Il est important de savoir si Muhammad (ﷺ) est un vrai prophète ou non. Parmi les signes universels pour reconnaitre un Prophète (tout comme il existe des signes pour reconnaitre une personne honnête, un bon et vrai médecin, etc.) nous pouvons citer sa haute moralité, sa conscience du Divin (de l’Absolu) et sa confiance totale en Lui, le fait que les persécutions et les injustices dont il est victime ne le détourne pas du Sentier de Son Seigneur, de la patience, de sa mission et de son sens de la justice et de la vertu. On peut aussi mentionner son désaveu du shaytân (le diable), de l’oppression, de la tromperie, de l’idolâtrie, de la sorcellerie, de l’adultère, de la fornication, des injures, de l’obscénité, de la luxure, etc., car tout cela constitue un obstacle entre la créature et le Créateur, et relève des caprices, des illusions et des pulsions malsaines de l’ego, et donc une preuve du manque d’intelligence, de sagesse et de maitrise de soi. Le Prophète ultérieur ne peut pas exclure du cycle de la prophétie et de la sainteté, les grandes figures religieuses authentiques (prophétiques et saintes) qui l’ont précédé, et doit même les honorer, et suivre les enseignements fondamentaux, loin des altérations humaines. Et enfin, annoncer des prophéties sur les événements du futur et bien que cela ne soit pas obligatoire, accomplir des miracles et des prodiges. Et tout cela correspond donc bien au Prophète Muhammad (ﷺ), qui a insisté sur le Tawhid, la justice et la vertu tout en désavouant l’idolâtrie, shaytân et l’injustice, qui a honoré tous les Prophètes antérieurs depuis Adam et confirmé l’existence des Prophètes envoyés à chaque peuple, qui a honoré Jésus et sa sainte mère Marie (Maryam), au point qu’une Sûrate porte le nom de Maryam, qui est le symbole de la pureté féminine et de la sainteté chez les croyantes, et un modèle pour toutes les femmes du monde. Il a annoncé et mit aussi en garde contre la venue de l’antéchrist (Dajjâl) avec « l’âge sombre » qui l’accompagnera et qui correspond à notre époque (ce qui exclut le Prophète ﷺ comme étant non seulement le fait d’être le Dajjâl, mais aussi un dajjâl/imposteur parmi les faux-prophètes). Le Qur’ân est un miracle qui dure encore après lui. Le Prophète Mûsâ subjugua par des miracles visibles les magiciens de la cour de Pharaon, Issâ/Jésus a guéri des malades qui étaient atteints de maladies incurables pour l’époque, et le Prophète (ﷺ) défia les plus grands poètes de l’époque par l’éloquence du Verbe divin, aux effets spirituels capables de guérir de nombreuses maladies psychiques, les cas réels de possession, et parfois même certaines maladies physiques, tout comme par la Grâce divine, il put guérir des maladies (paralysies, cas de cécité, etc.) par l’effet de la Baraka à l’instar de Jésus, multiplier des aliments ainsi qu’une source d’eau potable pour toutes les personnes qui l’avaient accompagné au cours d’une expédition, être immunisé contre de la viande empoisonnée, etc. Sa mission a pu être achevée, ses enseignements sont cohérents, et la Religion qu’il professa constitue à la fois une continuation naturelle et une synthèse des anciennes Révélations et Législations, tout en ayant sa propre forme spécifique, excluant aussi les « bricolages et plagiats »[1] qui versent nécessairement vers le syncrétisme, l’incohérence et tout un lot de contradictions, et qui ne dure jamais dans le temps, ni ne produit de civilisation propre, puisque les sectes et mouvements syncrétistes se caractérisent par un manque de cohésion interne, des éléments divers excluant une vision harmonieuse, et devant recourir à l’emprunt hétéroclite de méthodes, de valeurs, de rites et de doctrines piochés ici et là, alors que l’Islam en tant que Religion, tout comme les autres religions à leur origine, ont cette marque sacrée de l’autosuffisance qui leur a aussi permis de fonder une nouvelle civilisation, sans pour autant renoncer aux échanges et emprunts scientifiques, économiques, techniques ou philosophiques, mais sans remettre en question leur fondement organisationnel et doctrinal.
René Guénon, au Chapitre 6 (Synthèse et syncrétisme) de son ouvrage Aperçus sur l’Initiation (éd. Éditions Traditionnelles, 1964) écrivait ceci : «Nous disions tout à l’heure qu’il est non seulement inutile, mais parfois même dangereux, de vouloir mélanger des éléments rituéliques appartenant à des formes traditionnelles différentes, et que d’ailleurs ceci n’est pas vrai que pour le seul domaine initiatique auquel nous l’appliquions tout d’abord ; en effet, il en est ainsi en réalité pour tout l’ensemble du domaine traditionnel, et nous ne croyons pas sans intérêt d’envisager ici cette question dans toute sa généralité, bien que cela puisse sembler nous éloigner quelque peu des considérations se rapportant plus directement à l’initiation. Comme le mélange dont il s’agit ne représente d’ailleurs qu’un cas particulier de ce qui peut s’appeler proprement « syncrétisme », nous devrons commencer, à ce propos, par bien préciser ce qu’il faut entendre par là, d’autant plus que ceux de nos contemporains qui prétendent étudier les doctrines traditionnelles sans en pénétrer aucunement l’essence, ceux surtout qui les envisagent d’un point du vue « historique » et de pure érudition, ont le plus souvent une fâcheuse tendance à confondre « synthèse » et « syncrétisme ». Cette remarque s’applique, d’une façon tout à fait générale, à l’étude « profane » des doctrines de l’ordre exotérique aussi bien que de celles de l’ordre ésotérique ; la distinction entre les unes et les autres y est d’ailleurs rarement faite comme elle devrait l’être, et c’est ainsi que la soi-disant « science des religions » traite d’une multitude de choses qui n’ont en réalité rien de « religieux », comme par exemple, ainsi que nous l’indiquions déjà plus haut, les mystères initiatiques de l’antiquité. Cette « science » affirme nettement elle-même son caractère « profane », au pire sens de ce mot, en posant en principe que celui qui est en dehors de toute religion, et qui, par conséquent, ne peut avoir de la religion (nous dirions plutôt de la tradition, sans en spécifier aucune modalité particulière) qu’une connaissance tout extérieure, est seul qualifié pour s’en occuper « scientifiquement ». La vérité est que, sous un prétexte de connaissance désintéressée, se dissimule une intention nettement antitraditionnelle : il s’agit d’une « critique » destinée avant tout, dans l’esprit de ses promoteurs, et moins consciemment peut-être chez ceux qui les suivent, à détruire toute tradition, en ne voulant, de parti pris, y voir qu’un ensemble de faits psychologiques, sociaux ou autres, mais en tout cas purement humains. Nous n’insisterons d’ailleurs pas davantage là-dessus, car, outre que nous avons eu déjà assez souvent l’occasion d’en parler ailleurs, nous ne nous proposons présentement que de signaler une confusion qui, bien que très caractéristique de cette mentalité spéciale, peut évidemment exister aussi indépendamment de cette intention antitraditionnelle.
Le « syncrétisme », entendu dans son vrai sens, n’est rien de plus qu’une simple juxtaposition d’éléments de provenances diverses, rassemblés « du dehors », pour ainsi dire, sans qu’aucun principe d’ordre plus profond vienne les unifier. Il est évident qu’un tel assemblage ne peut pas constituer réellement une doctrine, pas plus qu’un tas de pierres ne constitue un édifice ; et, s’il en donne parfois l’illusion à ceux qui ne l’envisagent que superficiellement, cette illusion ne saurait résister à un examen tant soit peu sérieux. Il n’est pas besoin d’aller bien loin pour trouver d’authentiques exemples de ce syncrétisme : les modernes contrefaçons de la tradition, comme l’occultisme et le théosophisme, ne sont pas autre chose au fond[2] ; des notions fragmentaires empruntées à différentes formes traditionnelles, et généralement mal comprises et plus ou moins déformées, s’y trouvent mêlées à des conceptions appartenant à la philosophie et à la science profane. Il est aussi des théories philosophiques formées à peu près entièrement de fragments d’autres théories, et ici le syncrétisme prend habituellement le nom d’« éclectisme » ; mais ce cas est en somme moins grave que le précédent, parce qu’il ne s’agit que de philosophie, c’est-à-dire d’une pensée profane qui, du moins, ne cherche pas à se faire passer pour autre chose que ce qu’elle est.
Le syncrétisme, dans tous les cas, est toujours un procédé essentiellement profane, par son « extériorité » même ; et non seulement il n’est point une synthèse, mais, en un certain sens, il en est même tout le contraire. En effet, la synthèse, par définition, part des principes, c’est-à-dire de ce qu’il y a de plus intérieur ; elle va, pourrait-on dire, du centre à la circonférence, tandis que le syncrétisme se tient à la circonférence même, dans la pure multiplicité, en quelque sorte « atomique », et de détail indéfini d’éléments pris un à un, considérés en eux-mêmes et pour eux-mêmes, et séparés de leur principe, c’est-à-dire de leur véritable raison d’être. Le syncrétisme a donc un caractère tout analytique, qu’il le veuille ou non ; il est vrai que nul ne parle si souvent ni si volontiers de synthèse que certains « syncrétistes », mais cela ne prouve qu’une chose : c’est qu’ils sentent que, s’ils reconnaissaient la nature réelle de leurs théories composites, ils avoueraient par là même qu’ils ne sont les dépositaires d’aucune tradition, et que le travail auquel ils ne sont livrés ne diffère en rien de celui que le premier « chercheur » venu pourrait faire en rassemblant tant bien que mal les notions variées qu’il aurait puisées dans les livres.
Si ceux-là ont un intérêt évident à faire passer leur syncrétisme pour une synthèse, l’erreur de ceux dont nous parlions au début se produit généralement en sens inverse : quand ils se trouvent en présence d’une véritable synthèse, ils manquent rarement de la qualifier de syncrétisme. L’explication d’une telle attitude est bien simple au fond : s’en tenant au point de vue le plus étroitement profane et le plus extérieur qui se puisse concevoir, ils n’ont aucune conscience de ce qui est d’un autre ordre, et, comme ils ne veulent ou ne peuvent admettre que certaines choses leur échappent, ils cherchent naturellement à tout ramener aux procédés qui sont à la portée de leur propre compréhension. S’imaginant que toute doctrine est uniquement l’œuvre d’un ou de plusieurs individus humains, sans aucune intervention d’éléments supérieurs (car il ne faut pas oublier que c’est là le postulat fondamental de toute leur « science »), ils attribuent à ces individus ce qu’eux-mêmes seraient capables de faire en pareil cas ; et il va d’ailleurs sans dire qu’ils ne se soucient aucunement de savoir si la doctrine qu’ils étudient à leur façon est ou n’est pas l’expression de la vérité, car une telle question, n’étant pas « historique », ne se pose même pas pour eux. Il est même douteux que l’idée leur soit jamais venue qu’il puisse y avoir une vérité d’un autre ordre que la simple « vérité de fait », qui seule peut être objet d’érudition ; quant à l’intérêt qu’une telle étude peut présenter pour eux dans ces conditions, nous devons avouer qu’il nous est tout à fait impossible de nous en rendre compte, tellement cela relève d’une mentalité qui nous est étrangère.
Quoi qu’il en soit, ce qu’il est particulièrement important de remarquer, c’est que la fausse conception qui veut voir du syncrétisme dans les doctrines traditionnelles a pour conséquence directe et inévitable ce qu’on peut appeler la théorie des « emprunts » : quand on constate l’existence d’éléments similaires dans deux formes doctrinales différentes, on s’empresse de supposer que l’une d’elles doit les avoir empruntés à l’autre. Bien entendu, il ne s’agit aucunement là de l’origine commune des traditions, ni de leur filiation authentique, avec la transmission régulière et les adaptations successives qu’elle comporte ; tout cela, échappant entièrement aux moyens d’investigation dont dispose l’historien profane, n’existe littéralement pas pour lui. On veut parler uniquement d’emprunts au sens le plus grossier du mot, d’une sorte de copie ou de plagiat d’une tradition par une autre avec laquelle elle s’est trouvée en contact par suite de circonstances toutes contingentes, d’une incorporation accidentelle d’éléments détachés, ne répondant à aucune raison profonde[3] ; et c’est bien là, effectivement, ce qu’implique la définition même du syncrétisme. Par ailleurs, on ne se demande pas s’il n’est pas normal qu’une même vérité reçoive des expressions plus ou moins semblables ou tout au moins comparables entre elles, indépendamment de tout emprunt, et on ne peut pas se le demander, puisque, comme nous le disions tout à l’heure, on est résolu à ignorer l’existence de cette vérité comme telle. Cette dernière explication serait d’ailleurs insuffisante sans la notion de l’unité traditionnelle primordiale, mais du moins représenterait-elle un certain aspect de la réalité ; ajoutons qu’elle ne doit aucunement être confondue avec une autre théorie, non moins profane que celle des « emprunts », bien que d’un autre genre, et qui fait appel à ce qu’on est convenu de dénommer l’« unité de l’esprit humain », en l’entendant en un sens exclusivement psychologique, où, en fait, une telle unité n’existe pas, et en impliquant, là encore, que toute doctrine n’est qu’un simple produit de cet « esprit humain », si bien que ce « psychologisme » n’envisage pas plus la question de la vérité doctrinale que l’« historicisme » des partisans de l’explication syncrétique[4].
