L’athéisme, une croyance ?

Souvent, nous entendons les athées militants et anti-religieux asséner le postulat voulant que la Religion relève de la croyance – or la foi n’est pas synonyme de croyance puisqu’elle impliquait, – du moins à l’origine, la Connaissance, – et parfois la démonstration logique -, l’Amour et la sincérité -. En Islam par exemple, il y a toute une science, appelée « ‘ilm ul-kalâm », – reprise par la suite par des savants juifs et chrétiens, et même déistes de nos jours -, visant à démontrer rationnellement la Réalité divine et Ses Attributs nécessaires. Les théologiens sunnites (asharites, maturidites et une partie des atharites orthodoxes ou déviants), les mu’tazilites, les shiites et les philosophes musulmans y auront aussi recours par moment et selon les besoins de l’époque ou du contexte. Par ailleurs, la croyance ne signifie pas que celle-ci serait fausse, mais qu’elle ne serait pas « démontrable », – du moins sous certains aspects -. La croyance peut être aussi bien rationnelle qu’irrationnelle, appuyée ou non par des arguments scientifiques, rationnels, spirituels, psychologiques, etc.

Mais les athées prosélytes s’excluent du « champ de la croyance » comme par enchantement pour présenter l’athéisme comme une sorte de « connaissance », alors qu’elle relève de la croyance et de leur subjectivité.

En effet, l’athéisme est un acte de croyance, car y’aurait-il une croyance plus absurde que celle-ci, où l’absence de réalité (néant/rien) aurait pu produire la réalité (1), où le hasard bouche trou expliquerait et engendrerait comme par magie et par « miracle » tout ce qui lui fait cruellement défaut, à savoir la vie, l’intelligence, l’information, la conscience, les lois. Où l’absurde (non-sens et l’irrationnel) se trouverait au fondement de leur croyance qui aimerait se voir coller l’étiquette de la rationalité (dont l’athéisme nie en quelque sorte la « valeur existentielle ») et où ils reprochent aux non-athées d’être irrationnels et dans l’erreur alors que les croyants sont dans le rationnel et que l’athéisme rejette en soi les concepts de rationalité, d’ordre, de cohérence, de logique, de sens et donc de vérité puisque tout serait irrationnel en soi (l’univers comme l’intellect) alors qu’il y a adéquation entre le réel et l’intelligence humaine, entre l’objet et le sujet.

D’ailleurs le fait que ce qui est réel et illusoire soit distingué, démontre l’existence d’une lumière ou d’une opération mentale entre la réalité et l’illusoire, et la différence entre l’objectivité et la subjectivité, où la conscience est au « centre » de tout, fondement et manifestation de la Transcendance à l’origine des modalités spatio-temporelles, et nécessaire pour permettre et légitimer toutes les démarches scientifiques et philosophiques.

L’athéisme est donc une sorte de croyance magique qui ne dit pas son nom.

Quant au hasard bouche-trou, il ne peut en rien expliquer l’existence de l’univers ni de la vie. En effet, à la moindre « erreur » ou au « moindre échec », l’univers ne serait pas viable, même avec 5 ou 5000000000000 milliards d’années. L’existence des multivers (hypothétique sur le plan scientifique, mais parfaitement compatible avec les doctrines religieuses) ne change rien à la situation. Le hasard et le temps ne peuvent rien expliquer. Le hasard n’existe pas (et ce, même si l’on adopte l’argumentaire athée « Je ne crois que ce que je vois, ce n’est pas quantifiable, c’est de la croyance et une illusion de l’esprit »), c’est une chimère.

Et pour le « temps », seul, il ne produit rien, raison pour laquelle la science explique et décrit l’univers par des constantes et des lois physiques autres que le « temps », et non pas par le hasard philosophique bouche-trou à qui l’on attribue la Toute-Puissance (ou comment voiler l’un des Noms et Attributs du Divin …).

Frithjof Schuon écrivait aussi ceci : « Toutes les erreurs sur le monde et sur Dieu résident dans la négation « naturaliste » de la discontinuité (1), donc de la transcendance – alors que c’est sur celle-ci qu’on aurait dû édifier toute la science – soit dans l’incompréhension de la continuité métaphysique et « descendante », laquelle n’abolit en rien la discontinuité à partir du relatif.

  (1) C’est plus ou moins ce préjugé « scientiste » – allant de pair avec la falsification et l’appauvrissement de l’imagination spéculative – qui empêche un Teilhard de Chardin de concevoir la discontinuité de force majeure entre la matière et l’âme, ou entre le naturel ou le surnaturel, d’où un évolutionnisme qui – au rebours de la vérité – fait tout commencer par la matière. – Un minus présuppose toujours un plus initial, si bien qu’une apparente évolution n’est que le déroulement tout provisoire d’un résultat préexistant ; l’embryon humain devient homme parce qu’il l’est déjà; aucune « évolution » ne fera surgir un homme d’un embryon animal. De même le cosmos entier ne peut jaillir que d’un état embryonnaire qui en contient virtuellement tout le déploiement possible, et qui ne fait que manifester sur le plan des contingences un prototype infiniment supérieur et transcendant ». (Frithjof Schuon, Comprendre l’Islam, éd. Gallimard, 1961, pp. 148-149).


Notes :

(1) Quand bien même l’univers serait « éternel », cela n’exclut pas la nécessité du Divin posé et établi comme nécessité rationnelle et comme principe métaphysique, comme l’ont montré par exemple Ibn Rushd au Moyen-âge et Frithjof Schuon à notre époque, notamment dans son ouvrage Soufisme – Voile et quintessence aux éditions Dervy, 2006.


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