Peut-on parler de colonialisme islamique lors de l’expansion musulmane des premiers temps ?

  Suivant la définition adoptée par de nombreux islamophobes, la question de la « colonisation » a concerné pratiquement tous les peuples, ce qui logiquement, réduit à néant aussi leurs accusations visant l’Islam, ou plutôt les Musulmans. Or, la colonisation française par exemple, n’a aucun rapport avec les ouvertures islamiques sur de nouvelles régions.

  Les sources les plus fiables en la matière, qui s’appuient sur une documentation à la fois variée, sérieuse et rigoureuse, dont les éléments suivants seront puisés, sont notamment l’ouvrage Les préludes de l’Islam : Ruptures et continuités dans les civilisations du Proche-Orient, de l’Afrique orientale, de l’Arabie et de l’Inde à la veille de l’Islam (éd. De Boccard, 2013) de Christian Julien Robin – historien, archéologue, chercheur et épigraphiste français – et de Jérémie Schiettecatte. L’excellent ouvrage de Juan Cole, Muhammad: Prophet of Peace Amid the Clash of Empires (2018), l’ouvrage de l’historien et islamologue John Tolan, Mahomet l’européen: Histoire des représentations du Prophète en Occident (éd. Albin Michel, 2018) ainsi que son autre ouvrage co-écrit avec Henry Laurens et Gilles Veinstein L’Europe et l’Islam: Quinze siècles d’histoire (éd. Odile Jacob, 2009) ; Muhammad Hamidullah[1] dans Le Prophète de l’Islam, Sa vie, son œuvre (éd. El Falah, 2010), et du même auteur La diplomatie au temps du Prophète et des premiers Califes (rééd. Héritage, 2022) et La Constitution de Médine : un document fondamental de l’époque du Prophète (rééd. Héritage, 2024) ; et concernant la Perse plus précisément, se référer aux travaux de Seyyed Hossein Nasr[2] et Mehdi Aminrazavi[3], notamment dans l’ouvrage en plusieurs volumes qu’ils ont édité, intitulé An Anthology of Philosophy in Persia (1999 à 2014) ainsi que dans d’autres de leurs articles.

  En se fondant sur les faits historiques vérifiables, loin de toute propagande, force est de constater que l’on ne peut pas parler de colonisation islamique dans les premiers temps de l’islam (à l’époque du Prophète, puis des Califes bien-guidés jusqu’à l’imâm Hassân, puis avec Mu’awiyya et quelques autres dirigeants omeyyades comme ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azîz) car il n’y avait pas de conception racialiste, ni de génocide, ni d’asservissement des populations civiles ni de destruction des cultures locales, de leurs bibliothèques ou de leurs lieux de culte. Par ailleurs, soit les autres ethnies devenaient musulmanes et étaient traitées comme des frères avec les autres groupes musulmans, soit elles devenaient des dhimmis (c’est-à-dire des résidents non-musulmans qui sont protégés par l’Etat et les musulmans) en jouissant de nombreux droits et d’une liberté de culte totale dans leurs quartiers ou leurs lieux de culte, avec une représentation politique.

  Les Musulmans ne colonisaient pas les autres régions, dans le sens où les populations locales n’étaient pas éradiquées ou exploitées de façon cruelle ou forcée, ni converties de force à l’islam, mais étaient même plutôt protégées et devaient verser moins de taxes que sous les précédents systèmes politiques. Ils gardaient leur liberté de culte et leurs propres tribunaux. Les Musulmans restaient aux périphéries des villes ou en construisaient des nouvelles comme au Maghreb, en Syrie, en Irak, en Andalousie, etc. Des nouvelles églises ont même été construites sous les califats bien-guidés et après. Les populations locales pouvaient garder donc leur religion, leur culture et leur langue, tant que les valeurs du vivre-ensemble étaient respectées envers l’Etat et les autres communautés religieuses et ethniques (comme l’interdiction du meurtre, du vol, de l’adultère, du banditisme, etc.).

  En effet, plusieurs églises ont été construites en Égypte au cours du 1er siècle de l’hégire dont l’église de Mâr Murqus à Alexandrie entre les années 39 et 56 après l’hégire. De même, la première église fut construite à Al-Fustât dans le quartier des romains pendant le gouvernorat de Maslamah Ibn Mukhallad sur l’Égypte entre les années 47 et 68 après l’hégire. De plus, lorsque ʿAbd Al-ʿAzîz Ibn Marwân jeta les fondations de la ville de Hulwân, il y autorisa la construction d’une église tout comme il autorisa certains prêtres à construire 2 monastères. L’historien Al-Maqrîdhî cite dans son livre Al-Khutat de nombreux exemples puis conclut son propos disant : « Toutes les églises susmentionnées du Caire datent de l’ère islamique sans aucune contestation »[4].

  « En revanche, dans les villages et lieux ne faisant pas partie des contrées des musulmans, il n’est pas interdit aux non-musulmans d’exhiber leurs rituels religieux, de rénover leurs vieilles églises et de construire les bâtiments dont ils ont besoin du fait de leur croissance démographique. Cette tolérance avec les gens de religion différente de la part d’hommes dont la vie est entièrement axée sur la religion, et qui ont obtenu la victoire et la suprématie grâce à elle, est une chose extraordinaire dans l’histoire des religions comme en témoignent les occidentaux eux-mêmes »[5].

  Il y avait des ministres juifs, zoroastriens, bouddhistes et chrétiens, et des dirigeants (musulmans ; dont des convertis) issus des populations locales, et les différentes communautés n’étaient pas opprimées. Ils avaient leurs propres tribunaux pour gérer leurs affaires religieuses, familiales, communautaires, etc. Certains occupaient aussi des postes élevés dans l’armée, l’administration, la politique, l’enseignement, etc. Ils vivaient dans leurs propres quartiers (ce qui arrangeait tout le monde) ainsi que dans des quartiers mixtes où les différentes communautés se mélangeaient.

  En Andalousie, en Syrie, en Andalousie, en Palestine et en Irak par exemple, ce sont les populations autochtones qui ont fait appel aux Musulmans pour venir les libérer. En Chine, c’est l’empereur qui fit appel aux Musulmans afin de repousser des troupes ennemies. Dans les provinces colonisées par Byzance et la Perse, de nombreux pans de la population étaient persécutés sous les autorités byzantines et wisigoths, avec de lourdes taxes à payer. Or avec les musulmans, ils n’étaient plus persécutés pour leur foi, il y avait une justice sociale, une protection juridique, des taxes moins élevées, une aide sociale pour les démunis, et ils pouvaient toujours gérer leurs propres affaires communautés sans que les autorités musulmanes ne s’immiscent dans leurs affaires.

  L’érudit chrétien Michel le Syrien ‎(1126-1199), – Michael Syrus en latin et dit aussi Michel le Grand -, dans sa Chronique Universelle (se basant sur des écrits fiables quand il traite des événements du 6e siècle jusqu’à son époque), observe : « Le Dieu des vengeances voyant la méchanceté des Romains (c’est-à-dire de l’Eglise romaine) qui, partout où ils dominaient, pillaient cruellement nos églises et nos monastères et nous condamnaient sans pitié, amena du Sud les fils d’Ismaël [c’est-à-dire les Arabes musulmans] pour nous délivrés d’eux (…). Ce ne fut pas un léger avantage, pour nous, d’être délivrés de la cruauté des Romains, de leur méchanceté et de leur colère, de leur cruelle jalousie et de nous trouver en repos »[6].

  Les historiens Jean et André Sellier écrivent : « A l’époque où la puissance abbasside s’écroule, la majorité de la population du Croissant fertile et de l’Egypte a adopté la langue arabe. En dehors de la péninsule arabique, l’islam demeure en revanche minoritaire, sauf sans doute en Irak (où subsiste une forte proportion de nestoriens). En haute Mésopotamie et en Syrie [passées sous administration musulmane au 7e siècle], la population restera en grande partie chrétienne jusqu’au 13e siècle. En Egypte [également passée sous administration musulmane au 7e siècle], l’islam ne deviendra majoritaire qu’au 11e siècle. Pas plus que les Omeyyades, les Abbassides n’ont mené une politique de conversions »[7].

  Les conversions vers l’islam furent massives, mais il existait encore d’importantes communautés non-musulmanes durant les premiers siècles, dont certaines qui n’avaient presque aucun contact avec l’islam et les musulmans, restant dans leurs quartiers ou leurs villages reculés.

  L’écrivain et historien Gérard Chauvin relatait dans son ouvrage sur l’islam : « La conduite du lieutenant d’’Umar, lors de la conquête de l’Egypte, est un autre exemple. Non seulement Amru offrit aux habitants une complète liberté religieuse et une justice impartiale, mais il remplaça les impôts arbitraires des empereurs grecs par un modeste tribut annuel. (…) Les Arabes respectèrent si religieusement les conventions acceptées, et se rendirent si agréables aux populations soumises autrefois aux vexations des agents chrétiens de l’empereur de Constantinople, que toute l’Egypte adopta avec empressement leur religion et leur langue »[8].  Plus loin il dit : « A l’exemple du Prophète, qui avait imposé aux combattants de l’islâm le respect de l’ennemi vaincu et désarmé, les Musulmans, lorsqu’ils durent faire la guerre, s’efforcèrent de la rendre aussi humaine que possible. Leur attitude modérée et tolérante a beaucoup contribué à leur gagner la sympathie des populations dans les pays où leurs armées firent campagne et, dans bien des régions, comme certaines provinces de l’Empire byzantin, ils furent accueillis en libérateurs ».

  Plus tard, néanmoins, lorsque d’autres dirigeants moins pieux et orthodoxes prirent le pouvoir, les conditions de vie étaient moins stables et prospères, à mesure que le dirigeant s’éloignait des préceptes religieux, menant parfois une politique discriminatoire envers les Musulmans comme les non-Musulmans.

  Le prêtre orthodoxe Yuhanna Zaim dit à propos des Ottomans : « Que Dieu perpétue l’empire des Turcs pour toujours et à jamais ! Car ils prennent leur impôt (jyzia), et ne tiennent pas compte de la religion, que leurs sujets soient Chrétiens ou Nazaréens, Juifs ou Samaritains, alors que ces maudits Polonais (catholiques) ne se contentent pas des impôts et des dîmes des frères du Christ »[9].

  L’historien espagnol Blasco Ibañez dans son ouvrage A l’ombre des Cathédrales (1929) à propos de l’Espagne musulmane dit : « Ce n’était pas une invasion qui s’imposait par les armes, c’était une société nouvelle qui poussait de tous côtés ses vigoureuses racines »[10].

   En effet, l’Espagne musulmane devint une terre prospère où jaillit une nouvelle civilisation brillante sur les plans techniques, scientifiques, artistiques, architecturales, spirituelles et philosophiques, alors qu’auparavant le pays fut ravagé par les guerres intestines. La tolérance à l’égard des autres communautés fut relativement bien respectée et acceptée. Cependant, lorsque les gens commencèrent à s’éloigner de la spiritualité et des principes éthico-politiques de l’islam, les dissensions, le sectarisme et les conflits apparurent à certaines périodes mais jamais de façon systémique, y compris entre différents groupes « musulmans » (ou chrétiens) qui préféraient la lutte sectaire plutôt que de chercher la paix et la fraternité comme le stipulait le Qur’ân.

  Plus tard, au 15e siècle, les forces « chrétiennes » (qui ne suivaient pas non plus les enseignements bibliques), – en tant qu’identité et non pas en tant que spiritualité -, persécutèrent et chassèrent les Musulmans et les Juifs, qui trouvèrent refuge aussi dans le monde musulman.

  Selon l’historien espagnol Ignacio Olague, dans son livre Les Arabes n’ont jamais envahi l’Espagne (éd. Flammarion, 1969, rééd. Constellation, 2022), ce furent les Juifs et les Chrétiens unitariens du Sud qui appelèrent les Musulmans à venir les aider pour lutter contre les autorités despotiques du Royaume Wisigoth qui les opprimaient. Même si l’auteur évacue l’influence venant de l’Orient musulman dans le renouveau civilisationnel de l’Espagne musulmane, son ouvrage demeure fort intéressant et documenté, même si certaines réflexions sont contestables. Il existe 3 types d’auteurs dans ce domaine ; ceux qui idéalisent une civilisation au point d’occulter ou de minimiser les périodes de troubles, ceux qui diabolisent une civilisation en occultant de nombreux faits qui démentent leur idéologie identitaire et raciste, et ceux qui reconnaissent la beauté, les prouesses et les qualités d’une civilisation, sans pour autant occulter les aspects négatifs, la mauvaise politique de certains dirigeants ou les tensions qui pouvaient exister entre différentes communautés et les abus qui accompagnaient inévitablement les tensions. Al-Andalûs ne fait donc pas exception. Les faits sont catégoriques, il s’agissait d’une florissante et brillante civilisation sans précédent dans la péninsule ibérique, avec une véritable politique de coexistence entre plusieurs communautés, mais aussi avec des rivalités malsaines entre les rois chrétiens ou les émirs, avec des tensions par moment entre les différentes communautés, et des foules parfois hystériques dans certaines périodes de crise. Mais sur plus de 800 ans, la norme était bien la paix, la tolérance, la prospérité et le développement des sciences, de l’art, de la littérature et de la spiritualité, avec la réalisation de monuments architecturaux d’une rare et singulière beauté, témoins de la grandeur de cette civilisation, bien qu’il ne s’agissait pas toujours d’un long fleuve tranquille, puisqu’il y a eu des périodes de turbulence.

  Ainsi, durant une longue période, l’Espagne musulmane témoignait d’une grande tolérance, au point où de nouvelles églises furent construites, et où les Musulmans y permettaient même la tenue de plusieurs conciles (comme celui de Séville en 782 et celui de Cordoue en 852). Pour Gustave Le Bon, la meilleure preuve de la solidité et de la validité intrinsèque de cette civilisation, c’est qu’elle « subjugua jusqu’aux barbares qui tentèrent de les détruire »[11]. En effet, les Musulmans qui étaient venus les libérer étaient perçus comme des libérateurs, et malgré leur présence minoritaire dans les nouvelles contrées, les populations locales les acceptèrent, ne se révoltèrent pas et ne craignaient pas du tout la Shar’îah, puisque d’une part celle-ci stipule la justice et la protection pour tous, la liberté de culte et la permission pour chaque communauté de recourir à leurs propres lois communautaires pour juger leurs affaires culturelles, religieuses et familiales, et d’autre part car les dispositions juridiques spécifiques aux Musulmans n’étaient pas appliquées aux communautés non-musulmanes, et de plus, ils étaient moins taxés qu’auparavant et le Califat islamique comme les Musulmans avaient interdiction de les persécuter ou de les insulter dans leurs croyances ou symboles religieux. Les hypocrites ou gens qui agissaient de façon injuste tout en se réclamant de l’Islam, s’ils portaient préjudice à des non-Musulmans, étaient alors châtiés ou sanctionnés par les autorités musulmanes et dénoncés par les juristes et savants musulmans vertueux, qui rappelaient l’importance de respecter les droits des dhimmis (citoyens non-musulmans) et du bon voisinage.

  Nous parlons évidemment des Musulmans des premiers temps (jusqu’au califat de Mu’awiyya et de certains dirigeants après, mais où certains autres dirigeants qui s’éloignaient des principes islamiques se comportaient parfois mal envers les citoyens, Musulmans comme non-Musulmans). Il n’y a donc jamais eu, sous la politique des premiers musulmans, de massacres de civils, de discriminations de façon systémique ou de destruction du patrimoine historique et civilisationnel des autres communautés (il n’y a qu’à la Ka’aba, où les idoles innovées qui avaient souillé le caractère sacré de la Ka’aba, autrefois purement monothéiste à l’époque d’Ibrâhîm, qui furent détruites lorsque les Arabes de la Mecque abandonnèrent en masse les cultes idolâtriques, cette destruction d’idoles s’est donc faite avec leur consentement et en prenant en compte le contexte et la sensibilité de la population).

  Et même plus tard, s’il y a pu y avoir des politiques discriminatoires de certains dirigeants qui délaissaient l’Islam pour une vision plus ethnocentriste ou idéologique, les persécutions et discriminations ne durèrent jamais longtemps et ne furent pas systémiques, bien que des tensions isolées ici et là pouvaient toujours avoir lieu, comme aujourd’hui partout dans le monde, mais il y a toujours eu des Musulmans, savants, artisans ou maîtres spirituels, qui rappelèrent à l’ordre les foules fanatiques ou hystériques, et prendre la défense des innocents, fussent-ils des incroyants.

  Et l’Islam n’étant pas une race ou une idéologie, la majorité des populations autochtones se sont converties au fur et à mesure (alors même que sous les Omeyyades, certains dirigeants faisaient tout pour empêcher que les gens se convertissent à l’Islam[12]). Dans certaines régions, les Musulmans ne sont devenus majoritaires que 3 à 4 siècles après. Ce qui prouve qu’il n’y a jamais eu de massacres de grande ampleur ou de conversion forcée durant les premiers temps.

