L’Europe, qualifiée de certains comme étant une « (vaste) terre chrétienne », n’a jamais été totalement chrétienne. En effet, le Christianisme, bien que devenu majoritaire au Moyen-Âge, cohabitait toujours avec d’autres cultures et traditions religieuses comme en Scandinavie avec la religion des Vikings (qui plus tard, deviendront soit Chrétiens, soit Musulmans), ou dans le Sud de l’Europe, avec l’Islam, les Musulmans (soit européens de souche convertis à l’Islam, soit les Arabes, Berbères, Persans, Africains) devenant même majoritaires en Andalousie durant un temps, avant qu’ils soient massacrés ou chassés en grande partie au 16e siècle. Ceux qui restaient pratiquaient leur foi uniquement en privé pour éviter les persécutions, et où pour d’autres, devaient extérieurement se convertir de force au Catholicisme.
Contrairement à la propagande d’extrême droite ou de la gauche laïcarde, l’Islam existe en Europe depuis le 8e siècle, en y fondant plusieurs villes (comme Madrid, Murcia, etc.) ou en agrandissant d’autres comme Valencia, puis a fondé des émirats et califats en Espagne, au Portugal, en Sicile/Italie et au Sud de la France avant le 10e siècle, puis plus tard, sous les Ottomans, dans les Balkans (actuels Albanie, Macédoine, Kosovo, Serbie, Croatie, Bulgarie, Grèce, Chypre, etc.). Durant le Moyen-âge, les califats traditionnels ont permis à l’Europe de développer les arts et les infrastructures sanitaires, les universités, les sciences (médecine, chimie, astronomie, mathématiques, physique, optique, ingénierie civile, etc.), la poésie, la littérature, la spiritualité, la théologie, l’épistémologie, etc. et dont les fruits bénéficient encore aux populations européennes, et qui ont permis l’avènement de l’informatique, de la robotique, de la cinématographie, etc.
Il faut savoir qu’au 8e siècle, ce sont des Chrétiens (notamment unitariens) et Juifs qui appelèrent les Musulmans à venir dans la péninsule ibérique, pour les libérer de leurs oppresseurs (alors trinitaires) qui les persécutaient. C’est pour cela que les Musulmans eurent autant de succès rapides et vastes sur la quasi-totalité de la péninsule ibérique, grâce aux soutiens des Chrétiens et des Juifs sur place. Tout comme d’ailleurs, auparavant, en Égypte, en Syrie et en Irak, où le pouvoir byzantin était oppressif, injuste et persécutait les autres courants chrétiens, ainsi que les Juifs et les quelques groupes de Sabéens et de Zoroastriens. Les populations locales ont accueilli les Musulmans en libérateurs, qui en retour, leur assuraient la protection et la liberté de culte, sans s’ingérer dans leurs affaires religieuses ou communautaires, et en diminuant les taxes pour les ramener à ce que les citoyens pouvaient payer, tout en aidant les démunis (malades, handicapés, femmes, enfants, personnes âgées, hommes religieux cloitrés dans leur synagogue ou monastère, pauvres, etc.) et en les intégrant dans la civilisation islamique mais sans leur imposer l’Islam comme religion et foi, les finançant même pour leurs recherches scientifiques ou intellectuelles, leur permettant de rénover leurs temples et lieux de culte, les empêchant de se faire la guerre entre eux (Juifs et Chrétiens notamment). Ainsi, la majorité (Catholique ou autre) pouvait enfin coexister pacifiquement avec les minorités, le tout sous un pouvoir (islamique) neutre à leur égard, et leur permettant d’avoir leurs propres tribunaux pour juger leurs affaires communautaires, tout en imposant les valeurs du vivre-ensemble (qui sont les préceptes communs et fondamentaux de toutes les Religions d’origine divine : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre l’adultère, ne pas forniquer en public, ne pas commettre d’actes criminels ou de banditisme, etc.). Les arts comme la musique, la poésie, la peinture, etc. furent aussi développés sous les califats, et embellirent encore plus l’Europe.
Au 20e siècle, une nouvelle vague de Musulmans, sont venus sur la demande des pays européens, afin de construire les routes, ponts, infrastructures, lignes de train ou de métros (avec des ouvriers locaux évidemment). Et beaucoup d’entre eux sont restés, car ces mêmes pays européens ont détruit, corrompu ou pillé leurs pays d’origine (Maroc, Algérie, Tunisie, Sénégal, Libye, Syrie, Irak, Afghanistan, Soudan, etc.) et continuent d’y soutenir les pires régimes afin d’en contrôler les richesses.