Nous signalerons encore que la même idée du syncrétisme et des « emprunts », appliquée plus spécialement aux Écritures traditionnelles, donne naissance à la recherche de « sources » hypothétiques, ainsi qu’à la supposition des « interpolations », qui est, comme on le sait, une des plus grandes ressources de la « critique » dans son œuvre destructive, dont l’unique but réel est la négation de toute inspiration « supra-humaine ». Ceci se rattache étroitement à l’intention antitraditionnelle que nous indiquions au début ; et ce qu’il faut surtout en retenir ici, c’est l’incompatibilité de toute explication « humaniste » avec l’esprit traditionnel, incompatibilité qui au fond est d’ailleurs évidente, puisque ne pas tenir compte de l’élément « non-humain », c’est proprement méconnaître ce qui est l’essence même de la tradition, ce sans quoi il n’y a plus rien qui mérite de porter ce nom. D’autre part, il suffit, pour réfuter la conception syncrétiste, de rappeler que toute doctrine traditionnelle a nécessairement pour centre et pour point de départ la connaissance des principes métaphysiques, et que tout ce qu’elle comporte en outre, à titre plus ou moins secondaire, n’est en définitive que l’application de ces principes à différents domaines ; cela revient à dire qu’elle est essentiellement synthétique, et, d’après ce que nous avons expliqué plus haut, la synthèse, par sa nature même, exclut tout syncrétisme.
On peut aller plus loin : s’il est impossible qu’il y ait du syncrétisme dans les doctrines traditionnelles elles-mêmes, il est également impossible qu’il y en ait chez ceux qui les ont véritablement comprises, et qui, par là même, ont forcément compris aussi la vanité d’un tel procédé, ainsi que de tous ceux qui sont le propre de la pensée profane, et n’ont d’ailleurs nul besoin d’y avoir recours. Tout ce qui est réellement inspiré de la connaissance traditionnelle procède toujours « de l’intérieur » et non « de l’extérieur » ; quiconque a conscience de l’unité essentielle de toutes les traditions peut, pour exposer et interpréter la doctrine, faire appel, suivant les cas, à des moyens d’expression provenant de formes traditionnelles diverses, s’il estime qu’il y ait à cela quelque avantage ; mais il n’y aura jamais là rien qui puisse être assimilé de près ou de loin à un syncrétisme quelconque ou à la « méthode comparative » des érudits. D’un côté, l’unité centrale et principielle éclaire et domine tout ; de l’autre, cette unité étant absente ou, pour mieux dire, cachée aux regards du « chercheur » profane, celui-ci ne peut que tâtonner dans les « ténèbres extérieures », s’agitant vainement au milieu d’un chaos que pourrait seul ordonner le Fiat Lux initiatique qui, faute de « qualification », ne sera jamais proféré pour lui ».
Au chapitre 7 « contre le mélange des formes traditionnelles » du même ouvrage il écrit : « Comme nous l’avons déjà dit ailleurs[5], il y a, suivant la tradition hindoue, deux façons opposées, l’une inférieure et l’autre supérieure, d’être en dehors des castes : on peut être « sans caste » (avarna), au sens « privatif », c’est-à-dire au-dessous d’elles ; et l’on peut au contraire être « au-delà des castes » (ativarna) ou au-dessus d’elles, bien que ce second cas soit incomparablement plus rare que le premier, surtout dans les conditions de l’époque actuelle[6]. D’une manière analogue, on peut être aussi en deçà ou au-delà des formes traditionnelles : l’homme « sans religion », par exemple, tel qu’on le rencontre couramment dans le monde occidental moderne, est incontestablement dans le premier cas ; le second, par contre, s’applique exclusivement à ceux qui ont pris effectivement conscience de l’unité et de l’identité fondamentales de toutes les traditions ; et, ici encore, ce second cas ne peut être actuellement que très exceptionnel. Que l’on comprenne bien, d’ailleurs, que, en parlant de conscience effective, nous voulons dire par là que des notions simplement théoriques sur cette unité et cette identité, tout en étant assurément déjà loin d’être négligeables, sont tout à fait insuffisantes pour que quelqu’un puisse estimer avoir dépassé le stade où il est nécessaire d’adhérer à une forme déterminée et de s’y tenir strictement. Ceci, bien entendu, ne signifie nullement que celui qui est dans ce cas ne doit pas s’efforcer en même temps de comprendre les autres formes aussi complètement et aussi profondément que possible, mais seulement que, pratiquement, il ne doit pas faire usage de moyens rituels ou autres appartenant en propre à plusieurs formes différentes, ce qui, comme nous le disions plus haut, serait non seulement inutile et vain, mais même nuisible et dangereux à divers égards[7].
Les formes traditionnelles peuvent être comparées à des voies qui conduisent toutes à un même but[8], mais qui, en tant que voies, n’en sont pas moins distinctes ; il est évident qu’on n’en peut suivre plusieurs à la fois, et que, lorsqu’on s’est engagé dans l’une d’elles, il convient de la suivre jusqu’au bout et sans s’en écarter, car vouloir passer de l’une à l’autre serait bien le meilleur moyen de ne pas avancer en réalité, sinon même de risquer de s’égarer tout à fait. Il n’y a que celui qui est parvenu au terme qui, par là même, domine toutes les voies, et cela parce qu’il n’a plus à les suivre ; il pourra donc, s’il y a lieu, pratiquer indistinctement toutes les formes, mais précisément parce qu’il les a dépassées et que, pour lui, elles sont désormais unifiées dans leur principe commun. Généralement, d’ailleurs, il continuera alors à s’en tenir extérieurement à une forme définie, ne serait-ce qu’à titre d’« exemple » pour ceux qui l’entourent et qui ne sont pas parvenus au même point que lui ; mais, si des circonstances particulières viennent à l’exiger, il pourra tout aussi bien participer à d’autres formes, puisque, de ce point où il est, il n’y a plus entre elles aucune différence réelle. Du reste, dès lors que ces formes sont ainsi unifiées pour lui, il ne saurait plus aucunement y avoir en cela mélange ou confusion quelconque, ce qui suppose nécessairement l’existence de la diversité comme telle ; et, encore une fois, il s’agit de celui-là seul qui est effectivement au -delà de cette diversité : les formes, pour lui, n’ont plus le caractère de voies ou de moyens, dont il n’a plus besoin, et elles ne subsistent plus qu’en tant qu’expressions de la Vérité une, expressions dont il est tout aussi légitime de se servir suivant les circonstances qu’il l’est de parler en différentes langues pour se faire comprendre de ceux à qui l’on s’adresse[9].
Il y a en somme, entre ce cas et celui d’un mélange illégitime des formes traditionnelles, toute la différence que nous avons indiquée comme étant, d’une façon générale, celle de la synthèse et du syncrétisme, et c’est pourquoi il était nécessaire, à cet égard, de bien préciser celle-ci tout d’abord. En effet, celui qui envisage toutes les formes dans l’unité même de leur principe, comme nous venons de le dire, en a par là même une vue essentiellement synthétique, au sens le plus rigoureux du mot ; il ne peut se placer qu’à l’intérieur de toutes également, et même, devrions-nous dire, au point qui est pour toutes le plus intérieur, puisque c’est véritablement leur centre commun. Pour reprendre la comparaison que nous avons employée tout à l’heure, toutes les voies, partant de points différents, vont en se rapprochant de plus en plus, mais en demeurant toujours distinctes, jusqu’à ce qu’elles aboutissent à ce centre unique[10] ; mais, vues du centre même, elles ne sont plus en réalité qu’autant de rayons qui en émanent et par lesquels il est en relation avec les points multiples de la circonférence[11]. Ces deux sens, inverses l’un de l’autre, suivant lesquels les mêmes voies peuvent être envisagées, correspondent très exactement à ce que sont les points de vue respectifs de celui qui est « en chemin » vers le centre et de celui qui y est parvenu, et dont les états, précisément, sont souvent décrits ainsi, dans le symbolisme traditionnel, comme ceux du « voyageur » et du « sédentaire ». Ce dernier est encore comparable à celui qui, se tenant au sommet d’une montagne, en voit également, et sans avoir à se déplacer, les différents versants, tandis que celui qui gravit cette même montagne n’en voit que la partie la plus proche de lui ; et il est bien évident que la vue qu’en a le premier peut seule être dite synthétique.
D’autre part, celui qui n’est pas au centre est forcément toujours dans une position plus ou moins « extérieure », même à l’égard de sa propre forme traditionnelle, et à plus forte raison à l’égard des autres ; si donc il veut, par exemple, accomplir des rites appartenant à plusieurs formes différentes, prétendant utiliser concurremment les uns et les autres comme moyens ou « supports » de son développement spirituel, il ne pourra réellement les associer ainsi que « du dehors », ce qui revient à dire que ce qu’il fera ne sera pas autre chose que du syncrétisme, puisque celui-ci consiste justement en un tel mélange d’éléments disparates que rien n’unifie véritablement. Tout ce que nous avons dit contre le syncrétisme en général vaut donc dans ce cas particulier, et même, pourrait-on dire, avec certaines aggravations : tant qu’il ne s’agit que de théories, en effet, il peut, tout en étant parfaitement insignifiant et illusoire et en ne représentant qu’un effort dépensé en pure perte, être du moins encore relativement inoffensif ; mais ici, par le contact direct qui est impliqué avec des réalités d’un ordre plus profond, il risque d’entraîner, pour celui qui agit ainsi, une déviation ou un arrêt de ce développement intérieur pour lequel il croyait au contraire, bien à tort, se procurer par là de plus grandes facilités. Un tel cas est assez comparable à celui de quelqu’un qui, sous prétexte d’obtenir plus sûrement une guérison, emploierait à la fois plusieurs médications dont les effets ne feraient que se neutraliser et se détruire, et qui pourraient même, parfois, avoir entre elles des réactions imprévues et plus ou moins dangereuses pour l’organisme ; il est des choses dont chacune est efficace quand on s’en sert séparément, mais qui n’en sont pas moins radicalement incompatibles.
Ceci nous amène à préciser encore un autre point : c’est que, en outre de la raison proprement doctrinale qui s’oppose à la validité de tout mélange des formes traditionnelles, il est une considération qui, pour être d’un ordre plus contingent, n’en est pas moins fort importante au point de vue qu’on peut appeler « technique ». En effet, en supposant que quelqu’un se trouve dans les conditions voulues pour accomplir des rites relevant de plusieurs formes de telle façon que les uns et les autres aient des effets réels, ce qui implique naturellement qu’il ait tout au moins quelques liens effectifs avec chacune de ces formes, il pourra arriver, et même il arrivera presque inévitablement dans la plupart des cas, que ces rites feront entrer en action non pas seulement des influences spirituelles, mais aussi, et même tout d’abord, des influences psychiques qui, ne s’harmonisant pas entre elles, se heurteront et provoqueront un état de désordre et de déséquilibre affectant plus ou moins gravement celui qui les aura imprudemment suscitées ; on conçoit sans peine qu’un tel danger est de ceux auxquels il ne convient pas de s’exposer inconsidérément. Le choc des influences psychiques est d’ailleurs plus particulièrement à redouter, d’une part, comme conséquence de l’emploi des rites les plus extérieurs, c’est-à-dire de ceux qui appartiennent au côté exotérique de différentes traditions, puisque c’est évidemment sous ce rapport surtout que celles-ci se présentent comme exclusives les unes des autres, la divergence des voies étant d’autant plus grande qu’on les considère plus loin du centre ; et, d’autre part, bien que cela puisse sembler paradoxal à qui n’y réfléchit pas suffisamment, l’opposition est alors d’autant plus violente que les traditions auxquelles il est fait appel ont plus de caractères communs, comme, par exemple, dans le cas de celles qui revêtent exotériquement la forme religieuse proprement dite, car des choses qui sont beaucoup plus différentes n’entrent que difficilement en conflit entre elles, du fait de cette différence même ; dans ce domaine comme dans tout autre, il ne peut y avoir de lutte qu’à la condition de se placer sur le même terrain. Nous n’insisterons pas davantage là-dessus, mais il est à souhaiter que du moins cet avertissement suffise à ceux qui pourraient être tentés de mettre en œuvre de tels moyens discordants ; qu’ils n’oublient pas que le domaine purement spirituel est le seul où l’on soit à l’abri de toute atteinte, parce que les oppositions mêmes n’y ont plus aucun sens, et que, tant que le domaine psychique n’est pas complètement et définitivement dépassé, les pires mésaventures demeurent toujours possibles, même, et nous devrions peut-être dire surtout, pour ceux qui font trop résolument profession de n’y pas croire ».
