Le Wahhabisme et le Tabarruk (la recherche des bénédictions à travers des êtres vivants ou des objets particuliers)

Concernant le tabarruk, c’est la recherche de bénédiction existenciée par Allâh par les traces physiques d’un Prophète ou d’un être de vertu, – ou d’un objet ayant été béni – tout en sachant, bien évidemment, que c’est Allâh ta’ala qui est Le Créateur de la guérison, du profit, de la barakah, etc., et que la créature ou l’objet qui est béni par Lui, ne soit pas adoré en dehors de Lui.

En soi, aucun objet ni aucune créature n’est bénie et ne peut apporter une guérison, qu’elle soit physique ou spirituelle, que ce soit donc les médicaments ou les guérisons spirituelles, seul Allâh accorde par habitude ou par « exception », la guérison sous toutes ses formes. L’adoration doit donc toujours se porter pour/vers Allâh et non pas vers Ses créatures ou créations, qui ne seront que des supports de Sa Bénédiction. L’objet béni ne dépend que de la Grâce d’Allâh, donc il se peut qu’à un moment ou à un autre, qu’il perde la « barakâ ». Et de toute façon, c’est Allâh qu’il faut invoquer, louer, adorer et remercier pour tous les bienfaits qu’Il nous octroie.

Cette pratique est souvent incomprise et amoindrie par le wahhabisme, et repose bien sur le Qur’ân, la Sunnah et la pratique des salafs et des khalafs (les savants venus après l’ère des salafs), et si le musulman qui a une foi saine réalise cette pratique, il ne commet nullement de l’idolâtrie, ni même un acte illicite, comme l’ont prétendu un certain nombre de wahhabites. Certains l’autorisent pour le Prophète, mais pas pour les saints et les pieux, – alors que le principe est le même et que cela ne viole ni le Tawhîd ni les règles islamiques -. Il suffit pourtant de savoir qu’Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans son Fath ul Barî et An-Nawawî dans son Sharh du Sahîh Muslim, ont déduit la permission de le faire via des pieux, en se fondant sur un certain nombre de ahadiths et de récits. Beaucoup de wahhabites interdisent de faire le tabarruk avec le Prophète également, et disent que cela n’était permis que de son vivant. Mais les recueils de ahadiths sunnites regorgent de récits qui montrent que les reliques du Prophète (vêtements, cheveux, boucliers, épées, …) furent utilisées par les compagnons après la mort terrestre du Prophète (‘alayhî salât wa salâm).

Le Prophète Yûsuf (‘alayhî salâm) donna en effet à ses frères une tunique qu’Allâh bénit (lui donnant la propriété de guérison), pour que leur père puisse recouvrer la vue (car il était aveugle) : « « Emportez ma tunique que voici, et appliquez-la sur le visage de mon père : il recouvrera [aussitôt] la vue. Et amenez-moi toute votre famille ». – Et dès que la caravane franchit la frontière [de Canaan], leur père dit : « Je décèle, certes, l’odeur de Joseph (Yûsuf), même si vous dites que je radote ». Ils lui dirent : « Par Allâh te voilà bien dans ton ancien égarement ». Puis quand arriva le porteur de bonne annonce, il l’appliqua [la tunique] sur le visage de Jacob (Yâqub). Celui-ci recouvra [aussitôt] la vue, et dit : « Ne vous ai-je pas dit que je sais, par Allâh, ce que vous ne savez pas ? » » (Qur’ân 12, 93-96).

Muslim rapporte dans son Sahîh : « ‘Asma’ bint Abû Bakr nous a présenté une tunique longue (jubbah), dont l’encolure était ornée de brocart et les emmanchures ourlées, puis elle a dit : « C’est la jubbah du Messager d’Allâh () ; elle se trouvait chez ‘Aîsha. Je l’ai récupérée lorsqu’elle est décédée. Le Prophète Muhammad () la portait. Nous la trempons dans l’eau pour les malades et recherchons par elle la guérison [par la Grâce d’Allâh] ».

