Le pieux calife ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘azîz (vers 61H/680 – 101H/720), lorsqu’il devint calife, demanda à l’imâm Hassân al-Basrî (21H/642 – 110H/728) comment devait être un imâm et dirigeant, ce à quoi Hassân al-Basrî lui répondit :
« Sache, Commandeur des Croyants, qu’Allâh a fait de l’imâm juste le support de tout apprenant, le redresseur de tout déviant, la réforme de tous les corrompus, la force de tous les faibles, la justice de tous les opprimés, le refuge de tous ceux qui méritent la compassion. L’imâm droit, ô Commandeur des Croyants, est comme un berger, soucieux des chameaux qu’il élève, désirant pour eux les pâturages les plus doux, les éloignant de tout pâturage dangereux, les protégeant des bêtes féroces, et les protégeant contre les méfaits de la chaleur et du froid. Et l’imâm droit, Commandeur des Croyants, est le gardien de l’orphelin, et le trésor des pauvres, nourrissant les petits et pourvoyant aux besoins des personnes âgées. L’imâm droit, Commandeur des croyants, est comme le cœur pour les membres du corps : tous sont sains lorsqu’il est sain, et tous corrompus lorsqu’il est corrompu. L’imâm sur la voie de la justice, Commandeur des croyants, est l’intermédiaire entre Allâh et Ses serviteurs ; écoutant la Parole divine et en les faisant écouter la Parole divine ; en regardant vers Allâh, et en les faisant regarder vers la même direction ; obéissant à Allâh et les incitant à obéir à Allâh également. Par conséquent, Commandeur des Croyants, n’agis pas en ce qu’Allâh le Puissant et Glorieux t’a donné comme un esclave dont le maître lui a fait confiance et lui a confié ses biens et ses enfants, qui dilapidera alors les biens de son maître et chassera ses enfants, et poussant la famille à la pauvreté et dispersant sa fortune. Et sache, Commandant des Croyants, qu’Allâh a envoyé (Sa Loi) les peines légales pour réprimander les gens afin de les éloigner de la méchanceté et de l’immoralité. Comment se passera-t-il si celui qui les administre les mérite ? Et Il décréta la loi du talion pour donner la vie à Ses serviteurs. Comment se passera-t-il si l’homme qui leur donne des représailles les met à mort ? Souviens-toi, ô Commandeur des Croyants, de la mort et de ce qui vient après, et du peu de partisans que tu as là-bas, ou d’aides contre elle. Prévois donc la mort, et contre la plus grande terreur qui la suit. Et sache, Commandeur des Croyants, qu’il y a un endroit (l’Au-delà) pour toi autre que l’endroit (ce bas-monde) où tu es maintenant. Ton séjour y sera long, et tes amis seront séparés de toi. Tu seras engagé dans ses profondeurs en tant qu’individu complètement solitaire. Par conséquent, prévois ce que tu peux emporter avec toi (c’est-à-dire concernant les bonnes œuvres). « Le jour où un homme fuira son frère, sa mère, son père, son épouse, ses enfants » (Qur’ân 80, 36). Et rappelle-toi, Commandeur des Croyants : « Ne sait-il donc pas que lorsque ce qui est dans les tombes sera bouleversé » (Qur’ân 100, 9), lorsque les secrets sont rendus manifestes, et « Et on déposera le livre (des comptes) de chacun. Alors tu verras les criminels, effrayés à cause de ce qu’il y a dedans, dire : « Malheur à nous, qu’a donc ce livre à n’omettre de mentionner ni pêché véniel ni pêché capital ? ». Et ils trouveront devant eux tout ce qu’ils ont oeuvré. Et ton Seigneur ne fait du tort à personne » (Qur’ân 18, 49). Et maintenant, Commandant des Croyants, tu es dans le loisir, avant la dissolution de la mort et le service de l’espérance. Par conséquent, Commandeur des Croyants, ne juge pas parmi les serviteurs d’Allâh selon les usages de la période préislamique de l’ignorance (bi hukum al-jahiliyyah), et ne parcoure pas le chemin des transgresseurs avec eux, et ne sois pas arrogant dans le pouvoir sur les personnes humbles et modestes, car ceux-ci ne veilleront sur aucun croyant ou sur les groupes religieux protégés (dhimma), de sorte que tu devras reconnaître tes propres fautes et les fautes des autres aussi, et porter tes propres fardeaux et les autres aussi. Ne sois pas trompé et attristé par ceux qui mèneraient une vie (semblant) agréable (remplie de plaisirs mondains) en te causant (finalement) des préjudices, et mangeant (de façon démesurée ou illicite) les bonnes choses de ce monde en faisant disparaître les bonnes choses de l’Au-delà. Et ne regarde pas ta puissance dans ce monde, mais regarde quelle sera ta puissance quand tu seras captif dans les liens de la mort, et forcé de te tenir devant Allâh le Très-Haut en compagnie des Anges, des Prophètes et des Envoyés, et les visages seront tournés vers le Vivant et l’Auto-subsistant (l’Absolu). Et moi, ô commandant des croyants, bien que je n’aie pas atteint par mes actes de dévotion et mon ascétisme ce que les personnes prudentes et perspicaces ont atteint avant moi, je n’ai cependant pas cessé de t’offrir sollicitude et conseils, t’envoyant ma lettre en tant que médecin faisant boire à un ami bien-aimé des médicaments désagréables, car il espère lui offrir santé et solidité (par ce moyen). Et que la Paix soit sur toi, ô Commandant des croyants, et la Miséricorde d’Allâh, ainsi que Ses bénédictions ».
Rapporté par Ibn ‘Abd-Rabbihi (246 H/860 – 328 H/940) dans son Al-Iqd al-Farid. Il est né à Cordoue (en Andalousie musulmane), il était un savant musulman d’origine arabe, juriste malikite, théologien, poète, écrivain, historien, et formé dans les sciences du Hadîth et d’autres sciences islamiques.