  Beaucoup de mensonges ont été dits aussi sur la présence musulmane en Perse. Or, les Zoroastriens gardaient leur religion, leurs tribunaux, leurs lieux de culte, etc. sans qu’ils soient persécutés par les autorités musulmanes des premiers temps, et naturellement, beaucoup de familles zoroastriennes ont embrassé l’Islam en étudiant cette Religion et surtout en voyant que leurs plus grandes autorités savantes abandonnaient le Zoroastrisme (alors décadent et dégénéré) pour l’Islam, qui correspondait aussi à leurs besoins éthiques, théologiques, spirituels, sociaux, etc., tout en y voyant la continuité logique du Zoroastrisme originel, puisqu’il existait de nombreux principes communs entre l’Islam (originel) et le Zoroastrisme originel, perçu aussi comme une Religion d’origine divine, mais dont les doctrines et autorités se sont éloignées des enseignements fondamentaux au fil des siècles. Il est navrant de constater que beaucoup d’orientalistes continuent à propager des mensonges sur l’Islam et les Arabes des premiers temps par rapport à la Perse.

  Nous savons par ailleurs qu’au moins jusqu’au Calife ‘Alî, que les Musulmans avaient de bonnes relations avec les Zoroastriens. Les Musulmans des premiers temps ne venaient pas éradiquer les anciennes cultures ou populations, qui n’étaient pas chassées de leurs terres. C’était avant tout un changement de système politique (ce qui peut exister aussi en intra, comme le montre l’histoire des peuples européens, se faisant continuellement la guerre entre eux pour changer de système politique et de classe dirigeante), pour un système plus juste, plus tolérant et taxant moins les populations, ce qui a fait d’ailleurs son étonnant succès des premiers temps.

  Les lois spécifiques aux musulmans n’étaient imposées qu’aux musulmans (prière, zakah, conditions de mariage, etc.), les non-musulmans eux vivaient selon leur propre loi, sauf que tous devaient respecter la morale universelle (ne pas tuer ou insulter son voisin/prochain, ne pas insulter ou humilier les autres même par rapport à leurs symboles religieux ou ethniques, etc.).

Là où les Musulmans devaient payer la zakâh et les sadaqa pour alimenter l’économie de l’État, les non-musulmans eux ne payaient pas la Zakah (obligation religieuse que pour les Musulmans) mais la jyzia – sauf pour les malades, femmes, enfants, moines qui pouvaient percevoir une allocation sociale de l’État, ou non-musulmans participant à la défense militaire de la Nation -, prix équivalent de la Zakah, mais sans connotation religieuse. La jyzia leur était retournée d’ailleurs si les Musulmans n’étaient plus capables d’assurer leur sécurité face aux envahisseurs.

  Bien que seuls des Musulmans justes, vertueux et compétents pouvaient occuper le rôle de Chef d’État ou de chef suprême des armées, l’exception est possible uniquement s’il existe une nécessité ou une contrainte dans le cas où il n’existe plus de Musulmans plus aptes pour incarner le pouvoir. Les conditions idéales en Islam normalement concernant la fonction de Chef d’État sont : lucidité, aptitude physique, facultés mentales, piété religieuse, sens de la justice, érudition, connaissance des sciences politiques et économiques, etc. – et durant les premiers temps être aussi d’ascendance qurayshite, mais condition qui n’est plus très importante depuis le 3e siècle de l’Hégire où cette légitimité a perdu de sa raison d’être au fur et à mesure que l’on s’éloignait de la période des premiers qurayshites musulmans qui étaient vertueux tout en connaissant très bien la Religion et qui avaient vécu à l’époque prophétique et aux périodes directes qui lui ont succédé.

  A partir du moment où un pays est majoritairement musulman, normalement le dirigeant doit être musulman (mais les ministres peuvent être non-musulmans, notamment Juifs, Chrétiens, Bouddhistes, Déistes, etc.) car c’est un devoir religieux pour le dirigeant Musulman que d’assurer la protection et la liberté de culte à tous les citoyens. Or l’inverse n’est pas forcément vrai. Par précaution et vigilance, on doute qu’un non-musulman puisse assurer les intérêts de l’Islam, des Musulmans et des autres non-musulmans (qui ne partagent pas leur confession).

  Le contexte historique à l’époque prophétique nous éclaire concernant les relations géopolitiques. L’empire Perse, sous le règne du despote Khosrow II (570 – 628), avait refusé la paix proposée par le Prophète (ﷺ), et avait tué son émissaire puis déclarer la guerre aux Musulmans (y compris aux Perses devenus musulmans). Par des contre-offensives sous le calife ‘Umar, les Musulmans ont fini par défaire l’empereur perse tout en accordant la sécurité et la liberté de culte aux perses zoroastriens et chrétiens. Sous le règne de Khosrow II, le Zoroastrisme commençait déjà à décliner, notamment car la caste sacerdotale était plongée en grande partie dans la luxure et la corruption[13].

  Quant à l’empire byzantin, du temps du Prophète (ﷺ) déjà, l’empereur Héraclius (575 – 641) avait envoyé des troupes en Arabie pour le combattre et tenter d’éradiquer les Musulmans. Les 2 forces se rencontrèrent lors de la célèbre bataille de Yarmûk, où les forces musulmanes étaient estimées à environ 15 000 – 30 000 hommes, et les Byzantins entre 100 000 et 300 000 hommes selon les sources, se soldant par la défaite des troupes byzantines malgré leur nette supériorité numérique et technique. Comme on le voit, l’attitude des Musulmans était celle de la légitime défense puis de contre-offensives pour cibler les responsables militaires et politiques, sans s’en prendre aux populations civiles, à qui il leur était laissé le choix entre la conversion, la paix (en gardant leur propre religion ou culture) ou alors la guerre jusqu’à leur défaite s’ils refusaient l’islam ou la paix.

  A cela se rajoute l’aide et l’appel des populations autochtones (juives, chrétiennes, coptes, zoroastriennes ou sabéennes selon les cas) pour que les Musulmans viennent les libérer des tyrans et systèmes politiques répressifs qui étaient à l’origine de leurs malheurs et de leurs persécutions, en plus de les taxer trop lourdement.

  Concernant la bibliothèque de Persépolis qui fut détruite ou incendiée, cela eut lieu sous Alexandre Le Grand[14], soit plusieurs siècles avant l’arrivée des Musulmans, et donc non pas sous le calife ‘Umar. Certains chroniqueurs tardifs ont confondu et ont forgé un récit qui n’a pas été authentifié et qui n’a pas été rapporté par les auteurs contemporains de la présence musulmane en Perse sous ‘Umar. De plus, le célèbre centre intellectuel de Jundishapur, principal centre intellectuel de la Perse sassanide, n’avait pas été détruit et était toujours en fonction au moins encore 150 ans après le Califat de ‘Umar. Par ailleurs, alors même que la Perse connaissait depuis quelques siècles une longue phase de décadence morale et intellectuelle, avec peu de découvertes scientifiques notables et peu d’éminents savants de grande envergure, ce n’est que sous l’impulsion islamique, que les plus grands noms dans la poésie persane et arabe, la littérature, la médecine, l’astronomie, la spiritualité, la philosophie, les arts et les mathématiques, firent de la Perse islamique et du monde arabo-berbère et turc, les chefs de file de la science et de la puissance politique à l’échelle mondiale, devenant les leaders sur près de 1000 ans, avec la phase de stagnation et de déclin depuis le 17e siècle – un déclin qui n’était cependant pas total sur le plan scientifique -, et où depuis les années 80, l’Iran revient sur les devants de la scène internationale en faisant partie des 20 plus grands pays dans le domaine des sciences (nanotechnologie en devançant tous les pays européens, en médecine, en physique, en ingénierie, etc.) et des arts.

  En 2023, la Turquie occupait la 15e place avec 75305 publications scientifiques dans les principales disciplines, l’Iran la 16e place avec 73545 publications scientifiques, l’Arabie Saoudite la 18e place avec 61900 publications scientifiques, l’Indonésie la 19e place avec 58224 publications scientifiques, la Malaisie la 23e place avec 45659 publications et l’Egypte à la 25e place avec 42118 publications, juste devant le Pakistan (26e place avec 40922 publications), la Belgique (27e place), le Portugal (28e), le Danemark (29e) et Hong Kong (30e). D’autres pays sont plus bas dans le classement comme le Mexique (33e), la Norvège (34e), la Grèce (37e), Israël (38e), la Finlande (41e).

  Dans certains domaines scientifiques comme l’ingénierie chimique, l’Arabie Saoudite (10e) et l’Iran (13e) occupent un meilleur positionnement. De même pour la physique et l’astrophysique (Indonésie 10e, Arabie Saoudite 14e, Irak 17e, Iran 18e, Turquie 21e, Malaisie 22e, Pakistan 25e). En médecine la Turquie et l’Iran occupent respectivement la 15e et la 16e place, devant des pays comme la Suisse (17e), la Russie (18e), la Suède (19e), la Pologne (20e), la Belgique (21e), le Danemark (22e), l’Arabie Saoudite (23e), Taïwan (24e) et l’Egypte (25e). Dans les neurosciences l’Iran occupe la 17e place et la Turquie la 18e place, devant la Belgique, le Danemark, Israël, l’Autriche, la Russie, Taïwan et la Pologne (25e).

  Dans la pharmacologie et la toxicologie, l’Iran occupe la 8e place juste après l’Allemagne (6e) et le Japon (7e), et juste devant l’Arabie Saoudite (9e), l’Egypte (13e), la Turquie (19e), la Russie (20e), les Pays-Bas (21e), la Suisse (20e), le Pakistan (23e), l’Irak (24e) et la Malaisie (25e), juste devant la Belgique et le Portugal. En chimie, l’Arabie Saoudite occupe la 11e place, l’Iran la 13e place, la Turquie la 18e place, l’Egypte la 19e place et le Pakistan la 20e place juste devant Taïwan, la Suisse, les Pays-Bas, la Malaisie (24e) et la Suède (25e). Dans les sciences informatiques, l’Arabie occupe la 13e place devant la Russie et la Pologne, la Turquie occupe la 20e place, suivi de la Malaisie (21e), de l’Iran (22e), du Pakistan (23e), de l’Indonésie (27e), de l’Egypte (28e), de la Suède (29e) et de la Grèce (30e). Concernant la biologie moléculaire, la génétique et la biochimie, l’Iran se classe à la 16e place, l’Arabie à la 18e place, la Turquie (20e) et l’Egypte (22e), devant Taïwan, la Belgique, le Danemark, l’Autriche et le Portugal[15].

  Dans la nanotechnologie, en 2023,  l’Iran occupait la 5e place (derrière la Chine, l’Inde, les USA et la Corée du Sud), suivi de l’Arabie (6e place), l’Allemagne (7e), le Japon (8e), le Royaume-Uni (9e), l’Egypte (10e)[16].

  L’année précédente cependant, l’Iran était 4e juste devant la Corée du Sud (5e) et l’Arabie (6e), l’Egypte (9e), la Turquie (10e), le Pakistan (11e), devant l’Australie (12e), le Royaume-Uni (13e), la France (14e), l’Espagne (15e), le Canada (16e), l’Italie (17e), la Russie (18e), Taïwan (19e) et le Brésil (20e)[17].

   En 2024, l’Arabie Saoudite occupait la 4e place, l’Iran (6e), l’Egypte (10e), le Pakistan (11e), la Turquie (12e) devant la France (13e) et l’Espagne (14e)[18].

  Pour en revenir à la Perse et aux Zoroastriens, le mensonge orientaliste est facilement infirmé par le fait que sous les Samanides (819-999) qui est une dynastie iranienne sunnite, auparavant zoroastrienne il y avait encore de nombreux temples zoroastriens et mazdéens, où ils enseignaient leur religion et abritaient leurs ouvrages. Alors même que cette dynastie iranienne avait le pouvoir politique, ils n’ont pourtant pas abandonné l’Islam comme Religion d’Etat, et la langue persane était toujours parlée, au côté de la langue arabe. Près de 300 ans après l’arrivée de l’Islam et des Musulmans en Perse, il était évoqué encore la présence de nombreux temples zoroastriens, datant d’avant l’ère islamique, aussi bien au Khurassan, à Kirman, au Sijistan et d’autres zones sous contrôle samanide[19].

  Selon le grand savant musulman al-Shahrastani (1086-1153)[20] dans son Kitâb al–Milal wa al-Nihal – une référence dans le domaine des religions et philosophies comparées -, il y avait encore, à son époque, des temples zoroastriens même à Baghdâd. L’historien et savant musulman polymathe Al-Mas’udï (896–956)[21] quant à lui dans son Murûj ad-Dhahab – un traité complet sur l’histoire et la géographie vers 956 -, constate qu’après l’arrivée de l’Islam dans la région : « Le zoroastrisme, pour le moment, a continué d’exister dans de nombreuses régions de l’Iran. Non seulement dans les pays qui sont venus relativement tard sous l’autorité musulmane (Tabaristan, par exemple), mais aussi dans les régions devenues des provinces de l’empire musulman. Dans presque toutes les provinces iraniennes, d’après Al Masudi, on trouve des temples du feu – les Majûs, vénèrent de nombreux temples du feu en Irak, Fars, Kirman, Sistan, Khurasan, Tabaristan, Djibal, Azerbaïdjan et Arran ».

  Cette déclaration générale d’al-Mas’ûdi est entièrement soutenue par les géographes médiévaux qui font mention de temples du feu dans la plupart des villes iraniennes[22].

  Ainsi la présence d’une communauté zoroastrienne conséquente et de leurs temples religieux ainsi que de leurs bibliothèques personnelles ou dans leurs établissements religieux, montrent qu’il n’y avait pas eu de persécutions du temps des Califes bien-guidés, ni d’une persécution systémique par la suite, et pendant plus de 1000 ans, la communauté zoroastrienne fut reconnue comme une minorité religieuse officielle et protégée par la plupart des empires et états musulmans qui se sont succédés, réfutant ainsi les affirmations fausses et hypothétiques de certains orientalistes occidentaux (repris parfois par des iraniens peu avertis ou très propagandistes et islamophobes), et même par certains chroniqueurs musulmans tardifs. Bien sûr, des tensions pouvaient toujours exister de façon isolée ici et là par moment, car c’est là une récurrence chez les différentes communautés humaines, surtout parmi les fanatiques, ignorants ou nerveux en leur sein. Ce sont là des tendances psychologiques et sociologiques qui s’observent dans toutes les communautés, dans toutes les régions et sous tous les états politiques, musulmans comme non-musulmans, au Moyen-Orient comme en Afrique, en Asie, en Europe ou en Amérique du Nord et du Sud. Avant l’arrivée de l’Islam, les Zoroastriens étaient parfois persécutés aussi par des groupes chrétiens ou d’autres groupes zoroastriens.

  Ainsi, le mazdakisme, considéré comme une secte par la hiérarchie zoroastrienne qui percevait ce mouvement comme une hérésie et par conséquent persécuté par les dirigeants sassanides zoroastriens. En 524 ou 528, le dirigeant sassanide Khosrow I a lancé une campagne contre les mazdéens, qui s’est soldée par un massacre où la plupart des adhérents, dont Mazdak lui-même, furent tués, et restauré le zoroastrisme orthodoxe comme religion d’État[23].

  Dans le Shâhnâmeh (le Livre des rois) du savant et historien musulman Ferdawsî (vers 940 – 1020) qui venait d’une famille zoroastrienne, il indique que les 3000 mazdéens furent enterrés vivants les pieds vers le haut afin de présenter à Mazdak le spectacle d’un « jardin humain ». Mazdak lui-même a été pendu la tête en bas et a tiré avec d’innombrables flèches, mais d’autres histoires précisent d’autres méthodes de torture et d’exécution. Dans tous les cas, Anushiravan a ensuite procédé à la mise en œuvre de ses propres profondes réformes sociales et administratives. Le mazdakisme aurait presque disparu après le massacre[24]. Il y a même eu, selon certains récits, à l’époque musulmane, où le clergé zoroastrien faisait appel aux Musulmans pour les aider contre leurs ennemis ou opposants politiques qui semaient la zizanie et des troubles[25]. Rappelons que les chroniques doivent être pris avec beaucoup de prudence, surtout quand la présentation des faits semble trop binaire (des « gentils » contre de « vilains barbares ») et exagérée ou minimisée par rapport aux pertes militaires ou aux prétendus massacres (souvent amplement exagérés). On le constate encore aujourd’hui, notamment avec la guerre en Ukraine où les sources occidentales, russes et ukrainiennes divergent fortement sur le nombre de civils tués, sur les allégations (fondées et infondées) de viols, le nombre de soldats et combattants tués, qui sur 3 ans de guerre pratiquement, varient de 10 000 civils tués à 150 000, de 80 000 soldats ukrainiens et 90 000 soldats russes, jusqu’à 550 000 ukrainiens et 300 000 soldats russes tués selon les sources en date du mois de septembre 2024, souvent sans preuve, ou via des estimations peu fiables (partant parfois du principe que, comme durant un jour, plus de 3000 soldats ont été tués, ils extrapolent que tous les jours, il y a le même nombre qui meurt chaque jour, ce qui est loin d’être vrai de façon générale).

