Comment se situer par rapport aux avis déconcertants que l’on peut trouver dans le « fiqh » (droit élaboré par des juristes musulmans) ?

Dans les débats qui opposent les musulmans entre eux, ou qui opposent les musulmans aux non-musulmans (les non-musulmans divergent aussi beaucoup entre eux), ce qui « choque » les consciences, est rarement la dimension théologique de l’Islam, ni même la spiritualité ou l’éthique en Islâm (sauf pour les dégénérés de notre époque, où secourir les opprimés, se vêtir et se comporter de façon pudique, aider des veuves, etc. peuvent susciter la méfiance, l’agression, la diabolisation voire même le lynchage, l’emprisonnement et le meurtre, y compris dans des pays occidentaux comme les Etats-Unis, la France, la Belgique, l’Allemagne, …), mais bien le « droit » musulman, basé entre autres sur des histoires inventées ou déformées rapportées par d’anciens chroniqueurs. Or, le droit doit toujours être abordé de façon sérieuse et cohérente, aussi bien du point de vue logique et sociologique que sous l’angle des Textes du Qur’ân et de la Sunnah purifiée, ainsi que sans procéder aux anachronismes, surtout quand on ne connait pas (ou pas bien) les conditions spécifiques propres à certaines régions ou à des époques lointaines. C’est aussi une dimension de l’Islâm où les juristes ont beaucoup divergé, et où le changement et les modifications peuvent y être parfaitement intégrés, de sorte qu’une fatwa est par essence temporelle, – en dehors des grandes obligations et interdictions d’ordres universel et immuable -, et ne saurait donc être transposée telle quelle à d’autres époques, régions ou catégories de personnes, puisque la fatwa s’inscrit dans un cadre spatio-temporel avec ses conditions et modalités spécifiques, dans un cadre restreint, qui ne concerne donc pas tout le monde, et où certaines données peuvent varier, et donc amener à changer aussi la fatwa.

Il convient aussi de ne pas mentir aux gens lorsqu’ils s’intéressent à l’Islam. Car d’une part certains laissent croire que tous les juristes sont unanimes sur tous les sujets, et d’autre part, on leur dit, – à juste titre -, que l’Islam est fondé sur la justice et l’équité, mais certains juristes continuent pourtant de défendre des avis injustes et inéquitables qui bafouent les finalités religieuses et l’éthique islamique. A cause de cette vision idéalisée et enjolivée, quand des personnes peu avisées et immatures (intellectuellement) tombent sur certains livres de fiqh (qu’ils soient sunnites, shiites, mu’tazilites ou autres, les différents avis incriminés existent généralement dans les différents courants, – avec quelques nuances minimes ou alors avec une importance moindre dans certains courants – bien que beaucoup de personnes l’ignorent car ils n’étudient parfois pas en détail leur propre corpus juridique), – réservés parfois qu’aux savants entre eux et non pas aux gens de la masse -, ils tombent dans la dissonance cognitive, l’incompréhension, le dégoût et parfois même dans l’apostasie ou le coranisme.