D’après le compagnon Hudhayfa ibn al Yamân, An-Nawawî dans son commentaire du Sahîh Muslim, lors de l’explication du hadîth dans lequel Asmâ bint Abû Bakr dit qu’elle trempait la jubbah du Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) dans l’eau et recherchait la guérison par elle, l’Imâm An-Nawawi a dit : « Il y a dans ce hadîth une preuve sur la recommandation de pratiquer le tabarruk (la recherche de bénédiction) par les traces (âthâr) des vertueux et par leurs vêtements ».

Dans son Târîkh Baghdâd (1/123) le grand traditionniste Al-Khatîb Al-Baghdâdi rapporte avec une bonne chaîne de transmission, d’après ‘Ali Ibn Maymûn qu’il a dit : « J’ai entendu Ash-Shâfi’i dire : je fais certes le tabarruk (la recherche de bénédiction) par Abû Hanîfa et je me rends à sa tombe chaque jour (le visiter [quand je suis dans les environs]). Si j’ai un besoin, j’accomplis 2 rak’ah (cycles de prière) puis je me rends à sa tombe et je demande à Allâh ta’âlâ qu’Il m’accorde la chose dont j’ai besoin et ce, auprès de sa tombe. Après cela mon affaire est rapidement réglée ».

L’imâm Al-Muwaffaq Ibn Ahmad Al-Makki le rapporte aussi dans son ouvrage Manâqib Abî Hanîfah, ainsi qu’Ibn Hajar al Haytâmî dans al-Khayrat al-hisân fî manâqib al-imam Abî Hanîfa al-Nu`man (chapitre 35) et d’autres. Certains savants ont critiqué la chaine en pensant qu’un des rapporteurs était un inconnu (ce qui ne change rien à l’énoncé du récit qui est conforme au Qur’ân et à la Sunnah), mais `Umar ibn Ishaq ibn Ibrahim pourrait être tout simplement `Amr ibn Ishaq ibn Ibrahim al-Himsi (qui est un des maîtres d’at-Tabarânî). Le Shaykh Gibril Fouad Haddâd a écrit (sur son site Sunnah.org) : « Ceci est possible chronologiquement car la fourchette historique concorde : Il est établi que `Amr a rapporté de son père Ishaq ibn Ibrahim ibn al-`Ala’ (m. 238 H) et de son grand-père Abu Ishaq Ibrahim ibn al-`Ala’ ibn al-Dahhak (m. 235 H). De `Amr rapportent Sulayman ibn Ahmad al-Tabarani (260-360 H) et Abû Ja`far Muhammad ibn Muhammad ibn `Abd Allâh al-Baghdadi (m. 346 H). Dans la narration d’al-Khatib, le lien indéterminé (`Umar ou `Amr) rapporte de `Ali ibn Maymun (m. 246 H), et celui qui rapporte du lien indéterminé est Makram ibn Ahmad (m. 345 H). Si le lien est effectivement `Amr, alors la chaîne est forte puisqu’il est muwaththaq (synonyme de sadûq ; véridique) comme l’a dit Ibn Hajar dans Nata’ij al-Afkar (volume 2 page 28), et le reste de la chaîne d’al-Khatib est solide ». L’Imâm Muhammad Zâhid Al-Kawthari Al-Hanafi (m. 1371 H) a dit dans son Mahqu t-Taqawwul fî mas-alati t-Tawassul : « Et nous avons mentionné le tawassul de l’Imâm As-Shâfi’i par le biais de [l’Imâm] Abû Hanîfah, tout comme cela est rapporté au début [du livre] “At-Târîkh” d’Al-Khatîb [Al-Baghdâdi] avec une chaîne de transmission authentique (sahîh) ». Et il était un muhaddith (spécialiste du hadîth), un muhaqîq (vérificateur dans la science du hadîth et des manuscrits), un juriste hanafite, un théologien et un logicien. Certains le considèrent comme le mujadîd de son époque, mais en raison des polémiques et tensions avec certains hanbalites anti-asharites, il lui arrivait d’être tout aussi virulent qu’eux ou d’exagérer dans ses condamnations. Qu’Allâh lui fasse Miséricorde.

