Contrairement à ce qui peut être lu ou dit ici et là dans certains milieux, en réalité il existe une divergence pour savoir si ce sont les 3 premières générations (les Sahâba, ceux qui les ont rencontré parmi les Tabi’in/Successeurs/disciples et ceux qui ont suivi les tabi’in) ou s’il faut inclure les savants ayant vécu durant les 3 premiers siècles de l’Hégire, selon un célèbre hadith prophétique : « La meilleure des générations est celle dans laquelle j’ai été envoyée, puis ceux qui les suivent, et ceux qui suivent ces derniers… »[1].
Définition historique et islamique des Salafs
Ainsi on peut situer la fin de la génération des Salafs soit autour de l’an 240 H ou de l’an 257 H, soit autour de l’an 310 H (le Prophète étant décédé vers l’an 10 H). Pour notre part, nous adoptons l’avis de l’an 310 H puisque de toute façon les savants de cette époque ont connu les Salafs tout en adoptant leur voie. Ainsi, les savants et imâms comme ‘Alî Zayn ul ‘Abidîn dit aussi imâm ‘Alî as-Sajjâd (38 H/658 – 95 H/714), Muhammad al-Baqîr (vers 56 H/676 – 117 H/735), Zayd Ibn ‘Alî (vers 80 H/698 – 122 H/740), Abû Hanifa (80 H/699 – 150 H/767), Ja’far as-Sadiq (83 H/702 – 148 H/765), Sufyân at-Thawrî (97 H/716 – 161 H/778), Malik Ibn Anas (93 H/711 – 179 H/795), Al-Hakim at-Tirmidhî (vers 133 H/750 – 255 H/869), Al-Shafi’i (150 H/767 – 204 H/820), Ibn Kullâb (m. 241 H/855), Ahmad Ibn Hanbal (164 H/780 – 241 H/855), al-Harith al-Muhasibi (170 H/781 – 243 H/857), Muhammad al-Bukhari (194 H/810 – 256 H/870), Dhû-l-Nûn al-Misrî (m. vers 248 H/862), Sahl ibn ‘Abdallâh al-Tustarî (203 H/818 – 283 H/896), Al-Junayd (vers 210 H/830 – 298 H/910), Ibn Jarîr At-Tabarî (224 H/839 – 310 H/923), Abû Mansûr al-Maturîdi (238 H/852 – 333 H/944), Abû Ja’far Ahmad at-Tahâwî (239 H/853 – 321 H/933), Abû Bakr as-Shiblî (247 H/861 – 334 H/946) et Abû al-Hassân al-Ash’ari (260 H/874 – 324 H/936) font tous partie de la génération des Salafs, et contredisent les erreurs et déviances qui apparaitront bien plus tard au sein du courant salafi/wahhabite concernant la ‘aqida.
Par ailleurs les salafis sectaires et militants critiquent beaucoup Ibn Kullâb, qui est un Salaf – contredisant déjà leur slogan -, alors que ce dernier était aussi l’un des maîtres d’Al-Bukharî dans le kalâm et la ‘aqida comme le rapporte par exemple Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans son Fath ul-Barî – et fut aussi l’un des maîtres de Dawûd az-Zahiri qui fonda l’école juridique qui porte son nom.
Cela montre donc que le Tasawwuf, l’amour des Sahâba et des Ahl ul Bayt et le ‘ilm ul Kalâm étaient des sciences et des doctrines bien ancrées à l’ère des Salafs, et que la ‘aqida orthodoxe/traditionnelle des Ahl ul Sunnah était d’exempter Allâh des modalités physiques et des limites spatiotemporelles, contrairement à l’affirmation de nombreux Salafistes.
Les Salafs autorisaient le ‘ilm ul Kalâm contrairement aux Salafis
En effet, par rapport à la ‘aqida et au ‘ilm ul kalâm, des imâms comme Abû Bakr, ‘Alî Ibn Abû Tâlib, ‘Ali Zayn ul Abidîn, Muhammad al-Bâqir, Zayd Ibn ‘Alî, Ja’far as-Sâdiq, Abû Hanifa, Al-Muhasibî, As-Shafi’i, At-Tahâwî, Ibn Kullâb, At-Tabarî et d’autres, usaient du kalâm pour démontrer la nécessité du Principe divin et créateur, ainsi que pour certains de Ses Attributs, L’exemptant aussi des modalités physiques, et rejetant le sens apparent si celui-ci revenait à tomber dans l’anthropomorphisme, mais sans rejeter la Réalité (propre à Allâh) de Ses nobles Attributs. Le Shaykh Ibn Taymiyya, tout d’abord hostile au Kalâm, en fera lui-même usage et défendra cette science. Il dira concernant le ‘ilm al-Kalâm dans Al-Nubuwwat (p.615) : « Le Kalâm (en tant que science) qui ne contredit pas le Qur’ân et la Sunnah ne relève pas de l’interdiction ». Et dans Dar’ Ta‘arud al-‘Aql wa’l-Naql (7/155) il dit : « Le fait est qu’Ahmad (Ibn Hanbal) déduisait, au moyen de preuves rationnelles, des propositions concernant la Divinité, à condition qu’elles soient valables. Ce qu’il a interdit (et blâmé) était tout ce qui s’opposait au Livre (Qur’ân) ou à la Sunnah, la parole sans connaissance, ou la parole [avec] des significations déviantes (en tant innovations blâmables) dans la religion (al-kalam al-mubtadi’ fi’l-din). Il [l’Imâm Ahmad] n’était pas opposé à l’idée – si les significations du Livre ou de la Sunnah étaient connues – de laisser des termes [textuels] pour d’autres terminologies, si le besoin s’en faisait sentir. En fait, il l’a fait lui-même. Ce qu’il méprisait plutôt, c’étaient les significations déviantes dans ce domaine – c’est-à-dire dans les questions théologiques sur lesquelles les gens se disputaient, comme la nature du Qur’ân ; la Vision Béatifique, la Prédestination ou les Attributs Divins – sauf ce qui est conforme au Livre, à la Sunnah ou aux récits des Sahaba ou des tabi’in ».
Enfin, il dit dans son Majmû’ al-Fatâwa (13/147) : « Ainsi, le Kalām qui a été blâmé par les Salafs est le mauvais kalâm, et c’est celui qui va à l’encontre de la Législation (les principes de la Religion) et de l’intellect ».
Les Salafs considéraient le Tasawwuf comme faisant partie de l’Islam
Pour le Tasawwuf, et comme le rapporte aussi le Shaykh Ibn Taymiyya concernant les 4 imâms du fiqh et pour l’élite des imâms du Salaf, ils cheminaient sur la Voie sûfie (du Tasawwuf) tout en défendant le Qur’ân et la Sunnah et appelant à ce qui était juste, bénéfique et louable. Il dit dans Al-rRssâla al-Safadiyya dit : « Les grands savants [sûfis] mentionnés par Abû `Abd ar-Rahmân al-Sulamî dans Tabâqat al-Sufiyya, et Abû al-Qassim al-Qushayrî dans al-Rissâla, étaient adhérents de l’école d’Ahl al-Sunnah wa al-Jama`a et de l’école d’Ahl al-Hadith, comme al-Fudayl ibn `Iyyâd, al-Junayd ibn Muhammad, Sahl ibn `AbdAllâh al-Tustarî, `Amr ibn`Uthman al-Makki, Abû `AbdAllâh Muhammad ibn Khafi al-Shirazî, et d’autres; et leurs enseignements étaient fondés sur la Sunnah, et ils rédigèrent des livres au sujet de la Sunnah ». Dans Majmû’ al-Fatawa al-Kubrâ’ (vol. 10) il dit : « Les grands savants Sûfis sont bien connus et acceptés, tels que : Bayazîd Al-Bistâmi, Shaykh Abdul Qâdir Jilâni, Junayd ibn Muhammad, Hasan Fudayl Al-Basrî, Ibn Al-Ayyâd, Ibrahim Ibn Al-Adham, Abî Sulaymân ad-Dâranî, Ma‘rûf Al-Karkhî, Siri as-Saqtî, Shaykh Hammâd, Shaykh Abul Bayân. (…) Ces grands Sûfis étaient les imâms de l’humanité et ils appelaient à ce qui était juste et interdisaient ce qu’Allâh avait interdit de mauvais ». Et dans son Minhaj as-Sunnah (1/172-173) : « Abû Hanifa, Mâlik ibn Anas, As-Shafi’i et Ahmad ibn Hanbal – qu’Allâh les agréé – étaient tous des imâms dans le Hâdith, le Tafsîr, le Tasawwuf et le Fiqh ».
Tous les grands savants de l’Islam (depuis l’ère des Salafs) étaient rattachés au Tasawwuf avant l’ère coloniale, et les plus grands savants actuels le sont aussi (que ce soit au Maghreb, en Turquie, en Arabie Saoudite, au Yémen, en Iran, au Pakistan, en Afghanistan, en Syrie, en Irak, en Indonésie, au Mali, au Sénégal, etc.). Leurs turûq[2] sont aussi très éloignées des pratiques de sorcellerie, de la débauche, de l’insouciance, de l’injustice, du consumérisme et du folklorisme. Mais tel n’est pas le cas de certains milieux pseudo-sûfis où se cachent des charlatans qui aiment le pouvoir politique, les privilèges sociaux, qui versent dans la sorcellerie, la débauche, le culte de l’ego, le shirk, etc., mêlant quelques règles religieuses ou spirituelles à leurs dérives personnelles, croyances animistes ou new-âge, pratiques folkloriques, bling bling et autres choses contraires à la Shar’iah et à la haqiqa.
Beaucoup de sorciers ou de pervers se cachent aussi derrière la fonction de râqi (type d’exorciste ou de « guérisseur » des maux occultes) ou de spécialistes de la santé (officielle ou dite alternative), donc la prudence et la vigilance sont de mises, et il faut éviter d’aller seul(e) pour les malades qui souhaitent consulter un médecin, un hypnotiseur, un kinésithérapeute ou un râqi.
Parmi les grands savants Musulmans qui étaient rattachés au Tasawwuf (Sûfisme) nous pouvons citer les imâms Hassân al-Basrî, Muhammad Ibn Sirîn, Muhammad al-Baqîr, Ja’far as-Sadiq, Zayd Ibn ‘Alî, Abû Hanifa, ‘Abdallâh Ibn al-Mubârak, Sufyân at-Thawrî, Sufyân Ibn ‘Uyayna, Mâlik Ibn Anas, As-Shafi’i, Sari al-Saqatî, Bishr al-Hâfi, Ahmad Ibn Hanbal, Al-Harith al-Muhasibî, Abû Bakr Ibn Abî Dunyâ, Al-Hakim at-Tirmidhî, Al-Junayd, Dawûd at-Tâ’î, Ma’rûf al-Karkhi, Ibrâhîm Ibn Adhâm, Fudayl Ibn ‘Iyyâd, Yahya Ibn Mu’âdh ar-Râzî, Dhû-l Nûn al-Misrî, Abû Sulaymân al-Dârânî, Ibn Jarîr at-Tabarî, Habib al-‘Ajami, ‘Abdullah Sahl al-Tustarî, Abû Bakr as-Shiblî, Al-Bukhari, Muslim, Abû Dawûd, At-Tirmidhî, An-Nasâ’î et d’autres parmi les Salafs. Et parmi les Khalafs Abû Dharr al-Harawi, Abû al-Hassân al-Daraqutnî, Al-Hakim an-Naysabûrî, Ibn Hibbân, At-Tabarânî, Abû Yazîd al-Bistâmî, Abû al-Hassân al-Kharaqânî, Al-Baqillânî, Abû al-Hassân at-Tamimî et son fils Abû al-Fadl al-Tamimi, Abû Nu’aym al-Isbahânî, As-Sulâmî, Al-Qushayrî, Al-Bayhaqî, al-Khatîb al-Baghdadi, Abû Tâlib al-Makki, Abû Mansûr al-Baghdâdî, Abû Hâmid al-Ghazâlî, Ahmad al-Ghazâlî, ‘Umar Khayyâm, Al-Jilânî, Ahmad Ar-Rifâ’î, Abû Bakr Ibn al-‘Arabî al-Mâliki, ‘Izz ud-Dîn Ibn ‘Abd as-Salâm, Ibn Daqîq al ‘îd, Ibn ‘Asâkir, Ibn Qudama al-Maqdisî, Shaykh al-Akbar Ibn ‘Arabî, Jalâl ud-Dîn Rûmî, Farid ud-Dîn Attâr, Fakhr ud-dîn Ar-Râzî, Sadr ud-Dîn al-Qunâwî, Ibn Shihâb ud-Dîn al-Qarâfî, Al-Qurtûbî, An-Nawawî, Abû al-Hassân as-Shadhilî, Ahmad Ibn Atâ’Llâh as-Sakandarî, Ibn Hajar al ‘Asqalânî, Zakariyya al-Ansarî, Ibn Hajar al-Haytamî, Taqî ud-Dîn As-Subkî, Ṣalaḥ ud-Dîn al-Ṣafadî, ‘Abd al-Wahhâb as-Sha’ranî, As-Suyûtî, Al-Munawî, Ibn Kamâl Pasha, Ahmad al-Sirhindî, Shah Waliyullâh, Muhammad al-‘Arabî al-Darqâwî, Ahmad Ibn ‘Ajibâ, l’émir ‘Abd al-Qadir, Ahmad Al-‘Alawî, Muhammad Amîn Kuftârû al-Kurdî, Muhammad Badr Ad-Dîn Al-Hassanî, Muhammad Anwar Shâh Al-Kashmirî, ‘Abd al-Hâlim Mahmûd, Muhammad Zakî Ibrâhîm, ‘Alawî Al-Mâlikî Al-Hassanî, Muhammad ‘Alawî Al-Mâlikî al-Hassânî, Ahmad Mashhûr Al-Haddâd, Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir As-Sa,qqâf, ʿAbd Al-Fattâh Abû Ghuddah, ʿAbd Al-Qâdir ʿÎsâ Al-Halabî, Ibrâhîm Al-Yaʿqûbî et son fils Muhammad, Wahbah Az-Zuhaylî, Al-Habîb ʿUmar Ibn Hafîz, Muhammad Taqi Uthmani, Abdul Hakim Murad, etc.
Et même parmi les savants connus de l’ère médiévale, que les Salafis considèrent comme des références, mais dont ils occultent toutes les positions favorables aux Sûfis (et étant eux-mêmes rattachés à une voie sûfie, notamment la qâdiriyya), citons Ibn al-Jawzî, Ibn Taymiyya, Ibn al-Qayyîm, Ibn Kathîr, Ad-Dhahabî, Ibn Rajâb al-Hanbalî, etc. comme le prouvent leurs principaux recueils comme Sifât as-Safwâ d’Ibn al-Jawzî, Majmû’ al-Fatâwâ et Minhaj as-Sunnah d’Ibn Taymiyya, Madârîj as-Sâlikîn d’Ibn al-Qayyîm, Tabaqât as-Shafi’yya et Al-Bidâya wa an-Nihâya d’Ibn Kathir, Siyâr a’lâm an-Nubalâ’ et Târîkh ul-Islâm d’Ad-Dhahâbî, Al-Dhayl ‘ala Tabaqat al-Hanabila d’Ibn Rajâb, …
Dans toutes les sciences islamiques (Tafsîr du Qur’ân, Hadith, Histoire/Târîkh, Fiqh, Ussûl al-Fiqh, Tajwîd, langue arabe, logique/mantiq, ‘ilm ul kalâm et ‘aqida, Sirah, …) nous trouvons aussi des Sûfis – et dont la plupart étaient soit ash’arites, soit maturidites, soit des atharites orthodoxes -. Savants et sciences dont les Salafis ne peuvent pas se passer s’ils prétendent à l’orthodoxie islamique et au suivi intégral de la Religion.
Le Tasawwuf, avant d’être un mouvement « social » et « spirituel » est avant tout une science (tazqyâ an-nafs) et une dimension de l’islâm (ihsân) pour reprendre la terminologie qurânique. Il n’est donc pas possible, pour un Musulman digne de ce nom qui cherche à plaire à Son Seigneur et à accepter l’Islam dans sa totalité, de rejeter le Tasawwuf. Tout comme il ne peut pas rejeter les sciences de la ‘aqida (théologie ; imân) et du Fiqh (droit ; islâm). Ainsi, le fait qu’il y ait des charlatans, des déviants ou des gens sincères qui commettent malgré tout des erreurs en lien avec le Tasawwuf, la ‘aqida ou le fiqh, ou la médecine ou toute autre discipline légitime ou nécessaire, ne peut en aucun justifier de tout rejeter en bloc, même ce qui est conforme au Qur’ân, à la Prophétie et à la Sagesse comme le dit Allâh dans le Qur’ân : « C’est à eux que Nous avons apporté le Livre (la Révélation), la Sagesse (spirituelle) et la Prophétie. Si ces autres-là n’y croient pas, du moins Nous avons confié ces choses à des gens qui ne les nient pas » (Qur’ân 6, 89). Des centaines de versets du Qur’ân et de ahadiths sahîh et hassân font allusion explicitement ou implicitement au Tasawwuf, mais nous n’en citerons que 2 ici : « (…) qui vient à Allâh avec un cœur sain et pur (salîm) » (Qur’ân 26, 89) et « Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété ! A réussi, certes, celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt » (Qur’ân 91. 7-10).
L’amour des Sahâba, des Ahl ul Bayt et des Saints (Awliyâ’) fait partie de la Voie de l’élite des Salafs
Pour l’amour des Sahâba côtoyant le Prophète (ﷺ) avant la victoire de la Mecque, comme Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, Salmân, Bilâl, etc., on rapporte de façon sahîh que les imâms de la famille alide (de l’imâm ‘Alî, de ses fils Hassân et Hussayn et de leur descendance dont les imâms ‘Alî Zayn ul ‘Abidîn, Muhammad al-Baqîr, Zayd Ibn ‘Alî et Ja’far as-Sâdiq), qu’ils les tenaient en haute estime, que les 3 Califes bien-guidés étaient des imâms de la guidance, de la justice et de la piété, se conformant au Qur’ân et à la Sunnah (Voie prophétique). Tout comme on rapporte de leur part aussi, la nécessité d’aimer les Ahl ul Bayt au sens large (les épouses du Prophète (ﷺ) comme Khadija, ‘Aîsha, Hafsa, Umm Salama, Safiyya et les autres, ainsi que les familles de ‘Alî, Ja’far Ibn Abî Tâlib, Al ‘Abbâs, etc.), d’autant plus que leurs familles se sont mariées entre elles aussi (Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Alî sont donc tous liés à la famille du Prophète (ﷺ) ainsi qu’à leurs familles respectives par des liens de mariage entre différents membres de leur famille). Al-Hafîz ad-Dhahâbî dans son Siyâr a’lam an-Nubalâ’ rapporte notamment cela dans les notices biographiques à leur sujet. Le Shaykh Ibn Taymiyya dit dans son traité Al ‘Aqida al-Wassitiyya au chapitre sur les karâmat al-Awliya’ : « Parmi les fondements des gens de la Sunnah et de la Ummah figure la doctrine aux prodiges spirituels des saints (Karâmat al-Awliya’) : Allâh a créé par eux des actes « supranaturels » (défiant les lois de la physique) dans tous les aspects de la vie, des dévoilements spirituels (Mukâshafat), des capacités/dons spirituels et des effets (spirituels). Ceci est connu des nations anciennes dans la Sûrâh al-Kahf (n°18) et dans d’autres chapitres du Qur’ân, et est connu des premiers hommes de cette Ummah parmi les Compagnons et les Tabi’în et parmi le reste des générations de cette Ummah. Cela les accompagnera jusqu’au Jour de la Résurrection ». Il dit encore dans al-Mukhtasar al-Fatâwâ al-Misriyyâ (1/600-603) : « Les prodiges des saints sont absolument vrais et corrects, de l’avis de tous les savants musulmans [enracinés dans la science et la piété]. Le Qur’ân l’a souligné à différents endroits, et les ahadith sahîh du Prophète (ﷺ) et dans les récits répandus des Sahâba, des Tabi’în et d’autres. Et ceux qui nient le pouvoir prodigieux et spirituel des saints ne sont que des gens qui sont des innovateurs (déviants) et leurs disciples (les suivant dans leur déviance) ». L’imâm Ahmad dans son Kitâb Fadâ’îl Sahâba, Abû Nu’aym dans Hilyat al-Awliyâ’, Ibn Al-Jawzî dans Sifât as-Safwâ, Ibn al-Qayyîm dans son Madârij as-Sâlikin rapporteront aussi plusieurs prodiges spirituels (karâmât) dont furent gratifiés des Sahâba, Tabi’in et d’autres awliyâ’ parmi les générations suivantes.
Et tout cela évidemment est conforme au Qur’ân et à la Voie prophétique.
Sur l’importance de renouveler et réadapter le fiqh à partir des principes et selon les changements cutlurels (‘urf)
Les héritiers de l’élite des Salafs sont donc ceux, qui parmi les mujtâhidin ou les grands savants rattachés aux écoles sunnites du fiqh (à noter que dans le fiqh, l’immense majorité des avis juridiques sunnites se retrouvent aussi dans les écoles juridiques zaydites, imamites, ibadites et mu’tazilites comme le relatent notamment Ibn Taymiyya dans Al-Radd ’Ala Al-Subkî fi mas-alat ta’liq Al-Talaq 2/697-698 et Ibn al-Qayyim dans al-Sawa’iq al-Mursalâ 2/616-617, affirmant qu’il existe chez eux des savants compétents et bien versés aussi dans le fiqh), adoptent leurs méthodologies en réadaptant et en renouvelant le fiqh à chaque fois que les coutumes et nécessités changent, en apportant une vision équilibrée et du juste milieu, puisant le fiqh dans le Qur’ân et la Sunnah à travers les différents principes juridiques (nécessité, intérêt général, moindre mal, coutume de l’époque et de la région, …) et en l’encadrant par la spiritualité et l’adab.
Le Shaykh hanafite de son temps Muhammad Amîn Ibn ‘Abidîn (m. 1252 H/1836) a dit : « Les juristes ne doivent pas adhérer de manière stricte et rigide aux livres et aux opinions faisant autorité dans le madhhab (école juridique), mais (les juristes) doivent aussi prêter attention aux besoins des gens de son temps, ou bien le mal qu’il fait l’emportera sur le louable (bénéfice, bienfait) »[3]. Il dira également que lorsque les conditions et les coutumes changent avec le temps et l’espace, il est nécessaire de réadapter les fatawi (fatâwâ) selon le contexte, et donc qu’appliquer aveuglément certaines fatawi d’une époque passée à notre contexte, peut être contraire aux finalités de l’islam lorsque les fatawi ne protègent pas l’intérêt général des gens. Le point de vue d’Ibn Abidin sur la coutume temporelle (‘urf) était qu’il était important de l’inclure dans les fatawas, à condition que la coutume n’implique rien d’interdit ou de blâmable pour l’individu. Il a affirmé que beaucoup de choses changent avec le temps et que le savant doit prendre les nouveaux éléments en compte lorsqu’il donne la fatwâ.
L’Imâm et juriste mâlikite Muhammad `Abd al-Bâqî al-Zurqânî (m. 1088 H/1688) dans son Sharh du Mukhtasar Khalîl a dit : « Quand les gens se sont accoutumés à une pratique dans laquelle il y a une divergence et qu’elle est correctement fondée, alors celui qui n’est pas d’accord ne doit pas charger les gens à adopter sa préférence ; car, cela provoquera du désordre en eux-mêmes et un trouble dans leur religion ».
De même, les principales grandes écoles qurâniques et grandes universités du monde musulman avant la période coloniale enseignaient 2 grandes matières qui assuraient l’éducation spirituelle et la rigueur intellectuelle chez les Musulmans, à savoir le Tasawwuf/adab et la logique/théologie scholastique (mantiq et ‘ilm ul kalâm). Or, le Salafisme qui combat ou occulte ces sciences fondamentales (puisant d’ailleurs dans le Qur’ân et la Sunnah, et mises en pratique par l’élite des Salafs), et qui s’est greffé sur les ravages du colonialisme, n’incluent pas ces sciences islamiques dans leurs cursus, d’où les dérives et les grandes aberrations logiques et intellectuelles que l’on retrouve chez bon nombre de leurs prédicateurs/érudits et adeptes, tout comme le fait que leur méconnaissance de l’histoire islamique est abyssale, car il suffit même de lire Ibn al-Jawzî (qui dans sa jeunesse était très critique et avait écrit son Talbis Iblis qui comportait plein d’erreurs et de confusions, mais qui finira par s’assagir avec le temps et défendre plus intégralement le Tasawwuf), Ibn Taymiyya, Ad-Dhahabi, Ibn al-Qayyim et Ibn Kathîr, qui sont leurs principales références officielles avant l’époque moderne, pour savoir qu’ils faisaient l’éloge du Tasawwuf et de grands maîtres Sûfis d’une part, ainsi que de nombreux grands savants ash’arites, de la logique (Ibn Taymiyya a écrit tout un traité sur la logique) et le ‘ilm ul Kalâm d’autre part.
