Les femmes sont-elles les égales des hommes selon l’Islam


Ce sujet, qui est encore au coeur de nombreuses polémiques dans le monde, aussi bien en Occident qu’en Orient, ne fait pas exception dans le monde musulman, où depuis la propagation du féminisme idéologique et de ses différentes tendances et dérives, alimentent aussi le masculinisme idéologique et ses dérives. Le problème réside en partie dans la notion d’égalité, souvent confondue avec les notions d’égalitarisme (qui nie des réalités biologiques, sociales, psychologiques, etc. pour tomber dans une utopie irréalisable et qui est donc source de nombreuses violences et frustrations dissimulées) (1) et d’équité. Si l’on devait prendre ce mot dans sa perspective islamique, l’égalité serait celle qui se situe sur le plan de la nature humaine, des vertus, de l’intellect et des mérites, qui peuvent concerner aussi bien les hommes que les femmes, et dont le comportement (masculin et féminin) doit toujours s’inscrire dans la justice et l’équité.

En ce sens, le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Les femmes sont les partenaires, les égales (en humanité), les homologues et les sœurs jumelles (shaqa’iq) des hommes » (2).

La règle générale est que ce qui vaut pour l’homme vaut aussi pour la femme, sauf dans ce qui leur est spécifique concernant leur identité propre.

Ce hadith, conformément aux versets du Qur’ân montrant la réciprocité, la complémentarité et l’égalité des hommes et des femmes (de façon générale) concernant leur Humanité, implique que toutes les injonctions divines adressées aux hommes concernent aussi les femmes, sauf dans ce qui leur est spécifique aux uns et aux autres, en tant que « femmes » ou en tant « qu’hommes ». Les piliers de l’islam, le sens des responsabilités, le bon comportement, la participation active (en public comme en privé), etc., selon les contextes et les capacités propres à chacun, concernent ainsi les hommes aussi bien que les femmes, avec les dérogations spécifiques qui existent pour les uns comme pour les autres (en cas de maladie, de pauvreté, de menstrue, de faiblesse physique ou mentale, etc.), avec évidemment certains métiers qui sont mieux adaptés (sauf exception) soit aux hommes, soit aux femmes.

L’imâm Al-Khattabî (3) dans Ma’âlim al-Sunân (1/79) commente ce hadith en disant : « Son affirmation selon laquelle les femmes sont les homologues des hommes signifie qu’elles sont égales et semblables dans leur ressemblance dans la création et la nature, comme si elles se séparaient des hommes. En jurisprudence, c’est l’affirmation de l’analogie et de l’équivalence dans les décisions, égales à égales. De sorte que si l’expression est véhiculée sous la forme grammaticale masculine, elle s’adresse également aux femmes, sauf pour des sujets spécifiques dont la spécification est établie par des preuves ».

Les savants comme Ibn Manzûr, Al-Munawî, Ibn al-Athîr, At-Tibî, etc. ont commenté aussi ce hadith dans ce sens. Bien que le contexte du hadith évoquait un cas particulier (une question biologique avec un statut juridique, concernant les femmes), mais l’enseignement est universel et général, puisque, sauf indication contraire, un cas particulier tend vers l’universel, ou pour le dire autrement, à partir de cas concrets et individuels, certains enseignements sont universels et s’appliquent à toute une série de cas divers, particuliers et concrets, sauf si des preuves ou des indications les délimitent ou en font des cas exceptionnels ou restreints.

Le Shaykh Ibn ‘Arabî dans ses Futûhât al-Makkiyyâ (3/87) relatait ce hadîth et le commentait ainsi :
« Les femmes sont les sœurs jumelles des hommes
Dans le monde des esprits comme des corps.
Leur statut est unique
C’est ce qu’exprime le terme « être humain ».
Pour une cause contingente
Le féminin s’est différencié du masculin,
Synthèse primordiale en vertu de
L’Unicité présente dans toutes les essences »
.

Ils sont donc égaux et semblables en humanité, de même que par rapport à leur potentialité spirituelle, mais sur les plans biologiques et psychologiques, il y a (eu) différenciation dans le monde contingent, impliquant ainsi une complémentarité entre les deux sexes, d’où le fait que chacun occupe, dans certains cas, des fonctions spécifiques.