Mais on ne peut aller au-delà des « formes » que lorsque, dans notre réalisation spirituelle, nous atteignons un état de « conscience unitive », où le Prophète ou le Saint, perd conscience de son individualité pour ne contempler que l’Essence divine, abolissant ainsi les limites et distinctions du monde créé et les nécessités exotériques. Autrement dit, l’état du fanâ’ ou du baqâ’[12], mais lorsque l’on revient à notre individualité (conscience séparative), où notre condition humaine et les limites s’imposent à notre individualité, la Loi exotérique comme les doctrines théologiques, s’imposent de nouveau à nous, à l’instar des malades conscients de leur condition, qui doivent poursuivre la prise des remèdes indiqués par leurs médecins qualifiés.
Le grand spécialiste des religions et de la philosophie, Frithjof Schuon disait aussi : « L’attitude réservée de l’Islam, non devant le miracle, mais devant l’apriorisme judéo-chrétien — et surtout chrétien — du miracle, s’explique par la prédominance du pôle « intelligence » sur le pôle « existence » : l’Islam entend se fonder sur l’évidence spirituelle, le sentiment d’Absolu, conformément à la nature même de l’homme, laquelle est envisagée ici comme une intelligence théomorphe, et non comme une volonté qui n’attend qu’à être séduite dans le bon et le mauvais sens, donc par des miracles et des tentations. Si l’Islam, qui est la dernière venue dans la série des grandes Révélations, ne se fonde pas sur le miracle, — tout en l’admettant nécessairement, sous peine de ne pas être une religion, — c’est aussi parce que l’antéchrist « séduira beaucoup par ses prodiges » ; or la certitude spirituelle, qui est aux antipodes du « renversement » que produit le miracle, — et que l’Islam offre sous la forme d’une lancinante foi unitaire, d’un sens aigu de l’Absolu, — est un élément inaccessible au démon ; celui-ci peut imiter un miracle mais non une évidence intellectuelle ; il peut imiter un phénomène mais non le Saint-Esprit, excepté à l’égard de ceux qui veulent être trompés et n’ont de toute façon ni le sens de la vérité, ni celui du sacré »[13]. Et dans le même ouvrage, à propos du Qur’ân : « Pour comprendre toute la portée du Koran, il faut prendre en considération trois choses : son contenu doctrinal, que nous trouvons explicité dans les grands traités canoniques de l’Islam, tels ceux d’Abû Hanifa et d’Et-Tahâwî ; son contenu narratif, qui retrace toutes les vicissitudes de l’âme ; sa magie divine, c’est-à-dire sa puissance mystérieuse et un sens miraculeuse (1) (…) Ces sources de doctrine métaphysique et eschatologique, de psychologie mystique et de puissance théurgique, se cachent sous le voile de mots haletants qui souvent s’entrechoquent, d’images de cristal et de feu, mais aussi de discours aux rythmes majestueux, tissés de toutes les fibres de la condition humaine. Mais le caractère surnaturel de ce Livre n’est pas seulement dans son contenu doctrinal, sa vérité psychologique et mystique et sa magie transformante, il apparaît également dans son efficacité la plus extérieure, dans le miracle de son expansion ; les effets du Koran, dans l’espace et le temps, sont sans rapport avec l’impression littéraire que peut donner au lecteur profane le mot à mot écrit. Comme toute Écriture sacrée, le Koran est, lui aussi, a priori un livre « fermé », tout en étant « ouvert » sous un autre rapport, celui des vérités élémentaires du Salut. Il faut distinguer dans le Koran l’excellence générale de la Parole divine d’avec l’excellence particulière de tel contenu qui peut s’y superposer, par exemple quand il est question de Dieu ou de Ses qualités ; c’est de la même manière qu’on distingue l’excellence de l’or d’avec celle du chef-d’œuvre tiré de ce métal. Le chef-d’œuvre manifeste d’une façon directe la noblesse de l’or, et de même : la noblesse du contenu de tel verset sacré exprime la noblesse de la substance koranique, de la Parole divine en soi indifférenciée, mais sans pouvoir augmenter la valeur infinie de cette dernière ; et ceci est encore en rapport avec la « magie divine », la vertu transformante et parfois théurgique du discours divin, à laquelle nous avons fait allusion.
Cette magie est étroitement liée à la langue même de la Révélation, laquelle est l’arabe, d’où l’illégitimité canonique et l’inefficacité rituelle des traductions. Une langue est sacrée quand Dieu l’a parlée (2) ; et pour que Dieu la parle, il faut qu’elle présente certains caractères qui ne se retrouvent dans aucune langue tardive ; enfin, il est essentiel de comprendre qu’à partir d’une certaine époque cyclique et du durcissement de l’ambiance terrestre qu’elle comporte, Dieu ne parle plus, du moins pas en Révélateur ; autrement dit, à partir d’une certaine époque, tout ce qui se présente comme nouvelle religion est forcément faux ; le Moyen-Age est, grosso modo , la dernière limite.
(1) Seule cette puissance peut expliquer l’importance de la récitation du Koran. Ibn Arabî cite, dans sa “Risalât al-Quds”, le cas de soufis qui passaient leur vie à lire ou à réciter sans arrêt le Koran, ce qui serait inconcevable et même irréalisable s’il n’y avait pas, derrière l’écorce du texte littéral, une présence spirituelle concrète et agissante qui dépasse les mots et le mental. C’est d’ailleurs en vertu de cette puissance du Koran que tels versets peuvent chasser les démons (jinns) et guérir des maladies, dans certains concours de circonstances tout au moins.
(2) Il faudrait donc conclure que l’araméen est une langue sacrée, puisque le Christ l’a parlé, mais il y a là trois réserves à faire : premièrement, dans le Christianisme comme dans le Bouddhisme, c’est l’Avatara lui-même qui est la Révélation, en sorte que les Écritures — à part leur doctrine — n’ont pas la fonction centrale et plénière qu’elles ont dans d’autres cas ; deuxièmement, le mot à mot araméen des paroles du Christ n’a pas été conservé, ce qui corrobore notre précédente remarque ; troisièmement, pour le Christ lui-même, c’est l’hébreu qui était la langue sacrée. Bien que le Talmud affirme que « les Anges ne comprennent pas l’araméen », cette langue n’en a pas moins une valeur liturgique particulièrement éminente ; elle a été « sacralisée » — bien avant Jésus-Christ — par Daniel et Esdras.
Comme le monde, le Koran est un et multiple à la fois. Le monde est une multiplicité qui disperse et qui divise ; le Koran en est une qui rassemble et mène à l’Unité. La multiplicité du Livre sacré — la diversité des mots, des sentences, des images, des récits — remplit l’âme, puis l’absorbe et la transpose imperceptiblement, par une sorte de « ruse divine » (au sens du terme sanscrit upâya), dans le climat de la sérénité et de l’immuable. L’âme, qui a l’habitude du flux des phénomènes, s’y adonne sans résistance, elle vit en eux et est divisée et dispersée par eux, et même plus que cela : elle devient ce qu’elle pense et ce qu’elle fait.
Le Discours révélé a la vertu d’accueillir cette même tendance tout en en renversant le mouvement grâce au caractère céleste du contenu et du langage, si bien que les poissons de l’âme entrent sans méfiance et selon leurs rythmes habituels dans le filet divin. Il faut infuser au mental, dans la mesure où il peut la porter, la conscience du contraste métaphysique entre la « substance » et les « accidents » ; le mental ainsi régénéré, c’est celui qui pense d’abord Dieu, et qui pense tout en Dieu. En d’autres termes : par la mosaïque de textes, de phrases, de mots,
Dieu éteint l’agitation mentale en revêtant Lui-même l’apparence de l’agitation mentale. Le Koran est comme l’image de tout ce que le cerveau humain peut penser et ressentir, et c’est par là même que Dieu épuise l’inquiétude humaine et infuse au croyant le silence, la sérénité, la paix.
La Révélation, dans l’Islam, — comme d’ailleurs dans le Judaïsme, — se réfère essentiellement au symbolisme du livre : tout l’Univers est un livre dont les lettres sont les éléments cosmiques — les Bouddhistes diraient les dharmas — lesquels produisent, par leurs innombrables combinaisons et sous l’influence des Idées divines, les mondes, les êtres et les choses ; les mots et les phrases du livre sont les manifestations des possibilités créatrices, les mots sous le rapport du contenu et les phrases sous celui du contenant ; la phrase est en effet comme un espace — ou comme une durée — comportant une série prédestinée de compossibles et constituant ce que nous pouvons appeler un «plan divin». Ce symbolisme du livre se distingue de celui de la parole par son caractère statique : la parole se situe en effet dans la durée et implique la répétition, tandis que le livre contient les affirmations en mode simultané, il y a en lui un certain nivellement, toutes les lettres étant pareilles, et cela est du reste bien caractéristique de la perspective de l’Islam. Seulement, cette perspective — comme celle de la Thora — comporte aussi le symbolisme de la parole : mais celle-ci s’identifie alors à l’origine ; Dieu parle, et sa Parole se cristallise sous forme de Livre. Cette cristallisation a évidemment son prototype en Dieu, si bien qu’on peut affirmer que la « Parole » et le « Livre » sont deux côtés de l’Etre pur, qui est le Principe à la fois créateur et révélateur ; on dit cependant que le Koran est la Parole de Dieu, et non que la Parole procède du Koran ou du Livre »[14].
Si la récitation du Qur’ân possède bien des vertus prodigieuses et réelles, ses effets varient en degré, et cela ne doit pas exclure les remèdes naturels et les exercices physiques habituels. Et de tout cela, nous avons été témoin par expérience et par observation, à savoir la guérison spirituelle des troubles mentaux et maladies physiques de patients par le Qur’ân, là où les médicaments et traitements thérapeutiques classiques avaient échoué, de la multiplication d’objets et de la disparition d’objets ou de créatures sans qu’aucune explication physique puisse les expliquer selon les lois de la physique et les processus physicochimiques, – en dehors des cas de fraudes, de faux témoignages et d’hypothèses farfelues qui pullulent un peu partout malheureusement. Et si tout cela est possible pour autre que le Prophète, que dire alors du rang éminent et des prodiges du Prophète (ﷺ) ? Ainsi était notre Prophète Muhammad (ﷺ). Que la Grâce, les Bénédictions et la Paix d’Allâh soient sur notre Prophète (ﷺ), sa famille purifiée, ses nobles Compagnons, les rapprochés d’Allâh de sa communauté, les vertueux et toutes celles et ceux qui ont suivi la Bonne guidée et qu’Allâh a compté parmi les bienfaisants !
Les Musulmans avant tout, et notamment les Sûfis parmi eux, se calquent surtout sur le Qur’ân et le modèle prophétique Muhammadien, méditent le Qur’ân et les enseignements prophétiques, plus qu’ils ne lisent ou ne méditent les autres Livres sacrés ou religieux, et leurs méthodes comme leurs rites et leurs doctrines, sont puisés du Qur’ân et de la Sunnah. Il ne saurait donc y avoir « d’emprunts » de ce côté-là, surtout quand on sait que de nombreux commentaires du Talmud, traités théologiques ou spirituels en milieu chrétien, sont postérieurs au Qur’ân et aux traités théologiques et spirituels en milieu islamique, ceux-ci ayant influencé beaucoup d’auteurs non-musulmans, s’étant inspirés soit du Qur’ân ou des ahadiths, soit de grandes figures de l’Islam comme Al-Junayd, Al-Qushayrî, Rabi’a al-Adawiyya, Abû Hâmid al-Ghazâlî, Ibn ‘Arabî, Abû-l’alâ’ al-Ma’ârî, Ibn Al-Haythâm, Ibn Sina, Al-Birûnî, ‘Umar Khayyâm, Ibn Rushd, Ibn Tufayl, Abû al-Qâssim Khalaf ibn Abbâs al-Zahrâwî, etc., influences que l’on peut voir chez des auteurs juifs ou chrétiens postérieurs comme Nicolas d’Autrécourt, Thomas d’Aquin, David Hume, Moïse Maïmonide, Raimond Martin, William Lane Craig, Dante Alighieri, René Descartes, David Hume, Daniel Defoe, Isaac Newton, Galilée, Nicolas Copernic, Ambroise Paré, Emil Theodor Kocher, Guillaume Dupuytren, Joseph-François Malgaigne, etc.
