L’honneur du Prophète (ﷺ) et la question des Ahl ul Bayt

Depuis plusieurs années, la toile Internet connait de nouvelles polémiques autour de la question des Ahl ul Bayt, causant une nouvelle fracture au sein de la Communauté musulmane.

Pourquoi ? On pourrait imputer cela au Wahhabisme qui a occulté d’une part cette notion très importante, qui avait pourtant toujours été connue et valorisée, tant chez les sunnites (et notamment sûfis orthodoxes) que chez les shiites, et d’autre part, qui a idéalisé l’union à l’époque des Compagnons et minimisé certains événements (notamment la bataille du chameau avec Sayyida ‘Aîsha puis la bataille entre Mu’awiyya et Sayyidûna ‘Alî). Face à ce « déni », les hypocrites, charlatans et pseudo-révolutionnaires en tous genres sont sortis de leur « trou » pour s’en accaparer, instrumentaliser ces polémiques et manipuler les croyants pour mieux déverser leur haine et falsifier l’Histoire à leur tour, que ce soit chez des réformistes, des shiites rawafidhs ou des orientalistes, allant jusqu’à insulter, maudire et excommunier des épouses et proches Compagnons du Prophète (ﷺ) ainsi qu’une partie de ses enfants et de ses gendres. Si l’on prétend à la cohérence et au respect de l’honneur du Prophète (ﷺ), il faut être à la hauteur de ses prétentions, or ce n’est pas ce que l’on observe de leur part. Comme on le sait, quand on parle de « famille », cela englobe logiquement les épouses et les enfants en premier chef, ainsi que les parents, les cousin(e)s, les tantes et les oncles. Notre « honneur » comprend donc l’honneur et la dignité de nos épouses, de nos parents, de nos cousin(e)s, de nos tantes et de nos oncles, de nos neveux et de nos nièces. Pareillement, nos proches compagnons et amis font partie des gens dont l’honneur est sacré à notre sujet. Or, tous ceux qui s’en prendraient aux épouses, aux enfants ou aux autres proches du Prophète (ﷺ) ne sauraient se targuer de respecter son honneur ou de suivre fidèlement sa voie, puisque leur prétention s’oppose à leurs propos et actes infondés ou grossiers à l’encontre des bien-aimés du Prophète (ﷺ). De même, nous n’avons pas à inventer des dogmes ou à critiquer à la place du Prophète (ﷺ) ses proches, alors qu’il (ﷺ) a fait leur éloge, les a excusés (pour leurs erreurs ou négligences) et leur a confirmé la Promesse Divine du Salut et du Paradis.


Concernant la Tradition, là aussi, chacun la « découpe » selon ses passions et manque de cohérence dans leur approche. Car au-delà de la question de l’authentification des récits traditionnels, nous possédons une bonne vision d’ensemble, que le Qur’ân peut trancher et nuancer doctrinalement :

