Il n’est pas rare d’entendre tout et son contraire par rapport aux relations que l’Islam entretient avec les autres religions, et donc avec les autres communautés.
L’Islam, – tout comme les faits historiques et les données fournies par les sources anciennes des différentes traditions spirituelles -, indiquent que les Prophètes se rattachaient tous à une Tradition primordiale et immuable commune, décrétée et révélée par Allâh, – le Principe existenciateur -, l’Islam est donc la synthèse, la continuation et le « sceau » de l’ensemble des Traditions spirituelles émanant du Divin, et confirme donc le prophétat et les vérités contenues dans les traditions spirituelles antérieures, dans leur source (divine ; supra-humaine) avant que celles-ci soient altérées ou dégénérées par les incompréhensions humaines successives ou les déformations volontaires. Le Qur’ân dit, à propos de la Tradition primordiale : « Tout pouvoir n’appartient qu’à Allâh qui vous a enjoint de n’adorer que Lui, telle est la Tradition immuable/primordiale (Dîn ul Qayyîm). Mais la plupart des gens ne savent pas » (Qur’ân 12, 40).
« Nous avons envoyé dans chaque communauté un Messager, [pour leur dire] : « Adorez Allâh et écartez-vous du Taghût[1] ». Alors Allâh en guida certains, mais il y en eut qui ont été destinés à l’égarement. Parcourez donc la terre, et regardez quelle fut la fin de ceux qui traitaient [Nos messagers] de menteurs » (Qur’ân 16, 36).
En parlant du Prophète Muhammad, Allâh lui ordonne de dire : « Je ne suis pas un innovateur parmi les prophètes » (Qur’ân 46, 9). Plusieurs versets du Qur’ân rappellent que plusieurs prophètes ont été envoyés avant Muhammad : « Nous avons envoyé des prophètes avant toi » (Qur’ân 15, 30), « (…) n’est qu’un prophète ; des prophètes ont vécu avant lui (…) » (Qur’ân 3, 144), « Interroge ceux de nos prophètes que nous avons envoyés avant toi » (Qur’ân 43, 45).
« Et il y a des messagers dont Nous t’avons raconté l’histoire précédemment, et des messagers dont Nous ne t’avons point raconté l’histoire (…) » (Qur’ân 4, 164). Il y a donc des Prophètes et Messagers qui n’ont pas été évoqués explicitement dans le Qur’ân, mais leurs caractéristiques fondamentales sont les mêmes, à savoir être sincère, soumis au Divin, se conformer à Ses Ordres, enseigner le Tawhîd, se détourner des idoles et enseigner la bonne moralité aux gens.
L’Islam signifie l’acceptation libre, dans la paix (et afin de l’obtenir intégralement) de l’Ordre Divin et de s’y conformer, ce qui constitue le fondement de toutes les Traditions révélées (aussi bien parmi les « formes traditionnelles » de souche abrahamique, que non-abrahamique). Allâh a dit : « Non, mais quiconque donne (livre, soumet, laisse) à Allâh son être tout en étant bienfaisant (muhsin), aura sa rétribution auprès de son Seigneur. Pour ceux-là il n’y a nulle crainte, et ils ne seront point attristés » (Qur’ân 2, 112).
« Que vous fassiez du bien, ouvertement ou en cachette, ou bien que vous pardonniez un mal… Alors Allâh est Pardonneur et Omnipotent. Ceux qui ne croient pas en Allâh et en Ses messagers, et qui veulent faire distinction entre Allâh et Ses messagers et qui disent : « Nous croyons en certains d’entre eux mais ne croyons pas en d’autres », et qui veulent prendre un chemin intermédiaire (entre la foi et la mécréance), les voilà les vrais mécréants (dénégateurs) ! Et Nous avons préparé pour les mécréants une correction avilissante. Et ceux qui croient en Allâh et en Ses messagers et qui ne font point de différence entre ces derniers, voilà ceux à qui Il donnera leurs récompenses. Et Allâh est Pardonneur et Miséricordieux » (Qur’ân 4, 149-152).
Tout musulman doit donc accepter et honorer la totalité des prophètes d’Allâh, et ne peuvent pas les rabaisser volontairement en établissant un classement arbitraire. Tous méritent le respect, tous possèdent leurs qualités et leurs mérites. L’interdiction de faire des différences entre eux, consiste notamment à les rabaisser ou à rejeter certains d’entre eux, et non pas dans le fait de savoir que certains ont des mérites et des fonctions qui leurs soient propres.
Allâh rappelle également ceci : « Tiens-toi debout, en vrai hanif qui professe la Tradition primordiale, la religion (voie) naturelle, celle qu’Allâh a inscrite au cœur de tout individu. C’est un don universel et immuable qu’Allâh a fait à Ses créatures. Telle est la véritable Tradition, mais la plupart des humains ne savent pas » (Qur’ân 30, 30). En arabe, le terme « dîn » ne recouvre pas le même sens restreint que possède le terme « religion » de nos jours. En Islam, le « dîn » englobe les doctrines, les actes cultuels, les normes sociales, les principes métaphysiques, le mode de vie, etc.
Il y a aussi un hadîth prophétique assez explicite qui confirme la Tradition primordiale : « Je suis la personne la plus en droit de Issâ’ Ibn Maryam dans l’ici-bas comme dans l’au-delà et les prophètes sont des demi-frères : leurs mères sont différentes et leur religion est unique »[2]. En arabe les termes utilisés signifient des frères qui ont le même père mais dont les mères sont différentes, ce qui veut dire que tous les prophètes sont venus avec l’islam métahistorique, qui consiste à adorer Allâh sans rien Lui associer, à connaitre Ses Noms et Ses Attributs, à s’écarter de ce qui est adoré en dehors de Lui, à professer la réalité des Prophètes, des Anges, des Révélations, le Jour du Jugement dernier, l’enfer, le Paradis, le Destin, …
Un autre hadîth prophétique dit ceci : « La religion (voie) la plus chère à Allâh, c’est la religion primordiale et pure, harmonieuse et pleine d’indulgence »[3]. Et al-Bukhari a rapporté un hadith qui l’explique dans son Sahîh n°39 – Livre n°2 sur la Foi au chapitre La Religion est vraiment simple et facile (à pratiquer) – selon Abû Hurayra : « La religion est très facile et celui qui se surcharge dans sa religion ne pourra pas continuer ainsi. Donc vous ne devriez pas être des extrémistes, mais essayez d’être proche de la perfection (spirituelle et morale) et recevez la bonne nouvelle que vous serez récompensé ; et gagnez en force en adorant le matin, l’après-midi et pendant les dernières heures de la nuit ».
Depuis l’avènement du monde moderne, où de nombreux religieux ont perdu toute conscience du Sacré et des notions traditionnelles, et ne se réclamant de la religion que par héritage « culturel » ou par « identité nationale », un nombre croissant d’intellectuels et d’auteurs, se rattachant à un courant de pensée identifié à la « Religion Perenis » ou encore appelé « Sophia Perennis », redécouvrent ou explorent la Tradition et ses différents aspects, de façon plus lucide, opérative et transcendante.
La Tradition, au sens philosophique, est, selon Stéphane François : « essentiellement et fondamentalement d’ordre spirituel et métaphysique. Elle renvoie à une Tradition unique, « primordiale », c’est-à-dire antérieure à toutes les traditions locales. Elle se présente aussi comme une doctrine métaphysique, supra humaine immémoriale, relevant de la connaissance de principes ultimes, invariables et universels »[4].
Le métaphysicien et mathématicien René Guénon, – auquel se rattachent d’une manière ou d’une autre tous les « pérénnialistes » – disait : « (…) la tradition primordiale est la source première et le fonds commun de toutes les formes traditionnelles particulières, qui procèdent par adaptation aux conditions particulières de tel peuple ou telle époque »[5], conformément au Discours qurânique. Sidi Abdoullatif, connaisseur de l’Islam et de l’œuvre de René Guénon, résumait ainsi la position de Guénon à ce sujet : « La tradition islamique est, en tant que « sceau de la Prophétie », la forme ultime de l’orthodoxie traditionnelle pour le cycle humain actuel. Les formes traditionnelles qui ont précédé la forme islamique (Hindouisme, Taoïsme, Judaïsme, Christianisme, …) sont, dans leurs formulations régulières et orthodoxes, des reflets de la Lumière totale de l’Esprit-universel qui désigne Er-Rûh el-mohammediyah, le principe de la prophétie, salawâtu-Llâh wa salâmu-Hu ‘alayh »[6].