Pour le Shaykh Ibn Al Jawzi (m. 597 H/1201) voir notamment son Sifât as-Safwâ concernant l’adab et le Tasawwuf, et son Daf’ Shubhah Al-Tashbih concernant la ‘aqida, la logique et le ‘ilm ul kalâm, réfutant les déviances des anthropomorphistes (qui interprétaient les Attributs divins dans leur sens apparent – impliquant une modalité physique et donc une similitude avec la Création -, au lieu d’adhérer au sens voulu ou de faire le tafwid du sens, mais en exemptant Allâh des similitudes et modalités physiques).
Pour le Shaykh Ibn Taymiyya (m. 728 H/1328) voir son Majmû’ al-Fatâwâ, son Dar’ Ta‘arud al-‘Aql wa’l-Naql, voir aussi l’épitre qu’il écrira à l’un de ses disciples Sûfis Ahmad ‘Imâd ud-Dîn al-Wâsitî (m. 711 H/1311). Dans al-Radd ‘ala al-mantiqiyyın, sans nier la logique et le rôle de l’intellect/rationalité, il dénonce les syllogismes et quelques autres éléments qu’il considère être des dérives, suivant en cela en partie les critiques adressées par l’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî (lui-même logicien et métaphysicien et connaisseur de la philosophie) à certaines écoles et personnalités philosophiques qui se sont fourvoyées et qui ont amené un certain nombre de confusions et de contradictions au sujet de la rationalité autant que de la Révélation. Néanmoins, on dénote dans certains traités d’Ibn Taymiyya, l’influence de la philosophie grecque dans certaines de ses positions théologiques – ce qui lui avait valu de vives critiques de la part de nombreux théologiens Sunnites, notamment sur son approche ambiguë concernant l’éternité du monde -.
Pour l’imâm Ad-Dhahabi (m. 748 H/1348) voir notamment son Siyâr al’am an-Nubalâ’, son Târîkh al Islâm al-Kabîr et son Tadhkirat al Huffâz.
Pour le Shaykh Ibn Al Qayyim al-Jawziyya (m. 751 H/1350) voir son Madârij as-Sâlikîn et I’lâm ul Muwaqqi’în ‘an Rabb il ‘Âlamîn. Pour Ibn Kathîr,
Pour le Shaykh Ibn Kathîr (m. 774 H/1373) voir ses Tabaqât as-Shâfi’iyya, son Tafsîr, et son Bidâya wa an-Nihâya.
On constatera d’ailleurs 2 éléments répréhensibles dans leurs traductions ou leurs éditions de leurs livres, ou des ouvrages d’autres grands savants. Pour les gens malhonnêtes parmi eux, ils supprimeront les passages où ils feront l’éloge du Tasawwuf et des Sûfis, du kalâm et de la logique. Et pour les plus honnêtes d’entre eux, malgré leur manque de science et de recul (tout en cultivant une certaine arrogance pour certains d’entre eux) ils commenteront dans les notes sur « l’ignorance », les « erreurs », les « déviances » ou inventeront de faux repentir, leur reprochant en réalité d’avoir été justes, pertinents, vertueux et fidèles au Qur’ân, à la Sunnah, à l’élite des Salafs, à l’intellect et à la fitra. Mais comme le Salafisme s’oppose à tout cela sur un certain nombre de questions (aussi bien juridiques, que théologiques, exégétiques, spirituelles et historiques), et qu’ils pensent avoir raison malgré tout, ils se sentent « forcés » d’agir ainsi.
La Voie des Salafs concernant les Noms et Attributs d’Allâh s’oppose à celle des Salafis
Concernant les Noms et Attribut divins, le salafisme contredit la Voie de l’élite des Salafs. Quelle était donc la véritable méthode des Salaf us-Salih concernant les textes relatifs aux Attributs d’Allâh ?
L’Imâm Abû al-Hassân al-Dâraqutnî (306 – 385 H) – l’un des grands maîtres du Hadith de son temps et l’auteur d’un Sunân – rapporte dans son livre As-Siffât (p.41) avec son isnad jusqu’à l’imâm Sufyân Ibn ‘Uyaynah (107 – 198 H), grand imâm fondateur du fiqh, élève de l’imâm Ja’far As-Sâdiq et contemporain des imâms Abû Hanifa, Sufyân at-Thawrî et Mâlik – qu’il a dit : « Toute chose avec laquelle Allâh S’est décrit Lui-même dans le Qur’ân, sa lecture/récitation est son explication, sans comment [sans modalité physique] et sans similitude [entre Ses Attributs et ceux des créatures] », ce qui est une réfutation de la croyance anthropomorphiste adaptée plus tard par de nombreux Salafis, et approche contredisant aussi en partie celle du Shaykh Ibn Taymiyya dans plusieurs de ses traités sur le sujet.
L’Imâm Hibat Allâh al-Lâlakâ’î (m.418 H) rapporte avec son isnad dans son Kitâb Sharh Ussûl al-I’tiqâd Ahl al-Sunnah wa al-Jamâ’ah jusqu’à l’imâm Sufyân Ibn Uyaynah qu’il a dit : « Toute chose avec laquelle Allâh S’est décrite Lui-même dans le Qur’ân, alors sa lecture est son explication, sans comment (sans modalité créée et physique) et sans similitude (avec les caractéristiques propres aux choses créées) ».
A noter que les wahhâbî sectaires et fanatiques traduisent généralement les termes « lâ kayf » (litt. sans comment) par : « sans (demander) le comment ». C’est-à-dire qu’Allâh aurait un comment que seul Lui connaîtrait. Or il s’agit là d’une bid’a de leur part qui peut les conduire dans le kufr et dans le shirk, car l’implication logique revient à établir une ressemblance à Allâh mais une ressemblance dont ils ignoreraient avec exactitude la forme, ce qui revient à contredire le Qur’ân qui réfute toute forme de conditionnement au temps et à la matière concernant Allâh, et qui dément toute modalisation physique ou toute imperfection psychologique pour Allâh. Oseront-ils traduire également les mots « lâ mithl » (litt. sans similitude) de la même façon, à savoir : « sans (demander) la similitude », de sorte qu’Il aurait également une similitude que seul Lui connaîtrait ?
La kayfiyya (le comment/modalité) a été définie par le juriste et principologue (ussûli) mâlikî, le théologien, logicien, muhaddith, hâfiz, débatteur, le polymathe, l’écrivain, le poète, l’un des plus grands savants de l’Islâm, le Qâdî ‘Abd al-Wahhâb al-Baghdâdî (362 – 422 H) dans son commentaire de la Rissâlah al-Qayrawâniyyah (p.178) ainsi : « Parce que cela [la kayfiyya] renvoie vers les notions de déplacement, de changement, d’occupation d’un espace et de besoin des endroits et [tout] cela conduit vers l’anthropomorphisme et vers la prééternité des corps et ceci est du kufr selon l’ensemble des musulmans ». Et cela conformément à la voie des Salafs.
L’imâm ‘Alî Zayn ul Abidîn (‘alayhî salâm, m. 95 H) a dit dans sa Sahîfa as-Sajjâdiya, au chapitre 47 (Son invocation le jour de ‘Arafa) : « (…) Tu es Allâh. Il n’y a de divinité que Toi. Tu es la cause des affaires sans racine, Tu as formé sans exemple (précédent), et Tu es à l’origine des choses sans limite. (…) C’est Toi qu’aucun endroit ne peut contenir. Avant Ton autorité, aucune autorité ne tient. (…) Les imaginations ne réussissent pas à atteindre une identité avant Toi. Les raisons sont incapables de concevoir le comment avant Toi. Les yeux ne perçoivent pas l’endroit de Ton « lieu ». C’est Toi qui n’as pas de limites, pour que Tu ne sois pas défini. Tu n’es pas illustré par des exemples, pour que Tu ne sois pas trouvé. Tu n’engendres pas, pour que Tu ne sois pas engendré ».
Et au chapitre 56, il décrit Allâh comme ceci : « Louange à Allâh, qui S’est révélé aux cœurs à travers la puissance, qui S’est caché des yeux à travers la force, et qui exerce un pouvoir sur les choses à travers le pouvoir ! Les yeux ne sont pas assez forts pour Le voir et les imaginations n’atteignent pas le centre de Sa Puissance. (…). C’est un créateur qui n’a pas d’égal. Il est Unique, sans rival. Il est Un sans opposé. Un éternel refuge qui n’a pas d’adversaire. Un Dieu sans second. Un initiateur sans partenaire. Un fournisseur sans assistant.
Il est le Premier sans disparition, l’Immuable sans annihilation, le Permanent sans obstacle, Celui qui donne la sécurité sans fin, l’Auteur sans condition, le Faiseur sans rien, le Seigneur sans associé, l’Initiateur sans inconfort, l’Accomplisseur sans incapacité.
Il n’a pas de borne dans l’espace et aucune limite dans le temps. Il a toujours été, Il est toujours, Il sera toujours le même sans fin. Il est Allâh, le Vivant, l’Auto-suffisant, l’Immuable, l’Eternel, le Tout-Puissant, le Très Sage ».
La profession de foi de l’imâm ‘Alî Zayn ul Abidîn constitue celle qui fut professée depuis l’imâm ‘Alî (alayhî salâm), – comme on peut le lire dans les lettres authentifiées tirées du Nahj al Balagha et dans certains récits rapportés par Abû Nu’aym al-Isbahânî -, à travers l’enseignement prophétique, en conformité totale avec le Qur’ân, l’intellect et la fitra. L’imâm As-Sajjâd (‘alayhî salâm) fut le pilier des Salafs de son époque, comme le dirent des savants comme Sufyân Ibn ‘Uyayna, Mâlik, Az-Zuhrî, As-Shafi’î, ‘Umar Ibn Abd al-Azîz, etc. Se fondèrent sur cette doctrine, dans ses fondements, les 3 écoles théologiques sunnites majoritaires, à savoir l’atharisme fidèle à la voie de l’imâm Ahmad (rejetant la limite, les directions physiques, les organes corporels et les modalités physiques pour Allâh), l’asharisme primitif/traditionnel et le maturidisme, qui se basent aussi sur des Salafs tels que At-Tabarî, al-Harith al-Muhasibî, At-Tahawî, As-Shafi’î, Abû Hanifa, Jâ’far As-Sâdiq, …
Le grand théologien et savant du hadîth Murtada Az-Zabidi rapporte dans son livre Ithafu s-Sadati l-Muttaqin (4/643-644) avec la chaîne de transmission, le célèbre épître As-Sahifah as-Sajjadiyyah dans lequel il a dit : « C’est Toi Allâh Qu’aucun endroit ne contient » et « C’est Toi Allâh Qui est exempt des limites et Qui n’est donc pas limité ».
L’imâm du Salaf Abû Ja’far At-Tahawî dans sa Aqidatu at Tahâwiyah a dit : « (…) La vision d’Allâh est une réalité pour les hôtes du paradis, sans limites et sans comment [sans modalité]. Conformément à ce qui est mentionné dans le livre du Seigneur : {Ce jour-là, il y aura des visages resplendissants qui regarderont leur Seigneur.} (Qur’ân 75, 22-23). L’explication de ce verset est comme l’a voulu Allâh et l’a enseigné. Et tout ce qui est parvenu dans cela parmi les Hadîth authentiques du Messager, est comme il l’a dit, et la signification est selon ce qu’Il a voulu. Nous n’abordons pas ce sujet par des interprétations fondées sur des opinions personnelles, ni par des imaginations fondées sur des passions (…). Et Il est exempt de toutes limites, de fins, des côtés, des membres et des instruments pour l’action. Les 6 directions (spatiales) ne Le contiennent pas contrairement aux autres créations (…) ».
L’imâm du Salaf Dhûn-Nûn al-Misrî et l’imâm Jâ’far As-Sâdiq dirent la même chose globalement, et Al Qushayrî dit dans sa Risalat ul-Qushayriyyah : « Une personne interrogea Dhun-Nûn al-Misri, au sujet de la parole d’Allâh ta’âlâ (Ar-Rahmânu ‘ala l-‘arsh istawâ). Il répondit : « Il affirma Son Être et nia toute localisation à son sujet, car Il existe de par son Être tandis que toute autre chose existe par Sa sagesse, et conformément à Sa volonté » et « Ja’far As-Sâdiq a dit : Celui qui prétend que Allâh est dans quelque chose, ou issu de quelque chose, ou au-dessus de [ou sur] quelque chose a commis du shirk (c’est-à-dire : adorer autre que Allâh), car s’Il était au-dessus de [ou sur] quelque chose Il serait porté, s’Il était dans quelque chose, Il serait limité, s’Il était issu de quelque chose, Il serait entré en existence (c’est-à-dire créé) », ce qui fut rapporté aussi par d’autres savants comme l’imâm de la Sunnah Al-Baqillânî dans son Al-Insaf (p.40).
La parole de l’imâm ‘Alî rapportée par le Shaykh ul-Islâm et Sûfi Abû Nu’aym dans son Al Hilyah avec son isnad remontant jusqu’à An Nû’mâm Ibn Sa’d qui a dit : « Alors que j’étais à Kûfah dans la maison de l’amir ‘Alî ibn Abû Tâlib, Nawf Ibn Abdullah se précipita chez nous en disant : “O Amir des croyants, devant la porte il y a quarante juifs. En réponse à quoi, il dit : « Laissez-les entrer ». En se présentant devant lui, ils lui dirent : « Ô ‘Alî, décris-nous ton Dieu, celui qui habite le ciel, comment est-il ? Quand a-t-il existé ? et sur quoi est-Il ? [NDT : certains juifs ont une conception physique, donc anthropomorphiste, d’Allâh]. C’est alors que ‘Alî prit place et dit : « Ô communauté de juifs, écoutez-moi et n’ayez par la suite aucun doute si vous ne questionnez nul autre que moi. Certes, mon Dieu, Le Suprême, est Eternel ; Il n’est ni issu d’une chose, ni mélangé avec quoi que ce soit, ni incarné ; Il n’a ni forme que l’on peut chercher, n’est ni localisé, ni caché, ni précédé par le néant (Il n’est pas précédé par la non-réalité) ». Ensuite il leur dit : « Et Il parla à Moîse sans l’intermédiaire de membres, ni autre biais…. Celui qui prétend que notre Dieu est limité, certes il a ignoré Le Créateur, L’adoré ».
Il s’agit ici des principes intellectuels, en conformité avec le Qur’ân, qui distinguent l’Incréé (Allâh) du créé (l’ensemble de Sa Création). ‘Alî ibn Abû Talîb a dit aussi : « Allâh est de toute éternité et l’endroit n’existe pas de toute éternité, et Il est tel qu’Il est de toute éternité – c’est-à-dire sans endroit – »[4], et qui va dans le sens aussi du hadith prophétique « Allâh était alors qu’il n’y avait rien d’autre que Lui/avec Lui/avant Lui »[5].
L’imâm As-Shafî’i employait aussi parfois le kalâm dans certains cas comme le dit Al-Bayhaqî dans son Manaqib al-Shafi`i (p. 458) dit, après avoir cité l’histoire du débat rationnel d’As-Shafi’î avec un individu : « Ceci démontre l’excellente connaissance de l’Imam as-Shâfî’i sur la question et l’obligation d’exposer les ambiguïtés des négateurs en cas de besoin. Par le mot kalam, il vise la mécréance des négateurs et les hérésies des innovateurs, et Allâh est plus Savant ! ».
L’imâm As-Shafi’î a dit : « Allâh ta’ala existe de toute éternité alors qu’aucun endroit n’est de toute éternité. Il a créé l’endroit en ayant l’attribut de l’exemption de début, tout comme avant la création des endroits, le changement n’est pas possible selon l’intellect à Son sujet, ni pour Son Être ni pour Ses Attributs »[6].
L’imâm de la Sunnah, descendant du Prophète (ﷺ) et qui fit l’unanimité chez les gens de science (voir les éloges d’As-Suyûtî et de Ad-Dhahâbî par exemple), l’imâm Ahmad Ar-Rifâ’î dans son Al-Burhân al-Mu-ayyad (p. 18) a dit : « Notre Imâm As-Shâfi’i lorsqu’il a été interrogé à ce sujet [c’est- à-dire concernant l’istiwâ de Allâh ; comme le verset : « Ar-Rahmânu ‘ala l-arsh istawâ »] a dit : « J’ai cru fermement en cela sans assimilation [ndt : sans anthropomorphisme : attribuer une caractéristique propre au créé à Allâh qui est l’Incréé], j’en ai reconnu la véracité (du verset/attribut) sans attribuer d’image (formée dans le mental), je me suis fait à l’idée que j’étais incapable d’en atteindre (mentalement) la réalité et je me suis abstenu d’engager une discussion à ce sujet d’une totale abstention ».
L’imâm Abû Hanifa dans son Fiqh al Akbar : « Allâh est Un, non pas par le nombre, mais par le fait qu’Il n’a point d’associé. {Dis : C’est Lui Allâh l’Unique, Allâh Celui dont toute chose dépend, Il n’engendre pas et n’a pas été engendré, il n’y a rien qui Lui soit égal} (Qur’ân 113, 1-4). Rien parmi ses créatures ne Lui ressemble et Il ne ressemble à rien qui ne soit parmi Ses créations. Il a toujours possédé Ses Noms et Ses Attributs relatifs à Son Être et à Ses Actes. (…) Il est un Être pas comme les autres entités. L’Être signifie qu’Il est Celui dont la réalité est affirmée, sans qu’Il soit un corps, ni le fond d’une chose limitée par l’espace, ni un accident. Il n’a pas de limite, ni de contraire, ni de semblable, ni de pareil. Il possède « Main », « Face » et une « Essence ». Tout ce que Allâh a mentionné dans le Qur’ân à propos de « Face », de la « Main », de « l’Essence », ce sont pour Lui des Attributs sans « comment/modalité ». (…) Le fait d’être proche ou loin de Allâh ta’ala, ce n’est pas en termes de distance courte ou longue, mais c’est en termes d’honneur et d’humiliation. Celui qui obéit est celui qui est « proche » de Lui sans comment, et celui qui désobéit est celui qui est « loin » de Lui sans comment/modalité » (…) ». Son Fiqh al-Akbar lui a été attribué de façon authentique, par plusieurs voies solides.
L’imâm Abû Hanifa dans son Al-Wasiyyah (où il aborde des notions logiques, philosophiques et théologiques en conformité avec le Qur’ân et la réalité physique) dit : « Nous reconnaissons [tout comme il a été rapporté dans le Qur’ân] qu’Allâh ta’ala «’ala l-‘arsh (le Trône) istawa » sans qu’Il ait besoin du Trône et sans qu’Il soit (physiquement) établi dessus et Il est Celui Qui préserve le Trône et autre que le Trône sans en avoir besoin car s’Il avait un quelconque besoin, Il ne serait pas tout puissant à faire exister le monde et à lui prédestiner tout ce qui lui arrive, Il serait comme les créatures. Et s’Il avait le besoin de s’asseoir (julûs) et de s’établir (qarar), alors avant de créer le Trône, où donc aurait-Il été ? Allâh est exempt de cela ».
Et dans Al-Fiqh al Absat il dit : « J’ai dit : Regarde, si quelqu’un dit : Où est Allâh ta’ala ? On lui dit : Allâh ta’ala est de toute éternité, il n’y a pas d’endroit avant qu’Il ne crée les créatures et Allâh ta’ala existe de toute éternité alors qu’il n’y a pas de « où », ni de créatures ni quoi que ce soit, Il est le Créateur de toute chose ». Cette parole fut rapportée de façon authentique, est conforme à la parole de l’imâm ‘Alî (‘alayhî salâm) et de Jâ’far As-Sadîq (‘alayhî salâm) que l’imâm Abû Hanifa connaissait personnellement, et cela est conforme au Qur’ân et à l’intellect. Par contre, une autre parole (selon une chaine de transmission non-authentique) attribuée faussement à l’imâm Abû Hanifa lui fut attribuée à tort (certains spécialistes disent carrément que la personne avait forgé ce mensonge volontairement).
L’imâm hanbalite Sûfi et sommité de son époque, Abû l-Fadl At-Tamimi dit et rapporte dans I’tiqadû l-Imamu l-Munabal Abi ‘Abdi l-Lahi Ahmad ibn Hanbal que l’imâm Ahmad parlait des notions logico-physiques concernant les corps et qu’il ne faut pas les appliquer/attribuer au Créateur, en plus du fait que ces notions n’ont jamais été confirmées ou employées pour Allâh dans le Qur’ân : « Les noms sont pris de la Religion (Shari’ah) et de la langue arabe, or les spécialistes de la langue ont mentionné que le mot «corps» (jism) est attribué pour tout ce qui présente une longueur, une largeur, une épaisseur, une composition et une image, et Allâh ta’ala est exempt de tout ceci. Il n’est donc pas permis de Lui attribuer le corps (jism) car Il en est exempt, en plus ce terme n’a pas été cité dans la religion (Sharî’ah) comme nom d’Allâh, ce qui montre que cela est infondé ».
L’imâm Ibn Qudâma al-Hanbalî dit dans son Lum’at al-’Itiqad : « L’Imâm Ahmad Ibn Hanbal (m. 241 H) a dit concernant la parole du Prophète (ﷺ) : « Allâh « Descend » au ciel du bas monde, et Allâh sera vu dans l’au-delà ». Et ce qui ressemble à cela parmi les ahadîths, nous y avons foi, nous les rendons véridiques, sans comment (sans modalité physique) ni de sens (particulier), (…) et nous ne rejetons rien de cela (des Attributs qui sont mentionnés). Nous savons que ce qui provient du Prophète n’est que vérité, et nous ne répliquons au Prophète. Nous ne décrivons pas Allâh en dépassant ce par quoi Il s’est décrit Lui Même, sans limite et sans fin ».
L’imâm Ibn Jarîr At-Tabârî dans son Tafsîr intitulé Al Jâmi’ ul Bayân fî Tafsîr ul Qur’ân dit :
Vol. 1 : « Allâh est au-dessus de Sa Création par Sa Royauté et par Sa Puissance, et non pas par le déplacement et la disparition » (aller d’un point physique A vers un autre point physique).
Vol. 3, dans le verset du Trône où il est dit « Allâh est Al-‘Alîyy (L’Elevé) », il commente : « Il est élevé sur Sa Création par Sa Puissance » ; et non pas par Son Être, Son Essence ou physiquement, comme l’ont suggéré Ibn Taymiyya et Ibn Al Qayyim dans certains de leurs ouvrages (comme Ijtimâ’ al-juyûsh al-islâmiyya, p. 148), contredisant le Qur’ân, la Sunnah, l’intellect et l’élite des salafs us sâlih.
Vol. 5, dans la Sûrah Al-An’am au verset : « Il est Le Dominateur Suprême Se tenant au-dessus de Ses Serviteurs », il dit : « Il est au-dessus d’eux par Sa Puissance, et eux sont en-dessous de Lui ».
Vol. 11, dans la Sûrah As-Shûra il dit : « Allâh est au-dessus de toutes choses, et toutes choses sont en-dessous de Lui parce qu’elles sont dans Son Royaume. Sa Puissance et Sa Volonté sont établies sur toutes choses ».
L’Imam Ibn Kathîr a dit dans son Tabaqât as-Shâfi’iyya (1/439-440) dans la biographie du grand juriste Shafi’ite Abû Ishâq al Firuzabâdî as-Shirâzî : « Abû al Qâssim ibn ‘Asâkir (m.571 H) rappela ceci dans les générations des compagnons d’al Ash’arî et dans un autre de ses livres « Tabyin Kadhib al Muftari ‘ala al imâm al Ash’arî » et dit :
« J’ai lu de la plume de personnes fiables : quelle est la position des nobles juristes concernant les gens se mettant d’accord pour maudire les Ash’arites et les excommunier ? Que doivent-ils faire pour s’en repentir ? Informez-nous ».
Un large groupe d’entre eux a répondu : « Cette voie Ash’arite est celle de la défense de la Sunnah et de la fermeté dans la réfutation des innovateurs parmi les Qadarites, les Rafidha et les autres. Celui qui les insulte a insulté les gens de la Sunnah et celui qui s’occupe des affaires des musulmans se doit de les sanctionner, afin de les corriger par cela tous sans exception. C’est ce qu’a écrit Ibrahim ibn ‘Alî al Firuzabâdî. [Abû Ishâq as-Shirâzî] ». Je dis [Ibn Kathîr] : Concernant la voie du Shaykh Abû al Hassan ‘Alî ibn Ismâ’il al Ash’arî dans les Attributs après avoir quitté le Mu’tazilisme, et même après qu’il se rendit à Baghdâd et y trouva les gens du hadith tels que Zakariya as Sajî [m.307 H] et d’autres, c’est la plus véridique des voies et des doctrines, affirmant les Attributs Rationnels [‘aqliyya] et Textuels [khabariyya] et ne rejetant rien parmi ceux-là et sans modalisation. Ceci est la voie des imâms du Salaf parmi les gens de la Sunnah et du consensus, qu’Allâh nous inclut dans leur groupe et dans le suivi de leur voie car Il est Celui qui entend les invocations, Bienveillant et Généreux. Et c’est sur cette méthodologie qu’étaient les imâms parmi les compagnons d’al Ash’arî tels que Abû ‘AbdAllâh ibn Mujâhid (m.368 H) et le Qadî Abû Bakr al Baqillanî (m.402 H) ainsi que leurs semblables ».
