La réflexion et l’intelligence dans la compréhension de la Religion sont indispensables selon l’Islam. Allâh dit : « Ne raisonnez-vous donc pas (convenablement) ? » (Qur’ân 28, 61) ; « Ne raisonnez-vous pas et déduisez-vous pas d’enseignement (…) ? » (Qur’ân 37, 138) ; « Ne méditent-ils donc pas sur la Parole (le Qur’ân) ? » (Qur’ân 23, 68) ; « En effet, Nous avons rendu le Qur’ân facile pour la méditation. Y a-t-il quelqu’un pour réfléchir et méditer ? » (Qur’ân 54, 22) ; « N’ont-ils pas médité en eux-mêmes ? » (Qur’ân 30, 8) ; « Ne méditent-ils donc pas sur le Qur’ân ? S’il provenait d’un autre qu’Allâh, ils y trouveraient certes maintes contradictions ! » (Qur’ân 4, 82) – ce qui fonde l’importance de la logique et du principe de non-contradiction (y compris dans le fiqh et la politique) – ; « En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a certes des signes pour les doués d’intelligence » (Qur’ân 3, 191) – qui fonde l’importance et la nécessité de l’intelligence, de l’expérience et de l’observation concernant la théologie en même temps que le savoir empirique (physique, mathématiques, biologie, astrophysique, etc.) – ; « Celui qui sait que ce qui t’est révélé de la part de ton Seigneur est la vérité, est-il semblable à l’aveugle ? Seuls les gens doués d’intelligence réfléchissent convenablement (dans la bonne direction) » (Qur’ân 13, 19) ; « Dis : « Sont-ils égaux, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? ». Seuls les doués d’intelligence se rappellent » (Qur’ân 39, 9) – qui enjoint les croyant(e)s à s’investir dans la quête de la connaissance bénéfique et de la science utile pour s’émanciper de l’ignorance – ; etc.
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le meilleur culte, c’est ce qui nous est le plus facile à accomplir, et la meilleure oeuvre c’est de comprendre avec profondeur et intelligence la Religion »[1].
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Combien connaissent les règles religieuses (fiqh) tout en manquant de clairvoyance et de compréhension profonde ! Béni et illuminé soit celui qui entend mes paroles et qui les comprend (correctement), ainsi que celui qui transmet la science (et mes paroles). Il y a ceux qui ont le savoir extérieur (l’érudition consistant en une accumulation d’informations) mais sans la compréhension (juste et profonde). Et il se peut aussi que celui qui reçoit l’information et la science soit plus intelligent et doué d’une meilleure compréhension et perspicacité que celui qui l’a transmis »[2].
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Les justes et véridiques de chaque génération porteront ce savoir et le préserveront de la déformation des rigoristes, de l’usurpation des imposteurs et de l’interprétation des ignorants »[3].
Le Prophète (ﷺ) avait enseigné à Mu’âdh ibn Jabal avant de l’envoyer au Yémen comme messager des bonnes valeurs de l’Islam : « Selon quoi jugeras-tu lorsque le besoin s’en présentera ? ». – Selon le Livre d’Allâh (Qur’ân), avait répondu Mu’âdh. « – Et si tu ne trouves pas (de solution explicite) dans le Livre d’Allâh ? ». « – Je jugerai alors selon les Hadîths du Messager d’Allâh », avait répondu Mu’âdh. « – Et si tu ne trouves pas (de solution explicite) dans les ahadîths du Messager d’Allâh ? ». Alors Mu’âdh répondit : « Je ne manquerai alors pas de faire un effort de réflexion (ijtihâd) pour formuler mon opinion ». Sur quoi le Prophète avait manifesté son approbation en ces termes : « Louange à Allâh qui a guidé le messager du Messager d’Allâh vers ce qu’agrée le Messager d’Allâh »[4]. Un autre hadith rapporté par Al-Bukhari dans son Sahîh n°1496 et Muslim dans son Sahîh n°19 détaille aussi les propos prophétiques, lui enjoignant d’enseigner aux nouveaux musulmans « l’importance et la connaissance des 3 (premiers) piliers de l’islam, et de ne pas tomber dans l’opulence et l’avarice concernant les biens matériels, et de ne pas opprimer les gens car il n’y a pas de voile entre les opprimés et Allâh ».
Ce qui est conforme au Qur’ân : « Ô les croyants ! Obéissez à Allâh, et obéissez au Messager (Muhammad) et à ceux d’entre vous qui détiennent l’autorité. Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-le à Allâh et au Messager, si vous croyez en Allâh et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation (et aboutissement) » (Qur’ân 4, 59). « L’autorité » ici (ou le « commandement ») est général, et peut concerner l’autorité politique, autant que spirituelle, parentale/familiale, professorale, sociale, professionnelle, etc., pour éviter d’une part de sombrer dans l’anarchie et le chaos, et d’autre part de toujours se souvenir qu’au-delà des limitations humaines, des caprices ou dérives de certains êtres humains, nous devons obéir (et revenir) avant tout à l’Ordre divin (en termes de moral, d’éthique, de théologie, de métaphysique, de principes politiques et juridiques, etc.) et au Modèle Muhammadien afin de nous émanciper des superstitions, de l’idolâtrie, de la tyrannie, de l’oppression, de l’ignorance ou du fanatisme des uns et des autres.
Un autre hadith dit que : « Quel que soit le degré de connaissance que vous avez du Livre d’Allâh (le Qur’ân), il vous faut obligatoirement agir selon ses préceptes [dans les devoirs et recommandations qui vous incombent] et personne [en connaissance de cause] et selon les conditions qui lui sont liées) n’a aucune excuse pour le négliger. Si cela ne se trouve pas [explicitement] dans le Livre d’Allâh (le Qur’ân), vous devez suivre les recommandations de ma Sunnah (tradition, voie). Si cela ne figure pas dans ma Sunnah, suivez alors les dires de mes Compagnons (proches et bien-guidés) car ceux-ci sont comme les étoiles dans le ciel. Vous serez guidés en suivant quiconque parmi eux. Car les divergences entre mes Compagnons (proches et pieux) constituent une miséricorde pour vous »[5].
Le Prophète (ﷺ) a dit aussi : « lorsque le juge (ou savant) a fait un effort de réflexion puis a atteint la vérité, il a 2 récompenses, et s’il a fait un effort (intellectuel) et s’est trompé (en recherchant sincèrement la Vérité et la justice), il a 1 seule récompense »[6].
Allâh a dit : « Ainsi, Nous avons envoyé parmi vous un Messager de chez vous qui vous récite Nos versets, vous purifie, vous enseigne le Livre et la Sagesse et vous enseigne ce que vous ne saviez pas » (Qur’ân 2, 151).
« C’est à eux que Nous avons apporté le Livre (la Révélation), la Sagesse (spirituelle) et la Prophétie. Si ces autres-là n’y croient pas, du moins Nous avons confié ces choses à des gens qui ne les nient pas » (Qur’ân 6, 89).
Certains ont voulu restreindre la portée de l’ijtihâd (effort intellectuel de réflexion afin de penser la théologie, la politique et le droit dans les sociétés) par des conditions nullement évoquées par le Qur’ân, la Sunnah ou l’élite des Sahâba, mais comme l’ont enseigné Allâh et Son Messager, l’ijtihâd n’est pas seulement l’apprentissage par cœur des règles religieuses ou des règles de fiqh, mais aussi l’intelligence et la clairvoyance qui sont un Don divin et qui conduisent à la sagesse, et la Ummah, à chaque génération, est pourvue de savants et vertueux dotés d’intelligence et de clairvoyance. Ainsi, parmi les tabi’in, certains étaient capables de faire l’ijtihâd, et cela se poursuivra toujours jusqu’à la fin de l’existence de la Ummah Muhammadienne. Et comme nous le savons, rares sont les questions juridiques qui ont fait l’objet d’un réel consensus des Sahâba et de leurs disciples. De nombreuses questions demeurent donc ouvertes car des Sahâba et des tabi’in ont aussi divergé et défendu leur point de vue (par exemple de ne pas punir les apostats pacifiques, l’autorisation d’écouter de la musique ou de dessiner des êtres vivants et dont l’objectif n’était pas d’être un support pour un culte idolâtrique, de laisser en paix tous les incroyants qui ne combattaient pas les Musulmans, la permission de passer le Salâm en premier même à l’égard des incroyants pacifiques, que la règle générale dans les relations politiques et intercommunautaires était la paix, etc., et leurs avis se basaient sur une lecture profonde et minutieuse du Qur’ân et de la Sunnah purifiée). Les divergences sont aussi apparues après en raison de récits mal compris ou de récits apocryphes imputés à tort au Prophète (ﷺ), ou à certains Sahâba ou tabi’in.
