Le musulman entre complotisme, esprit critique et vigilance

Si le complotisme touche toutes les communautés, – y compris celles des athées se réclamant du scepticisme dès qu’il est question des questions religieuses (où ils tentent de les expliquer en partie par une succession de complots sans queue ni tête initiés par les Prophètes) et des identitaires laïcards qui parlent d’un agenda politique islamiste très bien organisé en Europe (ce qui n’est pas le cas, et quand au même moment, les musulmans ont moins de droits que les autres communautés dans plusieurs pays européens) -, nous parlerons ici essentiellement de la communauté musulmane.

Pour quiconque s’intéresse sérieusement aux questions géopolitiques, politiques, historiques et occultistes, l’existence de complots relève du fait, et nier l’existence, – ou la possibilité-même qu’il puisse y avoir des complots -, relève d’une croyance contredisant la rationalité, les faits et la psychologie humaine. Les entités humaines s’allient ou s’opposent, forment des groupes ou planifient des guerres pour des raisons diverses, qu’elles soient économiques, idéologiques, politiques, sentimentales et personnelles, et useront parfois de différents prétextes aux yeux de leur entourage ou auprès de leur nation, pour les justifier et leur donner un caractère « nécessaire », « vital », « sacré » ou « impératif ». Pour toute personne s’intéressant de près à la politique, ou y étant impliquée, notamment en Occident, il apparait évident que les rouages de la politique et les manipulations et propagandes médiatiques vont de pair, il y a un fossé aussi souvent entre les discours officiels et les motivations réelles, une continuelle instrumentalisation des événements ou de causes pour détourner l’attention du public, dissimuler leurs manquements et leurs échecs,  pour éviter une plus grande contestation politique. Mais là où le « complotisme » commence à se couper de la réalité, c’est quand leurs adeptes occultent la complexité du monde, l’incompétence de bon nombre de « spécialistes » et de « politiciens », qui parfois ne savent pas vraiment ce qu’ils font, soit parce qu’on a fait croire aux gens que toutes les personnes diplômées étaient forcément intelligentes et compétentes (ce qui n’est pas le cas), soit parce que certains sont tout simplement paresseux ou peu consciencieux, ou mal renseignés, et n’assument pas publiquement leurs erreurs ou leurs négligences, d’où les mesures ou discours contradictoires que l’on observe dans de nombreux pays occidentaux de façon récurrente.

Il n’est pas nécessaire non plus d’invoquer l’explication de complot pour expliquer les bourdes ou magouilles politiques, car d’autres facteurs l’expliquent souvent très bien (notamment pour ceux qui en sont les témoins oculaires), comme l’ignorance, la médiocrité, l’avidité humaine, la jalousie, la concurrence déloyale, la notoriété, etc. C’est le système global même qui mène à ce genre de dérives, où tout ce qui est sacré, intellectuel, spirituel et moral est effacé, occulté ou même « inconsciemment combattu » par beaucoup, à l’aide de suggestions psychiques, d’habiles propagandes, de l’appel à l’ignorance et aux amalgames, même s’il est vrai que, à l’origine et encore aujourd’hui, des groupes d’individus l’ont sciemment orchestré, voulu et élaboré. Mais bon nombre d’anti-religieux ou de « pro-impérialistes occidentaux » de nos jours, ne sont pas intégrés dans les groupes et cercles privés (qu’ils soient occultistes ou non), mais ce ne sont que des « moutons » ou des personnes au profil idéologique et psychologique en phase avec leurs idées, qui ont été mentalement et socialement « domestiqués » et « manipulés » pour défendre et maintenir ce système délétère comparable à un virus qu’ils ne veulent pas voir neutraliser et disparaitre.

Prenons quelques cas contemporains, des erreurs commises par les « complotistes » sur le plan géopolitique, où leur vision manichéenne les empêche d’accepter des faits pourtant très simples et vérifiables, uniquement parce que dans leur paradigme biaisé, tout ne peut être que « simple » et relevant donc du « complot » et que seul un camp peut être injuste, avide ou calculateur.