  • Le Qur’ân et la Tradition du Prophète (ﷺ) ont confirmé le rang éminent et particulier des Compagnons qui ont embrassé l’Islam, qui ont émigré et qui ont sacrifié leur bien et leur vie pour l’Islam, ce qui inclut donc les califes bien-guidés (Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Alî).
  • Le Qur’ân et la Tradition du Prophète (ﷺ) ont confirmé le rang éminent et particulier des épouses du Prophète (les « mères des croyants ») et des autres membres des Ahl ul Bayt.
  • Le Qur’ân et la Tradition du Prophète (ﷺ) ont précisé qu’ils étaient nos guides et que nous devions les respecter, mais qu’ils n’étaient pas infaillibles et qu’ils pouvaient commettre des erreurs, des négligences et des péchés, et qu’il faut avant tout suivre le Qur’ân et la Sunnah puis leurs avis et leurs exemples dans leur conformité aux 2 sources scripturaires. La Tradition rapporte ce genre d’événements de la part de Abû Bakr, de ‘Alî, de ‘Umar, de Fatima, de ‘Aîsha, de Hafsa, etc., à savoir le fait d’avoir désobéi au Prophète (ﷺ) ou d’avoir commis des erreurs que le Prophète (ﷺ) corrigea, mais où leurs intentions n’étaient pas malveillantes et découlaient d’une bonne intention de leur part (défendre l’honneur du Prophète (ﷺ) ou le ménager alors qu’il souffrait, comme Abû Bakr, ‘Umar et ‘Alî par exemple, ou par un « excès » de jalousie comme dans le cas de ‘Aîsha par exemple).
  • Les Califes bien-guidés ont toujours honoré, protégé et valorisé les épouses du Prophète (ﷺ) et les autres membres de sa famille, dont ‘Alî, Fatîma, Hassân, Hussayn et Zaynab. Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân leur donnèrent des responsabilités politiques, scientifiques, spirituelles et religieuses importantes et les privilégiaient sur leurs propres enfants ou frères/sœurs, et ont assuré leur protection. Notre maître ‘Umar arrangea d’ailleurs le mariage entre l’imâm Hussayn (as) qu’il affectionnait beaucoup, et Sharh Banu, la fille du dernier empereur perse, et dont l’union donnera la lignée des « 12 imâms » avec l’imâm As-Sajjâd (as) – ‘Ali Zayn ul Abidîn -.
  • Le Qur’ân et la Tradition du Prophète (ﷺ) insistent sur le fait de suivre le Qur’ân, la Sunnah et le respect envers les membres de sa « Famille », en ce sens, nous trouvons des récits complémentaires disant : « Suivez le Qur’ân (ce qui vous évitera l’égarement) », « Suivez le Qur’ân et ma Sunnah », « Suivez le Qur’ân et prenez soin des membres de ma Famille (ce qui vous préservera de l’égarement », « Suivez et respectez mes (nobles) Compagnons après moi », etc., tous possèdent des chaines authentiques et sont conformes aux injonctions qurâniques, n’en déplaisent aux falsificateurs et aux ignorants.
  • Il existe de nombreux récits où des personnalités comme Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Aîsha font l’éloge de l’imâm ‘Alî et de Sayyida Fatima ainsi que de leurs enfants, et on trouve la même chose de la part de l’imâm ‘Alî, de Sayyida Fatima, de l’imâm Hassân et de l’imâm Hussayn, faisant l’éloge de nos maîtres Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Aîsha, dans des récits mutawatir, à l’instar de nombreux témoignages élogieux et d’amour du Prophète (ﷺ) envers Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, ‘Aîsha, Khadija, Umm Salama, ‘Alî, Fatima, Hassân, Hussayn, Zaynab, etc., et dont le Qur’ân entérine et confirme cette Satisfaction et ces éloges. Cela n’exclut pas l’existence de divergences entre eux, où selon les moments, Hassân divergea avec son père ‘Alî et son frère Hussayn, où ‘Alî s’opposa à des avis défendus par Fatima et vice-versa, où ‘Umar divergea avec Abû Bakr, où Abû Bakr divergea avec sa fille ‘Aîsha, etc., mais où aussi l’imâm ‘Alî soutint de nombreuses positions de nos maîtres Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân et où ces derniers cherchèrent souvent le conseil ou l’approbation de l’imâm ‘Alî, etc. De même, chez les descendants de l’imâm Hussayn, il y avait des divergences par exemple entre l’imâm Muhammad al-Bâqir et son frère Zayd Ibn ‘Alî, – pourtant 2 immenses sommités intellectuelles et religieuses connues pour leur profonde piété -, mais tous reconnurent l’orthodoxie et le rang éminent de Abû Bakr, de ‘Umar, de ‘Uthmân et de ‘Aîsha et se désavouaient de quiconque disait du mal d’eux, les calomniait ou les excommuniait, puisque l’épouse de l’imâm Al-Bâqir était une descendante d’Abû Bakr, et que son fils l’imâm Jâ’far descendait par 2 voies de Sayyidûna Abû Bakr et fut éduqué par la « maison Siddiqiyya » (de la famille d’Abû Bakr As-Siddiq et de ‘Aîsha bint As-Siddiq) ainsi que par la « maison alide » (de l’imâm ‘Alî et de sa descendance). L’imâm ‘Alî donna aussi sa fille Umm Kulthûm en mariage à ‘Umar, et ce dernier offrit plusieurs terres à l’imâm ‘Alî, et privilégia les Ahl ul Bayt aux propres membres de sa famille.
  • On peut trouver des récits étranges qui semblent contredire cela, mais ce sont des récits isolés, singuliers et généralement faibles ou apocryphes, qui ne sauraient prévaloir sur le Qur’ân, la Sunnah mutawatir, l’enseignement des Ahl ul Bayt et des Awliya (comme Ibn ‘Arabî, Farid ud-Dîn Attâr, Jalâl ud-Dîn Rûmî et Najm ud-Dîn Kubrâ pour ne citer qu’eux) qui confirment leur bonne entente générale et leur rang éminent.
  • Concernant les batailles qui ont opposé certains Compagnons et Ahl ul Bayt, on sait qu’ils ont eu lieu et que la plupart était animé par de bonnes intentions mais que certains ont manqué de clairvoyance, que d’autres étaient plus dans leur droit, que certains se sont éloignés du conflit et ont préféré être « neutre », et que d’autres furent trompés par des hypocrites et des manipulateurs. On sait aussi que tous les Compagnons n’avaient pas le même rang ni les mêmes mérites, mais au-delà de ça, cela devient de l’histoire et il existe beaucoup de récits incomplets, faux, exagérés ou décontextualisés d’un côté comme de l’autre, et en l’absence de preuves catégoriques, Allâh nous demande de suspendre notre jugement, d’invoquer le Pardon divin pour tous ceux qui nous ont précédé dans la foi et que Lui seul jugera leurs différends issus d’une époque désormais révolue pour nous, et Il nous jugera sur notre époque à nous et ce que nous avons fait… On sait aussi que dans la bataille opposant ‘Alî et Mu’awiyya, que l’imâm ‘Alî était dans son droit légitime, mais que son propre frère ‘Aqil rejoignit le camp de Mu’awiyyâ, et que le frère de Mu’awiyya rejoignit quant à lui le camp de l’imâm ‘Alî, et que malgré cela, l’imâm n’a pas fait leur takfir mais les a combattu en raison de leur transgression conformément à la Loi qurânique. Les Sahaba et les Ahl ul Bayt étaient donc divisés et se retrouvaient dans les 2 camps qui s’affrontaient (de même pour l’événement dit de la « calamité du jeudi » où on trouvait des Ahl ul Bayt qui avaient pris le parti de ‘Umar, qui voulait ménager le Prophète (ﷺ) en voyant sa grande souffrance), montrant ainsi la complexité des choses, loin des caricatures et visions simplistes des « ennemis » des Sahaba et des « faux-prétendants » à l’amour des « Ahl ul Bayt ». Par conséquent, n’étant pas des témoins directs de ces événements, et ne possédant pas d’éléments certains et catégoriques pour trancher avec exactitude, c’est la Parole divine qui doit définir notre position.
  • Quand nous disposons de nombreux versets du Qur’ân, ahadiths prophétiques indépendants les uns des autres et possédant une traçabilité bonne ou authentique, de la mémoire historique de la collectivité ayant une bonne appréciation des personnalités historiques comme les Compagnons et les Ahl ul Bayt, que les dévoilements spirituels et l’inspiration divine des Saints confirment leur orthodoxie, leurs mérites et leur rang éminent, et que le bien prédomine clairement sur le mal, et qu’ils sont connus comme étant des gens vertueux, sincères et braves, alors le bénéfice du doute et la rationalité impliquent de les considérer avec bienveillance et estime, et de ne pas prêter attention aux récits douteux, faibles et isolés à leur sujet, car soit ils ont commis une erreur ou un péché (c’est une possibilité) soit ces récits sont faux et peuvent être expliqués ou excusés et cela n’annule nullement leurs mérites et bonnes œuvres, surtout quand dans l’ensemble, Allâh fait leur éloge dans le Qur’ân et les promet au Paradis. Imaginons que nous connaissions un voisin depuis des décennies, nous témoignons de sa piété et de sa générosité qui caractérisent sa personnalité. Maintenant, une personne inconnue ou malfamée affirme que notre voisin a commis une turpitude abominable mais nous ne sommes pas témoins de cela et personne d’autre ne peut prouver son accusation. L’Islam exige dès lors de ne pas cautionner cette accusation sans preuve, car d’une part nous connaissons notre voisin comme étant quelqu’un de globalement bien, et l’inconnu comme étant une personne que l’on ne peut pas croire sur parole, nous ne pouvons pas donner la prééminence à sa parole sur ce que nous savons de notre voisin. Rationnellement cependant, il est possible que notre voisin commette un péché, – c’est possible – mais même si c’est le cas, d’une part nous ne pouvons pas l’accuser ou corroborer l’accusation sans preuve, et d’autre part, s’il était avéré qu’il avait commis cette turpitude, cela est à mettre sur un « caractère accidentel » qui n’annule ni sa personnalité générale ni ses bonnes œuvres, de sorte que ses péchés ne prédominent pas dans sa personnalité, – globalement dominée par la gentillesse et la générosité -. Ce n’est que lorsque les mauvais penchants et mauvais caractères prédominent dans une personnalité, – au point d’en constituer la tendance naturelle et prédominante – que l’on peut qualifier quelqu’un de foncièrement mauvais. Les mises en garde dans le Qur’ân à ce sujet sont nombreuses : « Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair [de crainte] que par inadvertance vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait » (Qur’ân 49, 6). Il y a des gens pervers, dont l’intention et le but sont malveillants, peu importe le contenu de ce qu’ils diffusent (une calomnie, une vérité qui ne devait pas être dévoilée, ou une information qui ne concernait pas du tout la personne à qui l’information a été communiquée), et ce, dans le but de provoquer la fitna (tentation, trouble, désordre, tension, …). Face à ces personnes, la vigilance est de mise, car même si certaines informations peuvent être fondées, souvent, elles sont mélangées avec des omissions, des mensonges ou des citations hors-contextes. Et il suffit malheureusement de répéter ce qui a été dit, sans prudence ni clairvoyance, pour alimenter le mal et la fitna. Même pour les gens sincères, ils ne sont pas à l’abri des malentendus ou des mauvais renseignements que l’on leur donne. Quant à la calomnie, surtout si elle vise des femmes dont le comportement est noble et tourné vers la chasteté, le Qur’ân condamne clairement cette attitude, s’apparentant à un grand péché abominable : « Ceux qui lancent des accusations contre des femmes vertueuses, chastes [qui ne pensent même pas à commettre la turpitude] et croyantes sont maudits ici-bas comme dans l’au-delà ; et ils auront une énorme correction » (Qur’ân 24, 23). En effet, nuire volontairement à la réputation d’une femme chaste, en inventant des choses fausses sur elle (comme la fornication, l’adultère, etc.) possède des conséquences terribles, pouvant aller jusqu’au divorce, au suicide, au meurtre, aux tensions au sein de la famille, etc. La calomnie est le fait d’inventer des mensonges (ou de colporter des mensonges ou choses douteuses et incertaines propagées par d’autres) sur le dos d’une personne qui en est innocente. Allâh dit encore : « Et n’obéis à aucun grand jureur, méprisable, grand diffamateur, grand colporteur de médisance, grand pécheur, … » (Qur’ân 68, 10-12). Pour la médisance, il s’agit de dévoiler des choses vraies (péchés, erreurs, défauts, …) d’une personne à d’autres personnes, afin d’en manifester les défauts et de nuire ainsi à son image. Mais parfois cela peut se faire inconsciemment, sans que le but soit de nuire à son image, mais juste pour informer une personne d’un fait, alors que ce n’est pas nécessaire et qu’il n’y avait pas de danger. Allâh dit : « … et ne médisez pas les uns des autres … » (Qur’ân 49, 12). Selon la pédagogie islamique, même lorsque l’on subit une injustice (ou que l’on pense à tort avoir subi une injustice), il ne faut pas tomber non plus soi-même dans la calomnie, la médisance et l’injustice, en alimentant la fitna, en impliquant d’autres personnes dans cette vengeance, et en semant la corruption au sein des familles, des amies ou des communautés, car cela peut vite dégénérer. En cas de différend, il est préférable de régler cela en privé, en jouant cartes sur table, et en tentant de réconcilier les différentes personnes impliquées dans le conflit jusqu’à ce que tous soient apaisés ou satisfaits des solutions et conditions évoquées. Allâh dit dans le Qur’ân : « La bonne action et la mauvaise (action) ne sont pas pareilles. Repousse (le mal) par ce qui est meilleur (le bien) ; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. Mais (ce privilège) n’est donné qu’à ceux qui endurent et il n’est donné qu’au possesseur d’une grâce infinie. Et si jamais le Diable t’incite (à agir autrement), alors cherche refuge auprès d’Allâh ; c’est Lui, vraiment l’Audient, l’Omniscient » (Qur’ân 41, 34-36). Il est dit encore dans le Qur’ân : « Tout ce qui vous a été donné [comme bien] n’est que jouissance de la vie présente; mais ce qui est auprès d’Allâh est meilleur et plus durable pour ceux qui ont cru et qui placent leur confiance en leur Seigneur, qui évitent [de commettre] les péchés les plus graves ainsi que les turpitudes, et qui pardonnent après s’être mis en colère, qui répondent à l’appel de leur Seigneur, accomplissent la Ṣalât, se consultent entre eux à propos de leurs affaires, dépensent de ce que Nous leur attribuons, et qui, atteints par l’injustice, ripostent. La sanction d’une mauvaise action est une mauvaise action [une peine nécessaire] identique. Mais quiconque pardonne et réforme, sa récompense incombe à Allâh. Il n’aime point les injustes ! Quant à ceux qui ripostent après avoir été lésés, …ceux-là pas de voie (recours légal) contre eux ; Il n’y a de voie [de recours] que contre ceux qui lèsent les gens et commettent des abus, contrairement au droit, sur la terre : ceux-là auront une correction douloureuse. Et celui qui endure et pardonne, cela en vérité, fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires » (Qur’ân 42, 36-43). Comme le dit Allâh dans le Qur’ân : « Il n’y a rien de bon dans la plus grande partie de leurs conversations secrètes, sauf si l’un d’eux ordonne une charité, une bonne action, ou une conciliation entre les gens. Et quiconque le fait, cherchant l’agrément d’Allâh, à celui-là Nous donnerons bientôt une récompense énorme » (Qur’ân 4, 114). Allâh dit en effet : « Et entraidez-vous dans la vertu et dans la piété, et ne vous entraidez pas dans le péché ni dans la transgression (et la haine). Prenez (donc) pieusement garde à Allâh » (Qur’ân 5, 2). Et si nous appliquons ces principes qurâniques et rationnels, alors nous devons approuver la Parole divine et faire l’éloge des nobles Compagnons, des épouses et des proches du Prophète (ﷺ). Ceux qui les maudissent et les dénigrent sont des transgresseurs qui contredisent la Parole divine à de nombreux égards, puisqu’ils contredisent déjà la Parole divine dans la Satisfaction divine à l’égard des Compagnons et des épouses du Prophète, puis dans le fait qu’ils croient aux récits douteux (contredisant le Qur’ân) qui ont été colportés pour les dénigrer. Et enfin, ils passent leur temps à les maudire, les insulter ou les excommunier alors qu’Allâh et Son Messager ne l’ont pas demandé, – ce qui serait déjà détestable en soi s’il s’agirait vraiment de criminels – mais pire quand ce sont les Bien-aimés d’Allâh, salissant ainsi leur bouche (ceux qui les maudissent et les dénigrent) au lieu d’être dans le Rappel d’Allâh (le Dhikru-Llâh) et les bonnes œuvres, et de vivifier leur foi par les belles vertus et les bonnes actions. De même, nous trouvons dans la Sûrate 49 du Qur’ân cet appel à la fraternité et à la concorde : « Et si 2 groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l’un d’eux se rebelle contre l’autre, combattez le groupe qui se rebelle, jusqu’à ce qu’il se conforme à l’ordre d’Allâh. Puis, s’il s’y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Allâh aime les équitables. Les croyants ne sont que des frères. Etablissez la concorde entre vos frères, et craignez Allâh, afin qu’on vous fasse miséricorde. Ô vous qui avez cru ! Qu’un groupe ne se raille pas d’un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que « perversion » lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là sont les injustes. Ô vous qui avez cru ! Evitez de trop conjecturer [sur autrui] car une partie des conjectures est péché. Et n’espionnez pas ; et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? (Non !) vous en aurez horreur. Et craignez Allâh. Car Allâh est Grand Accueillant au repentir, Très Miséricordieux ». Nous avons cité par ailleurs plusieurs versets évoquant les qualités des Compagnons, et nous en citerons d’autres.