Marier un garçon ou une fille sans leur consentement, faire des attouchements sexuels sans pénétration avec des filles pré-pubères, etc., ce sont des avis qui existent chez certains juristes, en raison des moeurs répandues dans toutes les civilisations, – ainsi que dans le monde moderne en Occident – ,  pour autant, ces avis ne sont pas fondés sur l’Islam, et contredisent même l’éthique islamique. Le mauvais traitement à l’égard des esclaves, la permission d’utiliser une fille pré-pubère pour évacuer le sperme en période de jeûne pour éviter de commettre la masturbation par soi-même. Chez de nombreux shiites, le mariage temporaire (le fait que l’homme et la femme décident, à l’avance, qu’il y aura un divorce à la fin du terme fixé, – cela peut être un terme fixé à 5 minutes, 3 heures, 5 jours, 6 mois, 5 ans ou plus -) est autorisé et même parfois recommandé, alors que le Qur’ân ne légitime pas cette pratique, et que le Prophète et ses compagnons (dont ‘Alî et ‘Umar ; pour le hadîth prophétique relaté par ‘Alî sur l’interdiction du mariage temporaire, voir Al-Bukharî dans son Sahîh n°4216 et Muslim dans son Sahîh n°1407) ont abrogé (et donc interdit) cette pratique (qui existait à l’époque), interdiction approuvée par le quasi-consensus des savants sunnites. Chose étonnante cependant, car les sunnites qui interdisent cette pratique se basent sur des arguments pertinents (textuels, juridiques et éthiques), mais à côté de cela, autorisent (pour certains savants sunnites), un autre type de mariage, encore plus blâmable d’un certain point de vue. Ils autorisent par exemple un homme qui irait étudier à l’étranger pour quelques temps avec l’intention de repartir après cette période, de se marier avec l’intention de divorcer après un terme fixé par lui seul, sans en informer son « épouse » temporaire, l’abandonnant contre son gré, ce qui est encore pire que le mariage temporaire (mut’ah), puisque, au moins dans le mariage temporaire, l’épouse et l’époux sont conscients et d’accord sur le terme fixé et les conditions convenues entre les deux partis. Certains juristes ont dit que cette pratique était licite du point de vue du droit, mais que cela constituait toutefois un péché. Or, le « fiqh prophétique » a toujours été d’intégrer l’éthique et le degré spirituel de chaque individu dans la dimension juridique, pour éviter justement ce genre de problématiques et de dérives. Le Qur’ân n’autorise pas cette pratique, le Prophète l’a même interdit et a indiqué que ceux qui agissaient ainsi étaient de mauvais musulmans, et donc le caractère d’une telle pratique est blâmable. Le Qur’ân dit « Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers (vos) père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les domestiques sous votre responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36). Le verset indique un ordre et un impératif, c’est-à-dire que le musulman doit être bienfaisant à l’égard de ses proches (ainsi que des voisins proches et lointains, des nécessiteux, des visiteurs et voyageurs, des orphelins et domestiques), cela inclut l’équité, la bonté, la sagesse, la compassion, la volonté de vouloir leur bien et de leur rendre service si possible. La portée générale n’est pas restreinte ici qurâniquement, donc cela s’applique aussi bien aux musulmans qu’aux non-musulmans, et ce verset oppose également la bonté, – qui s’accompagne d’humilité et de douceur -, à l’arrogance (qui s’accompagne souvent d’injustice et d’agressivité). Cela exclut donc l’injustice, l’hypocrisie, la trahison, la maltraitance et l’humiliation. De même, dans la Tradition prophétique nous trouvons : « Ne frappez pas vos femmes » (Hadîth rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh, dans un autre hadith : « Ne frappez pas les adoratrices d’Allâh », c’est-à-dire les femmes), « Les meilleurs (les bons musulmans) parmi vous ne battent pas, n’insultent pas et n’abandonnent pas les femmes » (Hadîth rapporté par Abû Dawûd, chapitre du ‘’nikâh’’ n°1840), « Les meilleurs (les bons musulmans) des hommes ne frappent pas leur femme » (Hadîth rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân), « Soyez gentils (bienfaisants) envers vos femmes » (hadîth rapporté par Al-Bukharî et Muslim), etc. Al-Bukharî relate également dans son Sahîh, sous l’autorité de ‘Aîsha, que le Prophète n’avait jamais frappé l’une de ses épouses ou des personnes à son service, et cela constitue la Sunnah, et donc la voie à suivre. Muslim rapporte également ce hadîth prophétique dans son Sahîh : « Quiconque gifle son/sa domestique ou le/la frappe son expiation sera de l’affranchir ». Or, dans le fiqh et le bon sens, quand Allâh interdit une chose en mentionnant un cas précis, tout ce qui est plus grave ou plus intense que le cas mentionné, est d’autant plus interdit encore. Si donc, une simple gifle (même légère) est interdit, ce qui est pire qu’une gifle (maltraitance, infliger des blessures, paroles humiliantes, agression physique, viol, torture, etc.) est plus interdit et grave encore, n’en déplaisent à certains juristes qui ont voulu refuser les droits islamiques à certains esclaves ou domestiques, en plus du fait de leur avoir rendu difficile les conditions de l’affranchissement, là où le Qur’ân et la Sunnah leur avait facilité l’affranchissement en même temps que le respect de leurs droits (liberté de conscience et de culte, éducation, logement, alimentation, métiers décents, soins, respect et bonté à leur égard, etc.).

