Usayd bin Safwan rapporte que lorsque Sayyidûna Abû Bakr quitta ce monde, et que son visage fut couvert par un linceul, alors Médine toute entière trembla par les pleurs et la détresses de ses habitants. Les gens pleuraient comme ils l’avaient fait lors du jour de la disparition du Saint Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm), l’imâm ‘Alî, notre maître, le père des maîtres du Paradis parmi les jeunes, Al-Hassân et al-Hussayn, l’époux de l’une des reines du Paradis, Sayyida Fatima, le cousin et gendre du sayyîd du genre humain, le modèle des amoureux, le pôle des gnostiques, arriva en pleurant et en récitant « Inna lillah wa inna ilayhi râji’ûn » (Qur’ân 2, 156) et dit : « Aujourd’hui le califat du Prophète s’est interrompu ». Puis il se mit face à la porte de la demeure dans laquelle se trouvait le corps de Sayyidûna Abû Bakr, résuma toutes les qualités ainsi que les mérites de notre maître Abû Bakr lorsqu’il dit :
« Ô Abû Bakr ! Qu’Allâh te fasse miséricorde, tu es le premier (homme adulte) à avoir embrassé l’islam, le plus sincère dans la foi, celui qui a cru (avec) le plus (de certitude) en Allâh, celui qui Le craint le plus, le plus généreux et charitable de tous, celui qui a passé le plus de temps avec le Messager d’Allâh (‘alayhî salât wa salâm) et qui était le plus compatissant (altruiste) avec (les gens de) l’Islam. Tu fus la plus grande bénédiction pour les compagnons du Prophète (‘alayhî salât wa salâm), le meilleur dans la volonté du bien (pour les autres), le plus élevé en mérite, le premier à initier la marche, bénéficiant de la plus haute station, le plus proche du Saint Prophète (‘alayhî salât wa salâm), tu étais dans ta guidance, ta complexation, ton contrôle du langage, le plus semblable (le plus proche) au Saint Prophète (‘alayhî salât wa salâm). Aux yeux du Saint Prophète (‘alayhî salât wa salâm), tu étais le plus honorable des compagnons et le plus digne de confiance. Qu’Allâh, l’Exalté, te comble par le biais du Saint Prophète (‘alayhî salât wa salâm) de l’Islam et des musulmans, de bonheurs (richesses, bien-être, récompenses dans l’au-delà). Tu as attesté de la véracité (de la parole et de l’être) du Saint Prophète (‘alayhî salât wa salâm) lorsque le peuple l’a rejeté, alors Allâh t’a gratifié en t’attribuant le nom d’Al-Siddiq (le véridique) dans Son Livre et dit : « Celui qui a apporté la vérité (c’est-à-dire le Saint Prophète) et celui qui a attesté (certifié), (c’est-à-dire Abû Bakr al-Siddîq) » (cf. Qur’ân). Tu as consolé (réconforté) le Saint Prophète (‘alayhî salât wa salâm) alors que le peuple était rancunier (hostile, haineux). Debout avec le Prophète (‘alayhî salât wa salâm) lorsque le peuple l’a abandonné, tu as rendu grâce au Prophète (‘alayhî salât wa salâm) même dans les moments les plus difficiles. Tu es Thani-Al-Ithnain (Le second parmi les deux ; il secondait le Prophète), tu as été béni et (Allâh) a fait descendre sur toi la paix. Tu étais le compagnon du Saint Prophète (‘alayhî salât wa salâm) durant l’émigration et durant tous les moments difficiles. Tu t’es avéré être le meilleur calife du Saint Prophète (‘alayhî salât wa salâm) pour la Ummah, sans cela, le peuple aurait apostasié. Tu as établi (fermement) le Dîn d’Allâh comme nul autre calife d’un quelconque (autre) Prophète n’aurait pu le faire. Tu es resté robuste (fort) lorsque tes compagnons se sont affaiblis, tu as été prompt, (fait preuve de diligence) lorsqu’ils sont devenus indolents (paresseux), tu t’es dressé (contre l’ennemi) pour la stabilité du Dîn lorsque les gens ont montré des signes de faiblesses, tu as marché sur le Minhaj (la voie de la droiture) du Saint Prophète (‘alayhî salât wa salâm) au moment où la détermination des Hommes a faiblit, tu n’as guère prêté attention à l’opposition des hypocrites, à la haine des rebelles, à la colère des infidèles et à l’envie et à l’aversion des envieux. Tu as persévéré dans la cause de la vérité pendant que les gens étaient découragés, tu es resté ferme pendant qu’ils vacillaient, tu as marché à la lumière des conseils divins pendant qu’ils se tenaient face (en opposition) à lui, enfin ils t’ont suivi et ont obtenu la guidance. Ta voix était la plus basse mais son rang, le plus élevé, ton discours était le plus bas mais le plus avéré (authentique), tu étais le plus silencieux mais ton discours était le plus éloquent. Tu excellais dans la haute opinion (les suggestions, les conseils), la bravoure (vaillance), la force de conviction (doctrine), la bonne complexation (les bonnes actions) et dans la compréhension des affaires. Ô Seigneur de gloire ! Tu fus le premier chef du Dîn lorsque les gens l’ont délaissé et tu fus le dernier chef lorsqu’ils se sont tournés vers ce dernier. Tu étais comme un père compatissant envers les musulmans jusqu’à ce qu’ils deviennent comme tes enfants. Tu portais de lourdes charges qu’ils (tes compagnons) ne pouvaient supporter, tu sauvais ceux sur le point de s’égarer et tu prenais soin de ceux qui étaient sur le point de délaisser (la voie droite). Tu as fait preuve de diligence lorsqu’ils étaient impuissants, tu as gardé la tête haute lorsqu’ils étaient découragés, tu es resté ferme lorsqu’ils étaient terrifiés et ils ont obtenu une telle guidance et succès, que sans toi, il leur aurait été impensable de l’acquérir. Tu étais une tempête de tourments et une flamme de feu pour les mécréants (belliqueux) et un déluge d’amour et de miséricorde pour les croyants.