Dans un article intitulé Et-Tawhîd, Guénon dit : « La doctrine de l’unité, (1) c’est-à-dire l’affirmation que le Principe de toute existence est essentiellement Un, est un point fondamental commun à toutes les traditions orthodoxes, et nous pouvons même dire que c’est sur ce point que leur identité de fond apparaît le plus nettement, se traduisant jusque dans l’expression même. En effet, lorsqu’il s’agit de l’Unité, toute diversité s’efface, et ce n’est que lorsqu’on descend vers la multiplicité que les différences de formes apparaissent, les modes d’expression étant alors multiples eux-mêmes comme ce à quoi ils se rapportent, et susceptibles de varier indéfiniment pour s’adapter aux circonstances de temps et de lieux. Mais « la doctrine de l’Unité est unique » (suivant la formule arabe : Et-Tawhîdu wâhidun), c’est-à-dire qu’elle est partout et toujours la même, invariable comme le Principe, indépendante de la multiplicité et du changement qui ne peuvent affecter que les applications d’ordre contingent.
Aussi pouvons-nous dire que, contrairement à l’opinion courante, il n’y a jamais eu nulle part aucune doctrine réellement « polythéiste », c’est-à-dire admettant une pluralité de principes absolue et irréductible. Ce « pluralisme » n’est possible que comme une déviation résultant de l’ignorance et de l’incompréhension des masses, de leur tendance à s’attacher exclusivement à la multiplicité du manifesté : de là l’ « idolâtrie » sous toutes ses formes, naissant de la confusion du symbole en lui-même avec ce qu’il est destiné à exprimer, et la personnification des attributs divins considérés comme autant d’êtres indépendants, ce qui est la seule origine possible d’un « polythéisme » de fait. Cette tendance va d’ailleurs en s’accentuant à mesure qu’on avance dans le développement d’un cycle de manifestation, parce que ce développement lui-même est une descente dans la multiplicité, et en raison de l’obscuration spirituelle qui l’accompagne inévitablement. C’est pourquoi les formes traditionnelles les plus récentes sont celles qui doivent énoncer de la façon la plus apparente à l’extérieur l’affirmation de l’Unicité ; et, en fait, cette affirmation n’est exprimée nulle part aussi explicitement et avec autant d’insistance que dans l’Islamisme[7] où elle semble même, si l’on peut dire, absorber en elle toute autre affirmation.
La seule différence entre les doctrines traditionnelles, à cet égard est celle que nous venons d’indiquer : l’affirmation de l’Unité est partout, mais, à l’origine, elle n’avait pas même besoin d’être formulée expressément pour apparaître comme la plus évidente de toutes les vérités, car les hommes étaient alors trop près du Principe pour la méconnaître ou la perdre de vue. Maintenant au contraire, on peut dire que la plupart d’entre eux, engagés tout entiers dans la multiplicité, et ayant perdu la connaissance intuitive des vérités d’ordre supérieur, ne parviennent qu’avec peine à la compréhension de l’Unité ; et c’est pourquoi il devient peu à peu nécessaire, au cours de l’histoire de l’humanité terrestre, de formuler cette affirmation de l’Unité à maintes reprises et de plus en plus nettement, nous pourrions dire de plus en plus énergiquement.
(1) Le Voile d’Isis, juillet 1930, p. 512 – 516.
Si nous considérons l’état actuel des choses, nous voyons que cette affirmation est en quelque sorte plus enveloppée dans certaines formes traditionnelles, qu’elle en constitue même parfois comme le côté ésotérique, en prenant ce mot dans son sens le plus large, tandis que dans d’autres, elle apparaît à tous les regards, si bien qu’on en arrive à ne plus voir qu’elle, quoiqu’il y ait assurément, là aussi, bien d’autres choses, mais qui ne sont plus que secondaires vis-à-vis de celle-là. Ce dernier cas est celui de l’Islamisme, même exotérique ; l’ésotérisme ne fait ici qu’expliquer et développer tout ce qui est contenu dans cette affirmation et toutes les conséquences qui en dérivent, et, s’il le fait en termes souvent identiques à ceux que nous rencontrons dans d’autres traditions, telles que le Vêdânta et le Taoïsme, il n’y a pas lieu de s’en étonner, ni de voir là l’effet d’emprunts qui sont historiquement contestables ; il en est ainsi simplement parce que la vérité est une, et parce que, dans cet ordre principiel, comme nous le disions au début, l’Unité se traduit nécessairement jusque dans l’expression elle-même.
D’autre part, il est à remarquer, toujours en envisageant les choses dans leur état présent, que les peuples occidentaux et plus spécialement les peuples nordiques, sont ceux qui semblent éprouver le plus de difficultés à comprendre la doctrine de l’Unité, en même temps qu’ils sont plus engagés que tous les autres dans le changement et la multiplicité. Les deux choses vont évidemment ensemble et peut-être y a-t-il là quelque chose qui tient, au moins en partie, aux conditions d’existence de ces peuples : question de tempérament, mais aussi question de climat, l’un étant d’ailleurs fonction de l’autre, au moins jusqu’à un certain point.
Dans les pays du Nord, en effet, où la lumière solaire est faible et souvent voilée, toutes choses apparaissent aux regards avec une égale valeur, si l’on peut dire, et d’une façon qui affirme purement et simplement leur existence individuelle sans rien laisser entrevoir au-delà; ainsi, dans l’expérience ordinaire elle-même, on ne voit véritablement que la multiplicité. Il en est tout autrement dans les pays où le soleil, par son rayonnement intense, absorbe pour ainsi dire toutes choses en lui-même, les faisant disparaître devant lui comme la multiplicité disparaît devant l’Unité, non qu’elle cesse d’exister selon son mode propre, mais parce que cette existence n’est rigoureusement rien au regard du Principe. Ainsi, l’Unité devient en quelque sorte sensible : ce flamboiement solaire, c’est l’image de la fulguration de l’oeil de Shiva, qui réduit en cendre toutes manifestation. Le soleil s’impose ici comme le symbole par excellence du Principe Un (Allahu Ahad), qui est l’Etre nécessaire, Celui qui seul Se suffit à Lui-même dans Son absolue plénitude (Allahu Es-Samad), et de qui dépendent entièrement l’existence et la subsistance de toutes choses, qui hors de Lui ne seraient que néant.
Le « monothéisme », si l’on peut employer ce mot pour traduire Et-Tawhîd, bien qu’il en restreigne quelque peu la signification en faisant penser presque inévitablement à un point de vue exclusivement religieux, le « monothéisme », disons-nous, a donc un caractère essentiellement « solaire ». Il n’est nulle part plus « sensible » que dans le désert où la diversité des choses est réduite à son minimum, et où, en même temps, les mirages font apparaître tout ce qu’a d’illusoire le monde manifesté. Là, le rayonnement solaire produit les choses et les détruit tour à tour ; ou plutôt, car il est inexact de dire qu’il les détruit, il les transforme et les résorbe après les avoir manifestées. On ne pourrait trouver une image plus vraie de l’Unité se déployant extérieurement dans la multiplicité sans cesser d’être elle-même et sans en être affectée, puis ramenant à elle, toujours selon les apparences, cette multiplicité qui, en réalité, n’en est jamais sortie, car il ne saurait rien y avoir en dehors du Principe, auquel on ne peut rien ajouter et duquel on ne peut rien retrancher, parce qu’Il est l’indivisible totalité de l’Existence unique. Dans la lumière intense des pays d’Orient, il suffit de voir pour comprendre ces choses, pour en saisir immédiatement la vérité profonde ; et surtout il semble impossible de ne pas les comprendre ainsi dans le désert, où le soleil trace les Noms divins en lettres de feu dans le ciel »[8].
Frithjof Schuon dira dans Regards sur les mondes anciens (paru en 1968 pour la première fois) : « Le mot philosophia suggère à tort ou à raison une élaboration mentale plutôt que la sagesse et ne convient donc pas exactement à ce que nous entendons. La religio est ce qui « relie » au Ciel et engage l’homme entier ; quant au mot traditio, il se réfère à une réalité plus extérieure, parfois fragmentaire, et suggère du reste une rétrospective : une religion naissante « relie » au Ciel dès la première révélation, mais ne devient une « tradition » — ou comporte « des traditions » — que deux ou trois générations plus tard ».
Et dans son ouvrage paru en 1982, Sur les traces de la religion pérenne, Schuon associe les 3 notions de philosophie (philosophia), de sagesse (Sophia) et de religion (religio) pérennes pour montrer « leur concordance et l’unité de réalité qu’elles désignent ».
Puis à la page 9 du même ouvrage il écrit : « Le terme de philosophia perennis […] désigne la science des principes ontologiques fondamentaux et universels ; science immuable comme ces principes mêmes, et primordiale du fait même de son universalité et de son infaillibilité. Nous utiliserions volontiers le terme de Sophia perennis pour indiquer qu’il ne s’agit pas de « philosophie » au sens courant et approximatif du mot – lequel suggère de simples constructions mentales, surgies de l’ignorance, du doute et des conjectures, voire du goût de la nouveauté et de l’originalité –, ou encore nous pourrions user du terme de religio perennis en nous référant alors au côté opératif de cette sagesse, donc à son aspect mystique ou initiatique ».
