L’Islam, le racisme et la jahiliyya

  Il est bien établi, et cela fait partie de ce qui doit nécessairement être connu dans la Religion (islamique), que le racisme (qu’il soit anti-noir, anti-blanc, anti-juif, anti-arabe, anti-indien, « anti-rouge » – amérindiens -, anti-iranien, « anti-jaune » – asiatiques – ou autre) est formellement interdit selon le Qur’ân, et que selon la Tradition prophétique, cela relève d’une mentalité (accompagnée ou non de sa pratique) de la jahiliyya, c’est-à-dire de l’ère de l’ignorance qui n’a aucunement sa place dans l’Islam. Par conséquent, aucun musulman digne de ce nom ne peut tolérer ou cultiver le racisme, car cela fait partie des mauvaises manières et des croyances absurdes et erronées que l’Islam dénonce. Attitude absurde puisque l’intellect, l’observation et l’expérience démontrent les faits suivants : il existe des gens intelligents, dignes, respectueux, bien éduqués, justes, cultivés, pieux et bienveillants au sein de tous les peuples (Arabes, Noirs, Juifs, Iraniens, Turcs, Grecs, Arméniens, Russes, Chinois, Français, Américains, Latinos, Scandinaves, …) tout comme on peut y trouver leur exact opposé. Il n’y a donc aucune justification possible au racisme sur les plans de la théologie musulmane, de l’intellect ou de l’observation. Un crime reste un crime, et une attitude répréhensible reste un acte blâmable, quel que soit la personne qui l’a commise, et ici en l’occurrence l’Islam ne saurait en être responsable, ni même l’appartenance ethnique d’une personne. C’est l’individu en lui-même qui décide d’agir de la sorte et qui doit en être tenu responsable, bien que l’environnement idéologico-politique ou culturel (s’il est délétère et toxique) peut alimenter ce genre d’attitudes nocives (racisme, xénophobie, sexisme, tribalisme, …). Mais quoi qu’il en soit, l’Islam en est innocent.

  Le racisme est généralement de 3 sortes : soit il est de nature politique et institutionnalisée en tant que telle, comme en France par exemple, soit il est individuel (et des racistes il en existe pratiquement dans tous les pays du monde, y compris au Maghreb et en Afrique, en Chine, en Russie, en Turquie, etc., et pas seulement dans les pays occidentaux), soit il est répandu culturellement (même si pas de façon généralisée ou absolue), comme cela est le cas dans de nombreux pays du monde (y compris arabes, berbères et africains).

  L’Islam est clair là-dessus :

« Et parmi Ses signes la création des cieux et de la terre et la variété de vos idiomes et de vos couleurs. Il y a en cela des preuves pour les savants » (Qur’ân 30, 22).

« Ô êtres humains ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous appreniez à vous connaitre mutuellement dans la diversité et l’altérité. Le plus noble d’entre vous, cependant, auprès d’Allâh, est la personne qui fait le plus preuve de taqwâ (droiture morale, piété religieuse, vigilance spirituelle sur son âme, justice envers les autres) -. Allâh est certes Omniscient et Grand Connaisseur » (Qur’ân 49, 13).

« Nous avons certainement honoré et accordé une dignité aux enfants d’Adam (à l’Humanité) » (Qur’ân 17, 70).

  De ce point de vue-là, toutes les races, ethnies, couleurs de peau, etc. sont égales auprès d’Allâh, et nous sommes tous « frères et sœurs » en Humanité, malgré nos divergences doctrinales, politiques, etc. ou nos différences culturelles, linguistiques, physiques, etc. Et il n’y a donc pas de « supériorité » sur un autre en fonction de la couleur de peau, de l’ethnie ou de la « prétention » religieuse, car selon le Qur’ân, seules les qualités spirituelles et morales d’une personne (quel que soit son origine ethnique ou sa prétention religieuse ou culturelle) peuvent la rendre « meilleure » et « plus noble » auprès d’Allâh.