Tu as volé dans l’atmosphère des attributs et des perfections, trouvé et choisi le meilleur présent parmi eux. Ton argument n’a jamais été vaincu, ton coeur ne fut jamais rouillé, ta vision n’a jamais faibli et ton âme n’a jamais connu la lâcheté ou la perfidie. Tu étais tel une montagne que les vents ne pouvaient déplacer et que les tempêtes ne pouvaient secouer. Selon les paroles du Prophète (‘alayhî salât wa salâm), tu étais le plus bienveillant (gratifiant) envers le Prophète (‘alayhî salât wa salâm) en termes de compagnie et de service financier, et selon les paroles du Prophète (‘alayhî salât wa salâm) (ou selon ces dernières), tu possédais un corps plutôt amaigri mais tu étais doté d’une incroyable force et ardeur en matière de Dîn d’Allâh. Tu étais humble en estime de soi-même, mais tu étais exalté aux yeux d’Allâh, (être) sans égal (aux autres) sur terre, et très estimé parmi les croyants. Personne ne se moquait de toi, ni ne pouvait prononcer une (quelconque) critique à ton égard. Tu n’as également jamais fait de concessions à quiconque (en matière de Dîn).
L’homme faible et inférieur était fort à tes yeux jusqu’à ce que tu lui octroies son droit et l’homme fort et puissant était faible et humilié à tes yeux jusqu’à ce que lui ôtait les droits des autres. De loin et de près, les deux catégories de personnes étaient les mêmes à ses yeux.
Ton rang était (constitué par) la vérité, la véracité et la douceur, ton commandement était définitif et catégorique, ton attitude était la patience et la clairvoyance, ton opinion était (fondée sur) la connaissance et la détermination. Tu as quitté le monde lorsque le chemin fut pavé, que la difficulté se transforma en facilité et que le feu (le danger) fut éteint. Grâce à toi, le Dîn a atteint un état modéré (équilibré, tempéré), la foi s’est enhardie, le commandement d’Allâh a prévalu malgré que les mécréants (injustes) en ont souffert et l’Islam et les musulmans sont restés sur la droiture. Par Allâh, le Seigneur de gloire ! Tu es allé si loin dans l’application (des enseignements) du Dîn que tu as épuisé ceux qui t’étaient postérieurs (ne pouvant t’égaler), tu as réussi et tu es libéré des soupirs et des souffrances. La gravité de ta mort s’est fait ressentir jusqu’au ciel et sa tragédie a touché toute l’humanité. Nous appartenons tous à Allâh et nous reviendrons à Lui. Nous sommes satisfaits de la décision d’Allâh, le Seigneur Glorieux, et nous lui avons confié notre cas. Par Allâh ! Après la disparition du Saint Prophète (‘alayhî salât wa salâm), aucun évènement n’a plus affecté (et meurtri) les musulmans que ton décès. Tu étais un lieu de mérite (de renommé) et un refuge pour le Dîn, une forteresse et un Dar Al-Amn (demeure/terre de sécurité) pour les musulmans, et pour les hypocrites tu étais plein de rage et de hargne. Puisse Allâh, l’Exalté, t’unir à Son Noble Prophète (‘alayhî salât wa salâm) et ne jamais nous priver de ta récompense et de nous garder fidèles à la vérité pour toujours ».
Tant que Sayyidunâ ‘Alî parlait, les gens écoutaient en silence, puis se mirent à pleurer de façon incontrôlable comme ils l’avaient fait le jour de la disparition du Saint Prophète (‘alayhî salât wa salâm). Ce récit est notamment rapporté par Al-Hakim at-Tirmidhî dans Nawadîr al-Usul 3/142, par Ibn ‘Abd al-Barr dans Al-Isti’âb 1/98, par Ibn ‘Asakir dans Tarîkh Dimasqh 30/440, par Muhîb Tabarî dans Riyadh al-Nadhra 2/248, par Al-Bazzâr dans Al-Musnad 3/138 n°928, par Muqaddisi dans Al-Ahadith Al-Mukhtarat 2/15 n°397-398, par Al-Haythâmî dans Majmâ’ Al-Zawâ’îd 9/47 et par d’autres.