Beaucoup de gens ont du mal avec la notion d’autorité, trop souvent confondue avec la notion de supériorité.
Or, l’autorité – quand elle est légitime -, implique toujours le sens des responsabilités de la part de la personne qui l’incarne, mais devient illégitime quand l’individu n’en est plus digne. Mais détenir l’autorité ne signifie pas être (humainement ou intellectuellement) supérieur aux personnes qui sont sous notre responsabilité. Ainsi, que ce soit le Calife, le policier, le juge, l’époux, l’épouse, le père de famille, la mère de famille, l’employeur, l’autorité scientifique, le médecin, le directeur d’hôpital ou n’importe qui d’autre, doit être respecté pour la fonction qu’il occupe et le noble métier qu’il exerce, mais en aucun cas cela n’implique une quelconque supériorité ontologique.
L’épouse n’est ainsi pas inférieure à son mari en valeurs, en dignité ou en intelligence. Les parents ne sont pas forcément meilleurs que leurs enfants. Le Calife n’est pas nécessairement supérieur à l’ensemble des savants, policiers, soldats, commerçants ou citoyens qu’il gouverne.
S’il y a une réelle différence (n’impliquant ni infériorité ni supériorité de façon absolue) entre les femmes et les hommes, tout comme entre les enfants et les adultes/parents, il y a bien « égalité » dans leur dignité, leur essence et leurs « valeurs », le Qur’ân soulignant cela dans plusieurs versets, comme ceux-ci :
« Les croyants et les croyantes sont alliés les uns des autres. Ils commandent le convenable, interdisent le blâmable accomplissent la Salât, acquittent la Zakât et obéissent à Allâh et à Son messager. Voilà ceux auxquels Allâh fera miséricorde, car Allâh est Puissant et Sage » (Qur’ân 9, 71),
« … Je ne laisse perdre l’action d’aucun agissant parmi vous, homme ou femme, en réciprocité … » (Qur’ân 3, 195).
« Les Musulmans et Musulmanes, croyants et croyantes, obéissants et obéissantes, loyaux et loyales, endurants et endurantes, pieux et pieuses, donneurs et donneuses d’aumône, jeûnants et jeûnantes, gardiens de leur chasteté et gardiennes, invocateurs souvent d’Allâh et invocatrices : Allâh a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense » (Qur’ân 33, 35).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Les droits d’un grand frère sur son petit frère s’apparentent aux droits qu’un père (ou un parent) a sur ses propres enfants ». (Rapporté par Al-Bayhaqî dans Shu’ab al-Imân n°7553 selon Sa’id ibn Al ‘As, par Ad-Daylamî dans Musnad al-Firdaws n°2673, par Al-Munawî dans Fayd ul-Qâdîr n°3744, Al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ 2/195 et d’autres. Bien que l’isnad soit faible, le sens de ce hadîth a été accepté par de nombreux savants qui ont montré sa conformité avec le Qur’ân et la Sunnah).
C’est-à-dire que le grand frère, en l’absence de ses parents, doit veiller sur l’éducation de ses petits frères et de ses petites soeurs, les protéger face aux dangers, veiller à leur santé et à ce qu’ils ne fréquentent pas de mauvaises personnes ni les mauvais endroits. Jamais cette autorité conférée aux parents, aux maris, aux épouses, aux « grands frères » (ou aux grandes sœurs) ne peut justifier l’injustice, la débauche, la perversion ou l’égoïsme, car le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Nulle obéissance dans les actions qui sont mauvaises et blâmables, l’obéissance ne se fait que pour ce qui est bon, juste et convenable et qui est reconnu universellement (comme étant une bonne chose) » (Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°7257, Ahmad dans son Musnad n°724, Muslim dans son Sahîh n°1840 et Abû Dawûd dans ses Sunân n°2625 selon ‘Alî) ainsi que : « L’écoute et l’obéissance sont exigées de chaque musulman – dans ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas – tant que cela n’implique pas la désobéissance (au Créateur) dans ce qui constitue un péché ou un acte blâmable et nuisible. Si on lui ordonne de désobéir à Allâh (dans un acte légiféré et relevant du bien), alors aucune écoute ou obéissance (envers celui qui donne un ordre illicite ou injuste) n’est exigée de lui » (Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1707 selon Ibn ‘Umar, par Abû Dawûd dans ses Sunân n°2626 selon Ibn Mas’ûd).