Quoi qu’il en soit, quand un avis (même répandu) contredit le Qur’ân et ses principes, de même que la Sunnah purifiée et l’intellect, il ne convient pas de le mettre en pratique, d’autant plus quand sa raison d’être ou l’argumentation qui le sous-tend sont obscures et souffrent de nombreuses lacunes, et surtout si cela met en péril l’intérêt général et implique de verser le sang (ce qui fait partie des plus grands péchés en Islam) comme l’a dit le Messager d’Allâh (ﷺ) qui a d’ailleurs bien insisté sur le fait que : « Les gens les plus réticents à tuer les gens – à l’égard du meurtre et de verser le sang (injustement) – sont les gens de la foi (les croyants) »[7]. De plus, dans les ussûl, le ‘urf doit être pris en compte, et comme ce dernier a changé dans bon nombre de pays, la fatwâ change et ce qui coulait de source auparavant ne l’est plus forcément de nos jours. Donc, en conformité avec les ussûl et les ussûliyyûn du passé, la fatwâ doit s’adapter aux exigences et conditions de notre temps. Le Shaykh Ibn Taymiyya définit ce principe dans Majmu’ al-Fatâwa (11/342) : « Le principe du bien public et de l’intérêt général s’applique lorsqu’un juriste distingué considère qu’une autre action est plus susceptible d’apporter un bénéfice et que rien dans la Loi ne l’interdit ».
Dans les questions qui ne sont pas relatives aux éléments doctrinaux, rituels, éthiques, moraux et juridiques qui sont fondamentaux, explicites, certains (faisant l’objet d’une certitude), immuables et universels comme les 5 piliers de l’islam, les 6 piliers de la foi, l’interdiction des grands péchés intérieurs et extérieurs (idolâtrie, sorcellerie, meurtre, oppression, tyrannie, viol, adultère, fornication, vol, ivresse liée à la consommation d’alcool, consommation de substances intoxicantes pour le corps ou le cerveau et sans aucune nécessité médicale, orgueil, hypocrisie, méchanceté, calomnie et faux-témoignage, pillage et banditisme, terrorisme et activités criminelles, obscénité, perversion et déviances sexuelles, … ), reconnaitre la double nature des Attributs divins, à la fois Transcendants et Immanents (ni ressemblance, réduction ou assimilation avec les modalités créées, physiques et limitées de Sa Création – dont les corps, l’espace, le temps et les faiblesses psychiques ou physiques -, ni négation de Ses Attributs), reconnaitre l’origine divine du Discours divins (Qur’ân), l’éminent statut et guide qu’est Muhammad (ﷺ) – et reconnaitre toute la lignée prophétique l’ayant précédé dans le monde manifesté -, l’obligation morale d’être bon, patient, indulgent et juste envers sa famille – qu’elle soit musulmane ou non – (parents, enfants, époux/épouses, tantes/oncles, cousins/cousines, neveux/nièces), ses voisins de l’ensemble du quartier (qu’ils soient Musulmans ou non), les collègues, les pauvres et les démunis, les orphelins et les veuves, les opprimé(e)s, les voyageurs, ses employé(e)s et employeurs, les touristes, les commerçants, les dirigeants, les juges, les savants, les étudiants, les artisans, les forces de l’ordre, les combattants/soldats (qui ne sont pas injustes et criminels), etc., bref, envers son prochain de façon générale, qu’ils soient Musulmans ou non.
Nous avions déjà cité ailleurs de nombreux versets qurâniques et ahadiths prophétiques sahîh et hassân sur le sujet. Mais pour rappel, voici 3 versets et un hadith, qui sont généraux et suffisants :
« Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté, bienfaisance et bienveillance envers vos père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les serviteurs/employés qui sont sous votre responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36).
« La bonté pieuse ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est d’avoir foi en Allâh, au Jour dernier, aux Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quelqu’amour qu’on en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs, d’accomplir la Salât (prière rituelle canonique) et d’acquitter la Zakât (aumône purificatrice obligatoire). Et ceux qui remplissent leurs engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et les voilà les vrais pieux » (Qur’ân 2, 177).
« En toute vérité, Allâh commande la justice, la vertu, la générosité, la libéralité et l’assistance (dans la justice et le bien) envers les proches, et Il interdit la turpitude, les actes répréhensibles, la tyrannie, l’injustice et la rébellion (contre ce qui est juste et légitime) » (Qur’ân 16, 90).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Celui qui a foi en Allâh et au Jour dernier ne doit pas faire de mal à son voisin ou à son prochain (mais doit plutôt être bon envers lui). Celui qui a foi en Allâh et au Jour dernier doit honorer généreusement son invité et son hôte. Celui qui a foi en Allâh et au Jour dernier doit dire (et faire) le bien ou alors se taire et s’en abstenir (s’il est incapable de faire le bien ou de dire de bonnes choses) »[8].
Ainsi, en dehors de ce qui constitue le socle, l’essence, les fondements et les valeurs de l’Islam, l’ijtihâd a toute sa place, et l’absence de réel consensus fait qu’il n’est pas possible de taxer de mécréance ou d’hérésie ceux qui contesteraient certains avis liés aux branches (furu’) du fiqh ou de la ‘aqida, ni sur les divergences concernant la façon ou la nature de certaines peines juridiques, ni la question de la contextualisation et de ses conditions, etc., et qui font partie des divergences depuis l’époque des Sahâba, et dont certains récits sont douteux, ou qui, pour être réellement authentifiés (sahîh), auraient dû nous parvenir par bien plus de voies authentifiées et indépendantes – bien que certaines d’entre elles aient pu disparaitre avec le temps faute de disciples parmi les rapporteurs. Mais en ce qui concerne les principes, les obligations, les grandes peines, les grands péchés, les valeurs et rites de la Religion, tout est évoqué déjà dans le Qur’ân, et la Sunnah ne peut que détailler ce qui est évoqué en principe dans le Qur’ân, et non pas le contredire ou rajouter ce qui constituerait « un grand péché » ou un « hadd immuable », ni pour un grand péché déjà mentionné, ni pour un autre.
Les excuses telles que « telle autorité l’a dit », tel savant a ramené un « (pseudo)-consensus » (alors que des savants depuis l’ère des Salafs ont divergé), « tu suis l’Occident ! » (alors que l’argumentation et la finalité sont puisées du Qur’ân et de la Sunnah, et que le fiqh n’est pas déterminé par « l’Occident (en partie dégénéré) vs la mentalité culturelle (en partie dégénérée) ou l’erreur de certains juristes), « c’est un avis très répandu », etc. ne tiennent pas islamiquement comme l’ont déjà évoqué d’anciens savants parmi les plus éminents comme les imâms Abû Hâmid al-Ghazâlî (m. 505 H/1111) et Abû Ishâq As-Shâtibî (m. 790 H/1388), conformément au Qur’ân. L’imâm As-Shâtibî a écrit dans al-Muwâfaqât (2/124) : « La Sharî’ah dans sa totalité ne produit (ne doit produire en réalité) que des nobles vertus » et dans Al I’tisam (304/1) : « Les savants ont appris que toute preuve dans laquelle il y a une ambiguïté ou un problème (de compréhension) n’est pas une preuve réelle ».
La Sharî’ah c’est la vertu et les meilleurs caractères avant tout, comme l’ont dit des imâms et maîtres comme As-Shâtibî et Al-Ghazâlî. Le fiqh n’est pas la Sharî’ah, mais une compréhension humaine de celle-ci, il faut donc les dissocier (mais non pas les opposer). La Sharî’ah c’est l’ensemble des normes islamiques et des vertus, ainsi que ses principes juridiques, théologiques, spirituels, éthiques, etc.
« Et Nous ne t’avons envoyé (Muhammad) que comme une Miséricorde et Amour rayonnant et bienveillant pour les mondes » (Qur’ân 21, 107). Dans un hadith, le Prophète (ﷺ) a dit : « Certes, je n’ai pas été envoyé comme maudisseur (pour les gens), je n’ai été envoyé (essentiellement) que comme miséricorde et amour bienveillant (pour les gens) »[9] et cette parole fut dite sur le champ de bataille face à des combattants ennemis idolâtres qui persécutaient le Prophète (ﷺ) et les croyants, en ayant déclenché les hostilités envers le Prophète (ﷺ).