Ibn Kathîr dit dans ses Tabaqât as-Shâfi’iyah (1/449) : « L’affirmation de tout ceci sans attribuer donner de modalité à quoi que ce soit et sans faire d’assimilation, comme le firent les Salafs et ce fut sa voie dans « al Ibânah » qu’il a composé en dernier. Le Qadî al Baqillanî (m.402 H) l’a expliqué et le Hafiz Abû al Qâssim ibn ‘Asâkir (m.571 H) l’a transmise et c’est ce qu’ont suivi al Baqillanî et l’Imâm al Haramayn [Al-Juwaynî ; m.478 H] et la dernière position de beaucoup d’imâms les ayant suivis et Allâh sait mieux ».
Ibn Kathîr dans son Tafsîr (au verset 2/221) : « Quand le Qur’ân et les récits sahîh entérinent l’Ouïe, la Vue, l’Oeil, la Face (al-Wahj), le Savoir, le Pouvoir, la Magnificence, la Volonté, le dire, la Parole, l’Agrément, la Rigueur, l’Amour, la Réprobation, la Joie, le rire (dhahiq), il incombe d’y adhérer sans chercher à faire aucune ressemblance avec les attributs des créatures. Il incombe de se limiter à la Parole d’Allâh et à celle de Son Messager, sans rajouter ni retrancher quoi que ce soit ; sans faire de description, de ressemblance, de falsification, ni de changement ; sans changer le sens qui était familier aux Arabes et lui donner un autre sens. Il incombe de ne pas aller au-delà de cela ! ».
Ailleurs, concernant le verset du Trône par exemple, il dit : « Quant au Verset : « Puis, Il s’est istâwa [traduit généralement par « établi » ou « dominé »] sur Son Trône », il existe de nombreuses opinions sur le sujet que nous n’allons pas étaler ici. Cependant, il est important de savoir qu’il faut suivre ici la tendance des Salafs us-Sâlih comme Mâlik, al Awzâ’î, At-Thawrî, al-Layth ibn Sa’d, As-Shâfi’î, Ahmad ibn Hanbal, ishâq ibn Râhawaïh, et tant d’autres parmi les grandes références musulmanes de l’ancienne et de la nouvelle époque. Elle consiste à lire les textes comme ils sont venus sans faire de description, d’assimilation, ni de négation. Or, le sens apparent qui vient à l’esprit des anthropomorphistes ne peut être attribué à Allâh, car aucune de Ses créations ne Lui ressemble : « Rien ne Lui ressemble, et Il est l’Entendant et le Voyant » [Qur’ân]. La réalité est plutôt comme l’établissent les grands imâms comme Nu’aym ibn Hammad al Khuzâ’î, le Shaykh d’al Bukhârî : « quiconque fait ressembler Allâh à Sa création devient mécréant, et quiconque renie ce qu’Allâh s’est attribué devient mécréant. Or, rien dans ce qu’Allâh s’est attribué ou que Son Messager lui a attribué ne prête au tashbîh (connu sous le nom d’anthropomorphisme) ». Ainsi, attribuer à Allâh la même chose que les Versets clairs, et les annales authentiques, de la façon qui convient à Sa Majesté ; et en parallèle, de Lui refuser tout défaut, c’est suivre la bonne voie ». Ibn Kathir dit donc que la Voie des Salafs (dont Mâlik, Al-Awzâ’î, At-Thawrî, Ahmad et al-Layth) était d’accepter tous Ses Attributs, sans les nier (dans leur Réalité propre à Allâh), tout en Les exemptant des modalités physiques et ce qui pourrait impliquer des limites ou des similitudes avec la Création (espace, temps, matière, corps, etc.), et que le sens apparent impliquant des modalités ou des limites n’était pas le sens voulu, et qu’il ne faut donc pas les interprété de cette façon. En somme, c’est exactement le contraire de ce que feront plus tard, un grand nombre de Salafis (y compris Ibn Baz, Al-Fawzân et Ibn al-‘Uthaymîn, qui ont clairement tenu des propos dont les implications mènent logiquement à l’anthropomorphisme).
De même, Ibn Hubayra al Hanbalî (m.560 H) a dit concernant les Attributs d’Allâh parvenus textuellement [khabariyah] : « Je réfléchissais aux récits relatifs aux Attributs (d’Allâh), et j’ai remarqué que les Sahâba et les tabi’în se taisaient au sujet de leur explication (tafsīr), malgré leur grande connaissance. J’ai cherché la raison de leur silence, et j’ai trouvé que c’était en raison de la grandeur de la vénération envers Celui qui est décrit [par ces Attributs]. En effet, l’explication (tafsīr) de ces Attributs ne peut se faire qu’en donnant des égaux à Allāh, et Lui, puissant et majestueux soit-Il, a dit : « Ne donnez pas d’égaux à Allāh » (Qur’ân 16, 74). (…). On ne saurait pour les expliquer recourir au sens apparent, ni au sens métaphorique, parce que les interpréter au sens apparent est de l’assimilation [tashbîh] et les interpréter de manière métaphorique est une innovation [bid’a] » comme le rapporte Ibn Rajab al-Hanbalî dans al-dhayl ‘alâ tabaqât al-hanâbila (2/156) et dans son Tafsîr (2/508).
L’imâm Ibn Kathîr a dit au sujet de Ibn Hubayra dans Al Bidayât wa Nihâyât (16/416) : « Yahya ibn Muhammad ibn Hubayra Abû al Muzaffâr le Vizîr, il se forma dans la jurisprudence dans l’école de l’imâm Ahmad et composa des livres très bénéfiques parmi ceux- là : « al Ifsâh » en plusieurs volumes, il y expliqua dedans le hadîth et parlait sur la méthodologie des savants, et il était sur la voie des Salafs dans la doctrine ». Et pour l’imâm al Haramayn Al-Juwaynî al-Ash’arî (m.478 H), il a dit dans ar Rissâla an Nizhâmiyya : « Les savants ont pris des chemins différents concernant les textes apparents qui ont été rapportés dans le Qur’ân et la Sunnah, les gens de la vérité se sont abstenus de la doctrine au sens premier (apparent), certains ont envisagé de les interpréter, ils s’y sont engagés dans le Qur’ân, et sur ce qui est authentifié parmi les Sunân. Les imâms du Salaf sont allés vers le délaissement de l’interprétation, et la transmission des textes apparents comme ils sont parvenus [mais sans comment/modalité], en laissant leurs significations (tafwîd al ma’na) au Seigneur ». Ibn Kathîr rapporte aussi ses paroles dans Tabaqât as-Shâfi’iyah (1/449).
La véritable méthode des éminents Salafs concernant les textes équivoques relatifs aux Attributs d’Allâh selon les célèbres imâms du Salaf Abû Hâtim ar-Râzî (195 – 277 H) et son fils, Ibn Abî Hâtim ar-Râzî (240 – 327 H), qui dit dans Kitâb al-‘Ilal (5/65-468) : « J’ai questionné mon père (Abû Hâtim ar-Râzi) sur l’explication du hadīth du Prophète (ﷺ) : « Les liens de parenté est un lien venant du Tout-Miséricordieux, et elle est accrochée à la « hanche / taille » du Tout-Miséricordieux ». Il répondit : « Al-Zuhrî a dit : « Il appartient au Messager d’Allâh (ﷺ) de transmettre et à nous de nous y soumettre ». Il dit aussi : « Transmettez le hadîth du Messager d’Allâh (ﷺ) comme il est venu ». Et on m’a rapporté sous l’autorité de Mu’tamir Ibn Sulaymân (106 – 187 H), sous l’autorité de son père (Sulaymân Ibn Tarkhân al-Taymî; 46 – 143 H), qu’il a dit : « Ils [les Sahâba et tabi’in] détestaient expliquer le hadīth du Messager d’Allâh (ﷺ) avec leurs opinions personnelles, tout comme ils détestaient expliquer le Qur’ân avec leurs opinions personnelles. » Al-Haytham Ibn Khârija a dit : « J’ai entendu al-Walîd Ibn Muslim dire : « J’ai interrogé al-Awzâ’î, Sufyân al-Thawrî, Mâlik Ibn Anas et al-Layth Ibn Sa’d sur ces ahadiths prophétiques qui contiennent les Attributs (d’Allâh), la vision (d’Allâh) et le Qur’ân ? Ils répondirent : « Transmettez-les telles qu’elles sont venues (en sachant qu’ils sont) sans comment [sans modalité physique] ».
Cela signifie qu’il ne faut pas prendre Ses Attributs au sens apparent, ni les interpréter de façon physique, limitée ou corporelle comme le font une grande partie des wahhabî. Il s’agit donc soit d’Attributs d’essence ou d’action dont il faut affirmer la Réalité propre à Allâh, mais sans les prendre au sens apparent et physicaliste comme le font les anthropomorphistes et les wahhabis qui s’en rapprochent.
Une autre preuve vient du célèbre imâm du Salaf, le juriste, le muhaddith, le linguiste, le célèbre étudiant de l’Imâm Abû Hanîfa (80 H/699 – 150 H/767) puis de l’imâm Mâlik Ibn Anas (93 H/711 – 179 H/795), le Shaykh Muhammad Ibn al-Hassân al-Shaybânî (131 H/749 – 189 H/805) rapporte la méthodologie des Salafs avant lui concernant les textes relatifs aux Attributs d’Allâh. L’Imâm Hibat Allâh al-Lâlakâ’î (m.418 H) rapporte dans son Sharh Ussûl al-I’tiqâd Ahl al-Sunnah wa al-Jamâ’ah (3/480) avec son isnad jusqu’à l’Imâm ’Abdallâh Ibn Abî Hanîfa al-Dawsî qu’il a dit qu’il entendit Muhammad Ibn al-Hassân [al-Shaybânî] dire : « Tous les juristes (parmi les musulmans clairvoyants vertueux) de l’Orient à l’Occident sont unanimes dans leur foi au Qur’ân et aux ahadiths prophétiques rapportés par les personnes dignes de confiance sur le Messager d’Allâh (ﷺ), concernant la description du Seigneur, exalté et glorifié soit-Il, sans altération (taghyîr), ni modalisation physique (wasf), ni ressemblance (tashbîh). Quiconque aujourd’hui explique (fassara) quelque chose de cela a quitté ce sur quoi était le Prophète (ﷺ) et a rompu avec la communauté [musulmane], car ils (les Sahâba et tabi’in) ne les modalisaient ni ne les expliquaient (fâ’innahum lam yasifū wa lam yufassirû), mais ils jugeaient selon ce qui est dans le Livre et la Sunnah, puis se taisaient. Celui qui soutient l’opinion de Jahm [Ibn Safwân] a rompu avec la communauté [musulmane], car il L’a décrit avec un attribut qui n’a aucune réalité » ».
Cela signifie que leur voie consistant à accepter et attester Ses Attributs, en sachant qu’ils étaient selon une réalité propre à Allâh, sans ressemblance ni modalités physiques, et qu’il ne fallait pas les interpréter de façon corporaliste, physicaliste ou psychologique, avec les limites, caractéristiques et modalités créées que l’on connait chez les êtres créés. Quant au Kalâm, il est autorisé lorsque les confusions ont déjà trop perturbé les esprits, ou quand les négateurs ou des « hérétiques » usent d’arguments que l’on peut réfuter par le recours à l’intellect et aux démonstrations rationnelles, car le Qur’ân l’y autorise (le Qur’ân exhorte les Musulmans et les non-Musulmans à réfléchir, raisonner, observer et explorer le cosmos, le corps humain, les facultés intellectuelles, etc. pour aboutir à la conclusion de la Réalité divine, de Son Unicité et de certains de Ses Attributs comme la Puissance, la Vie, l’Eternité, l’Absoluité, la Science, la Miséricorde, Celui qui pourvoit à nos besoins, etc.), tout en exhortant les croyants à éviter les polémiques ou débats sur ce type de sujets, sauf quand la nécessité l’exige, et tant que cela ne nous détourne pas du dhikr, de cultiver foi en Lui et en Ses Attributs d’une manière qui sied à Sa Majesté et qui ne sont pas conditionnés ou limités par les caractéristiques des choses créées (comme le temps, l’espace, les directions physiques, la limite, les organes, etc.) et que cela n’alimente pas en nous la rancune envers les autres Musulmans, ni ne nous détourne de nos obligations religieuses, familiales et professionnelles.
L’imâm Ad-Dhahâbî dans son Siyâr (18/351) et Ibn Rajab al-Hanbalî dans Dhayl Tabaqāt al-Hanâbila (1/59) – et il fut le disciple notamment du Shaykh Ibn al-Qayyîm bien qu’il prit ses distances avec les erreurs du Shaykh dans la ‘aqida – rapportent que l’Imâm Ibn al-Sam’ânî entendit l’imâm al-Hussayn Ibn ‘Abd al-Malik al-Khallâl dire qu’il entendit l’Imâm ‘Abd ar-Rahman Ibn Mandah (383 – 470 H) – muhaddith, athârite et juriste – dire : « Et je me tiens fermement au Livre (Qur’ân) et à la Sunnah, je me désavoue devant Allâh de toute ressemblance (al-shibh), de toute similitude (al-mithl), de tout opposé, de tout égal, de tout membre, de tout corps (al-jism), de tout instrument (al-âlât) et de tout ce que les gens prétendent m’attribuer, et que ceux qui m’accusent de dire à propos d’Allāh – exalté soit-Il – quelque chose de cela, ou que je l’ai dit, ou que je l’ai vu, ou que je le suppose, ou que je Le décris ainsi ».
Al-Ḥâfiz Ibn ʿAbd al-Barr (m. 463 H/1071) a dit dans Al-Tamhîd : « Muḥammad ibn ʿAlî al-Jabalî (…) a rapporté : Jâmiî ibn Sawâda nous a dit en Égypte, il a dit, Muṭarrif nous a dit de Mâlik ibn Anas qu’il avait été interrogé sur le hadith concernant le Nuzûl d’Allâh dans la nuit au ciel le plus bas ». Mâlik a commenté (ce hadith) en disant : « Son commandement descend ». Et cela pourrait signifier, comme l’a dit Mâlik – qu’Allah lui fasse miséricorde – que Sa Miséricorde et Son décret descendent avec le pardon et la réponse aux supplications. Et cela vient de Son commandement, ce qui signifie : cela se produit le plus souvent à ce moment- là et Allah le sait mieux ». Ce récit sahîh remonte à l’imâm Mâlik telle qu’elle a été transmise par Muhammad ibn ʿAlî al-Jabalî al-Qayrawânî d’Abû Sulaymân Jâmiʿ ibn Sawâda al-Miṣrî de Muṭarrif ibn ʿAbdullâh, l’élève de Mâlik[7].
Et cette interprétation est à la fois cohérente et rendue plus que possible par le Qur’ân, la Sunnah, la langue arabe et l’intellect. Le sens de ce hadith si l’on part du principe qu’il est vrai, n’était certainement pas de faire croire qu’Allâh serait conditionné aux modalités de Sa Création et de Le faire ressembler aux choses créées, mais plutôt d’inciter les Musulmans à prier lorsque dans leur région la nuit est tombée, afin de bénéficier de la particularité du Pardon et de la Miséricorde divines, où leurs prières seront plus susceptibles d’être exaucées dans la discrétion de la prière de nuit, d’autant plus que partout sur terre il ne fait pas nuit au même moment. Il a été aussi rapporté de façon sahîh que les imâms Ahmad, al-Bukharî dans son Tafsîr, At-Tabarî dans son Tafsîr (sous l’autorité de plusieurs Sahâba comme Ibn ‘Abbâs) et d’autres parmi les Salafs, qu’ils ont interprété certains versets et ahadiths sahîh relatifs aux Attributs d’Allâh, comme « La Venue », la « Face », le « Rire », etc. comme n’étant pas à prendre au sens apparent, et les interprétant selon Ses qualités comme l’Essence divine et Sa Majesté (pour la Face), Sa Récompense (pour la « Venue »), Sa Satisfaction et Son Agrément (pour le « rire »), etc. ce qui se comprend du contexte et du sens voulu par les versets et ahadiths, bien qu’ils puissent comporter aussi d’autres sens, mais pas le sens apparent impliquant des modalités physiques, des défauts psychologiques ou des limites mentales.
Ainsi, les plus grands savants atharites, maturidites et ash’arites faisant autorité dans le Hadith s’accordaient sur l’exemption d’Allâh des organes corporels, directions physiques et le refus du sens apparent impliquant des modalités ou ressemblances physiques ou psychologiques (dans ce qui est propre aux créatures et à leurs limites ou faiblesses). Ad-Dhahabî dans son Siyâr (17/459-460) dit dans la biographie d’Abû Nu‘aym (336 H/948 – 430 H/1038) : « l’imâm, le Hâfiz, le digne de confiance, Shaykh al Islâm, Abû Nu’aym al Mihrânî al Asbahânî, le Sufî, (…) et l’auteur de al Hilyah ». Abû Nu’aym était un théologien ash’arite, l’une des plus grandes autorités dans la science du hadîth de son époque, un juriste shafiite, un exégète, un spécialiste de la Sirah prophétique et de la vie des Sahâba, et aussi médecin, historien, logicien et Saint gratifié de prodiges. On lui attribue environ 100 ouvrages.
Que ce soit sur les Attributs d’Allâh, les questions du tawassul et du tabarrûk, dans leurs déviances, héritées des croyances matérialistes et anthropomorphistes au sujet d’Allâh et du monde, ils se sont isolés et marginalisés de l’Islam et de la Ummah sur ces questions, contredisant des textes clairs du Qur’ân, de la Sunnah, des Sahâba et des tabi’in, qui eux exemptaient Allâh des similitudes avec la Création, et qui pratiquaient le tawassul et le tabarrûk par le Prophète (ﷺ) et ses reliques, ainsi que par les vertueux de leur temps, vivants ou défunts près de leur tombe, y compris avec les objets appartenant au Prophète (ﷺ) – comme sa bague, son sabre ou ses sandales -, ou par rapport à ses cheveux ou sa salive (bénie). En effet, tant que la personne cultive la conscience du Tawhid, n’exagère pas, et sait qu’Allâh a placé Ses Bénédictions dans la compagnie ou les reliques des Prophètes et des awliyâ’ parmi les Sahâba ou les suivants, il est autorisé de faire le tabarrûk et le tawassul, conformément au Qur’ân (notamment dans la Sûrah Yûsuf), à la Sunnah (cf. les Sahihayn d’Al-Bukharî et Muslim, les Sunân d’An-Nasâ’i, At-Tirmidhî, Ibn Mâjah, Ad-Dârimî, Abû Dawûd, Al-Bayhaqî, etc., ainsi que les recueils de l’imâm Ahmad, d’Al-Hâkim, d’At-Tabarânî, d’Abû Nu’aym, etc., à travers des chaines sahîh ou hassân) et à la pratique des Sahâba et des tabi’in, comme cela est rapporté par de nombreux Salafs et authentifés par des imâms comme Al-Bayhaqî, An-Nawawî, Ad-Dhahabî, Ibn Kathîr, Ibn Hajar al-‘Asqalânî, Ibn Hajar al-Haytamî, Taqî ud-Dîn As-Subkî, As-Suyûtî, etc.).
Sur le tabarrûk et le tawassul
Les sujets du tawassul (intercession, entremise) et de l’istighatha (demande/appel de secours) sont parmi ceux qui ont fait couler le plus d’encre et de sang depuis l’apparition du wahhabisme, car Mohammed Ibn Abdel Wahhâb et ses successeurs méconnaissaient le principe du tawhîd et ses conditions, et en avaient une compréhension à la fois nouvelle (dans le sens de bid’â/innovation) et étriquée, confondant le shirk et le tawhîd. Quant aux wahhabites actuels, il existe quelques nuances en leur sein, mais nombreux encore sont les wahhabites qui considèrent le tawassul à travers les défunts et al-istighatha comme des pratiques relevant du shirk akbar (qui fait sortir de l’Islam). Mais qu’en est-il réellement ?
Le tawassul et le tabarruk (que nous avons déjà traité dans un autre article), associés souvent par ignorance à « l’adoration des tombes », est une idée fausse très répandue chez et par beaucoup de wahhabites/salafistes/najdites et réformistes. Cela découle d’une ignorance des textes religieux (Qur’ân, Sunnah, analogie/qiyas et enseignement des salafs) d’une part, et d’une myopie intellectuelle d’autre part en raison d’une méconnaissance des différents degrés du Réel qu’un certain rationalisme (contredisant même souvent l’approche rationnelle) handicapant à tendance à occulter, voire même à mépriser en milieu athée/matérialiste. Ainsi, comme pour certains ignorants, les défunts ne perçoivent pas les perceptions extra-sensorielles, pour les « rigoristes » et les « réformistes », c’est comme si les gens « adoraient » les tombes. Or ils ne distinguent pas non plus entre le fait de saluer les défunts ou de leur demander d’invoquer Allâh, du fait de les invoquer directement pour nos besoins (alors que seul Allâh doit être invoqué et adoré pour nos besoins).
Même dans le cas où certains ignorants violeraient le principe du tawhîd, ils n’adoreraient donc pas des tombes, mais des défunts. Ce n’est pas du tout la même chose, même si dans les 2 cas, il s’agirait de shirk. Ce sont généralement des gens de la masse qui méconnaissent le tawhid et les règles de fiqh par rapport aux visites des défunts auprès de leurs tombes qui tombent dans cette situation. Mais sur la base de la simple présence de personnes autour d’une tombe, on ne peut pas savoir qu’ils les adorent, alors qu’ils pourraient très bien invoquer Allâh pour eux, ou demander aux défunts d’invoquer Allâh pour eux, ce qui ne relèverait pas du tout du shirk.
L’imâm Ad-Dhahabî dans son Mu’jam as-Shuyukh al-Kabir (1/73 n°58) concernant le fait de toucher la noble tombe du Prophète (ﷺ) dit : « « On interrogea Ahmad Ibn Hanbal sur le fait de toucher la tombe du Prophète (ﷺ) et de l’embrasser, et il ne vit rien de mal à cela. Son fils ‘Abdullâh rapporta cela de lui. Si on demande : « Mais pourquoi les Compagnons ne le faisaient pas [en général] ? ». Nous répondons : parce qu’ils le virent de leurs propres yeux de son vivant même, profitèrent directement de sa présence, baisèrent ses propres mains, ils se querellaient presque les uns les autres pour accéder au reste de l’eau de ses ablutions [afin d’en obtenir la bénédiction], partageaient ses cheveux purs le jour du Hajj, et même lorsqu’il crachait, il tombait presque toujours dans la main de quelqu’un qui ensuite se l’essuyait sur le visage (car sa salive était pure et bénie) ! Puisque nous n’avons pas eu l’immense chance de vivre cela, nous nous précipitons vers sa tombe comme une marque d’engagement, de révérence et de soumission, et même pour l’embrasser. Ne voyez-vous pas ce que Thâbit Al Bunânî a fait, lui qui embrassa la main de Anas Ibn Mâlik et puis la plaça sur son visage en disant : « C’est la main qui a touché le Messager d’Allâh (ﷺ) ! » ? Les Musulmans ne sont motivés sur cela que par leur amour intense éprouvé pour le Prophète, parce qu’ils ont l’ordre d’aimer Allâh et le Prophète (ﷺ) plus que leurs propres vies, leurs propos enfants, tous les êtres humains, leurs propres biens, ainsi que le Paradis et ses hûris. Et il y a même des croyants qui aiment aussi Abû Bakr et ‘Umar plus qu’eux-mêmes ! ». Cela vaut aussi pour ‘Alî, ‘Uthmân, Salmân et d’autres nobles Compagnons, que les vrais croyants aiment plus qu’eux-mêmes, tout comme ils aiment l’ensemble des awliyâ et des ahl ul bayt vertueux plus qu’eux-mêmes !
L’imâm Ad-Dhahabî dit dans Siyar a’lam an Nubalâ’ (11/212) : « ‘Abdallâh ibn Ahmad (le fils de l’imâm Ahmad) a dit : J’ai vu mon père (l’imâm Ahmad ibn Hanbal) prendre un cheveu de ceux du Prophète (ﷺ), il l’a mis dans sa bouche puis l’a embrassé. Et je suis sûr de l’avoir vu le mettre sur ses 2 yeux, et l’avoir mélangé avec de l’eau, d’avoir bu cette eau en recherchant la guérison (par la Grâce d’Allâh) par cela. Et je l’ai vu prendre le bol du Prophète, le laver dans un puits, puis boire dedans. Je l’ai vu boire de l’eau de Zamzam en recherchant la guérison et s’essuyer les mains et le visage avec elle ». Je dis (Ad-Dhahabî) : Où est le déni de Ahmad dans cela ? (Le tabarruk). Il fut rapporté que ‘Abdallâh demanda à son père au sujet de quelqu’un qui touche le pommeau du minbar du Prophète (ﷺ) et touche le mur de la chambre du Prophète (ﷺ) et Ahmad Ibn Hanbal répondit : « Je ne vois aucun mal dans cela ». Qu’Allâh nous protège des égarements des khawarij et de [leurs] innovations ».