Sur les croyants qui nous ont précédé, Allâh a dit :

 « Et [il appartient également] à ceux qui sont venus après eux en disant : « Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos frères et soeurs qui nous ont précédés dans la foi ; et ne mets dans nos coeurs aucune rancoeur pour ceux qui ont cru. Seigneur, Tu es Compatissant et Très Miséricordieux » » (Qur’ân 59, 10).
L’erreur et le péché pouvant toucher tout le monde, Allâh nous dit : « Et repentez-vous tous devant Allâh » (Qur’ân 24, 31), de même qu’Il a dit : « et implore le pardon pour ton péché, ainsi que pour les croyants » (Qur’ân 47, 19), tout comme Il nous rappelle ceci : « Voilà une génération bel et bien révolue. A elle ce qu’elle a acquis, et à vous ce que vous avez acquis. On ne vous demandera pas compte de ce qu’ils faisaient » (Qur’ân 2, 134).

Sur les épouses du Prophète et les autres membres de sa famille : « Le Prophète a plus de droit sur les croyants qu’ils n’en ont sur eux-mêmes, et ses épouses sont leurs mères (aux croyants) » (Qur’ân 33, 6).

« Ô femmes du Prophète ! Vous n’êtes comparables à aucune autre femme (…) ô vous, les Gens de la Maison (ahl ul bayt) ! Allâh veut seulement éloigner de vous la souillure, et vous purifier totalement » (Qur’ân 33, 32-33). Les versets antérieurs ne parlent que des femmes du Prophète, donc elles sont les premières concernées par cette qualification (de ahl ul bayt).

« Les mauvaises [femmes] aux mauvais [hommes], et les mauvais [hommes] aux mauvaises [femmes]. De même, les bonnes [femmes] aux bons [hommes], et les bons [hommes] aux bonnes [femmes]. Ceux-là sont innocents de ce que les autres disent. Ils ont un pardon et une récompense généreuse » (Qur’ân 24, 26).

Sur les mérites des Compagnons : « Est-ce que celui qui, aux heures de la nuit, reste en dévotion, prosterné et debout, prenant garde à l’au-delà et espérant la miséricorde de son Seigneur… Dis : « Sont-ils égaux, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? ». Seuls les doués d’intelligence se rappellent » (Qur’ân 39, 9).


« Les tout premiers (croyants) parmi les Emigrés et les Auxiliaires et ceux qui les ont suivis dans un beau comportement, Allâh les agrée, et ils l’agréent. Il a préparé pour eux des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, et ils y demeureront éternellement. Voilà l’énorme succès ! »
(Qur’ân 9, 100)


« Allâh a très certainement agréé les croyants quand ils t’ont prêté le serment d’allégeance sous l’arbre. Il a su ce qu’il y avait dans leurs coeurs, et a fait descendre sur eux la quiétude … »
(Qur’ân 48, 18).


« On ne peut comparer cependant celui d’entre vous qui a donné ses biens et combattu avant la conquête… ces derniers sont plus hauts en hiérarchie que ceux qui ont dépensé et ont combattu après. Or, à chacun, Allâh a promis la plus belle récompense, et Allah est Grand Connaisseur de ce que vous faites »
(Qur’ân 57, 10).