  Selon Mary Boyce, les zoroastriens vivant en chrétienté en Asie Mineure ont subi un préjudice[26], notamment pendant le long conflit entre l’Empire romain et la Perse. Les chrétiens vivant sur le territoire sassanide ont détruit beaucoup de temples du feu et de lieux de culte zoroastriens[27]. Les prêtres chrétiens ont délibérément éteint le feu sacré des zoroastriens et caractérisé ses adeptes comme « adeptes du méchant Zardusht (Zoroastre), servant de faux dieux et les éléments naturels »[28].

  Comme on le voit, la thèse islamophobe et identitaire ne repose sur aucun fondement réel, et leur vision mythifiée de la Perse préislamique ne résiste pas à l’étude des faits, où les persécutions et les troubles existaient bien avant l’arrivée de l’Islam.

  Selon Thomas Walker Arnold, les musulmans ne rencontrèrent pas de difficulté à expliquer les doctrines islamiques aux zoroastriens, car il y avait beaucoup de similitudes entre leurs doctrines respectives, notamment où Allâh s’identifiait à Ahura Mazda, et Iblis (Shaytân) à Ahrimân[29]. De même, le fait de prier 5 fois par jour, les notions de prophétie, de Livre révélé et sacré, de prière, de sacrifice, de jeûne, du Jugement dernier, du Paradis et de l’Enfer, du pont Sirât, de l’importance des bonnes œuvres et du désaveu des grands péchés et de l’apostasie, ainsi qu’une certaine culture (mais limitée et responsable) de la polygamie, le port du voile, etc., tout cela était partagé aussi bien par le Zoroastrisme originel que par l’Islam. Les Zoroastriens ont vu donc massivement l’Islam comme un retour épuré à la foi originelle de Zarathustra et des autres prophètes, puisque leurs enseignements fondamentaux sont les mêmes, et avec l’arrivée de l’Islam, certaines pratiques déviantes comme l’inceste, le fanatisme, le tribalisme, la misogynie, l’esclavagisme, le mariage forcé, etc. avaient été décriées, et ils virent là justement un retour à une foi pure débarrassée des éléments culturels et déviants qui se sont accumulés au fil du temps à cause de pratiques culturelles ou tribales qui n’avaient aucun rapport avec la Religion. Cependant, certains zoroastriens, juifs, chrétiens ou musulmans de « façade », délaissant les préceptes religieux pour perpétuer leurs pratiques culturelles déviantes, ont persisté dans ce type de coutumes à travers les âges, malgré les interdictions religieuses. Les iraniens, turcs et berbères identitaires qui sont islamophobes (la majorité des iraniens, turcs et berbères sont musulmans et contre ce type de mouvements décadents et identitaires) ignorent d’ailleurs que ce sont les Grecs qui, durant l’Antiquité, avaient introduit en Egypte le port du voile de type grec, et que ce fut la Perse, qui durant la même période, introduit le port d’un voile intégral dans la péninsule arabique, soit avant l’apparition de l’Islam Muhammadien au 7e siècle ? D’après les découvertes historiques, comme le rappelait Hana el-Banna Chidiac (responsable de l’Unité patrimoniale Afrique du Nord et Proche-Orient, département du patrimoine et des collections, au musée du Quai Branly – Jacques Chirac) dans l’article “Le voile n’est pas récent, il remonte à la nuit des temps” paru dans la revue L’Orient Le Jour en date du 29 décembre 2022 : « Revenant sur l’origine du port du voile, élément de l’habit féminin s’inscrivant dans une tradition plusieurs fois millénaire, la conférencière a catapulté l’auditoire des milliers d’années en arrière en mettant en lumière des statuettes, des tablettes d’argile et des peintures murales découvertes dans les principales cités du Levant et en Mésopotamie, bien avant l’avènement de l’islam. Les nombreux artefacts confirment que l’usage du voile n’est ni récent ni propre au monde musulman. « Il s’inscrit dans une tradition plusieurs fois millénaire. Il est présent de la Mésopotamie à l’Égypte et dans les pays du bassin méditerranéen depuis l’Antiquité », indique Hana Chidiac, précisant que l’usage du lin à des fins textiles remonterait à 8000 ans avant J-C. Une tablette de comptabilité représentant une scène de tissage, découverte à Suse, en Iran (4e millénaire, musée du Louvre) illustre son propos. Une autre tablette provenant de Girsu (ancienne cité de Sumer en Irak) mentionne la réception de 13 costumes en laine (Musée des beaux-arts de Lyon) (…). Dans le puissant royaume d’Assyrie, qui s’est formé au nord de la Mésopotamie au IIe millénaire avant de s’étendre en Syrie, en Turquie, en Iran et en Irak, « une loi ordonne aux femmes mariées et aux femmes libres de sortir voilées ». C’est la plus ancienne mention connue de cette coutume qui se perpétue encore aujourd’hui en Orient. Sur une tablette datée du 12e siècle avant J-C découverte à Assur, en Irak, il est écrit : « Les femmes mariées… ou toute femme (assyrienne) qui sortent dans les rues (n’auront pas) la tête découverte. Les filles d’hommes libres (…) seront voilées (…) Une prostituée ne sera pas voilée, sa tête sera découverte (…) Quiconque verra une prostituée voilée l’arrêtera et l’amènera à l’entrée du palais… et on la frappera de 50 coups de bâton ».

Le fameux théologien et auteur chrétien Tertullien (Quintus Septimius Florens Tertullianus) né entre 150 et 160 à Carthage (actuelle Tunisie) et décédé vers 220, faisait déjà état de la pratique répandue du port du voile partout dans le monde civilisé. Dans son ouvrage Du voile des vierges (§17, av. 207), il notait ceci par rapport aux femmes Arabes de la péninsule arabique, plusieurs siècles avant l’Islam : « Les femmes de l’Arabie, toutes païennes qu’elles sont, vous serviront de juges ; elles qui, non contentes de se voiler la tête, se couvrent aussi le visage tout entier, de sorte que, ne laissant d’ouverture que pour un œil, elles aiment mieux renoncer à la moitié de la lumière, que de prostituer leur visage tout entier ».

Bien que l’Islam institue le port du voile féminin pour les femmes pubères (devant cacher la poitrine et les cheveux ainsi que les jambes et les fesses, mais pas nécessairement les mains, les chevilles, les poignets et le visage – cela a fait l’objet de divergences juridiques selon les époques et les régions -) et le port d’un turban ou d’un couvre-chef pour les hommes pubères, l’Islam a cependant interdit de frapper ou flageller les femmes ou les hommes qui manqueraient à cette prescription (qui selon les cas varient du recommandé à l’obligatoire), et n’a prévu aucune sanction juridique pour les personnes qui ne porteraient pas (convenablement ou non) le voile, le turban ou la barbe (pour les hommes). Si le voile est une prescription juridique et morale pour les femmes pubères (les femmes ménopausées qui ne craignent pas la tentation ni le danger ne sont plus tenues de le porter mais le peuvent selon leur préférence personnelle) à titre individuelle, personne de sa famille ni aucun autre citoyen ne peuvent la contraindre à le porter, et encore moins par la violence physique ou verbale. Seul l’Etat, par une peine discrétionnaire peut imposer le port du turban ou du voile d’un point de vue social pour des raisons jugées importantes ou nécessaires, mais ne peut pas les punir en cas de manquement au nom de la Loi divine car celle-ci ne prévoit aucune sanction (ni dans le Qur’ân, ni dans la Sunnah, ni dans le consensus des Compagnons), et si sanction il doit y avoir, cela doit se faire selon de nombreuses précautions et conditions, et jamais au point de les violenter physiquement ou de les tuer. Certes, en cas de troubles à l’ordre public ou de violences de leur part, les citoyen(ne)s peuvent être arrêtés et neutralisés sans violence, jusqu’à ce que le calme revienne. Rien cependant dans les sources fondamentales de l’Islam n’impose le port du voile du point de vue étatique, car cela découle plus d’un choix individuel et moral, entre les croyant(e)s et le Divin dans les relations entretenues avec Lui, et car à l’époque, les femmes et les hommes s’empressaient de se conformer à l’Ordre divin et à la justice, car conscients des sagesses et bienfaits derrière chaque prescription réellement Divine. L’Etat a néanmoins la prérogative d’encadrer les tenues vestimentaires car celles-ci exercent un impact important qui peut influer sur les mœurs, l’ambiance sociétale ou même l’intelligence des citoyens, puisqu’elles reflètent en quelque sorte les aspirations de l’âme. Ainsi, les tenues provocatrices, indignes, décadentes, trop politisées (avec des slogans ou symboles évidents), impudiques, etc. engendrent des comportements indécents voire agressifs, et constituent donc une menace pour la cohésion sociale, l’ordre public et les relations humaines comme on peut l’observer. Les tenues indécentes et provocantes sont souvent des phénomènes de mode imposées d’ailleurs par les grandes marques de la société consumériste à travers des techniques de manipulation psychologique via le marketing et la publicité, afin d’imposer leur idéologie aux gens, sans se soucier de leur bien-être physique et mental, et sans penser aux conséquences désastreuses sur l’ensemble de la société.

Ironie de l’histoire, les pratiques de la jahiliyya (de l’ère de l’ignorance) que l’Islam était venue abolir (comme le sexisme et la misogynie, la misandrie et la maltraitance des enfants, le tribalisme, l’esclavagisme, la fornication, la consommation d’alcool, la maltraitance animale, le racisme, la pédophilie, le mariage forcé, la maltraitance conjugale, la maltraitance infantile, le fanatisme, le littéralisme, le rigorisme, la décadence morale, etc.) ont refait surface aussitôt que la pratique de l’Islam (accompagnée de sa dimension spirituelle et de ses valeurs éthiques) s’est amoindrie dans les différentes régions du monde musulman.

  Le Qur’ân interdit toute persécution ou agression envers les non-Musulmans qui sont pacifiques : « Il se peut qu’Allâh établisse de l’amitié entre vous et ceux d’entre eux dont vous avez été les ennemis. Et Allâh est Omnipotent et Allâh est Pardonneur, Très-Miséricordieux et Rayonnant d’Amour. Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants, généreux et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la Religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allâh aime les équitables et les justes. Allâh vous interdit seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la Religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes » (Qur’ân 60, 7-9).

« Si Allâh l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais Il voulait vous éprouver en ce qu’Il vous a donné, alors rivalisez (entre vous) dans le bien et dans les bonnes oeuvres » (Qur’ân 5, 48).

« A chacun une orientation vers laquelle il se tourne. Rivalisez donc dans les bonnes œuvres. Où que vous soyez, Allâh vous ramènera tous vers Lui, car Allâh est, certes Omnipotent » (Qur’ân 2, 148).

« Certes, ceux qui ont cru, les Juifs, les Sabéens, les Chrétiens, les Zoroastriens et ceux qui donnent à Allâh des associés, Allâh tranchera entre eux le jour du Jugement, car Allâh est certes témoin de toute chose » (Qur’ân  22, 17).

« Par la sagesse et la bonne exhortation appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Car c’est ton Seigneur qui connaît le mieux celui qui s’égare de Son sentier et c’est Lui qui connaît le mieux ceux qui sont bien guidés » (Qur’ân 16, 125).

« Toutes les fois qu’ils allument un feu pour la guerre, Allâh l’éteint. Et ils s’efforcent de semer le désordre, la terreur et le chaos sur la terre, alors qu’Allâh n’aime pas les semeurs de désordre et de chaos » (Qur’ân 5, 64). Par déduction, ce verset interdit aux Musulmans de semer le trouble, le désordre, le chaos ou la terreur sur la terre, car il s’agit d’actions clairement prohibées et condamnées par Allâh.

« S’ils s’écartent de vous sans avoir eu à vous combattre, et s’ils vous proposent la paix, alors Allâh n’établira pour vous aucun recours (hostile) contre eux » (Qur’ân 4, 90).

 « Et s’ils inclinent à la Paix, incline vers celle-ci (toi aussi) et place ta confiance en Allâh, car c’est Lui l’Audient, l’Omniscient. Et s’ils veulent te tromper, alors Allâh te suffira. C’est Lui qui t’a soutenu par Son secours, ainsi que par (l’assistance) des croyants » (Qur’ân 8, 61-62)

  Le Qur’ân interdit donc, malgré les désaccords religieux ou politiques, d’attaquer les autres communautés qui n’attaquent pas les Musulmans, et renvoient au Jour du Jugement dernier et donc à Allâh, la manifestation de la Vérité ultime pour trancher nos divergences, mais sur terre, les Musulmans doivent faire le bien et concourir aux bonnes œuvres, et non pas convertir de force ou persécuter les autres.

  Lorsque des Compagnons ont demandé au Prophète (ﷺ) comment ils devaient agir envers les Zoroastriens, le Messager d’Allâh (ﷺ) répondit : « Agissez avec eux comme avec les (autres) Gens du Livre »[30]. Et il a été rapporté que lorsque ‘Umar devint Calife, il perpétua cette pratique en considérant les Zoroastriens de Perse comme étant des Dhimmis qu’il fallait protéger – tout comme le Prophète (ﷺ) l’avait fait avec les Zoroastriens du Bahreïn -, et lorsque ‘Uthmân Ibn Affân devint calife, les Berbères non-musulmans (juifs, chrétiens ou idolâtres) faisaient aussi partie des Dhimmis[31]. Même chose pour les habitants d’Egypte où le Prophète (ﷺ) dit, suite à une vision (prédiction qui se réalisera quelques années après sa mort) : « Vous obtiendrez l’autorité sur une terre (l’Egypte) où l’on traite du qirât. Soyez pleins d’égard envers sa population (en agissant avec bonté, bienveillance et justice) car elle dispose d’une dhimma (protection) et d’un lien de parenté (ceux de Hajar, qui fut Egyptienne) (…) »[32].

  Et concernant les Gens du Livre, l’Islam ordonne de les traiter avec justice, courtoisie, tolérance et bienveillance, de ne pas les opprimer, ni de les insulter, ni de les persécuter ni de les surcharger de ce qu’ils ne peuvent pas endurer, et que leur dignité, leur vie, leur sécurité, leurs biens, leur liberté de culte et leur famille doivent être protégées et inviolables. S’ils sont démunis, l’Etat a le devoir de leur accorder une allocation sociale et de les défendre en cas d’invasions. S’ils sont kidnappés par des ennemis, les Musulmans sont même obligés d’aller les secourir, quitte à sacrifier leur vie pour eux.

  Ainsi, l’imâm hanbalite Ar-Ruhaybani dit dans Matâlib ulî An-Nuhâ (2/602-603) : « L’Imâm se doit de préserver les gens de la dhimma et empêcher quiconque de leur nuire, de libérer leurs otages et de repousser quiconque vise à les nuire tant qu’ils résident chez nous, et même s’ils sont isolés dans un village, et aussi longtemps qu’ils ne résident pas en terre de guerre ». Par « terre de guerre » (dâr al harb), cela désigne une catégorie juridique spécifique, où une nation est ouvertement en guerre contre les Musulmans ou les non-Musulmans qui sont liés par un pacte avec les Musulmans. Les nations et terres non-musulmanes qui sont liées par un traité de paix, font partie de la catégorie de « dâr al ‘ahd » (terre/demeure du pacte/traité) ou de « dâr us-Salâm » (terre/demeure de la paix). Ainsi, le non-musulman qui n’est pas impliqué directement dans un acte de guerre envers les Musulmans ou les dhimmis, doit être sauvé et protégé à tout prix.

  L’imâm et éminent juriste malikite Shihab ad-Dîn al-Qarafî (1228 – 1285) qui est une autorité dans l’école malikite, rapporte dans son livre Al-Furûq (3/14-15) la parole de l’Imâm zâhirite Ibn Hazm dans son ouvrage Marâtib Al-Ijmâʿ selon laquelle : « Si les ennemis viennent à nos contrées pour se saisir d’un dhimmi, il est de notre devoir de les combattre par tous les moyens logistiques et militaires et de mourir dans ce dessein pour préserver celui qui bénéficie du pacte (dhimma) d’Allâh et du pacte de Son Messager (ﷺ) car le livrer à eux sans combat est une négligence du contrat de dhimma ». Al-Qarâfî a commenté ce passage en disant : « Un contrat qui conduit à dépenser les vies et les fortunes pour l’honorer est certainement d’une immense valeur ».