Allâh confirme cela aussi dans Sa Parole, lorsqu’Il dit : « (…) concertez-vous dans la bonté et la piété » (Qur’ân 58, 9) et « Entraidez-vous dans l’accomplissement des bonnes oeuvres et de la piété et ne vous entraidez pas dans le péché et la transgression » (Qur’ân 5, 2).
Et la personne qui incarne une certaine forme d’autorité doit savoir que celle-ci lui a été conférée par Allâh, et qu’elle se doit de se monter à la hauteur, car elle ne peut être légitime que de 2 façons ; soit par la Volonté divine et Sa Loi, soit par la confiance que lui accorde les personnes qui sont sous son autorité (c’est-à-dire, sous sa responsabilité). Dès que la confiance se brise, et que la personne ne se comporte pas de façon juste et digne dans sa fonction, sa légitimité est remise en question.
Allâh a dit : « Ô humains ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble (et le plus méritant) d’entre vous, auprès d’Allâh, est le plus pieux et le plus droit. Allâh est certes Omniscient et Grand Connaisseur » (Qur’ân 49, 13). Ainsi, quel que soit le sexe de la personne, son statut social, son origine ethnique, sa richesse matérielle, sa position politique ou la fonction que la personne occupe, sa « valeur supérieure » ne peut se manifester qu’à travers sa noblesse de caractère et de comportement, et sa proximité avec Lui, ce qui s’observe paradoxalement par sa profonde humilité, son étonnante modestie, son incroyable générosité, son détachement à l’égard des honneurs et des biens matériels de ce bas-monde, sa droiture morale, son refus de céder à la vilénie, au mensonge, à la tyrannie, à l’égoïsme, à la colère pour des choses futiles ou à se venger pour une raison personnelle.
Que ce soit dans le Qur’ân ou dans la Sunnah, il y a de nombreuses indications permettant de savoir qu’Allâh et Son Messager (ﷺ) ont témoigné de l’amour et de la haute estime qu’ils portaient envers certaines femmes en particulier (Maryam la mère du Prophète Jésus/Issâ, Asya qui vivait aux côtés du Pharaon, de Khadija et ‘Aîsha les épouses du Prophète, des filles du Prophète ﷺ comme Fatima, Zaynab, Umm Ruqayya et Umm Kulthûm, des femmes aussi parmi les Sahabiyyat, la reine du Yémen Bilqîs à l’époque du Prophète Sulaymân, etc.), de même qu’ils considéraient un certain nombre d’entre elles comme étant plus pieuses, intelligentes et remarquables que nombre d’hommes. Ainsi, l’Islam refuse la concurrence malsaine et la guerre des sexes, car il n’y a pas de réelle supériorité, de façon absolue, entre les hommes et les femmes. Et les 2 doivent répondre aux injonctions divines, se conformer à Sa Loi, cultiver les belles qualités et s’abstenir du mal et de l’injustice. Les modernes n’ont pas encore compris que, malgré des centaines de milliards de $ déboursés pour « régler » les problèmes hommes/femmes qu’ils ont empiré et qu’ils alimentent constamment, avec de faux problèmes, et leur faisant miroiter des illusions destructrices, que la solution réside dans le fait de se satisfaire de ce qu’Allâh nous donne, de ne pas envier notre prochain, de purifier notre âme, de dompter notre égo, de nous préserver des péchés et de la promiscuité qui excite l’ego et le pousse à commettre de nombreuses choses blâmables et des pensées nocives et impulsives. Respecter l’autre, prendre en compte ses sentiments et ses besoins, savoir faire des concessions, rechercher l’aide dans Son Soutien, cultiver la générosité, se contenter du raisonnable (dans nos dépenses ou acquisitions matérielles), s’occuper avec des choses louables, et soigner son comportement – et plus généralement ce que l’on appelle « l’adab » -, est ce qu’il y a de plus efficace pour régler les problèmes liés à la « guerre des sexes », à la lutte des classes, aux tensions intercommunautaires et à la pauvreté dans le monde.
Le Shaykh Ibn Taymiyya a dit dans Jami’ al-Masa’il 6/37 (sans doute vers la fin de sa vie, après sa période un peu sectaire et contradictoire) : « Il est de l’objectif de l’être humain d’être utile aux créatures ainsi qu’absolument bienfaisant envers elles, c’est la Miséricorde avec laquelle Muhammad ﷺ a été envoyé (puisqu’Allâh dit) : « Et nous ne t’avons envoyé (essentiellement) que comme Miséricorde et Amour-Rayonnant pour les mondes » (Qur’ân 21, 107). Le serviteur [qui se dit musulman] doit (donc) viser la miséricorde, l’amour bienveillant, la bienfaisance et le fait d’être utile et bénéfique (aux mondes) ».