Certains pourraient nous rétorquer : « Mais qui êtes-vous pour dire que ces savants-là se sont trompés ? ».

Nous leur répondrons alors ceci : « Leurs avis ne sont soutenus ni par le Qur’ân, ni par la Sunnah, ni par le consensus des compagnons et des savants après eux. Leurs avis ne sont pas fiables sur le plan de la certitude et ne constituent pas non plus des choses rendues obligatoires ou recommandées par la Religion. De plus, ces savants là ont été contredit par d’autres éminents savants. Celui qui a étudié le Qur’ân, la Sunnah, la logique, qui a mis en pratique l’éthique islamique et qui a l’occasion de comparer les arguments avancés par chaque parti, a le devoir, – pour agir conformément à l’injonction Divine de suivre les preuves quand il y a accès et quand il est doté d’une certaine intelligence et d’une érudition afin d’atteindre la piété et de rester dans la justice exigée par Allâh -, quand bien même il pourrait se tromper tout comme peuvent se tromper les mujtaihidîns -, d’agir conformément à l’éthique islamique et donc de suivre son « cœur » lorsqu’il est confronté à plusieurs possibilités, mais à condition qu’il soit en mesure de comparer les différents avis et arguments, et qu’il souhaite atteindre la justice et la piété, car sinon, il ne suivrait plus sa fitra et la pureté de son « cœur », mais uniquement ses passions ».

Car en effet, comme l’a dit le Prophète : « Demande la fatwa à ton cœur, demande la fatwa à ton âme. Le bien est ce à propos de quoi l’âme se tranquillise et le cœur se tranquillise. Le péché est ce qui se trame dans l’âme et qui va et vient dans le cœur, même si on te donne des fatwas sur le sujet » (le premier cas évoqué, ce hadîth a été rapporté et commenté notamment par An-Nawawî dans son Riyad As-Salihîn, As-Shâtibî dans son Al-I’tisâm 2/153 à 159, par Mullâ Alî al-Qârî dans Mirqâtul mafâtîh 6/45) tout comme il a mis en garde contre le suivi de la passion et de l’opinion personnelle qui n’est basée sur aucun argument solide : « Celui qui dit au sujet du Qur’ân une parole basée sur son opinion et voit juste se trompe » (hadîth rapporté par par Abû Dâwûd, At-Tirmidhî qui le jugea gharîb/singulier et An-Nasâ’î, mais la chaine n’est pas totalement authentique car l’un des transmetteurs, Suhayl Ibn Abî Hazm Al-Qatî`î fut récusé, comme le rapporte par exemple le Shaykh Muhammad Abû Shahbah dans son ouvrage Al-Isrâ’îliyyât wal-mawdû`ât fî Kutub At-Tafsîr, 4ème édition, Le Caire, 1988, pp. 78-81). Ce hadîth a été commenté par certains comme le fait que la personne préfère mettre son opinion en laissant le Qur’ân au second plan, et il aura alors donné préférence à ses passions plutôt qu’aux preuves qûraniques explicites (voir notamment l’ouvrage déjà cité du Shaykh Muhammad Abû Shahbah). Ibn Kathîr dit dans son exégèse : « Ces traditions authentiques et similaires venant des grandes figures du salaf traduisent leur gêne de hasarder en matière de tafsîr ce dont ils n’avaient pas une connaissance [certaine]. Mais nulle rigueur ne peut être tenue à celui qui s’exprime en se basant sur des connaissances linguistiques et juridiques » (Tafsîr Ibn Kathîr et Al-Baghawî, 1/12).