« Alors, s’ils croient à cela même à quoi vous croyez, ils seront certainement sur la bonne voie. Et s’ils s’en détournent, ils seront certes dans le schisme ! Alors Allâh te suffira contre eux. Il est l’Audient, l’Omniscient »
(Qur’ân 2, 137).


« Tu les vois inclinés, prosternés, recherchant d’Allâh grâce et agrément. Leurs visages sont marqués par la trace laissée par la prosternation »
(Qur’ân 48, 29).


« Il est, parmi les croyants, des hommes qui ont été sincères dans leur engagement envers Allâh. Certains d’entre eux ont atteint leur fin, et d’autres attendent encore; et ils n’ont varié aucunement (dans leur engagement) »
(Qur’ân 33, 23).


« Leur Enseigneur alors les exauça : « Parmi vous, homme ou femme, Je ne laisse pas perdre l’oeuvre de qui agit : vous êtes issus les uns des autres. Aussi, Je ferai sûrement disparaitre les méfaits de ceux qui ont émigré, et qui ont été expulsés de leurs demeures, et qui ont été persécutés dans Mon sentier, et qui ont combattu, et qui ont été tués. Et sûrement Je les ferai pénétrer dans des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, comme récompense venant d’Allâh » (Qur’ân 3, 195).

Qui sont compris dans les « Ahl ul Bayt » ? Logiquement et qurâniquement, les épouses, enfants et cousin(e)s, tantes/oncles du Prophète (ﷺ). La Sunnah confirme cela aussi.
A ce titre, citons le hadîth suivant rapporté par Umm Salama, l’épouse du Prophète (ﷺ) : « Le Messager d’Allâh a rassemblé ‘Alî, Hassân et Hussayn sous son manteau et a invoqué Allâh puis dit : « Ceux-là sont (aussi) les gens de ma maison (Ahl ul bayti) ». Umm Salama demanda : « Est-ce que j’en fais partie ? ». Le Prophète lui dit : « Tu fais partie de ma famille » ». (Rapporté par At-Tabarî dans son Jâmi’ Al-Bayân ‘an ta’wil ayat Al-Qur’ân n°26170, selon Abû Kurayb qui rapporte de Khalîd ibn Makhnaf, de Mûsâ ibn Ya’qûb, de Hashim ibn Hashim ibn ‘Utba ibn Abi Waqass, de ‘Abdillah ibn Wahb ibn Zam’a qui rapporte de Umm Salama, l’épouse du Prophète).

Et toujours selon Umm Salama : « Que le Messager d’Allâh a rassemblé Fâtima, Hassân, Hussayn et les a fait entrer sous son manteau et dit : « Ô Allâh, ceux-là sont les gens de ma maison ». Umm Salama demanda : « Ô Messager d’Allâh, fais-moi entrer avec eux ! ». Le Prophète lui dit : « Tu fais partie de ma famille » » (Rapporté par At-Tabarânî dans son Al-Mu’jam Al-Kabir n°2597).

Et dans une autre version : « Umm Salama demanda : « Ô Messager d’Allâh, ne suis-je pas une membre de Ahl ul bayt ? ». Le Prophète dit : « Mais si ». Umm Salama entra alors sous le manteau après l’invocation du Messager d’Allâh concernant les 4 » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad, par At-Tahawî dans le Sharh de Mushkil al Athar n°770).

D’après l’avis le plus solide, les ahl ul bayt du Prophète sont ceux auxquels l’aumône est interdite, à savoir ses épouses, sa descendance et tout musulman ou musulmane de la descendance de ‘abd Al-Muttalib, c’est-à-dire les enfants de Hâshim fils de ‘Abd Manâf. L’imâm Ibn Hazm a dit dans son livre Jamharatu ansâb al-‘arab (p. 14) : « Hâshim b. ‘Abd Manâf a eu comme garçon Shayba qui est ‘Abd Al-Muttalib. La branche issue de «’Abd Al-Muttalib est la branche noble et c’est la seule qui reste de sa descendance puisqu’il ne reste de descendants de Hâshim que ceux de son fils ‘Abd Al- Muttalib ». Ibn Hazm retrace la lignée de ‘abd Al-Muttalib, tout comme Ibn Qudama dans son at-tabyîn fî ansâb al-qurashiyyîn (p.76), Ibn Hajar dans son Fath ul-Bârî (7/78-79) et Ibn Taymiyya dans son Minhâj as-Sunnah (7/304-305). La preuve que les fils de ses oncles font partie des ahl al-bayt est un hadith, qui se trouve dans le Sahîh de Muslim (n°1072), et qui relate que ‘Abd Al-Muttalib, fils de Rabî’a b. Al-Hârith, fils de ‘Abd Al-Muttalib et Al-Fadl b. ‘Abbâs sont allés voir le Messager d’Allâh pour lui demander de les nommer comme percepteurs de l’aumône afin d’en recevoir une partie pour pouvoir se marier.

En revenant au Qur’ân, on se rend compte que l’amour et le respect envers les épouses, la famille et la descendance du Prophète (ﷺ) sont une obligation, de même pour les Compagnons comme Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân, que le Qur’ân place parmi les Compagnons de la droite, et enfin, que le dogme de l’infaillibilité des « 12 imâms » n’a aucun fondement qurânique et qu’il ne saurait donc faire partie des conditions ou des fondements de la foi. Les Ahl ul Bayt eux-mêmes.

En effet : « J’ai demandé à ‘Umar ibn ‘Alî et à Al Hussayn ibn ‘Alî les oncles de Jâ’far (as-Sâdiq) : « y’a t’il parmi vous Ahl al bayt une personne envers qui l’obéissance est obligatoire, qui lui est reconnue cette qualité et que quiconque ne lui reconnait pas cette qualité alors il meurt de la mort de la jahiliyyah ? ». Les deux ont dit : « Non, par Allâh, il n’y a pas cela chez nous, et quiconque affirme que ceci existe chez nous est un menteur ». J’ai dit à ‘Umar ibn ‘Alî : « qu’Allâh te fasse miséricorde, il est dit que vous prétendez que le Prophète a désigné ‘Alî comme successeur puis que ‘Alî a désigné Al Hassân, puis qu’Al Hassân a désigné Al Hussayn, puis qu’Al Hussayn a désigné ‘Alî ibn Al Hussayn puis que ‘Alî ibn al Hussayn a désigné Muhammad ibn ‘Alî comme successeur … ». Alors il a dit : « Par Allâh mon père (‘Alî ibn al Hussayn) est mort et n’a pas laissé en succession 2 mots ! Qu’Allâh les combatte (…) ». (Rapporté par Ibn Sa’d dans al-Tabaqât al-Kubrâ 5/324 d’après Muhammad ibn ‘Asim (le grand imâm, l’exemple, le pieux, le fiable) qui rapporte de Shababah ibn Suwar (l’Imâm, le Hafidh, la preuve) qui rapporte de al Fudayl Ibn Marzûq (le muhhadith véridique allié de la famille du Prophète).

Toutefois, parmi les Ahl ul Bayt, chacun et chacune possède ses mérites particuliers (les épouses du Prophète sont les « mères des croyants », la famille de ‘Alî et de Fatima sont les « Ahl ul Kissâ », etc.).

Le Qur’ân qualifie toutes les épouses du Prophète (ﷺ) de mères des croyants et de femmes incomparables, de même qu’elles sont louées et agréées dans le Qur’ân parmi les proches du Prophète (ﷺ) et ceux qui l’ont soutenu, qui ont accompli de bonnes œuvres, qui ont émigré avec lui et qui ont renoncé à une vie de luxe, de richesse et de mondanités. Tout en étant des femmes exceptionnelles, – ascètes, vertueuses, généreuses, endurantes, intelligentes, érudites et équitables -, elles pouvaient aussi manifester des comportements naturels et humains comme la jalousie ou l’erreur, – ce que les personnes égarées et remplies de haine et de vilénie qui les dénigrent manifestent aussi mais à un degré bien plus sombre et extrême -.
Pour toutes ses raisons, elles sont incomparables et aucune femme après elles ne peut atteindre leur rang sous ce rapport, même si elles peuvent être des Saintes et des Rapprochées d’Allâh.