Et cela fut d’ailleurs pratiqué par des Sahaba eux-mêmes après le décès du Prophète (ﷺ). Citons le cas Marwân Ibn Al Hakam, alors gouverneur de Médine, vit un homme poser son visage sur le devant de la tombe du Prophète Muhammad (ﷺ). Il lui dit alors : « Vois-tu ce que tu es en train de faire ? ». Lorsqu’il s’approcha de ce dernier, il réalisa que c’était le Compagnon Abû Ayyûb Al Ansârî, qui lui répondit : « Oui, et je suis venu auprès du Prophète (ﷺ), et non d‘une dalle de pierre ! J’ai entendu le Messager d’Allâh (ﷺ) dire : « Ne pleurez pas sur la Religion si ses fidèles en assument la direction (waliyahu), mais pleurez sur elle si d’autres que ses fidèles l’assument ». »[8]. C’est-à-dire ici qu’il faudrait pleurer si l’on voit d’autres personnes que les Musulmans, mieux respecter les injonctions de l’Islam et ses valeurs morales et éthiques, là où des prétendus Musulmans les abandonnent ou les transgressent, comme la bonté, la justice, la compassion, la spiritualité, l’amour bienveillant, etc. ou encore la foi en Allâh. Bien que certains Salafis aient tenté d’affaiblir le récit, des spécialistes du Hadith les ont réfuté, montrant l’authenticité non seulement de ce récit, mais aussi de celui d’autres Sahâba (comme Ibn ‘Umar, Anas Ibn Mâlik, Ussamâ Ibn Zayd, Uqba Ibn Amir, Mu’âdh Ibn Jabâl, Bilâl Ibn Rabah et d’autres) qui faisaient aussi le tabarrûk, en conformité avec le Tawhîd et le Qur’ân. Voir l’ouvrage en 5 volumes du Shaykh et Dr. Abul Hasan Hussain Ahmed intitulé The authenticity of the Sahabi Abû Ayyûb Al-Ansari’s actions at the grave of the Noble Prophet (ﷺ) – A detailed analysis and reply to Salafi detractors on Interrelated Issues.
Le Prophète Yûsuf (‘alayhî salâm) donna en effet à ses frères une tunique qu’Allâh bénit (lui donnant la propriété de guérison), pour que leur père puisse recouvrer la vue (car il était aveugle) : « « Emportez ma tunique que voici, et appliquez-la sur le visage de mon père : il recouvrera [aussitôt] la vue. Et amenez-moi toute votre famille ». – Et dès que la caravane franchit la frontière [de Canaan], leur père dit : « Je décèle, certes, l’odeur de Joseph (Yûsuf), même si vous dites que je radote ». Ils lui dirent : « Par Allâh te voilà bien dans ton ancien égarement ». Puis quand arriva le porteur de bonne annonce, il l’appliqua [la tunique] sur le visage de Jacob (Yâqub). Celui-ci recouvra [aussitôt] la vue, et dit : « Ne vous ai-je pas dit que je sais, par Allâh, ce que vous ne savez pas ? » » (Qur’ân 12, 93-96). On pourrait aussi mentionner d’autres passages dans le Qur’ân, où des reliques appartenant aux Prophètes ont été « bénies » par Allâh, comme le bâton du Prophète Mûsâ (Paix divine sur lui !) : « Et qu’est-ce qu’il y a dans ta main droite, ô Mûsâ (Moïse) ? Il a dit : » il s’agit de mon bâton sur lequel je m’appuie et avec lequel je frappe les arbres pour faire tomber les feuilles pour mon troupeau de mouton et je l’utilise pour d’autres usages encore ». Allâh lui dit : « Jette-le, Ô Mûsâ ». Il le jeta : et le voici un serpent qui rampait. Allâh dit : « Saisis-le et ne crains rien : Nous le ramènerons à son premier état. Et serre ta main sous ton aisselle : elle en sortira blanche sans aucun mal, et ce sera là un autre prodige, afin que Nous te fassions voir de Nos prodiges les plus importants » (Qur’ân 20, 17-23).
Muslim rapporte dans son Sahîh n°2069 : « ‘Asma’ bint Abû Bakr nous a présenté une tunique longue (jubbah), dont l’encolure était ornée de brocart et les emmanchures ourlées, puis elle a dit : « C’est la jubbah du Messager d’Allâh (ﷺ) ; elle se trouvait chez ‘Aîsha. Je l’ai récupérée lorsqu’elle est décédée. Le Prophète Muhammad (ﷺ) la portait. Nous la trempons dans l’eau pour les malades et recherchons par elle la guérison [par la Grâce d’Allâh] ».
D’après le Sahâbi Hudhayfa ibn al Yamân, An-Nawawî dans son Sharh du Sahîh Muslim (37/2), lors de l’explication du hadîth dans lequel Asmâ bint Abû Bakr dit qu’elle trempait la jubbah du Prophète Muhammad (ﷺ) dans l’eau et recherchait la guérison par elle, l’Imâm An-Nawawi a dit : « Il y a dans ce hadîth une preuve sur la recommandation de pratiquer le tabarruk (la recherche de bénédiction) par les traces (âthâr) des vertueux et par leurs vêtements ».
L’Imâm An-Nawawi a dit dans Tahdhîbu l-Asmâ wa l-Lughât : « Le Calife ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azîz a demandé à ce que soit enterré avec lui l’un des cheveux du Prophète (ﷺ) qu’il avait avec lui, et également l’un de ses ongles. Il disait : ‘si je meurs alors mettez-les dans mon linceul », et c’est ainsi qu’ils ont fait ».
Dans son Târîkh Baghdâd (1/123) le grand imâm Al-Khatîb Al-Baghdâdi rapporte avec une chaine hassân ou sahîh selon les savants, d’après ‘Ali Ibn Maymûn qu’il a dit : « J’ai entendu Ash-Shâfi’i dire : je fais certes le tabarruk (la recherche de bénédiction) par Abû Hanîfa et je me rends à sa tombe chaque jour le visiter [quand je suis dans les environs]. Si j’ai un besoin, j’accomplis 2 rak’ah (cycles de prière) puis je me rends à sa tombe et je demande à Allâh ta’âlâ qu’Il m’accorde la chose dont j’ai besoin et ce, auprès de sa tombe. Après cela mon affaire est rapidement réglée ». D’autres savants ont authentifié ce récit comme Ibn Hajar al-Haytamî dans Khayrat al-hisan fi manaqib al-imam Abi Hanifa al-Nu`man (chap. 35), réfutant l’avis du Shaykh Ibn Taymiyya (puis du penseur Al-Albani) sur ce récit dont l’argumentation était faible, disant que ‘Umar (ou ‘Amr) ibn Ishaq ibn Ibrahim est inconnu alors qu’il ne l’était pas, et qu’il était même considéré comme une personne digne de confiance comme l’indiquent plusieurs spécialistes dont Ibn Hajar dans Nata’ij al-Afkar (2/28). L’imâm Al-Muwaffaq Ibn Ahmad Al-Makki le rapporte aussi dans son ouvrage Manâqib Abî Hanîfah, ainsi qu’Ibn Hajar al Haytâmî dans al-Khayrat al-hisân fî manâqib al-imam Abî Hanîfa al-Nu`man (chapitre 35) et d’autres. Certains savants ont critiqué la chaine en pensant qu’un des rapporteurs était un inconnu (ce qui ne change rien à l’énoncé du récit qui est conforme au Qur’ân et à la Sunnah), mais `Umar ibn Ishaq ibn Ibrahim pourrait être tout simplement `Amr ibn Ishaq ibn Ibrahim al-Himsi (qui est un des maîtres d’at-Tabarânî). Le Shaykh Gibril Fouad Haddâd a écrit (sur son site Sunnah.org) : « Ceci est possible chronologiquement car la fourchette historique concorde : Il est établi que `Amr a rapporté de son père Ishaq ibn Ibrahim ibn al-`Ala’ (m. 238 H) et de son grand-père Abu Ishaq Ibrahim ibn al-`Ala’ ibn al-Dahhak (m. 235 H). De `Amr rapportent Sulayman ibn Ahmad al-Tabarani (260-360 H) et Abû Ja`far Muhammad ibn Muhammad ibn `Abd Allâh al-Baghdadi (m. 346 H). Dans la narration d’al-Khatib, le lien indéterminé (`Umar ou `Amr) rapporte de `Ali ibn Maymun (m. 246 H), et celui qui rapporte du lien indéterminé est Makram ibn Ahmad (m. 345 H). Si le lien est effectivement `Amr, alors la chaîne est forte puisqu’il est muwaththaq (synonyme de sadûq ; véridique) comme l’a dit Ibn Hajar dans Nata’ij al-Afkar (volume 2 page 28), et le reste de la chaîne d’al-Khatib est solide ». L’Imâm Muhammad Zâhid Al-Kawthari Al-Hanafi (m. 1371 H) a dit dans son Mahqu t-Taqawwul fî mas-alati t-Tawassul : « Et nous avons mentionné le tawassul de l’Imâm As-Shâfi’i par le biais de [l’Imâm] Abû Hanîfa, tout comme cela est rapporté au début [du livre] At-Târîkh d’Al-Khatîb [Al-Baghdâdi] avec une chaîne de transmission authentique (sahîh) ». Et il était un muhaddith (spécialiste du hadîth), un muhaqîq (vérificateur dans la science du hadîth et des manuscrits), un juriste hanafite, un théologien et un logicien. Certains le considèrent comme le mujaddîd de son époque, mais en raison des polémiques et tensions avec certains wahhabis, il lui arrivait d’être tout aussi virulent qu’eux ou d’exagérer dans ses condamnations. Qu’Allâh lui fasse Miséricorde.
Le Shaykh ul-Islâm Ibn Hajar al-Haytamî dans Khayrat al-hisan fi manaqib al-imam Abi Hanifa al-Nu`man rapporte aussi que : « L’imâm Ahmad a dit à Abû Bakr al-Marzawi : « Qu’il utilise le Prophète (ﷺ) comme moyen d’invocation à Allâh ». On trouve cela dans le Manasik de l’Imâm Ahmad rapporté par son disciple Abû Bakr al-Marzawi. Hafiz al-Iraqi rapporte dans Fath al-Mutual, que : « L’Imâm Ahmad a cherché des bénédictions (faisant tabarrûk) en buvant l’eau de lavage de la chemise de l’imâm as-Shafi’î » ».
L’imâm Ibn al-Jawzî dans son Sifat as-Safwa (2/214) sur Ma’rûf al-Karkhî (m. 200 H) ainsi que l’imâm Ad-Dhahabî dans son Siyâr a’lam an-Nubalâ’ (9/343) a dit : « Sa tombe peut être vue à Baghdâd, et on cherche des bénédictions (d’Allâh) à travers elle [en raison de son rang et de la Baraka qu’Allâh y a déposé par sa dépouille]. Al-Hafiz Ibrahim al-Harbi (m. 285 H) – le compagnon de l’Imâm Ahmad – avait l’habitude de dire : la tombe de Ma`rûf est un remède éprouvé ». Ibn al-Jawzi (2/410) ajoute : « Nous allons nous-mêmes à la tombe d’Ibrâhîm et rechercher des bénédictions par ce biais ».
L’imâm Ibn al-Jawzî cite aussi (2/471) que le grand imâm du Hadîth et auteur d’un Sunân, Abû al-Hassân ad-Daraqutnî a dit : « Nous avions l’habitude de rechercher des Bénédictions divine via la tombe d’Abû al-Fath al-Qawasi ». Rappelons que ce n’est pas la tombe en elle-même, mais les Bénédictions divines attachées au corps et à l’âme de la personne vertueuse qui sont recherchées – par la Grâce d’Allâh – et non pas par eux-mêmes, et ni la tombe en elle-même, et tel est le sens voulu. Ailleurs Ibn al-Jawzî (2/482) cite aussi qu’Abû al-Qassim al-Wa`iz a dit : « Sa tombe peut être celle d’Ahmad ibn Hanbal et on la recherche pour des Bénédictions ».
Al-Hafiz Abû al-Qassim Ibn `Asâkir (m. 571 H/1176) le grand Hafîz et historien, dit dans Musnad Abi `Uwana (1/430) : « Abû `Abdullâh Muhammad ibn Muhammad ibn `Umar al-Saffar m’a dit que la tombe d’Abû `Uwana à Isfarayin [près de Naysabûr/Nishapûr] est un lieu de visite pour le monde entier (mazar al-`alam) et un lieu d’obtention de barakat (bénédictions divines, influences spirituelles) pour toute la Création (mutabarrak al-khalq) ». L’imâm Ibn ‘Asâkir était un juriste shafi’ite, Sûfi, théologien ash’arite, muhhadith (l’un des plus grands de tous les temps), poète, exégète, logicien, historien, spécialiste de la Sîrah et écrivain prolifique, il écrivit des centaines de volumes dans différentes disciplines. Il combattit aussi pour le Jihâd et libérer Jérusalem de l’occupation criminelle des croisés. Parmi ses plus célèbres étudiants, citons le Shaykh al-Akbar Ibn ‘Arabî, le Shaykh ul-Islâm ‘Izz ud-Dîn Ibn ‘Abd as-Salâm, le grand historien et spécialiste du hadith Ibn al-Athir, l’autorité dans la science du Hadith Ibn al-Salah, le célèbre Sultan Salâhuddîn al-Ayyûbî. L’imâm Ibn al-Subkî rapporte dans ses Tabaqât as-Shafi’yya qu’Al-Mundhiri a demandé à son professeur Abû al-Hassân `Ali ibn al-Mufaddal al-Maqdisi : « Lequel de ces 4 maîtres du Hadith contemporains est le plus grand ? Il a répondu : « Nommez-les ». Al-Mundhiri a dit : « Ibn `Asakir et Ibn Nasir ? ». Il répondit : « Ibn `Asakir ». Al-Mundhiri a poursuivi : « Ibn `Asakir et Abu al-`Àla’ [al-Hassân ibn Ahmad ibn al-Hassân al-Hamadhani] ? ». Il dit : « Ibn `Asakir ». Al-Mundhiri a poursuivi : « Ibn `Asakir et al-Silafi ? ». Al-Maqdisi a dit : « Al-Silafi (est) notre Shaykh. Al-Silafi (est) notre Shaykh ». Il a implicitement reconnu la suprématie d’Ibn ‘Asâkir, mais l’a formulée en termes de comportement attendu de l’élève envers son maître. Ibn al-Subki affirme qu’Ibn al-Sam’ani était supérieur à tous, à l’exception d’Ibn ‘Asâkir, et affirme que la raison en est qu’Al-Sam’ani vivait loin, à Merv, tandis que les autres érudits du hadith vivaient ou près de l’Égypte et du Shâm ».
L’imâm An-Nawawi dans son Bustân al-‘Arifîn le décrit comme : « Le Hafiz (grand érudit du hadith) de Syrie, non, (plutôt) le Hafiz du monde entier ». Dans le même ouvrage, il cite, parmi les géants de l’Islam les imâms As-Shafi’i, Abû al-Hassân al-Ash’arî, Al-Qushayrî et Abû Hâmid al-Ghazâlî.
L’imâm Ad-Dhahâbî a dit dans son Siyâr (15/254-262) : « Il n’y avait personne à son époque qui lui était égal dans la maîtrise (des sciences) du Hadith ou dans la connaissance des transmetteurs de Hadith (Ilm al-Rijal). Quiconque lit son Târikh réalise la prééminence de cet homme (…). Je ne crois pas qu’Ibn ‘Asâkir n’ait jamais rencontré quelqu’un de son niveau dans toute sa vie ». Ibn al-Subki a ajouté : « Ni quelqu’un proche de son niveau » ». Ad-Dhahâbî rapporte aussi de l’imâm Ibn al-Najjar qu’il a dit de lui : « Il était l’imâm (chef) de tous les érudits du hadith de son temps et le chef en matière de mémorisation, de vérification méticuleuse, de connaissance approfondie des sciences du hadith, de fiabilité, de noblesse, d’excellence dans l’écriture et la belle récitation. Il est le sceau de cette science ».
L’imâm Taj al-Din al-Subki a dit dans ses Tabaqât as-Shafi’iyya (7/215-223) : « Il est le principal enseignant, le protecteur de la Sunnah et son serviteur, le vainqueur de l’armée de Satan par son érudition et leur pourfendeur, les mémorisateurs de Hadith. Personne ne peut nier son éminence, car c’est le désir de ceux qui se lancent dans les voyages de la connaissance et le point final pour ceux qui ont une grande détermination parmi les chercheurs. Il est la condition sine qua non par l’accord unanime de la communauté, l’atteint de ce qui est au-delà des aspirations, l’océan qui n’est pas limité par un rivage, et l’érudit qui a porté le fardeau (ou rôle) de la propagation de la Sunnah. Il passa ses jours et ses nuits à s’intéresser inlassablement à tous les domaines de l’érudition. Ses seuls compagnons étaient la connaissance et le travail acharné, car c’était son plus grand désir. Sa mémoire captait même le plus petit détail, sa précision combinait le nouveau et l’ancien, sa maîtrise le plaçait au même niveau que ceux qui l’avaient précédé, sinon au-dessus, et l’étendue de ses connaissances était si enrichissante que tout le monde était comme un mendiant comparé à lui ».
Al-Hafîz Diya’ al-Din al-Maqdisi al-Hanbali a dit dans son al-Hikayat al-manthura qu’il a entendu le Hâfiz `Abd al-Ghani al-Maqdisi al-Hanbali dire que quelque chose comme un abcès est apparu sur son bras supérieur pour lequel il n’a pas trouvé de remède. Il se rendit sur la tombe d’Ahmad ibn Hanbal et y appliqua son bras, après quoi il se trouva guéri. L’imâm Kawthari dit avoir lu ce récit de la main de Diya’ ad-Din lui-même comme cela est consultable dans le Maqalat al-Kawthari (Riyad et Beyrouth : Dar al-ahnaf, 1414/1993, pp. 407, 412).
L’imâm de la Sunnah, auteur d’un Sahîh et savant polymathe de son époque Ibn Hibbân raconte lui-même dans son Kitâb at-Thiqat (8/456-457) comment il s’est rendu sur la tombe de l’imâm alide Sûfi ‘Alî ar-Ridhâ et a fait le Tawassul par son intermédiaire. Il déclare que chaque fois que « j’étais affligé d’un problème pendant mon séjour à Tûs [actuel Iran], je visitais la tombe d’Alî Ibn Mûsâ (que les bénédictions d’Allâh soient sur son grand-père et lui) et je demandais à Allâh de me soulager de ce problème et il (mon invocation adressée à Allâh par son intercession) était exaucé et le problème était atténué. Et c’est quelque chose que j’ai fait et qui a fonctionné à de nombreuses reprises ».
L’imâm Ibn al-Jawzî dans Kitâb al Wafa (p. 818, n°1536) rapporte : « Abû Bakr al-Minqari a dit : J’étais avec (al-Hafiz) al-Tabarânî et (al-Hafiz) Abû al-Shaykh dans la mosquée du Prophète, dans une certaine difficulté. Nous avons eu très faim. Ce jour-là et le suivant, nous n’avons pas mangé. Quand il était temps de `isha, je suis allé à la tombe du Prophète et j’ai dit : « Ô Messager d’Allâh, nous avons faim, nous avons faim » (ya rasullallah al-ju` al-ju`) ! Puis je suis parti. Abû al-Shaykh m’a dit : Assieds-toi. Soit il y aura de la nourriture pour nous, soit la mort. Je dormis et Abû al-Shaykh dormit. (L’imâm) At-Tabarânî resta éveillé, cherchant quelque chose. Puis un alawî (un descendant de l’imâm ‘Alî) frappa à la porte avec 2 garçons, chacun portant un panier en feuilles de palmier rempli de nourriture. Nous nous sommes assis et avons mangé. Nous pensions que les enfants reprendraient le reste, mais ils ont tout laissé derrière eux. Quand nous avons fini, l’alawî dit : « Ô gens, vous êtes-vous plaints au Prophète ? Je l’ai vu dans mon sommeil et il m’a ordonné de t’apporter quelque chose ».
L’imâm Ad-Dhahâbî dans son Siyâr a’lam an-Nubalâ’ (12/469) raconte : « Une fois, il y eut une sécheresse à Samarcande, les gens firent de leur mieux, certains dirent Salat al Istisqa mais il ne pleuvait toujours pas. Un homme pieux et renommé connu sous le nom de Salih vint voir le Qadhi et dit : « À mon avis, vous et votre peuple devriez visiter la tombe de l’imâm al-Bukhari, sa tombe est située à Khartank, nous devrions (aller près du Qabr) et demander de la pluie, Allâh pourrait alors nous donner de la pluie. Le Qadhi dit oui à son avis, puis il alla avec les gens vers (le Qabr) et fit alors une invocation avec les gens et les gens commencèrent à pleurer près de la tombe et commencèrent à faire de lui une wasîla (c’est-à-dire l’Imâm al-Bukhari). Allâh immédiatement envoya alors des nuages de pluie. Tous les gens restèrent à Khartank pendant environ 7 jours, aucun d’entre eux ne voulait retourner à Samarcande bien que la distance entre Samarcande et Khartank ne soit que de 4,8 km ».
Al-Bukharî relate dans son Sahîh n°1010 selon Anas Ibn Mâlik qu’Umar fit le tawassul par Al ‘Abbâs : « « Lors des périodes de sécheresses, ‘Umar Ibn al-Khattâb réalisait la demande de pluie (istisqâ) par le biais de Al-‘Abbâs Ibn ‘Abdi l-Muttalib. Il disait : Ô Allâh nous réalisions le tawassul à toi par notre Prophète et tu nous accordais la pluie, et nous réalisons (aussi) le tawassul par le biais de l’oncle de notre Prophète, alors accorde-nous la pluie. Et il a dit [c’est-à-dire Anas Ibn Mâlik] : « la pluie leur a été accordé » ». Ce récit est une preuve qu’il est permis de faire le tawassul par les pieux et les vertueux, et le principe est le même que celui du tabarruk, c’est-à-dire se rapprocher d’Allâh à travers les bénédictions rattachées aux vertueux, soit par leurs invocations, soit par leur présence ou mérites bénis. Ce hadith ne contredit pas la permission de faire le tawassul par le Prophète après sa mort terrestre. Comme souvent, les Sahâba nous indiquent les différents moyens licites que nous pouvons accomplir pour nous rapprocher d’Allâh et pour honorer (sans exagération) les pieux et les Ahl ul Bayt. L’imâm As-Suyûtî mentionne le contexte de cet événement dans son Tarikh al-Khulafa’ (p. 140) : « En l’an 17 H, `Umar agrandit la mosquée prophétique. Cette année-là, il y eut une sécheresse dans le Hijâz. Elle fut nommée l’année des cendres (`am al-ramada). `Umar pria pour que la pluie soit apportée aux gens par l’intermédiaire d’al-`Abbas. Ibn Sa`d rapporte d’après [le Sahabi] Niyar al-Aslami que lorsque `Umar sortit pour prier pour la pluie, il sortit vêtu du manteau du Messager d’Allâh (ﷺ). Ibn `Awn rapporte que `Umar prit la main d’al-`Abbâs et la leva en disant : « Ô Allâh, nous cherchons un moyen auprès de Toi auprès de l’oncle de Ton Prophète pour Te demander d’éloigner de nous la sécheresse et de nous arroser de pluie » ».
Dans son livre Wafa-û l-Wafa bi Akhbar Dar Al-Mustafa, le Shaykh As-Samhûdi (juriste shafi’îte) a dit : « ‘Alî (Paix sur lui) a dit : Quand le Messager d’Allâh (ﷺ) a été enterré, Fatima (Paix sur elle) est venue à sa tombe et a pris une poignée de la terre de la tombe et la mise sur ses yeux. Elle a alors pleuré et a dit [en poésie] : « Celui qui a senti la terre [de la tombe] de Ahmad n’aura rien perdu s’il ne sent pas l’odeur des Ghawaliya ; Se sont abattues sur moi des catastrophes telles que si elles s’abattaient sur des journées elles se transformeraient en nuits ». D’autres savants ont rapporté cela dans leurs ouvrages, dont l’imâm Ibn al-Jawzî.
Les Wahhabis et ceux qui les suivent dans leurs erreurs confondent généralement 2 choses ici, comme souvent. L’intercession licite (dans le Qur’ân) consiste à demander à des personnes d’invoquer Allâh pour nos besoins, donc elles intercèdent auprès d’Allâh pour qu’Il nous exauce, par Sa Permission. Ensuite, ceux qui invoquent et adorent en dehors d’Allâh, des idoles ou des créatures en leur attribuant en propre des Attributs et une volonté qui n’est pas subordonnée à la Volonté et à la Puissance d’Allâh, ce qui constitue du shirk.