« Et vraiment, tu (Muhammad) es selon un caractère (et une moralité) incomparable (et éminent) » (Qur’ân 68, 4). Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « J’ai été envoyé (essentiellement) pour parfaire la noblesse du comportement (les nobles caractères et les belles vertus) »[10]. Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit aussi : « Vraiment, les gens avec la meilleure foi (et la plus intégrale et complète) sont ceux qui cultivent le meilleur caractère et comportement, par lesquels ils atteignent aussi le rang de l’accomplissement régulier du jeûne et de la prière »[11] et : « Vous devez avoir un bon caractère et un noble comportement, et observez de longs moments de silence (pour cultiver la foi et la spiritualité). Par Celui qui possède mon âme, aucun trait de caractère (ou comportement) n’embellit plus (une personne) que ces 2 qualités (le noble comportement et cultiver le silence quand il le faut) »[12].
Pour en revenir aux « preuves » concernant le fiqh en Islam, il y a en effet l’obligation d’apporter des preuves catégoriques dans ce genre de cas :
« Ils ont dit : « Nul n’entrera au Paradis à moins d’être Juif ou Chrétien ». Tel est leur souhait chimérique. Dis : « Apportez vos preuves si vous êtes véridiques ! ». Assurément, quiconque soumet son âme à Allâh et fait le bien (en accomplissant de bonnes œuvres) aura sa rétribution auprès de son Seigneur, et pour eux, nulle crainte, et ils ne seront point attristés. Et les Juifs disent : « Les Chrétiens ne tiennent sur rien » ; et les Chrétiens disent : « Les Juifs ne tiennent sur rien », alors qu’ils lisent le Livre (de la Révélation) ! De même pour ceux qui ne savent rien et qui tiennent un langage semblable au leur. Eh bien, Allâh jugera sur ce quoi ils s’opposent, au Jour de la Résurrection » (Qur’ân 2, 111-113).
L’avis le plus répandu n’est pas une preuve de l’obligation de le suivre ni de son « origine divine », sachant qu’il peut être adopté surtout parce que le ‘urf (coutume) était ainsi à l’époque, ou par nécessité (à l’époque), ce qui n’est plus forcément le cas aujourd’hui : « Si tu suis ou obéis à la majorité des gens sur terre, ils te feront dévier du Sentier d’Allâh. Ils ne suivent que des conjectures ; ils ne font que supposer » (Qur’ân 6, 116). Or, en islam, ce qui est évident, essentiel et catégorique est très clair et les preuves abondent.
Les savants ne sont pas infaillibles, et même plus grands d’entre eux – pour qui nous devons leur témoigner du respect tout en cultivant aussi l’humilité -ont pu se tromper et ont reconnu leur caractère faillible, et ont divergé avec les autres plus éminents savants. Tels furent le cas des fondateurs des imâms du fiqh comme Zayd Ibn ‘Ali, Ja’far As-Sâdiq, Ibrâhîm an-Nakhâ’î, Hassân al-Basrî, Abû Hanifa, Sufyân at-Thawrî, Ibrâhîm Ibn Sa’d, Mâlik Ibn Anas, Al-Awzâ’î, As-Shafi’i, Sufyân Ibn ‘Uyayna, Al-Layth, Ibrâhîm Ibn Ismâ’îl Al-‘Anbarî, Ahmad Ibn Hanbal, Al-Bukharî, Dawûd az-Zahirî, Ibn Jarîr at-Tabarî, etc. Certains limitaient d’ailleurs le consensus (‘ijmâ’) qu’aux Sahâba et non pas aux tabi’in ou à leurs successeurs. Mais quand bien même tous les imâms suscités s’étaient mis d’accord sur un sujet (ce qui n’est pas le cas par exemple sur la peine de l’apostasie, l’écoute de la musique, la licéité de dessiner des êtres vivants complets, etc.), cela pourrait constituer tout au plus un argument très fort dans le fiqh, mais non pas de l’ordre de l’obligation ne pouvant être remise en question, puisque le « ‘urf » ou la « nécessité » à un moment donné auraient pu en être à l’origine (sans même parler de taqlid – imitation aveugle – dont ils ne voyaient pas la nécessité d’investiguer davantage), or un tel avis pourrait être abandonné par le changement de ‘urf, la nécessité ou d’autres règles supérieures du fiqh comme l’intérêt général, le moindre mal ou le respect des traités internationaux qui permettent la réalisation des objectifs supérieurs de la Loi (comme la sécurité, la dignité, la liberté de conscience et la protection de la foi, etc.). D’autres problématiques se posent par ailleurs, comme de savoir si tous leurs avis qu’on leur attribue sont réellement authentifiés, et si oui, dans quels contextes précis l’ont-ils dit, et ont-ils pu revoir certains de leurs avis avec le temps, l’expérience et une meilleure connaissance des textes – sachant que plusieurs avis leurs sont parfois attribués – ?
De même, tous les ahadiths et récits rassemblés dans les recueils d’Al-Bukharî (notamment son Sahîh) et de Muslim dans son Sahîh, ne sont pas tous sahîh. D’une part Al-Bukharî lui-même n’a pas authentifié l’ensemble des récits qui s’y trouvent, et Muslim a reproché à Al-Bukharî la présence de certains narrateurs douteux comme ‘Ikrimah le kharijite qui rapportait des récits étranges (à propos de pratiques barbares servant de « dalil » aux khawarij) et qui contredisaient pourtant le Qur’ân et la Sunnah bien établie. Al-Bukharî et Ahmad critiquaient certains ahadiths aussi du Sahîh Muslim. L’imâm du Hadith Ad-Daraqutnî (m. 385 H/995) – qui était l’un des plus grands savants du Hadith de son temps en même temps que l’auteur d’un Sunân, un théologien asharite (qui acceptera le ‘ilm ul Kalâm en accord avec le Qur’ân et la Sunnah dans les cas de réfutation des déviances ou de clarification) et un juriste shafi’ite affilié aussi au Tasawwuf – dans son Kitâb al-tatabbu’, et son élève Al-Hâkim an-Naysaburî (m. 405 H/1014) – théologien asharite, juriste, muhaddith, historien et Sûfi – ont critiqué environ 217 ahadiths présents dans les Sahîhayn d’Al-Bukharî et Muslim sur le plan de l’isnad[13] (Ibn Hajar al ‘Asqalânî tentera de défendre ces narrations critiquées, mais pas toujours avec succès). Des spécialistes du Hadith, venus après eux comme An-Nawawî, Ad-Dhahâbî, Ibn Hajar al ‘Asqalânî, Jamâl ad-Dîn al-Zaylaʿî et As-Suyûtî, continueront un travail critique, affaiblissant ou renforçant certaines narrations dans les Sahihayn d’Al-Bukhari et Muslim et dans les Sunân d’Abî Dawûd, At-Tirmidhî, An-Nasâ’î et Ibn Mâjah – ainsi que d’autres recueils importants -, disant aussi qu’Al-Bukhari et Muslim n’avaient pas forcément accès à l’ensemble des sources ou des voies, ou des critiques de narrateurs, et qu’après eux, d’autres spécialistes devaient se pencher là-dessus,
Même si la majorité des ahadiths présents dans les Sahihayn d’Al-Bukharî et Muslim, dans le Muwattâ’ de l’imâm Mâlik et dans le Musnad de l’imâm Ahmad, une partie ne l’est pas, et reste ouverte à la critique. On peut cependant dire que dans plus de 90% des cas, les ahadiths et récits présents dans les Sahihayn sont sahîh et conformes au Qur’ân.
Par ailleurs, même si l’isnad serait « impeccable », cela ne signifie pas que le contenu (matn) soit exempt de tout défaut, ou qu’il doive être mis en pratique (car la pratique évoquée pourrait avoir été abrogée ou relevée d’une exception ou d’une pratique contextuelle qui ne doit plus être appliquée, ou d’une pratique ne concernant que les dirigeants, les juges, les savants, les parents, etc. et non pas à la portée de n’importe qui).