La sainte et savante Âîsha bint Abû ‘Uthmân Sa’îd disait : « Le mépris envers les serviteurs vient du peu de connaissance du Seigneur, car celui qui aime le Créateur respecte profondément Sa création » (Rapporté par l’imâm As-Sulâmi dans Dhikr an-Niswa al-Muta ‘abbidat as-Sufiyyat, un recueil réunissant les enseignements et dires de nombreuses femmes musulmanes ayant atteint le rang de sainteté, et traduit en français sous le titre de Femmes soufies).
Le respect, la bienfaisance, l’équité et l’indulgence concernent tout le monde, mais imiter les êtres – dont l’identité est différente – dans ce qui leurs sont spécifiques (que ce soit les femmes imitant les hommes, les hommes imitant les femmes, les humains imitant les animaux, les adultes renonçant à leur responsabilité pour se comporter comme des enfants capricieux, etc.) revient à s’égarer et à s’avilir, au point de se perdre soi-même et de développer de nombreuses tares qui nous éloignent du bien-être et de la dignité. Nier son identité d’origine pour se construire une pseudo-identité factice conduit au malheur, et c’est pour cela que l’on constate autant de femmes et d’hommes, et de gens se définissant comme « transgenres » ou autres, se dirent malheureux, allant jusqu’à se suicider ou s’entretuer après une vie « infernale ». Cette mentalité moderne a fait des milliards de victimes dans le monde ; aussi bien des victimes directes (suicides, meurtres, répressions, etc.) et indirectes en augmentant la violence, les disparités économiques, les complications médicales, les troubles psychologiques, etc., au point que beaucoup de victimes ignorent même le fait qu’elles aient été manipulées par les idéologues de la modernité, qui ne voyaient en elles (les victimes ; qu’elles soit hommes ou femmes), un moyen de s’enrichir, de les affaiblir et de les manipuler pour leur agenda idéologico-politique, sans se soucier le moins du monde de leur bien-être.
« Ne convoitez pas ce qu’Allâh a attribué aux uns d’entre vous plus qu’aux autres; aux hommes la part qu’ils ont acquise, et aux femmes la part qu’elles ont acquise. Demandez à Allâh de Sa grâce. Car Allâh, certes, est Omniscient » (Qur’ân 4, 32).
Quant au fameux verset traduit maladroitement parfois par « les hommes sont supérieurs aux femmes », une traduction plus fidèle serait : « Les hommes assument et prennent soin [en se comportant convenablement et avec responsabilité ; qawwâmûna] des femmes, par la faveur qu’Allâh a accordée aux uns par rapport à d’autres, et par ce qu’ils ont fait circuler (et dépenser) de leurs biens » (Qur’ân 4, 34). Cette responsabilité (ou où le mari/père de famille incarne l’autorité) implique la manifestation de la bonté, comme le précise le Qur’ân 2 versets après : « Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté et bienveillance envers vos père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les domestiques sous votre responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36). Et pour commenter et expliquer ce verset, le Messager d’Allâh (ﷺ) précisa entre autres ceci : « (l’Ange) Jibrîl n’a cessé de m’enjoindre la bienveillance et la bienfaisance envers le voisin, jusqu’à ce que je pense qu’il aurait droit à une part de l’héritage; et il n’a pas cessé de m’enjoindre la bienveillance et la bienfaisance envers les femmes, jusqu’à ce que je pense qu’il serait interdit de les divorcer [ndt : c’est-à-dire qu’elles jouissent d’une dignité et d’une sacralité qui n’autorisent pas les hommes à bafouer leurs droits conférés par Allâh] ; et n’a pas cessé de me recommander de traiter avec bonté les esclaves (et les domestiques), jusqu’à ce que je pense qu’il leur accorderait une période de temps après laquelle ils seraient automatiquement libres ; et il n’a pas cessé de me recommander l’utilisation du siwâk jusqu’à ce que j’aie eu peur que ma bouche s’use à force de me brosser les dents ; et il n’a pas cessé de me conseiller de faire qiyâm ul-layl (prière spécifique durant la nuit) jusqu’à ce que je pense que les meilleurs de ma Ummah ne dormaient pas la nuit » (Rapporté par Al-Qurtûbî dans son Tafsîr au verset 4/36 sur les droits du domestique).