Allâh dans le Qur’ân ordonne aussi aux croyants de respecter leur propre mère, de ne pas hausser la voix contre elle, de ne pas la dénigrer ni de lui manquer de respect.
Que dire alors pour celles qui sont les mères de l’ensemble des croyants et de ceux qui prétendent aimer le Prophète (ﷺ) et suivre son message, mais qui manquent de respect à celles (et ceux) qu’il a aimées, qui ont partagé sa vie et qui l’ont soutenu ?

Le Qur’ân récuse donc toute personne manquant non seulement de respect aux femmes en tant que telles, – qu’Allâh loue dans le Qur’ân -, mais aussi et surtout à ceux qui dénigrent les épouses du Prophète (ﷺ) qui sont nos mères, et qui sont donc, après le Prophète (ﷺ), nos modèles ainsi que les filles du Messager d’Allâh (ﷺ) qui sont Ruqayya (épouse de Sayyîduna ‘Uhtmân), Umm Kulthûm
(épouse de Sayyîduna ‘Uhtmân), Zaynab (épouse de sahabi Abû al-Âs ibn al-Rabi), et Fatima az-Zahra (épouse de Sayyidûna ‘Alî).

Il n’est donc pas possible de réaliser l’Amour d’Allâh et de Son Messager (ﷺ) si on les contredit et si on porte atteinte à son honneur en méprisant ou en haïssant ses épouses, ses nobles compagnons ou sa parenté.

Au final que nous reproche-t-on, sinon de ne pas être d’accord avec ceux qui manquent d’adab et qui contredisent ouvertement la Parole divine et les inspirations spirituelles…Et préciser que les propos d’untel sont mensongers ou erronés, preuves à l’appui. A-t-on donc encore le droit de répondre à l’Appel divin, de réfléchir et de réfuter les calomnies qui ciblent des personnalités aimées du Prophète (ﷺ) qui sont décédées il y a de cela plus de 1300 ans. Peut-on se ranger encore du côté des Saints et de l’adab qu’ils manifestaient à l’égard des Bien-aimés d’Allâh ?

Ne doit-on pas défendre la Vérité et l’honneur des gens qui sont injustement attaqués et calomniés, plus encore s’il s’agit des Bien-aimés d’Allâh et des proches du Prophète (ﷺ) ?

Qui sont donc les vrais partisans des Ahl ul Bayt ? Ceux qui les respectent en totalité tout en suivant l’adab islamique, ou ceux qui maudissent certains d’entre eux, qui s’en prennent aux compagnons bien-aimés du Prophète Muhammad (ﷺ) et qui s’opposent aux propres enseignements des Ahl ul Bayt ?


Nous avons aussi le témoignage précieux d’un ancien shaykh shiite, ayant embrassé le tasawwuf pour se conformer à la voie spirituelle des grands imâms des ahl ul bayt. Nûruddîn Abdurrahmân al Isfarâyinî (1242-1317), un maître spirituel iranien (persan), qui a choisi le sunnisme malgré que son maitre fut shiite explique bien la distinction dans son livre (Traité de sûfisme) entre l’imam Jâ’far et le shiisme duodécimain, il dit dans sa troisième lettre à Dastjirani : « Comme c’est dans l’imam Jâ’far que nous trouvons véritablement les deux sortes de descendance (du Prophète ()) à savoir celle de l’esprit et celle de la silhouette (le corps), celle de l’âme et du coeur conjoint à celle du corps, c’est à lui que revient la préséance. Toutefois Allâh est Omniscient. Mais si cela devait servir de prétexte pour préférer les shiites aux sunnites, alors non ! L’imâm Jâ’far lui-même, voir ‘Alî et même le Prophète Muhammad () seraient dégoûtés d’eux ! D’où peut-on savoir que le madhab shiite [ndt : celui que les shiites appellent l’école jafarite] fut celui de l’imam Jâ’far ? Si les traditions alléguées pour le prouver étaient authentiques alors tous les grands sûfis auraient dû être shiites depuis Ma’rûf, Junayd, Abû Ali Katib, Ahmad Ghazâlî, Abû Najib (Suhrawardi) [ndt : et même les imams Abû Hanifa, Mâlik et Sûfyan at-Thawrî qui étaient ses disciples directs] jusqu’à Najm ud-din Kubra et nous-même parce que notre Tariqa remonte sans interruption de Ma’rûf à Jâ’far (As-Sâdiq) et de Jâ’far au Prophète () ».

Il voit donc le tasawwuf authentique comme le vrai parti du Prophète et des ahl ul bayt (que la Paix Divine soit sur eux tous).

Le tasawwuf représente le khalifah du bâtin (intérieur) de la chaîne spirituelle du Prophète (ﷺ), – passant généralement par l’imâm ‘Alî, Abû Bakr et Salmân al-Farisî -, tout en reconnaissant la chaîne du Zahir (extérieure politique) et les califats de Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân (et dont ‘Alî fut leur soutien et leur conseiller), et plus tard ‘Alî ; de même ils reconnaissent et aiment tous les compagnons vertueux.

En fait, la transmission spirituelle des Ahl ul-Bayt, les Gens de la Demeure Prophétique (qu’Allâh les agrée) est très présente dans le Tasawwuf.

Les premiers maîtres avaient souvent plusieurs chaînes de transmission. Ainsi, notre maître Ma`rûf al-Karkhî (qu’Allâh l’agrée) possédait une transmission qui remontait à Sayyidunâ `Alî (‘alayhî salâm) passant par Dawûd at-Ta`î, al-Habîb al-`Ajamî, al-Hasan al-Basrî (qui fut le disciple de l’imâm ‘Alî, tout en étant aussi très respectueux vis-à-vis du calife ‘Umar ibn al-Khattâb qui lui avait fait une invocation afin qu’il devienne une personne vertueuse), et une autre qui passait par : `Alî ar-Ridâ, Mûsâ Kazîm, Ja`far as-Sâdiq, Muhammad al-Baqîr, `Ali Zayn al-`abidîn, al-Hussayn (qu’Allâh les agrée tous).

Il était en effet un serviteur affranchi de notre maître `Alî Ridâ. Sa chaîne spirituelle abouti ensuite à des grands pôles comme Sayyidunâ `Abd al-Qadîr al-Jîlânî (qui descendait de l’imâm ‘Alî) ou Shihâb ad-Dîn as-Suhrawardî (le maître spirituel).

Citons le Shaykh Al-Akbar Muhyî-d-Dîn Ibn ‘Arabî au chapitre 55 de ses Futûhât al-Makkiyya concernant les suggestions sataniques (al-khawâtir as-shaytâniyya) : « Si Allâh ne nous faisait saisir les sagesses qui s’y (fîhâ) trouvent incluses

Tu estimerais cette réalité hors de la portée de la pensée et des aspirations (himam).

Elle est si subtile que même les Paroles synthétiques (jawâmi’u-l-kalim) ne sauraient te l’exprimer !

Les pensées qui affleurent la conscience (khawâtir) ne peuvent être que de 4 sortes : d’origine seigneuriale (rabbânî), angélique (malakî), psychique (provenant de la nafs) ou satanique ; il n’en existe pas d’autres.

Nous avons déjà traité de la connaissance des pensées qui affleurent à la conscience, que ce soit ici ou dans nos autres ouvrages mais, dans ce chapitre, nous traiterons plus particulièrement des pensées d’origine satanique.

Diverses catégories de démon

Sache que les démons (shayâtin) sont de 2 sortes : les uns relèvent du domaine intelligible (ma’nawî) et les autres, qui appartiennent au domaine sensible (hissî), se subdivisent à leur tours en humains et en jinns.