Ce que l’on peut dire donc, c’est que oui, l’Europe a des racines chrétiennes, mais elle n’est pas que chrétienne, mais aussi juive, musulmane et multiculturelle, tout comme le monde Musulman n’est pas qu’islamique, mais aussi juif, chrétien, bouddhiste, sabéen, zoroastrien, etc., l’Islam imposant aux Musulmans (simples citoyens comme savants, dirigeants, muftis, policiers, soldats, etc.) de protéger les minorités ethniques et religieuses ainsi que leurs lieux de culte, et de respecter la diversité culturelle tout en posant un cadre harmonieux de vivre ensemble et empêchant la décadence morale ou la violence sociale,
Les Musulmans (dont plusieurs millions sont des Européens de souche) sont donc chez eux aussi en Europe, mais doivent respecter les règles du vivre-ensemble, ne pas provoquer ou insulter les références chrétiennes, juives ou autres des pays européens, majoritairement chrétiens de culture (et moins de religion si l’on peut dire).
Les discours de l’extrême droite islamophobe, qui sont soutenus par des suprémacistes sionistes, comme en France, en Belgique ou en Espagne (notamment avec le parti Vox) visent à alimenter la guerre civile, à radicaliser les communautés et à manipuler les populations, en répandant des fakes news, en abusant des amalgames ou en falsifiant l’histoire. Ces mouvements extrémistes identitaires se fichent aussi du Christianisme en tant que religion et morale, puisqu’ils les piétinent au quotidien.
Porter le voile, de préférence en phase avec les spécificités ou sensibilités culturelles du pays où l’on vit (comme ce fut le cas partout dans le monde musulman), – voile qui était aussi une tradition plurimillénaire en Europe, chez les Grecs et les Romains de l’Antiquité puis chez les Chrétiens et les Juifs -, manger halal, pratiquer sa foi librement dans les lieux de culte ou extérieurement, sont des droits fondamentaux, tant que cela ne trouble pas l’ordre public et que leurs pratiques ne soient pas imposées aux autres, ni de force, de façon lourdingue.
Il est aussi assez étonnant que les identitaires se disant Chrétiens ou Juifs, s’attaquent aux pratiques des Musulmans qui sont aussi celles des Prophètes Mûsâ (Moïse), Ibrâhîm (Abraham), Issâ (Jésus), Zarathustra (Zoroastre), etc., et celles parfois des Grecs de l’Antiquité, notamment chez leurs philosophes monothéistes comme Socrate, Aristote et d’autres.
Que ce soit le voile, manger sainement (et l’abattage rituel), le port de la barbe, la prière, les ablutions, l’importance du sacré, de la vertu et de la sagesse, tout cela est commun à l’ensemble des Religions et traditions spirituelles, malgré certaines différences dans les modalités pratiques ou les expressions verbales.
Ce sont donc les Musulmans traditionnels et pratiquants, qui respectent le plus les noms et les enseignements d’Abraham, de Moïse, de David, de Jésus et de Marie.
Bien sûr, le salafisme rigoriste et le wahhabisme najdite, financés et soutenus par l’Occident impérialiste pour éloigner les Musulmans de l’Islam originel et traditionnel, tout en inspirant le dégoût chez les non-Musulmans, ont empiré la situation et pollué les esprits autant chez les uns que chez les autres.
De même, les mosquées comme les parents doivent retourner à l’enseignement traditionnel, qui incluait l’importance de l’adab et de la futuwwa (chevalerie spirituelle) en plus des fondements de la ‘aqida (les piliers de la foi, les Noms et Attributs divin avec le refus de la négation comme de l’anthropomorphisme), du fiqh, des ussûl et des maqâsid (pour mieux s’orienter quand il y a des situations de nécessité, de contrainte, de moindre mal, de préservation de la vie et de la conscience/foi, de la santé et de la filiation, de la sécurité, etc.), du Qur’ân, de la Sirah authentifiée (loin des récits isolés et apocryphes qui ont sali l’image du Prophète ﷺ), de la spiritualité (à travers le tasawwuf), etc.