Le pérennialisme se décline cependant en plusieurs écoles, des plus déviantes aux plus orthodoxes. Ceux qui parmi les auteurs les plus connus s’enracinant dans l’islam, et en dépit de divergences notables entre eux, ont adhéré à l’islam, ont reconnu Muhammad comme étant le dernier Prophète et le plus éminent d’entre eux, ont bien indiqué que l’islam était la dernière révélation orthodoxe pour notre cycle et revêtait donc un caractère supérieur et particulier sous ce rapport, tout comme l’islam présente un double caractère : universel par sa portée et sa dimension, et synthétique car il réunit et manifeste sans altération, toutes les vérités universelles et anciennes contenues dans les traditions spirituelles antérieures. De même, ces auteurs ont pris comme sources le Qur’ân et la Sunnah tout en recensant les points communs et les expressions équivalentes dans les autres formes traditionnelles. On peut compter parmi ses auteurs, René Guénon, Charles André Gilis, Michel Valsan, Seyyed Hossein Nasr, Tage Lindbom, Ivan Agueli, Martin Lings, Titus Burckhardt, Hamza Benaïssa et Frithjof Schuon (en dehors de sa période syncrétiste sur lesquelles il serait revenu selon S. H. Nasr). Quant à la validité actuelle des autres traditions spirituelles, il y a des paroles ambiguës dans leurs écrits mais dans les faits, ils ont embrassé l’islam et recommandaient à leurs proches ou à leurs correspondants d’en faire de même, ce qui laisse à penser que l’islam était la Tradition par excellence, et supérieure aux autres formes traditionnelles malgré qu’elles possèdent encore quelques vérités, rites opératifs et permettant d’atteindre un degré d’apaisement, mais moindre que l’Islam comme l’affirmait le Shaykh Ahmad al Alawi, et avant cela, Shaykh Ahmad Sirhindi, Dârâ Shikûh, Dârâ Shikûh, Hazrat Maz’har Djânî Djânân contemporain et ami de Shah ad-Dihlawî, et avant cela encore, Ibn ‘Arabî.
Le Shaykh Sidi Ahmad Ibn Mustapha Al Alawî était un grand savant musulman et maître spirituel (sûfi), très attaché à l’exotérisme islamique (Sharî’ah), né en 1869 (à Mostaganem en Algérie) et mort en 1934 (dans la même région). Il est le fondateur de l’un des plus importants mouvements sûfis du 20e siècle, la tarîqa ‘Alawiyya, une branche sunnite de l’ordre Shadhiliyya, remontant à l’imâm Hassân (‘alayhî salâm) ainsi qu’à l’imâm ‘Alî jusqu’au Prophète Muhammad (ﷺ ). Dans l’un de ses ouvrages, où il prend la défense du tasawwuf et répond à l’un de ses adversaires, Ahmad al-‘Alawî explique ainsi la nécessité du maître, tout en présentant l’objectif de la voie sûfie : « L’enseignant lui-même te dirait que ce maître spirituel dont on parle dans le soufisme est celui qui guide vers la connaissance élective de Dieu ; celui dont la fréquentation profite au disciple, qui l’éduque par ses qualités et illumine son intérieur par ses propres lumières ; celui, enfin, qui amène le disciple à Dieu par un simple regard. Ce maître-là sort le disciple des ténèbres de l’associationnisme pour l’amener à la lumière de la foi ; de là, il le conduit vers le secret de la certitude, puis à la contemplation directe ; et de là, il l’amène alors au stade où toute réalité limitative a disparu. À ce moment, Dieu est son ouïe, sa vue, sa main et son pied, conformément aux termes du Sahîh de Boukhârî. C’est une proximité extrême, une station dans laquelle le serviteur disparaît de la proximité dans l’immense proximité : les soufis appellent cela « l’enveloppement », « l’extinction », « l’anéantissement » ou « la disparition », entre autres termes de leur lexique. C’est cela le fruit du soufisme, un fruit dont tu ne sais rien. Lorsqu’on l’a interrogé à ce sujet, l’imam Junayd a ainsi défini le soufisme : « Le soufisme, c’est que Dieu te fasse mourir à toi-même et vivre par Lui » »[9].
Le docteur et médecin français Marcel Carret, – qui était agnostique – suivit le Shaykh Al-Alawî dans les dernières années de sa vie et jusqu’à sa mort. Lors de ses échanges avec le Shaykh Al-Alawî, des discussions fort instructives en découlèrent, et son témoignage constitue une source sûre et neutre, pour connaître l’attitude et les positions du Shaykh à l’égard des autres communautés. Son témoignage a été repris notamment par Martin Lings (un disciple rattaché à cette tariqa) dans son ouvrage dédié au Shaykh Ahmad Al-Alawî[10], et duquel sont tirés les passages qui suivront. Concernant la question de la nature du tasawwuf et des autres doctrines et croyances (non-musulmanes), le docteur Carret rapporte la conversation qu’il a eu à ce sujet avec Ahmad al-‘Alawî. Le docteur lui ayant exposé sa vision des croyances, estimant que « toutes se valent » ; le Shaykh répond ceci : « « Non, toutes ne se valent pas ». – Je me tus, attendant une explication, continue le docteur. Elle vint. « Toutes se valent, reprit-il, si l’on ne considère que l’apaisement. Mais il y a des degrés. Certains s’apaisent avec peu de chose, d’autres sont satisfaits avec la religion, quelques-uns réclament davantage. Il leur faut non seulement l’apaisement, mais la grande paix, celle qui donne la plénitude de l’esprit ». Alors, les religions ? ». Pour ceux-là, les religions ne sont qu’un point de départ ». Il y a donc quelque chose au-dessus des religions ? Au-dessus de la religion, il y a la doctrine [ndt : dans le sens de certitude spirituelle]. J’avais déjà entendu ce mot : la doctrine. Mais lorsque je lui avais demandé ce qu’il entendait par là, il avait refusé de répondre. Timidement, je hasardais de nouveau : Quelle doctrine ? ». « Les moyens d’arriver jusqu’à Dieu » fut sa réponse. Ahmad al-‘Alawî manifestait de l’intérêt pour tous types de sciences et toutes sortes de cultures a priori étrangères à sa propre perspective : à cet égard, l’article d’Augustin Berque (père du grand islamologue Jacques Berque) cité en bibliographie, qui avait bien connu le cheikh et suivi sa production littéraire, est particulièrement probant même s’il contient de nombreuses inexactitudes. S’il était un défenseur intransigeant de la tradition musulmane face à un colonialisme de plus en plus envahissant et assimilationniste, il était également capable d’une ouverture d’esprit peu banale avec ses interlocuteurs étrangers, non seulement chrétiens mais même agnostiques : le témoignage qu’a laissé le docteur Marcel Carret est à ce sujet éloquent, de même que le sont plusieurs passages de ses propres écrits. Le docteur Carret rapporte ceci : Il déclarait que Dieu avait inspiré trois grands prophètes (bien sûr, ce chiffre n’est pas limitatif) : le premier avait été Moïse, le deuxième Jésus et le troisième Mahomet [ndt : Muhammad]. Il en concluait logiquement que la religion musulmane était la meilleure puisqu’elle était basée sur le dernier message de Dieu, mais que la religion juive et la religion chrétienne n’en étaient pas moins des religions révélées.
Sa conception de la religion musulmane était également très large. Il n’en retenait que l’essentiel… Ce que j’appréciais particulièrement en lui était l’absence complète de tout prosélytisme. Il émettait ses idées lorsque je le questionnais, mais paraissait fort peu se soucier que j’en fisse mon profit ou non. Non seulement il ne tenta jamais le moindre essai de conversion, mais pendant fort longtemps il parut totalement indifférent à ce que je pouvais penser en matière de religion.
Toujours au docteur Carret, qui lui avouait être disposé à accepter l’idée d’un Dieu comme « principe indéfinissable de qui tout dépend et qui sans doute donne un sens à l’univers » tout en considérant ce principe « comme hors de notre atteinte et de notre entendement », il répondit : « Il est dommage que vous refusiez de laisser votre esprit s’élever au-dessus de vous-même. Mais quoi que vous disiez et quoi que vous pensiez, vous êtes plus près de Dieu que vous ne croyez » ».