Sous prétexte que le Qatar avait aidé la résistance syrienne légitime, les pro-Bashar ont traité le Qatar de « pro-sioniste », alors que le Qatar en Syrie, en Turquie et en Libye, suit un agenda opposé à celui de « l’entité sioniste », et que le Qatar a aussi aidé économiquement l’Iran, – pourtant officiellement ennemi déclaré de l’entité sioniste -. De même, les « pro-Assad » considèrent Daesh et Al-Qaïda comme étant des mouvements quasi-similaires, alignés sur l’agenda americano-sioniste, alors qu’il existe d’authentiques membres totalement opposés à l’agenda américano-sioniste, et qui ont d’ailleurs mené des opérations militaires contre les intérêts américains dans la région. De plus, l’Iran a souvent soutenu Al-Qaïda en Irak et a hébergé un certain nombre de hauts cadres d’Al Qaïda ainsi que frères musulmans (pourtant détestés par les sionistes, le régime syrien et le gouvernement américain). Les principaux responsables d’Al-Qaïda interdisaient ainsi, en Irak par exemple, d’initier les hostilités avec les mouvements shiites armés, afin de se concentrer sur les forces américaines en Irak, mais cette vision n’ayant pas plus à la branche la plus radicale du mouvement, il y a eu une scission, puis des combats entre des groupes « shiites » et « sunnites » ont éclaté et se sont brutalement décuplés et amplifiés.

Pour la Turquie, que ce soit en Egypte, en Tunisie, en Libye, en Méditerranée ou en Syrie, son agenda s’oppose à celui de l’impérialisme américano-sioniste aussi bien qu’à l’impérialisme russe qu’à la barbarie du régime syrien. La Turquie condamne aussi fermement les agressions immorales, sanglantes et illégales commises par les forces israéliennes en Palestine et en Cisjordanie, et apporte son aide humanitaire aux Palestiniens. Et pourtant, d’un autre côté, la Turquie continue, par nécessité (et non par « plaisir ») d’échanger commercialement avec eux. Tout comme la Turquie entretient encore de nombreux échanges commerciaux avec l’Iran. De nos jours, les pays sont généralement interdépendants et ont donc besoin, de commercer avec d’autres pays, même s’ils sont « ennemis » dans certaines régions et « alliés » dans d’autres régions quand leurs intérêts coïncident. Le monde n’est pas unipolaire ni même bipolaire. Il n’y a plus (ou pas) les « Etats-Unis » d’un côté, et « l’URSS » de l’autre. Nombreuses sont les entités politiques qui ont leur propre agenda, et qui doivent composer avec la réalité et la complexité des relations internationales et régionales. L’Arabie Saoudite est l’alliée des Etats-Unis dans la région mais en 2020, les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite se sont livré une guerre économique, la Russie s’est rapprochée de l’Arabie Saoudite sur ce dossier, tout en étant opposé à eux sur d’autres dossiers. La Turquie a des relations économiques et diplomatiques avec l’UE, mais s’affrontent mutuellement en méditerranée et en Syrie. La Turquie est dans l’OTAN mais les membres de l’OTAN lui mettent des bâtons dans les roues car la Turquie refuse de se plier à leur agenda impérialiste et terroriste dans le monde musulman et en Afrique. L’UE soutient d’ailleurs des groupes terroristes marxistes (officiellement inscrits comme terroristes auprès de l’UE et des Etats-Unis), qui sont soutenus aussi par les Etats-Unis et le régime israélien et qui luttent ainsi contre la Turquie.


Les « assadistes » louent la Russie et la Chine, mais oublient-ils que la Russie et la Chine entretiennent de bonnes relations avec le régime israélien, qu’ils n’ont rien à faire du bien-être du monde musulman, qu’ils participent à des massacres contre des populations musulmanes et qu’ils ne voient pas d’un bon œil l’indépendance politique et la puissance militaire du monde musulman ? Cela explique notamment les quelques coups foireux perpétrés par la Russie à l’Iran, notamment les nombreux retards d’équipements militaires de pointes, de technologie importante, etc. La Russie ne laisse-t-elle pas impunément le régime israélien pénétrer l’espace syrien pour y réaliser ses agressions illégales ?