Al-Bukkârî cite dans son Sahîh le hadîth à propos de l’histoire des 3 hommes de la grotte qui furent bloqués dans une grotte par une grande pierre et décidèrent de prier Allâh par leurs actes pieux. Ils furent ainsi exaucés (rapporté dans le Sahîh al-Bukhârî, le livre du salariat (37) dans « le sommaire du Sahih al-Bukhârî », Tome 1, par l’Imam Zein Ed-Dine Ahmed ibn Abdul-Latif A-Zubaydi).

Al-Bukharî relate dans son Sahîh qu’Umar fit le tawassul par Al ‘Abbâs (selon Anas Ibn Mâlik) : « « Lors des périodes de sécheresses, ‘Umar Ibn al-Khattâb (رضي الله عنه) réalisait la demande de pluie (istisqâ) par le biais de Al-‘Abbâs Ibn ‘Abdi l-Muttalib. Il disait : Ô Allâh nous réalisions le tawassul à toi par notre Prophète et tu nous accordais la pluie, et nous réalisons (aussi) le tawassul par le biais de l’oncle de notre Prophète, alors accorde-nous la pluie. Et il a dit [c’est-à-dire Anas Ibn Mâlik] : « la pluie leur a été accordé » ». Ce hadîth est une preuve qu’il est permis de faire le tawassul par les pieux, et le principe est le même que celui du tabarruk, c’est-à-dire se rapprocher d’Allâh à travers les bénédictions rattachées aux vertueux, soit par leurs invocations, soit par leur présence ou mérites bénis. Ce hadith ne contredit pas la permission de faire le tawassul par le Prophète après sa mort terrestre. Comme souvent, les compagnons nous indiquent les différents moyens licites que nous pouvons accomplir pour nous rapprocher d’Allâh et pour honorer (sans exagération) les pieux.

Dans son livre Wafa-û l-Wafa bi Akhbar Dar Al-Mustafa, le Shaykh As-Samhûdi (juriste shafi’îte) a dit : « ‘Alî (radiya l-Lahu ‘anhu) a dit : Quand le Messager d’Allâh () a été enterré, Fatimah (radiya l-Lahu ta’ala ‘anha) est venu à sa tombe et a pris une poignée de la terre de la tombe et la mise sur ses yeux. Elle a alors pleuré et a dit [en poésie] : « Celui qui a senti la terre [de la tombe] de Ahmad n’aura rien perdu s’il ne sent pas l’odeur des Ghawaliya ; Se sont abattues sur moi des catastrophes telles que si elles s’abattaient sur des journées elles se transformeraient en nuits ».  D’autres savants ont rapporté cela dans leurs ouvrages, dont l’imam Ibn al-Jawzî.

Abû Dawûd, Bukharî, Muslim, At-Titmidhî, Ibn al-Jawzî, An-Nawawî, Ahmad, At-Tabarânî, Ibn Hajar al ‘Asqalânî et d’autres rapporteurs et savants du hadith, rapportent ce genre de pratiques par les compagnons du Prophète, aussi bien de son vivant qu’après sa mort corporelle, de même pour les pieux prédécesseurs venus après les compagnons, à partir de la tombe du Prophète, de son manteau, de son turban, de ses cheveux, de certains endroits où il avait l’habitude de prier, etc.

De même que certains salafs le faisaient avec d’autres traces physiques appartenant à de vertueux salafs (‘Umar ibn al-Khattâb, Ibn ‘Abbâs, Ibn ‘Umar, ‘Alî, as-Shafi’î, Abû Hanîfa, Ahmad ibn Hanbal, etc.), ainsi que les célèbres rapporteurs de hadith (Bukharî, Muslim, Abû Dawûd, etc.).

Dans le Sahîh al-Bukharî, il y a un chapitre qui dit clairement que les Sahâba ont fait le Tabarruk avec des choses ayant appartenu au Prophète Muhammad (ﷺ), voir notamment Livre du Khumus, chapitre 5. Al-Bukhârî rapporte notamment que le compagnon ‘Abdullâh Ibn Salâm faisait le tabarruk par le récipient dans lequel buvait le Prophète et l’endroit où il priait.

