L’hypocrisie et la barbarie de l’Occident

  Par « Occident », il faut avant tout entendre l’idéologie et la mentalité modernes, – ses aberrations et ses monstruosités – et non pas la « technique » (mais dont la technocratie est une monstruosité moderne), qui a pris naissance dans l’Occident géographique – mais dont la mentalité moderne a été critiquée par de nombreux intellectuels nés en Occident – jusqu’à empoisonner la vision et la vie des autres sociétés, situées géographiquement en dehors de l’Occident. Une fine analyse montre à quel point l’Occident aime bien projeter ses propres tares et ambitions sur les autres, pour justifier toutes leurs guerres, leurs mensonges et leurs atrocités. Or, nous retrouvons leur implication à tous les échelons des plus grandes tragédies et monstruosités de notre temps. Que ce soit dans les guerres sales, les blocus économiques, les famines, les déplacements de population, les nettoyages ethniques, le soutien (ou l’instauration) des pires dictatures, les (tentatives de) génocides[1], la pollution[2], la destruction de la biodiversité[3], etc.

   Les « maladies » occidentales en contaminant le monde entier, ont entrainé un effet pervers sur l’ensemble du monde, qui pour réagir face à la domination occidentale (fondée sur l’hypocrisie, le pillage et la violence), utilisent parfois les mêmes méthodes et travers, faute de vision alternative et propre, mais adaptent à leur façon malgré tout, les idoles ou méthodes occidentales[4]. Tout en vendant des armes mortelles et très polluantes un peu partout dans le monde, les grands industriels empoisonnent les sols du monde entier comme l’avait déjà bien documenté en 2009 Serge Armel Attenoukon dans L’Afrique, poubelle de l’Occident ? – La gestion des déchets dangereux (éd. L’Harmattan, 2009) : « Berceau de l’humanité, l’Afrique serait-elle devenue la poubelle de l’Occident ? Les déchets dangereux deviennent de plus en plus un enjeu des relations internationales notamment entre pays développés au Nord et pays en voie de développement au Sud. Le dernier exemple de déversement direct de déchets du Nord en Afrique est celui de la Côte d’Ivoire en août 2006. II s’agit de déchets industriels très toxiques. Dans le passé, des milliers de tonnes de substances toxiques ont été déversés à Cato Ridge en Afrique du Sud et Kojo au Nigeria. On estimait en 1992, à un million de tonnes les déchets toxiques que des entreprises italiennes auraient déversés sur les côtes de la Somalie à la faveur de l’anarchie qui règne dans ce pays. Le Bénin et la Guinée-Bissau ont aussi signé respectivement en 1988 et 1987 des contrats de récupération de déchets industriels toxiques en provenance de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Pour les industries occidentales, la raison d’être (le ce trafic se situe dans des obstacles juridiques, financiers et sociaux, ainsi que dans la logique de rentabilité immédiate. Pour les Etats africains, elle réside essentiellement dans la crise économique et financière ambiante. Comment les Etats africains peuvent-ils arriver à une gestion écologiquement rationnelle de ces déchets ? De quelle manière peuvent-ils assurer une gestion efficiente des déchets dangereux produits localement et se prémunir efficacement contre l’invasion de ceux étrangers ? Quels sont les mécanismes normatifs et institutionnels de cette gestion ? Et, sont-ils efficaces ? ».

  Dans un article publié sur TV5 Monde : « La Malaisie ainsi que les Philippines renvoient des déchets plastiques et non-recyclables à leurs envoyeurs. Ces pays d’Asie du sud-est refusent d’être la poubelle mondiale depuis que la Chine a fermé ses portes à ces importations. A 11 000 kilomètres de là, l’Afrique subsaharienne est, elle aussi, devenue la poubelle des déchets des pays développés. La Malaisie va donc renvoyer 3000 tonnes de déchets plastiques dans leurs pays d’origine. La France, le Canada, le Royaume-Uni, les Etats-Unis sont les principaux pays concernés, a déclaré mardi 28 mai à la presse la ministre malaisienne de l’Environnement et du Changement climatique, Yeo Bee Yin (…). Alors que certains pays africains peinent à gérer leurs déchets, ils en récupèrent aussi de l’étranger. Or, selon la convention de Bâle, entrée en vigueur en 1992, les pays ne peuvent pas exporter leurs déchets toxiques sans le consentement des destinataires. C’est pourquoi les pays exportant des déchets électroniques hors d’usage vers l’Afrique le font donc sous couvert d’un don “charitable” : les objets transportés sont considérés comme des biens de seconde main, autrement dit comme des matériaux électroniques d’occasion, qui sont, eux, autorisés. “En ce sens, on trouve que la convention de Bâle déresponsabilise la France dans sa capacité à trouver des solutions de traitement sur son propre territoire”, selon Nicolas Garnier, directeur général d’AMORCE, association de collectivités spécialisée dans la gestion des déchets. Il ajoute que cela est dû au fait que “personne ne veut une installation de traitement de déchets électriques ou résiduels, à proximité de chez soi”.

Résultat : le continent est submergé de déchets. Des décharges sauvages apparaissent et plusieurs pays, dont l’Éthiopie, le Congo, le Burkina Faso, le Mozambique, le Mali ou le Niger voient leurs décharges déborder d’ordures ménagères mais aussi de matériaux toxiques ou d’équipements électroniques, venus de pays développés »[5].

  Alors que l’UE interdit l’usage de certaines substances toxiques (et notamment des pesticides) dans leur pays, elle l’exporte dans les pays pauvres : « Une enquête de l’ONG Public Eye a révélé que les pays membres de l’Union européenne (UE) ont approuvé en 2018 l’exportation de 81 615 tonnes de pesticides interdits en raison de risques inacceptables pour la santé et l’environnement. Le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, l’Allemagne, la France, la Belgique et l’Espagne ont cumulé plus de 90% des exportations de ces 41 pesticides interdits à destination de 85 pays, dont les trois-quarts sont des pays en développement ou émergents. Les Etats-Unis, le Brésil, l’Ukraine, le Maroc, le Mexique et l’Afrique du Sud figurent parmi les dix principaux importateurs de pesticides interdits notamment pour cause de risques de cancer, de troubles de la fertilité ou d’atteinte à l’eau et aux écosystèmes. En tout, une trentaine de sociétés, dont la firme bâloise Syngenta, l’américaine Corteva, les allemandes Bayer et BASF ou l’italienne Finchimica ont exporté ce type de produits. Les externalités négatives de ces exportations de pesticides interdits ont un effet boomerang sur les consommateurs européens. Des pesticides dangereux, interdits de commercialisation et d’utilisation en Europe, nous reviennent par le biais des produits agricoles que l’Union européenne importe (…) »[6].

  Comme nous l’avions déjà vu, Big Pharma produit de nombreux médicaments et « vaccins » souvent inefficaces voire dangereux et mortels, et causant de nombreux effets indésirables – « traités » ensuite par d’autres médicaments (eux aussi coûteux et pas toujours efficaces) de Big Pharma. Mais beaucoup de doses et quantités périment ou ne sont finalement pas administrées dans les pays « riches » et sont donc ensuite vendues pour « empoisonner » les populations pauvres, ou alors finissent par empoisonner les sols des pays riches quand les déchets toxiques ne peuvent pas être déversés dans les pays pauvres d’Asie ou d’Afrique. Tout en interdisant les remèdes naturels efficaces et peu coûteux – ou d’autres traitements médicamenteux mais efficaces et peu coûteux – dans les pays riches comme dans les pays pauvres, Big Pharma empoisonne les pauvres, favorise les famines et détruit souvent l’environnement aux alentours de leurs usines.

   Pour se donner « bonne conscience », l’Occident prétend « aider » les pays du « Sud » par des dons avoisinant les milliards de $. Or, que ce soit pour l’Afrique ou des pays comme l’Afghanistan ou Haïti, plus de 70 à 95% des dons n’arrivent jamais à destination – c’est-à-dire – pour les gens dans le besoin -, car beaucoup de fondations, organismes et intermédiaires « occidentaux » se servent avant, et que le peu qu’il reste est « volé » sur place par les autorités locales, ou investis par et pour les multinationales occidentales installées dans ces pays pauvres[7]. Une enquête française indépendante avait démasqué la supercherie de cette « aide à l’Afrique versée par la France » : « En Afrique, l’Agence française de développement, symbole de la solidarité de la France envers le monde, finance à coups de milliards d’euros des projets dont les premiers bénéficiaires sont les entreprises françaises, et s’abrite derrière le secret bancaire pour ne pas dévoiler ses pratiques. Au Gabon, elle s’affaire à construire un collège. Au Cameroun, elle a réparé un pont. Dans un village malien, elle creuse un puits ; tandis qu’au Niger, elle soutient une campagne contre les violences faites aux femmes. Elle, c’est l’Agence française de développement (AFD). Symbole de la solidarité de la France envers le reste du monde, l’AFD, créée il y a quatre-vingts ans par le général de Gaulle, a d’abord été la banque de la Résistance. Aujourd’hui, grâce à un capital de 953 millions d’euros fourni par l’État français, l’établissement public emprunte des milliards sur les marchés financiers à taux bas, puis les prête à des institutions privées ou publiques dans les pays en développement. Sur les 12 milliards d’euros engagés en 2020, 87 % étaient des prêts. Le reste des fonds est utilisé sous forme de dons, majoritairement alloués à des projets sur le continent africain. Part d’ombre et secret bancaire : Le 17 décembre 2020, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé que « la France [allait] redonner aux pays africains les moyens de venir en aide à leurs populations ». C’est à l’AFD que revient la tâche d’investir des milliards d’euros pour « développer » l’Afrique, dans l’objectif, inscrit dans les missions de l’agence, d’y « améliorer les conditions d’existence des populations ». L’AFD y contribue certainement. Des milliers de projets qu’elle soutient fonctionnent et remplissent leur but : contribuer à lutter contre les inégalités mondiales. Mais l’agence a aussi sa part sombre. Accusations de déplacements forcés, déforestation, soutien à des forces armées accusées d’exactions, opacité des données, dialogue social dégradé… L’enquête de Disclose et Mediapart dévoile une face méconnue de la politique de développement vantée par la France (…) »[8].

