l’exige – tendre vers la paix et la sécurité -, cela doit être fait, comme le rapporte Ahmad de façon sahîh ans son Musnad n°697 selon l’imâm ‘Alî, relatant que le Messager d’Allâh (ﷺ) dit en effet : « En vérité, après moi, il y aura des conflits ou des affaires (troubles, délicates et difficiles), donc si vous êtes en mesure d’y mettre fin en paix, faites-le ».
Le Nom divin « As-Salâm » doit être une qualité du croyant, qui renvoie non seulement aux idées de paix (intérieure et extérieure) et de « salut », mais aussi d’être exempt de haine, d’intentions malsaines et viciées et de mal dans les attributs et les actions du croyant. Comme l’ont défini les grands maîtres : « Tout serviteur dont le cœur est exempt de tromperie, de haine, d’envie et de mauvaise intention, dont les parties du corps ne sont pas souillées par les péchés et les actes répréhensibles, et dont les caractères ne sont pas affectés par une rechute (intikâs) ni par un renversement (in’ikâs), sera celui qui « vient à Allâh avec un cœur sain et pur (salîm) » (Qur’ân 26, 89) » ».
C’est pourquoi le Qur’ân invite à la Paix et à l’apaisement autant que possible, et qu’Il n’autorise le recours aux armes qu’en dernier recours : « Toutes les fois qu’ils allument un feu pour la guerre, Allâh l’éteint. Et ils s’efforcent de semer le désordre et la corruption sur la terre, alors qu’Allâh n’aime pas les semeurs de désordre et de corruption » (Qur’ân 5, 64).
Si ce verset s’adresse d’abord aux mécréants hostiles aux musulmans, cela peut aussi s’adresser aux personnes se réclamant de l’Islâm, et qui, au lieu de réconcilier les croyants et d’apaiser les tensions, s’évertuent à semer les troubles, à alimenter la haine et la discorde, à perturber les croyants et à les détourner de la Sagesse et de l’éducation de l’âme.
« Si Allâh ne repoussait pas les humains les uns par les autres, la terre serait entièrement corrompue » (Qur’ân 2, 251).
« Ô les gens de mon peuple, soyez équitables et justes (et faites pleine mesure et plein poids), ne spoliez personne (et ne bafouez pas leurs droits). Ne commettez aucune forme de corruption ou de désordre sur terre » (Qur’ân 11, 85).
« S’ils s’écartent de vous sans avoir eu à vous combattre, et s’ils vous proposent la paix, alors Allâh n’établira pour vous aucun recours (hostile) contre eux » (Qur’ân 4, 90).
On voit donc que selon les principes et finalités universelles, générales et immuables de l’Islam, tirés des textes scripturaires fondamentaux et explicites du Qur’ân et de la Sunnah, que toutes les formes d’injustice, de perversion, de malfaisance, de fanatisme ou de rigorisme sont interdites, et que tous les autres éléments ou textes liés à la Religion et à la société, doivent s’interpréter dans ce cadre, car les détails ou les éléments isolés doivent s’interpréter par ce qui est général, universel et explicite, et les textes secondaires ou jugés peu fiables ou authentifiés mais dont l’énoncé semble étrange ou contre-intuitif doivent être soit interprétés à la lumière des principes et finalités de la Religion, soit être délaissés ou refusés car n’étant pas conciliables avec les principes de la Religion, ce qui indique la présence de défauts (illa’) cachés dans la chaine ou le texte (qui a été mal retransmis ou déformé).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Quiconque reçoit une fatwa (un verdict) sans fondement, alors son péché reviendra à celui qui a émis cette fatwa » (10), ce qui est conforté par le Qur’ân : « Qu’ils portent donc, au Jour de la Résurrection, tous les fardeaux de leurs propres oeuvres ainsi qu’une partie de fardeaux de ceux qu’ils égarent, sans le savoir; combien est mauvais [le fardeau] qu’ils portent ! » (Qur’ân 16, 25) et « Et ne poursuis pas ce dont tu n’as aucune connaissance. L’ouïe, la vue et le cœur: sur tout cela, en vérité, on sera interrogé » (Qur’ân 17, 36).