Ibn Abi Shayba dans son Musannaf rapporte qu’un groupe des compagnons attendaient que la mosquée du Prophète se vide pour aller poser leurs mains sur le pommeau du minbar et qu’ils invoquaient Allâh.

Il est rapporté que le compagnon Ibn ‘Umar avait l’habitude de toucher le siège du minbar et de s’essuyer le visage pour les bénédictions (rapporté par le Qadî ‘Iyyâd dans As-Shifâ’, Ibn Sa’d dans ses Tabaqat, Ibn Qudama dans Al Mughni).

Ajoutons à cela que Marwân Ibn Al Hakam, alors gouverneur de Médine, vit un homme poser son visage sur le devant de la tombe du Prophète (ﷺ). Il lui dit alors : « Vois-tu ce que tu es en train de faire ? ». Lorsqu’il s’approcha de ce dernier, il réalisa que c’était le Compagnon Abû Ayyûb Al Ansârî (qu’Allâh l’agrée), qui lui répondit : « Oui, et je suis venu auprès du Prophète (ﷺ), et non d’une dalle de pierre ! » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad 5/422, Ibn Hibbân dans son Sahîh, At-Tabarânî dans son Mu’jam ul Kabîr 4/189, Al Hâkim dans son Mustadrak 4/515 qui authentifia ce récit, et Ad-Dhahabî confirma cette authentification dans sa vérification du Mustadrak, et aussi par Majd ud Dîn Ibn Taymiyya dans Al Muntaqâ’ 2/261).

L’Imâm, le Hâfiz, Shaykh al-Islâm Ibrâhîm al-Harabî l’un des grands disciples de l’Imâm Aḥmad a dit concernant Maʿrûf al-Karkhî comme il est rapporté dans Siyar aʿlâm al-nubalâ’ (9/343) du Hafiz ad-Dhahâbî : « La tombe de Maʿrûf est un antidote prouvé ».

Le Shaykh Abû ‘Abd ar-Rahman Muhammad ibn al Hussayn as-Sulamî (m.412 H), le Shaykh de Al-Bayhaqî et de Al-Qushayrî a dit dans ses Tabaqât as Sufiyyah (p.80) : « Nous a informé l’ascète Yûssuf ibn ‘Umar à Baghdâd en disant ; Nous a rapporté ‘UbaydAllâh ibn Jâ’far As Saghânî ; nous a rapporté ‘Umar ibn Wâssil en disant ; Sahl ibn ‘AbdAllâh at Tustarî (m.283 H) a dit : « Muhammad ibn Sawwâr m’a informé de Ma’rûf ibn ‘Alî al Karkhî l’ascète, et il est parmi les plus prestigieux mashaykh prédécesseurs qui sont mentionnés par le scrupule et la générosité. Il était le professeur de Sarî as Saqatî (m.253 H) et accompagna Dâwud at Tâ’î (m.165 H). Sa tombe est apparente à Baghdâd, on recherche la guérison (par la Grâce d’Allâh) par elle et on cherche la bénédiction par sa visite (par la Grâce d’Allâh) ».

Il a dit ensuite : « J’ai entendu le lectionnaire Abû al Hassan ibn Miqsam (m.354 H) à Baghdâd dire ; J’ai entendu Abû ‘Alî as Saffâr dire : J’ai entendu Ibrâhîm ibn al Jazrî dire : « La tombe de Ma’rûf al Karkhî est un remède par expérience ».

A propos du compagnon Talhah ibn ‘UbaydAllâh, l’un parmi les 10 compagnons promis au Paradis, l’imâm du hadîth Ibn Abî ‘Asîm (m.287 H.) relata dans Al Ahâd wa al Mathânî (p.163) : « On acheta pour lui un terrain de 70 000 dirhams et c’est celui où se trouve sa tombe, et j’ai vu un large groupe parmi les gens de science et de mérite se diriger vers sa tombe lorsqu’ils avaient un soucis, ils le saluaient et invoquaient Allâh par sa présence, et ils étaient exaucés. Nos shuyukhs nous ont rapporté par le passé qu’ils vont vu leurs prédécesseurs le faire également ».