   Selon différentes études, la France « taxerait » l’Afrique via la contrainte économique, d’environ 400 milliards d’euro par an (peut-être un peu moins, peut-être un peu plus), – et c’est ce système en soi qui est injuste -, d’où le fait que l’Afrique se voit incapable de sortir la tête de l’eau : « Franc CFA quand les Allemands s’en mêlent : Un journal économique allemand accuse la France de piller chaque année 440 milliards d’euros aux africains à travers le Franc CFA. “Le gouvernement français recueille auprès de ses anciennes colonies chaque année 440 milliards d’euros de taxes. La France repose sur les recettes venant d’Afrique, pour ne pas sombrer dans l’insignifiance économique” »[9].

   Non content d’empoisonner les pays pauvres, de piller (« légalement » ou illégalement, mais en tout cas de façon immorale) les richesses de ces mêmes pays et d’y installer souvent des dictatures accommodantes pour l’Occident ou d’alimenter des conflits qui poussent des millions de personnes à fuir leur propre pays, des partis politiques occidentaux et leurs adhérents méprisent les migrants et réfugiés, alors que ce sont notamment eux – par leurs décisions politiques et leur mode de vie indécent (luxe et luxure, et gaspillage de nombreuses ressources) – qui ont causé ces flux migratoires depuis des décennies -. Par ailleurs dans des pays comme la France, beaucoup d’étrangers étaient appelés pour venir construire leurs routes, écoles, hôpitaux et usines, et puis pour y travailler comme femmes de ménage, hommes à tout faire ou pour servir les cafés – y compris les mères voilées -, ce qui ne les dérangeait pas. Mais dès que les enfants de ces « étrangers » souhaitaient devenir ingénieurs, médecins ou chefs d’entreprise, tout un discours de haine et de mépris s’est déversé sur les Musulmans (qu’ils soient européens de souche ou non) comme sur les étrangers non-musulmans (notamment chrétiens d’Afrique, bouddhistes d’Asie ou même non-religieux).

   Mais citons encore ici les judicieuses remarques de René Guénon, au chapitre 8 (L’envahissement occidental) de son ouvrage La crise du monde moderne : « Le désordre moderne, nous l’avons dit, a pris naissance en Occident, et, jusqu’à ces dernières années, il y était toujours demeuré strictement localisé ; mais maintenant il se produit un fait dont la gravité ne doit pas être dissimulée : c’est que ce désordre s’étend partout et semble gagner jusqu’à l’Orient. Certes, l’envahissement occidental n’est pas une chose toute récente, mais il se bornait jusqu’ici à une domination plus ou moins brutale exercée sur les autres peuples, et dont les effets étaient limités au domaine politique et économique ; en dépit de tous les efforts d’une propagande revêtant des formes multiples, l’esprit oriental était impénétrable à toutes les déviations, et les anciennes civilisations traditionnelles subsistaient intactes. Aujourd’hui, au contraire, il est des Orientaux qui se sont plus ou moins complètement « occidentalisés », qui ont abandonné leur tradition pour adopter toutes les aberrations de l’esprit moderne, et ces éléments dévoyés, grâce à l’enseignement des Universités européennes et américaines, deviennent dans leur propre pays une cause de trouble et d’agitation. Il ne convient pas, d’ailleurs, de s’en exagérer l’importance, pour le moment tout au moins : en Occident, on s’imagine volontiers que ces individualités bruyantes, mais peu nombreuses, représentent l’Orient actuel, alors que, en réalité, leur action n’est ni très étendue ni très profonde ; cette illusion s’explique aisément, car on ne connaît pas les vrais Orientaux, qui du reste ne cherchent nullement à se faire connaître, et les « modernistes », si l’on peut les appeler ainsi, sont les seuls qui se montrent au dehors, parlent, écrivent et s’agitent de toutes façons. Il n’en est pas moins vrai que ce mouvement antitraditionnel peut gagner du terrain, et il faut envisager toutes les éventualités, même les plus défavorables ; déjà, l’esprit traditionnel se replie en quelque sorte sur lui-même, les centres où il se conserve intégralement deviennent de plus en plus fermés et difficilement accessibles ; et cette généralisation du désordre correspond bien à ce qui doit se produire dans la phase finale du Kali-Yuga.

Déclarons-le très nettement : l’esprit moderne étant chose purement occidentale, ceux qui en sont affectés, même s’ils sont des Orientaux de naissance, doivent être considérés, sous le rapport de la mentalité, comme des Occidentaux, car toute idée orientale leur est entièrement étrangère, et leur ignorance à l’égard des doctrines traditionnelles est la seule excuse de leur hostilité. Ce qui peut sembler assez singulier et même contradictoire, c’est que ces mêmes hommes, qui se font les auxiliaires de l’« occidentalisme » au point de vue intellectuel, ou plus exactement contre toute véritable intellectualité, apparaissent parfois comme ses adversaires dans le domaine politique ; et pourtant, au fond, il n’y a là rien dont on doive s’étonner. Ce sont eux qui s’efforcent d’instituer en Orient des « nationalismes » divers, et tout « nationalisme » est nécessairement opposé à l’esprit traditionnel ; s’ils veulent combattre la domination étrangère, c’est par les méthodes mêmes de l’Occident, de la même façon que les divers peuples occidentaux luttent entre eux ; et peut-être est-ce là ce qui fait leur raison d’être. En effet, si les choses en sont arrivées à un tel point que l’emploi de semblables méthodes soit devenu inévitable, leur mise en œuvre ne peut être que le fait d’éléments ayant rompu toute attache avec la tradition ; il se peut donc que ces éléments soient utilisés ainsi transitoirement, et ensuite éliminés comme les Occidentaux eux-mêmes. Il serait d’ailleurs assez logique que les idées que ceux-ci ont répandues se retournent contre eux, car elles ne peuvent être que des facteurs de division et de ruine ; c’est par là que la civilisation moderne périra d’une façon ou d’une autre ; peu importe que ce soit par l’effet des dissensions entre les Occidentaux, dissensions entre nations ou entre classes sociales, ou, comme certains le prétendent, par les attaques des Orientaux « occidentalisés », ou encore à la suite d’un cataclysme provoqué par les « progrès de la science » ; dans tous les cas, le monde occidental ne court de dangers que par sa propre faute et par ce qui sort de lui-même.

La seule question qui se pose est celle-ci : l’Orient n’aura-t-il à subir, du fait de l’esprit moderne, qu’une crise passagère et superficielle, ou bien l’Occident entraînera-t-il dans sa chute l’humanité tout entière ? Il serait difficile d’y apporter actuellement une réponse basée sur des constatations indubitables ; les deux esprits opposés existent maintenant l’un et l’autre en Orient, et la force spirituelle, inhérente à la tradition et méconnue par ses adversaires, peut triompher de la force matérielle lorsque celle-ci aura joué son rôle, et la faire évanouir comme la lumière dissipe les ténèbres ; nous dirons même qu’elle en triomphera nécessairement tôt ou tard, mais il se peut que, avant d’en arriver là, il y ait une période d’obscuration complète. L’esprit traditionnel ne peut mourir, parce qu’il est, dans son essence, supérieur à la mort et au changement ; mais il peut se retirer entièrement du monde extérieur, et alors ce sera véritablement la « fin d’un monde ». D’après tout ce que nous avons dit, la réalisation de cette éventualité dans un avenir relativement peu éloigné n’aurait rien d’invraisemblable ; et, dans la confusion qui, partie de l’Occident, gagne présentement l’Orient, nous pourrions voir le « commencement de la fin », le signe précurseur du moment où, suivant la tradition hindoue, la doctrine sacrée doit être enfermée tout entière dans une conque, pour en sortir intacte à l’aube du monde nouveau. Mais laissons là encore une fois les anticipations, et ne regardons que les événements actuels : ce qui est incontestable, c’est que l’Occident envahit tout ; son action s’est d’abord exercée dans le domaine matériel, celui qui était immédiatement à sa portée, soit par la conquête violente, soit par le commerce et l’accaparement des ressources de tous les peuples ; mais maintenant les choses vont encore plus loin. Les Occidentaux, toujours animés par ce besoin de prosélytisme qui leur est si particulier, sont arrivés à faire pénétrer chez les autres, dans une certaine mesure, leur esprit antitraditionnel et matérialiste ; et, tandis que la première forme d’invasion n’atteignait en somme que les corps, celle-ci empoisonne les intelligences et tue la spiritualité ; l’une a d’ailleurs préparé l’autre et l’a rendue possible, de sorte que ce n’est en définitive que par la force brutale que l’Occident est parvenu à s’imposer partout, et il ne pouvait en être autrement, car c’est en cela que réside l’unique supériorité réelle de sa civilisation, si inférieure à tout autre point de vue. L’envahissement occidental, c’est l’envahissement du matérialisme sous toutes ses formes, et ce ne peut être que cela ; tous les déguisements plus ou moins hypocrites, tous les prétextes « moralistes », toutes les déclamations « humanitaires », toutes les habiletés d’une propagande qui sait à l’occasion se faire insinuante pour mieux atteindre son but de destruction, ne peuvent rien contre cette vérité, qui ne saurait être contestée que par des naïfs ou par ceux qui ont un intérêt quelconque à cette œuvre vraiment « satanique », au sens le plus rigoureux du mot (1).

