Sociétés traditionnelles et sociétés modernes : Hiérarchie contre égalitarisme

Dans les sociétés traditionnelles, qu’il ne s’agit pas d’idéaliser, les principes métaphysiques et l’amour des vertus (justice, équité, bienfaisance, bonté, générosité, sévérité contre les injustes, sagesse, humilité, compassion, …) fournissent un cadre social efficient et saint, tant que la société reconnait plus ou moins leurs nécessités et en constituent l’idéal civilisationnel, malgré l’existence, toujours possible, d’abus ou de dérives en raison des faiblesses humaines. Et c’est ce qu’écrivait René Guénon, qui n’idéalisait pas les sociétés traditionnelles dans leurs dimensions humaines (avec leurs faiblesses et leurs limites), puisqu’il admettait fort bien l’existence de déviances et d’un certain degré d’injustice, mais c’est surtout au niveau des principes qu’il s’exprimait et situait la supériorité des sociétés traditionnelles, c’est-à-dire celles qui reposaient sur les principes métaphysiques, et donc la Transcendance et le Sacré, et leurs applications sur les plans social, moral, politique et spirituel.

Les sociétés traditionnelles reposent sur des principes métaphysiques vrais et justes, mais le mal y est accidentel, s’inscrivant contre l’Ordre Divin. Or, dans les sociétés modernes, qui reposent sur des illusions et des erreurs parfois profondément grossières, c’est le bien qui devient accidentel, tandis que le mal y est prédominant (avarice, meurtre, guerres sales et illégitimes, renforcement de l’ego, mécréance, tyrannie sans contrôle et sans limite, vices divers, etc.) et qui est légitimé en quelque sorte par le nihilisme et le relativisme ambiants.

« Parce qu’ils vivent dans le temps, conscients de leur mortalité, les humains ont besoin de sentir que leur existence est dotée de sens. Pendant la majeure partie de l’Histoire humaine, ce sens leur venait de la certitude d’occuper dans le monde la place qui leur revenait. Une hiérarchie n’est pas forcément humiliante ; si tous les membres d’une société (…) y trouvent leur compte. Dans les sociétés de chasseurs-collecteurs, les femmes s’occupent de la cueillette, de la cuisine et des enfants ; les hommes sont chasseurs, soldats et prêtres (…) Mais, semant la zizanie dans toutes ces évidences, un jour débarqua le Malin » (Nancy Huston, Reflets dans un œil d’homme, éd. Babel/Actes Sud, 2012).

On a nous a donné ainsi la haine et le mépris pour toute hiérarchie, alors qu’elle existe partout dans la nature et même dans la société depuis la nuit des temps : enfants/parents, employés/employeurs, gouvernés/gouverneurs, patients/médecins, accusés/juges, criminels/policiers, etc. Et même sur le plan de la diversité et de la complémentarité, il faut une certaine diversification possédant une complémentarité, afin de trouver un juste équilibre : homme/femme, guerrier/commerçant/paysan/érudit/sage, etc.

Tout le monde n’est pas apte à exercer n’importe quelle fonction, ni n’est animé par les mêmes aspirations ou préférences, ni n’est doté des mêmes vertus. Sans cela, pas de stabilité ni d’ordre possible.

Et la hiérarchie n’implique pas forcément de supériorité/infériorité absolue ou l’autorisation de la tyrannie ou la caution des abus de pouvoir. La sagesse et la justice exigent l’équité et d’adapter à chacun, ses rôles, ses devoirs et ses droits. Or, l’égalitarisme opère un nivellement par le bas, tout en imposant des injustices et des limites handicapantes. Doit-on imposer aux enfants les mêmes exigences et devoirs qu’aux parents ? Doit-on demander aux animaux d’aller travailler pour participer aux dépenses du foyer ou de régler nos problèmes sociétaux ? Doit-on empêcher les esprits éclairés et intelligents de renoncer à leurs aptitudes particulières pour les mettre au même niveau que les gens de la masse ? Peut-on accorder le même crédit à des gens qui n’y connaissent rien en médecine face à des médecins réputés (pour leur savoir et leur intégrité) quand il est question de médecine ? Assurément, non.

Le fait d’avoir une certaine stature élevée dans une fonction, n’implique pas forcément d’être supérieur sur d’autres plans, à d’autres personnes qui se situent dans un degré inférieur hiérarchique sous un rapport donné. La seule soumission réelle est celle de la créature à l’égard du Créateur, et toutes les autres différences hiérarchiques sont subordonnées à l’Autorité Divine, qui existencie et détermine toute chose. Ainsi, le dirigeant d’un pays qui occupe une fonction importante et élevée sur le plan politique, peut très bien être inférieur sur d’autres plans à un adolescent intelligent et pieux, ou à une femme érudite et pieuse, etc. Une épouse peut être supérieure à son mari sur le plan de la piété et du savoir, et vice-versa.

Chacun son rôle : y compris dans le corps humain, où tous coopèrent en symbiose : molécules, cellules, neurones, etc. Et c’est justement quand cette harmonie est brisée, suite à un dysfonctionnement, que le corps humain perd son équilibre.

Et comme le disait une sœur qui nous est très chère : « On a perdu en cours de route ce sentiment de se sentir apaisé, « à sa place », en osmose avec son foyer, sa communauté, son univers. La hiérarchie est ce qui permet de garantir la sécurité et la stabilité de toutes les cellules de vie en collectivité, de la plus petite (le couple) à la plus vaste (l’empire) ».

Il est donc impératif d’éviter ces 2 écueils : d’une part la destruction de toute hiérarchie, qui n’entraine que le chaos et le suicide civilisationnel en raison de la perte de tous points de repère et de vertus, et d’autre part, les dérives et les abus de pouvoir au nom d’un respect fallacieux pour les membres dégénérés d’une hiérarchie dont ils en salissent la noble fonction.


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