Le savant du hadîth ‘AbdAllâh ibn Ahmad ibn Hanbal (m.290 H) a dit comme cela est rapporté dans Al ‘Ilal Wa Ma’rifatu ar Rijâl (2/492 n°3243) : « J’ai interrogé Ahmad ibn Hanbal au sujet d’un homme qui touche le minbar du Prophète et qui cherche la bénédiction par son toucher, qui l’embrasse et fait de même avec sa tombe ou autre en voulant se rapprocher d’Allâh, il répondit : Il n’y a aucun problème à cela ».

Le célèbre Ibn Hibbân (m.356 H) a dit au sujet de l’imâm des Ahl al Bayt ‘Alî ar-Ridhâ (‘alayhî salâm) dans son At-Thiqât (8/456) : « Sa tombe se trouve à Sana Badh, près de al Nuqan. Elle est célèbre et se trouve près de celle de [Harûn] ar Rashîd. Je l’ai visitée à de nombreuses reprises. Quand j’étais à Tûs, chaque fois que j’avais une difficulté, je visitais la tombe de ‘Alî ar-Rida, que les bénédictions d’Allâh soient sur son grand père, et j’y invoquais Allâh pour qu’Il m’enlève cette difficulté. A chaque fois, la difficulté était levée et c’est quelque chose que j’ai expérimenté plusieurs fois et chaque fois elle s’avérait. Qu’Allâh nous fasse mourir dans l’amour de l’Élu ainsi que de sa famille ».

Le Hâfiz Ibn Bashkwâl al Andalusî (m.578 H)  a dit dans As Silah Fî Târîkh ‘Ulamâh al Andalus (1/603) : « Nous a informé Abû ‘AbdAllâh ibn Muhammad ibn Ahmad par lecture que j’ai entendu de lui ; il a dit : J’ai lu sur Abû ‘Alî Hussayn ibn Muhammad al Ghassânî (m.498 H) qui a dit : M’a informé Abû al Hassan Tâhir ibn Mafûz ainsi que al Ma’afirî qui ont dit : Nous ont rapporté Abû al Fath ainsi que Abû al Layth Nasr ibn al Hassan at Tankutî résidant à Samarqand en l’an 464 : « La sécheresse nous toucha à la ville de Samarqand pendant des années. Les gens demandèrent la pluie de nombreuses fois sans succès. Un homme pieux, connu pour sa vertu, vint alors au Qâdî de Samarqand et lui dit : « J’ai une idée dont je voudrais te faire part ». « Quelle est-elle ? ». Il dit : « Je vois que tu dois sortir, toi et les gens de la ville, vers la tombe de l’imam Muhammad ibn Ismâ’îl al Bukhârî. Sa tombe se trouve à Khartanak. Demandez (à Allâh) la pluie là-bas, peut-être qu’Allâh vous la donnera ». Le Qâdî dit alors : « Quelle bonne idée tu as eue ! ». Il sortit lui et le peuple et le Qâdî demanda la pluie. Les gens se mirent à pleurer devant la tombe. Ils eurent donc l’intercession de l’habitant de la tombe et Allâh fit descendre la pluie abondante du ciel. Les gens furent obligés de rester sur place pendant 7 jours. Nul ne pouvait atteindre Samarqand du fait de la pluie torrentielle. Or, entre Samarqand et Kharnatak, il n’y avait à peu près que 3 miles (5 km environ) ». Voir aussi Ad-Dhahâbî dans son Siyar A’lâm an Nubalâ’ (12/469).