(1) Satan, en hébreu, c’est l’« adversaire », c’est-à-dire celui qui renverse toutes choses et les prend en quelque sorte à rebours ; c’est l’esprit de négation et de subversion, qui s’identifie à la tendance descendante ou « infériorisante », « infernale » au sens étymologique, celle même que suivent les êtres dans ce processus de matérialisation suivant lequel s’effectue tout le développement de la civilisation moderne.

Chose extraordinaire, ce moment où l’Occident envahit tout est celui que certains choisissent pour dénoncer, comme un péril qui les remplit d’épouvante, une prétendue pénétration d’idées orientales dans ce même Occident ; qu’est-ce encore que cette nouvelle aberration ? Malgré notre désir de nous en tenir à des considérations d’ordre général, nous ne pouvons nous dispenser de dire ici au moins quelques mots d’une Défense de l’Occident publiée récemment par M. Henri Massis, et qui est une des manifestations les plus caractéristiques de cet état d’esprit. Ce livre est plein de confusions et même de contradictions, et il montre une fois de plus combien la plupart de ceux qui voudraient réagir contre le désordre moderne sont peu capables de le faire d’une façon vraiment efficace, car ils ne savent même pas très bien ce qu’ils ont à combattre. L’auteur se défend parfois d’avoir voulu s’attaquer au véritable Orient ; et, s’il s’en était tenu effectivement à une critique des fantaisies « pseudo-orientales », c’est-à-dire de ces théories purement occidentales que l’on répand sous des étiquettes trompeuses, et qui ne sont qu’un des nombreux produits du déséquilibre actuel, nous ne pourrions que l’approuver pleinement, d’autant plus que nous avons nous-même signalé, bien avant lui, le danger réel de ces sortes de choses, ainsi que leur inanité au point de vue intellectuel. Mais, malheureusement, il éprouve ensuite le besoin d’attribuer à l’Orient des conceptions qui ne valent guère mieux que celles-là ; pour le faire, il s’appuie sur des citations empruntées à quelques orientalistes plus ou moins « officiels », et où les doctrines orientales sont, ainsi qu’il arrive d’ordinaire, déformées jusqu’à la caricature ; que dirait-il si quelqu’un usait du même procédé à l’égard du Christianisme et prétendait le juger d’après les travaux des « hypercritiques » universitaires ? C’est exactement ce qu’il fait pour les doctrines de l’Inde et de la Chine, avec cette circonstance aggravante que les Occidentaux dont il invoque le témoignage n’ont pas la moindre connaissance directe de ces doctrines, tandis que ceux de leurs collègues qui s’occupent du Christianisme doivent tout au moins le connaître dans une certaine mesure, même si leur hostilité contre tout ce qui est religieux les empêche de le comprendre véritablement. D’ailleurs, nous devons dire à cette occasion que nous avons eu parfois quelque peine à faire admettre par des Orientaux que les exposés de tel ou tel orientaliste procédaient d’une incompréhension pure et simple, et non d’un parti pris conscient et volontaire, tellement on y sent cette même hostilité qui est inhérente à l’esprit antitraditionnel ; et nous demanderions volontiers à M. Massis s’il croit bien habile d’attaquer la tradition chez les autres quand on voudrait la restaurer dans son propre pays. Nous parlons d’habileté, parce que, au fond, toute la discussion est portée par lui sur un terrain politique ; pour nous qui nous plaçons à un tout autre point de vue, celui de l’intellectualité pure, la seule question qui se pose est une question de vérité ; mais ce point de vue est sans doute trop élevé et trop serein pour que les polémistes y puissent trouver leur satisfaction, et nous doutons même que, en tant que polémistes, le souci de la vérité puisse tenir une grande place dans leurs préoccupations (2).

(2) Nous savons que M. Massis n’ignore pas nos ouvrages, mais il s’abstient soigneusement d’y faire la moindre allusion, parce qu’ils iraient à l’encontre de sa thèse ; le procédé manque tout au moins de franchise. Nous pensons d’ailleurs n’avoir qu’à nous féliciter de ce silence, qui nous évite de voir mêler à des polémiques déplaisantes des choses qui, par leur nature, doivent demeurer au-dessus de toute discussion ; il y a toujours quelque chose de pénible dans le spectacle de l’incompréhension « profane », bien que la vérité de la « doctrine sacrée » soit assurément, en elle-même, trop haute pour en subir les atteintes.

M. Massis s’en prend à ce qu’il appelle des « propagandistes orientaux », expression qui renferme en elle-même une contradiction, car l’esprit de propagande, nous l’avons déjà dit bien souvent, est chose tout occidentale ; et cela seul indique déjà clairement qu’il y a là quelque méprise. En fait, parmi les propagandistes visés, nous pouvons distinguer deux groupes, dont le premier est constitué par de purs Occidentaux ; il serait vraiment comique, si ce n’était le signe de la plus déplorable ignorance des choses de l’Orient, de voir qu’on fait figurer des Allemands et des Russes parmi les représentants de l’esprit oriental ; l’auteur fait à leur égard des observations dont certaines sont très justes, mais que ne les montre-t-il nettement pour ce qu’ils sont en réalité ? À ce premier groupe nous joindrions encore les « théosophistes » anglo-saxons et tous les inventeurs d’autres sectes du même genre, dont la terminologie orientale n’est qu’un masque destiné à en imposer aux naïfs et aux gens mal informés, et qui ne recouvre que des idées aussi étrangères à l’Orient que chères à l’Occident moderne ; ceux-là sont d’ailleurs plus dangereux que de simples philosophes, en raison de leurs prétentions à un « ésotérisme » qu’ils ne possèdent pas davantage, mais qu’ils simulent frauduleusement pour attirer à eux les esprits qui cherchent autre chose que des spéculations « profanes » et qui, au milieu du chaos présent, ne savent où s’adresser ; nous nous étonnons un peu que M. Massis n’en dise à peu près rien. Quant au second groupe, nous y trouvons quelques-uns de ces Orientaux occidentalisés dont nous parlions tout à l’heure, et qui, tout aussi ignorants que les précédents des véritables idées orientales, seraient fort incapables de les répandre en Occident, à supposer qu’ils en eussent l’intention ; du reste, le but qu’ils se proposent réellement est tout contraire à celui-là, puisqu’il est de détruire ces mêmes idées en Orient, et de présenter en même temps aux Occidentaux leur Orient modernisé, accommodé aux théories qui leur ont été enseignées en Europe ou en Amérique ; véritables agents de la plus néfaste de toutes les propagandes occidentales, de celle qui s’attaque directement à l’intelligence, c’est pour l’Orient qu’ils sont un danger, et non pour l’Occident dont ils ne sont que le reflet. Pour ce qui est des vrais Orientaux, M. Massis n’en mentionne pas un seul, et il aurait été bien en peine de le faire, car il n’en connaît certainement aucun ; l’impossibilité où il se trouvait de citer le nom d’un Oriental qui ne fût pas occidentalisé eût dû lui donner à réfléchir et lui faire comprendre que les « propagandistes orientaux » sont parfaitement inexistants (…) disons, pour être aussi bienveillant que possible, qu’il les imagine parce que son esprit est troublé par la peur que fait naître en lui le pressentiment d’une ruine plus ou moins prochaine de la civilisation occidentale, et regrettons qu’il n’ait pas su voir clairement où se trouvent les véritables causes susceptibles d’amener cette ruine, quoiqu’il lui arrive parfois de faire preuve d’une juste sévérité à l’égard de certains aspects du monde moderne. C’est même là ce qui fait le continuel flottement de sa thèse : d’une part, il ne sait pas exactement quels sont les adversaires qu’il devrait combattre, et, d’autre part, son « traditionalisme » le laisse fort ignorant de tout ce qui est l’essence même de la tradition, qu’il confond visiblement avec une sorte de « conservatisme » politico-religieux de l’ordre le plus extérieur.

Nous disons que l’esprit de M. Massis est troublé par la peur ; la meilleure preuve en est peut-être l’attitude extraordinaire, et même tout à fait inconcevable, qu’il prête à ses soi-disant « propagandistes orientaux » : ceux-ci seraient animés d’une haine farouche à l’égard de l’Occident, et c’est pour nuire à celui-ci qu’ils s’efforceraient de lui communiquer leurs propres doctrines, c’est-à-dire de lui faire don de ce qu’ils ont eux-mêmes de plus précieux, de ce qui constitue en quelque sorte la substance même de leur esprit ! Devant tout ce qu’il y a de contradictoire dans une telle hypothèse, on ne peut s’empêcher d’éprouver une véritable stupéfaction : toute la thèse péniblement échafaudée s’écroule instantanément (…) Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que tout peut être dit indifféremment, du moins lorsqu’on sort de la doctrine pure pour en venir aux applications ; il y a alors certaines réserves qui s’imposent, et des questions d’opportunité qui doivent se poser inévitablement ; mais ces réserves légitimes, et même indispensables, n’ont rien de commun avec certaines craintes puériles qui ne sont que l’effet d’une ignorance comparable à celle d’un homme qui, suivant l’expression proverbiale hindoue, « prend une corde pour un serpent ». Qu’on le veuille ou non, ce qui doit être dit le sera à mesure que les circonstances l’exigeront ; ni les efforts intéressés des uns, ni l’hostilité inconsciente des autres, ne pourront empêcher qu’il en soit ainsi, pas plus que, d’un autre côté, l’impatience de ceux qui, entraînés par la hâte fébrile du monde moderne, voudraient tout savoir d’un seul coup, ne pourra faire que certaines choses soient connues au dehors plus tôt qu’il ne convient ; mais ces derniers pourront du moins se consoler en pensant que la marche accélérée des événements leur donnera sans doute une assez prompte satisfaction ; puissent-ils n’avoir pas à regretter alors de s’être insuffisamment préparés à recevoir une connaissance qu’ils recherchent trop souvent avec plus d’enthousiasme que de véritable discernement ! ». Si des gens haïssent l’Occident, ce n’est pas par jalousie comme le pensent certains ignorants, mais parce que l’Occident a détruit tout ce qu’il y avait de beau et de « vrai » en ce monde ; la spiritualité et l’art sacré, la biodiversité, la connaissance réelle et bénéfique, les valeurs morales et la dignité humaine, le sens des priorités, la valeur des choses essentielles, les cultures et les traditions les plus nobles, ainsi que de nombreux sites historiques et trésors spirituels du patrimoine de l’Humanité, de même que de nombreuses villes et des centaines de millions d’âmes humaines et animales.

