Une erreur terrible qui est à signaler, est celle de la confusion entre la quête de la connaissance utile et celle de la recherche des choses futiles et nuisibles. Beaucoup de musulmans aujourd’hui, perdent malheureusement leur temps dans des choses futiles et nuisibles, et parmi ceux qui, par la Grâce divine, décident d’abandonner les activités nuisibles, pour apprendre la religion ou étudier une science utile, il en est qui ne le font pas avec une bonne méthode, de saines dispositions et de bonnes aspirations.
Allâh a dit : « Quant à ceux qui sont dans la bonne direction, Allâh augmente leur guidance et leur inspire la piété » (Qur’ân 47, 17).
Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Méfiez-vous des (mauvais) soupçons ! Car le (mauvais) soupçon est la plus menteuse des paroles. Ne tentez pas de déceler [les défauts des autres], ne vous espionnez pas, ne rivalisez pas entre vous, ne vous enviez pas les uns les autres, ne nourrissez pas de haine entre vous et ne vous tournez pas le dos ! Soyez des serviteurs d’Allâh et des frères comme Allâh vous l’a ordonné. Le musulman est le frère du musulman, il ne l’opprime pas, il ne l’abandonne pas et ne le méprise pas. C’est là (en désignant sa poitrine) que réside la crainte d’Allâh, c’est là que réside la crainte d’Allâh (la piété). Le fait même qu’un musulman méprise son frère est déjà un mal. Toute la personne du musulman à l’égard de son frère est sacrée : tant sa vie que son honneur et ses biens. Allâh ne regarde pas vos corps ni vos apparences, mais il regarde vos cœurs et vos œuvres »[1].
L’imâm du Salaf et sûfi Fudhayl Ibn ‘Iyyâd a dit : « Les savants sont nombreux mais les sages sont rares. L’essence de la connaissance, c’est la sagesse. Celui à qui la sagesse a été donnée a reçu le bien en abondance »[2]. Allusion au Qur’ân : « Allâh donne la Sagesse à qui Il veut. Et celui à qui la sagesse est donnée, vraiment, c’est un bien immense qui lui est donné. Mais les doués d’intelligence seulement s’en souviennent » (Qur’ân 2, 269).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Ô Allâh, accorde à mon âme le sens de la droiture et purifie-la, car Tu en es le Meilleur Purificateur. Tu en es l’Ami Protecteur et le Gardien. Ô Allah, je cherche refuge auprès de Toi contre une connaissance qui n’est pas profitable, du cœur qui n’entretient pas la piété (l’humilité et le recueillement), de l’âme qui demeure insatiable et insatisfaite et de la supplication qui n’est pas exaucée »[3].
Et selon d’autres voies : « Ô Allâh, je cherche refuge auprès de Toi contre 4 choses : une connaissance qui n’est d’aucune utilité (pour l’âme, l’intellect, le corps, la nature, la société et les êtres vivants), un cœur qui n’est pas humble et soumis (à Ta Volonté), une âme qui a un appétit insatiable et une supplication qui n’est pas entendue »[4].
Et selon un autre hadîth : « Demandez à Allâh la connaissance profitable et bénéfique, et cherchez refuge en Lui contre une science inutile »[5].
Selon le Compagnon Hudhayfa : « En vérité l’humilité spirituelle sera la première connaissance à être effacée »[6]. Et selon le Compagnon Abû ad-Dardâ’ : « La première des connaissances qui sera retirée aux gens c’est l’humilité spirituelle (khushû’) »[7].
L’imâm, sûfi, savant et tabi’î Hassan al Basri disait, en s’adressant à ses étudiants : « Bienvenue, et qu’Allâh prolonge vos vies dans la paix, et qu’Il nous fasse tous entrer au Paradis ! Votre recherche de la connaissance est une bonne action, à condition que vous y persévériez, que vous soyez sincères et absolument certains de la récompense qu’Allâh a préparé pour vous. Qu’Allâh vous comble de Sa Miséricorde ! Ne laissez pas votre part de ce bien entrer par une oreille et sortir par l’autre. Celui qui n’a pas vu Muhammad doit savoir que le Prophète (ﷺ) l’a vu aller et venir. Le Prophète (ﷺ) n’a pas construit de bâtiments élevés. Par contre, la connaissance lui a été donnée, et il s’y est consacré. Ne perdez pas de temps, le salut est en jeu. Qu’est-ce qui vous rendra attentifs ? Êtes-vous hésitants ? Je le jure par le Seigneur de la Ka’aba (c’est-à-dire : par Allâh), tout se passe comme si le Jour de Jugement se manifestait à vous à ce moment précis »[8].