Le juriste mâlikite Ibn al Hajj al ‘Abdarî (m.736 H) a dit dans Al Madkhâl (1/255) :

« Puis il prendra comme moyen dans son invocation [yatawassal] les gens de ces tombes, c’est à dire les pieux pour une affaire dont il a besoin, ou pour une rémission de ses péchés. Puis il invoquera (Allâh) pour lui-même, ses parents, ses mashaykh, ses proches ainsi que les habitants de ces tombes, ainsi que les musulmans morts et vivants, et leur descendance jusqu’au Jour du Jugement. Cela est certes connu et les savants, ainsi que les grands imâms d’Occident en Orient, parmi les plus grands, n’ont cessé de chercher l’intercession par le fait de visiter les tombeaux. Ils y trouvaient effectivement la bénédiction, dans tous les sens du terme. Le Shaykh, l’imâm Abû ‘AbdAllâh ibn Nu’man [رَحِمَهُ اللَّهُ] a rappelé dans son ouvrage Safinah al naja’ li ahl al iltija’ fi karamat shaykh Abi Naja’, à l’endroit où il a évoqué ce sujet, que les gens doués de vision intérieure et de perspicacité (spirituelle) ont confirmé que la visite des tombeaux des pieux était appréciée en ayant l’objectif d’en tirer une bénédiction. La bénédiction des pieux flue aussi bien après leur mort que de leur vivant. Invoquer (Allâh) près de leurs tombeaux ainsi que chercher leur intercession est pratiqué par les savants de la vérité parmi les imams de la religion ».

Dans ses Sunan, l’Imâm At-Tirmidhî rapporte le hadîth suivant : « ‘Amr Ibn Shu’ayb rapporte de son père qui rapporte que son grand-père a dit : le Messager de Allâh a dit : lorsque l’un d’entre vous fait un cauchemar, qu’il dise : « A’ûdhû bi Kalimati l-Lâhi t-Tâmmâti min ghadabihi wa ‘iqâbihi wa sharri ‘ibâdihi wa min hamazâti sh-shayâtîni wa ay-yahdurûn » [invocation qui signifie : « Je recherche la préservation par la Parole de Allâh parfaite contre Sa volonté de châtier, contre Son châtiment, contre le mal de Ses serviteurs et contre les accès du shaytân et contre le fait qu’ils viennent à moi »] ainsi il sera pas atteint de nuisance. Et ‘Abdullâh Ibn ‘Amr enseignait cette parole à ses enfants qui avaient atteint l’âge de la puberté ; quant à celui qui n’était pas encore pubère, il l’écrivait sur une feuille puis il lui accrochait autour du cou ».

Et At-Tirmidhî précise que ce hadîth est fiable (hassân gharîb).

Al-Bayhaqî dans son recueil As-Sunan Al-Kubrâ rapporte : « (…) Nâfi’ Ibn Yazîd m’a rapporté qu’il a interrogé Yahyâ Ibn Sa’îd sur le jugement des Ruqâ et du fait de porter sur soi des écritures, et qu’il lui a répondu : Sa’îd Ibn l-Musayyib incitait à porter des écrits Coraniques et il disait : « Il n’y a pas de mal en cela ! » ».

Al-Bayhaqî rajoute : « Et tout cela revient à ce que nous disons, à savoir que si la personne porte des écrits dont on ignore la signification ou qui provient des gens de la jâhiliyyah [période avant la venue du Prophète Muhammad] qui attribuaient aux ruqâ le pouvoir de les garder en bonne santé par elles-mêmes sans la Volonté de Allâh, cela est interdit. Mais si la personne porte les ruqâ, qui comportent des versets du Qur’ân ou ce qui est connu comme étant du dhikr (évocation) d’Allâh, dans le but de profiter de leur barakah, tout en sachant que la guérison ne provient que de Allâh, alors il n’y a pas de mal en cela, et c’est certes Allâh qui accorde la réussite ».

Dans son livre Fadâ-ilû l-Qur’ân, dans le chapitre de ce qui a été rapporté concernant l’autorisation de porter le ta’wîdh (hirz) comportant du Qur’ân avant la descente de l’épreuve, le Hâfidh Al-Mustaghfiri a dit : « (…) Mâlik Ibn Anas [c’est-à-dire l’Imâm Mâlik] nous a rapporté de Ibn Shihâb : « Je suis entré chez Anas Ibn Mâlik et je l’ai vu accrocher un ta’wîdh (hirz) autour du cou d’un de ses fils, alors je lui ai dit : « Ô toi, père de Hamzah, est-ce que l’épreuve est descendue sur lui [c’est-à-dire sur son fils] ? Il [c’est-à-dire Anas Ibn Mâlik] a dit : « Non ! ». Puis il a posé sa main sur mon épaule et a dit : « Ô toi, père de Bakr, j’ai entendu le Messager de Allâh (صلى الله عليه وسلم) dire (ce qui a pour sens) : « Il n’y a pas de mal dans le fait de porter autour du cou le ta’wîdh (hirz) comportant du Qur’ân avant la descente de l’épreuve comme après la descente de l’épreuve ».