   Et ce qui illustre très bien les propos de René Guénon, est que les analystes occidentaux eux-mêmes finissent par se plaindre du retour de bâton dont ils étaient pourtant la cause : totalitarisme, terrorisme, ripostes politiques ou économiques de la Chine, de la Russie ou de la Turquie face aux agressions et tromperies occidentales. L’Occident, qui avait eu l’habitude de traiter tout le monde avec mépris, humiliation et soumission, ne supporte plus que des puissances émergentes, devenues aujourd’hui rivales et “menaçantes” pour leur domination – se retrouvant dépasser par ces 3 pays dans de nombreux domaines militaires, technologiques, humains, scientifiques, économiques ou intellectuels -, commence à comprendre que les crises qui le traversaient depuis quelques décennies étaient en réalité plus profonde que ça. Même les peuples occidentaux se plaignent des méfaits du capitalisme comme du communisme – les 2 idéologies politiques issues du monde moderne -, du consumérisme, de la lutte des classes comme de la lutte des sexes, ainsi que des autres crises successives : écologiques, sociales, identitaires, civilisationnelles, épistémologiques et philosophiques. Fonçant droit dans le mur, le paradigme occidental mène inexorablement vers l’abîme, mais la corruption étant désormais tellement grande, et l’emprise économique tellement influente, que c’est aujourd’hui le système mondial, fondé sur la modernité, qui menace de s’écrouler, alors même que l’on sait très bien les conséquences catastrophiques pour les sociétés du tabac et de l’alcool, des réseaux sociaux et du consumérisme, du capitalisme et du progressisme (idéologique), des théories du genre, du gauchisme comme de l’extrême droite, etc.

   Dans son fondement, la démocratie est utopique – car c’est le rapport de force en faveur des multinationales aujourd’hui qui dicte les directives politiques et qui influence le comportement social des sociétés occidentales -, mais porte en elle les germes des pires monstruosités et dictatures qui soient, et ce en prenant différentes formes : le nazisme, le communisme et le fascisme qui sont nées de cette mentalité démocratiste ; mais aussi la tyrannie des plaisirs ou de la majorité, à l’aide de suggestions psychologiques bien connues des manipulateurs mais insoupçonnées des victimes consentantes (les consommateurs).

   René Guénon l’indiquait déjà il y a environ 1 siècle dans La crise du monde moderne (chapitre 6 : Le chaos social) : « Comme nous l’indiquions tout à l’heure, personne, dans l’état présent du monde occidental, ne se trouve plus à la place qui lui convient normalement en raison de sa nature propre ; c’est ce qu’on exprime en disant que les castes n’existent plus, car la caste, entendue dans son vrai sens traditionnel, n’est pas autre chose que la nature individuelle elle-même, avec tout l’ensemble des aptitudes spéciales qu’elle comporte et qui prédisposent chaque homme à l’accomplissement de telle ou telle fonction déterminée. Dès lors que l’accession à des fonctions quelconques n’est plus soumise à aucune règle légitime, il en résulte inévitablement que chacun se trouvera amené à faire n’importe quoi, et souvent ce pour quoi il est le moins qualifié ; le rôle qu’il jouera dans la société sera déterminé, non pas par le hasard, qui n’existe pas en réalité (1), mais par ce qui peut donner l’illusion du hasard, c’est-à-dire par l’enchevêtrement de toutes sortes de circonstances accidentelles ; ce qui y interviendra le moins, ce sera précisément le seul facteur qui devrait compter en pareil cas, nous voulons dire les différences de nature qui existent entre les hommes. La cause de tout ce désordre, c’est la négation de ces différences elles-mêmes, entraînant celle de toute hiérarchie sociale ; et cette négation, d’abord peut-être à peine consciente et plus pratique que théorique, car la confusion des castes a précédé leur suppression complète, ou, en d’autres termes, on s’est mépris sur la nature des individus avant d’arriver à n’en plus tenir aucun compte, cette négation, disons-nous, a été ensuite érigée par les modernes en pseudo-principe sous le nom d’« égalité ». Il serait trop facile de montrer que l’égalité ne peut exister nulle part, pour la simple raison qu’il ne saurait y avoir deux êtres qui soient à la fois réellement distincts et entièrement semblables entre eux sous tous les rapports ; et il ne serait pas moins facile de faire ressortir toutes les conséquences absurdes qui découlent de cette idée chimérique, au nom de laquelle on prétend imposer partout une uniformité complète, par exemple en distribuant à tous un enseignement identique, comme si tous étaient pareillement aptes à comprendre les mêmes choses, et comme si, pour les leur faire comprendre, les mêmes méthodes convenaient à tous indistinctement. On peut d’ailleurs se demander s’il ne s’agit pas plutôt d’« apprendre » que de « comprendre » vraiment, c’est-à-dire si la mémoire n’est pas substituée à l’intelligence dans la conception toute verbale et « livresque » de l’enseignement actuel, où l’on ne vise qu’à l’accumulation de notions rudimentaires et hétéroclites, et où la qualité est entièrement sacrifiée à la quantité, ainsi que cela se produit partout dans le monde moderne pour des raisons que nous expliquerons plus complètement par la suite : c’est toujours la dispersion dans la multiplicité. Il y aurait, à ce propos, bien des choses à dire sur les méfaits de l’« instruction obligatoire » ; mais ce n’est pas le lieu d’insister là-dessus, et, pour ne pas sortir du cadre que nous nous sommes tracé, nous devons nous contenter de signaler en passant cette conséquence spéciale des théories « égalitaires », comme un de ces éléments de désordre qui sont aujourd’hui trop nombreux pour qu’on puisse même avoir la prétention de les énumérer sans en omettre aucun.

(1) Ce que les hommes appellent le hasard est simplement leur ignorance des causes ; si l’on prétendait, en disant que quelque chose arrive par hasard, vouloir dire qu’il n’y a pas de cause, ce serait là une supposition contradictoire en elle-même.

Naturellement, quand nous nous trouvons en présence d’une idée comme celle d’« égalité », ou comme celle de « progrès », ou comme les autres « dogmes laïques » que presque tous nos contemporains acceptent aveuglément, et dont la plupart ont commencé à se formuler nettement au cours du 18e siècle, il ne nous est pas possible d’admettre que de telles idées aient pris naissance spontanément. Ce sont en somme de véritables « suggestions », au sens le plus strict de ce mot, qui ne pouvaient d’ailleurs produire leur effet que dans un milieu déjà préparé à les recevoir ; elles n’ont pas créé de toutes pièces l’état d’esprit qui caractérise l’époque moderne, mais elles ont largement contribué à l’entretenir et à le développer jusqu’à un point qu’il n’aurait sans doute pas atteint sans elles. Si ces suggestions venaient à s’évanouir, la mentalité générale serait bien près de changer d’orientation ; c’est pourquoi elles sont si soigneusement entretenues par tous ceux qui ont quelque intérêt à maintenir le désordre, sinon à l’aggraver encore, et aussi pourquoi, dans un temps où l’on prétend tout soumettre à la discussion, elles sont les seules choses qu’on ne se permet jamais de discuter. Il est d’ailleurs difficile de déterminer exactement le degré de sincérité de ceux qui se font les propagateurs de semblables idées, de savoir dans quelle mesure certains hommes en arrivent à se prendre à leurs propres mensonges et à se suggestionner eux-mêmes en suggestionnant les autres ; et même, dans une propagande de ce genre, ceux qui jouent un rôle de dupes sont souvent les meilleurs instruments, parce qu’ils y apportent une conviction que les autres auraient quelque peine à simuler, et qui est facilement contagieuse ; mais, derrière tout cela, et tout au moins à l’origine, il faut une action beaucoup plus consciente, une direction qui ne peut venir que d’hommes sachant parfaitement à quoi s’en tenir sur les idées qu’ils lancent ainsi dans la circulation. Nous avons parlé d’« idées », mais ce n’est que très improprement que ce mot peut s’appliquer ici, car il est bien évident qu’il ne s’agit aucunement d’idées pures, ni même de quelque chose qui appartienne de près ou de loin à l’ordre intellectuel ; ce sont, si l’on veut, des idées fausses, mais mieux vaudrait encore les appeler des « pseudo-idées », destinées principalement à provoquer des réactions sentimentales, ce qui est en effet le moyen le plus efficace et le plus aisé pour agir sur les masses. À cet égard, le mot a d’ailleurs une importance plus grande que la notion qu’il est censé représenter, et la plupart des « idoles » modernes ne sont véritablement que des mots, car il se produit ici ce singulier phénomène connu sous le nom de « verbalisme », où la sonorité des mots suffit à donner l’illusion de la pensée ; l’influence que les orateurs exercent sur les foules est particulièrement caractéristique sous ce rapport, et il n’y a pas besoin de l’étudier de très près pour se rendre compte qu’il s’agit bien là d’un procédé de suggestion tout à fait comparable à ceux des hypnotiseurs. Mais, sans nous étendre davantage sur ces considérations, revenons aux conséquences qu’entraîne la négation de toute vraie hiérarchie, et notons que, dans le présent état de choses, non seulement un homme ne remplit sa fonction propre qu’exceptionnellement et comme par accident, alors que c’est le cas contraire qui devrait normalement être l’exception, mais encore il arrive que le même homme soit appelé à exercer successivement des fonctions toutes différentes, comme s’il pouvait changer d’aptitudes à volonté. Cela peut sembler paradoxal à une époque de « spécialisation » à outrance, et pourtant il en est bien ainsi, surtout dans l’ordre politique ; si la compétence des « spécialistes » est souvent fort illusoire, et en tout cas limitée à un domaine très étroit, la croyance à cette compétence est cependant un fait, et l’on peut se demander comment il se fait que cette croyance ne joue plus aucun rôle quand il s’agit de la carrière des hommes politiques, où l’incompétence la plus complète est rarement un obstacle. Pourtant, si l’on y réfléchit, on s’aperçoit aisément qu’il n’y a là rien dont on doive s’étonner, et que ce n’est en somme qu’un résultat très naturel de la conception « démocratique », en vertu de laquelle le pouvoir vient d’en bas et s’appuie essentiellement sur la majorité, ce qui a nécessairement pour corollaire l’exclusion de toute véritable compétence, parce que la compétence est toujours une supériorité au moins relative et ne peut être que l’apanage d’une minorité.