Quoi qu’il en soit, l’Islam nous rappelle que la faute d’une partie des communautés religieuses antérieures était d’avoir suivi aveuglément certaines de leurs autorités religieuses qui les poussaient même à contredire ce qui était clair et évident dans la Révélation et leur Loi religieuse : « Ils ont pris leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Christ fils de Marie, comme Seigneurs (à suivre) en dehors d’Allâh, alors qu’on ne leur a commandé que d’adorer un Dieu unique. Pas de divinité à part Lui ! Gloire à Lui ! Il est au-dessus de ce qu’ils [Lui] associent » (Qur’ân 9, 31). Et comme l’indique le contexte historique de ce verset, rapporté par la Tradition et les exégètes également, il s’agissait de gens qui suivaient aveuglément des autorités religieuses leur disant que « ceci était licite » (alors que la Loi divine l’interdisait et le considérait comme étant interdit/illicite) et que « telle autre chose était illicite » (alors que la Loi divine ne disait pas que cette chose était « illicite »).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « (Viendra un temps où) vous suivrez sûrement le chemin de ceux qui vous ont précédé (dans leurs excès et déviances), étape par étape et pouce par pouce. S’ils entraient dans un trou de lézard, vous les suivriez. (…) »[14]. Et en effet, nous trouvons beaucoup de similitudes, pour le meilleur et pour le pire concernant certaines pratiques culturelles, idéologies ou avis juridiques, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord car les « nouveaux musulmans » après l’ère prophétique, ont introduit et apporté leurs propres coutumes ou croyances avec eux, parfois en tentant de les imputer faussement au Prophète (ﷺ), ou en les intégrant par le « ‘urf » au droit musulman (fiqh), soit parce que le ‘urf ne posait pas de réel problème et était alors accepté et pratiqué par l’ensemble des communautés, soit que la pratique était acceptée dans un certain contexte et sous certaines conditions (empêchant les abus ou les dérives), mais où avec le temps cette dite pratique était devenue obsolète ou « intoxiquée » par tout un tas d’abus et de dérives, que la Loi divine ne saurait tolérée. C’est pour cela que l’on retrouve parfois aussi les mêmes aberrations ou les mêmes analyses brillantes sur les mêmes questions, aussi bien chez des savants Musulmans que des savants Juifs, Zoroastriens, Bouddhistes, Chrétiens, Sabéens, etc. de l’époque, car partageant une même aire culturelle, et se laissant influencer par elle ainsi que par des biais psychologiques et culturels qui l’ont parfois emporté sur les préceptes religieux et les nobles valeurs de la Religion.
L’imâm Al-Qurtûbî dans son Tafsîr rappelait que les plus grands savants musulmans parmi les Salafs n’aiment pas dire en ce qui concernait les questions subsidiaires du fiqh (comme le sont par exemple les questions relatives à l’art musical, à l’art pictural, etc.) « ceci est halâl (licite) » ou « ceci est harâm (illicite) » en l’absence de preuves catégoriques mais plutôt « je désapprouve ceci », « les gens de science que nous connaissons approuvent ou désapprouvent cela » ou « je ne sais pas » ou encore « j’apprécie cela » ou « je n’y vois aucun mal ». Mais dans certaines questions, il se peut que certains disciples ou gens venus par la suite, aient quelque peu transformés leurs propos pour justifier leur propre point de vue, en transformant leur « désapprobation » ou « suspension de jugement » en « interdits clairs » (harâm), ou alors en citant leurs propos sans les resituer dans leur véritable contexte.
De même le Prophète (ﷺ) a critiqué dans un hadith sahîh la mentalité de ceux qui voulaient tout réduire à une perspective juridique de « halâl » et « harâm » sur des points de détails alors même qu’ils négligent le Tawhîd, la prière, le jeûne, la morale, l’éthique, la justice, la spiritualité, la sagesse, etc. – qui sont plus importants que les statuts juridiques sur des pratiques culturelles diverses ou des détails juridiques -, et qu’Allâh a été plus souple et large et que là où Il n’avait rien décrété (comme interdictions) que la règle générale était alors l’autorisation, sauf si ladite pratique était entachée d’injustices ou d’éléments répréhensibles (comme le shirk, l’oppression ou ce qui relève des grands péchés). De même qu’il (ﷺ) a dit que les choses licites étaient claires tout comme les choses clairement illicites, mais qu’entre les 2 il y avait des choses douteuses et qu’en cas de doute (tant que les preuves et arguments solides n’étaient pas à notre portée) il fallait tout simplement s’en écarter dans la mesure du possible – et toujours revenir à Lui par la prière, le repentir et l’invocation en cas d’hésitations ou de doute -. En effet, Allâh nous a pas créé infaillibles, mais nous a exhorté avant tout de nous rapprocher de Lui par une quête incessante de vérité, de connaissance bénéfique, de science utile, de justice, de sagesse, de piété, de bonne moralité, de confiance en Lui (tawakkûl) et de repentir, ainsi que des grands principes théologiques, juridiques, éthiques, moraux, rituels, métaphysiques, etc. qui nous permettent de bien nous orienter dans « l’Arche de la Salvation et de la Guidance », et par Sa « Corde » (Habl), ce qui rend excusable et tolérable les erreurs concernant les choses secondaires de la vie, des questions scientifiques, de la ‘aqida (tant que les piliers de la foi, le caractère transcendant de l’Essence divine et de Ses Attributs ainsi que l’Immanence de Ses Attributs sont préservés), de l’histoire et du fiqh – tant que l’on ne verse pas le sang d’autrui, qu’on préserve l’honneur et la dignité de Ses créatures non-coupables de meurtre, de chaos et de terrorisme, et qu’on ne dénigre pas l’entourage prophétique parmi ceux qu’Allâh a agréé (comme les Sahâba avant Fath al-Makkah, les Ahl ul Bayt dont les épouses du Prophète (ﷺ) et les Ahl ul Kissâ’ ainsi que les Awliyâ’ dont les signes sont éclatants – et que l’on aspire à Son Pardon, à Sa Guidance, à Sa Rahma et à faire ce qu’il y a de meilleur et à se rapprocher le plus possible de la Vérité selon nos moyens et à travers des efforts sincères ornés de belles actions et de bonnes valeurs.
Le Prophète (ﷺ) a dit en effet : « Certes, le licite est évident et l’illicite est évident. Entre les 2, il existe des affaires ambiguës que nombre de gens ne connaissent pas. Celui qui se prémunit contre ces ambiguïtés préserve sa religion et son honneur. Quant à celui qui y tombe, il tombe dans l’illicite. Il est à l’image du berger qui fait paître son troupeau autour d’un enclos. Peu s’en faut qu’il l’y fasse paître. Or, chaque roi dispose d’un enclos. Et l’enclos d’Allâh, ce sont Ses interdits. Certes, il y a dans le corps un morceau de chair : s’il est sain, tout le corps sera sain. Et s’il est corrompu, tout le corps sera corrompu. Et ce morceau est le cœur ! »[15]. Ainsi que : « Allâh a établi des obligations, ne les négligez pas ainsi que des interdictions (claires), ne les transgressez pas ! Il a établi des limites, ne les outrepassez pas ! Il a laissé sous silence certaines questions, par Miséricorde pour vous et non par oubli, ne cherchez pas à les connaître (pour vous rendre inutilement la vie difficile) ! »[16]. L’imâm et savant polymathe At-Taftazânî (m. 792 H/1390) dans son Sharh al-Arba’în an-Nawawiyyah, l’a commenté en disant : « L’ordre de ne pas « Chercher à connaître un tel genre de questions (passées sous silence) » a pour cause le fait d’éviter les obligations pénibles à subir qui peuvent en résulter. Donc, dans ce genre de questions, la permission doit être le principe de base ».
De plus, le Prophète (ﷺ), dans un autre Hadith, a mis en évidence la gravité du fait d’insister inutilement sur la connaissance d’une question passée sous silence, ce qui entraîne, peut-être, la restriction de ce qui est absolument permis : « Le Musulman qui commet le plus de péchés aux yeux d’Allâh est celui qui interdit aux gens une chose qui est absolument permise, en insistant sur des détails passés sous silence »[17].
Le Prophète ﷺ garda le silence et l’homme a répété sa question 3 fois. Alors, le Prophète ﷺ a dit : « Si je dis oui, il le sera et vous tomberiez dans l’incapacité de l’accomplir », puis, il a ajouté : « Ne m’interrogez pas sur des questions tant que je ne les ai pas moi-même abordées. En effet, ceux qui vous ont précédés ont péri à cause de leur insistance sur les détails (passés sous silence) et de leur discussion inutile et futile avec leurs Prophètes. Si je vous ordonne de faire quelque chose, accomplissez-le dans la mesure où cela vous est possible et si je vous défends de faire quelque chose, alors évitez-le »[18] et à une autre occasion : « Ô gens, méfiez-vous de l’exagération, du rigorisme et de l’extrémisme en matière de religion, car ceux qui vous ont précédés ont péri à cause de de cela »[19].