De même, le Prophète Muhammad (ﷺ), dans sa voie, se distinguait, par sa synthèse et la pureté doctrinale et rituelle qu’il enseignait, de tous les courants religieux et sectes judéo-chrétiennes qui existaient à son époque, raison pour laquelle sa voie démarquait des autres et ne pouvait se rattacher à un courant ou à une secte déjà existante. Il partait ce de point de vue-là de « 0 », tout en défendant des vérités communes, qui sont les bases requises pour appeler les autres à « une idée ou une parole commune, fondées sur des valeurs universelles » : « Ô gens du Livre, venez à une parole commune entre nous et vous : que nous n’adorerons que Dieu, que nous ne Lui associerons rien, et que nous ne nous prendrons pas les uns les autres pour seigneurs (qui sont adorés) en dehors d’Allâh ». S’ils se détournent, dites alors : « Soyez témoins que nous sommes soumis (à Lui seul) » (Qur’ân 3, 64).
Le Prophète (ﷺ) avait avec lui, le Soutien divin, l’amour de la Vérité, de la Justice et de la Vertu, l’amour bienveillant envers les gens et le désir de paix et de sécurité pour l’ensemble des communautés, mais aussi un Livre incomparable et unique avec lui – le Qur’ân -, une Loi sacrée et divine, une langue sacrée (l’arabe), une voie spirituelle, un code moral, des normes sociales, des traits particuliers et uniques qui ont été à la base de l’art islamique et de son architecture (donnant les plus grandes merveilles du monde, notamment de nombreuses mosquées au Maghreb, dans les Balkans, en Perse, en Turquie, en Afrique, en Syrie, en Uzbékistan, en Chine, etc.) en même temps que les plus grands poètes (Ibn ‘Arabî, ‘Umar Ibn al-Farid, Ahmad al-Ghazâlî, Nizâmi, Ferdowsî, Shams e-Tabrizî, Jalâl ud-Dîn Rûmî, Hafiz de Shirâz, Sâdi, Attâr, Jâmi’, Sanâ’î, ‘Umar Khayyâm, Abû-l’alâ’ al-Ma’ârî, Al-Busirî, Muhammad Iqbal, …), etc. – poètes qui pour la plupart ont vu le Prophète en songe ou à l’état d’éveil et ont été guéris par lui (par la Grâce divine) et ont été inspirés par lui et d’autres Prophètes dans la rédaction de leurs célèbres poèmes -. En somme, rien de ce qu’ont pu produire la totalité des imposteurs ou des fondateurs de sectes ou de courants intra-religieux ou d’idéologies. Même de grands Saints, qui sont pourtant véridiques et charismatiques, et qui sont redevables aux Prophètes, affirment clairement bénéficier de leur lumière (prophétique) et se calquer sur leurs modèles, et ne pas atteindre leur degré de réalisation spirituelle (chez les Messagers qui étaient aussi des Saints), et contrairement aux Prophètes, ne sont pas à la base de civilisations ou de religions, mais agissent plutôt comme leurs « héritiers » et des revivificateurs de la Religion, conformément au Qur’ân et à 2 célèbres ahadiths prophétiques : « Les (véritables) savants (de ma Ummah) sont les héritiers (spirituels) des Prophètes »[15] ; « Certes, Allâh enverra un revivificateur de la Religion (al mujaddid) auprès de cette communauté (al Ummah), et ceci, à l’avènement de chaque génération »[16], et : « La terre ne sera jamais dépourvue de 40 personnes qui seront tels l’Ami (Khalil) du Tout-Miséricordieux. C’est par leurs intermédiaires que les gens recevront la pluie et par eux qu’ils seront secourus (par Allâh). Aucun d’entre eux ne meurt sans que Allâh ne le remplace »[17]. Et jamais une communauté religieuse comme celle de l’Islam Muhammadien, n’avait compté en leur sein, autant de maîtres spirituels et de saints, à une échelle éminemment supérieure à ce que l’on peut trouver dans les communautés antérieures ou dans les sectes postérieures (à l’islam) et actuelles.
Les imâms Tâj ud-Dîn As-Subkî dans Tabaqât al-Shafiʿiyya al-Kubrâ et ‘Abdullah Ibn ‘Alawî al-Haddâd (2 grands savants asharites, shafi’ites et sûfis) rapportent que l’imâm Abû al-Hassân as-Shadhilî eut une vision lorsqu’il entra à Jérusalem. Il vit Sayyidunâ Muhammad ﷺ sur un trône et autour de lui se trouvaient tous les Prophètes.
Il a entendu le Prophète Mûsâ (Paix sur lui) dire au Prophète ﷺ : « Vous dites que les savants (parmi les maîtres spirituels) de votre nation (Ummah) sont comme les Prophètes des Israélites »[18], le Prophète ﷺ a dit : « Oui, voudriez-vous voir l’un d’eux ? ».
Alors il ﷺ se retourna et dit : « Où est Abû Ḥâmid al-Ghazâlî ? ». L’imâm al-Ghazâlî entra et s’assit avec eux. Ils lui ont demandé : « Quel est ton nom, ô Imâm ? ». Il a répondu : « Mon nom est Muḥammad ibn Muhammad ibn Muḥammad al-Ghazâlî al-Tûsî ». Le Prophète Mûsâ (Paix sur lui) lui a dit : « Nous ne t’avons demandé que ton nom, nous ne voulions pas connaître le nom de ton père, ton grand-père et ta tribu ! Est-ce là de bonnes manières ? ».
Alors l’Imâm al-Ghazâlî se tourna vers le Prophète Muhammad (ﷺ) et dit : « Ô Messager d’Allâh, dois-je me taire devant Kalîm Allâh Mûsâ, ou dois-je lui répondre ? ».
Le Saint Prophète ﷺ a répondu : « Allez-y et répondez ». Alors l’Imâm al-Ghazâlî a dit : « Ô Mûsâ, Ô Kalîm Allâh, quand ton Seigneur t’a demandé « qu’y a-t-il dans ta main droite, ô Mûsâ ? ». Tu as répondu : « c’est mon bâton, je m’appuie dessus, je m’en sers pour mon troupeau, et il a bien d’autres usages », et on ne t’a pas demandé tout cela, sauf ce que c’était que tu avais dans la main ! ». Le Prophète Mûsâ (Paix sur lui) a été surpris et a dit : « Tu as dit la vérité ô Messager d’Allâh ﷺ, les (vrais) savants de ta nation ressemblent aux Prophètes parmi nous ».
Le Prophète ﷺ s’est tourné vers le Prophète ‘Issâ et le Prophète Mûsâ (Paix sur lui) et a dit : « Y a-t-il un érudit ou un rabbin dans votre nation comme celui-ci ? ». Ils ont répondu : « Non » ».
Ainsi était notre imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî, le Shaykh, le Saint, la Preuve de l’Islam, le Juriste, le Mujaddîd de son temps, le grandiose, le maître spirituel, le Sûfi, le logicien, l’exégète, le muhaddith, le spécialiste des fondements, le théologien, le Savant encyclopédique de son époque (mathématiques, philosophie, religions comparées, psychologie, physique, médecine, astronomie, histoire, lexicographie, …).
L’imâm Nizam ud-Dîn an-Naysabûrî dans son Ghara’ib al-Qur’ân a dit : « Bien que le Prophète (ﷺ) soit décédé, la lumière de son secret (sirr) demeure parmi les croyants, en ce sens que sa ‘Itrah et les ‘ulama (savants) prennent sa place », la prééminence revient donc aux Awliyâ’ (Saints véridiques) et non pas aux « savants limités à l’exotérisme ou à la simple érudition », comme l’ont expliqué Abû Bakr, ‘Umar, ‘Alî, Hassân al-Basrî, Al-Junayd, Al-Kharaqânî, Al-Ghazâlî, Ibn ‘Arabî et bien d’autres.
Ces derniers font partie des Ahl Allâh (Gens/Famille d’Allâh, au sens spirituel), où ils héritent de certaines caractéristiques et de sciences d’un ou de plusieurs Prophètes et nécessairement du Sayyid des Messagers, Sayyidinâ Muhammad (ﷺ). Comme l’expliquait le Shaykh al-Akbar Ibn ‘Arabî dans ses Futûhât al-Makkiyya : « Si tu es un Saint (Wali), tu es donc l’héritier d’un Prophète. Et si tu as hérité une science de Sayyidinâ Mûsâ (le Prophète Moïse) ou de Sayyidinâ ‘Issâ (Jésus), ou de tout autre Prophète, tu n’as en vérité hérité que d’une science Muhammadienne ». Et cela, en vertu qu’ils s’abreuvent à la Lumière prophétique comme l’a expliqué et démontré l’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Mishkât al-Anwâr wa misfât al-asrâr, et car, comme le dit le Qur’ân, certains de Ses serviteurs sont directement inspirés par Allâh et possèdent une Science émanant directement d’Allâh.
C’est aussi ce qui faisait dire à l’imâm Mâlik – fondateur de l’école juridique malikite – : « La (véritable) science est une lumière qui n’accompagne que les cœurs pieux et respectueux »[19].⁶
Dans le Qur’ân, lorsqu’Allâh évoque « ceux qui savent » il est question de ceux qui s’enracinent dans la piété et la droiture, et qui purifient leur âme tout en éduquant leur ego. Le Shaykh ul-Islâm ‘Izz ud-Dîn Ibn ‘Abd as-Salâm disait dans sa Fatwa : « Comment les ‘Arifin (connaisseurs par Allâh) et les Fuqaha (juristes) pourraient être égaux quand Allâh dit : « Le plus noble parmi vous, auprès d’Allah est le plus pieux et le plus droit » (Qur’ân 49, 13) ? et par « les ‘ulama » quand Il dit : « Parmi Ses serviteurs, seuls les Savants craignent Allâh (en faisant preuve de piété et de droiture) » (Qur’ân 35, 28), Il fait cas de ceux qui Le connaissent, de même que Ses attributs, et Ses actions, et non ceux qui connaissent Ses Lois […] ».
L’imâm Ahmad Ibn ‘Ajibâ a dit également dans Al-Silsila : « Les Awliya’ fermement établis dans leur station spirituelle possèdent, à des degrés divers, la connaissance du Sirr du Prophète (ﷺ). Il en est parmi eux qui connaissent certains aspects de l’intime de son être ; d’autres connaissent son esprit ; d’autres son cœur ; d’autres encore connaissent son intelligence (‘aql) et d’autres enfin connaissent son âme. Les Awliya’ fermement établis dans la réalisation spirituelle connaissent l’intime (Sirr) de son être tel qu’il se manifeste en toutes choses. C’est pourquoi ils le perçoivent à chaque instant ». Bien que la lignée biologique du Prophète revêt une haute importance en Islam, les « gens de sa famille » sont avant tout ceux qui sont proches spirituellement et moralement de lui, à l’instar d’Abû Bakr as-Siddîq, ‘Umar, ‘Uthmân, Salmân al-Farisî et d’autres comme l’ont dit aussi les imâms Muhammad Al-Bâqir et son fils Ja’far As-Sâdiq, ainsi que Khadija, ‘Aisha, mais aussi les Ahl ul Kissâ comme ‘Alî, Fatima, Hassân, Hussayn et leur pieuse descendance. Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Salmân (Al-Farisî) est l’un d’entre nous, (il est) des gens de la maison (prophétique) »[20].
L’imâm et Pôle spirituel ‘Abd al-Qâdir al-Jilânî, mujtahid selon les 4 écoles de fiqh sunnite et descendant du Prophète Muhammad (ﷺ) par la voie de ses 2 petits-fils Hassân et Hussayn (que la Paix soit sur eux 2 !) a dit dans Jalâ’u al afhâm : « Quelle est ta famille ô Muhammad ? ». Il a répondu : « Chaque pieux et vertueux fait partie de la famille de Muhammad »[21].
Ne viens pas à moi avec le prestige de ta noblesse mais viens à moi avec le prestige de ta piété ; sois raisonnable avec ce qui te tombe dans la main ; ta noblesse de lignage ne te sera pas utile devant Allâh ; seul ton lignage de piété te sera (réellement) utile. Le Très Haut a dit : « Le plus noble d’entre vous auprès d’Allâh, est le plus pieux et juste » (Qur’ân 49, 13) ». Hiérarchiquement parlant, le lignage de la piété est supérieur à celui du lignage biologique, mais ce dernier reste important, surtout concernant la lignée prophétique, mais ne doit pas primer sur l’appartenance à l’Islam et la réalisation de la piété et de la vertu, car même certains membres de la famille prophétique et alide au sens large, furent soit jusqu’à leur mort, soit durant un long moment, des ennemis même du Prophète (ﷺ). Raison pour laquelle Ibn ‘Arabî a dit dans ses Futûhat al-Makkiyya : « Les Ahl al-Bayt sont [aussi] ceux qui possèdent le même attribut [c’est-à-dire la servitude pure] que lui (ﷺ) », et que son héritier spirituel, et descendant du Prophète (ﷺ) par l’imâm Al-Hassân, l’émir ‘Abd al-Qâdir, a développé et confirmé dans son Kitâb Al-Mawâqif au Mawqîf n°276 « De la maison du Prophète et des gens d’Allâh » dans lequel il dit notamment : « Si telle est la Sollicitude divine à l’égard de la famille du Prophète (ﷺ), qu’en sera-t-Il à l’égard de la « famille » d’Allâh (ahl al-Bayt al-Ilâhî), ceux que l’on désigne comme les gens du cœur (Ahl ul-Qulûb) ? Une tradition prophétique nous enseigne en effet que « les cœurs sont la demeure du Seigneur ». Les gens de la « famille » divine sont donc ces gens du cœur auxquels il est fait allusion dans ce verset : « Certes, il y a en cela un rappel pour ceux qui ont un cœur » (Qur’ân 50, 37), ainsi que cette tradition qudsî : « Ni Ma terre ni Mes cieux ne peuvent Me contenir, seul le cœur de Mon serviteur croyant me contient »[22].