Ici, quelques explications ne seront pas inutiles pour faire ressortir, d’une part, les sophismes qui se cachent sous l’idée « démocratique », et, d’autre part, les liens qui rattachent cette même idée à tout l’ensemble de la mentalité moderne ; il est d’ailleurs presque superflu, étant donné le point de vue où nous nous plaçons, de faire remarquer que ces observations seront formulées en dehors de toutes les questions de partis et de toutes les querelles politiques, auxquelles nous n’entendons nous mêler ni de près ni de loin. Nous envisageons ces choses d’une façon absolument désintéressée, comme nous pourrions le faire pour n’importe quel autre objet d’étude, et en cherchant seulement à nous rendre compte aussi nettement que possible de ce qu’il y a au fond de tout cela, ce qui est du reste la condition nécessaire et suffisante pour que se dissipent toutes les illusions que nos contemporains se font à ce sujet. Là aussi, il s’agit véritablement de « suggestion », comme nous le disions tout à l’heure pour des idées quelque peu différentes, mais néanmoins connexes ; et, dès qu’on sait que ce n’est qu’une suggestion, dès qu’on a compris comment elle agit, elle ne peut plus s’exercer ; contre des choses de ce genre, un examen quelque peu approfondi et purement « objectif », comme on dit aujourd’hui dans le jargon spécial qu’on a emprunté aux philosophes allemands, se trouve être bien autrement efficace que toutes les déclamations sentimentales et toutes les polémiques de parti, qui ne prouvent rien et ne sont que l’expression de simples préférences individuelles. L’argument le plus décisif contre la « démocratie » se résume en quelques mots : le supérieur ne peut émaner de l’inférieur, parce que le « plus » ne peut pas sortir du « moins » ; cela est d’une rigueur mathématique absolue, contre laquelle rien ne saurait prévaloir. Il importe de remarquer que c’est précisément le même argument qui, appliqué dans un autre ordre, vaut aussi contre le « matérialisme » ; il n’y a rien de fortuit dans cette concordance, et les deux choses sont beaucoup plus étroitement solidaires qu’il ne pourrait le sembler au premier abord. Il est trop évident que le peuple ne peut conférer un pouvoir qu’il ne possède pas lui-même ; le pouvoir véritable ne peut venir que d’en haut, et c’est pourquoi, disons-le en passant, il ne peut être légitimé que par la sanction de quelque chose de supérieur à l’ordre social, c’est-à-dire d’une autorité spirituelle ; s’il en est autrement, ce n’est plus qu’une contrefaçon de pouvoir, un état de fait qui est injustifiable par défaut de principe, et où il ne peut y avoir que désordre et confusion. Ce renversement de toute hiérarchie commence dès que le pouvoir temporel veut se rendre indépendant de l’autorité spirituelle, puis se la subordonner en prétendant la faire servir à des fins politiques ; il y a là une première usurpation qui ouvre la voie à toutes les autres, et l’on pourrait ainsi montrer que, par exemple, la royauté française, depuis le XIVe siècle, a travaillé elle-même inconsciemment à préparer la Révolution qui devait la renverser ; peut-être aurons-nous quelque jour l’occasion de développer comme il le mériterait ce point de vue que, pour le moment, nous ne pouvons qu’indiquer d’une façon très sommaire.

Si l’on définit la « démocratie » comme le gouvernement du peuple par lui-même, c’est là une véritable impossibilité, une chose qui ne peut pas même avoir une simple existence de fait, pas plus à notre époque qu’à n’importe quelle autre ; il ne faut pas se laisser duper par les mots, et il est contradictoire d’admettre que les mêmes hommes puissent être à la fois gouvernants et gouvernés, parce que, pour employer le langage aristotélicien, un même être ne peut être « en acte » et « en puissance » en même temps et sous le même rapport. Il y a là une relation qui suppose nécessairement deux termes en présence : il ne pourrait y avoir de gouvernés s’il n’y avait aussi des gouvernants, fussent-ils illégitimes et sans autre droit au pouvoir que celui qu’ils se sont attribué eux-mêmes ; mais la grande habileté des dirigeants, dans le monde moderne, est de faire croire au peuple qu’il se gouverne lui-même ; et le peuple se laisse persuader d’autant plus volontiers qu’il en est flatté et que d’ailleurs il est incapable de réfléchir assez pour voir ce qu’il y a là d’impossible. C’est pour créer cette illusion qu’on a inventé le « suffrage universel » : c’est l’opinion de la majorité qui est supposée faire la loi ; mais ce dont on ne s’aperçoit pas, c’est que l’opinion est quelque chose que l’on peut très facilement diriger et modifier ; on peut toujours, à l’aide de suggestions appropriées, y provoquer des courants allant dans tel ou tel sens déterminé ; nous ne savons plus qui a parlé de « fabriquer l’opinion », et cette expression est tout à fait juste, bien qu’il faille dire, d’ailleurs, que ce ne sont pas toujours les dirigeants apparents qui ont en réalité à leur disposition les moyens nécessaires pour obtenir ce résultat. Cette dernière remarque donne sans doute la raison pour laquelle l’incompétence des politiciens les plus « en vue » semble n’avoir qu’une importance très relative ; mais, comme il ne s’agit pas ici de démonter les rouages de ce qu’on pourrait appeler la « machine à gouverner », nous nous bornerons à signaler que cette incompétence même offre l’avantage d’entretenir l’illusion dont nous venons de parler : c’est seulement dans ces conditions, en effet, que les politiciens en question peuvent apparaître comme l’émanation de la majorité, étant ainsi à son image, car la majorité, sur n’importe quel sujet qu’elle soit appelée à donner son avis, est toujours constituée par les incompétents, dont le nombre est incomparablement plus grand que celui des hommes qui sont capables de se prononcer en parfaite connaissance de cause.

Ceci nous amène immédiatement à dire en quoi l’idée que la majorité doit faire la loi est essentiellement erronée, car, même si cette idée, par la force des choses, est surtout théorique et ne peut correspondre à une réalité effective, il reste pourtant à expliquer comment elle a pu s’implanter dans l’esprit moderne, quelles sont les tendances de celui-ci auxquelles elle correspond et qu’elle satisfait au moins en apparence. Le défaut le plus visible, c’est celui-là même que nous indiquions à l’instant : l’avis de la majorité ne peut être que l’expression de l’incompétence, que celle-ci résulte d’ailleurs du manque d’intelligence ou de l’ignorance pure et simple ; on pourrait faire intervenir à ce propos certaines observations de « psychologie collective », et rappeler notamment ce fait assez connu que, dans une foule, l’ensemble des réactions mentales qui se produisent entre les individus composants aboutit à la formation d’une sorte de résultante qui est, non pas même au niveau de la moyenne, mais à celui des éléments les plus inférieurs. Il y aurait lieu aussi de faire remarquer, d’autre part, comment certains philosophes modernes ont voulu transporter dans l’ordre intellectuel la théorie « démocratique » qui fait prévaloir l’avis de la majorité, en faisant de ce qu’ils appellent le « consentement universel » un prétendu « critérium de la vérité » : en supposant même qu’il y ait effectivement une question sur laquelle tous les hommes soient d’accord, cet accord ne prouverait rien par lui-même ; mais, en outre, si cette unanimité existait vraiment, ce qui est d’autant plus douteux qu’il y a toujours beaucoup d’hommes qui n’ont aucune opinion sur une question quelconque et qui ne se la sont même jamais posée, il serait en tout cas impossible de la constater en fait, de sorte que ce qu’on invoque en faveur d’une opinion et comme signe de sa vérité se réduit à n’être que le consentement du plus grand nombre, et encore en se bornant à un milieu forcément très limité dans l’espace et dans le temps. Dans ce domaine, il apparaît encore plus clairement que la théorie manque de base, parce qu’il est plus facile de s’y soustraire à l’influence du sentiment, qui au contraire entre en jeu presque inévitablement lorsqu’il s’agit du domaine politique ; et c’est cette influence qui est un des principaux obstacles à la compréhension de certaines choses, même chez ceux qui auraient par ailleurs une capacité intellectuelle très largement suffisante pour parvenir sans peine à cette compréhension ; les impulsions émotives empêchent la réflexion, et c’est une des plus vulgaires habiletés de la politique que celle qui consiste à tirer parti de cette incompatibilité.