  Dans son sermon d’Adieu, qui était le dernier sermon public du Prophète Muhammad (ﷺ) transmis de façon notoire devant plus de 100 000 témoins (hommes et femmes de toutes conditions : riches et pauvres, Blancs et Noirs, Arabes et non-Arabes, …), il (ﷺ) a rappelé l’interdiction du racisme, de la misogynie, du tribalisme, du sexisme, de la tyrannie et de l’oppression, qui sont des traits et des mentalités blâmables intrinsèquement liés à la « jahiliyya », période de l’ignorance et de l’obscurantisme aux antipodes de la Religion et de la Voie prophétique : « (…) Ô peuple ! Tout comme vous considérez ce mois, ce jour, cette cité comme sacrés, considérez aussi la vie et les biens de chaque musulman comme sacrés. Retournez à leurs légitimes propriétaires les biens qui vous ont été confiés. Ne blessez et ne lésez personne (parmi les créatures d’Allâh) afin que personne ne puisse vous blesser ou léser (en retour). Souvenez-vous qu’en vérité, vous rencontrerez votre Seigneur et qu’effectivement, Il vous demandera compte de vos actes. Allâh vous a défendu de pratiquer l’usure [de prendre ou payer de l’intérêt], donc tout intérêt non-payé sera maintenant annulé. Votre capital, cependant, vous revient. Vous n’infligerez (aux gens) ni d’endurerez aucune injustice ni oppression (ne soyez ni oppresseurs ni opprimés ; refusez d’être injustes et défendez-vous contre les oppresseurs). (…) Traitez donc bien vos femmes et soyez bienveillants, doux, courtois, bons et gentils à leur égard (…). Ô peuple !  Écoutez-moi bien : adorez Allâh, faites vos 5 prières quotidiennes, jeûnez pendant le mois de Ramadân, et donnez votre richesse en zakât (aumône obligatoire et purificatrice).  Accomplissez le Hajj si vous en avez les moyens. (…). Ô vous les gens ! Certes votre Seigneur est Unique et certes votre père (Adam) est unique. Toute l’humanité descend d’Adam et Ève. Il n’y a pas de mérite ou de supériorité en soi pour un arabe sur un non-arabe, ni pour un non-arabe sur un arabe, ni du rouge sur le noir, ni du noir sur le rouge si ce n’est par la taqwâ (la justice, la piété et la droiture, ainsi que la spiritualité et la vigilance contre son ego). Certes celui d’entre vous qui est le plus noble auprès d’Allâh est celui qui a le plus de taqwâ – indépendamment du reste -. Aucune personne n’est supérieure à une autre, si ce n’est en taqwâ (piété, justice, droiture, spiritualité) et en bonnes actions. Vous savez que chaque musulman est le frère de tous les autres musulmans. Vous êtes tous égaux. Vous n’avez aucun droit sur les biens appartenant à l’un de vos frères (ou de vos sœurs), à moins qu’on ne vous ait fait un don librement et de plein gré.  Par conséquent, ne soyez pas injustes les uns envers les autres. Souvenez-vous, un jour vous vous présenterez devant Allâh et répondrez de vos actes.  Prenez garde, donc, ne vous écartez pas du droit chemin après ma mort.  Ô peuple !  Aucun prophète ni messager ne viendra après moi, et aucune nouvelle religion ne naîtra (…) Ai-je bien transmis (le Message) ? ». Ils ont dit : « Certes oui, ô Messager d’Allâh ». Le Prophète a dit : « Que celui qui est présent transmette à celui qui est absent ».[1].

  Toutefois, le Prophète (ﷺ) avait aussi prédit et mis en garde contre le fait qu’un certain nombre de personnes se prétendant « musulman(e)s » allaient retomber dans les travers de la jahiliyya, et suivre en cela les communautés précédentes dans certaines pratiques et mentalités répréhensibles : « (Viendra un temps où) vous suivrez sûrement le chemin de ceux qui vous ont précédé (dans leurs excès et déviances), étape par étape et pouce par pouce. S’ils entraient dans un trou de lézard, vous les suivriez. (…) »[2].

