Biographie de Shams ud-Dîn Abû Al-ʿAbbâs Aḥmad Ibn Muḥammad Ibn Khallikân (608 H/1211 – 681H/1282)

Il est Shams ud-Dîn Abû Al-ʿAbbâs Aḥmad Ibn Muḥammad Ibn Khallikân (608 H/1211 – 681H/1282), aussi appelé Abû ʾl-ʿAbbâs S̲h̲ams ud-Dîn al-Barmakî al-Irbilî as-S̲h̲afiʿî ou encore Aḥmad ibn Muḥammad ibn Ibrâhîm ibn Abû Bakr ibn Khallikân. Il est l’imâm, le Shaykh, le juriste shafiite, le théologien asharite, le cheminant sur la voie du Tasawwuf, le logicien, l’historien, le biographe, le grammairien, le philologue, le poète, le muhaddith, le juge en chef (réputé pour sa justice et son équité) à Damas durant un temps et assistant du juge en chef en Égypte, sous l’empire des Mamelûks bahris. Il serait d’origines iranienne et kurde de la région de Balkh. Il étudia notamment les sciences du Hadith avec les savants Ibn al-Karm as-Sûfi, Abû ‘l-Wakt, at-Tâwi, Ibn al-Jumaizi, Muwaiyad at-Tûsi, Abû Rûh ibn as-Saffâr, al-Hussayn Ibn Ahmad al-Qushayrî et d’autres. Il fut aussi un spécialiste de la littérature arabe, et un fin connaisseur de l’œuvre du poète arabe al-Mutanabbi ?
Certains biographes – comme Shihâb ud-Dîn Mahmûd – l’ont décrit de cette manière : « un homme pieux, vertueux et savant ; aimable d’humeur, de nature sérieuse et instructive dans les discussions. Son extérieur était très avenant, son beau visage et ses manières engageantes » (2).

Il naquit à Erbil (actuel Irak) le 22 septembre 1211 (11 Rabî’ al-Thânî 608 H). Son parcours scientifique et savant l’ont conduit à étudier principalement à Erbil, Alepp, Damas, Mossûl et au Caire. Son œuvre la plus célèbre est sans conteste Wafayât al-Aʿyân wa-Anbâʾ Abnâʾ az-Zamân (Nécrologies d’hommes éminents et des fils de leur époque – ou de leur temps – ; ou encore Biographies des personnages éminents disparus et informations sur ceux de notre temps), une sorte d’encyclopédie biographique en 8 volumes de nombreuses personnalités éminentes qui ont marqué leur époque, ouvrage qui lui a valu d’être reconnu comme l’un des plus grands historiens et biographes du monde musulman. Il fut traduit en anglais au 19e siècle par William Mac Guckin de Slane (1801 – 1878) en 2700 pages sous le titre Ibn Khallikan, Kitāb wafayāt al-aʿyān. [Biographical dictionary]. En anglais son livre est souvent traduit comme ceci : Deaths of Eminent Men and the Sons of the Epoch.
Ibn Khallikan y a rassemblé ainsi plus de 850 personnalités et érudits de premier plan, notamment de grands imâms qui étaient aussi des maîtres dans le Tasawwuf, comme de l’imâm Abû-l Qassîm al-Qushayrî qu’il décrit avec de nombreuses qualités et comme étant l’un des grands imâms et dont son exégèse spirituelle du Qur’ân at-Taysîr fî ‘ilm at-Tafsîr est l’une des meilleures dans le genre. Il a documenté la vie de personnalités culturelles notables, les écrivains célèbres, les aristocrates, les scientifiques, les érudits religieux et juridiques, selon un ordre alphabétique. Mais c’est aussi une œuvre littéraire, car outre le fait qu’il ait sélectionné des matériaux solides et authentiques pour ses biographies, grâce à son intelligence et à son érudition, il écrivit avec un style élégant enrichi de poésie et d’anecdotes de la vie musulmane. Ce qui le rend aussi très important, c’est qu’il s’est basé sur des ouvrages anciens antérieurs qui ne semblent ne plus exister (publiquement du moins) à l’heure actuelle, comportant ainsi des extraits et fragments d’ouvrages plus anciens. Il fait véritable œuvre d’historien en adoptant une méthode critique dans le choix et la qualité des sources utilisées, avec une bonne rigueur méthodologique. Dans son œuvre, il tend à englober le plus de régions possibles, mais en restant dans le dâr al islam (le monde musulman). Il écrivit dans son introduction : « J’ai sacrifié une part irremplaçable de ma vie – qui m’a semblé durer le temps d’un éclair – à rédiger ma grande histoire intitulée al-Wâfî. J’y ai rassemblé les biographies des principaux personnages [qui ont vécu] depuis l’époque du Prophète jusqu’à la mienne et je me suis exposé aux calomnies : en effet, en raison même de la nature de son contenu, je ne pus éviter que l’ouvrage fût trop long. Après avoir terminé le Wâfî, soucieux d’être concis et mesuré, j’ai voulu sélectionner ce que je devais retenir, préciser ou résumer. J’ai donc rédigé une histoire pour mes contemporains et ceux qui bénéficieraient des fruits de ma recherche. J’y ai inclus les biographies de ceux qui ont traversé mon existence, ceux de mon pays, ceux qui ont vécu à mon époque mais que je n’ai pas connus, et ceux dont j’ai recueilli des informations venues de transmetteurs dignes de confiance (…). C’est un recueil que j’ai fait pour moi-même et pour personne d’autre, c’est mon trésor personnel ». Et dans sa préface il écrivit aussi ce qui suit : « J’ai retenu les particularités qui mettent le mieux en valeur les personnages que je cite leurs nobles actions, des anecdotes, des vers ou des extraits de correspondances, afin que l’on prenne plaisir à lire mon ouvrage et qu’on ne soit pas lassé par un style monotone. En effet, on aime à poursuivre la lecture d’un ouvrage s’il est attrayant », suivant en cela la méthode traditionnelle basée sur l’adab, à savoir ne mentionner que les belles anecdotes et qualités des personnalités évoquées, afin d’éviter de répandre d’éventuelles rumeurs ou calomnies, ou ne pas alimenter la haine ou la suspicion envers les personnalités concernées en citant leurs mauvais aspects – qu’il est préférable de taire pour laisser leur cas qu’à Allâh seul – bien que cela puisse fausser un peu le jugement des lecteurs qui pourraient croire qu’il s’agissait de personnalités irréprochables, mais il est alors nécessaire de préciser que ce n’est pas le cas, en ce sens que la majorité des personnes, même celles qui furent bonnes et bien-guidées, ont pu aussi commettre des erreurs ou manifesté certains défauts et péchés.