Mais allons plus au fond de la question : qu’est-ce exactement que cette loi du plus grand nombre qu’invoquent les gouvernements modernes et dont ils prétendent tirer leur seule justification ? C’est tout simplement la loi de la matière et de la force brutale, la loi même en vertu de laquelle une masse entraînée par son poids écrase tout ce qui se rencontre sur son passage ; c’est là que se trouve précisément le point de jonction entre la conception « démocratique » et le « matérialisme », et c’est aussi ce qui fait que cette même conception est si étroitement liée à la mentalité actuelle. C’est le renversement complet de l’ordre normal, puisque c’est la proclamation de la suprématie de la multiplicité comme telle, suprématie qui, en fait, n’existe que dans le monde matériel (2) ; au contraire, dans le monde spirituel, et plus simplement encore dans l’ordre universel, c’est l’unité qui est au sommet de la hiérarchie, car c’est elle qui est le principe dont sort toute multiplicité (3) ; mais, lorsque le principe est nié ou perdu de vue, il ne reste plus que la multiplicité pure, qui s’identifie à la matière elle-même. D’autre part, l’allusion que nous venons de faire à la pesanteur implique plus qu’une simple comparaison, car la pesanteur représente effectivement, dans le domaine des forces physiques au sens le plus ordinaire de ce mot, la tendance descendante et compressive, qui entraîne pour l’être une limitation de plus en plus étroite, et qui va en même temps dans le sens de la multiplicité, figurée ici par une densité de plus en plus grande (4) ; et cette tendance est celle-là même qui marque la direction suivant laquelle l’activité humaine s’est développée depuis le début de l’époque moderne. En outre, il y a lieu de remarquer que la matière, par son pouvoir de division et de limitation tout à la fois, est ce que la doctrine scolastique appelle le « principe d’individuation », et ceci rattache les considérations que nous exposons maintenant à ce que nous avons dit précédemment au sujet de l’individualisme : cette même tendance dont il vient d’être question est aussi, pourrait-on dire, la tendance « individualisante », celle selon laquelle s’effectue ce que la tradition judéo-chrétienne désigne comme la « chute » des êtres qui se sont séparés de l’unité originelle (5). La multiplicité envisagée en dehors de son principe, et qui ainsi ne peut plus être ramenée à l’unité, c’est, dans l’ordre social, la collectivité conçue comme étant simplement la somme arithmétique des individus qui la composent, et qui n’est en effet que cela dès lors qu’elle n’est rattachée à aucun principe supérieur aux individus ; et la loi de la collectivité, sous ce rapport, c’est bien cette loi du plus grand nombre sur laquelle se fonde l’idée « démocratique ». Ici, il faut nous arrêter un instant pour dissiper une confusion possible : en parlant de l’individualisme moderne, nous avons considéré à peu près exclusivement ses manifestations dans l’ordre intellectuel ; on pourrait croire que, pour ce qui est de l’ordre social, le cas est tout différent. En effet, si l’on prenait ce mot d’« individualisme » dans son acception la plus étroite, on pourrait être tenté d’opposer la collectivité à l’individu, et de penser que des faits tels que le rôle de plus en plus envahissant de l’État et la complexité croissante des institutions sociales sont la marque d’une tendance contraire à l’individualisme. En réalité, il n’en est rien, car la collectivité, n’étant pas autre chose que la somme des individus, ne peut être opposée à ceux-ci, pas plus d’ailleurs que l’État lui-même conçu à la façon moderne, c’est-à-dire comme simple représentation de la masse, où ne se reflète aucun principe supérieur ; or c’est précisément dans la négation de tout principe supra-individuel que consiste véritablement l’individualisme tel que nous l’avons défini. Donc, s’il y a dans le domaine social des conflits entre diverses tendances qui toutes appartiennent également à l’esprit moderne, ces conflits ne sont pas entre l’individualisme et quelque chose d’autre, mais simplement entre les variétés multiples dont l’individualisme lui-même est susceptible ; et il est facile de se rendre compte que, en l’absence de tout principe capable d’unifier réellement la multiplicité, de tels conflits doivent être plus nombreux et plus graves à notre époque qu’ils ne l’ont jamais été, car qui dit individualisme dit nécessairement division ; et cette division, avec l’état chaotique qu’elle engendre, est la conséquence fatale d’une civilisation toute matérielle, puisque c’est la matière elle-même qui est proprement la racine de la division et de la multiplicité.

(2) Il suffit de lire saint Thomas d’Aquin pour voir que « numerus stat ex parte materiae ».

(3) D’un ordre de réalité à l’autre, l’analogie, ici comme dans tous les cas similaires, s’applique strictement en sens inverse.

(4) Cette tendance est celle que la doctrine hindoue appelle tamas, et qu’elle assimile à l’ignorance et à l’obscurité : on remarquera que, suivant ce que nous disions tout à l’heure sur l’application de l’analogie, la compression ou condensation dont il s’agit est à l’opposé de la concentration envisagée dans l’ordre spirituel ou intellectuel, de sorte que, si singulier que cela puisse paraître tout d’abord, elle est en réalité corrélative de la division et de la dispersion dans la multiplicité. Il en est d’ailleurs de même de l’uniformité réalisée par en bas, au niveau le plus inférieur, suivant la conception « égalitaire », et qui est à l’extrême opposé de l’unité supérieure et principielle.

(5) C’est pourquoi Dante place le séjour symbolique de Lucifer au centre de la terre, c’est-à-dire au point où convergent de toutes parts les forces de la pesanteur ; c’est, à ce point de vue, l’inverse du centre de l’attraction spirituelle ou « céleste », qui est symbolisé par le soleil dans la plupart des doctrines traditionnelles.

Cela dit, il nous faut encore insister sur une conséquence immédiate de l’idée « démocratique », qui est la négation de l’élite entendue dans sa seule acception légitime ; ce n’est pas pour rien que « démocratie » s’oppose à « aristocratie », ce dernier mot désignant précisément, du moins lorsqu’il est pris dans son sens étymologique, le pouvoir de l’élite. Celle-ci, par définition en quelque sorte, ne peut être que le petit nombre, et son pouvoir, son autorité plutôt, qui ne vient que de sa supériorité intellectuelle, n’a rien de commun avec la force numérique sur laquelle repose la « démocratie », dont le caractère essentiel est de sacrifier la minorité à la majorité, et aussi, par là même, comme nous le disions plus haut, la qualité à la quantité, donc l’élite à la masse. Ainsi, le rôle directeur d’une véritable élite et son existence même, car elle joue forcément ce rôle dès lors qu’elle existe, sont radicalement incompatibles avec la « démocratie », qui est intimement liée à la conception « égalitaire », c’est-à-dire à la négation de toute hiérarchie : le fond même de l’idée « démocratique » c’est qu’un individu quelconque en vaut un autre, parce qu’ils sont égaux numériquement, et bien qu’ils ne puissent jamais l’être que numériquement. Une élite véritable, nous l’avons déjà dit, ne peut être qu’intellectuelle ; c’est pourquoi la « démocratie » ne peut s’instaurer que là où la pure intellectualité n’existe plus, ce qui est effectivement le cas du monde moderne. Seulement, comme l’égalité est impossible en fait, et comme on ne peut supprimer pratiquement toute différence entre les hommes, en dépit de tous les efforts de nivellement, on en arrive, par un curieux illogisme, à inventer de fausses élites, d’ailleurs multiples, qui prétendent se substituer à la seule élite réelle ; et ces fausses élites sont basées sur la considération de supériorités quelconques, éminemment relatives et contingentes, et toujours d’ordre purement matériel. On peut s’en apercevoir aisément en remarquant que la distinction sociale qui compte le plus, dans le présent état de choses, est celle qui se fonde sur la fortune, c’est-à-dire sur une supériorité tout extérieure et d’ordre exclusivement quantitatif, la seule en somme qui soit conciliable avec la « démocratie », parce qu’elle procède du même point de vue. Nous ajouterons du reste que ceux mêmes qui se posent actuellement en adversaires de cet état de choses, ne faisant intervenir non plus aucun principe d’ordre supérieur, sont incapables de remédier efficacement à un tel désordre, si même ils ne risquent de l’aggraver encore en allant toujours plus loin dans le même sens ; la lutte est seulement entre des variétés de la « démocratie », accentuant plus ou moins la tendance « égalitaire », comme elle est, ainsi que nous l’avons dit, entre des variétés de l’individualisme, ce qui, d’ailleurs, revient exactement au même ».