Cependant, tout cœur ne contient pas Allâh : seul Le contient le cœur du connaissant (al-‘Ârif bi’llâh). Celui qui Le connaît – exalté soit-Il – connaît donc toutes choses, puisqu’il est la Réalité de toute chose. Or, qui connaît la réalité d’une chose connaît par là même tout ce qui en découle.
Si maintenant la Sollicitude divine est acquise à la maison du Prophète – (ﷺ) – en raison de la proximité de celle-ci avec l’Envoyé d’Allâh – sur lui la grâce et la paix ainsi que sur sa famille – qui est lui-même l’être le plus proche d’Allâh – exalté soit-Il -, a fortiori ceux qui jouissent de la proximité divine sont-ils encore plus dignes de cette Sollicitude ! Quant à ceux qui font à la fois partie de la famille prophétique et de la « famille » divine, quelle chance pour eux ! Honneur sur honneur ! Lumière sur lumière ! Ceux-là sont l’élite de la maison du Prophète (ﷺ), ceux qu’il évoque dans cette tradition : « Je laisse parmi vous 2 choses qui vous éviteront de vous égarer après moi, pour peu que vous vous y attachiez, et dont l’une a plus d’importance que l’autre. Il s’agit du Livre d’Allâh (le Qur’ân), qui est un lien tendu entre les cieux et la terre, et de ma famille, les gens de ma maison. Le Subtil, l’Informé m’a fait savoir que tous deux ne se sépareraient pas jusqu’à leur arrivée dans mon Jardin (rawdatî). Observez donc comment, après moi, vous vous comportez avec eux »[23]. Ainsi, ceux qui appartiennent à la maison du Prophète occupent-ils un rang inférieur à ceux qui appartiennent à la « famille » divine ; car ceux-ci sont nécessairement agrégés par filiation à la famille du Prophète, alors que l’inverse n’est pas forcément vrai. Lorsque le Prophète (ﷺ) affirmait : « Salmân fait partie de nous-mêmes, les gens de la maison », il ne l’affiliait qu’en raison de son appartenance à la « famille » divine, ces gens de ce cœur qui constitue la demeure du Seigneur – exalté soit-Il.
Le Prophète (ﷺ) a paternité sur tous les cœurs, si bien que tous ceux qui possèdent effectivement un cœur (il s’agit des serviteurs croyants évoqués plus haut dans la tradition seigneuriale) sont en droit de l’avoir pour père. De plus, le Législateur a davantage de considération pour la parenté spirituelle et intérieure que pour la seule parenté corporelle extérieure ». Par ailleurs plusieurs paroles prophétiques authentifiées montrent qu’il (ﷺ) a dit d’Abû Bakr, de ‘Umar, de ‘Uthmân, de ‘Alî et de quelques autres Compagnons parmi l’élite « ils sont de moi, et je suis d’eux » ainsi que d’autres expressions comme « celui qui l’aime m’aime, et celui qui le déteste me déteste » à l’instar de ce hadith : « Celui qui aime ‘Umar m’aime, et celui qui hait ‘Umar me déteste (ne m’aime pas véritablement) »[24], de même pour Abû Bakr, ‘Alî, ‘Uthmân, Hassân, Hussayn, ‘Aîsha et d’autres[25].
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « En effet, Allâh a élu certains individus parmi les habitants de la Terre comme Ses contenants (supports et récipients de Son Amour et de Sa Lumière). Les récipients de votre Seigneur sont les cœurs de Ses pieux serviteurs, et les cœurs les plus aimés d’Allâh sont les plus doux et les plus tendres »[26].
Du point de vue islamique, les savants qui sont ses « héritiers » sont donc ceux qui se caractérisent par le fait d’être vertueux et pieux, véridiques et spirituels, justes et bienfaisants, et qui font partie des Rapprochés d’Allâh ou de ceux, qui par leur sagesse et leur haute moralité, élèvent Sa Parole et sont des guides de lumière et de bonté pour l’Humanité.
Que ce soit donc du point de vue spirituel, des écrits de la Torah, de la Bible, du Bouddhisme, de l’Hindouisme, du Zoroastrisme, du Taoïsme, ou d’autres traditions spirituelles d’origine divine, le Prophète Muhammad (ﷺ) détient bien les signes de la prophétie, et étant donné « les fruits » de la voie qu’il a tracé, en termes de nombre de maîtres, de gens pieux, de poètes, d’artistes, de savants et de métaphysiciens qui se sont inspirés de son modèle, son caractère prophétique est formellement établi par l’intellect, le dévoilement spirituel, les principes des textes religieux des différentes traditions spirituelles, etc.
Une preuve réside en effet dans les fruits visibles du Modèle Muhammadien, chez ceux qui réalisent sa voie à ses plus hauts degrés. Les musulmans et maitres que nous connaissons par exemple, dégagent beaucoup de charisme, de lumière (nûr) et de sagesse, qui sont les fruits visibles de la sincérité, de la piété et de la spiritualité qui sont contenues en germes dans l’Islam quand tous ses aspects sont respectés et réalisés (islâm, imân et ihsân, et donc fiqh/droit, ‘aqida/théologie et tasawwuf/sûfisme, où l’un s’éclaire par l’autre et permet de trouver un bon équilibre). Or, chez les imposteurs comme chez les extrémistes, on ne voit pas les signes visibles de la spiritualité et de la piété sur leur visage ou dans leur façon d’être et de se comporter envers les gens.
Comme l’ont montré un certain nombre d’auteurs musulmans (comme Martin Lings, Seyyed Hossein Nasr, Denis Gril, Muhammad Saïd Ramadan Al Bûti, Mohammed Aslam, Mikaeel Ahmed Smith) et non-musulmans (notamment William Montgomery, Will Durant, Alphonse Lamartine, Karen Amstrong, Edward Gibbon, Simon Ocklay, Bosworth Smith, George Bernard Shaw, …) à partir de sources les mieux authentifiées (le Qur’ân, les récits fiables de la Sirah et de la Sunnah, et les témoignages historiques de son époque), le Prophète (ﷺ) fut sincère et déterminé dans sa mission prophétique, refusant les avantages politiques, la gloire personnelle et tribale ainsi que la richesse matérielle à un moment où il n’avait même pas d’état et qu’il était en position de faiblesse, et il n’a jamais renoncé, malgré les pressions et les persécutions, à défendre le Tawhid et le Droit divin, de même que les femmes, les pauvres, les orphelins, les opprimés et les liens de parenté, tout en dénonçant le racisme, l’oppression, le tribalisme, la violence aveugle, l’injustice, la misogynie, la mentalité esclavagiste dans ce qu’elle avait de blâmable et d’humiliation, etc.
Or il n’était pas fou non plus et même ses ennemis avaient confiance en lui au point de l’appeler Al Amin en leur confiant leurs biens. Il restitua d’ailleurs même leurs biens alors qu’ils avaient essayé de le tuer lorsqu’ils n’avaient pas réussi à le corrompre.
Très porté sur l’éthique et la spiritualité, il enseigna aux gens l’importance de la sagesse, de l’intelligence, de la patience, de la clairvoyance, de la science utile et de la connaissance bénéfique (spirituelle, religieuse, médicale, naturelle, physique, métaphysique, mathématiques, …) ainsi que d’éviter au maximum la violence et la guerre surtout s’il était possible de résoudre les conflits par la paix et la voie diplomatique.
La beauté du Qur’ân autant que sa profondeur[27] avaient subjugué ses contemporains et même les plus grands poètes de son époque et d’après, alors qu’il n’était pas connu pour être un poète. Son ascétisme exemplaire, sa modestie, sa simplicité, sa sagesse et son sens du partage faisaient de lui un soutien généreux et sage pour son peuple, loin de ce qu’est un tyran noyé dans la luxure. Il veillait sur les pauvres et les orphelins et insistait sur les droits des femmes. Il construisit toute une société et fonda toute une civilisation à partir de rien, et devint le modèle des plus grands Saints, maîtres spirituels, poètes et savants du monde entier.
Une belle description du Prophète (ﷺ) a été donnée par un savant et érudit contemporain, connaisseur aussi de la Sîrah, à savoir Mohammed Aslam : « L’une des millions de choses que j’aime chez le Prophète ﷺ est son humilité et sa grandeur en tant que leader. Savez-vous que lorsque Sayyiduna Ali est arrivé à Médine, ses pieds étaient enflés à cause de la distance qu’il avait parcourue ? Le Prophète est allé le voir et a pleuré en voyant son état, puis il lui a massé les pieds ? Un prophète au service de son disciple de cette manière. Il n’aimait pas que son oreiller soit plus ramolli que celui des autres. Il ne laissait pas les gens marcher derrière lui. Il n’aimait pas s’asseoir au-dessus des autres. Si des étrangers entraient, ils devaient demander où il était assis (car il ne se comportait pas comme un roi ou un riche). Il allait dans les maisons des pauvres. Il partageait de la nourriture simple avec les faibles. Il acceptait l’invitation de ceux qui n’avaient rien. Il rendait visite aux malades et allait les voir pieds nus. Il s’occupait des besoins des domestiques et s’asseyait avec eux. Il accordait du temps aux femmes et résolvait leurs problèmes. À la guerre, il mangeait le moins possible mais il servait ses compagnons. Il ne mangeait pas jusqu’à ce qu’ils aient fini et soient rassasiés. Il était entièrement accessible à la communauté. Il faisait les choses lui-même. Il n’aimait pas que les gens le servent. Il participait à des projets communautaires et faisait des travaux physiques. Il demandait des nouvelles de tout le monde et voulait en savoir plus sur eux, et il se souciait de ceux qui n’avaient personne »[28].
Un autre savant et érudit, formé aux sciences islamiques classiques en même temps que dans les sciences de l’éducation, de la psychologie et de la pédagogie, Mikaeel Ahmed Smith a écrit 2 livres détaillés sur les aspects pédagogiques, psychologiques et sociologiques du Prophète dans sa vie et ses relations avec les autres. Ses livres ont été traduits en français. Dans Le cœur à l’esprit – L’intelligence morale et émotionnelle du Prophète (éd. Muslim City, 2023)il nous livre une étude sur la nature de l’intellect (‘aql), sa réalité dans le Qur’ân et la Sunnah, sa parfaite manifestation dans la vie du Prophète ﷺ et la façon dont les théologiens musulmans ont compris sa fonction. Cet ouvrage propose au lecteur une compréhension particulière de l’intelligence, dans laquelle la fonction principale de l’intellect est de connaître Allâh ainsi que de conduire les autres à Lui. L’auteur montre qu’en étudiant l’intelligence émotionnelle du Prophète Muhammad ﷺ, nous pouvons améliorer la qualité de nos relations avec les gens qui nous entourent et, comme le Prophète ﷺ, inspirer le changement dans notre environnement, l’intelligence morale et émotionnelle est un outil par lequel le Message d’Allâh est transféré à l’Humanité. Bien documenté et particulièrement pertinent pour notre époque, ce livre, à la fois spirituel et académique, émouvant et passionnant, historique et philosophique.
Dans L’écoute prophétique – Comment elle peut nous transformer et changer le monde autour de nous (éd. Muslim City, 2023) l’accent est mis sur la capacité d’écoute et d’empathie du Prophète (ﷺ) : « Dès le moment où nous venons au monde, nous recherchons la connexion avec les autres : nous désirons profondément être compris et écoutés. C’est pourquoi l’écoute, fondement de l’attachement humain et ciment de toutes les relations, est une compétence complexe qui doit être étudiée, pratiquée et entretenue au fil du temps.