Il est à noter que les plus grands sages appartenant aux autres traditions spirituelles, à partir de l’apparition de l’Islam historique muhammadien, ne renient pas le fait que le Prophète Muhammad soit un Prophète envoyé par Allâh, – sauf parfois extérieurement pour éviter les persécutions dans des milieux fanatiques[11] -, et ont professé un Tawhîd métaphysique, transcendant les croyances et conceptions déviantes répandues au sein des membres de leur communauté religieuse respective.
La question de la validité actuelle des formes traditionnelles autres que l’Islam et autres sujets connexes, sont des questions complexes et subtiles, sur lesquelles partisans et détracteurs divergent, mais les uns et les autres se fondent des versets du Qur’ân. Il ne faudrait donc pas polémiquer là-dessus d’autant plus que la réponse définitive ne peut provenir que pour l’initié doté de dévoilements spirituels et ayant expérimenté les stations spirituelles les plus élevées. Pour le musulman, qu’il prenne connaissance de la doctrine exposée par Abû Hanifa dans son Fiqh al-Akbar, par At-Tahawî dans sa célèbre épitre sur le sujet[12], – même si quelques points secondaires sont à nuancer -, par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ et par le Shaykh Ibrâhîm al-Yaqûbî dans son épître sur le Tawhîd intitulée Al-Farâ’îd al-Hisân[13], qui sont conformes au Qur’ân, à l’intellect et à la position de l’élite des Salafs. Que le musulman prenne conscience que l’excellence réside dans le cœur même et les différents aspects de l’Islam, que le Qur’ân est demeuré préserver par rapport aux autres Révélations, et que des maîtres spirituels authentiques continuent d’en vivifier et d’en transmettre les joyaux et la pureté de l’Islam et de l’héritage prophétique Muhammadien. Du reste, la question de la validité des autres religions ne doit pas être confondue avec celle du Salut post-mortem, où en toute affaire, il revient à Allâh seul de juger en toute équité et en toute sagesse, et de pardonner à qui Il veut.
Quoi que l’on puisse penser sur le sujet (concernant leur orthodoxie), il y a en tout cas, dans leurs oeuvres, une connaissance précieuse dans les fondements métaphysiques des Traditions et une démonstration de la profondeur et de la beauté de l’Islam, un remède face aux poisons actuelles répandues à travers les idéologies modernes et certaines thèses réformistes aussi bien que littéralistes et fanatiques, et leurs œuvres contribuent aussi à cultiver un plus profond respect, – allant de pair avec une meilleure compréhension – des autres communautés et religions, permettant le vivre-ensemble, sans tomber pour autant dans le syncrétisme ou le sentimentalisme (et le relativisme qui l’accompagne généralement) qui opèrent un nivellement par le bas en réduisant la Vérité et les spécificités propres à chaque Tradition, à un vague moralisme ou à des différences insignifiantes dans le fond comme dans la forme. D’autres auteurs, cependant, qui professent un relativisme niais, doivent être lus avec bien plus de précaution. Quoi qu’il en soit, les auteurs susmentionnés explicitement offrent un juste milieu sans pareil pour éclairer les cheminants de notre époque, se situant ainsi entre les exotéristes à la mentalité superficielle voire même sectaire et trop exclusiviste, et entre ceux qui professent un relativisme des plus inefficaces et même des plus dangereux sur le plan spirituel, conduisant parfois même aux dérives des courants new-âge. Quant aux divergences ou positions ambigües sur le plan doctrinal et concernant l’exotérisme, il suffit de ne pas y adhérer en cas de contradiction supposée ou manifeste. Ces auteurs permettent de transcender et de dépasser les clivages des interminables débats exotéristes que se livrent les apologètes musulmans, chrétiens ou juifs, bien que sur le plan exotérique, le collectif Hanifiyyah produit pas mal d’études et de réponses intéressantes, – on leur reprochera simplement leur manque de perspective métaphysique et leur négligence de la littérature du tasawwuf -.
De même, toutes les Révélations et les formes traditionnelles ont pour même origine, le Principe Suprême, et ne sont donc que des adaptations cycliques de la « Tradition primordiale » (Dîn al-Qayyîm en langage islamique). Raison pour laquelle, nous trouvons de nombreux points communs entre toutes les traditions spirituelles « authentiques », en dépit de nombreuses différences de formes et de détails, et ce, sans que l’on doive croire en la croyance des « emprunts » (c’est-à-dire par une succession de plagiats et de bricolages).
Le « ‘ilm al kalâm » à lui seul n’est pas suffisant pour réfuter les attaques et allégations portées contre la Tradition et les formes traditionnelles (religions) ni pour en saisir les dimensions les plus profondes et les plus subtiles, qui en montrent justement la nécessité, la pertinence et leur relation avec le Divin et les niveaux les plus élevés de l’être. Il convient donc d’abandonner le sectarisme et les mises en garde injustifiés ou infondés, tout en indiquant si nécessaire les erreurs (réelles ou supposées, selon le point de vue que l’on adopte) ou positions ambigües dont il faut s’éloigner (ou se méfier) aux lecteurs peu avertis, et sans faire le takfir de ceux qui adhèrent ouvertement à l’Islam, notamment dans ses piliers et ses finalités. Il est ainsi suffisant de mettre en garde les musulmans contre le fait de relativiser toutes les traditions spirituelles, qui consisterait à les mettre toutes sur le même pied d’égalité, mais que l’essentiel de leurs oeuvres sont ailleurs, et sont même magistrales, bien plus salutaires et profondes que les ouvrages que leurs détracteurs recommandent généralement, – même s’ils peuvent être utiles aussi -. Ainsi, des auteurs comme René Guénon, Martin Lings, Seyyed Hossein Nasr, Titus Burckhardt, Ivan Aguéli (Abdul Hadi), Michel Vâlsan, Charles-André Gilis, Roger Dupasquier, Tage Lindbom, Hamza Benaïssa, Reza-Shah Kazemi, Huston Smith, Abd al Wahid Pallavicini, Inès Safi, Daoud Riffi, Tayeb Chouiref, Michel Chodkiewicz, Hamza Abdelhaqq, Maurice Gloton, Jean-Louis Michon, et Frithjof Schuon (bien qu’il s’agisse d’un cas un peu à part)[14] et ceux de la même trempe, sont de grands défenseurs de l’Islam et de la Tradition[15]. Cela n’est pas forcément le cas d’autres personnes se réclamant du « pérénnialisme », et qui professent des positions intellectuelles et doctrinales, ainsi que des attitudes politiques et morales vraiment contraires à l’Islam et même aux autres traditions spirituelles.
Ainsi, hindous, juifs, chrétiens, musulmans, bouddhistes, shintoïstes et autres, peuvent bien s’entendre, – tout en préservant leur identité propre – pour peine qu’ils fassent preuve de droiture, d’ouverture intellectuelle et d’intelligence. Il faut donc se garder du relativisme à outrance et du syncrétisme, tout en s’ouvrant intelligemment à la connaissance approfondie des autres traditions spirituelles, sans les ne mépriser ni les déprécier injustement, et s’efforcer d’incarner les plus nobles vertus, aussi bien dans son attitude intellectuelle que morale.
Ce courant, dans son fondement, a cependant été critiqué aussi par certains universitaires comme Patrick Ringgenberg, dans Diversité et unité des religions chez René Guénon et Frithjof Schuon (éd. L’Harmattan, 2010), mais de façon malhonnête, et comportant ainsi de nombreuses contre-vérités, approximations lacunaires et confusions. Voir à ce sujet, la critique bien documentée de Stanislas Ibranoff[16], ce qui est d’autant plus triste puisque P. Ringgenberg a publié plusieurs ouvrages fort intéressants, si l’on fait abstraction de ses quelques erreurs et parti pris idéologiques.
La question du pérénnialisme a aussi engendré quelques polémiques, notamment celle où certains confondent orthodoxie et possibilité de Salut (sur le plan exotérique), et qui finissent par contredire inconsciemment le Qur’ân, notamment en raison de malentendus sémantiques. Selon le Qur’ân, tous ceux qui ont connaissance du Prophète Muhammad et du Message céleste (sans déformation concernant ses fondements, comme les piliers de l’Islam et de la foi) qu’il apporte, mais qui le renient, ou qui ne veulent pas le suivre, sont des mécréants, synonyme dans le Discours qurânique, de « non-musulmans », et non pas au sens de « non-religieux ». Ensuite, au sein des kafirîn (kuffâr ; mécréants), il y a les mushrikins (associateurs/idolâtres) – en général sans adhésion à une religion à l’origine céleste -, et les Ahl ul Kitâb (Gens/Familles du Livre ; toutes les communautés se rattachant à une religion d’origine céleste/divine), et dans chaque catégorie, le Qur’ân évoque ceux qui sont « droits », « sincères » et « pieux » tout comme ceux qui sont « mécréants » (dans le sens de négation partielle ou totale de leur propre religion), « pervers » et « injustes ». Ainsi, toute personne n’adhérant pas consciemment à l’Islam est « mécréante » dans le sens juridique de « non-musulmane », mais cela n’implique pas forcément qu’elle sera condamnée à l’Enfer.