  Alors même qu’ils parlent tout le temps de démocratie sans jamais respecter la volonté du peuple dans tout ce qui leur est bénéfique, les puissances occidentales se taisent face aux fraudes électorales ou aux manipulations politico-médiatiques qui façonnent inconsciemment l’opinion d’une majorité au sein de leur population (via des fakes news, l’appel à leur bas instincts, l’excitation de la foule, les sondages biaisés, les diffamations, l’exploitation des luttes intestines, etc.) tout comme elles critiquent les victoires électorales (dont la volonté de la majorité est claire) qu’il y a eu en Egypte avec Morsi, en Turquie avec Erdogan, en Russie avec Poutine (même si le système russe n’est évidemment pas totalement transparent, la figure charismatique de Poutine reste très populaire en Russie), en Palestine ainsi que dans de nombreux pays d’Amérique Latine (comme en Argentine et au Salvador par exemple) depuis la fin du 20e siècle ou comme en Afrique. Pire même, dans certains cas, les puissances occidentales ont fomenté des coups d’Etat et soutenu des mouvements terroristes contre ces états et gouvernements démocratiquement élus. Il s’agit là d’une hypocrisie manifeste à l’égard de leur propre « idole démocratique » à laquelle ils ne croient même pas eux-mêmes, ne servant qu’à manipuler ou « séduire » les personnes naïves.

   En 1954, les États-Unis renversaient à la suite d’un coup d’Etat orchestré par la CIA, le premier président démocratiquement élu au Guatemala, Jacobo Árbenz Guzmán, causant la mort de 200 000 civils. La CIA, ayant conçu l’opération PBFORTUNE, était déjà intéressée par les liens potentiels entre Árbenz et les communistes. La United Fruit avait fait pression auprès de la CIA pour écarter les différents gouvernements réformateurs au pouvoir depuis la période Arevalo, mais ce ne fut pas avant l’arrivée de l’administration Eisenhower que ces idées trouvèrent une oreille attentive à la Maison-Blanche. En 1954, l’administration Eisenhower était toujours sûre de la victoire depuis son opération clandestine destinée à renverser le gouvernement Mossadegh en Iran l’année précédente. L’agent de la CIA Kermit « Kim » Roosevelt, Jr., architecte du coup d’État en Iran, décrit une réunion avec le secrétaire d’État Dulles : « [Il] semblait presque enthousiaste. Ses yeux brillaient ; il semblait ronronner comme un chat géant. Clairement il ne savourait pas uniquement ce qu’il entendait, mais mon instinct me disait qu’il planifiait aussi. » (Stephen Kinzer, All the Shah’s Men: An American Coup and the Roots of Middle East Terror, Wiley, 2003, p. 209).

   Par exemple, en février 1954, la CIA lançait l’opération WASHTUB, qui consistait à installer une fausse cache d’armes soviétiques au Nicaragua, afin de démontrer les liens entre Moscou et le Guatemala[10]. Il faut dire que le président Arbenz avait lancé une réforme agraire qui allait contre les intérêts de la multinationale américaine United Fruit Company, dont Allen Dulles (directeur de la CIA de 1953 à 1961) était actionnaire, qui avait de gros intérêts au Guatemala et faisait pression à des niveaux variés du gouvernement américain pour une action contre Arbenz en réplique à son expropriation. Mais la CIA renversa Arbenz Guzman et installa à sa place une junte militaire sanglante dirigée par le général Carlos Castillo Armas. Plus de 9 00 sympathisants du gouvernement de Arbenz sont assassinés ou emprisonnés dans les mois qui suivent le coup d’État. La réforme agraire est abrogée et l’United Fruit récupère non seulement les terres dont elle avait été expropriée mais également des dizaines de milliers d’hectares de terres en friche qui avaient été distribués aux paysans. Les différents dictateurs qui se succèdent au Guatemala, avec le soutien américain et l’aide israélienne notamment à partir de 1977[11], amèneront la mort de plusieurs dizaines de milliers de civils et de plus de 10 000 opposants ou militants politiques. Rien qu’en 1982, le général Efrain Rios Montt, – auteur lui aussi d’un coup d’Etat -, mit en place les patrouilles d’autodéfense civiles (PAC), formées de miliciens recrutés de force par l’armée et ayant comme objectif d’éradiquer la guérilla. Le général met en action sa politique de la « terre brûlée » : ainsi, 440 villages sont complètement rasés et près de 200 000 civils (essentiellement des Mayas) sont massacrés[12]. La guerre civile aura fait ainsi plus de 200 000 morts parmi les civils, et plus de 45 000 disparus. Les Etats-Unis et Israël alimentèrent ainsi un cycle infernal brisant l’élan démocratique et la stabilité du Guatemala, qui fut finalement endeuillé par l’instabilité, la corruption, les coups d’Etat, les dictatures et les massacres sur plusieurs décennies. Il aura fallu attendre les Accords de paix de 1996 pour retrouver une certaine stabilité et l’arrêt des massacres, – bien que des assassinats politiques continuaient à être menés -. Près de 30 ans après ces accords de paix, le Guatemala est encore rongé par la corruption et l’influence des narcotrafiquants.

   Même chose en Afrique, comme avec l’assassinat de Thomas Sankara – chef d’Etat du Burkina-Faso – jusqu’à sa mort en 1987 – qui était très critique envers l’impérialisme, le néocolonialisme et la Françafrique, tout en étant dévoué à son peuple, mais qui dérangeait beaucoup le pouvoir politique français car ne voulant plus de leur ingérence[13]. Dans un article paru en 2019, avait été recensé plus de 200 coups d’Etat en Afrique sur une période de 70 ans. Une partie d’entre eux émanait directement ou indirectement (soutien ou complaisance) des puissances occidentales)[14]. Mais depuis 2019, l’Afrique est secouée par de nouveaux coups d’Etat : « Mali (août 2020 et mai 2021), Guinée Conakry (septembre 2021), Burkina Faso (janvier 2022) … en moins de deux ans, quatre Présidents ouest-africains ont été renversés par des militaires. En février 2022, une tentative de coup d’Etat se solde par un échec en Guinée-Bissau. L’effet domino est presque évident, les raisons conjoncturelles et profondes le sont moins, mais sont bien là, derrière ces remakes qui virent au phénomène. Les observateurs scrutent, d’ailleurs, avec grand intérêt l’enchaînement avec lequel cette partie du continent africain a renoué avec les coups de force des militaires, après une période d’accalmie (…) »[15]. Depuis le début des années 2000, les puissances impérialistes occidentales sont progressivement évincées pour de nouveaux acteurs comme la Chine, la Turquie, l’Inde et la Russie. En raison des atrocités massives, de la corruption systémique et du pillage continu des puissances occidentales en Afrique, ces dernières sont de moins en moins appréciées. Pour autant, la présence chinoise est aussi peu appréciée (tout aussi envahissante et méprisante envers les Africains que ne l’étaient les occidentaux, sauf qu’au moins, leur pays se développe vraiment – même si l’impact sur l’environnement peut être néfaste sur le long terme -). Le pays étranger qui semble le plus apprécié en Afrique, est la Turquie, qui a multiplié les relations diplomatiques, commerciales, politiques et humanitaires, tout en apportant énormément d’aides humanitaires et médicales, en plus de renouer des liens avec d’anciens pays frères africains (relations islamiques ou historiques en lien avec l’empire Ottoman). La Turquie base son modèle sur un partenariat « gagnant-gagnant » et soucieux du bien-être du peuple autant que possible (avec certains gouvernements cela reste une chose difficile même si des négociations sont menées pour améliorer les conditions de vie générale)[16]. De même, l’intervention militaire turque en Libye – à la demande du gouvernement libyen de Tripoli – face aux forces du maréchal Haftar (criminel de guerre soutenu notamment par la France) a permis de sauver la vie de nombreux civils et d’éviter un bain de sang dans la capitale libyenne ainsi que l’instauration d’une junte militaire des plus brutales.

   Les horreurs – dont beaucoup ne sont toujours pas officiellement reconnues par la France – commises en Algérie méritent d’être relevées aussi : « Les réactions aux essais nucléaires menés par la France dans le sud de l’Algérie pendant la période coloniale se poursuivent malgré toutes les années passées. (…) Annonçant leurs réactions sous l’étiquette « Explosions nucléaires de la France », les utilisateurs des réseaux sociaux ont appelé la communauté internationale à révéler les crimes commis par la France dans les déserts d’Algérie. Dans les messages sur Twitter, les Algériens soulignent que les essais nucléaires de la France en Algérie ne seront jamais oubliés. Selon l’agent de sécurité Hosni Saïd, « les essais nucléaires de la France dans le désert ne sont pas un fait accompli et qu’elle doit payer pour les crimes commis ». Plusieurs années se sont écoulées depuis les événements, rappelle Saïd et ajoute ; « Nous ne savons toujours pas combien de personnes sont mortes ou ont été blessées dans les explosions lors des procès dans le désert. Je pense que la France cache toujours des documents pour cacher ses crimes ». Pour Ahmed Hami, pâtissier, « il y a de nombreux massacres dans l’histoire de la France en Algérie et pas seulement des explosions nucléaires dans le désert ». Hami indique que les Algériens devraient défendre leurs droits jusqu’au bout contre ce que la France a fait. La France a effectué son premier essai nucléaire dans le désert au sud de l’Algérie le 13 février 1960 et les essaies se sont poursuivis jusqu’en 1966. L’Algérie souhaite que l’emplacement des déchets nucléaires soit découvert et que des indemnisations soient versées aux victimes et aux personnes souffrant d’une incapacité permanente, mais la France rejette ces demandes. L’Algérie a commencé sa lutte pour l’indépendance le 1er novembre 1954, contre l’occupation française qui remonte à 1830. 1,5 million d’Algériens ont perdu la vie dans cette lutte de 8 ans, des millions de personnes ont été déplacées. La grande souffrance des Algériens est inscrite dans l’histoire comme la « tâche noire » laissée par la France lors de son retrait d’Afrique »[17].