Ce hadith met ainsi en garde contre ceux, musulmans de la masse comme prédicateurs, idéologues ou « savants », qui émettraient une fatwa visant soit à autoriser des choses – sans preuve – alors qu’elles sont illicites, ou soit qui interdiraient des choses sans preuve alors qu’il existe des textes du Qur’ân, de la Sunnah ou des Sahâba, ou encore des principes religieux, qui autorisent les pratiques en question. Ainsi est-il des khawarij qui autorisent le meurtre ou la violence contre les dirigeants justes et légitimes, les citoyens (musulmans et non-musulmans) de la masse, les juges ou les savants, alors que la Loi divine l’interdit clairement. De même pour certains savants rigoristes qui se plaisent à interdire des pratiques connues chez les Sûfis orthodoxes, alors que les pratiques en question (dhikr collectif et à voix haute, hadra modérée, chants religieux et spirituels, tabarrûk et tawassul conformes au Tawhid et aux règles de bienséance, etc.) alors que les textes religieux les justifiant sont tirés du Qur’ân et de la Sunnah, ainsi que de la pratique de la Religion, et qu’en soi, aucun principe de la Religion n’interdit. De même pour ceux qui veulent autoriser sans nécessité le recours au ribâ, ceux qui veulent restreindre les droits des maris ou des épouses, les droits des femmes que l’Islam leur a pourtant accordés, etc. Toutes ces personnes sont concernées par la mise en garde prophétique. Parmi les preuves qui sont légitimes selon l’Islam, des versets explicites du Qur’ân, le sens évident ou voulu d’un hadith bien établi – avec la prise en compte dans son contexte -, des preuves médicales, historiques ou scientifiques bien établies (et non seulement des théories ou des hypothèses), etc. Pour interdire une pratique, il faut cependant prendre en compte l’ensemble des versets du Qur’ân, des ahadiths prophétiques sur le même sujet, les confronter à la lumière de la principiologie (c’est-à-dire des principes et finalités de la Religion et de la Loi), prendre en compte le contexte et les différentes catégories visées par le hadith, constater la présence d’un mal, d’un préjudice, d’une dérive ou d’une injustice dans la pratique ou la fatwa en question, etc.
Notre rapport au Qur’ân doit être celui de la méditation et d’en tirer des sagesses pour nous amener à l’illumination spirituelle, à la pacification de notre être, à l’éducation de notre âme, à la purification du cœur, à la sagesse, à la piété, à nous raffermir dans Son Dhikr, la bonté pieuse, le sens de la justice et de l’élévation spirituelle.
« Nous faisons descendre du Qur’ân, ce qui est une guérison et une miséricorde pour les croyants » (Qur’ân 17, 82).
« C’est le Livre au sujet duquel il n’y a aucun doute, c’est un guide pour les pieux qui cultivent la justice » (Qur’ân 2, 2).
« Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée ; et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété ! A réussi, certes celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt » (Qur’ân 91, 7-10). La Tazqya an-nafs est d’ailleurs le cœur et le fondement du Tasawwuf.
« Il y a certes des signes pour les doués d’intelligence, qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, évoquent Allâh … » (Qur’ân 3, 190-191).
« Certes ceux qui croient, font le bien (par l’accomplissement de bonnes œuvres) et s’humilient devant leur Seigneur, voilà les gens du Paradis où ils demeureront éternellement » (Qur’ân 11, 23)
« Une lumière et un Livre explicite vous sont certes venus d’Allâh ! Par ceci (le Qur’ân), Allâh guide aux chemins du salut ceux qui cherchent Son agrément. Et Il les fait sortir des ténèbres à la lumière par Sa grâce. Et Il les guide vers un chemin droit » (Qur’ân 5, 15-16).
« Ainsi, Nous avons envoyé parmi vous un messager de chez vous qui vous récite Nos versets, vous purifie, vous enseigne le Livre et la Sagesse et vous enseigne ce que vous ne saviez pas » (Qur’ân 2, 151).
Le Shaykh ‘Abd al-Qâdir al-Jilânî a dit dans ses sermons (n°1 du Réveil des coeurs) : « Quiconque ne fait pas de reproche à son âme et ne se dispute pas avec elle, ne connaîtra pas le salut. Le Prophète – sur lui la Grâce et la Paix – a dit : « Celui qui n’a pas un sermonneur au plus profond de lui-même, aucun sermon de sermonneur ne lui sera utile ». Celui qui veut le salut, qu’il sermonne son âme, qu’il la mortifie et qu’il lutte contre ses passions ».