L’imâm Badr ud-Din Al-Ayni dit dans Sharh Sunân Abî Dawûd (1/527) : « L’expression : « homologues/égales des hommes » signifie [qu’elles sont] leurs semblables et leurs égales en termes de moralité et de nature, comme si elles étaient tirées des hommes (dans la même essence) ».

L’imâm Ibn Raslan dans Sharh Sunân Abî Dawûd (2/357) dit : « c’est-à-dire leurs semblables et équivalentes en termes de création (ontologiquement) et de nature ».

L’imâm As-Sanâni dit dans At-Tanwir Sharh al-Jami as-Saghir (4/173) : « Cela signifie qu’elles sont leurs semblables et équivalentes en termes de nature et de comportement, comme si elles avaient été tirées des hommes (…). Il indique que les femmes sont comme les hommes en ce qui concerne les règles, à moins qu’il n’y ait une preuve spécifique pour les différencier ».

L’imâm Ibn Al-Qayyim Al-Jawziyya dit dans Âlam al-Mawqi’in an Rabb al-Alamin (1/400) : « Il a ainsi précisé que les femmes et les hommes sont des égaux et des semblables, sans différence ni distinction à cet égard. Cela montre que dans leur nature, il est évident et établi que le jugement des égaux et des semblables est le même, que ce soit en tant qu’argument pour la destinée, la législation ou les 2 ; cela constitue une preuve de l’égalité entre les égaux, de la similitude entre les semblables, et du fait que l’un a le même jugement que l’autre », et dans Al-Tûruq al-Hukmiyya (p.13) il dit : « la femme est égale à l’homme en vérité, en honnêteté et en piété ».

L’imâm Ibn Hajâr al ‘Asqalânî dit dans Mu’jam Al-Shaykha Maryam (p.11) : « La femme est restée opprimée, dépossédée de ses droits, affaiblie, et privée de sa volonté jusqu’à ce que l’Islam vienne avec sa noble législation et établisse une juste mesure en reconnaissant la dignité de la femme, son humanité, et sa capacité à accomplir une mission noble dans la société. L’Islam lui a accordé une place élevée afin qu’elle trouve autour d’elle la reconnaissance et le respect qui lui sont dus en tant que mère élevant les générations, épouse ayant des droits et des devoirs, et jeune femme dont l’honneur est protégé contre les atteintes des débauchés et des amateurs de plaisirs. En effet, le Prophète a dit : « Les femmes sont les égales des hommes » ». La règle générale est donc l’égalité en nature, mérite, vertus, intelligence, etc., mais avec des spécificités dans le droit (fiqh) selon ce qui est le plus conforme à leur nature, à leurs besoins et à leurs particularités biologiques et psychologiques, d’où les dérogations et exemptions leur facilitant certaines pratiques religieuses en période de grossesse ou de menstrue par exemple, leur héritage ou témoignage de plus forte valeur, de valeur égale ou de valeur moindre selon les cas, tout comme il existe des dérogations et exemptions pour les personnes malades, pauvres ou handicapées (hommes comme femmes).
Ainsi dans ce qui est commun aux hommes et aux femmes, leurs droits et devoirs sont identiques, notamment en termes de dignité, de sécurité, de responsabilité sociale, politique, morale et familiale, d’honneur, d’éducation, de soins, de santé, etc., mais dans ce qui est spécifique à chaque identité (masculine ou féminine), il y a des différences impliquant une complémentarité et non pas une supériorité ou une infériorité ontologique ou humaine, comme le pensent certains en raison du hadith mal compris sur le fait que les femmes en période de menstrue sont exemptées de certaines pratiques religieuses (qui impliquent une sorte de manquement involontaire et donc elles ne sont pas blâmées pour cela comme le rappelle Ibn Hajar al ‘Asqalânî) – et en cela elles obéissent de toute façon à Allâh et prennent en compte la réalité physiologique – et sur l’intelligence cela n’était pas une comparaison avec l’intelligence des hommes mais avec leur propre rapport entre intelligence et émotion lorsqu’elles traversent certaines situations pénibles concernant les femmes, le hadith ne parlant donc pas d’infériorité en religion ou en intelligence par rapport aux hommes, puisque les hommes faibles ou malades aussi ont des dérogations et peuvent être bien moins intelligents que les femmes – comme nous l’apprennent aussi le Qur’ân et la Sunnah -. Et dans un autre hadith, le Prophète (ﷺ) rappelle que les enfants doivent respecter en priorité triplement la mère avant le père, ce qui ne signifie pas pour autant que la mère vaudrait 3 fois plus que le père, mais cela a pour but uniquement d’indiquer l’importance de la mère et du respect que nous devons lui manifester, pour au moins 3 raisons qui lui sont inhérentes à son statut de mère.