Allâh – exalté soit-Il – affirme : « Nous suscitons des ennemis à chaque prophète, des démons choisis parmi les jinns et les hommes qui se suggèrent mutuellement de belles paroles trompeuses ; si ton Seigneur l’avait voulu, ils ne l’auraient pas fait. Détourne-toi d’eux et de leurs mensonges » (Qur’ân 6, 112) en les décrivant comme des individus qui profèrent des mensonges au sujet d’Allâh ; et ce qui se déroule entre ces deux catégories génère (hadatha) chez l’homme un démon appartenant à l’ordre intelligible. En effet, lorsqu’un démon, homme ou djinn, fait au cœur de l’homme une suggestion grâce à laquelle il l’éloigne d’Allâh, soit il y fait une suggestion particulière sur une question spécifique, soit il y fait une suggestion d’ordre général et lui laisse faire son chemin, ce qui lui ouvre des perspectives auxquelles ni les hommes ni les jinns n’auraient pensé ; c’est alors la nafs qui approfondit cette question (tatafaqqaha fîhi) et déduit de ces arguments spécieux (shubah) des horreurs (umûran) telles que si l’homme venait à les exposer, elles seraient en mesure d’enseigner la transgression à Iblîs lui-même !

Ces différentes pensées (litt. : « aspects », wujûh) qui ont été éveillées (dans la conscience) par cette suggestion d’ordre général (« méthode » uslûb) initialement insufflée par un démon humain ou par un jinn, sont appelées des « démons intelligibles » ; car les démons, humains ou jinns, (qui les ont provoquées), ne les connaissaient pas au départ et ne les avaient pas en vue en tant que pensées spécifiques. De prime abord, ils voulaient seulement lui ouvrir cette porte, sachant que ses capacités naturelles et son acuité d’esprit le pousseraient à une réflexion minutieuse produisant en lui des pensées mortelles qu’ils ne seraient plus en mesure de repousser.

La raison de cet égarement réside dans le premier principe (asl) qui fonde (sa réflexion) ; car (au départ) l’homme choisit un principe de base sur lequel il s’appuie et dont il approfondit l’étude par la réflexion (tafaqquh) au point de se détourner de ce principe même.

Comment les démons s’introduisent dans l’âme du savant.

C’est le chemin que suivent les innovateurs et les hérétiques ; au départ, les démons leur inspirent un principe valable dont ils ne se doutent pas ; puis, surgissent à leur esprit des pensées confuses (talbisât), dues à leur manque de compréhension, qui finissent par les égarer. On attribue en général cette confusion au démon comme en étant le principe… si seulement ils savaient que sur toutes ces questions, c’est le démon qui est l’élève (de l’homme) et qu’il est à son école !

Cela est manifeste dans le Shiisme, en particulier chez les imâmites qui ont été initialement abusés par des jinns lesquels leur insinuèrent l’amour des « Gens de la Maison du Prophète » (Ahlu-l-Bayt) et le dévouement à leur égard. Aussi virent-ils dans cet amour un des moyens les plus élevés de s’approcher d’Allâh et il en eût été ainsi s’ils s’en étaient tenus à cela sans rien y ajouter. Mais leurs outrances en matière d’amour des « Gens de la Maison » les ont conduits à 2 déviations.

Les uns se mirent à détester les compagnons et à les insulter, ne leur reconnaissant aucune préséance et s’imaginant que les « Gens de la Maison » étaient plus dignes qu’eux d’occuper des fonctions mondaines (dunyawiya) ce qui les amena à adopter un comportement déjà connu de tous.

Et il y eut un autre groupe qui, à l’injure des compagnons, adjoignit la critique (qadh) du Prophète – sur lui la grâce et la paix -, de Gabriel – sur lui la Paix – et d’Allâh Lui-même – que soit magnifiée Sa Majesté -, sous prétexte qu’ils n’auraient pas explicitement fait état de leur rang ni de leur droit au Califat, à tel point que certains d’entre eux n’ont même pas hésité à proclamer  que « Celui qui avait envoyé le « Fiable » (al-Amîn, surnom de Gabriel l’ange de la révélation) n’avait pas été fiable » !

Tout ceci s’est pourtant produit en partant d’un principe valable, à savoir l’amour des « Gens de la Maison », qui a généré à travers leurs cogitations stériles une pensée erronée, laquelle les a conduits à s’égarer et à égarer les autres !

Considère le résultat de l’outrance (ghuluww) en matière de vie traditionnelle : elle leur a fait perdre toute mesure (« limite », hadd) et les a fait parvenir à l’opposé de leur intention ! Le Très-Haut a dit : « Ô gens du Livre, ne soyez pas excessifs dans votre religion au point de déformer la Vérité et ne suivez pas les passions d’une fraction qui s’est égarée dans le passé tout en égarant de nombreux autres et qui se sont éloignés du chemin de la Vérité (litt. : du bon chemin) » (Qur’ân 5, 77).A d’autres groupes, les démons ont insufflé (dans leur cœur) un principe valable dont ils ne se doutent point car il émane du Prophète lui-même – sur lui la grâce et la paix – : « Quiconque établira une règle (tradition) louable en retirera une récompense pour lui-même ainsi que pour tous ceux qui l’auront appliquée » [ndt : rapporté par Muslim dans son Sahîh]. Mais après leur avoir donné le désir d’agir selon ce principe, les démons les ont délaissés. Alors, tel membre de ce groupe désireux d’obtenir une récompense pour tous ceux qui agiraient de la sorte (à son initiative) s’est mis à l’étude ; et après avoir établi une règle louable, il a craint qu’en se l’attribuant personne ne l’accepte et a forgé en conséquence un hadîth de l’Envoyé d’Allâh – sur lui la grâce et la paix – afin de la faire accepter ! Puis, il a justifié son acte comme étant conforme au principe contenu dans le hadîth : Quiconque établit une règle louable…, légitimant ainsi sur le compte de l’Envoyé d’Allâh – sur lui la grâce et la paix – en lui faisant dire ce qu’il n’avait pas dit ! Il a même estimé que c’était une œuvre bénéfique, soutenu qu’il était par les principes (contenus dans le hadîth) ! Et lorsque l’ange lui rappelle ces autres paroles du Prophète – sur lui la grâce et la paix – : « Que celui qui ment délibérément à mon sujet s’apprête à prendre place dans le feu ! » et encore : « Mentir à mon propos n’est pas comme mentir sur autrui : quiconque ment délibérément à mon propos prendra place en Enfer ! », il les prend comme étant des suggestions diaboliques en argumentant ainsi : « ces hadîths ne concernent que celui qui invite les hommes à l’égarement alors que , moi, je n’ai fait qu’établir une règle louable ! ». Certes, il sera nécessairement récompensé pour avoir établi une règle louable, mais il se chargera également d’une faute (ma’zûr) pour avoir menti à propos de l’Envoyé d’Allâh – sur lui la grâce et la paix – et en lui faisant dire ce qu’en réalité il n’avait jamais dit (…) »

Et enfin, nous terminerons en citant ici un éminent maître spirituel qui fut aussi descendant du Prophète Muhammad (ﷺ) par la lignée de l’imâm Hassân (‘alayhî salâm), l’émir Abd al-Qadîr qui écrivit dans son Kitâb al-Mawâqif au Mawqif 276 à propos de la « Maison du Prophète et des Gens d’Allâh » : « « Allâh veut seulement vous laver de toute souillure, ô gens de la maison (du Prophète) et vous purifier totalement » (1).

Médite l’extraordinaire sollicitude dont font l’objet les membres de la famille du Prophète – sur lui la grâce et la paix -, ainsi que leur situation de proximité (2), eux que le terme gens (ahl) englobe du premier au dernier (3) ! Allâh a en effet concentré Sa Volonté sur eux pour les laver de toute souillure et les en purifier totalement. Or la souillure désigne ici le péché [az-zanb] : Il les a donc purifiés d’une purification totale, en leur pardonnant à l’avance tous les péchés et toutes les infractions (4) qu’ils pourraient commettre. Cela ne signifie pas qu’ils soient préservés de la transgression, ni qu’Allâh leur permette ce qu’Il a interdit au reste de la communauté (5), que non pas ! mais simplement que leurs péchés, une fois commis, leur seront pardonnés du simple fait de la Sollicitude divine.