Des ahadiths prophétiques (rapportées et commentées notamment par l’imâm An-Nawawî dans son ouvrage où il compila 40 ahadîths) nous enseignent la marche à suivre : « Les choses licites sont bien évidentes et les choses illicites sont bien évidentes. Entre les deux, il y a des choses équivoques(douteuses) que beaucoup de gens ignorent. Ainsi quiconque se met à l’abri des choses équivoques (douteuses, pas claires), préserve sa religion et son honneur. Et quiconque s’est laissé tomber dans les choses équivoques tombera dans les choses illicites, comme le berger qui fait paître son troupeau autour d’un enclos réservé, risquant à tout moment de l’empiéter. Or, chaque souverain a un domaine réservé : celui de Dieu est l’ensemble de Ses interdits. N’est-ce pas qu’il y a dans le corps humain un morceau de chair –mudgha- qui, s’il est bon (sain et pure), tout le corps le sera et s’il est corrompu, tout le corps le sera ? Eh bien, il s’agit du coeur » (hadîth rapporté par Al-Bukharî et Muslim dans leur Sahîh).

« Renonce à ce qui t’inspire du doute pour ce qui t’en inspire pas » (Hadîth rapporté par at-Tirmidhî dans ses Sunân n°2518, An-Nasâ’î dans ses Sunân 8/327,328, et at-Tirmidhî a dit : « Hadîth hasan sahîh »), qui signifie qu’il faut délaisser ce qui provoque le doute en nous-même, pour ce qui ne provoque ni le doute ni la gêne (du point de vue de l’éthique).

« La Piété consiste en la haute moralité, le mal est ce qui met ton âme dans l’embarras et qu’il te répugne que les gens le découvrent en toi ». (Hadîth rapporté par Muslim dans son Sahîh 4/1980 et n°2553).

« Wâbisa ibn Ma’abad – qu’Allâh l’agrée – rapporte : « Je me rendis auprès de l’Envoyé d’Allâh et il me dit :
– Tu es venu me poser des questions sur la piété (le bien) (al-birr).

– Certes, dis-je.>

– Interroge ton cœur, dit-il : la piété (le bien) est toute chose dans laquelle l’âme et le cœur trouvent leur quiétude. Le mal est ce qui tourmente ta conscience et met ton cœur dans l’hésitation, quoique les gens te donnent un avis contraire (aftâka) et insistent dessus plusieurs fois » (Hadîth rapporté par Ahmad dans son Musnad 4/228, As-Suyûti dans adh-dhurr al manthûr 2/2551 et par d’autres).

Ces ahadîths parlent donc du cas suivant : pour les questions juridiques, théologiques ou autres, où les débats ne sont pas tranchés, qui se trouvent donc « en dehors » des principes théologiques, des obligations religieuses reconnues et notoires et des interdictions explicites qui font l’unanimité, alors le musulman, en cas de doute et de divergence, doit suivre l’avis qui respecte la Sacralité du Qur’ân et la noblesse morale du Prophète, qui se conforme à l’éthique islamique, qui tend vers la piété, qui se conforme à la justice islamique, et qui ne cause donc pas de tort à soi-même ni à autrui (conformément au Qur’ân et à la Tradition prophétique). Parmi les versets qurâniques : « Entraidez-vous dans l’accomplissement des bonnes œuvres et de la piété et ne vous entraidez pas dans le péché et la transgression » (Qur’ân 5, 2), « ordonne le convenable, leur défend le blâmable, leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises, et leur ôte le fardeau et les jougs qui étaient sur eux » (Qur’ân 7, 157), « Certes, Allâh commande l’équité, la bienfaisance (ihsan) et l’assistance aux proches. Et Il interdit la turpitude, l’acte répréhensible et la rébellion/tyrannie. Il vous exhorte afin que vous vous souveniez » (Qur’ân 16, 90), « Certes, Allâh est avec ceux qui L’ont craint avec piété et ceux qui sont bienfaisants » (Qur’ân 16, 128)