Et cela va dans le sens du Qur’ân : « C’est Lui qui vous a créé d’une âme unique, dont il tira l’épouse, pour que ce dernier trouvât auprès d’elle la paix… » (Qur’ân 7,189).

« …Parmi Ses signes qu’Il ait créé pour vous à partir de vous-même des épouses, afin qu’auprès d’elles vous trouviez l’apaisement ; et Il a placé entre vous mawwada (affection et tendresse) et rahma (miséricorde, amour, compassion, …) » (Qur’ân 30, 21).

« Elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles » (Qur’ân 2, 187).

« Et ne souhaitez pas ce par quoi Allâh a donné préséance (fadhl) à certains d’entre vous sur d’autres. Aux hommes une part de ce qu’ils ont acquis, et aux femmes une part de ce qu’elles ont acquis. Et demandez à Allâh de Sa faveur. Allâh est de toute chose Savant » (Qur’ân 4, 32).

« Je ne laisse perdre l’action d’aucun agissant parmi vous, homme ou femme, en réciprocité… » (Qur’ân 3; 195).

« Les croyants et les croyantes sont alliés les uns des autres. Ils commandent le convenable, interdisent le blâmable accomplissent la Salât, acquittent la Zakât et obéissent à Allâh et à Son messager. Voilà ceux auxquels Allâh fera miséricorde, car Allâh est Puissant et Sage » (Qur’ân 9, 71),

« Les Musulmans et Musulmanes, croyants et croyantes, obéissants et obéissantes, loyaux et loyales, endurants et endurantes, pieux et pieuses, donneurs et donneuses d’aumône, jeûnants et jeûnantes, gardiens de leur chasteté et gardiennes, invocateurs souvent d’Allâh et invocatrices : Allâh a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense » (Qur’ân 33, 35).


Notes :

(1) Par exemple, l’égalitarisme voudrait que l’on taxe la même somme à un millionnaire (par exemple 10 euros sur une fortune de 15 millions d’euros) qu’à un pauvre (10 euros sur un total de 20 euros), or cela constitue une injustice puisque l’on prendrait une somme dérisoire à un millionnaire mais la moitié au pauvre qui manque déjà de tout. De la même façon, imposer les mêmes devoirs aux parents qu’aux enfants, exiger les mêmes charges à des personnes bien portantes qu’à des malades, constitueraient des injustices qui conduiraient à des abus et à des déséquilibres dans la société.

(2) Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°236, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°113, Ahmad dans son Musnad n°25663 avec une chaîne sahîh selon ‘Aîsha, Ibn ‘Arabî dans ses Futûhât 3/87 qui l’a authentifié et commenté de façon spirituelle et métaphysique également.

(3) L’imâm Al-Khattabî (319 H/931 – 388 H/998) était un théologien asharite, logicien, juriste shafi’ite, muhaddith, poète, lexicographe, exégète du Qur’ân, historien, Sûfi (ayant étudié le Tasawwuf avec le Shaykh et imâm Al-Khuldi (m. 348 H/959) qui était l’un des disciples de l’imâm Al-Junayd. Il était aussi un homme de lettres, né en Perse, mais descendant aussi de Zayd Ibn al-Khattâb, le frère de notre maître et Calife ‘Umar Ibn al-Khattâb. Parmi ses éminents étudiants, on compte des sommités dans le Hadith comme Al-Hakim an-Nishabûri, Abû Nu’aym al-Isbahanî, Abû Dharr al-Harawî, Abû Hâmid al-Isfarayini, ‘Abd al-Ghafir an-Nishabûrî, etc., qui étaient qualifiés de sommités et de grands savants par l’imâm et Hafiz ad-Dhahâbî dans son Siyâr et dans son Târîkh al-Islâm.


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