Allâh dit : « Ceux qui ne croient pas en Allâh et en Ses messagers, et qui veulent faire distinction entre Allâh et Ses messagers et qui disent : « Nous croyons en certains d’entre eux mais ne croyons pas en d’autres”, et qui veulent prendre un chemin intermédiaire (entre la foi et la mécréance), les voilà les vrais mécréants ! Et Nous avons préparé pour les mécréants un châtiment avilissant » (Qur’ân 4, 150 et 151).
« Dis : « ô gens du Livre, pourquoi ne croyez-vous pas aux versets d’Allâh (Qur’ân), alors qu’Allâh est témoin de ce que vous faites ? » » (Qur’ân 3, 98).
« Ce sont, certes, des mécréants ceux qui disent : « En vérité, Allâh c’est le Messie, fils de Marie ». Alors que le Messie a dit : « ô enfants d’Israël, adorez Allâh, mon Seigneur et votre Seigneur ». Quiconque associe à Allâh (d’autres divinités) Allâh lui interdit le Paradis ; et son refuge sera le Feu. Et pour les injustes, pas de secoureurs ! » (Qur’ân 5, 72).
« Ils ont pris leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Christ fils de Marie, comme Seigneurs en dehors d’Allâh, alors qu’on ne leur a commandé que d’adorer un Dieu unique. Pas de divinité à part Lui ! Gloire à Lui ! Il est au-dessus de ce qu’ils [Lui] associent » (Qur’ân 9/Verset 31)
« Les infidèles parmi les gens du Livre, ainsi que les Associateurs, ne cesseront pas de mécroire jusqu’à ce que leur vienne la Preuve évidente » (Qur’ân 98, 1). La « Preuve évidente » peut se comprendre à plusieurs niveaux complémentaires, notamment ici-bas, ceux à qui la « poitrine » s’ouvre à l’Islam et finissent par embrasser la foi musulmane à la suite de certaines « preuves », et dans l’Au-delà, où lors de la mort, la Vérité leur sera manifestée, ainsi que lors du Jugement dernier.
Néanmoins, face aux gens émotifs et trop sensibles sur les termes utilisés, il est préférable d’employer l’expression « non-musulman » pour désigner même une personne faisant partie des Gens du Livre, le terme étant plus neutre et moins « agressif » (en tout cas en français), et le Qur’ân demande aux musulmans de discuter avec eux avec sagesse et courtoisie.
La mécréance et l’injustice, sont dans la perspective islamique, associées au feu (purificateur) de l’Enfer, – lieu de correction sur le plan exotérique et demeure de purification sur le plan ésotérique – car il s’agit là d’une corruption, – et d’une perversion – de l’esprit et de l’âme, qui doit être ainsi purifiée post-mortem (d’où la nécessité de s’efforcer à vivre une purification spirituelle à travers le cheminement ici-bas), car le Paradis est un lieu pur qui n’admet que les âmes purifiées. Néanmoins, ce processus purificateur en Enfer n’est pas perpétuel pour les croyants, et certaines indications traditionnelles se fondant sur le Qur’ân et la Tradition prophétique évoquent aussi une fin de la correction (mais non pas forcément de l’enfer) pour les incroyants ayant rejeté sciemment la foi et l’ayant combattu. Le fait est que combattre la Vérité, ou la rejeter sciemment, revient à se condamner à errer dans l’erreur (renonçant à la vraie vie et se complaisant dans les vaines illusions) ou se soustraire consciemment à la Présence Divine et donc à l’Existentiateur de l’existence et de la demeure céleste. Malgré tout, Allâh nous informe d’une part que Sa Miséricorde embrasse toute chose : « Ma miséricorde embrasse (et englobe) toute chose (wa-rahmatî wasiʿat kulla shay’) » (Qur’ân 7, 156), et d’autre part que même ceux qui ont pu tomber dans la mécréance, pourraient bénéficier de Son Pardon salvateur et purificateur ; sauf s’Il en décide autrement.
Le Qur’ân dit en effet ceci sur la Géhenne : « Ceux qui sont damnés seront dans le Feu où ils ont des soupirs et des sanglots. Pour y demeurer indéfiniment[17] tant que dureront les cieux et la terre – à moins que ton Seigneur décide autrement – car ton Seigneur fait absolument tout ce qu’Il veut. Et quant aux bienheureux, ils seront au Paradis, pour y demeurer indéfiniment tant que dureront les cieux et la terre – à moins que ton Seigneur n’en décide autrement – c’est là un don qui n’est jamais interrompu » (Qur’ân 11, 106-108).
« Vraiment, la Géhenne (l’Enfer) se tiendra en embuscade, lieu de retour pour les transgresseurs (excessifs), séjournant des âges en elle (ahqâban) » (Qur’ân 78, 21-23).
En parlant de gens qui avaient divinisé Jésus (‘alayhî salâm) et sa mère Maryam (‘alayhâ salâm), Allâh dit : « « Ô Jésus (Issâ) le fils de Marie (Maryam) ! Est-ce toi qui as dit aux humains : prenez-moi et ma mère comme deux divinités (idoles) en dehors d’Allâh ? ». Il dit : « Immersion insondable en Toi ! Je ne dis pas ce qui ne m’apparait pas être vérité ! Si je l’avais dit, Tu l’aurais su. Tu sais ce qui est en moi (en mon âme) et je ne sais pas ce qui est en Toi. Vraiment, Toi, l’infiniment Connaisseur des mystères !
Je ne leur ai dit que ce que Tu m’as ordonné à ce sujet : « Adorez Allâh, mon Enseigneur et votre Enseigneur !
Or, je me suis trouvé témoin à leur égard tant que j’ai continué à être parmi eux. Alors, quand Tu m’as rappelé, Tu as été leur Vigile. Toi, Témoin sur toute chose !
Si Tu les corriges (châties), ce sont Tes serviteurs. Et si Tu leur pardonnes, Tu es, en vérité, le Tout-Puissant, le Sage ! ».
Allâh dit : « Voici le Jour où, aux véridiques profite leur véridicité. A eux des Jardins sous lesquels coulent des ruisseaux. Ils y demeurent pour toujours. Allâh est satisfait d’eux et ils sont satisfaits de Lui. Voilà la réussite sans commune mesure ! ».
A Allâh la Royauté des cieux et sur la terre, et ce qui est en eux ! Lui, Puissant sur toute chose » (Qur’ân 5, 116-120). C’est ainsi que la Sûrate 5 se clôture. Il est question ici de ceux qui ont commis le shirk (idolâtrie), et de ceux qui ont été véridiques, Allâh affirme que ceux qui ont commis l’idolâtrie alors qu’ils n’avaient pas d’excuse pourront être corrigés comme être pardonnés, car Allâh est Puissant et Maître de et sur toute chose. Quant aux véridiques, Il leur promet le Paradis et Ses « trésors célestes » sans interruption. Il n’est pas non plus question ici, même dans le cadre d’une correction post-mortem, d’un « temps indéfini » dans la correction.
« Et le jour où Il les rassemblera tous : « Ô communauté des jinns, vous avez trop abusé des humains ». Et leurs alliés parmi les humains diront : « Ô notre Seigneur, nous avons profité les uns des autres, et nous avons atteint le terme que Tu avais fixé pour nous » Il leur dira : « l’Enfer est votre demeure, pour y rester indéfiniment, sauf si Allâh en décide autrement » Vraiment ton Seigneur est Sage et Omniscient » (Qur’ân 6, 128). Les versets qui suivent précisent qu’il s’agit là de jinns et humains injustes qui connaissaient la vérité manifestée par les prophètes, mais qui avaient décidé de ne pas les suivre.
« Et Ma miséricorde embrasse (englobe, dépasse) toute chose » (Qur’ân 7, 156). Le Shaykh al-Akbar Ibn Arabî avait rapporté que : « La dernière chose qu’Iblîs déclara à Sahl fut celle-ci : « Allâh a dit : « Ma Miséricorde embrasse toute chose » (Rahmatî wasi’at kulla shay’in : Cor.7.156), ce qui est une affirmation de portée générale. Or il ne t’échappe que je suis une de ces choses, sans le moindre doute. Le mot « tout » implique l’universalité (de cet énoncé) et le mot « chose » représente ce qu’il y a de plus indéterminé. Sa Miséricorde m’embrasse donc » »[18].