   Alors que d’un côté l’UE dit s’inquiéter des droits humains en Chine, de l’autre côté : « L’UE, France en tête, veut signer l’accord d’investissements avec la Chine, sans attendre que Pékin interdise le travail forcé »[18].

   La France délivre souvent des légions d’honneur qualifiées de honteuses, décernées à des tyrans, des criminels de guerre, ou des personnalités dans le domaine de la santé qui ont mis en péril la vie et la santé de millions de français … Parmi les personnalités controversées, Shimon Peres en 1957 (célèbre homme d’État israélien, criminel de guerre, partisan du terrorisme d’Etat et de la colonisation en Palestine, et grand soutien en faveur de la guerre d’Irak de 2003 lors du Forum économique de Davos, où il déclare que « la guerre contre le terrorisme commence par Saddam Hussein et que la guerre en Irak serait une très bonne chose pour la reprise de l’économie mondiale »[19]), Ben Ali en 1989 (ancien président-dictateur tunisien laïc arrivé au pouvoir par un coup d’Etat), Bashar Al-Assad en 2001 (qui était déjà un dictateur avant les centaines de milliers de civils, les attaques chimiques et les destructions répétées contre des infrastructures civiles en Syrie depuis la révolution de 2011), Ali Bongo en 2010 (président du Gabon, accusé de fraudes électorales et surtout de violations répétées des droits humains ainsi que des meurtres de manifestants), le maréchal Abdel Fattah al-Sissi en 2020 (dictateur sanglant et traqueur de journalistes et d’opposants politiques, opposé aussi à la liberté journalistique et médiatique, et président égyptien par un coup d’Etat – appuyé par le gouvernement israélien et l’Occident – contre le seul président égyptien démocratiquement élu – Mohammed Morsi -). Agnès Buzyn en 2022 (ancienne ministre française de la Santé, condamnée pour mise en danger de la santé d’autrui) et Jean-François Delfraissy en 2022 (médecin et président du pseudo-Conseil scientifique Covid-19 piloté par le très décrié Olivier Véran ; et qui ont menti sur beaucoup de choses tout au long de la crise, dont la gravité des décès et dangers liés aux pseudo-vaccins)[20].

   Pour toutes ses raisons et bien d’autres, la France est la risée des pays « civilisés » depuis bien longtemps maintenant. Plus personne ne prend au sérieux le gouvernement français, plus même une partie du peuple français. Les Américains, les Allemands, les Britanniques, les Espagnols, les Italiens, les Chinois, les Australiens, les Suédois, les Russes, les Japonais, les Canadiens et même les Belges, par exemple, se moquent de ce qu’est devenue la France, désormais synonyme d’intolérance, d’obscurantisme, de décadence, d’aberrations en tous genres et de corruption politique. Beaucoup d’observateurs et analystes, l’appellent désormais : l’absurdistan.


[1] Implication dans des (tentatives de) génocides tels que les Juifs lors de la Shoah, les Tutsis au Rwanda, les Musulmans dans les Balkans, etc., et avant cela encore, les Amérindiens (entre 20 et 130 millions de morts par les « occidentaux », en comptant les victimes des épidémies et maladies causées par les massacres et maladies émanant de la présence occidentale.

[2] En 2020, les pays les plus pollueurs – ce qui cause de nombreux décès, malades et dégâts sur l’environnement et le monde du vivant -, étaient la Chine (30% des émissions mondiales ; avec les nombreuses multinationales occidentales qui y sont), les Etats-Unis (13,8 % du total mondial, mais proportionnellement plus pollueur que la Chine si on le ramène au nombre total d’habitants), l’Union européenne (7, 9%), l’Inde (7,1 %) puis la Russie et le Japon. Ce n’est qu’après tous ses pays, que l’on trouve quelques pays musulmans fort peuplés et industrialisés comme l’Iran, l’Arabie Saoudite ou l’Indonésie, aux côtés de la Corée du Sud.

“Quels sont les pays les plus pollueurs en matière de CO2 ?”, La Finance pour tous, 4 février 2022 : https://www.lafinancepourtous.com/outils/questions-reponses/quels-sont-les-pays-les-plus-pollueurs-en-matiere-de-co2/

[3] « En moins de trois décennies, les populations d’insectes ont probablement chuté de près de 80 % en Europe. C’est ce que suggère une étude internationale publiée mercredi 18 octobre par la revue PLoS One, analysant des données de captures d’insectes réalisées depuis 1989 en Allemagne ; elle montre en outre que le déclin des abeilles domestiques, très médiatisé par le monde apicole, n’est que la part émergée d’un problème bien plus vaste ». “En trente ans, près de 80 % des insectes auraient disparu en Europe”, Le Monde, 18 octobre 2017 : https://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2017/10/18/en-trente-ans-pres-de-80-des-insectes-auraient-disparu-en-europe_5202939_1652692.html

[4] Depuis 2019 essentiellement, la lutte féroce entre la Chine moderniste (athée et laïc, technocrate, matérialiste, consumériste, totalitaire et communiste) et l’Occident (décadent, laïc, consumériste, massacres en série, matérialiste et tendant vers le totalitarisme) illustre bien cette réalité : “Les nouveaux soldats de la Chine”, Arte, 11 février 2022 : https://www.youtube.com/watch?v=-gL6snFrUe0 ; Le gouvernement américain s’inquiète du fait de l’espionnage chinois via ses entreprises comme Huawei – risque potentiel il est vrai – mais les Etats-Unis le font déjà depuis des décennies, et à des fins criminelles. Pareil pour les autorités franco-britanniques qui s’inquiètent de leur perte d’influence alors qu’ils critiquent ceux qui étendent aussi leur influence – mais non-criminelle pour le moment – comme eux l’avaient fait (et tentent toujours de le faire – avec des dérives criminelles déjà bien documentées) -.

[5] “L’Afrique, poubelle des pays riches?”, TV5 Monde, 5 juin 2019 – 24 décembre 2021 : https://information.tv5monde.com/afrique/l-afrique-poubelle-des-pays-riches-303241

[6] “Des exportations de pesticides interdits « Made in Europe »”, SOS Faim, 17 novembre 2020 : https://www.sosfaim.be/des-exportations-de-pesticides-interdits-made-in-europe/

[7] Voir par exemple : “Haïti: ce qu’on ne vous dit pas !”, Rien ne va +, AJ+ français, 2 septembre 2021 : https://www.youtube.com/watch?v=Rz4AabjnDhk

[8] “Les dérives de l’aide française au développement”, Médiapart, 27 septembre 2021 :  https://www.mediapart.fr/journal/international/270921/les-derives-de-l-aide-francaise-au-developpement

[9] “Françafrique : 440 milliards d’Euros pillés par la France aux Africains…”, Mediapart, 2 novembre 2016 https://blogs.mediapart.fr/jecmaus/blog/021116/francafrique-440-milliards-deuros-pilles-par-la-france-aux-africains

[10] Février 2006 : http://www.coha.org/NEW_PRESS_RELEASES/Matt%20Ward/MW_Appendix_A.htm.

[11] Maurice Lemoine, “Entre le Guatemala et Israël, une histoire ancienne et pleine de sang”, Medelu,‎ 1 janvier 2018.

[12] Courrier international n°1169 du 28 mars au 3 avril, p. 28.

[13] Carine Frenk, “Qui a fait tuer Sankara ? Ouagadougou, l’ombre d’une main étrangère (3/6)”, Radio France internationale, 9 octobre 2017 : https://webdoc.rfi.fr/burkina-faso-qui-a-fait-tuer-sankara/chap-03/index.html

[14] “En Afrique, 200 coups d’État en 70 ans”, Radio Canada, 18 janvier 2019 : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1147040/coups-etat-putsch-afrique-amerique-sud

[15] “Les coups d’Etat se succèdent en Afrique de l’Ouest : L’hiver africain ? (Analyse)*”, AA, 7 février 2022 : https://www.aa.com.tr/fr/afrique/les-coups-detat-se-succ%C3%A8dent-en-afrique-de-louest-lhiver-africain-analyse/2495704

[16] “La Turquie est dans une logique de coopération “gagnant-gagnant” avec ses partenaires africains””, TRT, 26 janvier 2017 : https://www.trt.net.tr/francais/turquie/2017/01/26/la-turquie-est-dans-une-logique-de-cooperation-gagnant-gagnant-avec-ses-partenaires-africains-659240

[17] “Essais nucléaires de la France en Algérie: les réactions se poursuivent toujours malgré toutes les années passées”, TRT, 14 février 2022 : https://www.trt.net.tr/francais/afrique-asie/2022/02/14/essais-nucleaires-de-la-france-en-algerie-les-reactions-se-poursuivent-toujours-malgre-toutes-les-annees-passees-1778007

[18] “EU will not ask China to sign forced labor ban before ratifying investment deal, says French minister”, Politico, 12 janvier 2021 : https://www.politico.eu/article/frances-riester-eu-will-not-ask-china-to-sign-forced-labor-ban-before-ratifying-investment-deal/amp/

[19] Afsané Bassir-Pour, “Une marche vers la guerre jugée inéluctable par les autres participants”, Le Monde,‎ 27 janvier 2003 : https://www.lemonde.fr/archives/article/2003/01/27/une-marche-vers-la-guerre-jugee-ineluctable-par-les-autres-participants_306966_1819218.html

[20] “Agnès Buzyn décorée de la Légion d’honneur: l’opposition dénonce “une provocation””, BFMTV, 1 janvier 2022 : https://www.bfmtv.com/politique/agnes-buzyn-decoree-de-la-legion-d-honneur-l-extreme-droite-denonce-une-provocation_AD-202201010126.html


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