Le shirk c’est d’invoquer autre qu’Allâh en pensant qu’autre que Lui peut réellement nous exaucer en tant qu’Agent premier (ou « existenciateur » des choses demandées). Invoquer (en pensant que l’individu exauce nos souhaits), sacrifier pour lui, etc. sont des actes illicites s’apparentant à du shirk. Mais demander au défunt ou au vivant d’invoquer Allâh est permis car le principe du tawhîd est respecté puisqu’il n’y a pas d’adoration. De même, sacrifier un animal pour Allâh en l’honneur d’une personne n’est pas du shirk non plus. Les nuances sont fondamentales, car elles permettent de distinguer premièrement ce qui relève du tawhîd et ce qui relève du shirk, et dans un second temps, ce qui est clairement illicite de ce qui ne l’est pas.
Ainsi, vivant ou mort, cela reste du tawhid car le shirk ne dépend pas de l’état existentiel d’une créature, mais relève de l’universel. Dans le pire des cas, si les défunts ne pouvaient vraiment pas entendre ni intercéder, cela serait une erreur ou une innovation blâmable (mais des Sahâba et des tabi’in l’ont fait), mais pas du shirk, car ils n’auraient pas adoré les défunts, ni ne leur aurait attribué des Attributs propres à Allâh. Si le tawassul est souvent mal défini et mal compris par nombre de wahhabites, en général, ils acceptent le tawassul par les « vivants » dans ce bas-monde qui consiste à demander à un pieux par exemple, d’invoquer Allâh pour nous. Dans le Qur’ân comme dans la Sunnah, nous trouvons des textes généraux (pour les vivants comme pour les défunts), des textes spécifiques pour les défunts, et d’autres textes explicites concernant le tawassul par les vivants. Or, si le tawhîd relève d’un principe universel, il doit nécessairement concerner les vivants et les défunts, mais dans la croyance wahhabite, il y a une méconnaissance totale du tawhîd, puisque dans les faits, cela revient à abroger/nier le tawhîd dans certaines dimensions et modalités de l’existence, puisque disant que le tawassul (conforme au Tawhîd) relève du shirk s’il est fait par les défunts, mais que ça ne l’est pas si cela ne concerne que les vivants. C’est la même confusion que leur conception des « 3 tawhîd », stipulant qu’un idolâtre peut avoir un tawhîd (donc être « monothéiste » au sens islamique) mais être idolâtre sous les 2 autres types de tawhîd, alors que dans l’Islam (sunnisme orthodoxe), il n’y a pas plusieurs types de tawhîd, mais un seul tawhîd ayant des implications et des dimensions multiples (sociales, métaphysiques, spirituelles, politiques, etc.) et concernant aussi l’Essence Divine ainsi que Ses Attributs. Est sur le tawhîd celui qui sait et qui reconnait que seul Allâh est Unique et Absolu, – et donc Divin -, unifié dans tous Ses Attributs, et qui mérite donc d’être adoré en totalité et en toute exclusivité. Quiconque s’écarterait de cette voie, aura forcément un manquement plus ou moins grave et important dans son Tawhîd.
Ce qu’Allâh a interdit, c’est de prendre pour idoles et d’adorer autres que Lui, comme cela est évoqué dans le Qur’ân : « Tandis que ceux qui prennent des protecteurs en dehors de Lui (disent) : « Nous ne les adorons que pour qu’ils rapprochent davantage d’Allâh … » » (Qur’ân 39, 3).
« Dis : « Invoquez ceux que vous prétendez (être des divinités) en dehors de lui. Ils ne possèdent ni le moyen de dissiper votre malheur ni de le détourner » » (Qur’ân 17, 56).
« Dis : « invoquez ceux que vous prétendez, (être des divinités) en dehors d’Allâh. Ils ne possèdent même pas le poids d’un atome, ni dans les cieux ni sur la terre. Ils n’ont jamais été associés à leur création et il n’a personne parmi eux pour le soutenir » (Qur’ân 34, 22).
Cela est accepté de tous les Musulmans en principe, mais il ne s’agit pas ici des formes de tawassul autorisées dans le Qur’ân, car le tawassul, de façon générale, est autorisée dans le Qur’ân, dont voici les preuves textuelles :
Une autre forme que prend cet honneur qu’Allâh réserve à une élite parmi ses Serviteurs est l’acceptation, par Sa Permission, de l’intercession en faveur de tiers : « Qui peut intercéder auprès de Lui sans Sa Permission ? » (Qur’ân 2, 255) ; « Et ils n’intercèdent qu’en faveur de ceux qu’Il a agréés » (Qur’ân 21, 28) ; « L’intercession auprès de Lui ne profite qu’à celui en faveur duquel Il la permet » (Qur’ân 34, 23).
L’honneur peut également consister à ne pas châtier ceux qui le méritent, eu égard à la présence parmi eux de gens aimés d’Allâh, comme dans la Parole du Très-Haut : « Ce n’est pas Allâh qui les ira les châtier, alors que tu es parmi eux » (Qur’ân 8, 33). Ici, Allâh ne restreint pas le tawassûl qu’aux vivants.
Il est dit également : « (Ô Muhammad) Demande aux Messagers que Nous avons envoyés avant toi si Nous avons institué, en dehors du Miséricordieux, d’autres divinités dignes d’être adorées » (Qur’ân 43, 45). Le Prophète, de son vivant, pouvait donc communiquer avec les autres prophètes (décédés), par des modalités non-physiques, et ils pouvaient donc avoir des perceptions extra-sensorielles, tout en leur demandant des choses – et non pas les invoquer en dehors d’Allâh évidemment -.
Cela vaut aussi (la vie non-terrestre) pour les martyrs : « Et ne dites pas de ceux qui sont tués dans le sentier d’Allâh qu’ils sont morts. Au contraire ils sont vivants, mais vous en êtes inconscients » (Qur’ân 2, 154).
« Ne pense pas que ceux qui ont été tués dans le sentier d’Allâh, soient morts. Au contraire, ils sont vivants, auprès de leur Seigneur, bien pourvus et joyeux de la faveur qu’Allâh leur a accordée, et ravis que ceux qui sont restés derrière eux et ne les ont pas encore rejoints, ne connaîtront aucune crainte et ne seront point affligés » (Qur’ân 3, 169-170).
Anas ibn Malik rapporte que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Les prophètes sont vivants dans leurs tombes et ils prient »[9]. Il s’agit ici d’une modalité existentielle qui diffère de la modalité physique ordinaire bien évidemment.
Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans Fath al-Bâri (17/22) a dit : « La mort ne viendra jamais frapper le Messager béni d’Allâh dans sa tombe, plutôt, il restera en vie, en raison du fait que les Prophètes restent en vie dans leurs tombes » et (6/444) : « (…) si les martyrs sont vivants auprès d’Allâh, alors (c’est aussi le cas) pour les Prophètes c’est d’autant plus le cas en raison de leur statut supérieur ».
Dans son livre As-Shifâ, Al-Qadi ‘Iyyad rapporte que le calife Abû Ja’far Al-Mansûr lorsqu’il a effectué le pèlerinage et a visité la tombe du Prophète (ﷺ), il a interrogé l’Imam Mâlik en lui disant : « Ô Abû ‘Abdi l-Lah, est-ce que je m’oriente vers la qiblah pour faire des invocations, ou je m’oriente vers le Messager de Allâh (ﷺ) ? ». Il (c’est-à-dire l’Imam Mâlik) lui a répondu : « Pourquoi détournerais-tu ton visage de lui, alors qu’il est ta wasilah (le moyen grâce auquel tu espères être exaucé) par Allâh ta’ala et la wasilah de ton père Adam (‘alayhi s-salam) le Jour du Jugement ? Oriente-toi plutôt vers lui et demande son intercession, Allâh le fera intercéder. Allâh ta’ala dit (ce qui a pour sens) : {Si, ayant été injustes envers eux-mêmes, ils venaient auprès de toi pour demander le pardon à Allâh, et le Messager demandait le pardon pour eux, ils sauraient que Allâh est Celui Qui accepte le repentir et Qui fait miséricorde} ».
Al-Qadi ‘Iyyad a rapporté ce récit avec une chaîne de transmission sahih (authentique) comme l’ont précisé le Hafiz Ibn Hajar Al-‘Asqalani et le Shaykh Az-Zurqani. Ce récit a également été rapporté par d’autres savants, avec une chaine de transmission authentique, contrairement à ce qu’ont dit certains savants ayant commis des erreurs dans ce domaine. En effet, le Shaykh Ibn Taymiyya – qui n’avait pas un très haut rang dans les sciences du hadîth et qui a commis de nombreuses erreurs dans cette matière -, a dit que ce récit était faible, mais cela n’est pas exact.
Cette narration fut citée dans Shawâhid Al-Haqq fil-Istighâthah bi-Sayyid Al-Khalq (Les preuves véridiques quant à l’appel au secours du Seigneur des Hommes) d’An-Nabahânî. Al-Qâdî `Iyâd la cita dans As-Shifâ’ (La Guérison) selon une chaîne de transmission sahîh, dont les maillons sont fiables (thiqât), et exempte de tout fabricateur ou menteur. De même, Ibn Hajar al-Haytâmî dit dans Al-Jawhar Al-Munadhdham (Les Joyaux Ordonnés) : « Cela fut transmis de l’Imâm Mâlik selon une chaîne de transmission sahîh ne souffrant d’aucune faille » ainsi que dans son Tuhfât az-Zuwwar, Az-Zurqânî dit dans Sharh Al-Mawâhib Al-Laduniyyah (Commentaire des Dons Divins) : « Cela fut rapporté par Ibn Fihr selon une bonne chaîne de transmission ». Elle fut également rapportée par As-Subkî dans Shifâ’ As-Siqâm fî Ziyârat Khayr Al-Anâm (La Guérison des Maux dans la Visite du Meilleur Homme) et par As-Samhûdî dans Khulâsat Al-Wafâ (Synthèse de la Loyauté). An-Nabahânî expliqua tout cela dans son livre Shawâhid Al-Haqq (p. 187), et ce hadîth fut également rapporté par Ibn Qudâmâ al-Maqdissî dans Al-Mughnî (3/590). D’autres savants ont rapporté ce récit, voir Khulasat al-Wafâ de Shaykh as-Samhudî, Al-Mawâhib al-Laduniyyah de l’Imâm al-Qastallanî, As-Sarîm al-Munkî du Shaykh Ibn `Abd al-Hâdî, Hidayât as-Sâlik de Shaykh Ibn Jama`a qui y dit à propos de ce récit : « Cela est rapporté par les deux Hûffadh, Ibn Bashkuwal et al-Qadî `Iyâd dans “As-Shifa” ».
Dans son livre Daf’û shubahi man shabaha wa tamarad le savant shafi’ite Taqî ud-Din Al-Husni a dit : « Al-Bayhaqi a rapporté avec sa chaîne de transmission qui remonte jusqu’à Al-A’mash, d’après Abû Salih qui a dit : « Les gens furent touchés par la sécheresse durant le califat de ‘Umar Ibn l-Khattâb. Un homme est alors venu à la tombe du Prophète (ﷺ) et a dit : « Ô Messager d’Allâh, demande à Allâh la pluie pour ta communauté ». Cet homme a alors vu dans le rêve le Messager d’Allâh lui dire : « Passe le Salâm à ‘Umar et informe-le qu’ils recevront la pluie et dis-lui : « Occupe-toi bien de la communauté ». L’homme est alors allé voir ‘Umar et lui a annoncé cela. ‘Umar s’est alors mis à pleurer et a dit : « Ô Seigneur, je ferai tout ce qui est en ma capacité pour servir la communauté ».
Le récit a été rapporté par le Hafiz Al-Bayhâqî dans Dala-il an-Nubuwwa (7/47), Ibn Hajar Al-‘Asqalânî dans Fath Al-Bâri (2/495 et 4/495) et dans al-Isabah fi Tamyiz as-Sahabah qui déclare que la chaîne de transmission est sahih, Ibn Kathîr à 2 reprises dans al-Bidayah wa an-Nihaya (4/74) qui déclare également que la chaîne de transmission est sahih, Ad-Dhahâbî dans Siyâr A’lâm an-Nubalâ’ (28/86), Ibn Abî Shayba dans son Musannaf (6/356), al-Bukharî dans son Târîkh al Kabîr (7/307), Ibn ‘Asâkir dans Târîkh ad-Dimashq (44/345), Ibn ‘Abd al Barr dans al Istî’âb Fî Ma’rifatu al Ashâb (3/1149), le Hafiz Taqî ud-Dîn As-Subkî dans Shifa-û s-Saqam, par Al-Husnî dans Daf’û shubahi man shabaha wa tamarad, Ibn Hajar al Haytâmî et d’autres.
Il a été rapporté que le compagnon en question était Bilâl Ibn l-Harith Al-Muzani. Et le rapporteur de ce récit est Malik Ad-Dâr qui était responsable du trésor public des musulmans (Baytû l-mal) auprès du Calife ‘Umar Ibn al-Khattâb, qui ne prenait que des gens de confiance, comme le rappelle Ibn Hajar al ‘Asqalânî, ce qui suffit à réfuter l’argument de ceux qui prétendaient que Malik Ad-Dar était un inconnu. Le Hâfiz Abû Ya’la Al Khalîlî a dit sur le narrateur du récit Mâlik ad Dâr : « Mâlik ad Dâr, le trésorier de ‘Umar ibn al Khattâb, un des premiers successeurs des compagnons sur lequel il y a unanimité et dont les successeurs firent l’éloge. Il n’a pas beaucoup de narrations. Il rapporta de Abû Bakr as Siddîq, et ‘Umar ».
La chaine est donc sahih (authentique), et même si elle ne l’aurait pas été, les muhhadithins, théologiens et juristes n’ont pas désapprouvé cela ni n’ont dit qu’il s’agissait de shirk ou d’innovation blâmable. Le shirk n’intervient que quand une personne attribue une capacité divine à une créature (vivante ou défunte) ou qui prend la créature (ou l’idole) comme un objet d’adoration réservé qu’à Allâh Seul. Et aucun compagnon n’a reproché cela à la personne ayant demandé au Prophète (dans sa tombe) d’intercéder auprès d’Allâh. Le récit complet évoque donc le fait qu’un proche de ‘Umar a fait le tawassul par le Prophète ﷺ décédé (du point de vue de la modalité physique ordinaire), – ce qui montre que cette pratique a été réalisée dès l’époque des compagnons (sahaba) -, que le Prophète ﷺ n’a pas interdit cette pratique à ce compagnon, – sans en faire une exception qu’à lui -, ni n’a considéré cela comme étant du shirk, un acte illicite ni comme n’étant limité exclusivement qu’au Prophète Muhammad ﷺ, et aucun compagnon n’a reproché cela au compagnon Bilâl Ibn l-Harith Al-Muzani. Etant donné qu’il ne s’agit pas là d’une nouvelle doctrine, mais d’une pratique juridique, pour interdire une chose ou en restreindre les modalités, des preuves textuelles sont nécessaires pour le faire. Or, non seulement il n’existe aucune preuve interdisant cette pratique avec le Prophète Muhammad ﷺ, ou la limitant qu’à lui, mais nous avons même des preuves (comme déjà mentionnées précédemment) qu’il est totalement licite de le faire, ce qui n’implique pas pour autant de renoncer aux autres moyens de se rapprocher d’Allâh à travers des actes pieux, des invocations à dire soi-même, ou même à travers le tawassul par les vivants, car nous savons que les compagnons ont fait tout cela, y compris lorsque le Calife ‘Umar ibn al-Khattâb a utilisé Al ‘Abbâs comme intercesseur (wasila) auprès d’Allâh en période de sécheresse, – par respect envers lui et par sa proximité d’avec le Prophète notamment – montrant ainsi aux musulmans que cela était autorisé et même recommandé, et que même s’ils avaient encore accès à la wassila du Prophète Muhammad ﷺ, le faire via des vertueux était aussi une bonne chose. Et parmi les éléments qui permettent de déduire la licéité du tawassul par les défunts pieux, il y a le fait que cela est autorisé par les vivants, – tout comme cela était autorisé avec le Prophète ici-bas et dans l’au-delà -, que les défunts entendent les vivants et sont capables d’invoquer Allâh pour nous, en plus de certains textes montrant que les salafs ont déjà eu recours à cette pratique sans que cela ne pose aucun problème.
L’ascète, traditionaliste et juriste célèbre de l’époque des salafs, Abû Bakr Ibn Abî Dunyâ (m.286 H) a dit dans Mujabu Ad Da’wah (p.85) : « Nous a rapporté Abû Hishâm ; J’ai entendu Kathîr Ibn Muhammad ibn Kathîr ibn Rifa’ah dire : « Un homme a consulté ‘Abd al Malik ibn Hiyyân ibn Sa’îd ibn al Hassan ibn Abhar. Ce dernier ausculta son ventre et lui dit : « Tu souffres d’une maladie incurable ». L’homme lui demanda : « Qu’est-ce que c’est ? ». Il répondit : « La dubaylah (pathologie assimilable à la pleurésie (inflammation de la plèvre) ». L’homme se retourna alors et se mit à dire : « Allâh, Allâh, mon Seigneur à qui je n’associe rien. Ô Allâh, je m’oriente vers Toi par l’intermédiaire de ton Prophète Muhammad ﷺ le Prophète de la miséricorde. Ô Muhammad, je m’oriente par ton intermédiaire vers ton Seigneur et mon Seigneur pour qu’Il me fasse miséricorde dans mon piètre état, d’une miséricorde de Sa part qui me rend indifférent de la miséricorde d’un autre que Lui ». Trois fois d’affilé ; puis il appela Ibn Abhar qui ausculta son ventre de nouveau et lui dit : « Tu as guéris et n’as pas de maladie » ».
Dans son livre Shawâhid al-haqq fî al-istighâtha bi sayyid al-khalq le grand savant An-Nabahânî (p. 161) rapporte : « Parmi les preuves de la licéité du tawassul par le Prophète après sa mort [ndt : corporelle] : ce que rapporte Ad-Dâramî dans son sahîh d’après Abî Al-jawzâ : les habitants de Médine ont été touchés par une grande sécheresse et ils se sont plaints à Aïsha (qu’Allâh l’agrée) et elle leur dit : “Allez voir le prophète à sa tombe et faites-lui une Kuwwa jusqu’au ciel et ils ont eu une pluie abondante” ».
Un hadîth concernant un cas similaire est également rapporté par Al-Qurtûbî dans son tafsîr : « Il est rapporté selon Abû Sadiq selon ‘Ali (qu’Allâh l’agrée) qui a dit : « Un bédouin est venu après que l’on ait enterré le Prophète (ﷺ) depuis trois jours, il s’est jeté sur la tombe du Messager d’Allâh et jetant la terre du tombeau sur la tête il a dit : « Ô Messager d’Allâh nous avons entendu les paroles et les exhortations qu’Allâh t’a révélées et parmi celles-là il y a : « Si lorsqu’ils ont fait du tort à leurs propres personnes ils venaient à toi en implorant le pardon d’Allâh et si le Messager demandait le pardon pour eux, ils trouveraient, certes Allah Très Accueillant au repentir, Miséricordieux » (Qur’ân 4, 64) et certes j’ai été injuste envers moi-même et je suis venu à toi pour que tu demandes le pardon (auprès d’Allâh) ». Un appel a alors retenti de la tombe disant : « Certes il t’a été pardonné » ». Et aucun Sahâbi ne l’a blâmé pour cette pratique.
A propos d’Al-istighâthâ (la demande de secours)
Plus sensible et polémique encore, est ce que l’on appelle « al-istighâthâ », qui consiste à demander l’aide des serviteurs d’Allâh dans le Ghayb (monde de l’Invisible aux perceptions sensorielles ordinaires), sans les invoquer ni les adorer, et tout en sachant qu’Allâh leur communique nos paroles par les biais qui sont sous Sa Volonté, soit directement, soit à travers des Anges ou d’autres moyens. Le musulman qui n’attribue rien de ce qui est propre à Allâh comme le Pouvoir absolu/Omnipotence, la Science absolue/Omniscience, l’Acte créateur sans précédent, la Volonté absolue sur toute chose et les autres choses similaires, et sait que toutes Ses créatures se placent sous Sa Volonté et ne peuvent aider qu’avec Sa Permission et selon les capacités qu’Il a existencié, décrété et accordé, ne tombe pas dans l’idolâtrie.
Un autre sujet épineux donc, et qui mène souvent au takfir et aux confusions diverses par les adeptes du wahhabisme najdite. L’« appel au secours » (parmi les anges, ou les prophètes et vertueux décédés ici-bas mais vivants dans le monde spirituel), et selon l’idéologie wahhabite najdite : « Demander de l’aide aux jinns ou aux anges, et demander leurs secours afin de retirer une nuisance ou d’apporter un profit, est l’association majeure (shirk akbar) qui fait sortir de la religion de l’Islâm, qu’Allâh nous en préserve » (Fatawa al-Ladjna ad-Daa-ima, 1/102).
Mentionnons tout d’abord que, même en l’absence d’arguments scripturaires, il faut garder à l’esprit que le Tawhîd est l’affirmation et la reconnaissance que seul Allâh est l’Absolu, et donc Divin. Tout autre, par conséquent, est relatif et dépend de Lui, ne pouvant donc pas prétendre à la Divinité. L’idolâtrie consiste dès lors à attribuer à des créatures ou des concepts comme des idoles inventées par des êtres humains par exemple, une essence Divine ou des attributs similaires (dans leurs formes) à ceux du Créateur, comme la Volonté créatrice, la Puissance absolue, le Pardon Divin pour les péchés, etc.
La demande de secours qui respecte le principe du tawhîd, peut se traduire, parmi les créatures normalement visibles ou physiquement vivants dans ce bas-monde (que l’on peut joindre aussi par mail, par téléphone ou autre), dans le fait de leur demander de nous aider pour réaliser telle ou telle chose de ce bas-monde, de nous soigner s’ils en ont la capacité, etc., mais jamais en les divinisant, et sans penser qu’ils détiennent la Toute-Puissance, l’Omniscience ou l’Omniprésence par eux-mêmes, et que leurs capacités découlent en vérité du Vouloir Divin et de la Puissance Divine. Ils ne devront pas être adorés ou faire l’objet d’un culte visant à jeûner pour eux, à sacrifier des animaux ou autre chose similaire pour eux. On pourra cependant les remercier avec courtoisie et gentillesse, leur donner des cadeaux, les aider en cas de besoin, etc. L’adoration ne peut concerner qu’Allâh, mais lorsque des créatures nous aident, il faut les remercier et invoquer Allâh en leur faveur, et il est aussi permis de leur demander d’invoquer Allâh pour nos besoins. Concernant les anges, les prophètes décédés (du point de vue de l’existence terrestre) ou des saints défunts, le même principe s’applique pour eux : tous dépendent d’Allâh, et les capacités extra-sensorielles qu’ils possèdent sont un « Don » accordé par Allâh, et ils ne peuvent agir que sur Sa Permission et selon les capacités qu’Il leur a accordées. Au-delà de savoir si demander aux serviteurs d’Allâh (saints, anges, prophètes) du monde « invisible » est utile ou efficace, la personne ne doit pas les diviniser, croire qu’ils sont dotés de l’omniscience ou de l’omniprésence en soi, car ils ne disposent pas de ces capacités, cependant Allâh peut les en informer directement ou à travers des Anges leur communiquant ce qui doit être communiqué. Le principe reste le même, aussi bien pour les vivants que pour les défunts, et donc, il ne peut nullement y avoir de shirk là-dedans, contrairement aux gens qui adorent autres qu’Allâh ou qui pensent qu’ils détiennent par eux-mêmes des capacités « surnaturelles » ou qui peuvent agir sans la Volonté Divine ou qui sont « absolus » comme l’est Allâh, ou encore ceux qui inventent des idoles qui n’ont aucune existence réelle.
Cependant l’autre question qui se pose, est de savoir si lorsque ce principe est respecté, la pratique est permise du point de vue juridique ?
D’après Mujâhid, Ibn ‘Abbâs a dit : « Certes Allâh le Tout-Puissant a des anges – autre que les gardiens [anges qui écrivent les actions] – qui enregistrent les feuilles qui tombent des arbres. Ainsi, si quelqu’un de vous se perd dans le désert, qu’il appelle « Aidez-moi, Ô serviteurs d’Allâh, qu’Allâh le Très-Haut vous fasse miséricorde »[10].
Un autre hadîth prophétique rapporté d’après Ibn ‘Abbâs : « Certes Allâh a des anges sur terre autres que les gardiens (anges qui écrivent les actions), qui enregistrent les feuilles qui tombent des arbres. Ainsi, si quelqu’un de vous se perd dans le désert, qu’il appelle « Aidez-moi, Ô serviteurs d’Allâh » ». Ce hadîth est rapporté dans le Musnad d’al Bazzâr n°4922 ; le Hâfiz Nur ad Dîn al-Haythamî dans Majma al-Zâwa’id l’a rapporté au hadith n° 17104 en disant : « Al Bazzâr l’a rapporté, et ses hommes (transmetteurs) sont digne de confiance » ; l’érudit salafiste al Albânî a dit : « Cette transmission est bonne comme ils l’ont dit, car ses hommes sont fiables [thiqât] excepté Ussâmah ibn Zayd qui est al Layth mais qui fait partie des hommes acceptés par l’imâm Muslim » (Silsilah ad Da’îfa, 2/109).