C’est aussi l’avis du célèbre Imâm malikite Al-Qayrawâni dans sa Rissâlah où il dit : « Il n’y a aucun mal dans la pratique de al-iktiwâ et des ruqâ basées sur le Livre de Allâh et l’écriture de la bonne parole. Et il n’y a pas de mal non plus dans le fait de porter sur soi des inscriptions protectrices (ma’âdhah) comportant du Qur’ân ».

Le grand traditionaliste Al Hâkim Abû ‘Abdallâh (m.405 H) a dit dans Tahdhîb At Tahdhîb (7/244) : « J’ai entendu Abû Bakr Muhammad ibn al Muammal ibn Al Hassan ibn ‘Îssâ al Misarjissî (m.350 H) dire : « Nous sommes sortis avec l’imâm des gens des traditions, Abû Bakr Ibn Khuzaymah – (m.310 H) et son semblable Abû ‘Alî Ath Thaqafî (m.328 H) accompagnés d’une assemblée de nos mashaykh alors qu’ils se dirigeaient en masse vers la tombe de ‘Alî Ibn Mûssa ar-Ridâ à Tûs pour la visiter. J’ai vu de la révérence de Ibn Khuzaymah pour ce lieu, de son humilité pour lui et de sa supplication auprès de lui, ce qui nous a mis dans l’embarras » ».

Le traditionaliste de Baghdâd Abû Bakr ibn Nuqtah Al Hanbalî (m.629 H) a dit dans At Taqyyîd Li Ma’rifatu ar Ruwwât as Sunan wa al Masânid (p.282) : « Nous a informé Zakariyyah Alî ibn Hassân al Alabî lecture que j’ai eu auprès de lui en disant ; Nous a rapporté Abû al Waqt Abd al Awwal ibn Îssâ as Sijzî (m.502 H) en disant ; Nous a rapporté Abû Ismâîl AbdAllâh ibn Muhammad al Ansarî (m.481 H) en disant ; J’ai entendu le Hâfiz Abû Ya`qûb Ishâq ibn Ibrâhîm ibn Muhammad al Qurrâb (m.429 H) dire : J’ai entendu Al Khalîl ibn Ahmad as Sijzî dire : J’ai entendu Ahmad ibn Muhammad ibn Layth le Qadî de notre contrée dire : « Sahl ibn ‘AbdAllâh at Tustarî (m.283 H) se rendit auprès d’Abû Dawûd As Sijistânî (m.275 H) alors on a dit : « Ô Abû Dawûd ! C’est Sahl Ibn ‘AbdAllâh at Tustarî qui est venu te rendre visite ! ». Alors Abû Dawûd l’accueillit et le fit s’asseoir. Sahl lui dit alors : « Ô Abû Dawûd, j’ai un service à te demander ». Il dit alors : « Lequel ? ». Il lui dit : « Tu le réaliseras ? ». Il dit : « Je le réaliserai dans la mesure de mes possibilités ». Sahl lui dit alors : « Sors-moi ta langue avec laquelle tu as rapporté les récits du Messager d’Allâh pour que je l’embrasse ». Abû Dawûd lui sortit alors sa langue et Sahl l’embrassa ».

Le Qadi Abû Sa’id Al-Khalil Ibn Ahmad Al-Sijzi a aussi rapporté cela : « J’ai entendu Abû Muhammad Ahmad Ibn Muhammad Ibn Al-Layth le Qadi de notre pays dire : Sahl Ibn Abdullâh Al Tustari est venu auprès d’Abû Dawûd, on lui dit alors : Ô Abû Dawûd, voici Sahl qui est venu te rendre visite. Il l’accueilli donc. Sahl lui dit alors : Montre-moi ta langue avec laquelle tu as prononcé (ou rapporté) les paroles de l’Envoyé d’Allâh (‘alayhî salât wa salâm) afin que je l’embrasse. Il sortit donc sa langue et Sahl l’embrassa », comme l’ont relaté Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans Tahdhîb At Tahdhîb (4/151), al-Mizzî dans Tahdhîb al Kamâl (11/366) et d’autres.