“L’écoute prophétique” est ainsi une étude de la fonction de l’écoute dans la vie du musulman et de la manière dont l’apprentissage de cette capacité unique et propre à l’Homme peut transformer la cacophonie de nos bruits intérieurs en une merveilleuse symphonie et nous permettre de modeler et de façonner notre entourage et nos proches. Améliorer notre capacité d’écoute en éliminant tous les obstacles à l’intérieur de nous-mêmes qui nous empêchent de nous lier aux autres et de développer un sentiment d’appartenance à des modèles d’attachement sains : tel est l’objet de cet ouvrage qui propose une approche unique à trois niveaux – l’écoute de soi, l’écoute des autres et l’écoute d’Allâh.
“L’écoute prophétique” reprend là où s’est arrêté “Le cœur à l’esprit” en approfondissant l’étude de l’outil principal qui a permis au Prophète de laisser un impact si profond sur tous ceux qui l’entouraient. Le principe est simple : si vous voulez que l’on vous écoute comme le Prophète (ﷺ), apprenez d’abord à écouter comme lui ».
Sa venue fut annoncée déjà plus de 1000 ans avant sa naissance dans le monde terrestre, dans la Torah comme dans les écritures hindoues et zoroastriennes. Plusieurs passages dans la Torah et dans la Bible sur Ismâ’îl et sa descendance qui sera bénie et deviendra nombreuse (et en effet, par la suite les Arabes deviendront bien plus nombreux que les Juifs, tout en devenant les protecteurs des Juifs et des autres communautés religieuses et ethniques, lorsque les Arabes suivront le Prophète Muhammad et deviendront Musulmans), sur le « Paraclet » annoncé par Jésus (qui ne désigne pas le Saint Esprit puisqu’il existe selon Jésus, plusieurs paraclets) dont la description ne peut concerner éminemment que le Prophète Muhammad comme l’a montré Frithjof Schuon, qui dit : « Si Mohammed avait été un faux prophète, on ne voit pas pourquoi le Christ n’aurait pas parlé de lui comme il a parlé de l’Antéchrist ; mais si Mohammed est un vrai Prophète, les passages sur le Paraclet doivent infailliblement le concerner, — non pas exclusivement, mais « éminemment », — car il est impossible que le Christ, en parlant de l’avenir, ait passé sous silence une apparition d’une telle dimension ; c’est encore cette dimension qui exclut a priori que le Christ, dans ces prédictions, ait pu englober Mohammed dans la désignation générale des « faux prophètes », car Mohammed n’est aucunement, dans l’histoire de notre ère, un exemple parmi d’autres d’un même genre, mais au contraire une apparition unique et incomparable ; s’il avait été l’un des faux prophètes annoncés, il aurait été suivi par d’autres, et il y aurait de nos jours une multitude de fausses religions postérieures au Christ et comparables par leur importance et leur extension à l’Islamisme. La spiritualité au sein de l’Islam, des origines jusqu’à nos jours, est un fait indéniable, et « c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez » ; d’autre part, on se souviendra que le Prophète a porté témoignage, dans sa doctrine même, de la seconde venue du Christ, sans s’attribuer à lui-même une gloire quelconque, si ce n’est celle d’être le dernier Prophète du cycle ; et l’histoire est là pour prouver qu’il a dit vrai, aucune apparition comparable à lui ne l’ayant suivi »[29].
Selon la science des lettres et des valeurs numériques dans la Torah (science qui existe aussi dans le Qur’ân), le passage concernant la Promesse divine sur les Bénédictions divines touchant la descendance d’Ismâ’îl est bien authentique et s’est accomplie par le Prophète Muhammad (ﷺ), comme l’affirment de nombreux rabbins, confirmant ainsi une importante prophétie biblique, et opérant le Lien divin qui existe entre toutes les Formes traditionnelles abrahamiques[30]. Cela démontre qu’au moins une partie de la Torah a bien été préservée de la falsification ou des altérations au fil des siècles, contrairement à d’autres passages (souvent les plus violents et guerriers de la Torah et de la Bible d’ailleurs).
Même chose pour les anciennes écritures religieuses hindoues et zoroastriennes, où plusieurs passages font référence au Prophète Muhammad (son nom, sa fonction, le nom de son père et ce qu’il accomplira), et dont certains textes datent d’environ 4000 ans[31]. Ce qui prouve, par les annonces prophétiques, les prédictions et les prémonitions (des Saints, des vertueux et même de gens ordinaires, et nous-mêmes en avons déjà fait l’expérience), la fausseté de l’athéisme comme du matérialisme, et démontre la Réalité divine (Sa Puissance, comme Sa Science et Son Omniscience notamment) en même temps que l’existence de Prophètes et de Saints véridiques.
En effet, les Messagers d’Allâh prophétisent sur les événements qui surviendront dans le futur, et là aussi, ses prédictions incroyables et souvent inconcevables pour l’époque, se sont réalisées par centaines et ce, dans tous les domaines de l’existence qui ont connu d’énormes bouleversements qu’il avait annoncés, parfois plus de 1400 ans à l’avance. A titre d’exemples, nous pouvons citer ses prophéties sur l’avènement du capitalisme et de la mondialisation, la montée de l’ignorance concernant les sciences traditionnelles et sacrées (dont celles liées à la Religion), la montée de l’extrémisme et du terrorisme, la propagation des croyances comme l’athéisme, le matérialisme, le new-âge, le scientisme et le nihilisme, le fait que des régions comme la Perse, l’Egypte, le Maghreb, la Palestine, la Syrie, l’Irak, le Yémen, l’Asie mineure (avec Constantinople/Istanbul) et d’autres régions deviendront musulmanes, l’invasion moghole et ses ravages jusqu’à ce qu’elle soit repoussée puis mise en déroute, le fait que de nombreux persans deviendront Musulmans et porteront très haut cette Religion (ce qui a été le cas avec les milliers de savants du Hadith, du Qur’ân, de la poésie, de la littérature, de la spiritualité, des sciences, etc. où la Perse n’a jamais compté autant de maîtres spirituels, poètes, savants exotériques et scientifiques de renom que depuis, qu’elle a été islamisée), la banalisation de l’adultère et de l’homosexualité, un nombre croissant de meurtriers « tuant à l’aveugle », l’apparition de mouvements extrémistes et terroristes comme Daesh, la prise du pouvoir par les Al-Sa’ûd et le grand déclin des Arabes, la pulvérisation des montagnes et les bâtiments élevés qui les surpasseront en hauteur dans les environs de la Mecque, les régions désertiques qui redeviendront des prairies, la découverte des richesses sous-terraines (comme l’or, le pétrole, etc.), l’apparition d’objets volants dans le ciel, l’abandon des chevaux dans les guerres, l’apparition de nouveaux moyens de transport plus rapides, l’existence de la technologie satellites et des moyens de communication sans fil, le règne du matérialisme, de l’individualisme et du consumérisme dans la société jusqu’au sein des foyers, la présence de nombreux imposteurs et personnes corrompues à tous les niveaux du pouvoir et de la société, l’apparition de nouvelles épidémies et d’armes invisibles (à l’œil nu) qui causeront beaucoup de dégâts et de morts, y compris les armes bactériologiques et biologiques, le fait que les Musulmans seront très nombreux à la fin des temps (chiffres en constante augmentation à notre époque) mais qu’ils seront tellement divisés et affaiblis que les nations ennemies les massacreront (comme l’ont fait les forces américaines, russes, israéliennes, européennes, etc. en Palestine, Tchétchénie, Afghanistan, Irak, Syrie, Yémen, Libye, etc. faisant des millions de morts et de blessés en moins de 50 ans) etc. Cela montre que les prophéties du Prophète Muhammad (ﷺ) n’étaient pas dû au hasard, et qu’il les décrivait selon ce qui lui était montré par Allâh par visions et contemplations spirituelles, en donnant des détails précis sur ce qui allait advenir[32].
Son respect pour le Divin, les Anges, les Prophètes qui l’ont précédé, les croyants, la dignité humaine, les animaux, la nature, la justice et les bonnes causes, font qu’il était bien un vrai Prophète, et ce n’était pas pour rien qu’il incarnait l’excellence en tant que maître et chef spirituel, commandant des armées, chef politique, médiateur, époux, père de famille, voisin, médecin et thérapeute, conseiller, chef religieux, responsable du fonctionnement des différents domaines de la vie en société, et Prophète.
On peut dire que le Prophète Muhammad (ﷺ) était la synthèse de tous les autres Prophètes avant lui, et que là où ‘Issâ incarnait le sceau de la sainteté et de la restauration (et de la revivification) de la Loi mosaïque, Muhammad, lui, était à la fois l’excellence de la sainteté Muhammadienne et révivificateur de la Loi Divine pour les nouvelles conditions du présent cycle temporel, et son oeuvre fut donc, à la fois plus importante, et à la fois plus difficile. C’est de son modèle que s’inspirèrent les plus grands et les plus nombreux Saints de l’Humanité depuis plus de 1400 ans. Le Prophète Muhammad incarne ainsi la synthèse de tous les Prophètes, tels que Adam, Ibrâhîm, Mûsâ, Yûsuf, ‘Issâ et même les autres figures qui correspondent aux figures prophétiques telles que Zarathustra et Bouddha. La mission du Prophète (ﷺ) englobe ainsi tous les aspects de la vie, de la prédication, de la connaissance, de la spiritualité, des obstacles et des épreuves de l’ensemble des Prophètes avant lui, sauf dans ce qui caractérisait chaque Prophète dans certains de leurs miracles qu’Allâh leur a permis d’accomplir. Il semblerait que les Prophètes Dawûd, Sulaymân et Mûsâ par exemple, étaient des Prophètes de la Loi, tout en étant spirituels, mais sans occuper le rôle de maître spirituel, tandis que Issâ’ n’était pas un Prophète de la Législation et n’occupait pas la fonction de chef d’Etat (et n’avait donc pas à se soucier d’instaurer la justice politique et sociale, et donc les peines juridiques) bien qu’il affirma ne pas abolir la Loi divine, mais la confirmer et la restaurer (par la revivification de la spiritualité et de l’éthique), son rôle étant essentiellement celui d’un maître spirituel et d’un « réformateur » social, là où le Prophète Muhammad fut tout cela à la fois ; un maître spirituel, un saint, un Prophète de la Loi, un réformateur social, un chef d’Etat, un bâtisseur de civilisation, un guerrier, un commandant militaire, etc.
Tout cela a conduit un certain nombre d’ex-non-musulmans à embrasser l’Islam, et d’autres à reconnaitre malgré tout ses incroyables qualités. C’est sans doute ce qui motiva le célèbre auteur français, Alphonse de Lamartine (1790 – 1869), qui était à la fois écrivain, poète, historien et Ministre des Affaires étrangères, à écrire une magnifique description de la personnalité du Prophète et de sa mission, dont les traits et les objectifs sont conformes au Qur’ân, à la Sunnah mutawatir, et à la confirmation spirituelle qu’en ont fait la totalité des grands maîtres spirituels : « Jamais homme ne se proposa un but plus sublime, puisque ce but était surhumain : saper les superstitions interposées entre la créature et le Créateur, rendre Dieu à l’homme et l’homme à Dieu, restaurer l’idée rationnelle et sainte de la divinité dans ce chaos de dieux matériels et défigurés de l’idolâtrie. Jamais homme n’accomplit en moins de temps une si immense et durable révolution dans le monde, puisque moins de 2 siècles après sa prédication, l’islam[33], prêché et armé, régnait sur les trois Arabies, conquérait à l’unité de Dieu la Perse, le Korassan, la Transoxiane, l’Inde Occidentale, la Syrie, l’Égypte, l’Éthiopie, tout le continent connu de l’Afrique septentrionale, plusieurs îles de la Méditerranée, l’Espagne et une partie de la Gaule.
Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l’immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Muhammad ? Les plus fameux n’ont remué que des armes, des lois, des empires ; ils n’ont fondé, quand ils ont fondé quelque chose, que des puissances matérielles, écroulées souvent avant eux. Celui-là a remué des armées, des législations, des empires, des peuples, des dynasties, des millions d’hommes sur un tiers du globe habité ; mais il a remué, de plus, des idées, des croyances, des âmes. Il a fondé sur un livre dont chaque lettre est devenue loi, une nationalité spirituelle qui englobe des peuples de toutes les langues et de toutes les races, et il a imprimé pour caractère indélébile de cette nationalité musulmane la haine des faux dieux et la passion du Dieu un et immatériel.