  Et en commentant le verset 60/7-9 sur les non-Musulmans, il dit dans Al-Furûq (3/15) : « Cette droiture (birr) consiste à être doux avec ceux qui sont opprimés et faibles (musstad’afûn) parmi les non-musulmans : à aider leurs nécessiteux et à nourrir leurs affamés ; de donner des habits décents à celui qui n’en a pas parmi eux, de tenir un langage respectueux et courtois à leur égard – dans le but de leur être agréable et compatissant et non pas par crainte de leur mal ou par sentiment d’infériorité -, de supporter leur mal et leur désagrément s’ils se montrent mauvais voisins envers nous bien que l’on soit en mesure de faire cesser cela – et ceci par gentillesse à leur égard et non par crainte ou convoitise -. C’est aussi prier (Allâh) pour eux afin qu’ils soient guidés (dans l’Islam et le bien) ainsi que pour leur prospérité et leur bonheur. C’est leur apporter les bons conseils dans leur religion comme dans les affaires diverses de ce monde [famille, travail, santé, …] ; c’est les protéger (dans leur honneur, leur sécurité et tous leurs autres droits et intérêts louables) en leur absence (ou non) contre celui qui voudrait leur faire du mal, et les assister et les soutenir contre leurs agresseurs injustes (…) ». En effet, les 2 notions clés du verset sont « al-Birr » et « al-Qist ». Al-Birr, c’est la bonté pieuse, la générosité, l’acte de charité, la gentillesse, la courtoisie, la bienveillance, la bienfaisance, etc., et al Qist, c’est le fait d’être juste et équitable. L’imâm An-Nawawî dans son Sharh Sahîh Muslim au hadith n°6463 dit au sujet de la notion « al-Birr » : « parenté, gentillesse, actes de charité, courtoisie et bienséance, obéissance (dans le bien) (…) ».

  L’imâm et Shaykh ul-Islâm al-‘Izz ad-Din ibn `abd as-Salâm (577 H/1181 – 660 H/1262) a dit dans son Shajarat al-ma’arif wa al-ahwal wa salih al-aqwal wa al-a’mal (p.401) : « Sache qu’Allâh, exalté soit-Il, n’a établi des lois que pour servir un intérêt précis dans cette vie ou dans la vie dernière, ou présentement et à l’avenir, afin de combler Ses serviteurs de Sa Grâce (…). C’est un signe de bonté, de compassion, de commodité et de sagesse qu’Allâh n’ait pas chargé Ses serviteurs de tâches pénibles et inutiles dans cette vie ou dans l’autre, et qu’Il les ait appelés à se rapprocher de Lui par la piété et l’accomplissement des bonnes œuvres. Car l’intérêt des gens en ce monde-ci se voit dans tout ce qui leur est utile, et leur procure bien-être, bonheur et confort, et en parallèle, dans tout ce qui les aide à éviter les maux et les dommages, de même qu’à repousser les préjudices, aussi bien en ce bas-monde que dans la vie dernière ».

  Lors du pacte de Najrân, le Prophète (ﷺ) dit : « (…) la protection d’Allâh et la garantie du Prophète Muhammad, envoyé d’Allâh, s’étendent sur Najrân et les alentours, soit sur leurs biens, leurs personnes, la pratique de leur culte, leurs absents et présents, leurs familles et leurs sanctuaires, et tout ce qui grand et petit, se trouve en leur possession ; aucun évêque ne sera déplacé de son siège épiscopal ; ni aucun moine de son monastère ; ni aucun prêtre de sa cure ; aucun intérêt aux emprunts (aucune humiliation ne) pèsera sur eux ; ni le sang d’une vengeance antérieure à la capitation (dîme). Ils ne seront ni rassemblés, ni assujettis à la dîme. Aucune troupe ne foulera leur sol. Et lorsque l’un d’eux réclamera un dû, l’équité sera mise parmi eux. Ils ne seront ni oppresseurs ni opprimés. Et quiconque d’entre eux pratiquera à l’avenir l’usure, sera mis hors de ma protection. Aucun individu parmi eux ne sera tenu pour responsable de la faute d’un autre. Donc la garantie d’Allâh et l’assurance du Prophète Muhammad, Envoyé d’Allâh, sanctionnent (confirment) le contenu de cet écrit, pour jusqu’au jour où Allâh manifestera Son Autorité (le Jour du Jugement dernier), tant qu’ils (les Najrânites) demeureront dans de bonnes dispositions et agiront en conformité avec leurs devoirs ; sans subir aucun outrage »[33].

  Le Prophète (ﷺ) a dit aussi : « Quiconque opprime un muʿâhid (le bénéficiaire du pacte) ou le spolie d’un droit ou le charge de ce qui dépasse sa capacité ou lui prend une chose sans son consentement, je serai son adversaire le jour de la résurrection »[34] et « Quiconque assassine un muʿâhid (une personne non-musulmane liée par un pacte, un traité ou une demande de sécurité) ne sentira pas le parfum du Paradis, lequel se sent à 40 ans de marche »[35]. Le mu’âhid est tout non-musulman qui est lié par un pacte comme la dhimma (citoyen/résident non-musulman en terres d’islam), un touriste étranger qui vient en paix, un commerçant étranger qui vient pour le commerce, des non-musulmans d’un autre pays qui n’est pas en guerre avec les Musulmans, ou toute personne non-musulmane (diplomate, paysan, religieux, etc.) à qui l’on garantie la sécurité et la protection, ou qui ne viennent pas pour nous combattre comme le précise Al-Munâwî dans Fayd al-Qadîr (6/153) citant aussi Ibn Al-Athîr : « Le muʿâhid désigne le plus souvent les gens de la dhimma et peut être étendu aux autres mécréants si l’on s’accorde avec eux sur l’abandon de la guerre ». Durant l’ère médiévale déjà, les savants hanbalites comme Ibn Qudâmâ (541 H/1147 – 620 H/1223), shafi’ites comme Ibn Kathîr (701 H/1300 – 774 H/1373) ou malikites comme Al-Qurtûbî (vers 580 H/1184 – 671 H/1273, disaient aussi la même chose, à savoir que même un non-musulman issu d’un pays en guerre, peut être un mu’âhid s’il ne vient pas pour nous combattre mais uniquement pour discuter, visiter, commercer, etc.

  Ibn Kathîr a dit dans son Tafsîr (4/113) par rapport au verset de la Sûrate At-Tawba (sur le fait d’accorder la sécurité aux combattants ennemis qui déposent les armes sur le champ de bataille) : « Même lorsqu’un pays musulman est en guerre avec un autre pays, si des gens viennent dans le pays musulman pour le négoce, le travail, le tourisme, ils resteront protégés par le traité politique passé entre les autorités musulmanes et leurs autorités et auront le droit tant à leur intégrité physique qu’à leurs biens jusqu’à leur retour en toute sécurité ».

  L’imâm al-Qurtubî qui fut un grand exégète malikite, sûfi et asharite a dit dans son Tafsîr Al-Jami’ li Ahkam al-Qur’ân (4/8/49) : « Il est communément reconnu entre les musulmans que personne n’a le droit de mettre en péril la sécurité et l’ordre public lorsque les autorités l’imposent, car c’est en cela où réside l’intérêt de tous ». Dans le même ouvrage, il dira un peu plus loin : « Si l’idolâtre refuse de croire en ton message, conduis-le en un lieu sûr… ». Dans son Tafsîr (4/8/49) il relate également la position de l’imâm Mâlik : « Ce sont des questions épineuses, mais il faut laisser le non-musulman rentrer chez lui en toute sécurité » (4/114). Ibn al-Qâssim déclare : « Pareil pour le commerçant qui descend sur nos côtes, il doit retourner chez lui en sécurité » (4/8/49).

 Ibn Qudâma al-Maqdisî, le célèbre savant hanbalite a dit dans son Al-Mughnî (13/75) : « Lorsque les autorités donnent la paix, même aux combattants ennemis, il faut la leur accorder du fait qu’il n’est pas du ressort de la foule de décider de telles questions ». Ceci est l’opinion de At-Thawrî, Awzâ’î, As-Shafi’î, Ishâq, et Ibn al-Qâssim ainsi que de la majorité des savants de l’islam. On a rapporté cela sur le pieux et juste calife ‘Umar Ibn al-Khattâb également ». Ibn Qudâma reprend : « La sécurité des non-musulmans doit avoir la même importance que celle des musulmans pour les individus et pour les groupes pour que les musulmans puissent jouir des mêmes droits » (13/77). Il dit aussi : « si on coupe toute communication avec l’ennemi, il n’y aura plus d’échange ainsi le chaos s’installe et l’intérêt des 2 parties se perd à jamais » (13/79). Il parle ici des conflits entre musulmans et non-musulmans, que dire alors en temps de paix ou envers les dhimmis.

  Ce qu’ils disent est confirmé par le Qur’ân, qui impose le respect même envers les combattants ennemis qui ne lèvent plus les armes contre les Musulmans ou les Dhimmis : « A l’exception des associateurs avec lesquels vous avez conclu un pacte, puis ils ne vous ont manqué en rien, et n’ont soutenu personne [à lutter] contre vous: respectez pleinement le pacte conclu avec eux jusqu’au terme convenu. Allâh aime les pieux (qui sont justes). (…) Et si l’un des associateurs te demande asile, accorde-le lui, afin qu’il entende la Parole d’Allâh, puis fais-le parvenir à son lieu de sécurité. Car ce sont des gens qui ne savent pas. Comment y aurait-il pour les associateurs (qui vous combattent) un pacte admis par Allâh et par Son messager ? A l’exception de ceux avec lesquels vous avez conclu un pacte près de la Mosquée sacrée. Tant qu’ils sont droits envers vous, soyez droits envers eux. Car Allâh aime les pieux (qui font preuve de justice) » (Qur’ân 9, 4-7).

  En guise de preuve, citons aussi le cas où la mère d’Asmâ’ bint Abi Bakr qui était toujours non-musulmane en l’an 630 (soit environ 2 ans avant la mort du Prophète, à la fin de la période médinoise), sa mère (qui vivait au milieu de gens faisant la guerre au Prophète, à Abû Bakr et à ses propres enfants !), se déclarant pourtant elle-même (à ce moment-là) hostile à l’Islam, vint la voir à Médine et réclamait de sa fille de lui offrir un cadeau. Asmâ’, embarrassée, demanda conseil au Prophète Muhammad (ﷺ) : « « Ô Messager d’Allâh, ma mère mécréante est venue me voir. Puis-je la recevoir et entretenir des (bonnes) relations avec elle malgré sa mécréance ? ». Ce à quoi le Prophète () répondit : « Oui, sois bonne et gentille avec ta mère » »[36].

   Ibn ‘Abbâs demanda un jour à Ka’b al-Ahbar, qui était d’origine juive : « Quelles qualités trouvez-vous donné au Messager d’Allâh (Muhammad) dans la Torah ? ». Ka’b répondit : « Nous trouvons qu’elle l’a appelé Muhammad Ibn Abdullâh, qui serait né à la Mecque et migrerait vers Tabah (Médine) et son règne sera au Shâm. Il n’est ni grossier, difficile, dur, rustre, ni bruyant dans les marchés, il ne repousse pas le mal par le mal, mais pardonnerait et gracierait les autres. Sa Ummah (partisans) sont les louangeurs qui font l’éloge et remercient Allâh à l’époque de l’adversité et des difficultés et proclament le « takbir » (Allâhu Akbar) sur toutes les terres élevées, et se lavent les membres pour les ablutions et serrent leurs ceintures. Ils s’alignent dans leur prière comme ils le font sur les combats. Leur bourdonnement dans les mosquées ressemble à celui des abeilles, et leur appel se fait entendre dans le ciel »[37].

  Sayyida ‘Aîsha décrivait ainsi son mari, le Prophète Muhammad (ﷺ) : « Le Messager d’Allâh (ﷺ) n’était ni obscène, ni débauché, ni tapageur dans les marchés, et il ne rendait pas un méfait (ou un mal) par un méfait (ou un mal), mais il pardonnait et graciait (les gens qui lui voulaient ou faisaient du mal) »[38]. Al-Bukharî dans son Sahîh rapporte aussi plusieurs ahadiths où des non-musulmans qui voulaient assassiner le Prophète (ﷺ) furent pardonnés après le que le Prophète (ﷺ) eut le dessus et le pouvoir sur eux, témoignant encore une fois de sa clémence et de sa mansuétude, n’étant pas animé par un désir de gloire personnelle, d’ego, de tyrannie ou de vengeance personnelle.

  Un Juif se comporta de façon injuste envers le Messager d’Allâh (ﷺ), et des Compagnons furent surpris que le Prophète (ﷺ) ne réagît pas violemment contre lui. Et le Prophète (ﷺ) répondit : « Mon Seigneur m’a interdit d’être injuste envers un non-musulman (lié par un pacte ou un traité) ou envers qui que ce soit d’autre (avec ou sans pacte) ». Voyant cela, le Juif dit qu’il reconnaissait les caractéristiques d’un vrai Prophète selon la Torah (que le Prophète ne rendrait pas le mal par le mal) »[39].

  Or, non seulement ici il fut victime d’injustice, mais il pardonna et endura le mal sans se montrer injuste, impatient ou violent. Ce hadith montre aussi que l’injustice est une interdiction morale et une transgression prohibée en Islam, qu’il y ait ou non une protection juridique, un pacte, un traité ou non. L’Islam interdit en tout temps l’injustice (meurtre, vol, insulte, oppression, humiliation, agression, etc.) envers les innocents, et quand un pacte se rajoute à cela, le transgresseur peut se voir punir par la loi via des sanctions pénales lourdes.

  Al-Bukharî rapporte dans son Sahîh (Livre de l’exégèse n°4838 au verset qurânique : « Nous t’avons envoyé comme témoin, annonciateur (mubashshir), avertisseur (nadhîr) (…) » le récit prophétique de nature qudsî : « Tu es Mon serviteur et envoyé. Je t’ai nommé al-Mutawakkil (celui qui s’en remet pleinement à Allâh) … Il n’est ni rude ni dur de coeur, ne fait pas de tapage dans les marchés ; il ne répond pas à une mauvaise action par une mauvaise action ; au contraire il répond à une mauvaise action par une bonne action, fait grâce et pardonne. Je ne saisirai son âme qu’une fois que J’aurai redressé par lui la Religion (milla) qui a été déformée … Par toi (ô Muhammad), J’ouvrirai des yeux aveugles, des oreilles sourdes et des coeurs voilés en sorte qu’ils proclameront qu’il n’y a pas de divinité si ce n’est Allâh ».

  Le Compagnon Mu’adh Ibn Jabal rapporte que le Messager d’Allâh (ﷺ) l’avait envoyé vers un peuple et lui demanda : « Ô Messager d’Allâh, instruis-moi ». Le Prophète (ﷺ) lui répondit : « Répandez la paix et les belles salutations, offrez de la nourriture et soyez modestes devant Allâh comme vous le feriez pour un homme digne de votre famille. Si vous faites une mauvaise action, faites-la suivre d’une bonne action. Rendez votre caractère (et comportement) à l’égard des gens aussi excellent et bon que possible »[40]. Ainsi que, à une autre occasion : « Adorez le Tout Miséricordieux (Allâh) et répandez la Paix et les belles salutations »[41]

  Al-Barâ Ibn ‘Âzib rapporte : « Le Messager d’Allâh (ﷺ) nous a ordonné 7 choses : rendre visite au malade ; suivre les cortèges funèbres ; dire à celui qui éternue : « Qu’Allâh soit miséricordieux avec toi ! » ; soutenir le faible ; aider l’opprimé ; répandre la paix et saluer (respectueusement) les autres ou répondre respectueusement à leurs salutations ; honorer le serment et nos engagements »[42]. Et ici, la portée est générale, car le Qur’ân étend ce noble comportement aussi envers les non-Musulmans (proches parents, voisins, voyageurs, touristes, invités, commerçants, opprimés, nécessiteux, etc.), et de nombreux exemples dans la Sîrah ainsi que dans les Sahihayn d’Al-Bukharî et de Muslim le démontrent comme nous l’avons déjà vu. Le Messager d’Allâh a lui-même accepté l’invitation d’un non-Musulman et il est venu manger chez lui comme le rapporte Ibn Qudâma dans Al-Mugnî (7/3). De même, le Messager d’Allâh a invité des non-Musulmans dans sa demeure comme le rapporte Muslim dans son Sahîh n°2063. Le célèbre recueil de fatâwa dans l’école juridique hanafite Al Fatâwâ al-Hindiyya (5/348) stipule : « Il n’y a rien de mal à visiter un non-musulman qui est malade (iyada) (…) Il n’y a rien de mal à serrer la main d’un voisin non-musulman (en revenant d’un voyage, ou si c’est un voisin, ou le proche d’une personne de la famille, ou quelqu’un que l’on apprécie, etc.) surtout si le non-Musulman pacifique est offensé qu’on ne lui serre pas la main ». On rapporte que le Messager d’Allâh rendait visite aux non-Musulmans lorsqu’ils étaient malades, comme cela est indiqué dans les ouvrages relatifs à la Sunnah et à la Sîrah, dans les principaux recueils de références. D’après Mujahid on a égorgé un mouton au profit de la famille d’Abdullah ibn ‘Amr. Quand ce dernier arriva, il dit : « En avez-vous offert à notre voisin juif ? Offrez-en à notre voisin juif. J’ai entendu le Messager d’Allâh (ﷺ) dire : « (L’Ange) Jibrîl n’a cessé de m’enjoindre de respecter les droits du voisin au point que j’ai cru qu’il en ferait l’un de mes héritiers »[43].