L’imâm, Sûfi, historien, juriste, logicien, exégète, muhaddith et Sûfi Al-Munâwî (m. 1031 H/1621) dans son Fayd al-Qadîr Sharh al-Jâmi’ al-Saghîr commente et paraphrase ce genre de ahadiths : « Cessez de me questionner au sujet de ce sur quoi j’ai choisi de garder le silence. Vos interrogations sur des questions religieuses qui ne vous concernent pas pourraient entraîner des obligations supplémentaires ou une rigidité indésirable. Veuillez-vous contenter de suivre mes commandements explicites et éviter de vous aventurer dans des questionnements approfondis (sur des points de détails), comme l’ont fait les Gens du Livre. Ne posez pas non plus de questions exhaustives sur ce qui est clairement énoncé, même si cela peut être utile dans d’autres situations. Une multitude de questions sur un sujet passé sous silence peut conduire à des réponses restrictives et intransigeantes, comme cela est arrivé aux enfants d’Israël qui ont fait preuve d’intransigeance dans leurs questionnements et ont reçu des réponses similaires en retour. Le Prophète, craignant le même sort, cherche à protéger sa Communauté (Ummah) ».
D’autres ahadiths sur le sujet disent : « Tout ce qu’Allâh a autorisé dans Son Livre est licite, tout ce qu’Il a interdit est illicite et tout ce sur quoi Il a gardé le silence est pardonné (dans ce qui ne contredit pas les principes et préceptes qu’Il a mentionnés). Acceptez donc le Pardon d’Allâh, car Allâh n’oublie pas ». Puis il a récité ce verset : « Et votre Seigneur n’oublie jamais » [Qur’ân 19, 64] »[20] et « Le halâl (licite) est ce qu’Allâh a permis dans Son Livre (Qur’ân) et le harâm (illicite) est ce qu’Allâh a interdit dans Son Livre, et tout ce sur quoi Il a gardé le silence est pardonné (pour celui qui le pratiquera) »[21].
Le Prophète (ﷺ) lui-même procédait à son ijtihâd dans les affaires ne concernant pas directement la Religion (théologie, actes de dévotion et rites, morale, éthique, spiritualité, etc.) puisqu’il (ﷺ) dit : « (En dehors du fait de ma fonction de Messager et Prophète) je suis (aussi) un être humain, donc lorsque je vous donne un ordre concernant une chose qui concerne la Religion, acceptez-le, et lorsque je vous donne une injonction concernant une chose qui relève de mon opinion personnelle, gardez à l’esprit que je suis un être humain »[22].
Ainsi, les interdits généraux et explicites dans la Religion sont déjà connus dans le Qur’ân, et ce que la Sunnah peut apporter, ce sont des détails supplémentaires sur les interdits, ou interdire contextuellement certaines pratiques (licites à l’origine) si elles s’accompagnent d’éléments interdits (comme l’idolâtrie, la sorcellerie, l’injustice, le gaspillage, la débauche, la drogue, l’alcool, etc.).
Tout cela réfute cette mentalité rigoriste ou extrémiste qui anime certains « religieux », hypocrites ou opportunistes, imposant aux gens des choses qui sont soit trop lourdes et pénibles pour eux – alors que la Religion les dispense de ce genre de choses -, soit qui interdisent même aux gens (en en faisant d’ailleurs toute une histoire pour rien) des choses que la Religion (selon Allâh et Son Messager) n’a pas rendu illicites !
Quant à la Sunnah, peut-il y avoir un hadd (peine maximale et immuable lorsque toutes les conditions sont réunies) pour d’autres crimes et délits qui sont absents du Qur’ân ? Pour un certain nombre d’érudits musulmans, non, et donc tout au plus la Sunnah peut évoquer des peines discrétionnaires (ta’zir) qui dépendront du contexte, des autorités et de l’intérêt général, à condition d’appliquer des sentences qui soient moins lourdes et dures que les huddûd (qui sont les limites maximales fixées par Allâh). Ainsi, ce qui serait authentique parmi les peines évoquées dans la Sunnah, n’ont pas forcément vocation à être universelles ou des peines qui devraient être obligatoirement appliquées, puisqu’étant plus en lien avec la coutume (‘urf) de l’époque plutôt que directement lié à la Religion. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de Musulmans pensent que les seules peines maximales à prendre en compte sont celles qui sont évoquées dans le Qur’ân, et qui concernent les plus grands crimes sociétaux (meurtre, adultère en public, viol, terrorisme, banditisme et pillage, actes de guerre, vol n’étant pas motivé par la nécessité ou la situation de famine, etc.), tandis que le Qur’ân ne demande pas de punir juridiquement les péchés liés à la croyance ou à la philosophie, comme l’apostasie simple (pacifique), l’incroyance, l’idolâtrie, etc.
Comme l’ont expliqué d’anciens savants, il n’existe pas de réelles contradictions dans le Qur’ân ni dans la Sunnah (dans ce qui est réellement authentique). Ainsi, par la logique et le contexte, on concilie ce qui pourrait sembler contradictoire de prime abord – en apparence seulement -. S’il est impossible de concilier 2 textes, soit ce qu’il est faux, soit qu’un élément ou une pratique ont fini par être abrogés (comme le mariage temporaire qui était une pratique de l’époque qui a été abrogée et interdite par l’Islam par la suite, l’interdiction de visiter des tombes qui a été levée au bout d’un moment lorsque les Sahâba avaient saisi le Tawhid et assimilé les règles de bienséance, la peine capitale pour les buveurs d’alcool à plusieurs reprises – qui a été abrogée par le Prophète -, ainsi que d’autres pratiques similaires, dont les peines pour apostasie ou blasphème et la lapidation qui ont été abrogées selon certains – d’où leur absence textuelle dans le Qur’ân -).
Le Shaykh Ibn Taymiyya a dit dans Al-Muswadda (p. 306) : « Il n’est pas possible de trouver dans la Shar’îah 2 informations absolument contradictoires sans que l’une comporte un aspect qui la rend plus crédible ».
Son élève, le Shaykh Ibn al-Qayyim a dit dans Zad al-Mâ’ad (4/149) : « Il n’existe pas 2 ahadiths sahîh, clairs et totalement contradictoires sans que l’un soit venu abroger l’autre. On ne trouve pas de contradiction – à Allâh ne plaise – dans le discours du Véridique (ﷺ) reconnu comme tel qui n’exprime que la vérité ». Il dit encore dans son Miftâhu dari as-Sâ’ada (3/383) : « Puisse Allâh bénir et saluer celui dont les différentes parties de son discours se confirment puisque les unes attestent les autres. La différence, l’ambigüité et la difficulté de compréhension se trouvent au niveau de la perception et non dans les paroles qu’il (ﷺ) a (réellement) prononcées. Le devoir de tout croyant est de se fier en ce qu’il n’arrive pas à comprendre au meilleur locuteur sachant qu’au-dessus de tout détenteur du savoir se trouve un mieux instruit ».
L’mâm As-Shâtibî dans Al-Mûwafaqât (4/294) écrit : « Celui qui possède une parfaite maîtrise des fondements de la Shar’îah sait que ses arguments ne se contredisent pas vraiment. De même celui qui maîtrise bien les règles basiques des questions religieuses n’y décèle aucune ambigüité car la Sharî’ah ne souffre absolument pas de contradictions. Celui qui en la maîtrise, sait nécessairement qu’il n’en existe pas. C’est pourquoi on ne rencontre nulle part 2 arguments que tous les musulmans jugent contradictoires et s’abstiennent de les trancher. Néanmoins, les individus capables d’exercer un effort d’interprétation des textes religieux n’étant pas infaillibles, ils peuvent juger des arguments contradictoires ».
Il est rapporté dans Tadhrib ar-Rawi (2/176) que l’imâm Ibn Khuzayma (m. 311 H/954) a dit : « Je ne connais pas 2 ahadiths (réellement sahîh) contradictoires. Que celui qui en connait me les apporte pour que je les concilie ». L’imâm Abû Bakr Muhammad Ibn Ishâq Ibn Khuzayma (223 H/837 – 311 H/924) était un imâm du Salaf, juriste shafi’ite, exégète, théologien, linguiste, et célèbre muhaddith et auteur d’un Sahîh. L’imâm Al-Hâkim lui attribue plus de 140 ouvrages et traités divers.