Là aussi, il ne s’agit pas d’adorer autre qu’Allâh, mais de demander à Ses serviteurs capables de nous aider (anges présents dans les autres dimensions, serviteurs humains se trouvant dans les environs), ce qui n’est pas la même chose, d’autant plus qu’ici le serviteur qui met en pratique cela, sait que ce sont des serviteurs/aides qui sont rattachés à la Volonté Divine, et qu’Allâh existencie pour nous aider.
Le Hâfiz At-Tabarânî (m.360 H) dans son Mu’jam al Kabir (17/117, n°13737) après avoir rapporté le récit « Ô Serviteurs d’Allâh, aidez-moi ! » a dit : « Et on a expérimenté cela ».
De même que le Hâfiz al Bayhaqî (m. 458 H) dans Al Âdab (p. 269, n°819) après avoir rapporté ce récit dans un autre de ses ouvrages a dit : « Ceci est arrêté [mawquf] à Ibn ‘Abbâs, mis en pratique chez les pieux parmi les gens de science pour avoir constaté par expérience que ceci est vrai. Et c’est d’Allâh que provient la réussite ».
Le Shaykh al Islâm Abû Zakariyya An Nawawî (m.676 H) a dit dans Kitâb al Adhkâr (p. 192) après avoir rapporté le hadith « Ô serviteurs d’Allâh, aidez-moi à retrouver mon transport ! » : « Je (Nawawî) dis : Un de nos plus grands savants dans le savoir m’a rapporté qu’il avait perdu son moyen de transport, que je suppose être une mule et il connaissait ce hadith et l’a prononcé (l’invocation) alors Allâh lui a ramené son animal très rapidement. Et j’étais personnellement une fois avec un groupe de gens et mon animal s’est enfui et les gens ne l’ont pas retrouvé, et je l’ai alors prononcé (la demande au secours) et j’ai retrouvé l’animal immédiatement sans aucun moyen si ce n’est par ces paroles ».
Dans Al Masâ’il (p.245, n°912), ‘Abdallah ibn Ahmad ibn Hanbal (m. 241 H) a dit – et la chaine est sahîh – : « J’ai entendu mon père [Ahmad ibn Hanbal] dire : « J’ai fait le hajj 5 fois, 3 fois à pied et 2 fois en monture, ou bien il a dit 3 fois en monture et 2 fois à pied, une fois que j’étais à pied j’ai perdu mon chemin alors j’ai commencé à dire cela : « Ô Serviteurs d’Allâh, indiquez-moi le chemin, et j’ai continué de répéter cela jusqu’à ce que je revienne sur le chemin » »[11].
En conclusion, le hadîth remonte authentiquement jusqu’au Prophète (ﷺ) mais est déclaré « ghârib » par le Hâfiz Ibn Hajar qui l’a tout de même déclaré bon (hassân) dans sa transmission de même que le Hâfiz As Sakhâwî. D’autres versions sont plus faibles, et d’autres s’arrêtent [mawquf] à Ibn ‘Abbâs et ne remontent pas [marfû’] jusqu’au Prophète (ﷺ). Les savants musulmans de toutes les époques l’ont cependant appliqué et l’ont rapporté sans insinuer quoi que ce soit quant à son contenu. L’imâm du hadîth Ibn Abî Shayba (m.235 H) l’a même rapporté dans son livre des invocations.
Ibn Taymiyya lui-même dira que des pieux et saints occupent des fonctions similaires dans la hiérarchie céleste du monde invisible, et c’est un consensus des ‘awliya (dont l’imâm ‘Abd al Qadîr al-Jilânî), et que l’on ne leur attribue cependant pas l’Omnipotence, l’Omniscience ou l’audition universelle (le fait de pouvoir tout entendre sans limite aucune). Ibn Taymiyya a dit dans Majmû’ al Fatâwa (4/379) « Ils ont dit : Ils sont [les anges] pour certains d’entre eux « délégués » à certaines tâches comme faire parvenir la subsistance, faire descendre la science et la Révélation (Al Wahî), préserver et soutenir et d’autre choses encore parmi les actes des Anges. La réponse : « Les hommes pieux sont capable de la même chose, voir plus encore. Qu’en est-il alors des « Aqtab » (pôles), des « Awtad » des « aghawth » des « Abdal » et des « Nujaba ? ».
Les Sûfis utilisent ces noms pour désigner différentes catégories de saints. Le Ghawth il y en a qu’un seul, c’est le chef du cercle de la sainteté. Les Aqtab il y en a 4 ou 8 selon les terminologies, les Nujaba sont des saints plus bas hiérarchiquement que les Aqtab. Quant aux Abdal ce sont des saints qui sont indépendants ».
Dans An Nubuwwât (p. 218-232) il dit des choses étonnantes que même de grands maîtres spirituels ne semblent jamais avoir dit : « Et il n’y a pas de doute sur le fait qu’Allâh a favorisé les Prophètes par des privilèges qu’on ne trouve pas chez d’autre qu’eux […] en contradiction avec la résurrection des morts car ceci a été partagé par beaucoup des Prophètes et même des pieux [par la Grâce d’Allâh] ». (…) Et même s’ils [les saints] partagent avec les Prophètes dans quelques-uns des miracles (prodiges) comme la résurrection des morts, la multiplication de la nourriture et de la boisson, Ils ne partagent pas (le fait de recevoir) le Qur’ân, ouvrir la mer, et séparer la lune parce que Allâh a favorisé les Prophètes sur les autres ».
Allâh peut très bien leur accorder certaines fonctions et capacités (comme Il le fait pour les Anges, qui sont des créatures), ou leur communiquer les demandes/paroles à travers d’autres moyens (comme les Anges par exemple) et tant que le musulman ne les divinise pas, ne les adore pas (jeûner ou prier “en leur nom”) ni ne pense qu’ils peuvent agir en dehors de la Volonté et de la Permission d’Allâh, ils ne commettent pas de shirk. Par-contre, délaisser volontairement l’invocation d’Allâh pour pratiquer systématiquement le tawassul (que ce soit avec les vivants ou les défunts) ou al istighâthâ, là c’est problématique, et même les savants sunnites et Salafs ayant autorisé le tawassul, disent que cela est blâmable (comme celui qui reste tout le temps auprès de la tombe du Prophète en négligeant ses obligations, des activités utiles, etc., car nous n’avons pas été existenciés pour rester assis auprès d’une tombe, fusse-t-elle celle du plus noble des Messagers).
Allâh fait parvenir aux prophètes, et surtout à Muhammad (ﷺ) les salawât et certaines actions que les Musulmans accomplissent, comme cela est indiqué dans de nombreux ahadiths, et qui est aussi l’une des formules traditionnelles du tashahhûd.
Al-imâm al-Safadî, grand érudit qui était l’élève de l’imâm Ad-Dhahâbî déclare dans son livre al-Wafī bilwafiyât (21/166) dans la biographie de Taqî ud-Dîn As-Subkī : « Le jurisconsulte des jurisconsultes : Taqî ud-Dîn As-Subkī, al-Shafi’î, Âlî Ibn ’Abd al-Kafî, Ibn Âlî Ibn Tammâm […]. Le shaykh, imâm, savant, méritant, grand savant, l’exceptionnel, le vérificateur, le pointilleux, savant, poète, sérieux, exégète, lecteur, savant du hadîth [muhhadîth] et des fondements [de l’islâm], le jurisconsulte éloquent, le linguiste, l’ascète, hâfîz, l’exception des mujtahīds, l’épée des débatteurs, l’exceptionnel des interprètes, le Shaykh de l’islâm, l’encre de la Ummah, la fierté des imâms, la preuve des pieux, le juge des juges [parmi les savants de la Ummah] : Taqî ud-Dîn Abū al-Hassân al-Ansarî, al-Khazrajî, l’égyptien, As-Subkī le Shafīite Ash`arite ». Il était également un cheminant sur la voie spirituelle (tasawwûf) de la tariqa shadhiliyya.
Le Shaykh ul-Islâm Taqî ud-Dîn As-Subkī a un ouvrage nommé Shifâ al-Siqâm fi zirayât khayr al-Anâm, à la page 171 dans le 8ème chapitre sous le titre Sur l’intercession, l’istighathâ (chercher l’Aide Divine à travers Ses créatures bénies et agréées) et la guérison par le Prophète ﷺ, il déclare : « Sache qu’est licite et bienfaisant de rechercher l’intercession, l’istighâthâ et la guérison par le Prophète ﷺ pour invoquer son Seigneur. Le caractère licite et bienfaisant de cela fait partie des affaires connues de toute personne de la religion, cela fait partie des actes des prophètes et messagers, des Pieux prédécesseurs, des savants, et les masses des musulmans, personne n’a rejeté cela [l’intercession] parmi les gens de la religion, et personne n’a osé remettre en question cette pratique à travers l’histoire, jusqu’à ce qu’arrive Ibn Taymiyya et remette en question cela […] ». Par-contre, quelques savants ont bien interdit al-istighâthâ avant Ibn Taymiyya, il n’y a donc pas consensus sur cette pratique. A l’origine, tout musulman est sensé savoir que seul Allâh est Omnipotent et Omniscient, tout autre que Lui, vivant ici-bas ou dans l’Au-delà, est dépendant de Lui (de Sa Puissance, de Sa Volonté, de Sa Permission, de Sa Miséricorde, etc.), et que donc, les êtres peuvent être informés des choses de l’invisible ou d’une longue distance, par la Puissance Divine (soit directement, soit via des Anges qui communiquent l’information), d’où le fait que, à ce niveau-là, le musulman qui en est conscient ne peut pas tomber dans le shirk akbar. Que ce soit la guérison médicale ordinaire ou spirituelle, Celui qui permet la guérison, c’est Allâh seul. Et que ce soit le médecin ordinaire, le pieux, le saint ou le prophète, nul ne doit être adoré en dehors d’Allâh (on ne prie que pour Allâh, on ne jeûne que pour Lui, etc.).
Dans un débat opposant le Shaykh Ahmad Ibn ‘Atâ’ Allâh as-Sakandarî et le Shaykh Ibn Taymiyya, la question de al-istighatha fut abordée. Ibn Taymiyya avait été emprisonné à Alexandrie. Lorsque le Sultan lui accorda son pardon, il revint au Caire. A l’heure de la prière du coucher du soleil, il alla à la mosquée al-Azhar où la salât al-maghrib devait être dirigée par le Shaykh As-Sakandarî. Après la prière, Ibn `Ata’ Allâh était surpris de constater qu’Ibn Taymiyya avait prié derrière lui. Le saluant avec un sourire, il lui souhaita cordialement la bienvenue au Caire, disant : « As-Salâmu ‘alaykum ». Ensuite Ibn `Ata’ Allâh commença à parler avec lui :
« Ibn `Ata’ Allâh : « D’habitude, je prie la prière du soir dans la mosquée de l’Imâm Hussayn et la prière de la nuit ici. Mais regarde comment le Plan Divin travaille de lui-même ! Allâh a ordonné que je sois le premier à te saluer (après ton retour au Caire). Dis-moi Ô faqir, me blâmes-tu pour ce qui est arrivé ? ».
Ibn Taymiyya : « Je sais que tu ne me veux pas de mal, mais nos différences d’opinions restent toujours les mêmes. Dans tous les cas, quiconque m’a fait du tort dans quoique ce soit, à partir de ce jour même, je le disculpe et lui pardonne de tout blâme en la matière ».
Ibn `Ata’ Allâh : « Qu’est-ce que tu sais à mon sujet, Shaykh Ibn Taymiyya ? ».
Ibn Taymiyya : « Je te connais comme un homme d’une piété scrupuleuse, de savoir abondant, d’intégrité et de véracité dans le parler. Je témoigne que je n’ai vu personne pareille à toi en Egypte et en Syrie, qui aime plus Allâh, ni qui est plus auto-effaçant en Lui ni qui est plus obéissant à exécuter ce qu’Il a commandé et à éviter ce qu’Il a interdit. Néanmoins, nous avons sur le Tawassul nos divergences. Que sais-tu à mon sujet ? Prétends-tu que je suis égaré lorsque je nie la validité de faire appel à quiconque autre qu’Allâh pour une aide (istighathâ) ? ».
Ibn `Ata’ Allâh : « Certainement, mon collègue, tu sais que istighathâ ou appeler pour une aide est la même que tawassul ou chercher un moyen et demander l’intercession (shafa`a); et que le Messager, sur lui la paix, est celui dont l’aide est recherchée dans la mesure où il est notre moyen, celui dont l’intercession est recherchée ».
Ibn Taymiyya : « Dans ce problème, je suis ce que la Sunnah du Prophète dit dans la Shari`ah. Car, il a été transmis dans un hadith solide : « J’ai été octroyé le pouvoir d’intercession ». J’ai aussi collectionné les dires du verset qurânique : Peut-être que ton Seigneur te ressuscitera (ô Prophète) en une position de gloire (17, 79) à l’effet qu’une position de gloire est l’intercession. De plus, lorsque la mère du Commandeur des Croyants ‘Alî est morte, le Prophète pria Allâh à sa tombe et dit : « Ô Allâh qui vit et ne meurt jamais, qui accélère et donne la mort, pardonne les péchés de ma mère Fatima bint Assad, élargi sa demeure dans laquelle elle entre au moyen de mon intercession, Ton Prophète, et les Prophètes qui apparurent avant moi. En vérité Tu es le plus Miséricordieux des Miséricordieux ». Ceci est l’intercession que possède le Prophète. En ce qui concerne chercher l’aide de quelqu’un autre qu’Allâh, cela touche à l’idolâtrie ; car le Prophète commanda son cousin ‘Abdullâh ibn ‘Abbâs de ne pas demander d’aide de personne sauf celle d’Allâh ».
Ibn `Ata’ Allâh : « Qu’Allâh te fasse prospérer, ô faqih ! En ce qui concerne le conseil que le Prophète – sur lui la paix – donna à son cousin Ibn ‘Abbâs, il voulait qu’il s’approche d ‘Allâh non pas à cause de sa relation familiale, mais à travers sa connaissance. Avec respect pour ta compréhension d’istighathâ comme « chercher l’aide d’autrui, autre qu’Allâh c’est une idolâtrie », je te demande : Y-a-t’il un musulman possédant une foi réelle et ayant foi en Allâh et en Son Prophète qui pense qu’il y a quelqu’un d’autre qu’Allâh qui a un pouvoir autonome sur les évènements et qui est capable d’exécuter ce qu’Il a décrété à leur propos ? Y’a-t-il un vrai croyant qui croit que quelqu’un d’autre qu’Allâh peut le récompenser pour ses bonnes actions et le punir pour ses mauvaises actions ? En marge de ceci, nous devons considérer qu’il y a des expressions qui ne doivent pas être prises dans leur sens littéral (apparent). Ce n’est pas à cause de la peur d’associer un partenaire à Allâh et en vue de bloquer les moyens à l’idolâtrie. Car quiconque cherche l’aide du Prophète cherche seulement son pouvoir d’intercession auprès d’Allâh comme toi-même tu te dis : Cette nourriture satisfait mon appétit. Est-ce la nourriture elle-même qui satisfait ton appétit ? Ou c’est Allâh qui satisfait ton appétit à travers la nourriture ? En ce qui concerne ta déclaration, qu’Allâh a interdit aux Musulmans de faire appel à l’aide de quiconque d’autre que Lui, as-tu vu un Musulman faire appel à quelqu’un autre qu’Allâh ? Le verset que tu cites dans le Qur’ân fut révélé au sujet des idolâtres et ceux qui avaient l’habitude d’avoir recours à leurs fausses déités et ignorer Allâh. Alors que la seule manière dont les Musulmans cherchent l’aide du Prophète est dans le sens du tawassul ou chercher un moyen, par le mérite du privilège qu’il a reçu d’Allâh (bi haqqihi `inda Allâh), et tashaffû` ou chercher l’intercession, par le mérite du pouvoir d’intercession qu’Allâh lui a octroyé. Quant à ton verdict que l’istighathâ ou chercher de l’aide est interdit dans la Shari`ah parce qu’elle peut conduire à l’idolâtrie, si tel est le cas, alors nous devons aussi interdire les raisins parce qu’ils sont un moyen de production du vin, et castrer les hommes non-mariés parce que ne pas faire laisse dans le monde un moyen de commettre la fornication et l’adultère ».
A ce dernier commentaire, les 2 Shaykh rirent. Ibn `Ata’ Allâh continua : « je suis familier avec toutes les inclusivités et la prévoyance de l’école fondée par ton Shaykh, l’Imâm Ahmad, et je connais la vaste étendue de ta propre théorie légale au sujet de ses principes à bloquer les moyens au mal (sadd al-dhara’i`) aussi bien que le sens de l’obligation morale d’un homme de ta compétence en jurisprudence Islamique et l’intégrité que tu dois ressentir. Mais, je réalise aussi que ta connaissance du langage demande que tu cherches le sens caché (subtil) des mots qui est souvent voilé derrière leur sens apparent (extérieur) » ».
Ce débat fut rapporté entres autres par le Shaykh Muhammad Zaki Ibrâhîm dans Ussûl al-wussûl, pp. 299-310.
L’Imam As-Suyûtî dit de lui dans Husn Al-Muhâdarah fî Akhbâr Misr wal-Qâhirah : « Shaykh Tâj Ad-Dîn Ibn `Atâ’illâh, Abû Al-`Abbâs Ahmad Ibn Muhammad Ibn `Abd Al-Karîm Al-Judhamî d’Alexandrie, l’Imâm et l’orateur selon la voie d’As-Shâdhilî. Il réunit toutes sortes de sciences, comme l’exégèse (Tafsîr), le Hadîth, la grammaire, les fondements (Ussûl), la jurisprudence selon l’école malîkite. Il accompagna en matière de tasawwuf Shaykh Abû Al-`Abbâs Al-Mursî, qui fut la merveille de son temps. At-Taqî As-Subkî s’initia auprès de lui ». En rapportant les événements qui survinrent en 709 A.H., Ibn At-Taghrî Bardî dit : « Le Shaykh, le modèle, le sieur connaisseur d’Allâh — Exalté soit-Il —, Abû Al-Fadl Ahmad Ibn Muhammad Ibn `Abd Al-Karîm d’Alexandrie, le malikite, le Sûfi, le prédicateur, l’éducateur, décéda cette année, pendant le mois de Jumadah II, et fut enterré dans la Qarâfah. Sa tombe est connue et les gens lui rendent visite. Ce fut un homme pieux et un savant. Il s’installait sur une chaire et une foule nombreuse assistait à ses prêches. Son exhortation avait un grand impact sur les cœurs et il avait une parfaite connaissance des paroles des gens versés dans les vérités spirituelles et les maîtres de la voie. On lui doit une poésie agréable, dans le style des Sûfis, et son cortège funéraire fut très imposant. L’un de ses poèmes commence par ces vers :
« Mon ami ! La caravane partit à grande allure, alors que nous sommes assis là, que feras-tu donc ?
Acceptes-tu de rester après eux, tourmenté par tes espoirs et ton amour ardent ?
Voici la langue de l’univers affirmant tout haut que toutes les créatures sont des voiles » (voir Al-A`lâm d’Az-Zarkalî).
L’Imâm Tâj Ad-Dîn As-Subkî, le fils du Shaykh de l’Islam Taqî Ad-Dîn As-Subkî, dit dans Tabaqât Ash-Shâfi`iyyah Al-Kubrâ : « Shaykh Tâj Ad-Dîn Abû Al-Fadl, Ahmad Ibn Muhammad Ibn `Abd Al-Karîm Ibn `Atâ’illâh, le résident d’Alexandrie. J’estime qu’il fut shafi’ite, mais on dit qu’il était malikite. Il fut le maître du Shaykh, l’Imâm, mon père, en matière de tasawwuf. Il fut un gnostique, aux signes subtils. Il accomplit de nombreux prodiges et avait un pied ferme dans la discipline du tasawwuf. Il accompagna Shaykh Abû Al-`Abbâs Al-Mursî, le disciple du Shaykh Abû Al-Hasan As-Shâdhilî, et s’initia auprès de lui. Shaykh Tâj Ad-Dîn s’installa au Caire pour éduquer et exhorter les gens. On lui doit des expressions sublimes que ses disciples consignèrent dans des ouvrages ».
L’imâm As-Safadî dit dans A`yân Al-`Asr wa A`wân An-Nasr : « Le Shaykh, le gnostique, Tâj Ad-Dîn Abû Al-Fadl d’Alexandrie. Ce fut un homme pieux, ayant une gustation spirituelle raffinée. Ses paroles apaisaient les cœurs et ravivaient la flamme des Amoureux. Il s’installait sur une chaire d’enseignement dans les mosquées et muselait les déviants. Il avait une grande connaissance des paroles des Pieux prédécesseurs (Salaf us-Sâlih) et celles des Sûfis. La brise parfumée de ses discours éveillait la nostalgie amoureuse (shawq) dans de nombreux cœurs et effaçait par les larmes des péchés abondants. Ce fut un homme de vertu, manifestant les signes de la droiture. Il fut un disciple du Shaykh Abû Al-`Abbâs Al-Mursî, le compagnon d’As-Shâdhilî. Il fut aussi un grand opposant (intellectuel) du Shaykh Taqî Ad-Dîn Ibn Taymiyya, et inspirait beaucoup de respect par la force de son caractère. Il demeura ainsi jusqu’au jour où cette expression éloquente se tut et les étoiles de ces signes s’éteignirent. Il décéda, puisse Allâh lui faire miséricorde le 11 Jumadah 709 A.H., à l’École Mansûriyyah au Caire ».
Ibn Taymiyya lui-même dira de lui, lors d’un débat qui opposait les 2 savants : « Je te connais comme un homme d’une piété scrupuleuse, de savoir abondant, d’intégrité et de véracité dans le parler. Je témoigne que je n’ai vu personne pareille à toi en Egypte et en Syrie, qui aime plus Allâh, ni qui est plus auto-effaçant en Lui ni qui est plus obéissant à exécuter ce qu’Il a commandé et à éviter ce qu’Il a interdit » (rapporté entres autres par le Shaykh Muhammad Zaki Ibrâhîm dans Ussûl al-wussûl, pp. 299-310).
Par conséquent, tout musulman ayant conscience de ce crédo (le Tawhîd) ne peut pas tomber dans le shirk akbar. Dès lors, on ne peut parler au maximum, que de shirk asghar (le shirk mineur ne faisant pas sortir de la Religion ; cela fait l’objet de divergences entre les savants) ou d’innovations/erreurs dans la pratique, mais pas de shirk akbar qui annule le Tawhîd et l’islamité de la personne se réclamant de l’Islam. Ceux qui parmi les savants sunnites défendaient le tawassul et l’istighâthâ n’ont jamais considéré d’autres qu’Allâh comme étant des divinités qu’il fallait adorer ou qui avaient une certaine indépendance par rapport à la Volonté, à la Puissance ou à la Permission divine. Cela est donc différent des idolâtres ou de nombreux chrétiens, qui, par exemple, considèrent des êtres créés et limités (comme des Prophètes, des Anges ou des Saints) ou des idoles inventées de toute pièce, comme des divinités à adorer, qui disposeraient d’une Puissance et d’une Volonté pouvant égaler ou surpasser celles d’Allâh (Dieu Créateur et Pourvoyeur de toute chose), ou qui pourraient gérer l’univers ou intercéder auprès des créatures, sans Sa permission ou sans qu’Il soit à l’origine des capacités octroyées aux créatures (anges, prophètes, saints, animaux, humains ordinaires, plantes, jinns, etc.).
Voici le texte arabe et une traduction en français de l’appel aux « hommes de l’Invisible » (rijâl al-ghayb), par le Shaykh Abd al-Qâdir al-Jilânî (radiyallâh ‘anh) dans Al-fuyûdât ar-rabbâniyyah
« Bismi-Llâhi ar-Rahmâni ar-Rahîm.
As-salâmu ‘alay-kum yâ rijâla-l-Ghayb.
As-salâmu ‘alay-kum yâ ayyuhâ-l-arwâhu al-muqaddasah
Yâ nuqabâ’, yâ nujabâ’, yâ ruqabâ’, ya budalâ’,
Yâ awtâda-l-ardi, awtâdun arba’ah : ya imâman,
yâ qutbu, yâ fardu, yâ umanâ’,
Aghîthûnî bi-ghawthatin wa-nzurûnî bi-nazratin,
Wa rhamûnî wa hassilû murâdî wa maqsûdî,
Wa qûmû ‘alâ qadâ’i hawâ’ijî,
‘Inda nabiyyinâ Muhammad salla-Llâh ‘alayhi wa sallam,
Sallamakumu-Llâhu ta’âlâ fî-d-dunyâ wa-l-âkhirah,
Allâhumma sallî ‘alâ-l-khidra.