Dès lors, on comprend qu’en Islam, la connaissance sacrée est celle qui est en rapport avec la piété, la spiritualité et l’utilité auprès des créatures et qui ne détruit pas la nature et le cosmos. Il n’est donc nullement souhaitable de s’encombrer avec des études approfondies voire interminables sur des choses qui avilissent l’âme, manifestent des caractères perfides et pervers à l’égard des créatures, qui nous éloignent de la piété et qui ne conduisent nullement à l’illumination spirituelle et à la Satisfaction divine, quand bien même cela ferait partie de certains cursus « traditionnels » ou « modernes ».
« Dis : « Seigneur, augmente-moi en science ! » (Qur’ân 20, 114).
La connaissance sacrée est celle qui nous relie à Allâh, qui cultive en nous la Sagesse et les vertus qu’Il nous a enjoint de réaliser, c’est tout ce qui permet également de préserver la société, la nature et le cosmos de la corruption, du chaos et de la destruction, et c’est préserver enfin notre âme et notre corps de toutes les choses pouvant les avilir, les corrompre ou les nuire, tout en nous amenant à la Contemplation du Divin et de Ses secrets. Allâh a dit : « Au milieu des biens qu’Allâh t’a accordés, recherche la Demeure Dernière. Ne néglige pas ta part de ce bas-monde. Sois bon comme Allâh est Bon avec toi. Ne cherche (et ne sème) pas la corruption sur la Terre. Allâh n’aime pas ceux qui sèment la corruption » (Qur’ân 28, 77).
L’Islam, avant d’être enseigné à travers des débats et des cursus codifiés et complexifiés avec le temps, était avant tout, une conscience pure tournée vers l’Absolu, une quête de l’excellence et de purification (morale, spirituelle, sociale, intellectuelle, rituelle, …), un état d’esprit tourné vers les meilleures dispositions intérieures et les aspirations les plus nobles, un sens de l’émerveillement face à la Puissance divine, aux mystères de Sa Volonté, aux merveilles de Sa Création, et une (re)connaissance de nos origines et des finalités existentielles vers lesquelles nous sommes destinées et inexorablement attirées. C’est cet « Islam-ci » des origines, que chacun doit tenter de retrouver, dans ses propres forces, ainsi que dans les trésors que l’on peut puiser dans l’héritage laissé par nos prédécesseurs dans la foi, la spiritualité et la science.
Ainsi, une génération de musulmans qui se détourne de la piété, de la bonté, de la justice, de la science utile, de la connaissance bénéfique et du recueillement spirituel, et dont la sagesse n’est guère perceptible, – peu importe le courant auquel ils prétendent se rattacher -, ne saurait mériter le qualificatif « d’orthodoxe » et de « bien-guidé ».
Notes :
[1] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2564, et avec des versions parfois plus courtes par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1927, An-Nawawî à travers plusieurs variantes ayant le même sens dans son Riyad as-Salihin n°234, 235 et 1570, par Ibn Hajar dans son Bulugh al-Maram 16/n°1496, selon Abû Hurayra.
[2] Rapporté par Ibn Rajab al-Hanbalî dans son épitre Warathat al-anbiya’ (Les héritiers des Prophètes) sur l’explication du Hadîth de Abû ad-Dardâ’, chap. 5.
[3] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2722 selon Zayd Ibn Alqam.
[4] Rapporté dans le même sens par des chaines sahîh ou hassân par Abû Dawûd dans ses Sunân n°1548 selon Abû Hurayra, par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°5467 et 5536 selon Abû Hurayra et n°5470 selon Anas, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3482 selon ‘Abdullâh Ibn ‘Amr, par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°250 et 3837 selon Abû Hurayra et d’autres.
[5] Rapporté par Ibn Rajab al-Hanbalî dans son épitre Warathat al-anbiya’ (Les héritiers des Prophètes) sur l’explication du Hadîth de Abû ad-Dardâ’, chap.1.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Rapporté par Ahmad dans son Kitâb az-Zuhd 2/242.