  Le Shaykh Ibn Taymiyya rapporte dans son Majmû’ al-Fatâwâ (15/54) cette parole du Calife et Compagnon ‘Umar Ibn Al-Khattâb (‘alayhî Salâm) : « En vérité, les liens de l’Islam ne se déferont, un par un, que si surgissent dans l’Islam des gens qui n’ont jamais connu le temps de l’ignorance et de l’obscurantisme (jahiliyya) », et cela car celui qui ne comprend pas en quoi consiste l’essence de l’Islam et de ses enseignements fondamentaux, qui sont à l’opposé de toutes les pratiques superficielles, injustes, viles, répréhensibles et égocentriques, ne se réformera pas et se maintiendra dans les comportements décadents et déviants, ne comprenant rien aux finalités et aux fondements de la Religion et à son appel à réformer son comportement et sa vision du monde sur des principes nobles et des bases saines.

  Quant aux paroles isolées et douteuses faussement attribuées au Prophète (ﷺ) consistant en des paroles contraires au Qur’ân et à la Voie prophétique (dont le sermon d’Adieu qui confirme l’interdiction du racisme, interdiction universelle et immuable, et nullement abrogée donc), ne respectant ni ses modes et ses styles d’expression ni les enseignements prophétiques, elles sont fausses et apocryphes, puisque introduites par des gens venant d’autres communautés et cultures teintées de racisme, tantôt anti-Arabe, tantôt anti-Juif, anti-Noir, anti-Perse, anti-Turc, etc., ce qui n’a aucun fondement en Islam. Le Prophète (ﷺ) lui-même, ainsi que ses plus proches Compagnons comme Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, ‘Alî, Ibn ‘Abbâs, etc. avaient affranchi aussi bien des Noirs (comme le célèbre et grand Compagnon Bilâl Al-Habâshî) que des Perses (comme l’éminent Compagnon Salmân Al-Fârisî) qui comptèrent parmi les plus grands Compagnons du Prophète (ﷺ) et figures de l’Islam, et qui furent aussi parmi les plus attachés au Prophète (ﷺ) et à la Religion.

   Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Si un hadith que j’ai prononcé vous est rapporté, et si vos coeurs et votre intellect l’acceptent, cela signifie que j’en suis la source [si une chaine de transmission continue remonte jusqu’à lui ou s’il y a une confirmation spirituelle par kashf] et que je l’ai prononcé. Cependant si vous entendez un hadith que vos coeurs et votre intellect refusent (au point de faire dresser les cheveux et de vous donner la chair de poule), cela signifie qu’aucun lien ne me lie à lui et qu’aucun lien ne le lie à moi [car la voie prophétique n’est que vérité, sagesse, piété, vertu et justice] »[3].

  Le Prophète (ﷺ) a dit : « Prenez la sagesse, et elle ne vous nuira pas, quel que soit le récipient d’où elle vient » et « Prenez la sagesse de quiconque vous l’entendez, car la sagesse peut être prononcée par quelqu’un qui n’est pas (considéré habituellement comme un) sage, et la flèche peut provenir de quelqu’un qui n’est pas archer »[4].