« Ils prétendent : Le feu ne nous touchera qu’un nombre limité de jours. Réponds : Auriez-vous donc passé un pacte avec Allâh ? Or, Allâh ne violera jamais Son pacte ! Ou bien dites-vous d’Allâh ce dont vous n’avez aucune connaissance ? Il n’en est point ainsi, bien au contraire, et celui qui aura commis un mal et que ses fautes cerneront… ceux-là sont les hôtes du Feu et ils y demeureront indéfiniment. Et quant à ceux qui auront cru et œuvré en bien… ceux-là sont les hôtes du Paradis et ils y demeureront indéfiniment » (Qur’ân 2, 80-82).
Le châtiment dans le Qur’ân, laisse suggérer une fin, tandis que le Paradis est vu comme étant un don permanent sans interruption, grâce venant du Divin et étant associé à Sa Rahma (Miséricorde, Amour Rayonnant) qui est « éternelle » et qui « englobe » Sa Rigueur, qui Elle, n’est pas « éternelle » et permanente.
Abû Saïd Al-Khudri rapporte que le Messager d’Allâh ﷺ a dit : « Concernant les gens de l’Enfer qui sont des vrais habitants, ils ne mourront pas et ne vivront pas. Toutefois, pour les gens qui seront châtiés par le feu à cause de leurs péchés, (ou, a-t-il dit : à cause de leurs fautes), Allâh ﷻ les fera mourir ; et quand ils seront devenus charbon et qu’on autorisera qu’on intercède en leur faveur, on les amènera alors par groupes pour les disséminer dans des fleuves du Paradis puis on dira : Ô habitants du Paradis, arrosez-les. Ils pousseront alors comme la graine pousse dans le limon du torrent »[19].
Abû Saïd Al-Khudri rapporte que le Messager d’Allâh ﷺ a dit : « Lorsque Allâh ﷻ sauvera les croyants de l’Enfer et qu’ils seront en sécurité ; la discussion que l’un de vous entreprend en faveur de son compagnon pour récupérer son droit dans ce bas-monde n’est pas plus vive que celles qui seront engagées par les croyants en faveur des autres croyants entrés en Enfer. Il dit : Ils diront Seigneur, ce sont nos frères, (et il a rapporté le sens du hadith) ; « Seigneur, ils jeûnaient avec nous, priaient et accomplissaient le pèlerinage avec nous ». Il leur sera dit : « Retirez ceux que vous reconnaîtrez et leur corps seront protégés du feu de l’Enfer ». Ils retireront alors beaucoup de gens qui auront déjà disparu dans le feu jusqu’à la moitié des jambes, et d’autres jusqu’aux genoux. Puis les croyants diront : « Il n’y reste plus aucun de ceux que tu nous as ordonnés de sortir. Ensuite, Allâh ﷻ dira : « Repartez et celui dans le cœur duquel vous trouverez le poids d’un dinar de bien, retirez-le » ; alors, ils retireront beaucoup de gens, puis, ils (les croyants) diront : « Seigneur, nous n’y avons laissé personne parmi ceux que tu nous as ordonnés de retirer ». Puis Il ﷻ dira « Retournez et celui dans le cœur duquel vous trouverez le poids de la moitié d’un dinar de bien, retirez-le ». Ils retireront un grand nombre de gens puis ils diront « Seigneur, nous n’y avons laissé personne parmi ceux que tu nous as ordonnés de retirer ». Puis Il ﷻ dira : « Retournez et celui dans le cœur duquel vous trouverez le poids d’un atome de bien, retirez-le ». Ils retireront alors un grand nombre de gens puis ils diront : « Seigneur, nous n’y avons laissé personne parmi ceux que tu nous as ordonnés de retirer ». Allâh ﷻ dira alors : « Les Anges ont intercédé, les Prophètes ont intercédé, et les croyants ont intercédé, il ne reste plus que Le Plus Miséricordieux des miséricordieux. Alors, Il ﷻ prendra une poignée de l’Enfer et en fera sortir des gens n’ayant jamais fait de bien, tout calcinés ; Il ﷻ les jettera dans un fleuve aux portes Paradis appelé fleuve de la vie ; ils renaîtront alors comme pousse le grain dans le limon du torrent […] »[20].
Le Messager d’Allâh ﷺ a dit : « Lorsque Allâh eut terminé l’œuvre de la Création, II écrivit sur son Livre, qui se trouve par-devers Lui, au-dessus du Trône : « Certes, Ma miséricorde l’emporte (englobe, dépasse) sur Ma Rigueur ! »[21].
Allâh s’adressait au Prophète Dawûd (alayhi salâm) en lui disant : « Si ceux qui se détournent de Moi savaient comment grande est Ma patience ainsi que Ma douceur envers eux, et Mon envie de les voir abandonner leurs péchés ; leurs membres seraient déchirés par amour pour Moi, et ils auraient donné leurs vies par envie de Me rencontrer. Si tel est Mon « sentiment » (ou : « Mon attitude ») envers ceux qui se détournent de Moi, alors comment sera Mon attitude envers ceux qui viennent vers Moi ! »[22].
Selon une autre variante : « On a rapporté ceci : Allâh (qu’Il soit exalté) a révélé à Dawûd (que la Paix soit sur lui) : « Si ceux qui se détournent de Moi savaient comme Je les attends, comment Je suis attentif à eux et comme Je désire ardemment qu’ils délaissent les péchés, ils mourraient de nostalgie pour Moi et ils se mettraient en morceaux par amour pour Moi. Ô Dawûd ! Si telle est Ma volonté au sujet de ceux qui se détournent de Moi, qu’en est-il alors de ceux qui viennent vers Moi ?! Ô Dawûd ! Le serviteur n’a jamais autant besoin de Moi que lorsqu’il se passe de Moi, et il n’est jamais aussi illustre pour Moi que lorsqu’il revient vers Moi »[23].
Allâh donne des principes généraux qu’il faut respecter, mais les cas individuels Lui seul peut savoir ce qu’il en est, car Lui seul détient toutes les clés et le Commandement Suprême, sachant que certaines créatures auront des circonstances atténuantes, d’autres se sont repentis en secret, etc. En l’absence de certitude absolue (via des textes sacrés catégoriques et bien établis tels que le Qur’ân et les ahadiths mutawatir, ou via un dévoilement spirituel souffrant d’aucune incertitude ou spéculation soumise à interprétation divergente) sur telle ou telle personne, nous ne pouvons pas statuer sur la façon exacte dont Allâh traitera ces personnes.
Quant aux gens du Livre, Allâh rappelle ceci : « Mais ils ne sont pas tous pareils. Il est, parmi les gens du Livre, une communauté droite qui, aux heures de la nuit, récite les versets d’Allâh[24] en se prosternant. Ils croient en Allâh et au Jour dernier, ordonnent le convenable, interdisent le blâmable et concourent aux bonnes œuvres. Ceux-là sont parmi les gens de bien. Et quelque bien qu’ils fassent, il ne leur sera pas dénié. Car Allâh connaît bien les pieux (Muttaqin) » (Qur’ân 3, 113-115).
« Il y a certes, parmi les gens du Livre ceux qui croient en Allâh et en ce qu’on a fait descendre vers vous et en ce qu’on a fait descendre vers eux. Ils sont humbles envers Allâh, et ne vendent point les versets d’Allâh à vil prix. Voilà ceux dont la récompense est auprès de leur Seigneur. En vérité, Allâh est prompt à faire les comptes » (Qur’ân 3, 199).
« S’ils avaient appliqué la Torah et l’Evangile et ce qui est descendu sur eux de la part de leur Seigneur, ils auraient certainement joui de ce qui est au-dessus d’eux et de ce qui est sous leurs pieds. Il y a parmi eux un groupe qui agit avec droiture ; mais pour beaucoup d’entre eux, comme est mauvais ce qu’ils font ! » (Qur’ân 5, 66). L’histoire et l’actualité démontrent la véracité de ce verset, à savoir que parmi les Gens du Livre, beaucoup agirent avec perfidie et injustice, tandis que d’autres faisaient honneur à leur religion, et agirent avec droiture et piété, suscitant ainsi l’admiration et le respect pour leurs actes et leur personnalité.
« Certes, ceux qui ont cru, ceux qui se sont judaïsés, les Nazaréens, et les sabéens, quiconque a cru en Allâh au Jour dernier et agit avec intégrité (droiture et piété, accomplissant de bonnes oeuvres), sera récompensé par son Seigneur ; il n’éprouvera aucune crainte et il ne sera jamais affligé » (Qur’ân 2, 62).
« Ceux qui ont cru, ceux qui se sont judaïsés, les Sabéens, et les Chrétiens, ceux parmi eux qui croient en Allâh, au Jour dernier et qui agissent avec intégrité (droiture et piété, accomplissant de bonnes oeuvres), nulle crainte sur eux, et ils ne seront point affligés » (Qur’ân 5, 69).