L’Iran qui est officiellement en « guerre froide » contre les Etats-Unis et Israël, a pourtant joué le jeu de l’agenda américain en Afghanistan et en Irak, en les aidant activement, mais en échange de pouvoir aussi étendre leur influence dans la région. De même, l’Iran entend légitimement garder et préserver son indépendance, mais n’a pas hésité à acheter du matériel d’espionnage et de surveillance aux entreprises israéliennes, ainsi que d’autres échanges commerciaux, mais de façon officieuse, même s’ils sont toujours ennemis en Syrie, car l’Iran entend garder son indépendance et son influence en Syrie, tandis que la politique israélienne vise à étendre son hégémonie régionale sur tous les plans, quitte à détruire les autres pays et à massacrer les populations civiles, ce que font aussi les forces assadistes dans leur propre pays.

Les « complotistes » se positionnant comme « anti-US » ne parlent pas des injustices des gouvernements syrien, chinois et russe, de leurs fake news, de leurs attentats false flag, de leur lutte contre les musulmans (y compris ceux qui sont enracinés dans le tasawwuf), du fait que la Chine a officiellement menti sur le nombre de cas réels de personnes décédées et infectées par le Covid-19 ni du fait que la Chine a tardé considérablement à communiquer leurs informations aux autres pays du monde entier… Là aussi, ils reprochent aux autres ce qu’ils font eux-mêmes.

Sur la base de quelques articles peu sérieux, de déclarations loufoques issues d’inconnus ou encore en se fondant sur quelques articles sérieux mais en extrapolant ou en détournant certaines informations, ils se concoctent toute une théorie qui ne passe pas l’épreuve des faits, à l’instar des théories diffusées par le bloc identitaire en France, par les mouvements gauchistes et pro-US.

La faute en revient aussi surtout aux gouvernements (aussi bien en Occident qu’ailleurs) qui usent régulièrement de mensonges, qui se contredisent et cachent réellement des informations ou qui dissimulent des ambitions peu honorables aux yeux du peuple, et qui les imposent graduellement par la suite, puisque les revendications du peuple n’ont pas été intégrées à leur politique, car n’étant pas parvenus pas à « contraindre » leur gouvernement à faire marche arrière, ce qui montre l’illusion démocratique dans laquelle se trouve beaucoup de pays occidentaux. Tout cela suscite légitimement la méfiance, le scepticisme et la colère des citoyens.

Ceci étant dit, au-delà même de savoir si telle thèse est plus proche de la vérité que telle autre thèse, perdre ses journées à spéculer sur les intentions ou ambitions réelles d’untel et d’untel ne mène à rien, car il faut avancer spirituellement et profiter intelligemment et « spirituellement » de la vie sur ce dont nous avons réellement prise, pour ceux qui n’occupent aucune fonction politique. C’est gâcher sa vie que de perdre son temps à spéculer sans pouvoir s’assurer du bien-fondé des spéculations, tout en oubliant de vivre, d’accroitre sa connaissance des choses utiles et du Divin, de L’adorer, de s’élever spirituellement, de passer de bons moments avec nos proches et nos amis, d’explorer le monde, etc. Il convient certes de s’informer un minimum auprès de sources fiables sur les enjeux (géo)politiques et l’actualité politique (au moins du pays et de la région où l’on se trouve) pour être mis au courant des choses importantes qui auront un impact sur notre vie ou sur celle de nos proches et de nos semblables plus généralement. La spiritualité opérative permet de prendre l’ascendant sur les enjeux politiques de chaque groupuscule, de ne pas tomber dans les pièges de la modernité et du conditionnement socio-politique dans lequel nous évoluons, et de se concentrer sur Allâh, Qui est « le meilleur en stratagème » pour reprendre le vocabulaire qurânique.

Et quand il est question de santé publique, il est encore plus impératif de rester vigilant, aussi bien à l’égard des informations « officielles » (souvent liées au « business » et donc aux « dérives » des lobbies pharmaceutiques et agro-alimentaires) que des théories fumeuses ou trop alarmistes que l’on peut trouver sur les réseaux sociaux, car dans les deux cas, cette irresponsabilité peut conduire à la mort ou à contracter des maladies graves voire mortelles.


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