  L’imâm Mâlik dans al-Muwattâ’ (n°1793, sahîh) rapporte que ‘Ibn Umar a dit : « Nous saluons avec la Paix quiconque nous rencontrons ».

  Le savant Ibn ‘Abd al-Barr rapporta dans al-Tamhid (17/91) : « Il est rapporté par Ibn Mas’ûd, Abû Ad-Darda et Fadalah ibn ‘Ubayd qu’ils initiaient la salutation de Paix avec les citoyens non-musulmans. Ibn Mas’ûd a écrit un jour à un homme parmi les gens du Livre et il a dit : « Que la Paix soit sur vous » ». Muhammad ibn Ka’b a dit : « Quant à moi, je ne vois aucun mal à les saluer d’abord avec la paix (as-Salâm) ». On lui demanda : « Pourquoi donc ? ». Ibn Ka’b a dit : « Allâh a dit : « Pardonnez-leur et dites des paroles de paix, car ils le sauront bientôt » (Qur’ân 43, 89) ».

  Allâh dit, sans restriction de religion, de sexe, d’âge, de race, de couleur de peau, de statut social, d’apparence, etc. : « Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté, bienfaisance et bienveillance envers vos père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les serviteurs/employés qui sont sous votre responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36).

« Allâh ordonne la justice et l’équité, la bienfaisance et de donner (des biens) aux proches, et Il interdit la turpitude, le blâmable, la tyrannie et l’injustice, ainsi peut-être vous souviendrez-vous (de ce qui est juste et convenable) » (Qur’ân 16, 90). Ce verset, comme l’expliquent des ussuliyyûn tel que Shaykh ul Islam ‘Izz ud-Dîn Abd as-Salâm, doit structurer l’ensemble du fiqh et de l’éthique pour les musulmans.

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « En vérité, les pires transgresseurs qui sont hostiles à l’égard d’Allâh (par rapport aux crimes envers Ses créatures) sont ceux qui tuent dans la mosquée sacrée, ceux qui tuent celui qui ne l’a pas combattu, ou ceux qui tuent avec la vengeance de l’ignorance »[44].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) dit encore : « Que n’importe quelle personne qui promet la protection à une autre personne puis la tue, sache que je la désavoue, même si la victime est un incroyant (non-musulman) »[45] et :  « Il n’y a pas de (véritable) foi pour celui qui n’est pas digne de confiance, et il n’y a pas (réellement) de religion pour celui qui ne respecte pas son engagement (pacte, alliance ou traité) »[46].

  En effet, la foi exige du croyant le respect de l’engagement, la fiabilité, l’intégrité, l’honnêteté, la justice, et le fait qu’en sa présence, les gens (croyants ou incroyants) doivent se sentir en sécurité, en paix et en confiance, ne nuisant ni à leur vie, ni à leur dignité ni à leurs biens, comme l’a dit le Prophète (ﷺ) en une autre occasion : « Vous informerais-je au sujet du croyant (mû’min) ? C’est celui que les gens ne craignent pas quant à leurs biens et leur propre personne (leur vie et leur intégrité physique et morale). Et le musulman, c’est celui dont les gens sont épargnés (du mal) de sa main et de sa langue. Et le (véritable) combattant (al mujâhid) est celui qui lutte contre son ego (et ses mauvais penchants comme l’injustice, l’avarice, l’oppression, la malveillance, la méchanceté, l’hypocrisie, l’orgueil, etc.). Et l’émigré (al muhâjir) est celui qui délaisse (quitte) les péchés et les mauvaises actions (et donc tout acte répréhensible) »[47].

  Dans un autre hadîth, le Prophète (ﷺ) a dit : « Par Celui qui détient mon âme en Son Pouvoir, Allâh n’octroie Sa Miséricorde qu’aux miséricordieux ». On lui dit : « Messager d’Allâh, nous pratiquons tous la miséricorde ». Il (ﷺ) répondit : « Il ne s’agit pas de miséricorde envers vos compagnons, mais de miséricorde et d’amour rayonnant envers tous les êtres humains »[48].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) dit encore : « En vérité, les gens ruinés et perdus de ma Ummah sont ceux qui viendront le Jour de la Résurrection avec des prières, des jeûnes et des aumônes, mais aussi avec des insultes, des calomnies, en consommant des biens, en versant le sang (injustement d’innocents) et en frappant et maltraitant les autres. Chacun des opprimés recevra une récompense pour ses bonnes actions. Si ses bonnes actions s’épuisent avant que la justice ne soit accomplie, alors ses péchés lui seront imputés et il sera jeté dans la Géhenne (en guise de correction pour tout le mal qu’il a commis envers les autres) »[49].

  Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Les justes et véridiques de chaque génération porteront ce savoir (lié à l’islam et à la science sacrée) et le préserveront de la déformation des rigoristes et des extrémistes, de l’usurpation des imposteurs et de l’interprétation des ignorants »[50].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Ils n’aiment pas être humiliés et opprimés, mais quand ils prennent le dessus (sur ceux qui les ont humiliés), ils pardonnent (au lieu de se venger) »[51]. Ainsi, plutôt que de se venger lorsque le rapport de force penche en leur faveur, ils préfèrent pardonner et mettre un terme au cycle de haine et de violence, même s’ils ont été victimes d’injustices, et ce alors même qu’ils ont le pouvoir sur eux.

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le meilleur d’entre vous est celui dont on espère le bien et dont on est à l’abri du mal et le plus mauvais d’entre vous est celui dont on n’espère pas le bien et dont on n’est pas à l’abri du mal »[52].

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le (véritable) croyant n’est pas injurieux ou insultant, ni maudisseur, ni grossier, ni immoral ni indécent »[53].

  Il est donc normal qu’autant de gens non-musulmans, en entrant en contact directement avec les proches Compagnons du Prophète (ﷺ) et leurs disciples les plus éminents, ont été marqués par leur intelligence, leur sagesse, leur sens de la justice et leur esprit chevaleresque, et que lorsque certains « bédouins » de la dernière heure se sont ralliés aux musulmans ou à l’islam car ils avaient dorénavant l’autorité politique, agissaient mal, furent réprimandés par les Compagnons du Prophète (ﷺ), qui les punissaient, en rendant ainsi justice aux opprimés ou aux citoyens non-musulmans qui étaient victimes de leurs méfaits. Cela contribua fortement à faire rayonner l’islam dans ses contrées, et à attirer de nombreuses populations à embrasser l’Islam.

  Après la période prophétique, les Califes bien-guidés perpétuèrent la pratique du Prophète (ﷺ) concernant les Dhimmis. Le Calife ʿUmar Ibn Al-Khattâb avait pour habitude d’interroger ses visiteurs provenant des provinces sur la condition des gens de la dhimma de peur qu’un musulman ne les atteigne par un mal. Ils répondaient : « Nous n’avons ouïe que de fidélité (dans le respect de leur engagement et de leur protection à cet égard) »[54]c’est-à-dire fidélité au pacte au contrat passé entre eux et les musulmans et ceci implique que chaque partie ait honoré son engagement. Et avant de mourir, ‘Umar rappela aux Musulmans : « Je vous enjoins de respecter la convention d’Allâh (faite avec les Dhimmis) car c’est la convention de votre Prophète »[55] ainsi que « Ordonne au calife après moi de prendre soin et d’être bon et bienveillant envers les gens (non-musulmans) qui sont sous la protection d’Allâh et de son Messager (ﷺ), d’honorer leur engagement, de combattre pour eux (pour leur bien et leur sécurité) et de ne les tenir responsables que de ce qui est dans la limite de leurs capacités »[56].

  Même en temps de guerre, l’éthique islamique exige le plus grand sens moral. En se conformant aux préceptes islamiques, Abû Bakr dit à Ussama ibn Zayd ainsi qu’à Yazid Ibn Abî Sufyân lors d’une expédition militaire (donc en temps de paix cela est encore plus valable) : « Je vous ordonne 10 choses : ne tuez ni femmes ni enfants ni personnes âgées ; n’abattez pas d’arbres fruitiers, ne vandalisez pas de maisons, ne blessez ni moutons ni chameaux si ce n’est pour les consommer (par nécessité) ; ne noyez pas de dattiers et n’en brûlez pas ; ne vous comportez pas en traîtres ni en lâches; et si vous passez près de gens qui se sont consacrés à la vie monastique, laissez-les à leurs dévotions (sans les déranger ou les inquiéter) »[57].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Je n’ai été envoyé (essentiellement) pour parfaire (et enseigner) les nobles vertus et les nobles caractères »[58].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Si un individu confie sa vie à quelqu’un puis le tue, il portera le drapeau de la trahison le Jour de la Résurrection »[59].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Si un individu vous confie sa vie, ne le tuez pas »[60].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Craignez et méfiez-vous de l’invocation de l’opprimé, même s’il est incroyant, car rien ne peut la voiler (car Allâh soutient les opprimés contre les injustes) »[61].

  Mâlik dans Al-Muwattâ (n°973) rapporte que ‘Umar avait dit à l’un de ses commandants (concernant la guerre sur le champ de bataille face à une agression ennemie) : « J’ai entendu dire que certains de vos hommes avaient l’habitude de pourchasser un (combattant) mécréant jusqu’à ce qu’il se réfugie en un lieu élevé. Alors un homme lui dit en persan de ne pas avoir peur et quand il descend ils le tuent. Par Celui dans la main duquel est mon âme, si je savais qu’un homme avait fait cela une fois, je lui frapperais le cou (expression signifiant généralement l’exécution de la peine capitale) ». Et Ibn ‘Abbâs a dit : « Les gens ne trahissent pas leurs alliances sans qu’Allâh ne laisse leurs ennemis les vaincre ».

  ‘Abd ar-Razzâq dans son Musannaf (n°9714) rapporte : « Muhammad ibn Surqah a rapporté : Un homme a dit à ‘Atâ : « Un homme a été capturé par les Daylamites et ils ont dit : « Nous vous renverrons si vous nous donnez une alliance et une promesse que vous reviendrez avec une richesse pour nous. S’il ne revient pas lui-même vers eux et qu’il n’est pas retrouvé, que lui ordonnez-vous de faire ? ». ‘Atâ a dit : « Il devrait retourner vers eux ». L’homme a dit : « Mais ce sont des gens idolâtres ! ». ‘Atâ a dit : « Il devrait remplir l’engagement convenu » (il répéta 2 fois cela), puis il récita le verset : « Et remplissez l’engagement et l’accord convenu, car on sera interrogé à ce sujet » (17, 34) ».

  De même, l’imâm et Calife ʿAlî Ibn Abî Tâlib a dit, cette fois-ci concernant les Dhimmis (donc les citoyens non-musulmans avec qui on vit en paix) : « Ils s’acquittent de la jizyah afin que leurs biens soient comme les nôtres et leur sang soit comme le nôtre (du point de vue juridique) »[62], « Le sang des gens envers qui nous nous sommes engagés est comme notre sang et leurs biens sont comme nos biens »[63]. Et dans une autre narration : « Ils paient la jyzia afin que leur sang et leurs biens soient comme notre sang et nos biens, à l’abri de tout mal ». ‘Umar ibn ‘Abd ul ‘Aziz a écrit un jour à un gouverneur au sujet d’un musulman qui avait tué un non-musulman, lui demandant de remettre le musulman à l’héritier légal de la personne tuée et de lui donner le pouvoir de pardonner au musulman ou de le tuer. L’héritier a ensuite choisi d’exécuter le musulman »[64].  

  Les imâms Malik et Al-Layth ont dit : « Un musulman qui tue intentionnellement un non-musulman sans raison juste sera mis à mort. Si son action est justifiée, il ne sera pas tué »[65]. Ces savants ont concilié les 2 ahadiths, à savoir celui qui interdit de mettre à mort un musulman pour un non-musulman (combattant et qui n’était lié par aucun pacte) et le hadith autorisant de mettre à mort un musulman qui avait tué injustement et volontairement un dhimmi.

  En Islam, la morale islamique (peu importe si le musulman est lié par un pacte ou non, s’il vit dans une région rattachée à un pouvoir islamique, impie ou non) interdit de tuer, agresser, insulter ou opprimer un musulman ou un non-musulman, et même de causer inutilement du tort à un animal ou à une plante. Cependant, il y a aussi le volet juridico-politique, à savoir si le musulman transgresse la morale islamique, il commet certes un péché, mais la sanction pénale dépendra alors des autorités légales du pays où il réside, pouvant ordonner de l’exécuter (avec la peine capitale), de l’emprisonner, de payer une amende, etc. selon la gravité du crime. Dans un Etat islamique, le musulman qui tue délibérément un dhimmi peut être mis à mort, sauf si la famille du dhimmi exige une autre peine moins lourde (dédommagement, emprisonnement, …) ou décide de lui pardonner.

 Abdur Rahman ibn Al-Bailamani a rapporté que le Messager d’Allâh (ﷺ) a exécuté un musulman qui avait tué un dhimmi et a dit : « Je suis le plus proche de ceux qui respectent leurs pactes de protection »[66].

  Par ailleurs, on rapporte de manière authentique que ʿUmar Ibn ʿAbd Al-ʿAzîz a écrit à l’un de ses princes au sujet d’un musulman ayant assassiné un dhimi lui ordonnant de le soumettre au walî (le parent direct) de la victime, s’il le souhaite, il l’exécute et s’il le souhaite, il lui pardonne. Le prince a donc remis le meurtrier au walî de la victime qui l’a exécuté comme mentionné précédemment.

  L’imâm Ibn Hajar écrit dans al-Zawâjir ‘an Iqtirâf al-Kabâ’ir (2/27) : « Quant au non-musulman protégé (par un pacte ou un traité), il est comme le musulman en ce qui concerne l’interdiction de nuire, car la Loi divine a rendu inviolables sa réputation, sa vie et ses biens… L’opinion correcte est qu’il est interdit de médire sur un non-musulman protégé ».

  L’imâm Ibn al-Humam écrit dans Fatḥ al-Qadîr (24/06) : « Il est établi dans les règles du non-musulman qui est protégé et dans ses droits qu’il est obligatoire de s’abstenir de lui faire du mal et qu’il est interdit de médire sur lui, tout comme il est interdit de médire sur un musulman, contrairement à ce que font les imbéciles qui giflent injustement et avec hostilité ou les insultent sur la place du marché ».

 L’historien Sir Thomas W. Arnold déclare : « Cette taxe [la jyzia] n’a pas été imposée aux chrétiens, comme certains voudraient nous le faire croire, en guise de sanction pour leur refus d’accepter la foi musulmane, mais elle a été payée par eux en commun avec les autres dhimmis ou sujets non musulmans des États dont la religion les empêchait de servir dans l’armée, en échange de la protection que leur assuraient les armes des musulmans. Lorsque les habitants de Hira ont contribué à la somme convenue, ils ont expressément mentionné qu’ils payaient cette Jizyah à condition que « les musulmans et leur chef nous protègent de ceux qui voudraient nous opprimer, qu’ils soient musulmans ou autres »[67]. Et cela est vrai, puisque le Qur’ân évoque la jyzia par des notions d’accepter avec humilité l’autorité musulmane, et d’être en capacité de payer la taxe, mais pour les non-musulmans ou musulmans qui sont malades ou démunis, pour les pauvres, les enfants ou les femmes sans travail, ou encore pour les ermites, moines et autres personnes occupant des fonctions religieuses ou autres qui ne sont pas rémunérées, la jyzia n’est pas exigée d’eux, et l’Etat doit même leur accorder une allocation si leur vie, leur dignité ou leur santé sont en danger.

  Muhammad Hamidullah rappelait aussi à ce sujet que : « La jizya est une somme d’argent que doivent payer les non-musulmans en vertu du contrat de dhimma (protection). En Espagne musulmane, les dhimmis, c’est-à-dire les « protégés », comprenaient les juifs et les chrétiens, considérés par l’Islam comme les « Gens du Livre ». Le montant de la jizya, était relativement faible par rapport à la Zakât, c’est-à-dire l’impôt légal imposé aux musulmans qui était soustrait sur l’épargne, le bétail, les minerais et les marchandises. Le principe de la jizya, qui a été instituée vers la 9ème année de l’hégire est tiré du Qur’ân. La justice sociale en Islam a imposée cet impôt comme elle a imposé al Zakât (l’impôt légal) aux musulmans. Et seulement les non-musulmans bénéficient de la jizya. Par ailleurs les oulémas musulmans expliquent que le paiement de la jizya exempte les non-musulmans du service militaire. Par contre si le non-musulman se porte volontaire, il ne paye pas la jizya parce que participant à la défense de l’Etat islamique »[68].