Les deux précédents versets font l’objet de divergences. Pour les uns, ils ne concernent que les croyants sincères des autres communautés avant l’avènement de l’Islam muhammadien, tandis que pour les autres, cela peut encore concerner les gens du Livre de notre époque, parmi ceux qui sont sincères et pieux dans leur engagement avec Allâh, et qui ne rejettent pas sciemment l’Islam (le Qur’ân et le Prophète Muhammad) et qui ont encore une certaine conscience du Tawhîd malgré leurs sévères déviances doctrinales et/ou cultuelles. Le contexte des versets et la structure linguistique permettent en effet de donner un certain appui à cette interprétation, wa Allâhu a’lam. D’ailleurs, le verset qui suit (Qur’ân 5, 70) précise : « Nous avons certes conclu l’Alliance avec les enfants d’Israîl et Nous avons envoyé des Messagers jusqu’à eux, Chaque fois qu’un messager est venu à eux, avec ce qu’ils ne désiraient point, ils accusaient certains de mensonge et en tuaient d’autres ».
Mais Allâh précise de toute façon ceci : « Certes, ceux qui ont cru, les Juifs, les Sabéens, les Nazaréens, les Mages (zoroastriens) et ceux qui donnent à Allâh des associés, Allâh tranchera entre eux le jour du Jugement, car Allâh est certes témoin de toute chose » (Qur’ân 22, 17).
« A chacun une orientation vers laquelle il se tourne. Rivalisez donc dans les bonnes œuvres. Où que vous soyez, Allâh vous ramènera tous vers Lui, car Allâh est, certes Omnipotent » (Qur’ân 2, 148).
« Et sur toi (Muhammad) Nous avons fait descendre le Livre avec la vérité, pour confirmer le Livre qui était là avant lui et pour prévaloir sur lui. Juge donc parmi eux d’après ce qu’Allâh a fait descendre. Ne suis pas leurs passions, loin de la vérité qui t’est venue. A chacun de vous Nous avons assigné une législation et un plan à suivre. Si Allâh avait voulu, certes Il aurait fait de vous tous une seule communauté. Mais Il veut vous éprouver en ce qu’Il vous donne. Concurrencez donc dans les bonnes cœvres. C’est vers Allâh qu’est votre retour à tous ; alors Il vous informera de ce en quoi vous divergiez » (Qur’ân 5, 48).
« O humains ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allâh, est le plus pieux. Allâh est certes Omniscient et Grand Connaisseur » (Qur’ân 49, 13).
Au final, c’est Allâh qui tranchera et jugera nos différends, mais il nous est demandé simplement de placer notre confiance en Lui, de L’adorer, d’agir avec droiture et bonté, et d’accomplir les bonnes œuvres. Allâh se chargera du reste, selon Son bon vouloir, en toute sagesse et en toute justice.
De même, avec l’avènement de l’Islam, Allâh autorise aux hommes musulmans d’épouser les femmes musulmanes issues des Gens du Livre : « « Vous sont permises, aujourd’hui, les bonnes nourritures. Vous est permise la nourriture des gens du Livre, et votre propre nourriture leur est permise. (Vous sont permises) les femmes vertueuses d’entre les croyantes (musulmanes), et les femmes vertueuses d’entre les gens qui ont reçu le Livre avant vous, si vous leur donnez leur mahr avec contrat de mariage, non en débauchés ni en preneurs d’amantes. Et quiconque abjure la foi, alors vaine devient son action, et il sera dans l’au-delà, du nombre des perdants » (Qur’ân 5, 5).
Ce verset montre d’une part qu’il peut y avoir une forte proximité entre un musulman et une personne non-musulmane, – ici pour le mariage -, ce qui implique affection, tendresse, courtoisie, bonté et même amour naturel -, et d’autre part, que les Gens du Livre jouissent d’une considération particulière parmi les non-musulmans. De ce verset, il est aussi permis d’en déduire que les épouses non-musulmanes (issues des Gens du Livre) d’hommes musulmans, pourront bénéficier du Pardon Divin, soit par intercession spécifique, soit par privilège pour avoir été les épouses de musulmans ici-bas. En principe, ces femmes-là respectent la religion (islam) de leur mari, et ne combattent pas l’Islam ni ne dénigrent le Prophète Muhammad, – sans quoi un musulman ne pourrait pas épouser ce genre de femme -. Le Qur’ân distingue ainsi, même parmi les Gens du Livre aux croyances perverties ou dégénérées, ceux qui agissent malgré tout avec droiture et qui ne combattent pas l’Islam et les musulmans, de ceux qui combattent et dénigrent Allâh, Ses Messagers et les croyants.
En matière de mariages interreligieux, le Qur’ân dit : « Et ne donnez pas d’épouses aux associateurs tant qu’ils n’auront pas la foi. Certes un esclave croyant vaut mieux qu’un associateur même s’il vous plaît. Ceux-là appellent vers le feu tandis qu’Allâh vers le paradis et le pardon par sa permission » (Qur’ân 2, 221).
« Elles ne sont pas permises pour eux et eux non plus ne sont pas permis pour elles » (Qur’ân 60, 10).
Concernant les idolâtres (hommes ou femmes), les musulman(e)s ne peuvent donc pas les épouser ni avoir de relations sexuelles (parmi les esclaves) au sein d’un cadre légal et juridique, car leur négation du Principe Divin ou de la prophétie véridique constitue une « impureté » doctrinale et donc rituelle sur le plan pratique. C’est donc une interdiction générale du Qur’ân, sauf que dans le verset 5/5, Allâh énonce une exception spécifique concernant les hommes musulmans, pouvant épouser des femmes issues des Gens du Livre, mais Allâh, – n’en déplaisent à certains réformistes -, n’a pas accordé cette permission exceptionnelle aux femmes musulmanes -, pour différentes raisons. Une approche logique, textuelle et cohérente du Qur’ân réfute donc l’approche « réformiste » sur cette question. Leur position est par ailleurs, à court, moyen et long terme, une porte ouverte à l’apostasie, aux dissensions familiales et sociétales, de façon générale[25], – les exceptions étant toujours possibles mais ne permettant pas de décréter une règle générale -.
Pour les Gens du Livre en général, Allâh dit : « Et ne discutez que de la meilleure façon avec les gens du Livre, sauf ceux d’entre eux qui sont injustes. Et dites : « Nous croyons en ce qu’on a fait descendre vers nous et descendre vers vous, tandis que notre Dieu et votre Dieu est le même, et c’est à Lui que nous nous soumettons » (Qur’ân 29, 46).
Et avec les non-musulmans (Gens du Livre ou non), Allâh dit : « Par la sagesse et la bonne exhortation appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Car c’est ton Seigneur qui connaît le mieux celui qui s’égare de Son sentier et c’est Lui qui connaît le mieux ceux qui sont bien guidés » (Qur’ân 16, 125).
[1] Le Taghût (plur. tawagîth) est tout ce qui sort des limites fixées par Allâh. Cela peut donc renvoyer aux actes pervers et injustes, tout comme à l’idolâtrie, à la sorcellerie, à la mécréance, etc.
[2] Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°3443.
[3] Rapporté par al-Bukhari dans Al-Adab Al-Mufrad n°281 selon Ibn ‘Abbâs dans le Livre sur l’excellence morale et dans le caractère, par Ahmad dans son Musnad 5/266 et At-Tabarânî dans son Mu’jam n°7868 selon Abû Umama. Une variante plus courte de Jâbir par Al-Khatib al-Baghdadî dans Târîkh Baghdâd 7/209 et Ibn Al-Najjar dans Dhayl Târîkh Baghdâd 3/5, mais sa chaîne de transmission est ici faible. Une autre variante sous l’autorité de Habib Ibn Abi Thabit, dans un rapport mursal par Ibn Sâ’d dans ses Tabaqât 1/192.
Une autre version voisine a été rapportée aussi selon Ibn Mas’ûd, précisant le sens « qui est facile à vivre et à mettre en pratique », c’est-à-dire qui doit être simple, bien vécue, et se comportant avec indulgence et bonté envers les autres, tout en essayant de faire de son mieux dans les actes d’adoration et les bonnes actions sans tomber dans le rigorisme, le fanatisme, l’extrémisme ou en se causant du tort au point de souffrir inutilement (jusqu’à en délaisser la pratique) ou d’en dégoûter les autres.
[4] Stéphane François, Les paganismes de la Nouvelle Droite (1980-2004), Lille, Science politique – Université du Droit et de la Santé, 2005, p. 119.
[5] René Guénon, Études sur l’hindouisme, Paris, Éditions traditionnelles, 1966, p. 112.