Ainsi, il ne peut pas y avoir réellement des versets ou ahadiths réellement sahîh (dans l’énoncé/matn) qui se contredisent. Soit car le contexte nous éclaire sur la portée générale, absolue ou restreinte/spécifique de l’injonction, soit qu’il s’agissait d’une pratique culturelle ou d’une peine juridique qui ont été abrogées, soit d’une permission exceptionnelle par rapport à la situation tout aussi exceptionnelle et marginale, etc. On sait aussi que ce qui est universel et immuable comme les doctrines du Tawhîd, des Noms et Attributs, des piliers de la foi et de l’islam ne peuvent pas être abrogés, tout comme la nécessité d’ordonner le bien et de réprouver le blâmable, d’agir avec justice et bienfaisance dans toutes les affaires humaines et sociales, de cultiver la sagesse et la connaissance bénéfique, de privilégier autant que possible la compassion et le pardon sur la haine et la vengeance, etc. qui sont des règles universelles et générales. Mais dans de certains cas spécifiques, l’application d’une peine pour les criminels endurcis et récidivistes, ou se réjouir de la mort d’un tyran sanguinaire, ou être dur et ferme envers des pervers criminels et endurcis, etc. sont parfois préférables afin de préserver l’intérêt général de la société, sous peine de laisser le mal et la corruption se répandre et porter atteinte à l’ensemble de l’Humanité. L’Islam prend en compte les réalités humaines et tendances psychologiques diverses. Ainsi, bien qu’en Islam la règle générale soit d’agir avec l’ensemble des êtres humains (croyants et incroyants, orthodoxes et innovateurs, vertueux et égarés/ « pervers », etc.) et des animaux avec douceur, compassion et la bonté (cf. Qur’ân et Sahîh al-Bukharî, Al-Adab al-Mufrad et Sahîh Muslim par exemple), il y a aussi des situations où la douceur ne fonctionne pas avec des orgueilleux et gens violents endurcis, où il faut alors adopter une autre méthode pour les ramener à l’ordre ou limiter leur mal ou leur oppression, exigeant donc plus de dureté et de fermeté – mais jamais d’injustice -. De même, l’idéal de l’Islam est atteignable par les Saint(e)s et les meilleurs des vertueux et des vertueuses, mais comme la Ummah englobe aussi des gens faibles, laxistes, pas très intelligents, paresseux ou aux mœurs culturelles rustres ou à la mentalité rigoriste (au détriment des principes islamiques), l’Islam nous demande aussi d’être indulgent et de les conseiller en bien patiemment pour qu’ils s’éloignent autant que possible des grands péchés, de l’extrémisme, de la violence ou de l’intolérance à l’égard des autres. De même, nous trouvons beaucoup de ahadiths disant « la meilleure action » ou « le meilleur d’entre vous est », etc. Ce qu’il faut comprendre par là, est que pour certaines catégories de personnes, la meilleure œuvre à leur portée est celle-ci, tandis que pour telle autre catégorie, c’est plutôt cette pratique et bonne action qui est préférable, etc. Le sens réel et voulu est donc celui de dire que « parmi les meilleures actions en Islam, il y a telles et telles actions », ou encore que « parmi les meilleures actions (sous-entendus : dans le domaine du culte, ou le domaine social, ou concernant la famille, ou pour l’Humanité, etc.) il y a telles et telles actions ». Il ne faut pas oublier que chaque hadith s’inscrit dans un moment particulier, et qu’il doit se comprendre aussi à la lumière des autres enseignements et ahadiths prononcés précédemment, mais comme il n’est pas possible de toujours tout rappeler, cela est compris de façon implicite.
Là où la doctrine, la morale, la spiritualité, l’éthique et les rites sont universels et généraux – concernant tous les Musulmans atteignant l’âge de « raison » (qu’ils soient enfants ou parents, juges ou savants, étudiants ou commerçants, dirigeants ou simples citoyens) -, les dispositions juridiques concernant certaines pratiques culturelles, elles, sont plutôt temporelles ou contextuelles, dépendant de nombreux facteurs qui ne sont pas à la portée de tout le monde, et il en va de même pour les affaires pénales qui ne peuvent être appliquées que par les dirigeants et les tribunaux islamiques après enquêtes approfondies et procès équitables et indépendants. On trouvera ainsi dans les ahadiths des propos autorisant (et louant même) le chant et la musique, la poésie, la danse, les spectacles festifs, le dhikr collectif et à voix haute, la visite des tombes, le tabarrûk, le tawassul, l’élévation (et les moyens de distinguer) des tombes, la représentation d’êtres vivants complets, etc. ainsi que des ahadiths semblant les contredire. Or, bien que l’on puisse trouver des ahadiths non-sahîh ou clairement apocryphes parmi les « pour » et les « contre », une étude approfondie du contexte et des principes de la Religion nous éclairera sur cela. Par exemple pour le chant, la danse, les spectacles, les instruments et la poésie, si ceux-ci sont réalisés dans un cadre éthique et moral, éloigné de la débauche, de l’idolâtrie, de l’injustice et du gaspillage, ils rentrent alors dans le cadre du licite (si cela est fait avec pondération et modération, sans négliger les obligations religieuses, familiales et professionnelles évidemment), et aussi pour la musique, si celle-ci n’engendre pas de troubles psychologiques ou mentaux ou d’effets néfastes sur la santé et le corps, car comme l’ont montré des études scientifiques, certaines ondes étaient néfastes pour le corps et le mental, tandis que d’autres styles de musique étaient plutôt bénéfiques pour la santé, et où d’autres genres musicaux étaient plutôt « neutres ». Les ahadiths qui semblent interdire tout cela ne peuvent donc que concerner les pratiques (licites en soi) qui sont accompagnées d’éléments illicites (comme le shirk, le kufr, l’exagération, la débauche, l’alcool, les femmes à moitié nues, etc.) d’autant plus que beaucoup de ahadiths citent ces éléments ensemble, décrivant ainsi une ambiance de débauche et de décadence. Pour la visite des tombes, elle fut interdite au début le temps que les Musulman(e)s assimilent bien le Tawhîd, les principes de la Religion et les règles de bienséance, et lorsque ce fut le cas, il leur fut de nouveau autorisé (et même recommandé) par le Prophète (ﷺ), afin d’honorer nos défunts (sans les diviniser) avec respect et adâb, de méditer sur notre vie et sur l’Au-delà, etc. Pour les statues et les dessins, le Qur’ân ne les interdit pas (au contraire même, des versets relatifs aux Prophètes Sulaymân et Issâ’ autorisent la construction de mausolées, sanctuaires, statues et représentations d’êtres vivants comme le faisaient remarquer des exégètes, notamment Al-Qurtûbî), et dans les ahadiths, ceux qui interdisent cela qualifient ce genre de pratiques d’immenses péchés (et donc forcément en lien avec les cultes idolâtriques) et d’autres ahadiths autorisent cela si ce qu’ils représentent ne sert pas à des cultes idolâtriques ou ne tombe pas dans le gaspillage ou des sentiments négatifs et obscènes. L’imâm Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°1772, An-Nasâ’î dans ses Sunân n°5349 et At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1750 rapportent d’après ‘Utba que ce dernier est venu rendre visite à Abû Talha Al-Ansârî qui était malade. Il trouva auprès de lui Sahl Ibn Hunayf. Il dit : « Abû Talha appela quelqu’un pour qu’il retire une couverture portant des images qui était sous lui. Sahl lui dit alors : « Pourquoi la retires-tu ? » Il dit : « Parce qu’elle porte des images et tu sais bien ce qu’en a dit le Prophète (ﷺ) ». Sahl dit : « N’a-t-il pas dit aussi : « Sauf celles qui sont dessinées sur un vêtement ? ». Abû Talha répondit : « Si, mais cela m’est préférable » ».
Muslim dans son Sahîh n°2106, Al-Bukharî dans son Sahîh n°5958, Abû Dawûd dans ses Sunân n°4155 etAn-Nasâ’î dans ses Sunân n°5350 rapportent d’après Busr Ibn Sa‘îd qu’Abû Talha dit : « L’Envoyé d’Allâh (ﷺ) a prononcé ces mots : « Les anges n’entreront pas dans une maison où il y a une image (ou : une statue) ». Busr dit : « Zayd (Ibn Khâlid) étant malade, nous allâmes lui rendre visite. Comme il y avait à la porte de sa chambre un store avec des images, je dis à ‘Ubaydullâh, fils adoptif de Maymûna, femme du Prophète : Zayd, l’autre jour, ne nous a-t-il pas parlé de ces images (ou : statues) ? ‘Ubaydullâh répondit : « Ne l’as-tu pas entendu quand il a dit : Sauf un dessin sur un vêtement ».