Et parmi les ahadiths, mentionnons : « Délaisse ce qui provoque en toi le doute pour ce qui ne suscite en toi aucun doute car la sincérité est quiétude et le mensonge est suspect » (An-Nasâ’î et At-Tirmidhî qui rapporte la dernière partie), « Nul préjudice (nulle nuisance) à soi-même et nul préjudice à autrui » (Ahmad, Al-Bayhaqî, Mâlik et d’autres) et « veuillez le bien aux autres » (al-Bukharî, Ibn Hibbân et d’autres),

Certains avis choquants ne sont pas considérés comme étant l’avis prépondérant/retenu du mahdhab (école juridique, donc là aussi, ils peuvent être relativisés ou rejetés.

Ensuite, certains avis, même mashhur, ne possèdent aucun argument du Qur’ân et de la Sunnah, et contredisent l’éthique islamique. Ils ne doivent pas être pris en compte pour celui qui aspire à plaire à Son Seigneur et à agir conformément à la Tradition prophétique. L’éthique islamique est claire, universelle et générale (justice, équité, bonté, humilité, générosité, gentillesse, etc.) faisant partie de la foi, prime sur les avis juridiques qui ne concernent ni une obligation ni ou une recommandation.

Les avis juridiques élaborés par les êtres humains sont faillibles, sont souvent mélangés et liés aux moeurs culturelles, à l’influence politique de la région, et sont légitimés par certains outils juridiques (souvent pertinents) mais qui ne s’appuient pas sur des textes islamiques (Qur’ân, Sunnah) ou qui ignorent certains versets ou ahadiths dans leurs analyses, puis ce type d’avis se répand à travers les disciples et ainsi de suite, et n’est donc pas toujours remis en question. Certains juristes se sont emprisonnés eux-mêmes dans leur école, – refusant d’y sortir pour rester fidèle aux règles imposées par l’école, allant même parfois jusqu’à refuser de se fonder sur des éléments textuels authentiques ou fiables, et préférant se baser soit sur des récits faibles ou apocryphes (attribués à tort au Prophète et/ou à des compagnons ou leurs disciples) afin de ne pas contredire leurs maîtres/savants des générations antérieures. Or, même s’ils peuvent en effet avoir raison selon les règles élaborées par leur école, – en démontrant une grande sophistication et maîtrise dans les outils et règles propres à leur école -, cela ne veut pas dire qu’ils ont forcément raison du point de vue de la vérité (islamique et universelle), d’autant plus que d’autres juristes tiennent des avis contraires aux leurs. Toutefois, en cas d’erreur, ils seront pardonnés s’ils étaient sincères. Néanmoins, un avis (singulier ou non), impliquant une hérésie doctrinale avérée, une contradiction manifeste avec une pratique bien établie et répandue, ou une injustice/nuisance sur une personne, un être vivant ou la nature, sans aucune justification valable, ne doit pas être toléré sur le plan pratique, car le musulman doit se désavouer du mal et le condamner autant que possible.

Il faut savoir que tous les avis choquants et difficilement conciliables avec les principes islamiques ne font pas l’objet d’un réel consensus. Par conséquent, ils peuvent être relativisés, nuancés ou rejetés en cas de lacunes ou de contradictions avérées avec la Parole Divine (après une étude approfondie de la problématique) ou de la Sunnah purifiée.