  Ainsi, comme l’avait prédit et annoncé le Prophète (ﷺ), il y aura un retour de la jahiliyya dans les sociétés musulmanes – ce que nous observons clairement de nos jours -, où le tribalisme, le racisme, la misogynie, l’oppression, la mesquinerie, la perversion, le matérialisme, le fanatisme, le rigorisme, l’esclavagisme, etc. referont surface quand certains groupes de personnes y introduiront leurs propres interprétations, opinions, tendances psychologiques, pratiques culturelles déviantes ou nocives, etc., autant de pratiques que l’Islam avait réussi à éradiquer dans le cœur de centaines de milliers de croyants à son époque et à amoindrir et limiter dans la société qui était alors composée de Musulmans pieux, là où d’autres étaient superficiels ou encore teintés de jahiliyya, ainsi que de non-Musulmans de toutes sortes (idolâtres, Juifs, Chrétiens, Sabéens, Zoroastriens, etc.). Mais en dépit de ce phénomène, chaque génération de Musulmans a connu aussi son lot de Musulman(e)s de vertu et maîtres spirituels parmi les Arabes, les Noirs, les Perses, les Turcs, les Kurdes, les Caucasiens, les Berbères, les Asiatiques, les Blancs, etc. qui ont montré la voie, incarné l’excellence spirituelle et morale, ainsi que la sagesse universelle et la justice. Il n’y a qu’à voir encore les communautés spirituelles musulmanes rattachées au Tasawwuf, de l’Afrique jusqu’à l’Indonésie, à travers leurs représentants locaux, pour voir à quel point la Lumière de l’Islam peut encore illuminer et rayonner dans des millions de cœurs aspirant au Divin, à la sagesse et à la spiritualité, malgré les temps sombres et décadents que nous vivons.

  D’ailleurs, parmi les grands imâms, savants et maîtres spirituels du continent africain, – et dont certains étaient aussi des descendants du Prophète (ﷺ), on peut citer Ahmad At-Tijânî, Shaykh Ibrâhîm Niasse, Ahmadû Bamba et Tierno Bokar pour ne citer que les plus connus.

  Pour conclure, bien que l’on retrouve du racisme un peu partout, on trouve également de nombreux cas de noble fraternité entre les peuples, et c’est sur cela qu’il faut se concentrer, pour qu’à notre tour, nous cultivions ce sens de la fraternité et montrer le bon exemple à notre entourage et aux générations futures.

« Il m’a été révélé que votre Dieu est un Dieu unique ! Quiconque, donc, espère rencontrer son Seigneur, qu’il fasse le bien en accomplissant de bonnes oeuvres et qu’il n’associe rien dans son adoration à son Seigneur » (Qur’ân 18, 110).

« Et nous ne t’avons envoyé (Muhammad) que comme miséricorde, compassion et amour-Rayonnant et bienveillant pour les mondes (et l’ensemble de l’Humanité) » (Qur’ân 21, 107)

Wa Allâhu a’lam.


Notes :

[1] Il s’agit d’une synthèse des différentes versions transmises au sujet du Sermon d’Adieu, notamment par al-Bayhaqî dans Shu’ab al-Imân n°5137, Abû Nu’aym dans Hilyat al-Awliyâ 3/100 selon Jabir, sahîh, At-Tahawî avec une variante à la fin disant : « Les gens viennent d’Adam et Adam vient de la poussière ». Les versions plus détaillées, sur l’interdiction de l’injustice, de la misogynie, du tribalisme, etc. et sur l’importance de la fraternité humaine et religieuse ainsi que de la justice et du bon comportement, ont été rapportés notamment par Al-Bukharî et Muslim dans leur Sahîh ainsi que d’autres.

[2] Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°7320, Muslim dans son Sahîh n°2669 selon Abû Sa’îd al-Khudrî et d’autres.

[3] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°15725 selon Abû Humayd, chaîne sahîh selon le Shaykh Shu’ayb Al-Arna’ût dans son Takhrîj Al-Musnad n°23606, ainsi que par le Shaykh Rajab Dib dans ses sermons, notamment ici : https://youtu.be/mxHDUjsq-Do?t=417

[4] Rapporté par l’imâm Al-Ajlûni dans Kasf al-Khafa’ p.418 selon Ibn ‘Umar et le second hadith selon Ibn ‘Abbâs – qui est aussi rapporté par Ibn Abi Shayba dans son Musannaf n°26101, ainsi qu’As-Sakhâwî dans Al-Maqasid Al-Hassana n°415.


Be the first to comment “L’Islam, le racisme et la jahiliyya”