En somme, s’il faut bien lutter pour la justice, il ne faut pas se tromper de combat, car ce que nous voyons aujourd’hui est plutôt une guerre sans merci de l’ego et de l’hypocrisie, où les gens se détestent mutuellement car ils manquent de bonté, de spiritualité, de sagesse, et qu’ils se détournent du Divin et des biens qu’Il leur a accordé mais dont ils ne prêtent plus attention, se laissant manipuler par les politiciens corrompus et les industriels qui lobotomisent constamment l’esprit des consommateurs.
Et pour conclure, nous devons témoigner du respect pour la personne légitime qui incarne une fonction honorable qu’il nous faut honorer, qu’il s’agisse d’une épouse, d’un père, d’un policier, d’un dirigeant, d’un savant, d’un paysan, d’une petite fille, d’une personne âgée, d’un mari, etc., que l’on soit plus « pieux » ou plus « savant » qu’une autre personne qui détient une forme d’autorité sur nous, ne doit pas nous conduire à faire preuve d’orgueil et de mépris, bien au contraire. Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit également : « N’est pas (réellement) des nôtres quiconque ne montre pas de la miséricorde envers nos jeunes (et enfants), qui ne respecte pas et n’honore pas nos personnes âgées, qui n’enjoint pas ce qui est bon et convenable, et qui ne réprouve pas ce qui est mauvais et répréhensible » (Rapporté selon plusieurs voies, notamment par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1921 selon Ibn ‘Abbâs, sahîh, Ahmad dans son Musnad n°2329 et 6733 selon ‘Abdullâh Ibn Amr, Abû Dawûd dans ses Sunân n°4943, Al-Bukharî dans Al-Adab Al-Mufrad n°353 selon Abû Hurayra, sahîh, et d’autres selon ‘Amr Ibn Shu’ayb, Abû Umama, …). Ainsi que « (…) Parmi les habitants du Paradis, (il y a aussi) ces 3 sortes d’individu : Celui qui exerce l’autorité et qui est juste et équitable (dans sa fonction et son attitude), celui qui est véridique et a été doté du pouvoir de faire de bonnes actions. Et la personne qui est miséricordieuse et bienveillante envers ses proches ainsi qu’envers toute personne musulmane pieuse (…). Les habitants de l’Enfer sont au nombre de 5 (à moins qu’Allâh décide de leur pardonner) : les faibles qui refusent d’éviter le mal, les insouciants) qui poursuivent tout (sans se soucier que cela soit bien ou mal) et qui ne se soucient pas de leur famille ou de leur richesse (dans la façon dont elle est dépensée). Et ces malhonnêtes dont la cupidité ne peut être dissimulée même dans le cas de choses mineures. Et le troisième, qui vous trahit, matin et soir, à l’égard de votre famille et de vos biens, ainsi que de l’avare et du menteur et de ceux qui ont l’habitude d’abuser des gens et d’utiliser un langage obscène et grossier » (Rapporté par Muslim avec plusieurs variantes dans son Sahîh n°2865 notamment selon ‘Iyyâd Ibn Himar).
Patienter, se montrer humble, être indulgent, parler avec douceur, souhaiter le bien, savoir respecter les plus jeunes et les plus âgés, même si l’on se pense plus cultivé, pieux, courageux, juste et intelligent qu’eux, fait partie de l’adab islamique à respecter, car cela n’est pas une question de supériorité ou d’infériorité, où Allâh distingue la supériorité par le degré de piété et de spiritualité, mais Lui seul sait ce qui relève de la réalité intérieure de chaque être, car il se peut que des gens que l’on pensait « inférieurs » à nous, ou du moins, moins savant ou méritant, ont en réalité une station plus élevée auprès d’Allâh que la nôtre, comme nous l’a informé le Messager d’Allâh (ﷺ) : « Certes Allâh m’a révélé que vous devez être modestes et humbles (envers Lui et Ses créatures) au point où personne ne doit se sentir meilleur (ou supérieur) qu’un autre et que personne ne soit injuste, oppresseur ou méprisant à l’égard d’autrui » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2865). L’autorité légitime doit être respectée, les gens doivent être honorés – sauf les injustes et les pervers parmi eux qui doivent être traités avec équité et dureté à la fois lorsqu’ils se montrent trop orgueilleux -.