Cette interprétation, qui a cours chez les savants exotéristes, est conforme à la Vérité. Mais il en est une autre qui en découle, à savoir : qu’Allâh a distingué (istathmâhum) les gens de la maison du reste de la communauté, d’une distinction comparable à celle dont font l’objet les combattants de Badr (6) dans la tradition citée par Bukhârî : « [Ô gens de Badr], faites ce que vous voulez, car le Paradis vous est dû » (7) pourtant, Allâh n’ordonne pas la turpitude (8) mais la turpitude est-elle autre chose que ce qu’Allâh a interdit ? Si bien que ce qui apparaît comme une turpitude, accompli par le commun des mortels n’en est pas une en ce qui concerne les gens de la maison, même s’il faut leur appliquer les peines légales (pour avoir commis ces actes répréhensibles) et les en blâmer sous le rapport des apparences (9).

Si telle est la Sollicitude divine à l’égard de la famille du Prophète – sur lui la grâce et la paix-, qu’en sera-t-Il à l’égard de la « famille » d’Allâh (10), ceux que l’on désigne comme les gens du cœur (11) ? Une tradition prophétique nous enseigne en effet que « les cœurs sont la demeure du Seigneur » (12). Les gens de la « famille » divine sont donc ces gens du cœur auxquels il est fait allusion dans ce verset : Certes, il y a en cela un rappel pour ceux qui ont un cœur (13), ainsi que cette tradition seigneuriale (14) : « Ni Ma terre ni Mes cieux ne peuvent Me contenir, seul le cœur de Mon serviteur croyant me contient » (15).

Cependant, tout cœur ne contient pas Allâh : seul Le contient le cœur du connaissant (al-‘Ârif bi’llâh). Celui qui Le connaît – exalté soit-Il – connaît donc toutes choses, puisqu’il est la Réalité de toute chose (16). Or, qui connaît la réalité d’une chose connaît par là même tout ce qui en découle.

Si maintenant la Sollicitude divine est acquise à la maison du Prophète – sur lui grâce et la paix – en raison de la proximité de celle-ci avec l’Envoyé d’Allâh – sur lui la grâce et la paix ainsi que sur sa famille – qui est lui-même l’être le plus proche d’Allâh – exalté soit-Il -, a fortiori ceux qui jouissent de la Proximité divine sont-ils encore plus dignes de cette Sollicitude ! Quant à ceux qui font à la fois partie de la famille prophétique et de la « famille » divine, quelle chance pour eux ! Honneur sur honneur ! Lumière sur lumière ! Ceux-là sont l’élite de la maison du Prophète – sur lui la grâce et la paix -, ceux qu’il évoque dans cette tradition : « Je laisse parmi vous 2 choses qui vous éviteront de vous égarer après moi, pour peu que vous vous y attachiez, et dont l’une a plus d’importance que l’autre. Il s’agit du Livre d’Allâh (Qur’ân), qui est un lien tendu entre les cieux et la terre, et de ma famille, les gens de ma maison. Le Subtil, l’Informé m’a fait savoir que tous deux ne se sépareraient pas jusqu’à leur arrivée dans mon Jardin (rawdatî) (17). Observez donc comment, après moi, vous vous comportez avec eux » (18).


Ainsi, ceux qui appartiennent à la maison du Prophète occupent-ils un rang inférieur à ceux qui appartiennent à la « famille » divine ; car ceux-ci sont nécessairement agrégés par filiation à la famille du Prophète, alors que l’inverse n’est pas forcément vrai (19). Lorsque le Prophète – sur lui la grâce et la paix – affirmait : « Salmân fait partie de nous-mêmes, les gens de la maison » (20), il ne l’affiliait qu’en raison de son appartenance à la « famille » divine, ces gens de ce cœur qui constitue la demeure du Seigneur – exalté soit-Il.

 Le Prophète – sur lui la grâce et la paix – a paternité sur tous les cœurs, si bien que tous ceux qui possèdent effectivement un cœur (il s’agit des serviteurs croyants évoqués plus haut dans la tradition seigneuriale) sont en droit de l’avoir pour père (21). De plus, le Législateur a davantage de considération pour la parenté spirituelle et intérieure que pour la seule parenté corporelle extérieure (22) ».

 (1) Qur’ân 33, 33 : [innamâ yurîdu-Llâhu liyuzhiba ‘ankumu-r-rijsa ahla-l-bayti wa yutahhirukum tathîrâ]). (La maison dont il est question ici désigne la famille du Prophète – sur lui la grâce et la paix – mais les différentes écoles ne sont pas d’accord entre elles pour savoir s’il faut restreindre cette dénomination aux seuls descendants d’al-Sayyida Fâtima ou l’étendre aussi à une parenté plus lointaine. Compte tenu de l’exégèse que donne ici l’Émir de ce verset, ce débat perd beaucoup de son importance).

(2) [ta’ammal hazihi al-‘inâyah al-kubrah, wa-l-manqabah al-‘uzmâ, wa-l-manzalah az-zalfâ, li-ahli-l-bayt an-nabawî].

(3) [wa lafzat « ahl » ta’ummuhum min awwalihim ilâ âkhir mawlûd minhum : le terme gens (ahl) les englobe à partir de leur premier jusqu’à leur dernier-né].

(4) [al-ma’âsî wa-l-mukhâlafât].

(5) [lâ bi-annahum ma’sûmûn mina-l-mukhâlafât, wa lâ annahu ta’âlâ abâha lahum mâ harrama ‘alâ ghayrihim mina-l-ummah].

(6) Bukhârî, Sahîh, Kitâb al-Maghâzi, Bâb 124 fî fadl man shahida Badr, qui cite cette variante : Faites ce que vous voulez, car Je vous ai d’ores et déjà pardonné. Badr est le lieu où les musulmans livrèrent leur première bataille aux Mecquois (2ème année de l’Hégire / début de l’année 624 de l’ère chrétienne). Elle se soldera par une éclatante victoire des musulmans qui, en dépit d’une infériorité numérique sensible – 313 combattants musulmans contre environ un millier d’idolâtres selon les sources classiques – remporteront un succès incontestable. Ces combattants seront crédités d’une aura toute particulière ainsi qu’en atteste le hadîth ci-dessus.

(7) [‘malû mâ shi’tum fa-qad wajabat laku al-jannah].

(8) Qur’ân 7, 28) [inna-Llâh lâ ya’muru bi-l-fahshâ’].

(9) [fa-laysa fâhishah fî haqq ha’ulâ’, wa in kunnâ nuqîmu ‘alayhim al-hudûd ash-sharî’ah wa-t-ta’zîrât fî-z-zâhir].

(10) [ahl al-bayt al-ilâhî]

(11) [ahl al-qulûb].

(12) [al-qulûb baytu-r-rabb]

(13) Cor. (50, 37) [inna fî zâlika la-zikrâ li-man kâna lahu qalbun].

(14) La tradition seigneuriale ou sanctissime, hadîth qudsî, se distingue de la tradition prophétique, hadîth nabawî, en ce qu’elle est attribuée directement à Dieu. Elle ne fait cependant pas partie du Livre révélé et occupe, de ce fait, une situation intermédiaire entre le Coran proprement dit et la tradition prophétique.

(15) [mâ wasa’anî ardî wa lâ samâ’î, wa wasa’anî qalbu ‘abdî al-mu’min].

(16) [fa-innahu ta’âlâ haqîqatu kullu shay’in].

(17) Selon un hadîth, le jardin du Prophète (rawda) se situe entre sa tombe et la chaire où il avait coutume de prononcer le prône de Vendredi dans la mosquée de Médine. Ce « jardin » en dépit de sa position bien terrestre est déjà un « lieu paradisiaque » ce qui tend à prouver que, sous certaines conditions, le « Paradis est déjà sur terre ».

(18) [innî târik fîkum mâ in tamassaktum bihi lan tadillû ba’dî ahdahumâ a’zam mina-l-âkhar, kitâbu-Llâh habl mamdûd mina-s-samâ’i ilâ-l-ardi, wa ‘itratî ahli baytî, inna-l-lâtîf al-khabîr akhbaranî : annahumâ lan yaftariqâ hattâ yaridâ ‘alayya al-hawd, fa-nzurû kayfa takhtalifû fîhimâ].