  Il faut souligner aussi que la jizya n’est pas une « institution dogmatique », le calife musulman peut exempter un non-musulman de cet impôt en guise de récompense pour un acte courageux ou pour un acte bénéfique à la communauté musulmane [69], et cela relève plus d’une nécessité de l’époque et d’un acte d’ijtihâd que d’une obligation religieuse. L’Etat doit cependant veiller à ce que les Musulmans et non-Musulmans participent équitablement – pour ceux qui en ont les moyens – à la vie économique de l’Etat et à sa protection, car il en va de l’intérêt général de toutes les communautés intégrant la même Nation ou civilisation.

  Jean-Louis Michon dans son essai de traduction du Qur’ân traduit d’ailleurs le passage par « en toute humilité » (Qur’ân 9, 29) et non pas par « en toute humiliation », puisque « wa hum saghirûn » signifie accepter avec humilité l’autorité politique qui a force de loi, tout comme dans les sociétés modernes nous devons payer des taxes en reconnaissant leur autorité (qu’elle soit légitime ou non à nos yeux, cela importe peu, puisque cette autorité incarne la loi par son rapport de force et le contrat social qui sont plus ou moins acceptés par la population). Le Prophète (ﷺ) lui-même, dans le Pacte de Najrân déjà évoqué plus haut, avait interdit d’humilier les dhimmis, et le Qur’ân dit explicitement (60/7-9) que les Musulmans doivent être non seulement justes envers les non-musulmans qui ne les attaquent pas (ou plus), mais aussi d’être bons, doux et généreux envers eux autant que possible, ou a minima, de ne pas agir de sorte à les humilier, ou à faire naitre en eux de la rancœur ou des troubles sociaux.

  Le verset qui fait allusion aux dhimmis dit d’eux qu’ « (…) ils donnent la jizya par leur main (« ‘an yadin ») en faisant acte de soumission/humilité (« wa hum sâghirûn ») » (Qur’ân 9, 29).  Concernant le sens de « ‘an yadin », le juriste, linguiste et exégète andalou Ibn al Arabî (le juge et théologien contemporain de l’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî, et non pas du grand maître spirituel andalou, Ibn Arabî) cite dans son Ahkâm al-Qur’ân 15 explications qui peuvent toutes être ramenés à 2 catégories principales : soit on appréhende ces mots au sens propre, soit au sens figuré.  Le savant et spécialiste Saïd Ramadan a donné préférence au sens : « en ayant les moyens de le faire »[70], ce qui est conforme à la vision globale qui se dégage du Qur’ân et de la Tradition prophétique.

  Par rapport au terme « sâghirûn », Saïd Ramadan écrit toujours dans le même ouvrage (p. 160) : « Une autre difficulté linguistique a également donné lieu à une polémique étendue. Le mot arabe « sâghirûn », par lequel cette injonction s’achève, est une dérivation du verbe « saghara », qui signifie « se soumettre » ou « être soumis à ». La force de ce mot a cependant introduit une notion d’humiliation dans de nombreuses interprétations ».

  Certains juristes ont en effet compris de ce mot qu’il fallait que le dhimmi paie sa jizya en étant humilié. Mais l’ancien savant Ibn al-Qayyim a écrit dans Ahkâmu ahl idh-dhimma (1/23-24), tout en passant en revue les différents avis en la matière (y compris les plus durs et déviants) : « Tout cela relève de ce qui n’a aucun fondement, et cela n’est pas (non plus) ce qui découle de ce verset. Il n’est non plus rapporté ni du Messager d’Allâh (‘alayhî salât wa salâm) ni de ses Compagnons qu’ils aient fait ainsi. Ce qui est juste à propos de ce verset est que le (mot) « saghâr » signifie : « l’acceptation, par eux [ces non-musulmans] du fait que les règles de l’islam aient cours sur eux, ainsi que le fait de s’acquitter de la jizya ». Par « règles de l’Islam », cela fait référence à l’autorité islamique au sein de la nation, mais non pas qu’ils doivent pratiquer les rites et règles spécifiques aux musulmans, car ils sont libres par définition de garder leur religion (ou absence de religion) et de la pratiquer s’ils le désirent.

  L’imâm An-Nawawî a écrit dans son Rawdhat ut-tâlibîn (10-315-316) : « Cette posture mentionnée en premier [c’est-à-dire l’humiliation], nous n’en connaissons pas de fondement ; ne l’ont mentionnée qu’un groupe des nôtres [les shafi’ites] du Khorassan. (Alors que) la majorité des nôtres [les shafi’ites] ont dit : « La jizya sera prise avec douceur, comme on prend les créances » ; plus loin il cite ar-Râfi’î, qui a dit : « Le plus correct chez les nôtres, c’est de commenter le (mot) « saghâr » par le fait que [ces non-musulmans] acceptent que l’autorité islamique ait cours (sur eux) » ».

  Al-Mâwardî a aussi cité ces explications pour les deux passages analysés ici, dans son Al-ahkâm us-sultâniyya (p. 182).

  Quant au savant et juriste contemporain al-Qaradâwî, dans son Al-Aqalliyyat ud-dîniyya wa-l-hall ul-islâmî (p. 30), il pense que si des communautés non-musulmanes vivant en pays musulman veulent ne pas être désignées par le terme « dhimmis », il est possible de les appeler par exemple « citoyens » ou autre, l’important étant que les principes de l’islam soient respectés. En effet, « le calife ‘Umar ibn al-Khattâb (qu’Allâh l’agrée) est lui partie jusqu’à accepter, à la demande des Banû Taghlib, le terme « sadaqa » au lieu de « jizya » ».

  En somme, rien dans le Qur’ân, la Sunnah ou dans la pratique des plus nobles compagnons, ne permet de justifier l’humiliation et la violence. Il s’agit simplement, pour les non-musulmans, de reconnaitre en toute humilité, l’autorité musulmane dans leur pays, et de l’accepter sans se révolter, tant que la justice est appliquée. Comme dans tous les Etats « modernes », la totalité des communautés qui vivent sous l’autorité dominante d’un pays, doivent accepter leur autorité, qu’ils adhèrent (et/ou pratiquent) ou non à leur idéologie ou religion.

  Al-Balâdhurî dans Ansâb al-ashrâf rapporte : « Un gouverneur de ʿUmar II (‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azîz) lui écrit inquiet du nombre de personnes se convertissant à l’islam pour éviter de payer la jizyah. ‘Umar II exigea alors que les nouveaux convertis soient circoncis et qu’ils récitent (et apprennent) quelques sûrates avant de les exempter de la jyzia ». Mais ‘Umar conclut en disant : « Allâh envoya Muhammad comme un appeleur à la Foi, et non pas comme un collecteur d’impôts ».

  Sous les Omeyyades donc, il y avait parfois cette volonté de ne pas voir trop de conversions à l’Islam. Or, en islam, la jyzia doit être plus ou moins équivalente à la zakât que paie les musulmans en tant qu’obligation religieuse (ce qui ne peut pas être exigé des non-musulmans), en plus des sadaqa (aumônes surérogatoires ou fortement recommandées selon les situations, notamment pour expier des fautes, ou lorsque l’on rate volontairement des jours de jeûne durant le mois de Ramadan pour ceux qui sont capables de jeûner, etc.). De plus, les Musulmans sont tenus de faire leur service militaire, ce qui n’est pas exigé de ceux qui versent la jyzia. Mais pour les dhimmis voulant faire leur service militaire et intégrer l’armée, alors ils sont exemptés de la jyzia. Enfin, les non-musulmans parmi les femmes qui ne travaillent pas ou qui ne sont pas riches, parmi les malades incapables de travailler, les enfants, les personnes occupant des fonctions religieuses ne leur permettant pas de gagner suffisamment d’argent, sont aussi eux, exemptés de la jyzia.

  Il est donc faux de prétendre que la jyzia est la condition pour qu’ils puissent rester en vie. C’est plutôt une obligation, pour ceux qui en ont les moyens, de participer à la vie économique de la Nation et à l’intérêt général, tout comme dans les sociétés modernes nous payons des impôts aussi pour faire vivre la société. Les pauvres et malades parmi eux sous le Califat, peuvent aussi bénéficier d’aides sociales du Trésor Public.

  At-Tabarî rapporte dans son Târîkh le contenu du Pacte de Jérusalem, signé entre les Musulmans (lors du Califat de ‘Umar) et les Chrétiens de Jérusalem : « Voici le texte du pacte octroyé par ‘Umar Ibn Al-Khattâb aux habitants de Jérusalem :

Bismi-Llâh Ar-Rahmân Ar-Rahîm

Voici ce que garantit le Serviteur d’Allâh, `Umar, Commandeur des Croyants, aux habitants d’Aelia [le nom donné par les Romains à la ville de Jérusalem] en termes de sécurité. Il leur garantit la sécurité de leurs personnes, de leurs biens, de leurs églises et de leurs croix, le malade d’entre eux comme le bien-portant, ainsi qu’à toute leur communauté. Leurs églises ne seront ni investies ni détruites. Rien ne leur sera ôté, ni à leurs propriétés ni à leurs croix ni à leurs biens. Ils ne seront pas convertis malgré eux et nul d’entre eux ne sera opprimé. Ne résidera aucun Juif avec eux à Aelia. Les habitants d’Aelia devront s’acquitter de la jyzia comme les habitants des autres villes. Ils devront en chasser les (soldats et rebelles) Byzantins et les brigands. Quiconque d’entre eux partira aura la garantie de la sécurité de sa personne et de ses biens jusqu’à ce qu’il parvienne à sa destination (en toute sécurité). Quiconque d’entre eux restera à Aelia sera en sécurité et il devra, comme les habitants d’Aelia, s’acquitter de la jyzia. Ceux, parmi les habitants d’Aelia, qui désirent rejoindre les Byzantins avec leurs biens, abandonnant leurs églises et leurs croix, auront la garantie de la sécurité de leur personne, de leurs églises et de leurs croix, jusqu’à ce qu’ils parviennent à leur destination.

Quiconque, parmi les habitants de la terre, habitait dans la ville avant le meurtre d’untel, pourra, s’il le souhaite, y demeurer, et devra, comme les habitants d’Aelia, s’acquitter de la jyzia. S’il le souhaite, il pourra rejoindre les Byzantins. S’il le souhaite, il pourra retourner chez les siens. Aucune jyzia ne sera prélevée avant la récolte.

Le contenu de cet écrit en ce qu’il stipule du Pacte d’Allâh, de la protection (dhimma) de Son Messager [Muhammad], de la protection des Califes et de la protection des Croyants sera intégralement appliqué s’ils s’acquittent de la jyzia.

Sont témoins Khâlid Ibn Al-Walîd, ‘Amr Ibn Al-‘Âs, ‘Abd Ar-Rahmân Ibn ‘Awf et Mu`âwiyah Ibn Abî Sufyân. Ecrit et entré en vigueur en l’an 15 H » ».

  Maintenant, cela n’a pas empêché, chez des ignorants, des hypocrites ou des fanatiques se réclamant (faussement) de l’islam d’agir comme des gens injustes, transgressant toutes les lois de l’Islam à l’égard des Musulmans et des non-Musulmans, mais l’Islam stipule des sanctions pénales pour ce genre de criminels.

  L’ouvrage de l’historien Juan Cole Muhammad: Prophet of Peace Amid the Clash of Empires (2018) sur les débuts de l’islam montre également que les sources historiques les plus anciennes et fiables situent le contexte sociopolitique de l’époque comme étant violente, où s’affrontaient les 2 superpuissances de l’époque et leur guerre pour étendre leur influence, mais que en dépit de cette situation, cela ne conditionna pas le Prophète à agir de la même manière, prêchant essentiellement la paix, la justice et le vivre ensemble intercommunautaire, et ne mener que des guerres défensives en ultime recours pour protéger les citoyens, et ce après d’abord avoir épuisé l’ensemble des solutions diplomatiques et pacifiques.

 A travers une solide documentation historique savante, aussi bien musulmane que non-musulmane, orientale qu’occidentale, il réfute la propagande islamophobe ainsi que certains récits apocryphes ou déformés qu’ont parfois répandu (malgré eux en certaines occasions) des auteurs et chroniqueurs musulmans tardifs.

Quant à l’historien John Tolan, dans son ouvrage Mahomet l’européen: Histoire des représentations du Prophète en Occident (éd. Albin Michel, 2018), montre comment tout au long du Moyen-Âge, certaines autorités politiques et érudits au service du pouvoir, mentaient sur l’Islam et sur la figure prophétique de Muhammad (ﷺ) et le Qur’ân, craignant que si leurs citoyens découvraient la vérité, embrasseraient la foi musulmane en masse, car très attachée à la tolérance, à la spiritualité, à la piété et à la justice.

  Ceux qui critiquent cette expansion parmi les islamophobes et les identitaires sont pourtant les premiers à vouloir que leur pays (la France par exemple) change de gouvernement ou de système politique pour quelque chose de meilleur. Et dans le contexte de l’époque, beaucoup de peuples s’en fichaient un peu de savoir si le nouveau dirigeant était ethniquement 100% de la même ethnie qu’eux, tant qu’il était juste et soucieux de respecter leur culture ou leur religion, d’autant plus quand au Moyen-Orient il existait déjà plus d’une trentaine d’ethnies, langues, idéologies, philosophies et religions différentes.

   Ils sont aussi très ignorants et incohérents, puisqu’aussi bien en Europe qu’au Moyen-Orient, avant l’Islam, et en parallèle de l’Islam, de nombreux clans et des dynasties diverses, se sont colonisés entre eux, entre européens, entre persans, entre iraniens, entre chinois, entre tribus africaines, entre turcs, etc. Au final, comme le stipule l’Islam, ce qui est important c’est d’avoir un Etat qui soit juste, et si possible, enjoignant la vertu, promouvant la Vérité, assurant l’ordre et la sécurité, garantissant la dignité et la liberté de culte, développant le pays en respectant l’environnement et sans inciter à la débauche et à la corruption. Voilà les finalités et principes de la Shar’îah comme le détaillait le savant et érudit ‘Abd Allâh al-Mâliki : « De même, établir la justice et confirmer la vérité est une partie essentielle de la sharî’a de Dieu. De même, l’ordre de faire le bien et l’interdiction de faire le mal sont un des piliers de la sharî’a. De même, l’action de s’entraider dans la bienfaisance et la piété ou le fait de dire la vérité devant un chef inique représentent une partie principale de la sharî’a. Je dirais même plus, se rendre utile à autrui, bien traiter les animaux et les plantes, respecter et préserver l’environnement et la nature, font partie de la sharî’a. Tout ce qui contribue à donner à l’homme sa dignité ou à la concrétiser ou à la renforcer, tout ce qui contribue à élever celui-ci matériellement et spirituellement, tout ce qui constitue une utilité ou une amélioration sur la terre relève de la sharî’a et constitue un moyen d’en établir les fondements. Toute œuvre, tout effort qui vise à écarter l’injustice, l’oppression ou empêche la corruption et le préjudice sur la terre, entre dans le cadre de la sharî’a »[71].

  Nous nous en fichons nous-mêmes de savoir si le prochain dirigeant de dans nos pays serait de la même ethnie que moi, pour peu qu’il soit bien plus juste et clairvoyant, plus bienveillant et moins corrompu que ses prédécesseurs. Nous préférons de loin une personne intègre, juste et bienveillante d’une autre ethnie ou d’une autre nation, à un criminel ou un fanatique de notre propre communauté nationale ou ethnique, car la justice, la vertu et la vérité priment sur les autres critères.