[6] Voir le texte publié dans l’entête du blog : http://esprit-universel.over-blog.com/
[7] A son époque, le terme « islamisme » renvoyait à l’Islam, en tant que Religion, contrairement à son acception contemporaine, où l’islamisme désigne « l’islam politique ».
[8] René Guénon, Aperçus sur l’ésotérisme islamique et le taoïsme, éd. Gallimard, 1973, chap.3 : Et-Tawhid.
[9] Ahmad al-Alawi, Lettre ouverte à ceux qui critiquent le soufisme, Paris, éd. Entrelacs, 2011.
[10] Martin Lings, Un saint soufi du XXe siècle. Le cheikh Ahmad al-‘Alawî, éd. du Seuil, Points, Sagesses, Héritage et testament spirituels, Paris, 1990.
[11] Un peu comme dans les milieux sécularistes où les fanatiques non-religieux persécutent tous ceux qui s’écarteraient des « mythes » du « roman national », de l’idéologie dominante ou de certaines « versions officielles » qui ne tolèrent aucune critique, comme sous les régimes communistes, ultra-nationalistes, ou même dans des pays occidentaux comme la France laïque.
[12] Voir par exemple l’épitre avec le commentaire du Shaykh Corentin Pabiot, La ‘aqida Tahâwiyya – La profession de foi des gens de la Sunna, éd. Maison d’Ennour, 2015.
[13] Traduite en français par le Shaykh Abdallah Penot et A. Di Sanza, La Doctrine de l’Unité, éd. Alif, 1999.
[14] Frithjof Schuon est sans conteste un brillant intellectuel, et son rôle dans la compréhension, – et la réfutation – des idéologies modernes et de la profondeur intellectuelle de la Tradition est immense, ce qui ne l’a cependant pas protégé d’un certain « orgueil » intellectuel ni même de certaines positions « naïves » (notamment à l’égard de Louis Massignon), ni même de certaines déviances doctrinales et rituelles, du moins durant une période qui a suivi son installation aux Etats-Unis. Certains reproches ainsi à Guénon des erreurs commises par Schuon, alors que ce dernier avait contredit les conseils et avertissements de Guénon… Le numéro spécial des Études traditionnelles dans lequel Michel Vâlsan analysait la fonction providentielle de l’œuvre de René Guénon accueillait une autre contribution, beaucoup plus nuancée dans l’éloge, celle de Frithjof Schuon. Cet article, intitulé L’Œuvre, commençait par rappeler le caractère « universel » et surtout « traditionnel » de cette œuvre « en ce sens que les données fondamentales qu’elle transmet sont strictement conformes à l’enseignement des grandes traditions, ou de l’une d’elles quand il s’agit d’une forme particulière » (Études traditionnelles, numéro spécial René Guénon, 1951, p. 256). Néanmoins, il tenait à marquer ses distances avec la position défendue par Michel Vâlsan : « l’unicité » de l’œuvre guénonienne ne saurait être tenue pour « prophétique » (Schuon affirme même qu’il s’agit d’une « supposition exclue que Guénon lui-même a déjà rejetée par avance », dans Études traditionnelles, numéro spécial René Guénon, 1951, p. 260). Il rajouta aussi que : « c’est dans l’énonciation des principes que son génie intellectuel s’exerce avec une maîtrise incontestable ; mais qu’on admette sans réserve tous les exemples et toutes les déductions que l’auteur nous propose au cours de ses nombreux écrits, cela nous paraît être une question d’opinion, voire de foi, d’autant plus que la connaissance des faits dépend de contingences qui ne sauraient intervenir dans la connaissance principielle » (Études traditionnelles, numéro spécial René Guénon, 1951, p. 259). Là où Guénon traitait les choses de façon impersonnelle, avec une rigueur mathématique et intellectuelle dépassionnée, l’approche de Schuon était à la fois intellectuelle et plus humaine, – plus chaleureuse pourrions-nous dire -, avec 3 principaux défauts, l’orgueil intellectuel de l’auteur dans certaines critiques excessives, sa tendance à relativiser ou à justifier presque toutes les doctrines chrétiennes, même celles les plus dégénérées et les moins métaphysiques (bien que certaines doctrines étaient métaphysiques avant de connaitre leurs déviations sur le plan théologique), et sa période où il tomba temporairement dans un mélange des rites appartenant à des formes traditionnelles différentes, ce qui lui conduisit à des confusions psychiques et à des pratiques hétérodoxes et même parfois délirantes. Pour Seyyed Hossein Nasr, Frithjof Schuon « est à la fois métaphysicien, théologien, philosophe […] et logicien », versé « en religion comparée » et en « science de l’homme et de la société, interprète des arts et des civilisations traditionnelles, guide spirituel et critique du monde moderne […] en ses aspects pratiques » et « dans ses dimensions philosophiques et scientifiques » (dans Frithjof Schuon, éd. L’Âge d’Homme, Dossiers H, 2002, p. 173). Puisse le Pardon Divin embrasser toutes les âmes sincères L’ayant constamment recherché !
[15] Parmi les auteurs non-musulmans issus de ce courant, – ou influencés par le pérénnialisme -, dont leurs œuvres présentent aussi un intérêt, – sans pour autant adhérer à tout – pour les musulmans de notre temps, citons Julius Evola, Ananda Kentish Coomaraswamy, Patrick Laude (nous savons qu’il est « proche » de l’Islam, mais pas s’il l’a embrassé), Ghislain Chetan, Toshihiko Izutsu, Elémire Zolla, Mircea Eliade, Jean Servier, Marco Pallis, Léo Schaya, Henri Stéphane, Jean Borella (bien qu’il doive beaucoup à René Guénon, il le critiquera en avançant un certain nombre d’allégations erronées, et après vérification, ce que disait Guénon par rapport à l’ésotérisme chrétien semble plus conforme au Réel selon les observations actuelles que l’on peut en faire en milieu chrétien), Wolfgang Smith, Harry Oldmeadow, James Cutsinger, Pierre-Yves Lenoble, et d’autres. Nombre d’entre eux furent aussi des académiciens, et tout en combinant à la fois des approches historiques, métaphysiques et religieuses, ont établi des ponts entre les différentes communautés religieuses, en les respectant, et en montrant la réalité métaphysique de la Tradition primordiale, notamment par des appuis historiques et anthropologiques. Ils ont également dévoilé et montré les dérives du monde moderne tout comme la Sagesse universelle se trouvant au cœur des différentes formes traditionnelles.
[16] Stanislas Ibranoff, « Étude critique du livre : Diversité et unité des religions chez René Guénon et Frithjof Schuon par Patrick Ringgenberg », Cahiers de l’Unité, n° 1, janvier-février-mars, 2016 : https://www.cahiersdelunite.com/diversite-unite-religions-ringgenberg
[17] Ce terme est parfois traduit en français par « perpétuellement » ou « éternellement », mais à tort selon nous. Le terme « khalidîn » en arabe exprime une échelle temporaire indéfinie, c’est-à-dire ayant une limite mais qui dépasse la « mesure » humaine, limite qu’Allâh seul connait. Voir aussi les commentaires de l’exégète Fakhr ud-Dîn Râzî dans son Tafsîr.
[18] Michel Chodkiewicz, Un Océan sans rivage. Ibn ‘Arabî, le Livre et la Loi, Seuil, 1992, chap.2, pp.63-64.
[19] Hadîth rapporté par Muslim dans son Sahîh.
[20] Hadîth rapporté par Muslim dans son Sahîh et Ahmad dans son Musnad.
[21] Rapporté par Muslim dans son Sahîh.
[22] Hadîth rapporté par Al-Abshihî dans Al mustatraf.
[23] Hadîth rapporté par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ (dans le livre de l’Amour) ; en français Le livre de l’Amour, éd. Albouraq, pp. 118-119 ; Ibn Qudâma dans Mukhtasar Minhâj al-Qâsidin Ibn Al Jawzî dans Minhâj al Qâsidîn.
[24] Les versets d’Allâh descendus dans les autres Révélations (antérieures au Qur’ân).
[25] Les femmes étant notre honneur, et comme nous devons vouloir le meilleur pour elles et assurer que leurs époux respectent les règles islamiques, l’éthique, et les conduisent à la Proximité Divine par les meilleures doctrines et les plus bonnes œuvres, la règle générale est que les maris non-musulmans seront donc un obstacle entre elles et la Satisfaction Divine, voire même les pousseraient à abandonner l’Islam, au fur et à mesure, par les pressions ou suggestions familiales, conjugales, sociales, culturelles, etc., en plus de les éloigner progressivement de la communauté musulmane et de leurs enjeux et affaires. De plus, cela peut être un risque pour les hommes musulmans célibataires qui ne trouveraient plus de femmes musulmanes pour se marier. A cela se rajoute encore d’autres raisons diverses.