***
Au Nom d’Allâh le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux.
Que la Paix soit sur vous ô hommes de l’Invisible.
Que la Paix soit sur vous ô esprits sanctifiés.
Ô présidents (nuqabâ’), ô nobles (nujabâ’), ô superviseurs (ruqabâ’), ô substituts (budalâ’).
Ô piliers (awtâd) de la terre, quatre piliers : ô deux guides (imâman),
Ô pôle (qutb), ô esseulé (fard), ô hommes de confiances (umanâ’),
Sauvez-moi par une aide, regardez-moi par un regard,
Soyez miséricordieux envers moi, accomplissez mon souhait et mon objectif [par la Grâce divine],
Et accomplissez [par la Grâce divine] la satisfaction de mes besoins,
En présence de notre Prophète Muhammad, sur lui la Grâce et la Paix.
Qu’Allâh – exalté soit-Il – vous donne la Paix en ce bas-monde et dans l’autre
Allâhumma prie sur al-Khidr ».
Cela est similaire au sens donné aux paroles : « ô mon fils, veille à accomplir mes enseignements et mes souhaits », ou « ô mes ouvriers, suivez mes directives concernant le plan de ce bâtiment », c’est-à-dire des paroles dénuées de shirk et qui ne consistent pas à croire qu’ils peuvent réaliser des choses en dehors de la Volonté divine, ni qu’ils peuvent accomplir des choses que seul Allâh peut réaliser.
Rappelons que le Shaykh Ibn Taymiyya avait un immense respect pour le Shaykh Al-Jilânî, il dit dans Majmû’ al-Fatâwâ al-Kubra (vol. 10) : « Les grands savants Sûfis sont bien connus et acceptés, tels que : Bayazîd Al-Bistâmi, Shaykh Abdul Qâdir Jilâni, Junayd ibn Muhammad, Hasan Fudayl Al-Basrî, Ibn Al-Ayyâd, Ibrahim Ibn Al-Adham, Abî Sulaymân ad-Dâranî, Ma‘rûf Al-Karkhî, Siri as-Saqtî, Shaykh Hammâd, Shaykh Abul Bayân. (…) Ces grands Sûfis étaient les imâms de l’humanité et ils appelaient à ce qui était juste et interdisaient ce qu’Allâh avait interdit de mauvais ».
L’Imâm Ad-Dhahabî, – qui fut aussi l’élève d’Ibn Taymiyya durant de longues années -, tout en affirmant qu’il accepte de façon générale les prodiges de l’imâm `Abd Al-Qâdir, se déclare cependant sceptique sur certains d’entre eux. Il évoqua cela dans son Siyar A’lâm An-Nubalâ’ : « Le Shaykh `Abd Al-Qâdir (Al-Jîlânî), le Shaykh, l’imâm, le savant, le zâhid (ascète), le connaissant, le modèle, le Shaykh de l’islâm, l’emblème des awliyâ’ (saints), le hanbalite, le Shaykh de Baghdâd. Je dis qu’il n’en est aucun parmi les grands Shaykhs qui ait plus d’états spirituels et de prodiges (karâmat) que le Shaykh `Abd Al-Qâdir ».
On voit donc bien que ceux qui critiquaient et rejetaient le tabarrûk et le tawassul étaient ceux qui s’affiliaient aux khawarij. Et qui à notre époque sont ceux qui suivent leur voie dans ce domaine, si ce n’est les wahhabites sectaires et najdites qui rejettent ces pratiques légiférées.
En conclusion, ce qui est autorisé en islam selon le Qur’ân, la Sunnah et l’élite des Salafs : l’intercession qui consiste à demander aux prophètes, aux parents pieux, aux gens vertueux, aux saint(e)s, etc. vivant ici-bas ou vivant dans le barzakh (monde intermédiaire où vivent les « défunts » vertueux en attendant le Jugement dernier, auprès de leur tombe car Allâh y renvoie leurs âmes quand ils ont des visiteurs et ils invoquent Allâh pour nous comme nous l’informent plusieurs ahadiths sahîh et hassân en plus de l’expérience) d’invoquer Allâh seul pour nos besoins.
Ce qui est interdit en Islam c’est de les adorer ou diviniser en dehors d’Allâh, en disant par exemple « ô untel accorde-moi le Paradis, guéris mes maladies, préserve-moi de l’enfer, etc. », car cela relève du shirk consistant à attribuer aux créatures des Attributs propres à Allâh, et à croire que leur volonté égale ou surpasse celle d’Allâh, et qu’ils n’ont pas besoin de Sa Permission pour agir. De même, sacrifier, prier ou jeûner pour autre qu’Allâh est interdit et relève du shirk. Par contre on peut prier, jeûner et sacrifier (un animal qui sera consommé ensuite) pour Allâh, avec l’intention de rendre hommage ou de partager les bienfaits et les récompenses avec des personnes de notre choix (parents, proches, savant, Saint, etc.) tant qu’ils n’étaient pas des ennemis déclarés de la Foi et de l’Humanité.
Ceux qui tombent dans ce genre de paroles, si le sens voulu implique le shirk, alors ils auront commis des paroles de kufr, sinon ils seront excusés mais on leur dira de choisir des formulations et expressions plus claires et moins ambigües sur le sujet. Le takfir ne peut cependant se faire qu’en les interrogeant directement pour connaitre leur intention, finalité, contexte et sens qu’ils donnaient à leur parole, et seulement après leur avoir exposé les preuves catégoriques avec sagesse et intelligence, et seulement si ensuite ils les refusent en connaissance de cause.
Les mêmes règles valent aussi bien pour le tawassul (entremise, intercession) que pour le tabarruk (recherche de bénédictions divines à travers des personnes vertueuses ou des objets leur appartenant).
En réponse à une personne qui demandait si ce genre de demande était permis : « ya RassulAllah rapproches moi au mieux de tes enseignements et fais les moi comprendre afin que je me rapproche plus de notre Seigneur ! » ; nous lui répondons que par précaution il est préférable d’employer des formulations plus claires où les distinctions sont observées, par exemple, si l’on est devant sa tombe : « Ô Messager d’Allâh, invoque Allâh pour moi afin qu’Il me guide et me permettre de mieux comprendre tes enseignements et le Message divin que tu nous as transmis par Sa Grâce ».
Et si l’on est pas devant sa tombe alors c’est de l’istighâthâ (demande de secours), où comme pour les salâwât an-nabi lors du tashahhûd par exemple, Allâh lui fera entendre (soit par des Anges soit par d’autres voies) nos propos – comme cela est indiqué dans le Hadith -, mais avec la conviction que seul Allâh est Omniscient et Omnipotent et peut secourir Ses créatures, et que les créatures n’agissent pas et n’entendent pas d’elles-mêmes sans la Puissance divine et sans Sa Volonté et Sa Permission, les créatures n’étant que des supports créés et limités de Son Soutien, ne devant donc être ni invoquées en tant que telles, ni adorées ou divinisées.
La pratique de l’istighâthâ était faite par certains Sahâba comme Ibn ‘Umar puis tabi’in comme le rapportent Al-Bukhari dans Al-Adab al-Mufrad n°964, Ibn al-Sunni dans ‘Amal al-Yawm, An-Nawawî dans Al-Adhkâr, Abû Nu’aym et d’autres).
Ces distinctions, fondamentales en Islam, sont pourtant méconnues de la plupart des Wahhabis.
Wa Allâhu a’lam.
Sur la hijra (l’émigration)
An-Nasâ’î dans ses Sunân n°2528 rapporte ce hadith : « Allâh n’acceptera aucune action de la part de quelqu’un qui s’est converti du paganisme à l’islam tant qu’il ne quitte pas les païens », et At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1604 rapporte ce hadith : « Je désavoue tout musulman qui réside parmi les idolâtres ». Ceux-ci sont contextuels et à comprendre selon les principes de l’Islam et le contexte historique. En effet, dans leur sens apparent, cela contredit le Qur’ân et la Sunnah bien établie, de même que, toujours selon le sens apparent, cela voudrait dire qu’il est permis de résider chez les Juifs, les Chrétiens et les autres qui ne sont pas tombés dans l’idolâtrie grossière et évidente, parmi ceux qui rejettent ouvertement le monothéisme. Mais le contexte permet de comprendre que le sens voulu est celui du Musulman, qui volontaire, fuit les terres d’Islâm alors qu’il y est en sécurité et en bonne santé, préférant vivre parmi les idolâtres et les imiter dans ce qui leur est spécifique, ou qui préfère les fréquenter alors qu’ils combattent les Musulmans. Dans les autres cas, comme la nécessité, fuir la persécution, le tourisme « éthique », la visite chez la famille, le travail, la diplomatie, etc., cela est autorisé comme nous l’informent le Qur’ân et la Sirah. Al-Bukharî dans son Sahîh n°2967 et Ibn Hajar dans Fath ul-Bârî (7/607) rapportent que le Sahâbi Abû Mûssâ al-Ash’arî, que le Prophète (ﷺ) affectionnait, raconte : « Nous avions appris la nouvelle de la sortie du Prophète (ﷺ) quand nous habitions le Yémen. Nous émigrâmes et partîmes alors, deux de mes frères et moi, dans un groupe de cinquante-deux personnes des miens. Nous partîmes sur un bateau. Notre bateau nous déposa auprès du Négus en Abyssinie. Nous rencontrâmes là-bas Ja’far ibn Abî Talib et ses compagnons. Ja’far nous dit : « Le Prophète (ﷺ) nous a envoyés ici et nous a dit d’y demeurer. Restez-donc avec nous. « Nous restâmes donc avec lui jusqu’au moment où nous partîmes tous ensemble. Nous rencontrâmes le Prophète (ﷺ) quand il vainquit Khaybar… ». Le départ de Ja’far pour Médine survint quand le Prophète envoya ‘Amr ibn Umayya auprès du Négus pour lui demander de lui renvoyer ses Compagnons. Ainsi, la hijra peut être motivée pour fuir la persécution ou l’oppression, pour mieux vivre sa foi et sa religion, etc. Quant aux visites ou séjours temporaires (même pour plusieurs années), cela est autorisé si l’on ne craint pas pour sa sécurité ou sa foi (ou alors par nécessité pour aller sauver des innocents, soutenir des opprimés, mettre à l’abri ses proches, etc. dans le cas où il s’agirait d’un pays tyrannique ou en guerre par exemple), que ce soit pour la santé, le tourisme, l’enseignement, le travail, le commerce, les visites familiales, les relations diplomatiques ou universitaires, etc. Les 2 ahadiths sur la hijra évoqués au début sont donc à comprendre à la lumière de la cause motivant la règle contextuelle/restreinte sur le fait de vivre dans un pays non-musulman qui est soit en guerre avec les pays Musulmans, soit qui persécute les Musulmans qui y résident, leur interdisant de pratiquer ce qui est obligatoire dans l’Islam et leur ordonnant ce qui est illicite en Islam, et ce par la contrainte, la menace ou l’humiliation. Enfin, se pose aussi la question de celui qui a grandi en terres de kufr ou qui s’est converti sur l’Islam, et qui n’a pas les moyens d’émigrer (ou dont le chemin pour y parvenir n’est pas sécurisé) dans un autre pays plus sûr et juste, dans ce cas, il est excusé dans cette situation.
Concernant leur conception erronée et déviante du Takfir
Concernant leur conception du takfir, même des érudits et savants wahhabites et/ou salafis ont été forcés de reconnaitre l’extrémisme de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb et de ses premiers successeurs/fidèles. Pour Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb, s’allier avec des non-musulmans contre des Musulmans est du kufr de façon inconditionnelle, peu importe les raisons. Or, il s’agit là d’une hérésie et d’une bid’a contredisant le Qur’ân, la Sunnah et les Salafs. D’une part, le kufr est défini par la connaissance, l’intention, le contexte et la finalité d’un acte. Les Salafs et les savants hanbalites par exemple ont dit que s’allier avec des non-musulmans contre des musulmans pour des raisons mondaines et intérêts matériels est une perversité et une injustice mais pas du kufr akbar. Cela devient du kufr akbar seulement si l’alliance est faite dans le but de rabaisser l’islam, d’élever l’idéologie des non-musulmans et d’attaquer des Musulmans uniquement en raison de leur foi et alors mêmes qu’ils ne sont pas des criminels ou des terroristes. D’autre part Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb lui-même s’est allié avec des hypocrites dont le seul objectif était le banditisme et les butins matériels, et nullement élever la Parole d’Allâh et défendre les Musulmans, puisqu’ils ont profané et détruit des mosquées, des tombes et des mausolées (dont l’édification s’était faite de façon licite et islamique), et tué de nombreux croyants simplement car ils refusaient de prêter allégeance à des terroristes et bandits wahhabites à la mentalité tribale.
Le shaykh salafi Khalid Bahamid al-Ansari, tout en ayant lui aussi des erreurs, n’a pas hésité à montrer les erreurs du Shaykh Ibn Taymiyya et de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb dans le domaine du takfir, de la compréhension, de l’établissement de la preuve et dans la question liée au tawassul avec les défunts[12].
Sur leur compréhension erronée du fait de ne pas juger selon la Loi divine
De même, l’imâm Ibn Jarîr At-Tabarî à propos du fait de juger par la Loi divine, dit dans son Tafsîr (en citant une parole prophétique par rapport au « kufr mineur » qui ne fait pas sortir de l’islam, rapporté et authentifié par Al-Hâkim dans Al-Mustadrak) qu’il y a plusieurs cas concernant le dirigeant « musulman ». Celui qui juge selon la Loi divine et ses principes (prenant en compte aussi la nécessité, l’intérêt général, les conditions avant l’application d’un hadd ou d’un ta’zir) est alors bien-guidé s’il est sincère, clairvoyant, érudit et juste dans sa façon de juger. Le cas du dirigeant musulman (qui a la foi) mais pour des raisons personnelles ou politiques, juge par autre chose de ce que l’Islam exige mais tout en sachant qu’il commet une faute, et qu’il sait que la Loi divine est la seule qui doit s’appliquer dans le pays musulman qu’il dirige, il est alors fautif et « fasiq » ou « injuste » s’il n’a aucune excuse légale en cela (par exemple alors même que toutes les conditions étaient réunies, que le contexte le permettait, qu’il n’était pas sous la contrainte ou qu’il n’y avait aucun risque de révolte et de fitna, etc.). Et enfin, celui qui ne juge pas selon la Loi divine, sans avoir la foi, ou en pensant qu’une loi purement humaine (contredisant la Loi divine) est égale ou supérieure à celle d’Allâh, alors celui-ci a mécru (le faisant sortir de l’Islam) s’il agissait ainsi en connaissance de cause, et doit donc se repentir et revenir à une politique juste et sage s’il ne veut pas être destitué.
At-Tabarî rapporte ainsi dans son Tafsîr 2 commentaires et citations qui sont sahîh : « « Et celui qui ne juge pas selon ce qu’Allâh a révélé, de telles gens sont, eux, des kâfirûn » (Qur’ân 5, 44), Ibn Abbâs, commentant le verset a dit : « Celui qui renie ce qu’Allâh a révélé, celui-là est devenu incroyant. Mais celui qui, tout en reconnaissant ce que Allâh a révélé, ne juge pas en fonction de cela, celui-là est injuste et pécheur ». Ainsi que : « Questionné un jour par des Kharijites au sujet de ce verset 5/44 et de dirigeants qui n’appliquaient pas des règles de l’islam, Abû Mijlaz leur fit cette réponse : « C’est leur dîn [voie, religion, coutume, mode de vie, idéologie], auquel ils se réfèrent, c’est ce qu’ils disent et ce à quoi ils appellent ; s’ils délaissent quelque chose qui en relève, ils savent qu’ils ont fait un péché » ; dans une autre version : « Ils font ce qu’ils font en sachant que c’est un péché » ».
Le terme « kufr » peut signifier d’une part la mécréance faisant sortir de l’islam, mais aussi une ingratitude relevant de l’injustice (envers Allâh ou envers les gens), ou le fait de dissimuler et de cacher la Vérité pour justifier une injustice ou la faire perdurer, ou pour mieux manipuler les gens et les détourner de la Vérité et de la justice.
Quant au Shaykh Ibn Taymiyya, il s’opposait aussi à la conception des takfiris et khawarij sur le sujet. Il dit à propos de ceux qui ont pris leurs rabbins et leurs moines comme Seigneurs en dehors d’Allâh, qu’ils se divisent en 2 dans Majmû al-Fatâwâ (7/66-70) : « Et ces gens-là qui ont pris leurs savants et leurs moines comme divinités (en dehors d’Allâh), étant donné qu’ils les ont suivis dans le fait de déclarer licite ce qu’Allâh a rendu illicite et de déclarer illicite ce qu’Allâh a rendu licite, le font selon 2 manières… L’une est qu’ils savent que [ces savants et moines] ont changé le dîn d’Allâh puis qu’ils les suivent en ce changement, ayant alors comme croyance (« ya’taqidun ») que ce qu’Allâh a décrété illicite est devenu licite et que ce qu’Allâh a décrété licite est devenu illicite, par fait de suivre leurs chefs, tout en sachant qu’ils ont contredit le Dîn des Messagers. Ceci est du kufr. Et Allâh et Son Messager l’ont déclaré comme étant du shirk, même s’ils ne prient pas et ne se prosternent pas devant eux. Aussi, celui qui suit autrui dans ce qui contredit le Dîn tout en sachant que ceci est contraire au Dîn, et a comme croyance (« i’taqada ») ce que [cet autrui] a dit et non ce qu’Allâh et Son Messager ont dit, celui-là est mushrik (idolâtre) comme ceux-là.
La seconde est que leur conviction et leur foi soient établies quant au fait de considérer licite ce qu’Allâh a décrété licite et illicite ce que qu’Allâh illicite, mais qu’ils suivent ces prêtres et moines dans la désobéissance à Allâh, comme le musulman commet ce qu’il commet de péchés dont il a la conviction que ce sont des péchés. Ceux-là ont le statut de leurs semblables parmi les gens du péché et de la désobéissance [mais non pas de la mécréance] ». De nombreux exégètes du Qur’ân font aussi cette distinction comme le juge, juriste mâlikite et exégète Ibn Al ‘Arabî dans son Tafsîr, Al-Qurtûbî dans son Tafsîr, Al-Hudhaybî dans Du’ât lâ qudhât et bien d’autres. L’imâm Al-Hudhaybî précise d’ailleurs dans son Du’ât lâ qudhât (pp. 109-111) : « Le fait qu’un musulman ait connaissance d’une partie des règles que Dieu a rendues obligatoires mais soit ignorant d’une autre partie de ces règles, et qu’à cause de cette ignorance (jahl) il pense que la législation donnée par Dieu concerne des domaines limités de sa vie, de ses actions et des relations avec les autres et que Dieu lui a donné la liberté de légiférer à propos des autres parties de sa vie ».
Sont aussi excusés les dirigeants qui ne peuvent pas appliquer certaines lois (venant d’Allâh) car étant sous la contrainte ou la menace (par des entités politiques plus puissantes qui les menaceraient d’une guerre ou de la destruction de leur pays, comme le fait par exemple la puissance américano-israélienne), ou qui n’ont pas le soutien populaire pour le faire (comme ce fut le cas du Négus, et qui fut excusé comme le relate un hadith sahîh.
Allâh dans le Qur’ân évoque le cas du Prophète Yûsuf (cf. Sûrah Yûsuf n°12), alors occupant une fonction de Ministre au sein d’un système non-islamique et sous l’autorité du Roi d’Égypte. Dans une situation de faiblesse ou de nécessité, Allâh a rendu licite (ou excusable) le fait de s’engager en politique dans un système impie, dans le but d’assurer une plus grande justice, ou du moins, d’amoindrir l’influence du kufr, du shirk, de l’oppression et de l’injustice envers les gens du peuple.
De même, alors que le Négus d’Abyssinie devint musulman, il reste roi d’Abyssinie mais sans appliquer la Shar’îah, car n’ayant pas le soutien des notables et d’une partie conséquente du peuple, l’empêchant ainsi d’appliquer la Loi divine ou même de La reconnaitre ouvertement. Et pourtant, à son époque, une partie de la Révélation et de la Loi divine avait déjà été révélée.
C’est ce que dira notamment le Shaykh Ibn Taymiyya dans Majmû’ al-Fatâwâ (19/217-219) : « Par rapport au fait qu’Allâh ne charge une âme que de ce dont elle est capable, de même en est-il de celui des non-musulmans à qui le message du Prophète (ﷺ) parvient en terre non-musulmane (Dâr ul-kufr), qui sait qu’il est (vraiment) Messager d’Allâh, apporte alors foi en lui et apporte foi en ce qui a été descendu sur lui, adhère à la piété (taqwâ) autant qu’il le peut – comme l’ont fait le Négus et autre que lui –, ne peut émigrer en terre musulmane (Dâr ul-islâm) ni ne peut adhérer [concrètement] à toutes les prescriptions de l’islam – vu qu’il est empêché d’émigrer et empêché de montrer ouvertement son dîn –, et n’a pas auprès lui qui lui enseignerait toutes les prescriptions de l’islam : celui-là est un mu’min, faisant partie des gens du Paradis. Ce fut le cas du croyant parmi la famille de Pharaon vis-à-vis du peuple de Pharaon. Ce fut le cas de la femme de Pharaon. Ce fut même le cas de Yûsuf (le Prophète Joseph) le véridique – sur lui soit la Paix – avec les gens d’Égypte : ceux-ci étaient incroyants, et il ne lui était pas possible de faire vis-à-vis d’eux tout ce qu’il connaissait du dîn ul-islâm ; car il les avait invités au monothéisme et à la foi, et ils ne l’avaient pas suivi. Allâh Elevé relate ainsi du croyant de la famille de Pharaon [qu’il dit aux Egyptiens de l’époque de Mûsâ/Moïse, soit bien après l’époque de Yûsuf] : « Et Yûsuf vous avait auparavant apporté les preuves évidentes. Vous n’aviez alors cessé d’être dans un doute au sujet de ce qu’il vous avait apporté. Jusqu’à ce que quand il mourut, vous dîtes : « Allâh n’enverra jamais plus après lui de Messager » » (Qur’ân 40, 34). Souvent un musulman accède au poste de juge ou même de dirigeant, parmi les Musulmans et parmi les Tatars [= les Mongols non-Musulmans de l’époque d’Ibn Taymiyya], et en son âme se trouvent des choses de justice qu’il voudrait pratiquer [et appliquer], mais il ne le peut pas : il se trouve là-bas (des hommes) qui l’en empêchent. « Allâh ne charge une âme que de ce dont elle est capable ». De même en fut-il du Négus [Ashama] ; même s’il était le roi des chrétiens [d’Abyssinie], son peuple ne le suivit pas dans l’entrée en islam ; seul un petit groupe entra en islam avec lui. Et c’est pourquoi quand il mourut il n’y eut là-bas personne pour accomplir la prière funéraire sur lui ; le Prophète l’accomplit alors sur lui à Médine. (…) Le Négus, il ne lui était pas possible de juger d’après le hukm (jugement) du Qur’ân ; car son peuple ne l’aurait pas laissé faire cela. ‘Umar ibn ‘Abd il-‘Azîz fit face à de l’inimitié et à des torts pour certaines choses de justice qu’il établit ; on dit (même) qu’il fut empoisonné pour cela. Le Négus et ses semblables seront heureux dans le Paradis, même s’ils n’ont pas adhéré [en actes], parmi les prescriptions de l’islam, à ce à quoi ils n’avaient pas la capacité d’adhérer [en actes] ; ils faisaient le hukm par les ahkâm dont il leur était possible de faire le hukm par elles ».
Par ailleurs, fait partie du respect de la Shar’îah, que de prendre en compte aussi les principes de nécessité, de moindre mal, d’intérêt général, d’éviter la fitna (engendrant une situation encore pire) et le ‘urf (la coutume) dans la façon de gérer la société et d’appliquer (ou non) certaines peines. Le Shaykh Ibn Taymiyya dans Majmû al-Fatâwâ (28/126-128) dit : « là où le désavantage (mafsada [shar’iyya]) qu'(entraîne) le fait d’ordonner (le bien) et d’interdire (le mal) est plus grand que son avantage (maslaha [shar’iyya]), cela ne relève pas de ce qu’Allâh a ordonné. (…) Cela se fait parfois par le cœur [seulement], parfois par la langue [aussi], et parfois par la main [également]. Pour ce qui est du cœur, cela est obligatoire en toute circonstance (…). 2 groupes de gens commettent ici une erreur. Un premier groupe délaisse (de façon absolue) l’exhortation et la dissuasion, en faisant une interprétation (erronée) de ce verset (Qur’ân 5/105) (…). Et le second groupe est constitué de ceux qui veulent ordonner (le bien) et interdire (le mal) par la langue et la main de façon inconditionnelle (mutlaqan), sans compréhension (fiqh), longanimité (hilm), patience et considération pour ce qui convient à ce sujet et ce qui ne convient pas, et pour ce dont on a (réellement) la capacité et ce dont on n’en a pas la capacité. (…) Ces gens ordonnent (le bien) et interdisent (le mal) en croyant qu’ils obéissent ainsi à Allâh et suivent Son Messager, alors qu’en fait ils outrepassent les limites fixées par Allâh ».