Ce patriotisme, vengeur des profanations du ciel, fut la vertu des enfants de Muhammad. L’idée de l’unité de Dieu, proclamée dans la lassitude des théogonies fabuleuses, avait elle-même une telle vertu, qu’en faisant explosion sur ses lèvres, elle incendia tous les vieux temples des idoles et alluma de ses lueurs un tiers du monde. Cet homme était-il un imposteur ? Nous ne le pensons pas, après avoir étudié son histoire. L’imposture est l’hypocrisie de la conviction. L’hypocrisie n’a pas la puissance de la conviction, comme le mensonge n’a jamais la puissance de la vérité. (…) Une pensée qui porte si haut, si loin et si longtemps est une pensée forte ; pour être forte, il faut qu’elle ait été bien sincère et bien convaincue. Mais sa vie, son recueillement, ses blasphèmes héroïques contre les superstitions de son pays, son audace à affronter les fureurs des idolâtres, sa constance à les supporter quinze ans à la Mecque, son acceptation de scandale public et presque de victime parmi ses compatriotes, sa fuite enfin, sa prédication incessante, ses guerres inégales, sa confiance dans les succès, sa sécurité surhumaine dans les revers, sa longanimité dans la victoire, son ambition toute d’idée, nullement d’empire, sa prière sans fin, sa conversation mystique avec Dieu, sa mort et son triomphe après le tombeau : plus qu’une imposture, une conviction. Ce fut cette conviction qui lui donna la puissance de restaurer un dogme. Ce dogme était double, l’unité de Dieu et l’immatérialité de Dieu, l’un disant ce que Dieu est, l’autre disant ce qu’il n’est pas ; l’un renversant avec le sabre des dieux-mensonges, l’autre inaugurant avec la parole une idée ! Philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d’idées, restaurateur de dogmes, fondateur de vingt empires terrestres et d’un empire spirituel, voilà Muhammad. À toutes les échelles où l’on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand ? »[34].
Le scientifique et historien Reginald Bosworth Smith dans Mohammad and Mohammadanism (1874, p. 92) dit : « Il était César et le Pape réunis en un seul être ; mais il était le Pape sans avoir les prétentions du Pape, et César sans avoir les légions de César : sans armée, sans garde du corps, sans palais, et sans revenu fixe ; s’il y a un homme qui a le droit de dire qu’il règne par la Volonté divine, ce serait Muhammad, puisqu’il a tout le pouvoir sans en avoir les instruments ni les supports ».
Annie Besant, ancienne athée et matérialiste puis rattachée à la société théosophique, dit dans, The Life and Teachings of Muhammad (Madras, 1932, p. 4) : « Il est impossible, pour quelqu’un qui étudie la vie et le caractère du grand Prophète d’Arabie, pour quelqu’un qui sait comment il enseignait et comment il vivait, d’avoir d’autre sentiment que le respect pour ce prophète prodigieux, un des grands messagers de l’Etre Suprême. Et même si mes discours contiennent bien des choses qui sont familières à beaucoup d’entre vous, chaque fois que moi-même je les relis, je sens monter en moi une nouvelle vague d’admiration, un nouveau sentiment de révérence, pour ce prodigieux grand maître arabe ».
L’historien et académicien William Montgomery Watt (1909 – 2006), un éminent islamologue, disait dans Mohammad at Mecca (Oxford, 1953, p. 52) : « La façon dont il accepta les persécutions dues à ses convictions, la haute moralité des hommes qui vécurent à ses côtés et qui le prirent pour guide, la grandeur de son oeuvre ultime, tout cela ne fait que démontrer son intégrité fondamentale. La supposition selon laquelle Muhammad serait un imposteur soulève plus de problèmes qu’elle n’en résout. Cependant, aucune des grandes figures de l’histoire n’est si peu appréciée en Occident que le Prophète Muhammad ». Pour lui, le Qur’ân était aussi divinement inspiré [35]. Bien que sérieux dans les grandes lignes, certains aspects de son travail fut critiqué par d’éminents chercheurs, historiens et islamologues comme le pakistanais Zafar Ali Qureshi dans son ouvrage Prophet Muhammad and His Western Critics: A Critique of W. Montgomery Watt and Others (1992) et le turc İbrahim Kalın qui a salué le travail critique de Zafar Ali Qureshi.
L’écrivain et romancier historique James A. Michener a écrit dans Islam: The Misunderstood Religion (paru dans la revue Reader’s Digest de mai 1955, pp. 68-70 : « Homme d’affaires prospère dès l’âge de 20 ans, il devait bientôt devenir directeur des caravanes de chameaux d’une veuve fortunée. Celle-ci, reconnaissant ses mérites, lui proposa le mariage. Bien qu’elle fût de 15 ans son aînée, il l’épousa et fut un époux dévoué jusqu’à sa mort. De même que la plupart des grands prophètes qui le précédèrent, Muhammad chercha à éviter l’honneur de transmettre la Parole divine, se considérant comme indigne d’accomplir cette tâche. Mais l’ange lui ordonna : « Lis ! ». De ce que nous connaissons de sa vie, nous savons que Muhammad ne savait ni lire ni écrire, mais il commença à dicter des mots qui lui étaient inspirés, et qui allaient bientôt transformer une grande partie du globe par le verset : « il n’y a qu’Un seul Dieu ». Sur tous les plans, Muhammad était un esprit éminemment pratique. Lorsque son fils bien aimé, Ibrahim, mourut, il y eut une éclipse, et des rumeurs, disant que Dieu lui avait exprimé personnellement Ses condoléances, s’étendirent rapidement. Or, on dit que Muhammad lui-même affirma qu’une éclipse étant un phénomène naturel, il est insensé d’attribuer ce genre de phénomène à la naissance ou à la mort d’un être humain ». Lors de la mort de Muhammad, certains voulurent le déifier, mais son successeur administratif mit fin à cette vague d’hystérie par une des paroles les plus belles de l’histoire religieuse : « Si l’un d’entre vous alla jusqu’à rendre un culte à Muhammad, il est mort. Mais si c’est à Dieu qu’il rend un culte, Il vivra pour l’éternité » ».
Michael H. Hart dans The 100: A Ranking of the Most Influential Persons in History (New York: Hart Publishing Company, Inc. 1978, p. 33) écrit : « Certains lecteurs seront peut-être surpris de me voir placer Muhammad en tête des personnalités ayant exercé le plus d’influence dans le monde, et d’autres contesteront probablement mon choix. Cependant, Muhammad est le seul homme au monde qui ait réussi par excellence sur les deux plans : religieux et séculier ». Le philosophe et historien Will Durant dans son livre The Story of Civilization (vol. 4) a dit : « Si nous mesurons la grandeur des hommes par l’étendue de l’influence qu’ils ont exercée sur les coeurs des gens, nous trouverons que Muhammad était un des plus grands hommes que l’Histoire ait jamais connus. (…) À ces Dhimmis – les chrétiens, les zoroastriens, les sabéens et les juifs – le Califat omeyyade offrit un degré de tolérance sans équivalent, même au sein des territoires chrétiens contemporains. (…) La prédominance en Syrie était réservée aux chrétiens jusqu’au troisième siècle de l’Hégire, lors du règne d’Al Ma’mûn (813-833). L’on entend parler de l’existence, à cette époque, de 11 000 églises aussi bien que des centaines de synagogues et de temples de feu [des zoroastriens). Les festivals chrétiens étaient alors librement et publiquement célébrés et les pèlerins chrétiens venaient en toute sécurité visiter les lieux saints en Palestine. (…) Le gouverneur d’Antioche recruta des grades spéciaux pour assumer la tâche d’empêcher les sectes chrétiennes de se massacrer les unes les autres dans les églises. Les monastères et les couvents prospérèrent sous le règne sceptique des Omeyyades. Les Arabes admirèrent le travail des moines dans le domaine de l’agriculture et du défrichement. (…) Graduellement, les populations non-musulmanes adoptèrent le langage et les habits arabes aussi bien que les lois et la foi du Qur’ân (…). Son nom, qui signifie « le très loué », s’accorde bien avec certains passages bibliques qui prédisent sa venue. Son apparent illettrisme ne l’empêcha pas de transmettre le Saint Qur’ân qui lui était révélé et qui était considéré comme le plus fameux et le plus éloquent des livres en langue arabe et de comprendre le management des hommes comme une personne éduquée peut rarement le faire ». Dans Our Oriental Heritage (1963) il évoque par ailleurs que de nombreux récits bibliques sont corroborés par les incessantes découvertes archéologiques et historiques dans bien des aspects, – ce qui vaut aussi pour le Qur’ân -, les jugeant donc crédibles : « Les découvertes résumées ici ont redonné un crédit considérable aux chapitres de la Genèse qui relatent les premières traditions des Juifs. Dans ses grandes lignes, et sauf incidents surnaturels, l’histoire des Juifs telle qu’elle se déroule dans l’Ancien Testament a résisté à l’épreuve de la critique et de l’archéologie ; chaque année ajoute une corroboration provenant de documents, de monuments ou de fouilles (…) ». Et depuis les 50 dernières années, l’archéologie a en effet corroboré certains autres récits bibliques – en réfutant cependant d’autres récits bibliques sans doute remaniés et retouchés par des copistes -, tout comme elle a corroboré plusieurs récits qurâniques, notamment sur d’anciens peuples et sur les détails liés à l’Egypte sous Ramsès II, ne reprenant cependant pas les erreurs de la Bible et apportant d’autres détails qui ont été confirmés [36], tout comme les découvertes prouvant l’existence du Prophète Mûsâ [37], et le Prophète Issâ’ (Jésus) selon les détails mentionnés dans le Qur’ân. Pour l’historien Pierluigi Piovanelli – qui est aussi spécialiste du judaïsme de la période de second temple et des origines du christianisme – : « Tous les historiens sérieux s’accordent sur l’existence d’un Jésus de Nazareth, du nom de cette bourgade de Galilée où il aurait grandi. Il y a d’abord l’ampleur des témoignages : les Evangiles et les écrits des premiers chrétiens, d’une part, mais aussi un certain nombre de sources d’horizons différents, à l’instar de l’historien juif Flavius Josèphe (37-100), des auteurs latins Tacite (58-120) et Suétone (70-140), ou même du philosophe polythéiste syriaque Mara bar Sérapion (50- ?), qui ont fait référence à Jésus – en tant qu’être humain – dans leurs écrits, sans remettre en cause son existence. Il y a ensuite le fait qu’il soit né en Galilée – une province totalement insignifiante – et mort sur la croix – une mort honteuse –, des éléments qui nous paraissent trop décalés avec l’image attendue d’un « messie » pour avoir été inventés (…) » [38]. Il y a aussi eu plusieurs découvertes archéologiques concernant l’existence du Prophète Dawûd (David) et son royaume [39], et là encore, le Qur’ân ne reprend pas certaines infâmies que certains textes juifs et chrétiens imputent à Dawûd, qui dans le Qur’ân, est un Prophète roi, qui est sage, pieux, juste et ascète, récitant merveilleusement les Psaumes et maitrisant « le chant des oiseaux ».
Ces éléments, parmi d’autres, ont fait dire à de nombreux non-musulmans, que Muhammad (ﷺ) était non seulement une personne sincère et exceptionnelle, mais aussi un vrai Prophète. Certains, comme Isaac Newton ainsi qu’un certain nombre d’autres chrétiens ou de juifs, disent qu’il avait été envoyé aux Arabes idolâtres pour les sortir de l’idolâtrie et leur faire connaitre le Tawhid (monothéisme) et leur enseigner la morale, tandis que d’autres le reconnaissent comme un Prophète universel, malgré leur décision de ne pas embrasser sa voie. Nous connaissons aussi des juifs, des chrétiens et d’autres qui l’identifient comme un Prophète, bien qu’ils ne le suivent pas dans sa voie « spécifique ».
Aussi, si l’Humanité suivait plus scrupuleusement ses enseignements, de nombreux fléaux qui tuent chaque année des millions de personnes, disparaitraient ou diminueraient fortement, comme l’alcoolisme, le tabagisme, la consommation de drogue, le racisme, la misogynie, le suprémacisme biogénétique, le terrorisme, le fanatisme, la délinquance, la criminalité, les gouffres économiques séparant les différentes classes sociales, le consumérisme et le gaspillage des ressources, l’individualisme, la destruction de la nature, la maltraitance animale, le capitalisme sauvage comme le manque de spiritualité et d’éthique dans les différentes idéologies du monde moderne.
[1] René Guénon dans le cas des prophètes authentiques, réfuta cette hypothèse, généralement indémontrable d’ailleurs, de la « théorie des emprunts », d’autant plus quand le Qur’ân ne reprend pas les erreurs des communautés antérieures et passées mais confirme les vérités anciennes ou corrige les altérations ou erreurs humaines qui ont pu exister. Il est donc normal que le Qur’ân évoque des réalités passées, sans que cela soit issu d’un processus « horizontal » de plagiat, d’autant plus quand le Prophète (ﷺ) n’avait pas accès par « voie ordinaire/humaine » à toute la littérature mondiale concernant les arts, la science, les textes religieux du passé, la médecine, l’histoire, l’archéologie, la psychologie humaine, etc.
[2] Cf. Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. 36.