Le Qur’ân condamne ainsi l’imitation aveugle contre certaines croyances fausses qui ont été introduites sous couvert de « religion » tout comme les avis humains – en opposition avec la Loi divine et ses principes – qui ont été sacralisés au point d’éclipser la Parole divine et les principes supérieurs de la Religion -.
L’imâm Abû Hâmid Al-Ghazâlî a dit dans son Ihyâ’ : « (…) Tel était l’engagement des savants : ordonner le convenable et interdire le blâmable. Ils ne souciaient guère de la puissance des dirigeants, ils comptaient sur Allâh pour les soutenir et raffermir leurs pas, afin de remplir cette lourde responsabilité : le témoignage. Quand les intentions étaient sincères, leurs paroles adoucissaient les cœurs les plus durs. Mais aujourd’hui, la convoitise a lié leurs langues et les a rendus muets. Même s’ils parlent, leurs discours demeurent sans utilité et donc ils échouent (…). La corruption des individus est due à la corruption des dirigeants qui est due elle-même à la corruption des savants ; car ces derniers ne sont intéressés que par l’argent et le pouvoir ».
La Parole divine contient tout un océan des possibles qu’il est légitime d’explorer (les exégètes classiques eux-mêmes ont souvent mis en avant différents avis possibles), à condition que les sens et significations ne soient pas dénaturés et contraires aux principes explicites, immuables et universels édictés dans le Qur’ân et mis en œuvre par le Prophète (ﷺ).
Frithjof Schuon écrivait dans Regards sur les Mondes anciens (p. 159) : « Le succès du matérialisme athée s’explique en partie par le fait qu’il est une position extrême, et d’un extrémisme facile vu le monde glissant qui en est le cadre, et vu les éléments psychologiques auxquels il fait appel … ».
Et dans un autre ouvrage La Transfiguration de l’homme il disait : « Un mot sur la « libre-pensée », ou plus précisément sur l’obligation quasi morale qui est faite à tout homme de « penser par lui-même » : cette exigence n’est nullement conforme à la nature humaine, car l’homme normal et vertueux, en tant que membre d’une collectivité sociale et traditionnelle, se rend compte en général des limites de sa compétence. De deux choses l’une : ou bien l’homme est exceptionnellement doué sur tel ou tel plan, et alors rien ne peut l’empêcher de penser d’une manière originale, ce qu’il fera d’ailleurs en accord avec la tradition — dans les mondes traditionnels qui seuls nous intéressent ici— précisément parce que son intelligence lui permet de saisir la nécessité de cet accord ; ou bien l’homme est d’intelligence moyenne ou médiocre, sur un plan quelconque ou d’une façon générale, et alors il s’en remettra aux jugements de ceux qui sont plus compétents que lui, et c’est là dans son cas la chose la plus intelligente à faire. La manie de détacher l’individu de la hiérarchie intellectuelle, c’est-à-dire de l’individualiser intellectuellement, est une violation de sa nature et équivaut pratiquement à l’abolition de l’intelligence, et aussi des vertus sans lesquelles l’entendement réel ne saurait s’actualiser pleinement. On n’aboutit ainsi qu’à l’anarchie et à la codification de l’incapacité de penser ».
Et dans Forme et substance dans les religions (éd. L’Harmattan, 2012, p. 236) : « Il faut dire que les progressistes ne se trompent pas tout à fait quand ils estiment qu’il y a quelque chose, dans la religion, qui ne va plus ; en fait, l’argumentation individualiste et sentimentale avec laquelle opère la piété traditionnelle ne mord plus guère sur les consciences, et il en est ainsi, non seulement pour la simple raison que l’homme moderne est irréligieux, mais aussi parce que les arguments religieux habituels, n’allant pas suffisamment au fond des choses et n’ayant d’ailleurs pas eu besoin autrefois de le faire, sont quelque peu usés psychologiquement et ne répondent pas à certains besoins de causalité ».