Comme toujours, il y a 2 écueils à éviter dans le domaine de l’histoire : d’une part l’idéalisation d’une période historique (alors que le facteur humain demeure : celui de la complexité et de la diversité des tendances et sensibilités culturelles, sectaires et psychologiques de part et d’autre, même si la tendance générale ou la norme ne sont pas toujours de même ampleur) et d’autre part la diabolisation (surtout excessive) qui empêche les nuances et de voir les aspects éventuellement positifs d’un peuple, d’un empire ou d’une civilisation.
Ainsi concernant l’Andalousie musulmane, les émirats islamiques en France et en Sicile durant l’ère médiévale ont bien été des sociétés relativement prospères, très avancées scientifiquement et ayant produit des chefs d’œuvre littéraires et artistiques ainsi que des monuments d’une beauté somptueuse, de même que pour la cohabitation pacifique entre les différentes communautés, malgré la présence de gens à la mentalité sectaire ou psychorigide ayant alimenté des tensions au sein des différentes communautés, et donc l’existence, à certains moments de l’histoire, de tensions intercommunautaires.
Quant à ceux qui se réclament (fallacieusement) Musulmans mais qui transgressent la Loi divine, comme en tuant des innocents, en volant leur voisin ou leur prochain, en se montrant grossiers ou volontairement sales ou injurieux, en agissant comme des perturbateurs ou des provocateurs, en rendant les quartiers dangereux ou insalubres, ils doivent être sévèrement réprimandés et punis (selon le crime ou délit commis) – au nom même de l’Islam – s’ils persistent dans cette voie déviante qui est contraire aux principes et aux finalités de la Religion (Islam). L’Islam ordonne la sécurité, la propreté, l’hygiène, la bonté, la justice, la charité et la miséricorde, alors quiconque agit en s’opposant à cela n’est clairement pas de ceux qui vivent selon l’Islam.
Ce que l’Islam nous a appris, à travers le Qur’ân et l’exemple du Prophète Muhammad (ﷺ), c’est que lorsque les Musulmans vivent dans une terre non-musulmane, ils doivent se focaliser sur les 5 piliers de l’islam et les 6 piliers de la foi, le bon comportement (envers les parents, les enfants, les femmes, les voisins, les personnes âgées, etc.), la charité, la compassion, le refus d’être injuste envers quiconque ou de soutenir activement et volontairement l’injustice et l’oppression (même contre les non-musulmans et les animaux) ainsi que vivre en bonne intelligence et vivre ensemble avec les autres communautés, sans leur imposer quoi que ce soit, en travaillant aussi pour le bien commun tout en alimentant leur propre économie « communautaire » (comme le font les autres communautés). Et lorsque les Musulmans vivent en terres d’Islam, c’est essentiellement la même chose, si ce n’est qu’ils doivent appliquer la Loi avec sagesse et intelligence, observer plus strictement la justice, et protéger juridiquement et politiquement les autres communautés, car ils ont la responsabilité de leur protection et de leur dignité sur le plan politique, l’Islam ordonnant aux Musulmans de respecter scrupuleusement les droits des citoyens Musulmans comme non-Musulmans.
En résumé, que ce soit en terres d’Islam ou non, les Musulmans (les locaux qui ont embrassé l’islam tout comme certaines populations qui ont émigré pour des raisons légitimes) sont historiquement à leur place, et leur présence est légitime (tout comme pour les communautés non-musulmanes en terres d’islam) pour peu que les uns et les autres cultivent le respect mutuel, la propreté, la sécurité, la tolérance et se prémunissent contre les comportements indécents, violents, grossiers ou criminels. Ce sont plutôt les racistes haineux et violents (que ce soit chez les « Blancs » comme chez les autres) – eux-mêmes souvent des immigrés de générations antérieures – qui n’auraient pas leur mot à dire car de facto disqualifiés, aussi bien sur les plans intellectuels, qu’historiques, politiques et éthiques, et qui sont nés ou arrivés bien après les premiers Musulmans en Europe – dont des millions étaient simplement des locaux convertis à l’Islam, tout comme d’autres se convertirent au Christianisme, ou aujourd’hui à diverses idéologies (le plus souvent répréhensibles, extrémistes ou délétères).