[3] Comme exemple d’application de cette façon de voir à des choses relevant du domaine ésotérique et initiatique, nous pouvons citer la théorie qui veut voir dans le taçawwuf islamique un emprunt fait à l’Inde, sous prétexte que des méthodes similaires se rencontrent de part et d’autre ; évidemment, les orientalistes qui soutiennent cette théorie n’ont jamais eu l’idée de se demander si ces méthodes n’étaient pas imposées également dans les deux cas par la nature même des choses, ce qui semblerait pourtant devoir être assez facile à comprendre, du moins pour qui n’a aucune idée préconçue.
[4] Cf. Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. 13.
[5] Cf. Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. 9.
[6] C’était au contraire, d’après ce que nous avons indiqué dans une note précédente, le cas normal pour les hommes de l’époque primordiale.
[7] Ceci doit permettre de mieux comprendre ce que nous disions plus haut de la « juridiction » des organisations initiatiques relevant d’une forme traditionnelle déterminée : l’initiation au sens strict, obtenue par le rattachement à une telle organisation, étant proprement un « commencement », il est évident que celui qui la reçoit est encore bien loin de pouvoir être effectivement au-delà des formes traditionnelles.
[8] Pour être tout à fait exact, il conviendrait d’ajouter ici : à la condition qu’elles soient complètes, c’est-à-dire qu’elles comportent non seulement la partie exotérique, mais aussi la partie ésotérique et initiatique ; il en est d’ailleurs toujours ainsi en principe, mais, en fait, il peut arriver que, par une sorte de dégénérescence, cette seconde partie soit oubliée et en quelque sorte perdue.
[9] C’est précisément là ce que signifie en réalité, au point de vue initiatique, ce qu’on appelle le « don des langues », sur lequel nous reviendrons plus loin.
[10] Dans le cas d’une forme traditionnelle devenue incomplète comme nous l’expliquions plus haut, on pourrait dire que la voie se trouve coupée en un certain point avant d’atteindre le centre, ou, peut-être plus exactement encore, qu’elle est impraticable en fait à partir de ce point, qui marque le passage du domaine exotérique au domaine ésotérique.
[11] Il est bien entendu que, de ce point de vue central, les voies qui, comme telles, ne sont plus praticables jusqu’au bout, ainsi que nous venons de le dire dans la note précédente, ne font aucunement exception.
[12] Voir par exemple Ibn ‘Ajiba dans Kitâb Mi’raj al-Tashawwuf ila Haqâ’iq al-Tasawwuf, traduit en français sous le titre L’Ascension du regard vers les réalités du Soufisme, traduit/annoté par Jean-Louis Michon, éd. Albouraq, 2011. Ses annotations sont très utiles.
[13] Frithjof Schuon, Comprendre l’Islam, éd. Gallimard, 1961, pp. 22-23.
[14] Ibid, pp. 52-56, et notes de bas de page.
[15] Rapporté notamment par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2682, Abû Dawûd dans ses Sunân n°3641, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°223, An-Nawawî dans Riyad as-Salihîn n°1388 et d’autres. Comme l’ont mo
[16] Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4291, sahîh, confirmé et authentifié par Al-Hakîm dans Al-Mustadrak, par al-Hafiz Zayn al-‘Irakî, par al-Hafiz Ad-Dhahâbî dans son Siyâr, par As-Shawkanî et d’autres. Selon nous, il s’agit de chaque génération, et non pas forcément de chaque « siècle ». Ibn Hajar dans Fath al-Bâri 13/295 et Ad-Dhahâbî dans Târîkh al-Islâm 23/180 affirment que le hadîth peut concerner un groupe (taîfa) de personnes et non pas seulement une seule personne à chaque génération/siècle.
[17] Rapporté par As Suyutî dans Al Fatawâ as Sûffiyyah, par At Tabarânî dans Mu’jam al Awsat 4/247 n°4101 et dans al-Muʿjam al-Kabîr 10/224 n°10390, par Abû Nu’aym dans Ma’rifat as-Sahaba n°4013, et d’autres selon Anas ibn Mâlik. Al-Haythâmî dans Majmâ’ Al-Zawâ’îd 10/63 n°16675 dit que la chaîne est valide. Ibn Hibbân rapporte une variante dans son Târîkh selon Abû Hurayra mais avec une chaîne faible selon As-Suyûtî dans son Hawî lil-fatawi 2/248. D’autres ahadiths, par plusieurs voies sahîh, hassân ou da’îf vont dans le même sens et se renforcent donc.
[18] Rapporté notamment par Fakhr ud-Dîn Râzî dans son Tasfîr 8/302, Ibn Muflih dans Adâb as-Shar’îyya 2/37 et d’autres. Bien que classé habituellement parmi les récits faibles ou mawdu’ selon la science classique du Hadîth, le sens a été accepté, et le hadith a été authentifié par kashf, et est renforcé aussi par d’autres ahadiths authentiques comme celui évoqué sur les savants (véridiques) comme héritiers des Prophètes.
[19] Rapporté notamment par le Qâdî ‘Iyyâd dans Tartib al-Madârik.
[20] Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Mustadrak 3/598.
[21] Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam as-Saghîr selon Anas Ibn Mâlik : « Le Messager d’Allâh (ﷺ) a été interrogé en ces termes : Quelle est la famille de Muhammad ? ». Il a répondu : « Chaque pieux et vertueux ! » et de réciter : « Ses amis ne sont que les pieux (qui sont justes et droits) … » (Qur’ân 8, 34) ».
[22] Rapporté par Ahmad dans Kitâb az-Zûhd, Abû Tâlib al-Makkî dans Qût al-Qulûb, Al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ 3/14, Ibn ‘Arabî dans ses Futûhât al-Makkiyya 1/216 et d’autres, il fut authentifié par kashf par de nombreux awliyâ’. Un autre hadith que l’on citera plus loin, mieux authentifié par chaine de transmission, va dans le même sens, et est aussi confirmé par le Qur’ân.
[23] Rapporté par Muslim dans son Sahîh, Ahmad dans son Musnad, Al-Bazzâr dans son Musnad, Al-Hakim dans Al-Mustâdrak, etc.
[24] Rapporté par Qadî ‘Iyyâd dans As-Shifâ dans la Section 5 sur la vénération des Compagnons et de la connaissance de leurs droits.
[25] Ibid. Voir aussi notre ouvrage La lumière éclatante de la vie du Prophète Muhammad (ﷺ) et les merveilles de son enseignement où nous rapportons plusieurs de ces ahadiths.
[26] Rapporté par At-Tabarânî dans Musnad al-Shâmiyyîn n°840 selon Abû ‘Inabah, sahîh, Al-Munawî dans Fayd al-Qadir n°2375, par Al-Sakhawi dans Al-Maqasidul Hasanah n°990, par Az-Zabidî dans Ithafus Sadatil Muttaqin 7/234 qui précise que ce hadith peut servir de support au hadith qudsî rapporté et authentifié par de nombreux Saints : « Ni mon Ciel ni Ma Terre ne peuvent Me contenir, mais le coeur de Mon serviteur Me contient » comme Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ 3/14, Ibn ‘Arabî dans ses Fûtuhat 1/216 et d’autres. Mais comme ils l’ont précisé, il ne s’agit pas ici d’incarnationnisme ou de panthéisme, mais de théophanie, de connaissance et d’amour d’Allâh.
[27] Voir par exemple les travaux, analyses ou commentaires du scientifique Abdelrhafour Elaraki et d’Anis d’Alger sur les aspects mathématiques et scientifiques du Qur’ân ; Nouman Ali Khan concernant l’aspect littéraire et ses relations avec la science, la psychologie, l’éthique et l’histoire ; les travaux de René Guénon, Michel Vâlsan, Charles-André Gilis et Pierre Lory sur l’aspect numérique et la science des lettres dans le Qur’ân ; Malek Bennabi et Mikaeel Ahmed Smith sur la psychologie et la sociologie dans le Qur’ân et dans la figure prophétique de Muhammad ; les exégèses spirituelles et métaphysiques du Qur’ân de Sahl al-Tustârî, d’Al-Qushayri d’Ibn ‘Arabî, d’Al-Hakim at-Tirmidhî, d’Al-Qashânî, de Farid ud-Dîn Attâr, de Jalâl ud-Dîn Rûmî, de Sadr ud-Dîn al-Qunâwî, d’Ahmad Ibn ‘Ajiba, de l’émir ‘Abd al-Qâdîr al-Jazairi, d’Ahmad Al-‘Alawî et d’autres, …
[28] Shaykh Mohammed Aslam, 20 décembre 2022 sur sa page facebook : https://www.facebook.com/ShaykhAslam/posts/pfbid0Yjo1c5rzk5zdrSPopuksqHSNkxpc8LgfsHaY7e3z2miHfbvSJ1FPAJK91BP7Z7fGl
[29] Frithjof Schuon, De l’unité transcendante des religions, éd. L’Harmattan, 2014, p. 124.
[30] Voir par exemple la démonstration de ce rabbin en 2023 : https://www.youtube.com/watch?v=G9o7R5EP19w
[31] “How Is Prophet Muhammad Mentioned In the 4,000 Years Old Book Of Hinduism?”, Towards Eternity, 7 mars 2023 : https://www.youtube.com/watch?v=AA7p_lenAIY ; « The 2nd text mentioned in the video is a continuation of the text mentioned in part 1. Both are in the chapter “Prati Sarg Parv III: 3, 3”. The 1st one is mantras 5-8; the 2nd one is mantras 10-27 ».
[32] Tout cela se retrouve dans la tradition orale remontant jusqu’à lui (ﷺ), et mis par écrit aussi dès les 3 premières générations des Musulmans donc dès les premiers temps de l’Islam, par exemple dans les recueils de Hadiths de Hammâm, Mâlik, Abû Hanifa, ‘Abdallâh Ibn al-Mubârak, Al-Hakîm At-Tirmidhî, As-Shafi’i, Zayd Ibn ‘Alî, Ahmad, Nu’aym Ibn Hammâd, al-Bukharî, Muslim, Abû Dawûd, At-Tirmidhî, An-Nasâ’î, Ibn Mâjah, Al-Bayhaqî, Ibn Hibbân, Al-Bazzâr, At-Tabarânî, Ad-Dârimi, Ad-Daylamî, Al-Hakim, Ad-Daraqutnî et bien d’autres.
[33] Dans les écrits parus avant les années 1970, en général, le terme « islamisme » est employé comme synonyme « d’islam » (au même titre que les autres religions terminant en « isme » comme le Judaïsme, le Christianisme, le Bouddhisme, etc.), là où depuis les années 80, certains utilisent le terme « islamisme » pour désigner plutôt spécifiquement l’islam politique ou la « politisation de l’islam », donnant lieu à beaucoup d’amalgames et de propagande.
[34] Alphonse de Lamartine, Histoire de la Turquie, 1853, dans le chapitre « Vie de Mahomet ». Nous citons que ce passage-là qui est véridique et pertinent, car juste après, il placera ‘Issâ (Jésus – Paix sur lui -) à un autre niveau, mais son avis n’est pas fondé comme nous l’avons démontré juste avant. Il imputera aussi au Prophète des hallucinations et crises d’épilepsie, ce qui ne cadre pas avec les réalités spirituelles de sa vie et la profondeur du Qur’ân, et la réussite de sa mission sur tous les plans. Malek Bennabi avait déjà réfuté ce genre d’accusations dans son ouvrage Le Phénomène coranique paru en 1947. D’un point de vue neurobiologique, les crises d’épilepsie d’ordre neurobiologique ne correspondent pas aux expériences spirituelles vécues par le Prophète (ﷺ) et ne peuvent pas déboucher sur des visions spirituelles claires, cohérentes et extra-sensorielles ni sur des prémonitions et des prédictions exactes sur des événements qui ne se produiront que plus de 1000 ans plus tard, et cela de façon répétée.
[35] “Interview: William Montgomery Watt – The whole house of Islam, and we Christians with them…”, Alastair Mcintosh, Bashir Maan & Alastair McIntosh, 2000 : https://www.alastairmcintosh.com/articles/2000_watt.htm
[36] Voir l’excellent ouvrage du chercheur Hocine Jaied, L’histoire de Moïse et des Hébreux. D’après les données coraniques et archéologiques, éd. KA’, 2023, ouvrage salué par plusieurs spécialistes.
[37] “Prophet Moses (pbuh) and Pharaoh in Historical Sources! New Discoveries Prove The Qur’an!”, Towards Eternity, 3 janvier 2023 : https://www.youtube.com/watch?v=SG_3cI8j95A
[38] Propos cités dans l’article “« A travers les légendes sur Jésus, nous arrivons à discerner en filigrane des éléments sur sa véritable existence »”, Le Monde, 24 décembre 2023 : https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2023/12/24/a-travers-les-legendes-sur-jesus-nous-arrivons-a-discerner-en-filigrane-des-elements-sur-sa-veritable-existence_6207523_6038514.html
[39] “Archeological Proof of King David in Israel | FULL EPISODE | Insights on TBN Israel”, TBN Israel, 8 septembre 2022 : https://www.youtube.com/watch?v=mBCnCtUfqGE