  Par ailleurs de nos jours, ce sont encore des pays comme les USA, Israël, la France et la Russie qui continuent de coloniser (sous différentes formes) et d’annexer de nouveaux territoires (Caucase avec la Géorgie, le Daghestan et la Tchétchénie par la Russie, l’Ukraine par les USA et la Russie, le Haut-Karabagh azerbaïdjanais par l’Arménie mais tenue en échec en 2020 et libéré par l’Azerbaïdjan en 2023 ; la Syrie, le Liban, Gaza, la Cisjordanie par Israël courant 2024 et avant, la Nouvelle-Calédonie par la France, etc.), en commettant des actes terroristes et des atrocités contre les civils et les forces de sécurité tout en attaquant les cultures et la religion des pays qu’ils tentent d’asservir et en pillant leurs ressources sans les partager équitablement avec les populations locales, que ce soit en Afrique, au Moyen-Orient, dans le Caucase, ou même en Europe. De plus, ces mêmes pays financent, soutiennent et fondent des organisations de mercenaires criminels et de terroristes divers (néonazis comme en Ukraine, islamophobes et pseudo-islamistes comme Daesh en Syrie et en Irak, le PKK/FDS marxistes au Moyen-Orient, des milices criminelles et terroristes en Afrique, etc.). De même, les multinationales occidentales exploitent encore l’esclavage de façon massive, de millions d’enfants et de femmes dans les pays du tiers monde, et même aux USA et en Europe où on compte encore quelques millions d’esclaves, sans même parler du salariat qui est une autre forme d’esclavagisme, mais plus subtile et douce dans la forme, mais pas moins violente et avilissante sur le plan mental. Rien qu’en France, il existerait encore plus de 130 000 esclaves d’après l’Organisation internationale du travail (OIT)[72], et avec les JO2024 de Paris, on dénombrait aussi de dizaines d’autres milliers de migrants supplémentaires traités comme des esclaves sans droit ni protection pour réaliser les chantiers et les infrastructures. Malheureusement on compte encore énormément « d’employés » ou de domestiques traités comme des « esclaves » dans de mauvaises conditions dans le monde. On en trouve aussi en Chine, au Bangladesh, au Royaume-Uni, dans les pays africains, aux Etats-Unis, en Afghanistan (sous l’invasion US), en Israël, en Inde, en Arabie Saoudite, aux émirats arabes unis, en Syrie, en Amérique Latine et ailleurs, parfois aussi par les entreprises occidentales installées en Asie, en Afrique ou au Moyen-Orient. Ce phénomène se compte en plusieurs dizaines de millions « d’esclaves » au sens moderne du terme à travers le monde, dont plusieurs millions en Occident[73].

  Leurs armées et mercenaires, eux, se retrouvent dans de nombreux pays du monde, tant en Afrique, qu’en Asie et au Moyen-Orient, bien loin donc de leur zone géographique, à travers les dictateurs qu’ils ont placé ou soutenu, contre la volonté des populations, et leur politique répressive et corrompue ne bénéficie pas aux peuples, les empêchant d’être libres et de vivre dans une société juste, spirituelle, vertueuse, souveraine et digne.

  Par ailleurs, dans la logique impériale de l’époque, où les superpuissances souhaitaient étendre leur influence le plus possible – ce qui existe toujours aujourd’hui sous différentes formes notamment par l’Occident, la Russie, la Chine et l’Inde -, il était une nécessité de se renforcer et d’étendre aussi son influence, mais dans l’Islam, cela doit se faire uniquement pour éviter des guerres continuelles ou des effusions de bain sang, avec l’espoir d’intégrer d’autres communautés et peuples dans leur appel à l’Islam et à la spiritualité, ou à défaut, dans un projet de coexistence pacifique où chaque communauté jouirait d’une protection politique et sociale ainsi que d’une liberté de culte appréciable sans que les communautés se fassent la guerre entre elles.

  Nous sommes donc bien loin des nobles principes et finalités de l’Islam, où l’injustice, l’oppression, l’asservissement avilissant et la débauche n’ont pas leur place dans les relations intercommunautaires. On pourrait résumer l’esprit des Futûhât (conquêtes et ouvertures, à la fois spirituelle, politique, sociale et militaire) des premiers temps de l’islam – avant que ne se mélangent des ambitions personnelles et culturelles – comme ceci : « Les Qurayshites dirent à Abû Tâlib :  « Ton neveu (Muhammad) porte atteinte à l’honneur de nos idoles, il nous nomme faux, et attribue à nos ancêtres les défauts de l’égarement. Dis-lui qu’il cesse, et nous lui octroierons nos biens ». Muhammad fit alors cette remarque lorsqu’il entendit cela : « Allâh ne m’a pas envoyé pour acquérir des biens matériels pour appeler les gens à la mondanité, au contraire je suis chargé d’appeler les créatures au Créateur – les sortir de l’esclavage des êtres humains pour les conduire à la libération et à l’adoration du Seigneur des hommes – »[74].

  Ainsi que l’a rapporté Abû Umama : « Notre Prophète nous a ordonné de répandre la paix (dans le monde) et les bonnes salutations (aux gens) »[75].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Celui qui a foi en Allâh et au Jour dernier ne doit pas faire de mal à son voisin ou à son prochain (mais plutôt être bon envers lui). Celui qui a foi en Allâh et au Jour dernier doit honorer généreusement son invité et son hôte. Celui qui a foi en Allâh et au Jour dernier doit dire (et faire) le bien ou alors se taire et s’en abstenir (s’il est incapable de faire le bien ou de dire de bonnes choses) »[76].

  Le Compagnon Abû Shurayh demanda au Messager d’Allâh (ﷺ) : « Dis-moi quelque chose qui me garantira le Paradis ». Le Prophète (ﷺ) répondit : « (Après la foi en Allâh), dis de bonnes et belles paroles (au monde), répands et offre la paix (aux créatures) et nourris les affamés »[77].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le croyant est aimable, facile d’approche et agréable à autrui. Et il n’y a rien de bon en celui qui est difficile à approcher et dur envers les autres. Et les meilleurs des gens (parmi vous) sont ceux qui sont les plus utiles (leur apportant justice et bienfaits) à l’Humanité »[78].

  Le Prophète (ﷺ) a dit : « Ne tiens, par ta langue, que les propos qui sont justes et bons, et n’étends la main que pour faire ce qui est bien et juste »[79].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « La foi d’un serviteur n’est droite que lorsque la droiture est enracinée dans son coeur, et son cœur n’est dans la droiture que lorsque sa langue est emprunte de droiture. Nul n’entrera pas au Paradis (sauf Pardon divin) si son prochain et son voisin ne sont pas à l’abri de son mal »[80].

  Le Prophète (ﷺ) a dit : « Ô Allâh, je suis l’adversaire de quiconque accable et s’en prend aux droits (de respect et de dignité) des 2 (qui sont victimes) :  l’orphelin et la femme (et particulièrement la veuve) »[81].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Allâh m’a inspiré d’être humble et de vous ordonner l’humilité, afin que nul ne méprise un autre, et que nul n’opprime un autre (en se montrant injuste à son égard) »[82].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit en le répétant 3 fois tout en touchant sa poitrine : « La piété est ici (en visant le coeur) ». Le Prophète (ﷺ) fut interrogé un jour : « Qui parmi les gens est le meilleur ? ». Il (ﷺ) a répondu : « Ceux qui ont un coeur pur et une langue véridique. Ils ont demandé : « Nous comprenons ce qu’est une langue véridique, mais qu’est-ce qu’un cœur pur ? ». Ce à quoi il (ﷺ) répondit : « C’est celui qui est pieux et pur, en qui il n’y a ni péché, ni injustice, ni agressivité, ni rancœur, ni jalousie blâmable ». Nous avons dit : « Qui en montre un signe ? ». Le Prophète (ﷺ) a dit : « Celui qui délaisse et réprouve les illusions du bas-monde, et aime et aspire à l’Au-delà ». Ils ont dit : « Et qui en montre un signe ? ». Le Prophète a dit : « Un croyant avec un bon caractère et un bon comportement »[83].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Celui qui possède (ces) 3 qualités aura accompli vraiment la foi : être juste envers soi-même et envers les autres, offrir la paix au monde et dépenser dans la charité et le bien même lorsqu’on est pauvre »[84].

  Les Sahaba Abû Sulayman et Mâlik Ibn Huwayrith décrivaient ainsi le Messager d’Allâh (ﷺ) : « Le Prophète (ﷺ) était quelqu’un de (profondément) bon, gentil, bienveillant, miséricordieux et d’un amour rayonnant (…), et il nous a demandé de retourner auprès de nos familles, de leur enseigner convenablement la Religion, de faire le bien et d’accomplir de bonnes oeuvres (…) »[85].

  L’islam exige que nous pesions nos mots, de ne pas taire nos émotions mais plutôt de les canaliser en nous incitant à la réflexion et à la méditation, pour en faire jaillir la vérité par la sagesse et la justice. Répondant à des gens souhaitant qu’il (ﷺ) maudisse les idolâtres qui le combattaient injustement, le Prophète (ﷺ) leur dit : « Je n’ai pas été envoyé pour les maudire mais (plutôt) comme une miséricorde et un amour rayonnant (pour les mondes) »[86].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Enseignez (ce qui est bon et convenable) aux autres. Rendez les choses faciles aux gens et ne leur compliquez pas (inutilement) les choses. Donnez de bonnes nouvelles, ne soyez pas rudes ou brusques envers les autres, et ne repoussez pas les gens (par le mauvais comportement et les propos repoussants) au point de les effrayez ou de les rebuter. Coopérez les uns avec les autres (dans ce qui est licite et bon) et ne vous divisez pas. Calmez et apaisez plutôt les gens, et lorsque l’un de vous s’énerve ou se met en colère, qu’il se taise »[87].

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Je suis Muhammad ; je suis Ahmad, je suis Al-Muqaffi (le dernier à succéder), je suis le Prophète du repentir, de l’amour rayonnant et de la miséricorde »[88].

  Voilà la mission essentielle de tout croyant en Islam lors de son séjour terrestre, et qui est rappelée dans plusieurs versets du Qur’ân, dont ceux-ci :

« Et nous ne t’avons envoyé (Muhammad) que comme Miséricorde et Amour-Rayonnant pour l’ensemble les mondes » (Qur’ân 21, 107). Cela englobe non seulement la bonté, la justice et la bienveillance envers les non-musulmans, mais aussi envers les animaux, et de vouloir le bien aux gens quelques soient leurs croyances et leurs origines. La notion de « Rahma » recouvre différents sens comme la compassion, la miséricorde, la clémence, l’amour rayonnant et bienveillant, etc. En islam, ceux qui manquent de « rahma » sont ceux qui sont les plus éloignés de l’Islam, de l’orthodoxie et de la voie prophétique, et c’est mauvais signe pour eux, que de manquer de « rahma » et de « bonté d’âme » qui caractérisent la taqwâ (piété s’enracinant dans la droiture et la justice).

 « Allâh appelle à la demeure de la Paix et guide qui Il veut vers une voie droite (fondée sur la vérité, la droiture, la justice et la piété) » (Qur’ân 10, 25)

 « Ô vous qui croyez ! Entrez tous dans la Paix » (Qur’ân 2, 208).

« Le séjour de la Paix leur est destiné auprès de leur Seigneur en récompense de leurs (belles) actions [sur terre] » (Qur’ân 6, 127).

« Au milieu des biens qu’Allâh t’a accordés, recherche la Demeure Dernière. Ne néglige pas ta part de ce bas-monde. Sois bon et bienveillant comme Allâh est Bon et Bienveillant avec toi. Ne cherche (et ne sème) pas la corruption ni le désordre sur la Terre. Allâh n’aime pas ceux qui sèment la corruption et le désordre » (Qur’ân 28, 77).

« (…) ceux qui ont la foi et accomplissent de bonnes œuvres ; puis qui [continuent] d’être pieux et d’avoir la foi et qui [demeurent] pieux et bienfaisants (tout en réalisant l’excellence spirituelle). Car Allâh aime les bienfaisants (et ceux qui excellent spirituellement) » (Qur’ân 5, 93).


Notes :

[1] Muhammad Hamidullah (1908-2002) né en Inde, était un savant musulman, docteur en philosophie, docteur en lettre et diplômé en droit et dans plusieurs sciences islamiques. Il se forma aussi une solide connaissance en histoire et dans l’étude des manuscrits anciens. Il parlait environ 22 langues, dont l’arabe, l’ourdou, le turc, le persan, l’allemand, le français et l’anglais. Il enseigna dans plusieurs universités, notamment en Turquie et en Allemagne, et fut chercheur au CNRS en France, dont de nombreux collègues firent son éloge pour son sérieux, son savoir et son intégrité morale, au point où même Louis Massignon qui n’était pas toujours honnête et transparent dans son agenda politique, reconnut ses mérites : « Monsieur Hamidullah est notre maître et notre guide dans la recherche et l’étude des manuscrits sur les débuts de l’Islam » écrivait-il dans la recommandation du recrutement au CNRS de son ancien étudiant. Auteur de plus de 40 ouvrages et de 2000 publications académiques portant sur le droit, l’histoire, la sociologie, la philosophie, la théologie, et l’étude de manuscrits anciens.

[2] Né en 1933 en Iran. Savant musulman polymathe d’origine persane ayant étudié les sciences islamiques, il est le fils d’un père médecin, homme de lettres et philosophe – Seyyed Valiallah Kahn Nasr qui était un médecin au service de la famille royale à l’époque du Shah -, est un historien et philosophe des sciences, mathématicien, physicien, géophysicien – avec une formation en biologie et en paléontologie également à Harvard -, philosophe, théologien, logicien, épistémologue, historien et spécialiste de l’empire Perse préislamique et islamique et de l’Iran, métaphysicien, islamologue, épistémologue et polyglotte (notamment le persan, l’arabe, le turc, l’allemand, le français, le latin, le grec ancien, l’espagnol, l’anglais, etc.). Il occupait un poste prestigieux de professeur universitaire et de conférencier à l’Université d’Edimbourg au Royaume-Uni, puis à l’Université George-Washington à Washington D.C. aux USA.

[3] Né en 1957 en Iran, il est diplômé d’architecture, de philosophie et d’études de la Religion (doctorat) englobant l’histoire, la sociologie et la philosophie des religions, et est aussi un spécialiste de l’histoire, de la littérature, de la philosophie et de la culture de la Perse et de l’Iran. Il enseigne à l’Université de Mary Washington aux USA.

[4] Cité aussi par le Dr. ʿAlî Husnî Al-Kharbutlî dans Al-Islâm wa Ahl Ad-Dhimmah, p. 139, par  Thomas Walker Arnold dans The preaching of Islam; a history of the propagation of the Muslim faith, 1896.

[5] Shaykh Yûsuf Al-Qaradâwî dans un article traduit en français en 2001 sous le titre Les non-musulmans dans la société islamique

Section : Les droits des dhimmis – La liberté de confession https://www.islamophile.org/spip/La-liberte-de-confession.html

[6] Cité aussi par Roger Garaudy, Promesses d’islam, éd. Seuil, 1981, p. 37.

[7] Jean Sellier et André Sellier, Atlas des peuples d’Orient, éd. La Découverte, 2000, p. 52

[8] Gérard Chauvin, BA-BA de l’islam, éd. Pardès, 2000, reprenant aussi la citation de Gustave Le Bon, La civilisation des Arabes, 1883, éd. La Fontaine au Roy, Paris, 1996, p. 92.

[9] Sir Thomas Walker Arnold, The preaching of Islam: a history of the propagation of the Muslim faith, 1896, pp.156-157.

[10] Cité aussi par Gérard Chauvin dans son B.A.-B.A Islam, éd. Pardès, 2000, p. 49

[11] Gustave Le Bon, La civilisation des Arabes, 1883, Ed. La Fontaine au Roy, Paris, 1996, p.128.

[12] Voir Fred Astren, Karaite Judaism and Historical Understanding, Univ of South Carolina Press, 2004, pp.33–35.

[13] Frye, R. N. (1983). “Chapter 4: The political history of Iran under the Sasanians”. The Cambridge History of Iran. Volume 3 Part 1. The Seleucid, Parthian and Sasanid Periods. Cambridge University Press.

[14] Joshua J. Mark, “Alexandre le Grand et la Destruction de Persépolis”, World History Encyclopedia, 22 novembre 2024 : https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-214/alexandre-le-grand-et-la-destruction-de-persepolis/

[15] Toutes les données sont consultables ici Scimago Journal & Country Rank – SJR, 2023 :  https://www.scimagojr.com/countryrank.php?year=2023

[16] “Top 10 Countries by Nanotechnology Publications in 2023”, NBIC, 2023 : https://statnano.com/news/73441

[17] “Top 20 Countries by Nanotechnology Publications in 2022”, NBIC, 28 février 2023 : https://statnano.com/news/72057/Top-20-Countries-by-Nanotechnology-Publications-in-2022

[18] “Nanotechnology publications (Article)”, NBIC, mai 2024 : https://statnano.com/report/s29

[19] Sir Thomas Walker Arnold, The preaching of Islam : a history of the propagation of the Muslim faith, A. Constable and co., 18961896, pp. 170-180.

[20] Tâj ud-Dîn Abû al-Fath Muhammad ibn `Abd al-Karîm as-Shahrastânî était un savant polymathe musulman d’origine persane. Savant sunnite, théologien ash’arite (il étudia la ‘aqida et le kalam auprès d’Al-Juwaynî et d’autres savants asharites), exégète du Qur’ân, linguiste, juriste shafi’ite, historien, historien et philosophe des religions et philosophies comparées dans une approche objective, logicien, philosophe, métaphysicien et sûfi, il montra toutefois les limites de la théologie scolastique et de la philosophie (celle qui se limite à la seule rationalité). Accusé sans preuve d’appartenir au courant ismailite, rien ne le rattache à ce courant, et son approche métaphysique est indépendante des positions théologiques des ismaéliens. Il critiqua aussi le shiisme duodécimain. Il enseigna aussi dans la célèbre université sunnite et asharite de la nizâmiyya.