Nous citerons également une anecdote relatée par un frère qui disait : « Un étudiant dans le hadith avait rappelé cette histoire au Muhaddith contemporain Shaykh Abd al Qadir al Arna’ut (rahimah Allah) lors d’une session de remise de Ijaza au Liban je crois et il avait agi de la même manière envers lui. En voyant la vidéo, j’avais été surpris sur le coup mais après j’ai vite saisi la profondeur de pureté d’âme de ces gens et outrepassé ma stupéfaction pour la transformer en admiration. Cette histoire a été relatée dans une vidéo que je cherche depuis des années… ».

Cela peut en effet choquer la mentalité contemporaine en Occident, mais il faut savoir que cette pratique n’est pas une obligation religieuse d’une part, et d’autre part qu’elle ne peut concerner que les personnes connues clairement pour leur grande piété et la Baraka dont ils ont été gratifiés par Allâh, – où leur salive possède des propriétés bénéfiques – et dont l’intention de la personne ne doit être que pour en tirer des bénédictions, ce que l’expérience a permis de confirmer dans un certain nombre de cas.

Nous arrêterons ici les éléments soutenant la licéité du tabarruk, – car il y en a des centaines dans les différents recueils de ahadiths -, pour rappeler une mise en garde du Prophète Muhammad (صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ) : « Certes ce que je crains pour vous, est un homme qui lira le Qur’ân à tel point que sa face en soit illuminée et qu’il en viendra à être une représentation de l’islâm, cela durera jusqu’à ce que Allâh le veuille, puis ces choses lui seront retirées et laisser derrière son dos, et il attaquera son voisin avec son épée en l’accusant d’association [shirk]. Je lui dis : Ô Prophète d’Allah, lequel des deux sera méritant d’une telle accusation, l’accusé ou celui qui accuse ? Il répondit : « Celui qui accuse bien sûr » » (hadîth rapporté par al-Bukharî dans son Târîkh n°2907, par At-Tahawî dans Sharh Mushkil al Athar n°865, par Abû Ya’la al Mawssilî dans son Musnad n°8007, par al-Bazzâr dans son Musnad n°2793, par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°81, par Abû Nu’aym dans Ma’rifatu as-Sahâba n°1747, par Al-Anbârî dans Al-Muntaqâ n°33, le Shaykh Al-Haytâmî dans son Majmû’ az Zawâ’id 1/187 considère ce hadîth comme étant fiable/hassan, le célèbre exégète Ibn Kathîr dans son Tafsîr 2/266 dit que la chaine est forte/jayyid, et par d’autres également).

Ce hadîth là s’applique dans de nombreux cas aux takfiristes parmi les wahhabites qui, simplement en voyant des musulmans s’approcher des tombes, poser leurs mains, embrasser la tombe ou faire d’autres choses du genre, les considèrent comme des « mécréants » ayant commis du shirk, – ou au mieux comme des musulmans ayant commis un acte annulatif de l’Islam ou étant des égarés -, alors que leur ‘aqida est saine et qu’ils appliquent la Sunnah et imitent les pieux prédécesseurs. Nous n’ignorons pas que certaines personnes ignorantes de la ‘aqida et du fiqh, puissent tomber dans des excès ou dans le shirk, car ils sont plus dans les croyances populaires ou folkloriques que dans l’Islam (qui ne leur est connu que par l’héritage culturel), mais cela se fait au cas par cas en interrogeant la personne, à moins que cette personne crie assez fort pour qu’on entende ses pensées, ses paroles et que ses intentions soient clairement exprimées, car dans le cas contraire, les gestes extérieurs peuvent être sujets à de multiples interprétations (totalement conformes à l’Islam, comme étant totalement à l’opposées de l’Islam).


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