Le juriste hanbalite et théologien Ibn al-Jawzî (508 H/1116 – 597 H/1201) a dit dans Sayd Al-Khâtir : « Celui qui regarde, depuis l’œil de la clairvoyance, les conséquences des choses, dès leur commencement, en obtiendra le bien et sera préservé de leur mal. Par contre, celui qui ne voit pas les conséquences, tombera sous l’emprise des sens, et il ne trouvera que souffrance là où il cherchait le salut ; et difficulté là où il espérait le repos ».
Ce principe doit guider aussi nos réflexions sur le fiqh, car au-delà des débats suivant l’approche textualiste (des traditionnalistes) comme superficialistes (des modernes), même quand un texte n’est pas catégorique, il y a d’autres facteurs à prendre en compte, tels que les finalités de la Loi, le souci de la justice, la réalisation de la piété, la pratique des vertueux à travers chaque génération, l’empêchement des voies menant à la débauche ou à la dégénérescence (voie à laquelle conduit la sécularisation par exemple, où à force d’évacuer ou d’étouffer le Sacré et le spirituel du cœur des Hommes, les conduit à la dépression, au suicide, à la drogue, à la désacralisation du monde et de la vie, à l’esclavage des sens et des passions, etc.).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « (Il ne doit y avoir) nulle nuisance et préjudice à soi-même ou à autrui ! » (11).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Demande la fatwa à ton cœur, demande la fatwa à ton âme. Le bien est ce à propos de quoi l’âme se tranquillise et le cœur se tranquillise. Le péché est ce qui se trame dans l’âme et qui va et vient dans le cœur, même si on te donne des fatwas sur le sujet » (12).
Bien sûr, cela si le coeur aspire à la piété, à la justice et à la Proximité divine, et que l’on a consulté et analysé sérieusement les différents avis des savants et spécialistes sur un sujet avant de prendre notre décision (en nous tournant aussi vers Allâh et en L’invoquant pour nous guider vers la meilleure des voies et des décisions à prendre).
Le Shaykh Ibn Taymiyya dit dans al-Amr bil Ma’rûf (1/10) : « C’est pourquoi il est dit que le fait d’ordonner le bien et d’interdire le mal ne doit pas être un mal en soi. Comme il s’agit de l’un des actes obligatoires et recommandés les plus importants, le bénéfice des actes obligatoires et recommandés doit l’emporter sur leur préjudice ». Et un peu plus loin (1/20) : « Celui qui ordonne le bien doit avoir 3 qualités : la connaissance, la douceur et la patience. La connaissance vient avant, la douceur vient pendant et la patience vient après ».
Il rapporte également dans le même ouvrage (1/21) les propos du Qâdî Abû Ya’la Ibn al-Farra’ al-Hanbalî (380 H/990 – 458 H/1066) qui a dit : « Personne ne peut prescrire le bien et interdire le mal s’il ne comprend pas ce qu’il ordonne et interdit, s’il est doux dans ce qu’il ordonne et interdit, et s’il fait preuve de patience dans ce qu’il ordonne et interdit ».
L’équilibre à atteindre nous a été indiqué par le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Les justes et véridiques de chaque génération porteront ce savoir (lié à l’islam et à la science sacrée) et le préserveront de la déformation des rigoristes et des extrémistes, de l’usurpation des imposteurs et de l’interprétation des ignorants ». (13).
« Pas de récrimination ni de reproche contre ceux qui font le bien et qui excellent dans la foi, la générosité, la bienfaisance et la spiritualité » (Qur’ân 9, 91).
Le terme ihsân englobe les notions de bienfaisance, de bien et de bonté, d’excellence, de perfectionnement, de générosité, de réalisation spirituelle, etc. Et donc, ceux qui réalisent l’ihsân – al-muhsinîn – sont ceux qui cultivent la foi, la bonté, la spiritualité, la charité, etc. avec excellence.
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Allâh a des réceptacles sur Sa Terre. Ce sont les coeurs de Ses serviteurs. Et les coeurs qui lui sont les plus chers (et qu’Il aime le plus) sont ceux qui sont doux (envers Ses créatures), purs (de tout péché et acte répréhensible et injuste) et solides et fermes (dans la Foi) » (14).