Ensuite, si certains avis, même mashhur (l’avis retenu par l’école selon les autorités juridiques de l’école en question), ne possèdent aucun argument du Qur’ân et de la Sunnah, et contredisent l’éthique islamique et les finalités (maqâsîd ; bien que dans leur vision des choses, tous pensent ne pas contredire les finalités de la Religion, vu qu’ils tiennent des avis opposés à ceux des autres savants et que leurs avis sont contredits par la Révélation, la Sunnah authentique, la pratique de plusieurs sahaba parmi l’élite et par la bonne compréhension des finalités religieuses, leurs prétentions reposent donc sur des erreurs). Ils ne doivent pas être pris en compte pour celui qui aspire à plaire à Son Seigneur et à agir conformément à la Tradition prophétique. L’éthique islamique est claire, universelle et générale (justice, équité, bonté, humilité, générosité, gentillesse, douceur, etc.) faisant partie de la foi, prime sur les avis juridiques qui ne concernent ni une obligation ni ou une recommandation. L’éthique islamique est fondée à la fois sur les notions et définitions textuelles de la Révélation et leur explicitation dans la pratique prophétique, aussi bien que sur l’intellect, de sorte que l’éthique islamique est compréhensible et accessible par et pour tout le monde, – aux gens de la masse comme aux plus érudits -.

Les avis juridiques élaborés par les êtres humains sont faillibles, sont souvent mélangés et liés aux moeurs culturelles, à l’influence politique de la région, et sont légitimés par certains outils juridiques (souvent pertinents) mais qui ne s’appuient pas sur des textes islamiques (Qur’ân, Sunnah) ou qui ignorent certains versets ou ahadiths dans leurs analyses, puis ce type d’avis se répand à travers les disciples et ainsi de suite, et n’est donc pas toujours remis en question.

Si le musulman doit bien suivre une école juridique par précaution et facilité, – surtout concernant les actes d’adoration et le vivre-ensemble dans les grandes lignes -, il n’est pas cependant tenu de suivre aveuglément des avis qui contredisent l’éthique islamique ou qui choquent la conscience en plus de ne pas posséder d’arguments pertinents, et qui ne relèvent de toute façon pas d’une obligation religieuse. Agir de façon hypocrite et contradictoire dans le cas où la personne voudrait se conformer totalement aux positions d’un même savant ou à toutes les positions d’une même école même dans des cas précis sur des sujets secondaires liés à l’éthique et impliquant un dégoût ou une nuisance certaine (où le malaise est objectivement réel en raison d’une chose malsaine dans la pratique en question), n’est pas ce qui est demandé en Islam, car d’une part l’âme doit être apaisée et doit recherchée la piété et la justice, et d’autre part, cela peut entrainer une sorte de schizophrénie, d’hypocrisie ou de dégoût et de frustration qui s’accumulent au fur et à mesure jusqu’à imploser et causer différents dégâts ainsi que l’apostasie comme on peut le voir à notre époque.

Il est facile d’être perplexe et déboussolé, quand on lit de la part de certains grands savants, – nous ayant habitué à des traités magnifiques sur l’éthique, la théologie, le droit, la médecine, la littérature, etc. -, quelques avis (soit proposés, soit défendus, soit relatés par d’autres) choquants et inadmissibles du point de vue de l’éthique islamique. La bonne attitude à adopter en pareil cas, est de savoir que ces avis-là (problématiques) sont minoritaires dans leurs ouvrages, et qu’une personne doit avant tout être définie par ce qui prédomine en elle (le bien par exemple), car nul n’est infaillible après le Messager d’Allâh concernant le fiqh et même la théologie sur les subtilités et points doctrinaires secondaires. Pouvant se tromper, nous devons invoquer pour eux le Pardon Divin et ne pas les maudire ou les mépriser en raison de ces avis, qui faisaient parfois partie du paysage socioculturel de l’époque (aussi bien en Occident qu’en Orient). D’autre part, même s’ils considéraient ces avis comme n’étaient pas strictement illicites, ils ont parfois souligné son caractère détestable (fortement déconseillé ou légèrement déconseillé) et ont précisé que l’éthique islamique ne soutenait pas ces avis. D’autres ont défendu ces avis mais sans inciter les gens à les mettre en pratique, ni ne l’ont pratiqué eux-mêmes. D’autres encore ont tout simplement revu leurs avis lorsqu’ils ont vécu dans une autre région ou qu’ils ont eu accès à d’autres textes religieux ou outils juridiques.

