La sacralité originelle de la vie humaine selon l’Islam

   Dans le Qur’ân, la vie humaine est jugée sacrée de façon générale (musulmans et non-musulmans) sans distinction juridique particulière. Le principe originel est donc la sacralité de la vie.

« Et nous avons (honoré et) donné à chaque être humain une dignité » (Qur’ân 17, 70).

   Ibn Taymiyya dans As-Sârim (p. 104) écrit à ce sujet : « Le principe originel (al-asl) est que la vie de l’humain est protégée : celui-ci ne peut être tué que pour une raison juste », conformément aux versets du Qur’ân. Cependant dans cet ouvrage il contredit parfois ce principe en se basant sur des récits inventés et faibles issus de la Sirah d’Ibn Ishaq notamment.

   Le Qur’ân dit encore : « Dis : « Venez, je vais réciter ce que votre Seigneur vous a interdit : ne Lui associez rien ; et soyez bienfaisants envers vos père et mère. Ne tuez pas vos enfants pour cause de pauvreté. Nous vous nourrissons tout comme eux. N’approchez pas des turpitudes (actes abominables) ouvertement, ou en cachette. Et ne tuez pas, sans nécessité de droit, la vie (l’individu) qu’Allâh a déclaré sacrée. Voilà ce qu’[Allâh] vous a enjoint de faire ; peut-être comprendrez-vous » (Qur’ân 6, 151). Tous les versets où Allâh évoque la sacralité de la vie humaine ont une portée générale, et rien n’indique une restriction, si ce n’est le principe de justice (et non pas de croyance ou de religion) qu’Allâh énonce.

   Seule une circonstance accidentelle et aggravante peut autoriser la punition en dépit de cette sacralité ; celui de l’assassin (musulman ou non), ou du combattant ou rebelle transgresseur (musulman ou non) qui lève les armes contre l’Etat musulman légitime et juste ou contre ses citoyens (musulmans ou non), ou contre des non-musulmans possédant un pacte de protection (même en dehors du dâr al islâm).

« (…) quiconque tuerait une personne non-coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué toute l’Humanité » (Qur’ân 5, 32), et « et ne tuent pas la vie qu’Allâh a rendue sacrée, sauf à bon droit » (Qur’ân 25, 68).

   Du point de vue moral donc, le principe originel est que leur sang n’est pas licite (ne peut pas être versé) sauf pour une raison précise et juste. Du point de vue juridique, le musulman doit même engager ses forces et ses moyens pour secourir le dhimmi ou le mu’ahad qui serait victime d’une agression ou en danger de mort car il y a eu un engagement scellé à leur égard. Pour le non-musulman n’ayant aucun pacte, il n’y a pas d’obligation juridique d’aller le secourir, mais l’obligation morale (islamique) demeure en vertu du verset : « Et quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à toute l’Humanité » (Qur’ân 5, 32).

    Dans un certain nombre de traités juridiques du Moyen-Âge, on peut trouver des avis disant que le sang du non-musulman harbi (qui fait partie d’une nation non-musulmane qui n’est pas officiellement et juridiquement en paix avec les musulmans) est licite, mais uniquement dans le sens où il n’y aura pas de sanctions juridiques contre celui qui le tuerait ou l’agresserait, car à l’époque, les non-musulmans qui n’avaient pas de pacte avec les musulmans, les attaquaient ou les agressaient. Ceci dit, l’obligation morale de ne pas les tuer, – tant qu’ils ne combattent pas les musulmans -, demeure, et en cela les versets du Qur’ân sont nombreux. Preuve en est que les juristes qui ont défendu cet avis sur le plan légal (théorie du droit musulman), n’ont pas évoqué, – ni leurs contemporains -, le fait d’avoir agressé ou tué des harbi (non-musulmans appartenant à une nation en guerre avec l’Islam et les musulmans), mais ont évoqué seulement le fait d’avoir combattu les combattants ennemis sur le champ de bataille (notamment lorsque les croisés ont attaqué Jérusalem et d’autres cités musulmanes).

  Quant aux non-musulmans liés par un pacte quelconque (et aujourd’hui par les traités internationaux qui lient les états musulmans aux états non-musulmans), sur le plan juridique, un certain nombre de juristes ont stipulé la peine capitale pour les musulmans qui tueraient des non-musulmans.

   L’imâm ‘Alî a dit : « Si un musulman tue un chrétien alors il sera exécuté (par l’Etat) pour cela » (cité dans Kitâb al-Umm, 7/339).

   Ibn Rajâb al-Hanbalî a dit dans son Jâmi’ al-‘Ulûm wa al-Hikam (p. 14) : « Abû Hanifa et un groupe de juristes de Kufa ont dit que le Musulman devrait être exécuté pour avoir tué (injustement) un mécréant ».

   L’Imâm At-Tabarî (un salaf) dit dans son Tafsîr par rapport à l’équité et à la bienfaisance que cela : « inclut tous les groupes et toutes les religions, et que cela n’empêche pas d’agir de manière bienfaisante avec eux, de maintenir des bonnes relations avec eux ainsi que d’agir de manière juste avec eux ».

   Allâh dit dans le Qur’ân : « …et soyez équitables, car Allâh aime les équitables » (Qur’ân 49, 9).

    Il dit aussi : « Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allâh et soyez des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et prenez garde à Allâh. Car Allâh est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites » (Qur’ân 5, 8).

   L’exégète Al-Qurtûbî dit dans son Tafsîr al-Qurtûbî (commentaire du passage qurânique 5/8) : « Ce verset montre que la mécréance du mécréant ne l’empêche pas d’être traité avec justice ! ».

   En effet, l’éthique du musulman a été enseigné aussi dans ce hadîth prophétique : « Le Musulman est celui dont les gens sont épargnés du mal de sa langue et de sa main et le croyant est celui dont les gens ont confiance en ce qui concerne leur vie et leur biens matériels » (Rapporté par An-Nasâ’î dans ses Sunân, n°4995). Cela signifie que le plus bas degré (celui du musulman) doit consister, a minima, dans le fait de ne pas insulter, agresser ou tuer les gens (qu’ils soient musulmans ou non-musulmans, hommes ou femmes, enfants ou adultes, riches ou pauvres, …), et le degré supérieur de l’islam, qui est celui du « mu’mîn » (croyant, celui qui a vraiment la foi), est d’inspirer aux gens la confiance, la paix et la sécurité, et donc de manifester la bonté et la sagesse, et d’incarner la justice et le bel-agir.

   Il n’y a par ailleurs aucune utilité ni aucune nécessité à s’en prendre aux simples harbi. Le Prophète a tout fait pour les épargner, et s’est contenté d’être équitable, doux et de bon conseil pour les éloigner de l’idolâtrie et de l’immoralité à défaut de pouvoir les convertir. Le but étant leur guidée, ainsi que la paix ici-bas au moins, les agresser ou les tuer serait donc aussi contre-productif, en plus d’être immoral et de susciter la haine, l’antipathie et les graines d’un futur conflit dommageable pour la paix et la sécurité des peuples. C’est plutôt par les belles exhortations et les dialogues avec les « harbi », que le Prophète a su illuminer et conquérir le « cœur », – par la Grâce Divine -, de ceux qui deviendront ses Compagnons.


Be the first to comment “La sacralité originelle de la vie humaine selon l’Islam”