At-Tabarî dans son Tafsîr est d’avis que les sévères avertissements sur le fait de fabriquer des statues ou représentations d’êtres animés concernant l’au-delà, et qui sont présents dans les ahadîths bien connus, ne concernent en fait que celui qui réalise volontairement une représentation de ce qui est adoré en dehors d’Allâh (rapporté aussi par Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans son Fath ul Barî 10/470).
Le hadîth qui dit que les Anges n’entrent pas dans une demeure où il y a des représentations d’êtres animés concerne, selon l’imâm al-Khattâbî (319 H/931 – 388 H/998) que les représentations d’êtres animés qui sont interdites ; et non pas celles qui sont autorisées (rapporté aussi par Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans son Fath ul Barî 10/468). Certains savants ont interprété ce hadîth que comme concernant les statues liées à un culte idolâtre, et non pas aux représentations (non-idolâtres ou non-impudiques) sur une surface plane (mur, tissu, papier, …) ou même pour les statues non-idolâtriques. Quant au hadîth rapporté dans le Sahîh al-Bukharî n°2479 et dans le Sahîh Muslim n°2107 dans lequel ‘Aîsha relate : « Nous avions avec nous un rideau sur lequel étaient accrochés des portraits d’oiseaux. Chaque fois qu’un visiteur venait, il les trouvait devant lui. Le Messager d’Allâh (ﷺ) m’a alors dit : « Change-les, car chaque fois que j’entre dans la pièce, je les vois et cela me rappelle les plaisirs de ce bas-monde ». Elle a dit : « Nous avions avec nous un drap sur lequel étaient accrochés des insignes de soie et nous le portions. Ce hadith a été transmis par Ibn Muthanna mais avec cet ajout : « Le Messager d’Allâh (ﷺ) ne nous a pas ordonné de le déchirer » ». Il ne s’agit pas d’une interdiction, mais d’une préférence et du fait que le Prophète accomplissait la majeure partie de ses prières surérogatoires chez lui, et les dessins que portaient les rideaux ne cessaient de le distraire dans ses prières.
Ibn Abi Shayba rapporte dans son Musannaf selon une chaine sahîh qu’Ibn ‘Awn dit : « J’entrais chez al-Qassim alors qu’il se trouvait dans sa maison au nord de la Mecque. Je vis dans sa maison un rideau contenant des dessins de loutre et de vautour ».
Al-Qâsim Ibn Muhammad Ibn Abî Bakr (petit-fils du Calife Abû Bakr) et mort en 107 H, l’un des 7 juristes (fuqahâ’) de Médine a dit : « On a interdit seulement ce qui possède une ombre, et il n’y a aucun mal dans les images qui n’ont pas d’ombre ». Après avoir authentifié cette parole, Ibn Hajar al ‘Asqalânî dit dans son Fath ul Barî (10/388) : « Al-Qassim ibn Muhammad est l’un des juristes de Médine. Il était le meilleur parmi les gens de son époque. C’est lui qui a relaté le hadith évoquant les coussins. S’il n’avait pas compris que ceci était licite pour le rideau et ce qui va dans ce sens, il ne se serait jamais permis son utilisation ».
Après la mort terrestre du Prophète (ﷺ), des Compagnons utilisaient le dirham, en argent en provenance de Perse, et le dinar, en or en provenance de Byzance, et les 2 monnaies portaient des images gravées d’empereurs. Certains Compagnons ont gravé des images sur leur bagues comme le rapporte at-Tahawi dans son Sharh al-Ma’ani (4/263), à l’instar de Hudhayfa qui avait gravé sur sa bague l’image de 2 oiseaux, et de an-Nu’man ibn Maqran qui avait gravé sur la sienne l’image d’un homme fermant une main et tendant l’autre.
Concernant les ahadiths sur la licéité ou non d’aller aux hamâm, d’épiler ses sourcils, etc. il faut toujours prendre en compte l’ensemble des ahadiths et des variantes afin d’en saisir le sens voulu, et on remarquera là aussi que, étant donné que l’Islam autorise tout ce qui est nécessaire, utile, bon, bénéfique et licite, et interdit tout ce qui est mauvais, blâmable et nocif, que beaucoup de choses dépendent du contexte. L’épilation ou le raccourcissement des sourcils sont autorisés s’ils sont jugés trop disgracieux, surtout si cela se situe dans le cadre du mariage (pour plaire à son mari ou à son épouse) ou si la personne trouve cela trop laid au point de provoquer en elle des complexes et des troubles psychologiques sévères. Ce qui était interdit dans le hadith c’était le fait d’écarter trop les dents et d’enlever radicalement tous les sourcils (comme on peut le voir aujourd’hui parfois), ce qui peut par ailleurs impacter aussi la santé car les poils sont reliés aux nerfs. L’épilation partielle ou l’embellissement léger évitant l’apparence anormale ou disgracieuse ne sont pas concernés par l’interdiction du hadith, ont conclu un certain nombre de savants parmi les Salafs et les Khalafs, notamment chez les malikites. Pour le hamâm, si les gens y vont ensemble tout en préservant leur pudeur, et que cela est bon pour leur santé, ou qu’il leur est même nécessaire de le faire à titre de traitement médical, cela leur est autorisé. Mais si les gens montrent leur ‘awra, que ce soit mixte ou non (car les femmes entre elles peuvent s’observer, puis rapporter à d’autres personnes – y compris des hommes – les attributs féminins de telle ou telle femme qu’elles ont vus), il faut éviter et il existe des alternatives plus pudiques pour jouir des mêmes bienfaits ou plaisirs, sans tomber dans l’illicite (harâm) ou le réprouvé (makruh, sans que cela soit harâm pour autant).
Beaucoup de Musulmans noyés dans ce bas-monde (matérialisme, consumérisme, …), le tribalisme, le sectarisme et l’injustice, puis s’étonnent qu’ils soient humiliés et dominés par des tyrans ou des hypocrites – qu’ils soient non-Musulmans ou faussement Musulmans. Or dans l’islam : s’il n’y a pas de justice et de rahma (amour bienveillant, compassion et miséricorde dans les « cœurs » et les actes), il n’y aura alors pas de Baraka d’Allâh (Influences spirituelles, Bénédictions divines). Le remède consiste donc à cultiver en soi le tawhid, la sincérité, la droiture, la piété, le tawakkul, justice et la rahma (amour bienveillant et rayonnant, compassion, miséricorde, …) pour toutes les communautés humaines si l’on espère Sa Satisfaction, Sa Baraka et Son Soutien.
Par ailleurs, ce qui empêche le monde musulman de connaitre une véritable renaissance civilisationnelle et politique sont (1) le sécularisme et le modernisme (qui engendrent la décadence morale et spirituelle en même temps que la corruption politique et les fléaux de l’alcoolisme, de la violence familiale et sociétale que ce soit en termes de délinquance, de drogue ou de terrorisme moderne et de dérives capitalistes avec un taux de suicide, de déséquilibrés sexuels et mentaux en constante augmentation) ; (2) le wahhabisme najdite qui est une forme de kharijisme (désavouée clairement par le Prophète Muhammad ﷺ) – qui produit le fanatisme, le sectarisme et combat ou étouffe la spiritualité, l’art sacré, l’intelligence et l’éthique) ; (3) le rafidisme (courant shiite fondé sur la haine du Sunnisme, des sunnites et d’une grande partie des nobles Sahâba et épouses du Prophète qui sont les mères des croyants selon le Qur’ân ; or pas de Baraka sans respect de l’entourage prophétique) ; (4) le sionisme (qui empoisonne tout dans la région, exploite toutes les failles existantes et monte constamment les uns contre les autres, favorisant ou soutenant le terrorisme régional et international et assassinant un grand nombre d’intellectuels, de savants et de scientifiques de haut rang) ; (5) le sectarisme, le charlatanisme et le suivisme aveugle des différents courants (qu’ils soient anciens ou modernistes) parmi ceux qui exploitent les gens pour de l’argent ou de la notoriété, qui les éloignent de l’esprit critique autant que de la piété, de la morale et de la spiritualité, qu’ils se cachent faussement derrière la (pseudo)spiritualité, le modernisme ou le rationalisme.