(19) [idh kullu man kâna min ahli al-bayti-l-ilâhî fa-huwa min ahli-l-bayti an-nabawî hukman nabawiyyan bi-stilhâqihi salla-Llâh ‘alayhi wa sallam wa lâ yan’akis].

(20) [salmân minnâ ahl al-bayt].

(21) [wa huwa salla-Llâh ‘alayhi wa sallam abû-l-qulûb, yastahiqqu kull man kâna lahu qalb, idh yastahiqqu illâ ab].

(22) [wa i’tibâr ash-shâri’ li-l-qarâbah al-qalbiyyah al-bâtinah âkid min i’tibârihi li-l-qarâbah al-jismiyyah az-zâhirah].


A en croire certains, « le sunnisme et le shiisme ne seraient que la fabrication des omeyyades » alors que la « vision ommeyyade » a été combattue par les plus grandes figures sunnites comme Mâlik, Abû Hanifa, Sufyân at-Thawrî, As-Shafi’î, Ahmad, At-Tabarî, Hassân al-Basrî, al-Bukharî, Muslim, ainsi que par les sunnites parmi les Ahl ul Bayt comme ‘Alî Zayn ul Abidîn et ses fils Muhammad Al-Bâqir et Zayd Ibn ‘Alî, par l’imâm Jâ’far (maître des imâms Abû Hanifa, Sufyân at-Thawrî, Sufyân Ibn ‘Uyayna, Mâlik, …), et dont la plupart d’entre eux furent torturés, combattus, calomniés et emprisonnés pour avoir soutenu les Ahl ul Bayt et critiqué le despotisme politique des omeyyades.

Passer sous silence l’existence ou les mérites de ‘Aîsha, ‘Alî, Abû Bakr, Fatima, etc. est une grave faute, mais les sunnites reconnaissent les mérites de chacun et évoquent les nobles enseignements des Sahaba comme des Ahl ul Bayt, nous sommes donc complets et aimons tous ceux qu’Allâh et Son Messager aiment.

Nous ne rabaissons ni ne maudissons aucun de leur bien-aimé. Or, chez les ennemis des Sahaba et des épouses du Prophète, beaucoup occultent leurs noms et leurs mérites ou ne les évoquent qu’en mal en les calomniant. Qui cache des événements et des mérites ? Qui occulte les mérites des autres épouses, compagnons et filles du Prophète (ﷺ) ? Pas les sunnites traditionnels. Les Ahl ul Kissâ sont plus cités que de nombreux Compagnons chez les sunnites…De plus, les Sahaba ne sont pas divinisés ni rendus infaillbles, tandis que chez des shiites, les « 12 imâms » sont divinisés ou rendus infaillibles. Cependant parmi les « 12 imâms » qui étaient tous sûfis, certains noms sont peu évoqués, mais au même titre que de nombreux grands awliya qui restent peu évoqués chez les musulmans de la masse ou dans certains cercles de science, mais il n’y a là « aucun complot ». Nous aimons tous les Compagnons et surtout l’élite des Compagnons (Abû Bakr, ‘Ali, ‘Umar, Salmân, Abû Dharr, ‘Uthmân, Bilâl, Mu’adh Ibn Jabal, Ibn Mas’ûd, Ibn ‘Abbâs, Abû ad-Dardâ’, …) sans dénigrer ni occulter les autres Sahaba, tout comme nous aimons toutes les épouses du Prophète sans en dénigrer aucune, et pareillement pour les enfants du Prophète (ﷺ). Il est cependant vrai que certains événements, comme ceux de Karbalâ devraient être mieux connus sous tous ses aspects (notamment la noble lutte de l’imâm Hussayn contre l’oppression et son célèbre martyr) et enseigné auprès des masses, – cela se fait déjà dans plusieurs cercles sûfis depuis très longtemps -, mais de nombreux événements importants liés aux mérites des Sahaba et des épouses du Prophète (ﷺ) sont aussi occultés chez de nombreux shiites. Allâh a innocenté quelques rares femmes directement dans le Qur’ân, et Sayyida ‘Aîsha en fait partie. Le Shaykh et Saint Abd al-‘Aziz Ad-Dabbâgh dans l’ouvrage al-Dhahab al-Ibriz min kalam Sayyidi al-Ghawth Abd al-‘Aziz al-Dabbagh a vu aussi par kashf le haut degré de ‘Aîsha et de Khadija dans l’ésotérisme et la grande lumière dont elle était la dépositaire, raison pour laquelle le Prophète excusa ‘Aîsha pour certaines manifestations de son caractère bien trempé. Le Prophète (ﷺ) l’avait réprimandé en sa qualité d’époux, tout comme il avait réprimandé ‘Alî en sa qualité de père face au chagrin et au mécontentement de sa fille Fatima (lorsque ‘Alî voulait épouser une seconde épouse) ; quant à nous, nous n’avons pas à les dénigrer ou à agir à sa place ; il ne l’a pas divorcé et a demandé aux gens (dont sa fille Fatima) de l’aimer car il (ﷺ) aimait profondément ‘Aîsha et qu’elle a été au service de son message et de sa communauté.

Et attention avec l’accusation d’idolâtrie ; ce n’est pas parce que nous considérons une catégorie de personnes meilleure qu’une autre que nous l’idolâtrons (nous considérons les gens pieux et bons comme étant supérieurs aux gens dépravés et criminels, sans pour autant les diviniser ou penser que les gens bons et pieux sont infaillibles ou qu’ils détiennent un attribut propre à Allâh, ni encore que nous leur vouions une adoration au sens de culte). Les Prophètes sont meilleurs que les Compagnons ; c’est un fait (Révélé et rationnel) et pourtant nous ne les idolâtrons pas pour autant. Quant au fait que nous considérons les nobles Sahaba (Abû Bakr, Salmân, ‘Alî, Abû Dharr, ‘Umar, ‘Uthmân, Abû ad-Dardâ’, Hassân, Hussayn, …) comme étant supérieurs aux awliyâ des générations ultérieures, c’est parce qu’ils étaient eux-mêmes des awliyâ ainsi que les modèles sur lesquels les awliyâ après eux prenaient appui. Les awliyâ eux-mêmes confirment la supériorité des Prophètes (qui étaient aussi des Saints tandis que l’inverse n’est pas vrai) et des nobles Sahaba (qui étaient aussi des Saints mais l’inverse n’est pas vrai). De façon générale les meilleures générations sont celles qui se rapprochent de l’ère prophétique (hadîth sahîh ; et les versets du Qur’ân vont dans ce sens), voir aussi les propos de Ibn ‘Arabî, Attâr, Rûmî, Al-Hujwirî, al-Kalabadhî, etc. Le mérite d’avoir connu ici-bas le Prophète (ﷺ) et de l’avoir soutenu dans ses épreuves sont des choses que les Saints venus après eux ne pourront jamais accomplir, tout comme personne en dehors des Compagnons, ne peut se targuer d’avoir embrassé le Prophète (ﷺ), d’avoir joui de sa compagnie terrestre, d’avoir enduré l’exil, la torture, la persécution, la calomnie, la faim, l’injure, la séparation d’avec ses proches, les blessures de guerre ou le martyr à ses côtés (celui du Prophète ﷺ). ). Et le fait qu’une personne soit meilleure par rapport à une autre ne signifie pas que les autres soient mauvaises, insignifiantes ou sans valeur, pas du tout. Plusieurs personnes peuvent être valorisées et être considérées comme étant très importantes et méritant notre respect, bien que sous un autre rapport, il y a un degré hiérarchique et une préférence en raison de leurs mérites particuliers. A nos yeux, nos parents n’ont-ils pas une préférence par rapport aux autres parents, alors même que nous devons respecter nos parents ainsi que les parents des autres ? Nous devons donc aimer les Ahl ul Kissâ sans dénigrer ni occulter les Sahaba ou les épouses du Prophète (ﷺ), et vice-versa.


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