Des auteurs postérieurs ont commenté, résumé ou poursuivi l’œuvre comme Fawât al-Wafayât d’Ibn Shâkir al-Kutubî (686 H/1297 – 764H/1363, à qui l’on doit aussi sa propre œuvre intitulée ‘Uyûn al-Tawârîkh (Sources des histoires ; chronique historique allant du temps du Prophète jusqu’à l’an 760 H/1360), al-Wâfî bi-l-Wafayât en 30 volumes et comprenant plus de 10 000 notices de Salâh ud-Dîn as-Ṣafadî (1296 – 764H/1363), et d’autres encore comme ‘Uqûd al-jumân de Badr ud-Dîn Az-Zarkashi (745H/1344 – 794 H/1392), Dhayl Wafayât al-a’yân d’Ibn al-Qâdî al-Miknâsî (m. 1025 H/1616) et Zahr al-Riyâd fî zulâl al-ḥiyâḍ de al-Sayyid al-Ḥassan ibn ʿAlî al-Ḥassan ibn ʿAlî Ibn Shadqam al-Ḥusaynî al-Madani (m. 1046 H/1636). A noter aussi qu’un savant chrétien vivant en terres d’Islam et occupant le poste de secrétaire, reprendra aussi l’œuvre d’Ibn Khallikan, qu’il intitulera Tâlî kitâb wafayât al-aʿyân (Suite au Wafayāt al-aʿyân) de Ibn al-Ṣuqâʿî Faḍl Allâh Ibn Abî l-Faḫr al-Kâtib al-Naṣrânî (le chrétien), et qui est mort en 726 H/1326. Les notices concernent des personnages morts depuis les années 660 H/1262 jusqu’à la fin de l’année 725 H/1325. La présentation des notices est alphabétique suivant la première lettre des ism, à une exception toutefois puisque l’auteur rend hommage à son souverain, le calife al-Mustanṣir bi-llāh Aḥmad, dans l’administration duquel il occupait un poste de secrétaire, en lui accordant la première place en tête d’ouvrage (3).

Notes :

(1) “Ibn Khallikan’s Biographical Dictionary, Volumes 1 and 2”. Library of Congress, Washington, D.C. 20540 USA : https://www.loc.gov/item/2021666171/
(2) Ludwig W. Adamec, Historical Dictionary of Islam, Scarecrow Press, 2009 p.139.
(3) Jacqueline Sublet et Muriel Rouabah, “Une famille de textes autour d’Ibn Ḫallikān entre VIIe/XIIIe et XIe/XVIIe siècle”, Bulletin d’études orientales,‎ 1er septembre 2009, p. 69-86 : https://journals.openedition.org/beo/62


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