Plusieurs maitres ont commenté ce hadith, notamment en mettant la douceur en lien avec l’indulgence, la compassion, la bonté et la douceur envers leurs frères dans la foi comme envers leurs semblables en Humanité et même envers les animaux. La pureté en lien avec le fait de s’abstenir de commettre des péchés, l’injustice et des vices comme l’orgueil, l’hypocrisie, la bassesse, la malveillance, la haine aveugle, etc. Et la solidité/fermeté comme étant le degré de certitude et de confiance dans la Foi (Imân) en Lui.
Ainsi, ce qui doit caractériser le croyant, c’est l’incessante recherche de la Vérité et de la Sagesse, de l’excellence religieuse, morale, éthique, spirituelle, sociale, politique, professionnelle, scientifique, familiale, écologique, humanitaire, etc., et ne jamais céder (dans l’idéal) ou du moins banaliser (au minimum) la bassesse, la perversion, l’injustice, l’hypocrisie, le chaos et le désordre sur terre contre l’Humanité, la Nature et l’ensemble du monde du vivant. Tel est le rôle de l’être humain ici-bas selon le Qur’ân, qui fonde d’ailleurs tout son sens moral de la responsabilité. Le Qur’ân condamne par ailleurs ceux qui prétendent se réclamer de la Religion, qui donnent des leçons aux autres, mais qui parlent sans science et/ou qui manipulent les textes ou les gens à des fins injustes, malveillantes ou trompeuses.
Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « La parole de sagesse est la propriété perdue du croyant. Partout où il la trouve, il doit la faire sienne (s’en imprégner) » (15).
Le Prophète (ﷺ) a dit par ailleurs : « Si Allâh veut faire une faveur à quelqu’un, Il lui accorde l’intelligence et le don de la compréhension dans la Religion (Qur’ân et Sunnah). Je ne suis qu’un distributeur, et Allâh est le Donateur » (16). Cela montre que la Religion ne se limite pas qu’à mémoriser le Qur’ân, les ahadiths ou des règles de fiqh, mais plutôt à les aborder avec intelligence et profondeur pour en extraire des sagesses, des principes nobles, et tendre vers les finalités et l’éducation de l’âme comme cela est dit explicitement dans le Qur’ân et de nombreux ahadiths.
En conclusion, l’activité intellectuelle doit accompagner toute la lecture et la méditation du Texte. Il n’est donc pas question de penser « hors » du Texte (dont la Révélation constitue à la fois la forme, le cadre, le support et la finalité de la méditation) puisque la Révélation est le Livre de l’existence synthétisant, notamment à l’aide de nombreux symboles et principes, l’ensemble de la connaissance et de l’existence fait « Livre ». Il ne faut donc pas « penser » hors du Texte (ce qui revient souvent à « penser mal » ou à penser de façon stérile ou futile), mais penser « à partir » et « avec » le Texte, sans quoi le Texte n’aurait aucune raison d’être. Et au-delà de l’activité intellectuelle, c’est aussi la mise en pratique de la spiritualité, de la sagesse, de la morale et de la justice qui apportent les Bénédictions divines dans la Ummah. Et tout « le malheur » actuel que vit la Ummah à notre époque est lié à ces manquements et à l’hypocrisie d’un certain nombre de Musulmans qui se plaignent (à juste titre) de l’injustice et de l’oppression de certaines puissances non-musulmanes ou de certains tyrans dans le monde musulman, alors qu’eux-mêmes sont indifférents à Allâh, à Sa Loi, aux principes de la Religion, à la justice et à l’intégrité dans leur vie de tous les jours envers leurs familles, voisins, collègues, voyageurs, frères et sœurs en Islam ou en Humanité, etc. Or, on voit que la Baraka d’Allâh se trouve chez les gens vertueux et sages animés par le sens de la justice, et qui sont Ses témoins sur terre, des supports de science, de vertu, de sagesse, de bienfaisance et d’apaisement.
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Lorsque ma Ummah fera grand cas de la richesse matérielle (et des choses illusoires et futiles de ce bas-monde), l’Islam perdra (en leur sein) de son charisme. Lorsque ma Ummah ne commandera plus le bien et n’interdira plus (sagement) le mal et l’injustice, elle perdra la Bénédiction d’Allâh en rapport avec la Révélation ». (17)
Al-Fudayl ibn ‘Iyâd commentait ce hadîth en disant : « Cela signifie que la Ummah perdra la [juste] compréhension du Qur’ân » (18).