[21] Abû al-Ḥassân ʿAlî ibn al-Ḥussayn ibn ʿAlî al-Mas’ûdî (vers 282 H/896 – 345 H/956) était un savant musulman d’origine arabe – il descend du Compagnon du Prophète, Ibn Mas’ûd -. Savant polymathe, il était géographe, historien, théologien, philosophe, médecin, physicien, astronome, botaniste, géologue, minéralogiste, exégète et juriste shafi’ite. Les savants divergent à son propos pour savoir s’il était shiite, mu’tazilite ou sunnite. Il se peut qu’au cours du temps, il ait changé au fur et à mesure, jusqu’à devenir sunnite, puisqu’il fut l’élève d’Ibn Surayj puisqu’As-Subkî dans Tabaqat al-Shafi’iyya al-Kubra a trouvé des notes de lecture d’Ibn Surayj de la main d’Al-Mas’udï, information qui avait peut-être échappé à Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans son Lisân al-Mizân (4/256-258) qui le décrivait comme un shiite et un mu”tazilite, ainsi qu’Ad-Dhahâbî dans son Siyâr, le qualifiant de mu’tazilite.
Il lui fut cependant reproché, concernant les informations historiques, de compiler tout ce qu’il entendait des savants, chroniqueurs, historiens, poètes, marchands, etc., sans trier d’abord l’information pour en écarter celles qui étaient douteuses ou trop peu certaines.

[22] Martijn Theodoor Houtsma, First Encyclopaedia of Islam 1913-1936, Brill, Vol.2, p. 100.

[23] Rev. Elwood Morris Wherry, A Comprehensive Commentary on the Quran : Comprising Sale’s Translation and Preliminary Discourse, K. Paul, Trench, Trübner & co., 1896, p. 66.

[24] Martijn Theodoor Houtsma, First Encyclopaedia of Islam 1913-1936 : E.J.Brill’s, Brill, 1936, Vol.2, p. 432.

[25] Ibid., p.100.

[26] Mary Boyce, Zoroastrians, their religious beliefs and practices, New York, Routledge & Kegan Paul, 2001, 2e éd., p. 119.

[27] Solomon Alexander Nigosian, The Zoroastrian faith : tradition and modern research, Montréal, McGill-Queen’s Press, 1993, p. 37.

[28] Ibid.

[29] Thomas Walker Arnold, The preaching of Islam : a history of the propagation of the Muslim faith, A. Constable and co., 1896, pp. 170-180.

[30] Rapporté par Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°619.

[31] Rapporté par Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°618.

[32]  Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2543 selon Abû Dharr, Ahmad dans son Musnad 5/174, Al-Haythamî dans son Majma’ az-Zawâ’id 10/62, Al-Hâkim dans Al-Mustadrak, At-Tabarânî, Ad-Dhahabi et d’autres qui le jugent bien sahîh. An-Nawawî dans Riyâd As-Sâlihîn n°334 qui précise que ce lien de parenté qu’Allah et Son Messager ont ordonné d’entretenir entre les musulmans et les habitants d’Egypte date d’avant même qu’ils n’embrassent l’islam en masse.

[33] Rapporté par Abû Yûsuf dans Al-Kharâj, p. 72. Le juge, historien, juriste, logicien, théologien, muhaddith et exégète Abû Yûsuf (113 H/729 – 182 H/798) était le célèbre disciple de l’imâm Abû Hanifa, qui était contemporain des derniers Sahaba, et ils étaient des témoins directs des ouvertures/conquêtes islamiques.

[34] Rapporté par Al-Bayhaqî dans As-Sunân Al-Kubrâ 5/205, Abû Dawûd dans ses Sunân n°3052, sahîh et d’autres.

[35] Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°6914, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°2686 et 2687 avec la variante « 70 ans » au lieu de « 40 ans », At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1403 et d’autres.

[36] Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°2620, 2624 3183, 5978 – al-Bukhari rapporte que l’imâm et Salaf Ibn ‘Uyayna liait ce hadith au verset 60/8 – et n°5979 ainsi que dans Al-Adab Al-Mufrad n°25, Muslim dans son Sahîh n°1003, Abû Dawûd dans ses Sunân n°1668.

[37] Rapporté par Ad-Dârimî dans ses Sunân n°5, 6, 7 et 8. Rapporté en partie (la description sur ses qualités morales) par Al-Bayhaqî et Abû Nu’aym dans leur Al-Dalâ’îl, Ibn Sa’d, Al-Bukhari, Ibn ‘Asâkir, At-Tabârî, As-Suyûtî dans Al-Durr Al-Manthur 6/612 et d’autres sous l’autorité d’Ata’ Ibn Yassâr, ainsi que de l’ex-rabbin juif ‘Abdullah Ibn Salam converti à l’islam du temps du Prophète (ﷺ), ainsi que selon Umm ad-Dardâ’, Ibn Mas’ûd et d’autres.

[38] Rapporté par At-Tirmirdhî dans son As-Shama’il Al-Muhammadiyah n°346, sahîh.

[39] Rapporté notamment par As-Suyûtî dans Al-Durr Al-Manthur 6/612, Al-Hakim et Al-Bayhaqî dans leur Al-Dala’il selon l’imâm ‘Alî, Al-Hakim dans Al-Mustadrak n°4300 et d’autres.

[40] Rapporté par Al-Bazzâr dans son Musnad n°2642, sahîh.

[41] Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3694 selon ‘Abdullah Ibn ‘Amr, sahîh.

[42] Rapporté par al-Bukhârî dans son Sahîh n°2445, 5620, 5863 et 6222, At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2809, An-Nasâ’î dans ses Sunân n°1939 et 5309, Muslim dans son Sahîh n°2066 et d’autres.

[43] Rapporté par at-Tirmidhî dans ses Sunân n°1943.

[44] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°6643 selon ‘Abdullah Ibn Amr et n°6933 selon ‘Amr Ibn Shuayb, sahîh, Ibn Hibbân dans son Sahîh n°5996 selon Ibn ‘Umar et d’autres.

[45] Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°5982 selon ‘Amr Ibn al-Hamiq, sahîh, At-Tabarânî dans Al-Mu’jam al-Awsat n°4252, Al-Bazzâr dans son Musnad n°2308 et d’autres.

[46] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°12383 ou n°12567 selon les éditions, Al-Bazzâr dans son Musnad n°7196, Abû Ya’la dans son Musnad n°2863 selon Anas Ibn Mâlik, sahîh ou hassân selon les différentes voies.

[47] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°23438 selon Fadalah ibn ‘Ubayd,  sahîh, Ibn Hibbân dans son Sahîh n°4862 et d’autres.

[48] Rapporté par Abû Ya’la dans son Musnad n°4258, sahîh, Al Bayhaqî dans Shu’ab al îmân n°11060.

[49] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2581 selon Abû Hurayra, sahîh.

[50] Rapporté par At-Tabarânî dans Musnad al-Shâmiyyîn n°588 selon Abû Hurayra, sahîh, Al-Bayhaqî dans As-Sunân al-Kubrâ n°21439, Abû Nu’aym dans Ma’rifat as-Sahaba n°732, At-Tahâwî dans Mushkil al-Athar n°3884, Ibn Hibbân dans Al-Thiqat 4/10, Ibn al Qayyim dans Miftâh dâr as-sa’âda pp.163-164 qui le juge sahîh, An-Nawawî dans Tahdhîb al-Asma wa al-Lughat 1/17 le commente et l’authentifie, etc.

[51] Rapporté par Ahmad Zarrûq dans Qawâ’îd al-Tasawwuf à la Règle n°188 sur la colère, sous l’autorité d’Al-Bukharî.

[52] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2263 d’après Abû Hurayra notamment, sahîh. Et la portée de ce hadith est générale.

[53] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1977 avec une bonne chaine selon Ibn Mas’ûd, al-Hakim dans Al-Mustadrak via une chaine sahîh, Al-Ghazâlî dans son Ihyâ’, au Livre sur les dégâts mots, chapitre 7 au sujet de la vulgarité et de l’insulte.

[54] Rapporté par At-Tabarî dans son Târîkh 4/218.

[55] Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°3162.

[56] Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°1392 et 3052.

[57] Rapporté par Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°971, At-Tabarî dans son Târîkh 3/210. Et cela est général (tous les non-musulmans pacifiques).

[58] Rapporté par par Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°1614, par Al-Bukharî dans Al-Adab Al-Mufrad n°273.

[59] Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°2688 selon Rifa’ah Ibn Shaddad Al-Qitbani, sahîh, Ahmad dans son Musnad n°21946, An-Nasâ’î dans As-Sunân al-Kubrâ n°8739.

[60] Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°2689 selon Rifa’ah Ibn Shaddad Al-Qitbani, Al-Munawî dans Fayd al-Qadîr 1/236 n°334 avec un isnad hassân.

[61] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°12549 selon Anas Ibn Mâlik, hassân.

[62] Ibn Qudâma dans Al-Mughnî 8/445, dans Al-Badâ’î 7/111, dans Ahkâm ad-Dhimmiyyûn wa al-Musta’manîn, p.89 et d’autres.

[63] Rapporté par Al-Bayhaqî dans As-Sunân al-Kubrâ 8/34, At-Tabarânî et d’autres.

[64] Rapporté par ‘Abd ar-Razzâq dans son Musannaf 10/101-102, Ibn Qudâma dans Al-Mughnî 12/828-829.

[65] Rapporté par As-Shawkanî dans Nayl Al-Awtar 7/154.

[66] Rapporté par ‘Abd ar-Razzâq dans son Musannaf n°18514, Ibn Hajar Al ‘Asqalânî dans Bulugh al-Maram n°1184. Bien que la chaine soit faible, le principe est conforme au Qur’ân et à la pratique prophétique, puis à celle des Califes bien-guidés. C’est aussi l’avis retenu par plusieurs Salafs comme Mâlik, Abû Hanifa et d’autres.

[67] Thomas Walker Arnold, The preaching of Islam : a history of the propagation of the Muslim faith, A. Constable and co., 1896, pp. 79-81.

[68] Muhammad Hamidullah, Initiation à l’Islam, 1993, p.159, ré-édité chez Héritage, 2021.

[69] A.K Zidan, Statuts des Protégés et des Etrangers en pays d’Islam, éd. Al Quds, Al-Risâlah, en langue arabe, 1982, pp. 139-157. Cité aussi par Belgacem Marzougui dans L’Islam En Espagne – Huit Siècles d’Histoire Européenne, éd. Amazon, 2011.

[70] Saïd Ramadan, Le droit islamique, son envergure et son équité, éd. Al-Qalam, Paris, 1997, p. 158.

[71] ‘Abd Allâh al-Mâliki, La souveraineté de la Umma passe avant l’application de la Sharî’a, éd. Maison d’Ennour, 2018, p.41, traduit par le Shaykh Corentin Pabiot ; cité aussi par Ahmad Ar-Rîsûnî dans Al-Fikr al-islamî wa Qadâyâ-nâ as-Siyâsiya al-Mu’âsira, p. 83.

[72] “En 2022, des familles ont des esclaves à domicile en France (14/04/2022)”, https://www.esclavagemoderne.org/2022/04/14/en-2022-des-familles-ont-des-esclaves-a-domicile-en-france-14-04-2022/ ; mais le mauvais traitement concerne aussi des millions d’employés « ordinaires » dans les entreprises, qui sont harcelés, déprimés, maltraités ou mis sous pression.

[73] Estimé à environ 50 millions dans le monde, mais certains critères sont contestables, car dans ce genre de rapports occidentaux ils mélangent tout et classent des pratiques qui ne sont pas liées à l’esclavage mais à un modèle économique qui prend en compte les besoins des pays sans maltraiter ou surexploiter les travailleurs ou les migrants qui ont fait le choix d’aller dans d’autres pays. Ils occultent aussi le fait que les mauvaises conditions d’un certain nombre de travailleurs et de migrants, que ce soit aux USA, en France, en Belgique, au Qatar, en Chine, aux Émirats Arabes Unis, en Arabie Saoudite, en Afghanistan auparavant (sous l’invasion occidentale), en Turquie ou en Afrique, sont souvent le fait d’entreprises ou entrepreneurs occidentaux qui s’implantent dans d’autres pays. En Turquie et en Afghanistan sous les talibans, les mariages forcés et la maltraitance envers les femmes et les enfants sont strictement interdits, mais comme en Occident, certains citoyens laïcs ou trop tribalistes continuent de perpétuer ce genre de pratiques. “Esclavage moderne : le rapport 2023 de Walk Free est paru”, Acte International, juillet 2023 : https://www.acte-international.com/web/aw_53318/fr/esclavage-moderne-le-rapport-2023-de-walk-free-est-paru

[74] Rapporté par Al-Yaqubî dans son Târikh 2/16.

[75] Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3693, sahîh.

[76] Rapporté selon plusieurs variantes dont nous avons fait une synthèse. Al-Bukharî dans son Sahîh n°6018 et n°6019, Muslim dans son Sahîh n°47 et 48, Al-Busiri dans ‘iithaf alkhayrat almuharat 5/491 et d’autres selon Abû Shurayh, Abû Hurayra et d’autres.

[77] Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°509, sahîh.

[78] Rapporté par Ad-Daraqutnî dans Al-Ifrad wal-Diya’, Mulla Ali al-Qarî dans Muraqât al-Mufayateh 8/3129 n°4995 selon Jabir et At-Tabarânî dans Muj’am al-Awsât n°5937. D’autres l’ont rapporté dans une version plus courte comme Ahmad dans son Musnad 15/106, Al-Bazzâr dans son Musnad 15/349, Ibn Adi dans Al-Kâmil 3/387 et d’autres.

[79] Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam al-Kabîr n°817, Al-Bayhaqî dans Shu’ab al-Imân n°2867 selon Aswad ibn Asram, sahîh, et d’autres.

[80] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°12636 et Kitâb az-Zuhd n°1165 selon Anas Ibn Mâlik avec une bonne chaine, ainsi que par d’autres voies, notamment d’Ibn Mas’ûd et d’Al-Hassân al-Basrî, par plusieurs voies dont certaines sont bonnes et d’autres sont faibles mais qui se renforcent mutuellement, Ibn Wahb dans Al-Jami’ n°377 sous l’autorité d’Ashhal ibn Hatim, Abû Dawud dans Kitâb Al-Zuhd n°368, Al-Bayhaqî dans Shu’ab al-Imân n°4650, Ibn Abi Shayba dans Al-Musannaf n°34754, Ibn Abi Asim dans Kitâb Al-Zuhd n°28, etc.

[81] Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3678 selon Abû Hurayra, hassân, An-Nawawî dans Riyâd as-Salihîn n°270, An-Nasâ’î dans Al-Sunân al-Kubrâ n°9149, Ahmad dans son Musnad n°9664, Al-Hakim et d’autres.

[82] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2865 selon ‘Iyad Ibn Himar, Abû Dawûd dans ses Sunân n°4895.

[83] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2564 selon Abû Hurayra pour la version courte, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4216 selon ‘Abdullah Ibn ‘Amr, sahîh, notamment selon Al-Mundhirî, Al-Busayrî, Al-‘Iraqî et d’autres, et la version intégrale par Al-Bayhaqî dans Shû’ab al-Imân n°4462, sahîh.

[84] Rapporté par Al-Bazzâr dans son Musnad, Kashful Astar n°30, Ibn Hajar dans Fath al-Bâri hadith n°28, Al-Haythami dans Majma’ az-Zawâ’îd 1/56-57, At-Tabarânî et d’autres, et al-Bukharî dans son Sahîh n°28 sous l’autorité de Ammar Ibn Yasîr, qui le tenait vraisemblablement du Prophète (ﷺ).

[85] Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°631, 685 et 6008, dans Al-Adab al-Mufrad n°213, Muslim dans son Sahîh n°674, An-Nasâ’î dans ses Sunân n°635, et d’autres.

[86] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2599 selon Abû Hurayra.

[87] Rapporté selon quelques variantes allant toutes dans le même sens, qui ont été synthétisées ici : par al-Bukhâri dans son Sahîh n°6125, d’après plusieurs Compagnons dont Mû’âdh Ibn Jabal, Ibn ‘Abbâs et Anas, ainsi que dans son Al-Adab al-Mufrad n°245 et 473, Muslim dans son Sahîh n°1732 et 1733, Abû Dawûd dans ses Sunân n°4835, Ahmad dans son Musnad n°2137 d’après ‘Abdallâh Ibn ‘Abbâs et d’autres.

[88] Rapporté par ‘Abdul Ghanî al-Maqdisi al-Hanbali selon Abû Mûsâ ‘Abdullâh Ibn Qays dans Mukhtaṣar Sîrah an-Nabî wa Sîrah Ashabihi al-‘Asharah dans le chapitre sur les noms du Prophète (ﷺ).


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