Si on veut le bien de l’Europe comme du reste du monde entier, c’est assez simple (en principe) : ne plus promouvoir le sionisme, le « wokisme », la décadence morale (dont la dépravation sexuelle), le consumérisme, le wahhabisme ou tout autre courant idéologique ou « religieux » sectaire et fanatique -, l’immigration incontrôlée, les mouvances ou idéologies d’extrême droite, etc. Et d’un point de vue plus pragmatique, empêcher les bavures et répressions policières, durcir les lois punitives contre les crimes et délits commis par les « immigrés » comme pour les locaux, lutter contre la corruption politique endémique (à gauche comme à l’extrême droite), améliorer le système éducatif et promouvoir dans les médias des discours et émissions qui n’alimentent pas les amalgames, ni le racisme ou la xénophobie (que ce soit dans un sens ou dans l’autre), mais qui visent plutôt à responsabiliser l’ensemble des citoyens et des communautés, sans mépriser une communauté ou une autre, et qui viseraient plutôt à mieux éduquer et sensibiliser les gens sur les enjeux mondiaux, sociétaux, familiaux, numériques, éducatifs, écologiques (et non pas escrologiques tels que c’est imposer par le Forum de Davos), sanitaires, spirituels, etc., en découvrant les points communs et aspects culturels ou religieux (sans esprit de polémique) de l’ensemble des communautés présentent sur le territoire. En somme, des discours qui élèvent le niveau intellectuel et qui proposent de coopérer dans des bonnes œuvres et pour de bonnes causes, plutôt que d’inciter à la guerre civile, à la diabolisation et à se déchainer sur des boucs-émissaires désignés d’avance par une oligarchie ou des réseaux criminels ou extrémistes.
Et quand on identifie les régimes qui font tout pour promouvoir toutes ces idéologies mortifères et répréhensibles, on retrouve souvent les mêmes : les USA, Israël et certains pays vassaux européens (dont la France).
Sources :
– Madrid, ville fondée par les Musulmans sous le règne de l’émir Muhammad 1er. Une histoire passionnante ; “La mémoire oubliée du Madrid musulman”, L’Orient XXI, 3 septembre 2021 : https://orientxxi.info/magazine/la-memoire-oubliee-du-madrid-musulman,5003
– “L’héritage de la Valencia arabe”, Visit Valencia : https://www.visitvalencia.com/fr/que-faire-valencia/culture-valencienne/heritage-arabe
Pour les références bibliographiques, consulter Belgacem Marzougui, Du Califat Et De Son Système Entre 632 et 662, éd. Lulu, 2011 et du même auteur L’Islam en Espagne – Huit siècles d’histoire européenne (éd. Lulu, 2011) ; Reza-Shah Kazemi, L’Esprit de tolérance en Islam. Fondements doctrinaux et aperçus historiques, éd. Tasnim, 2016 ; Raghib El Serjany, L’apport des musulmans à la civilisation humaine, Tomes 1 et 2, éd. Bayane, 2013 et 2014 et son autre ouvrage L’éthique prophétique des relations intercommunautaires, éd. Bayane, 2012 ; John Tolan et Henry Laurens, L’Europe et l’Islam : Quinze siècles d’histoire, éd. odile Jacob, 2009 ; Camille Mansour, Leila Tarazi Fawaz et Abdul-Karim Rafeq, Transformed Landscapes: Essays on Palestine and the Middle East in Honor of Walid Khalidi, éd. The American University in Cairo Press, 2009 ; Christian Julien Robin et Jérémie Schiettecatte, Les préludes de l’Islam: Ruptures et continuités dans les civilisations du Proche-Orient, de l’Afrique orientale, de l’Arabie et de l’Inde à la veille de l’Islam, éd. De Boccard, 2013, Didier Ali Hamoneau, Les Racines Musulmanes de la France, éd. Albouraq, 2014 et L’histoire méconnue de l’Islam en Gaule, éd. Albouraq, 2019 ; Ignacio Olague, Les arabes n’ont jamais envahi l’Espagne, éd. Flammarion, 1969 et réédité en 2022 chez Constellation (dans le sens où les armées arabes, berbères et perses rattachées à l’islam répondirent positivement à l’appel à l’aide des populations juives et chrétiennes unitariens contre le pouvoir despotique de l’époque) ; Gustave Le Bon, La civilisation des Arabes, 1883, ré-édité chez La Fontaine au Roy en 1996, Sigride Hunke, Le soleil d’Allah brille sur l’Occident – Notre héritage arabe, éd. Albin Michel, 1997 ; Muhammad Hamidullah, Le Prophète de l’Islam – Sa vie, son oeuvre, éd. El Falah, 2009.