Encore une fois, on constate que le fiqh sans éthique, sans spiritualité (pour s’éloigner des vices et se rapprocher de la Satisfaction et de la Proximité d’Allâh) et sans bonne doctrine (pour vraiment connaitre Allâh), peut justifier presque tout chez des gens malveillants ou des gens suivant leurs passions. Celui qui ne cherche pas à bien éduquer son âme causera souvent des problèmes, peu importe l’idéologie, la religion ou le courant religieux auquel cette personne prétendra se rattacher.

Si l’on n’envisage pas la Religion dans sa dimension éthique, – dont la justice et la bonté -, alors c’est n’y avoir rien compris. Souvenons-nous de cette importante parole prophétique : « J’ai été envoyé (également) pour parfaire la noblesse du comportement » (Hadîth rapporté par Al-Bukhârî dans Al-adab Al-mufrad n°273, par Ahmad Ibn Hanbal dans le Musnad 2/381, par Mâlik dans son Al Muwattâ’ et d’autres).

« Le Messager d’Allâh n’était ni grossier et ne proférait jamais des propos immoraux. Et il disait : « les meilleurs d’entre vous sont ceux qui jouissent d’un bon caractère » » (Hadîth rapporté par al-Bukharî et Muslim dans leur Sahîh). Or, combien sont les musulmans qui étudient le fiqh, – parfois même des spécialistes (et qui se trompent malgré tout) ! -, mais qui n’ont pas un bon comportement, qui sont orgueilleux, sectaires, malhonnêtes, rudes, méprisants, malveillants, avares, et qui sont donc très loin de la bonté, de la bienveillance, de l’humilité et de la gentillesse qui caractérisaient le Prophète, que ce soit avec les femmes (veuves ou non), les enfants (orphelins ou non), les non-musulmans, les non-arabes, les voisins, les musulmans pécheurs, etc.

Mais au final, ces avis problématiques n’engagent en rien l’Islam, et ne constituent même pas 5% du patrimoine juridique du monde musulman (comportant des millions de fatawa sur un nombre incroyable de sujets, des plus importants aux plus insignifiants et anodins, – parfois même avec un certain ridicule), et ces 5% peuvent même être contestés et abandonnés du point de vue islamique. On ne saurait donc disqualifier l’ensemble du fiqh (qui est nécessaire en soi, surtout dès que des humains forment un groupe et doivent donc vivre en société) ni des juristes, ni même des juristes qui ont pu tenir quelques avis erronés ou problématiques. Le patrimoine juridique incluant forcément le facteur humain, et le monde musulman étant composé d’être humains, on trouvera donc le meilleur comme le pire, l’acceptable et l’inacceptable, l’utile et l’inutile, le bénéfique et le nuisible, le louable et le blâmable. On ne saurait donc associer l’Islam à ces avis problématiques qui ne lui sont nullement intrinsèques, ni même réduire le fiqh en soi à ces quelques éléments discutables.

La sincérité, la rigueur intellectuelle, l’ouverture d’esprit, l’humilité, la recherche incessante de la Vérité, la réalisation de la piété, l’acquisition de la sagesse et le désir d’agir toujours avec justice, sont les éléments évoqués par le Qur’ân et la Tradition prophétique pour le cheminement spirituel que doit emprunter le musulman sincère et vertueux dans sa quête du savoir tout comme dans sa pratique.


Be the first to comment “Comment se situer par rapport aux avis déconcertants que l’on peut trouver dans le « fiqh » (droit élaboré par des juristes musulmans) ?”