Et géopolitiquement, comme l’expliquait en 2016 le Shaykh shiite et ex-fondateur du Hezbollah Subhi al-Tufayli, l’Occident/Israël et la Russie complotent contre le monde musulman (surtout depuis le 19e siècle) afin de faire couler son sang et de l’affaiblir autant que possible[23]. Il faut donc se réveiller, s’unir entre nous, et éviter toute soumission au bloc USraélien/UE ou Russo-chinois, et échanger avec eux quand cela est nécessaire, mais sans relations de soumission ou d’une trop forte dépendance à leur égard.
Et enfin, citons 2 paroles du Shaykh Sayyed Ahmad Khan (1232 H/1817 – 1315 H/1898), savant polymathe originaire d’Inde ; juriste, exégète, théologien, philosophe, poète, homme politique, médecin, mathématicien, logicien, historien et polyglotte :
« Il ne peut y avoir de conflit entre l’Œuvre divine (la connaissance et l’observation de la nature et du cosmos) et la Parole divine (Sa Révélation) » qu’il considérera comme étant l’un des 15 principaux critères d’interprétation du Qur’ân dans son Tafsîr ul-Qur’ân.
« Ne montrez pas (en polémiquant) le visage de l’Islam aux autres ; montrez plutôt votre visage en tant que disciple du véritable Islam représentant le noble caractère, la connaissance, la tolérance et la piété »[24].
Notes :
[1] Rapporté par Al-Hindi dans Kanz ul ‘Ummâl n°5353, Ahmad al-Alawî dans al-Qawl al-ma’rûf fî l-radd ‘alâ man ankara l-tasawwuf, Ibn ‘Abd al-Barr et d’autres.
[2] Il s’agit d’une synthèse des différentes variantes rapportées comme At-Tabarânî, Al-Hindi dans Kanz ul-Ummâl n°29004, At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2656 selon Zayd Ibn Thabit – sahîh -, Abû Dawûd dans ses Sunân n°3660, At-Tabrizî dans Mishkât al-Masabih n°228 et 229, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°230 et 236 selon Anas, Ad-Dârimi dans ses Sunân n°230 et 231, Ahmad, Al-Bayhaqî et d’autres.
[3] Rapporté par At-Tabarânî dans Musnad al-Shâmiyyiîn n°588 par une voie sahîh, Al-Hakîm At-Tirmidhî dans Nawâdir Al-Ussûl n°1165, par At-Tabarî, Tamâm, ‘Adî dans ses Fawâ’îd, Ibn al Qayyim dans Miftâh dâr as-sa’âda 1/164 qui le juge sahîh, al-Bayhaqî dans Sunân al Kubrâ’ ; il a été relaté par plusieurs voies via ‘Alî, Mu’âdh Ibn Jabal, Ibn ‘Umar, Abû Umama, Ibn ‘Abbâs, Abû Hurayra, Anas Ibn Mâlik, Ibn Mas’ûd et d’autres, certaines sont da’îf et d’autres sont hassân et sahîh, se renforçant mutuellement.
[4] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân °1327 selon al-Harith Ibn ‘Amr avec une chaîne sahîh selon Ibn ‘Abd al-Barr dans son Jami’ Bayan al-‘ilm 2/844, Ahmad dans son Musnad, Abû Dawûd, Al-Bayhaqî, At-Tabarânî, Ad-Darimî, etc., jugé sahîh notamment par Ibn Al-Qayyîm dans A’lâm ul-muwaqqi’în 1/49-50 à partir d’éléments indépendants et extérieurs qui renforcent la véracité de l’énoncé (matn).
[5] Rapporté par Al-Bayhaqî dans son Madkhal selon Ibn ‘Abbâs et par As-Suyûtî dans son Jazîl al-mawahib fî ikhtilâf al-madhâhib.
[6] Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°7352 selon ‘Amr ibn al-‘As, Muslim dans son Sahîh n°1716 et d’autres.
[7] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°3720 selon Ibn Mas’ûd, sahîh.
[8] Rapporté selon plusieurs variantes dont nous avons fait une synthèse. Al-Bukharî dans son Sahîh n°6018 et n°6019, Muslim dans son Sahîh n°47 et 48, Al-Busiri dans ‘iithaf alkhayrat almuharat 5/491 et d’autres selon Abû Shurayh, Abû Hurayra et d’autres.
[9] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2599 sous l’autorité d’Abû Hurayra.
[10] Rapporté par Al-Bukharî dans Al-Adab Al-Mufrad n°273 selon Abû Hurayra – sahîh -, Ahmad dans son Musnad 8952 – sahîh -, al-Hâkim dans Al-Mustadrak n°4221 – sahîh -, Al- Haythâmî dans son Majmâ’ al-Zawâ’îd n°14188 – sahîh -, Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°1614, sahîh selon Ibn ‘Abd al-Barr et d’autres.
[11] Rapporté par Al-Bazzâr dans son Musnad n°7445 selon Anas Ibn Malik, sahîh.
[12] Rapporté par Al-Bazzâr dans son Musnad n°7001 selon Anas Ibn Malik – hassân -, rapporté aussi selon Abû Dharr par Abû Ya’la dans son Musnad n°3298, Ibn Hibbân dans Al-Majruhîn 1/227, Ibn Abi ad-Dunya dans Al-Samt n°554, Al-Haythamî dans Majmâ’ Az-Zawâ’îd 10/304, ainsi que sous l’autorité de Jabîr par Ahmad avec une chaine hassân comme l’a rapporté As-Safarinî dans Ghidhâ’ al-‘Albab li Sharh Mandhumah al-Adâb 1/362 et qui rapporte de nombreux ahadiths sur cette thématique.
[13] Cf. Jonathan A.C. Brown, Criticism of the Proto-Ḥadīth Canon: al-Dāraquṭnī’s Adjustment of the Ṣaḥīḥayn, Journal of Islamic Studies 15, no. 1, 2004, 1-37 ; cf. aussi Shaykh Abdallâh Sirâj ad-Dîn dans Sharh al-Manzûmâl-Bayqûniyya (p. 47) et As-Suyûtî dans al-Tadrîb (p.72).
[14] Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°7320, Muslim dans son Sahîh n°2669 selon Abû Sa’îd al-Khudrî et d’autres.
[15] Rapporté par Al-Bukhari dans son Sahîh n°52 selon An-Nu’mân Ibn Bashîr, Muslim dans son Sahîh n°1599, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3984 et d’autres.
[16] Rapporté par ad-Daraqutnî dans ses Sunân n°4396 selon Abî Tha’laba al-Khushanî, An-Nawawî l’a jugé hassân dans son recueil des 40 hadiths n°30, et Ibn al-Salâh et Ibn al-Qayyîm l’ont jugé sahîh.
[17] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2358 selon ‘Amr Ibn Sa’d selon son père, Abû Dawûd dans ses Sunân n°4610.
[18] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1337, al-Bukharî dans son Sahîh n°7288, Ibn Majâh dans ses Sunân n°2 selon Abû Hurayra, sahîh.
[19] Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3029 selon Ibn ‘Abbâs, sahîh, An-Nasâ’î dans ses Sunân n°3057.
[20] Rapporté par Ad-Daraqutnî dans ses Sunân 2/137 selon Abû ad-Dardâ’, Al-Hâkim dans Al-Mustadrâk 2/406 et 10/12, At-Tabarânî dans Musnad al-Shâmiyyîn 3/209 à travers plusieurs chaînes de transmission d’après ‘Âsim ibn Raja’ ibn Haywah d’après son père d’après Abû ad-Darda’ d’après le Prophète (ﷺ). Il est conforme au Qur’ân.
[21] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1726 selon Salmân al-Farisî – hassân – et conforme au Qur’ân, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3367, Al-Hâkim dans Al-Mustadrâk 4/129, Al-Bayhaqî dans As-Sunân al-Kubrâ’ 9/320 et 10/12, At-Tabarânî dans Al-Mu’jâm al-Kabîr 6/250.
[22] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2362 selon Rafi’ Ibn Khadij.
[23] “Former Hezbollah leader slams group as US-Russia agents”, Middle East Eye, 4 octobre 2016 : https://youtu.be/zVJL0nTv8Rw
[24] Cité aussi dans la fiche biographique Syed Ahmad Khan publiée par la Scholarly Community Encyclopedia : https://encyclopedia.pub/entry/34113