Allâh dit en effet : « En vérité, Allâh ne change point l’état et la situation d’un peuple, tant que les individus qui le composent ne changent pas et n’améliorent pas ce qui est d’abord en eux-mêmes » (Qur’ân 13, 11).
Et Allâh est de toute chose, le Plus Savant.
Notes :
(1) Rapporté par At-Tabarânî, ainsi que par l’auteur du Tâj al-tafâsîr et par Al-Hindi dans Kanz ul-Ummal n°3086.
(2) Rapporté par différents rapporteurs parfois avec quelques petites variantes, comme At-Tabarânî, et Al-Hindi dans Kanz ul-Ummal n°29004.
(3) Rapporté notamment par At-Tabarî dans l’introduction de son Tafsîr selon ‘Abdallâh Ibn Mas’ûd, et par d’autres selon parfois quelques petites variantes, notamment par Al-Harîth al-Muhasibî dans Mu‘âtabat an-Nafs au 1er chapitre, Ibn Hibbân dans son Sahîh n°75, Al-Kindî dans Kanz ul-‘Ummâl, Sahl al-Tustarî et Al-Qashânî dans leur Tafsîr, etc.).
(4) Rapporté par Abû Ja’far At-Tahâwî le Salaf – le neveu d’Al-Muzani célèbre disciple de l’imâm As-Shafi’i – dans Sharh Mushkil al-Âthâr n°3095 selon Ibn Mas’ûd, sahîh selon le Shaykh Al-Arna’ût.
(5) Rapporté par Ibn Abî Shayba dans son Musannaf n°30532, Al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ au Kitâb âdâb tilâwat al-Qur’ân.
(6) Rapporté par Abû Nu’aym dans son Hilyat al-awliyâ’ 1/211.
(7) Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°7257, Ahmad dans son Musnad n°724, Muslim dans son Sahîh n°1840 et Abû Dawûd dans ses Sunân n°2625 selon ‘Alî et d’autres, avec quelques variantes.
(8) Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1707 selon Ibn ‘Umar, sahîh Abû Dawûd dans ses Sunân n°2626 selon Ibn Mas’ûd ainsi que d’autres narrations voisines par ‘Alî, Imran Ibn Hussayn et d’autres.
(9) Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1848 selon Abû Hurayra.
(10) Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°53 selon Abû Hurayra, hassân.
(11) Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°2865 avec une chaine hassân, Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°1435, Al-Hakim dans Al-Mustadrak n°2345 avec une chaine sahîh et Ad-Dhahâbî l’a authentifié aussi et d’autres selon plusieurs voies.
(12) Rapporté par An-Nawawî dans son Riyad As-Salihîn n°590, Ahmad dans son Musnad n°18028, Ad-Darimî dans ses Sunân n°2533, As-Shâtibî dans son Al-I’tisâm 2/153 à 159, At-Tahâwî dans Mushkil Al-Athâr n°2139 et d’autres.
(13) Rapporté par At-Tabarânî dans Musnad al-Shâmiyyîn n°588 selon Abû Hurayra, sahîh, Al-Bayhaqî dans As-Sunân al-Kubrâ n°21439, Abû Nu’aym dans Ma’rifat as-Sahaba n°732, At-Tahâwî dans Mushkil al-Athar n°3884 et d’autres.
(14) Rapporté par Al-Hakim at-Tirmidhî dans Manâzil al-‘Ibâd mina al-‘ibâda au chap.7 sur la station Al-qurba, selon Al-Nu’mân Bashîr et une autre variante selon Sahl Ibn Sa’d.
(15) Rapporté notamment par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2687, avec une bonne chaîne selon Abû Hurayra, rapporté aussi par Ahmad et par d’autres, et authentifié par kashf par l’imâm Al-Jilânî dans son Sirr al-Asrâr.
(16) Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°7312.
(17) Rapporté par Al Hakîm At-Tirmidhî dans Nawâdir al-ussûl sous l’autorité d’Abû Hurayra, Al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ au Kitâb âdâb tilâwat al-Qur’ân et d’autres.
(18) Rapporté par Al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ au Kitâb âdâb tilâwat al-Qur’ân et d’autres.