L’opposition et la réfutation des savants Sunnites et des Muftis des 4 écoles juridiques contre Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb, son idéologie et ses premiers partisans
Le Shaykh Sâlih Ibn Sayf al-‘Atîqî al-Hanbalî (1163 – 1223 H) dans la biographie qu’il fit de son Shaykh, l’Imâm vertueux et savantissime, Ibn Fayrûz al-Hanbalî qui écrivit – comme rapporté de l’Imâm Ibn Humayd al-Hanbalî (m. 1295 H) dans Al-Suhûb al-Wâbilah 3/979 – : « Il s’est levé pour soutenir la Religion (Islam) et réprimer les bid’a (égarements et déviances) des habitants renégats d’al-‘Âridh [wahhâbis] jusqu’à ce que leur tyran [Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb] offre une récompense de 500 pièces d’or à quiconque le tuerait. Une nuit, ils ont escaladé sa maison, mais Allâh a empêché leurs plans de se réaliser. Ensuite, il [Ibn Fayrûz] se mit alors à les réfuter et à les censurer avec encore plus de zèle. Qu’Allâh le protège par Sa bienveillance ».
Le Shaykh Sâlih Ibn Sayf al-‘Atîqî est un Hanbalî, tout comme son Shaykh Ibn Fayrûz ainsi que l’auteur du livre Al-Suhub al-Wâbilah, le Shaykh Ibn Humayd, qui n’est autre que l’ancien maître des Hanbalîtes de La Mecque. Cela nous démontre que plusieurs grands maîtres hanbalites étaient des farouches opposants à la prédication de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb, qui agissait comme un brigand à la mentalité tribale et sectaire. Ses partisans et lui faisaient souvent le takfir sur des considérations politiques (lui prêter allégeance ou non) et non pas doctrinales. Ainsi, même les hérétiques et déviants (selon leurs propres conceptions !) qui leurs prêtaient allégeance étaient des « Musulmans », tandis que les Musulmans vertueux, ayant bien compris le Tawhîd et agissaient avec piété, bienfaisance et justice qui refusaient de leur prêter allégeance et qui restaient loyaux aux autorités politiques et religieuses antérieures à la venue des Wahhabites, étaient considérés comme des « apostats idolâtres », pires que ceux de l’époque de la jahiliyya, ce qui est le comble de l’absurde.
Ils ont agi comme des khawarij enragés, sans aucune considération pour la véritable foi de l’Islam, l’adab, la spiritualité ou la justice de l’islam. Mais le Prophète (ﷺ) nous avait prévenu de leur apparition au cours de l’histoire, les considérant comme des khawarij (extrémistes takfiris) qu’il fallait combattre et neutraliser, car s’en prenant à la Ummah (aux bons, aux vertueux comme aux pécheurs et aux laxistes) comme nous pouvons le lire dans le Sahîh al-Bukharî et le Sahîh Muslim. D’ailleurs, tous les Mufti sunnites qui ont vu les méfaits qu’ils ont commis, à leur époque, ont mis en garde contre eux et ont montré que M. Ibn ‘Abd al-Wahhâb et ses fidèles correspondaient parfaitement aux caractéristiques de ce groupe kharijite évoquées par le Prophète (ﷺ), comme le rappelait aussi le Shaykh ul Islam et Grand Mufti de la Mecque (jusqu’en 1886) Aḥmad Ibn Zaynî Ibn Aḥmad Dahlân al-Makkî al-Shafi’î (1231 H/1816 – 1304 H/1886) dans son ouvrage Fitnat al-Wahabiyya. Grand défenseur de l’Islam traditionnel/orthodoxe (incluant le Tasawwuf), il était aussi un fervent opposant du wahhabisme, du rafidisme (shiisme extrémiste anti-sunnites) et de l’impérialisme occidental. Il était un juriste shafi’ite de renom, mais aussi théologien, historien, logicien, muhaddith, exégète du Qur’ân, connaisseur de la Sîrah an-Nabawiyya, de la langue arabe, de la littérature, des mathématiques, des ussûl al-fiqh, du Tasawwuf, etc. Bien d’autres grands savants et Muftis, aussi bien mâlikites, qu’hanafites, shafi’ites et hanbalites, s’opposeront au wahhabisme et produiront de nombreuses fatâwâ et épitres afin de réfuter leurs hérésies, erreurs et déviances.
Le Shaykh ‘Abdallâh Ibn Dâwûd al-Zubayrî (m. 1225 H). Il grandit dans la ville de Zubayr, près de Bassorah, y étudia le Qur’ân et diverses sciences. Ensuite il partit à al-Ahsâ’ pour étudier auprès du célèbre juriste Hanbalî Muhammad Ibn Fayrûz, de son fils (le père et le fils étaient également des adversaires de la prédication de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb) et d’autres. Le Shaykh Ibn Dâwûd al-Zubayrî était doué en fiqh, en ussûl, dans les sciences liées à l’héritage et dans la langue arabe. Il retourna ensuite dans son pays pour y enseigner et émettre des avis juridiques. Il est l’auteur d’une excellente réfutation contre la prédication de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb qui s’intitule al-Sawâ’iq wa al-Ru’ûd, et dans lequel il dira (p.432) : « Par Allâh, Celui qui n’a nulle dignité en dehors de Lui : toutes les paroles d’Ibn ‘Abd al-Wahhâb et ses partisans, ces chiens Khârijîtes, n’avaient pour but que de parvenir à excommunier la Ummah musulmane et de permettre (de verser) leur sang et (de voler) leurs richesses. Ceci ne fait aucun doute ni hésitation pour celui qui a vérifié leur affaire et qui a une connaissance minimale de la Loi divine ».
Leurs méfaits et atrocités visant les Musulmans ont d’ailleurs été recensés – avec fierté – par leurs chroniqueurs (compagnons de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb) comme Hussayn ibn Ghanam dans son Târîkh Najd et Medhat Al-Faraj, notamment quand ils relatent leur conflit avec les Musulmans de Huraymilâ et le fait qu’ils ont fait le takfir de masse de tous les Musulmans qui s’y trouvaient, et ce sans les avoir interrogé sur leur ‘aqida et leurs idées, et alors même qu’ils suivaient les muftis sunnites (qui se basaient sur le Qur’ân, la Sunnah et les positions émanant des Salafs et des Khalafs de la Ummah). Ce sont ainsi des milliers de Musulmans non-armés (Sunnites/Sûfis, Musulmans lambda et Shiites) qu’ils ont massacré, y compris des femmes et des enfants (environ 1500 morts rien que dans la ville de Saihat dans la péninsule arabique), rendant ainsi licite ce qu’Allâh et Son Messager avaient rendu illicites, ce qui relève de leur part à la fois d’une hérésie, d’un acte annulatif de l’Islam, d’une transgression de la Loi divine et d’une abomination morale, méritant les pires sanctions juridiques (selon la Shar’îah) pour leurs atrocités.
Le Shaykh Muhammad Ibn Sulaymân al-Kurdî al-Shâfi’î (1127 – 1194 H) qui naquit à Damas et grandit à Médine, et a assumé la fonction de Muftî des Shâfi’ītes à Médine jusqu’à sa mort. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages bénéfiques dans différentes sciences islamiques. Ses biographes le décrivent comme un éminent savant, un théologien, un homme de science et un juriste distingué. Ils le décrivent aussi comme le sceau des juristes des terres du Hijâz et comme un homme profondément versé dans toutes les sciences textuelles et rationnelles/intellectuelles. Outre ses nombreuses connaissances, Il était également célèbre pour sa vertu, sa piété, son humilité et son ascétisme, incarnant l’éthique et la noblesses de caractère des vertueux Salafs. Le Shaykh était l’un des professeurs de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb (quand il était jeune et un peu moins virulent et égaré). Cependant, il s’est désolidarisé de lui et le mit en garde. L’imâm Al-Kurdî écrivit cette lettre à Mohammad Ibn ‘Abd al-Wahhâb : « Ô Ibn `Abd al-Wahhâb, que la Paix soit sur ceux qui ont suivi la guidée ! En effet, je veux te donner un conseil sincère pour l’amour d’Allâh, le Très-Haut, : Garde ta langue loin des Musulmans ! Si tu entends de quelqu’un qu’il croit que, en dehors d’Allâh, le Très-Haut, celui à qui elle cherche de l’aide, a de l’influence (tâ’thîr), alors fais-lui savoir la justesse et évoque-lui les preuves qu’il n’y a point d’influence en dehors d’Allâh Seul, le Très-Haut. S’il refuse, alors son incrédulité à ce moment-là lui est spécifique. Tu n’as aucun moyen de considérer la majorité des Musulmans comme des mécréants alors que tu t’es toi-même marginalisé d’eux. Certes, il est plus proche [de la vérité] d’attribuer l’incrédulité à celui qui s’est marginalisé de la majorité des musulmans en raison du fait qu’il a suivi une voie différente de celle des croyants. Allâh : « Et quiconque fait scission d’avec le Messager, après que le droit chemin lui est apparu et suit un sentier autre que celui des croyants, alors Nous le laisserons comme il s’est détourné, (…) »[13].
Le Shaykh hanbalite et taymiyyien, Sulaymân Ibn ‘Abd al-Wahhâh (m. 1208 H) – le propre frère du kharijite Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb -. Il était un farouche adversaire de la prédication de son frère (mais il fut capturé par la suite, et l’ont probablement forcé à écrire un texte visant à approuver la prédication de son frère, à moins qu’il s’agissait d’une fausse signature). Plusieurs éléments tendent à indiquer que sa rétractation n’était pas réelle (ou en tout cas pas sincère) et ce qui compte, c’est la vérité sur les déviances réelles du mouvement wahhabite de toute façon. L’érudit wahhâbî ’Abdallâh al-Bassâm lui-même ne croyait pas en cette rétraction comme il l’écrit dans son livre Ulama Najd (2/354-356). Le Shaykh Sulaymân Ibn ‘Abd al-Wahhâb dans son Fasl al-Khitâb (pp.32-48) proposait une réfutation de la prédication déviante de son frère : « Mais vous avez pris cela selon vos propres conceptions, vous avez divergé du consensus et avez déclaré toute la Ummah de Muhammad (ﷺ) de mécréants, en disant : « quiconque accompli ces actes est un mécréant, et celui qui ne le déclare pas mécréant est lui-même un mécréant ». Or, il est bien connu, aussi bien chez l’élite savante que le commun des mortels, que ces pratiques ont envahi les pays musulmans, et selon les érudits parmi eux, elles ont envahi les pays musulmans depuis plus de 700 ans (…). Contrairement à votre opinion, où vous appliquez la mécréance et l’apostasie aux régions musulmanes et à d’autres pays musulmans, et où vous considérez leurs terres comme des terres de guerre, même les 2 lieux saints que le Prophète (ﷺ) a mentionnés dans des ahadiths sahih et clairs comme étant toujours des terres d’Islâm, où l’on ne vénère pas les idoles. Même le Dajjâl, à la fin des temps, foulera toutes ces terres, excepté les 2 lieux saints (…). Ainsi, selon vous, toutes ces terres sont des terres de guerre, et leurs habitants sont des mécréants, car, selon vous, ils ont adoré des idoles. Et tous, selon vous, sont des idolâtres, d’une idolâtrie majeure qui fait sortir de la religion (…). Mais ceux que vous qualifiez aujourd’hui de mécréants et dont vous rendez licite leur sang, leurs biens et leurs doctrines, ces derniers sont des partisans des doctrines des Ahl ul Sunnah wa al-Jama’a, le groupe sauvé, qu’Allâh nous inclut parmi eux ».
Le Shaykh ‘Abd al-Wahhâb Ibn Turkî al-Hanbalî dans Fitnatu al-Wahhâbiyyah wa Ahwâl Najd (pp.39-40) rapporte du Shaykh, historien, théologien, muftî et juriste Hanbalî ’Abd al-Wahhâb Ibn Muhammad Ibn Humaydân (m. vers 1237/1252 H), qu’il écrivit au sujet de Muhammad ’Abd al-Wahhâb : « En l’an 1150 H, l’apparition de Mohammed Ibn ’Abd al-Wahhâb Ibn Masharraf al-Tamîmî dans la ville d’al-‘Uyaynah à ’Âridh al-Yamâmah dans la vallée de Mussaylimah. Il a commencé à excommunier la Ummah Muhammadienne par des discours embellis, déduisant cela à leur sujet en s’appuyant sur le sens apparent des versets qui furent révélés sur les mécréants et les Juifs, ainsi que sur des ahadiths prophétiques interprétés de manière erronée. Par exemple, il a prétendu que celui qui disait : « Ô Messager d’Allâh, intercède (auprès d’Allâh) pour moi » était un mécréant, et que celui qui négligeait un des piliers de l’Islâm était aussi un mécréant, jusqu’à ce que ses désirs le conduisent à excommunier les élites de la Ummah parmi les détenteurs de la Loi divine, les gens de scrupule et de compétence, simplement parce qu’ils ne lui donnaient pas leur accord sur ses bid’a (blâmables). Il suivit ainsi la voie des Khârijītes renégats, en prétendant que les 2 témoignages de foi (al-shahâdatayn) ne faisaient pas entrer dans l’Islâm. Des lettres de conseil lui furent envoyées de tous les endroits de tous les pays, mais ni les versets (du Qur’ân), ni les avertissements, ne purent influencer un peuple qui ne croyait pas ».
Le Shaykh Hanbalî Muhammad Ibn ’Alî Ibn Gharîb (1149 – 1209 H), qui n’est autre que le gendre de Mohammed Ibn ’Abd al-Wahhâb et l’un de ses adeptes. Cependant, les wahhabis l’assassinèrent par précaution vis-à-vis de leur cause. Cet assassinat est également rapporté par le chroniqueur najdîte et wahhâbî Ibn Bishr dans son ’Unwân al-Majd fî Târîkh Najd. Le grand Shaykh Hanbalî Ibn Humayd (1236 – 1295 H), qui fut le muftî des Hanbalîtes à La Mecque et l’un des adversaires de la prédication de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb, relate cette anecdote au sujet du gendre de ce dernier, Muhammad Ibn ‘Alî Ibn Gharîb dans Kitâb al-Suhub al-Wâbilah (2/591-592) : « Puis, un étranger parmi les non-Arabes séjournant à al-Dir’iyyah qui avait une bonne opinion de leur prédication et qui flattait le shaykh ‘Abdaallâh susmentionné, lui fit prêter (au Shaykh Muhammad Ibn ’Alî Ibn Gharîb) serment et l’a interrogé sur la réalité de leur situation (aux wahhâbîs). Il lui répondit favorablement, assurant que sa prédication était la vérité. L’homme lui dit alors : « Je suis sous ta responsabilité, guide-moi, et Allâh te demandera des comptes à ce sujet si tu me caches la vérité ». Il le crut sincère et lui révéla ce qu’il cachait en lui, à savoir qu’ils se trompaient, qu’ils dépassaient les limites dans l’excommunication (al-takfîr), le meurtre et le pillage. L’homme, ayant trahi sa confiance, les informa de ce qu’il avait dit. Ils le capturèrent et comprirent que, étant donné sa compétence, sa compréhension, sa capacité à réfuter et sa connaissance de leurs secrets, il constituait une menace plus grande que les autres, alors ils le tuèrent ».
L’Imâm, l’un des plus grands juristes mâlikîtes de son temps qui fut l’élève du Shaykh Abû al-Barakât Ahmad al-Dardîr (m.1201 H) et du Shaykh et Ibn ’Arafah al-Dasûqî (m.1230 H), le Shaykh des Shuyûkh, le pilier des gens du tahqîq, l’érudit, un modèle pour les aspirants spirituels et un maître éducateur.
L’Imâm Ahmad al-Sâwî al-Mâlikî (m.1241 H), commentant, dans sa Hâshiya (3/255) le Tafsîr al-Jalâlayn le verset : « « En vérité, Satan (Shaytân) est pour vous un ennemi. Prenez-le donc pour ennemi ! Il ne fait qu’appeler ses partisans pour qu’ils soient des gens de la Fournaise » (Qur’ân 35, 6), a dit : « Il est dit que ce verset a été révélé à propos des khawarîj qui déforment l’interprétation du Livre (Qur’ân) et de la Sunnah et autorisent ainsi (de verser) le sang des Musulmans et (voler) leurs biens, comme cela est observé aujourd’hui chez leurs semblables. Ce sont une secte de la région du Hijâz, appelés les « wahhâbîtes », qui pensent qu’ils sont sur la vérité, mais en réalité, ce sont eux les menteurs. « Le Diable les a dominés et leur a fait oublier le Rappel d’Allâh. Ceux-là sont le parti du Diable (Shaytân) et c’est le parti du Diable qui sont assurément les perdants » (Qur’ân 58, 18-19). Nous demandons à Allâh le Très Généreux de nous débarrasser d’eux complètement ».
Dans les propres lettres (Rassâ’îl) écrites par Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb, ainsi que dans son Kitâb at-Tawhîd et dans le recueil wahhabite appelé Durar as-Saniyya, – passages que nous avions cité dans un autre texte – on y lit des horreurs, notamment des appels au shirk (à juger ce qui relève du seul Droit divin, et sa prétention mensongère d’être le seul à avoir compris le Tawhîd à son époque, que tous les savants Musulmans de son temps étaient égarés et ne connaissaient pas le sens du Tawhîd et de l’attestation de foi – ce qui implique qu’ils étaient des mushrikîn selon lui et ses partisans -, démentant ainsi le Qur’ân et les paroles du Messager d’Allâh ﷺ !), à tomber dans des actes annulatifs de l’Islam et à prétendre sonder les cœurs de tous les Musulmans et non-Musulmans sans même les connaitre tout en préjugeant de leur ‘aqida et de leur intention, de rendre licite ce qu’Allâh a interdit (comme le meurtre et l’humiliation envers les innocents dont les femmes et les enfants, qu’ils soient Musulmans ou non-Musulmans ; le takfir de masse, le pillage des biens appartenant aux Musulmans et aux citoyens non-Musulmans, calomnier les gens – y compris les Musulmans -, ordonner l’assassinat des savants vertueux qui rappellent à l’ordre les déviants et criminels parmi les wahhabites, etc.), la confusion entre ce qui relève du Tawhid et ce qui relève du shirk (M. Ibn ‘Abd al-Wahhâb ne sachant pas faire la différence entre les 2), la confusion entre les sujets relevant de la ‘aqida et ceux qui relèvent du fiqh (notamment le tawassul, la visite des tombes et le tabarrûk), le manque d’adab, d’intelligence et de science dans les affaires liées à la Religion et à la politique, etc., le refus d’inclure l’intention, la ‘aqida, le contexte et la finalité dans le jugement des gens, le fait d’avoir détourné et dénaturé le sens des versets du Qur’ân et des ahadiths pour en déduire de fausses règles, en rendant licite ce qu’Allâh a décrété illicite et en rendant illicite ce qu’Allâh a décrété licite, etc., sans parler de son utilisation de ahadiths apocryphes ou faibles pour justifier ses positions déviantes et répréhensibles. Leur instrumentalisation du takfir à des fins politiques et mondaines, sans respecter la Shar’îah et l’honneur des Musulmans, préférant attaquer et affaiblir le Califat musulman plutôt que de repousser les envahisseurs et criminels qui colonisaient le monde musulman, d’où la suspicion qui pesait sur Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb et ses partisans d’être des agents au service de l’empire britannique. Et comme l’a dit le Prophète (ﷺ) à propos d’un homme injuste et bédouin originaire du Najd (plus intéressé par les butins et l’argent que par la foi, la spiritualité et la Religion) qui avait dénigré le Prophète (ﷺ) : « Parmi la descendance de cet homme, il y aura des gens qui (feront mine) de réciter le Qur’ân mais celui-ci ne dépassera pas leur gorge, et ils sortiront de l’Islam comme une flèche sort à travers le gibier, et Ils attaqueront les Musulmans et laisseront tranquilles les non-Musulmans (qui attaqueront les Musulmans) »[14] ainsi que : « Vers la fin des temps apparaîtront des jeunes gens insensés et stupides qui prononceront les meilleurs slogans (pour tromper les gens), mais leur foi ne dépassera pas leur gorge (c’est-à-dire qu’ils n’auront pas vraiment la foi dans leur « cœur ») et abandonneront leur religion comme une flèche s’écarte du champ de tir. Où que vous les trouviez, combattez-les (en raison du terrorisme et du chaos qu’ils sèmeront), car quiconque les combat aura une récompense au Jour de la Résurrection »[15].
Le Prophète (ﷺ) condamnait donc – tout en se désavouant d’eux – ceux qui apparaitront après lui, avec cette mentalité et les atrocités qu’ils commettront, tout en se prétendant faussement Musulmans, mais attaquant la Ummah. Et Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb est un bédouin originaire du Najd, d’où proviendra la corne du Shaytân (cf. Sahîh al-Bukharî) et d’où émergera une grande fitna, ce qui correspond à l’apparition de l’idéologie wahhabite et de son impact délétère sur l’ensemble du monde musulman et même des pays non-musulmans (dont les autorités américaines, britanniques, israéliennes et françaises ont soutenu cette idéologie avant de s’en mordre les doigts à cause du retour du bâton). C’est la même mentalité et les mêmes actes hostiles à l’Islam et aux Musulmans que les premiers wahhabites, et aujourd’hui les Daeshites (eux aussi pilotés ou manipulés par des agents américains, israéliens, russes, britanniques, français et assadistes depuis l’émergence de ce groupe criminel), ont commis et accompli, s’opposant aux préceptes de l’Islam et à la Voie du Prophète (ﷺ).
L’Imâm du Salaf At-Tahawi a dit dans ‘Aqida at-Tahawiyya : « Nous n’excommunions pas quiconque (parmi ceux qui se disent Musulmans) prie en direction de la Mecque à cause de ses péchés tant qu’il ne les considère pas comme licites, et nous ne disons pas que les péchés ne nuisent pas à la foi de ceux qui les commettent (…). Une personne ne quitte la foi qu’en renonçant à ce qui l’y a amené ».
Le Shaykh Ibn Taymiyya dans Majmû’ al-Fatâwâ (1/278) dénonçait aussi la mentalité kharijite : « La secte Kharijite fut la première à déclarer les Musulmans comme étant des mécréants à cause de leurs péchés. Ils qualifièrent de mécréants tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec leurs innovations blâmables et ils rendirent licites l’effusion de sang et le vol de biens. Telle est la condition des gens de l’égarement, c’est-à-dire qu’ils inventent une innovation d’égarement (en l’attribuant à la Religion) et qu’ils excommunient ensuite quiconque est en désaccord avec eux à ce sujet. Au contraire, les gens de la Sunnah et la Ummah suivent le Livre (Qur’ân) et la Sunnah, obéissent à Allâh et à Son Messager et suivent la vérité. (Et les gens de la Sunnah) ont de la Miséricorde et de l’amour bienveillant pour (les êtres) de la Création ».
Ainsi, pour le Shaykh Ibn Taymiyya, les gens de la Sunnah et de la Vérité se réfèrent avant tout au Qur’ân et à la Sunnah, et sont animés de miséricorde et d’amour bienveillant, non seulement envers les Musulmans et les animaux de façon générale, mais aussi envers les incroyants. Or, les Wahhabites ont fait tout le contraire : désobéir à Allâh et à Son Messager dans des préceptes fondamentaux et clairs en matière de ‘aqida, de morale, de conduite politique et d’éthique, et ne manifester aucune compassion envers les créatures d’Allâh.
Al-Bukhari rapporte dans son Sahîh n°6531, Ibn Hajar qui l’authenifie dans Fath al-Barî (12/286) et cité aussi par Ibn ‘Abd al-Barr dans Al-Istidhkar (8/79 n°10576) : « Ibn ‘Umar, qu’Allâh l’agrée, considérait les Kharijites comme les pires de la création d’Allâh et il dit : « En vérité, ils prennent des versets qui ont été révélés sur les incroyants et les utilisent contre les croyants ». Dans le même recueil, l’imâm ‘Abd al-Barr, après avoir cité différents récits sur le sujet dit (n°10581) : « Dans ce hadith, il est dit que le Qur’ân peut être lu par quelqu’un qui n’a aucune religion, aucune bonté en lui, et cela ne dépasse pas sa langue », signifiant par-là que les khawarij peuvent être des personnes à la fois criminelles et hypocrites, tandis que d’autres sont criminels et sincères malgré leur égarement manifeste.
‘Ubaiydullah ibn Abû Rafi a rapporté : « Les Kharijites se sont opposés à Ali ibn Abi Talib et ils dirent : « Il n’y a de règle/jugement (ḥukm) que par Allâh ». ‘Alî a dit : « Une parole de vérité par laquelle on veut (justifier) le mensonge »[16].
Par ailleurs les prétentions des wahhâbites najdites se retournent contre eux. Car ou bien les Musulmans qui ne les ont pas suivis par un acte politique d’allégeance ont toujours été des mécréants selon eux – et ils deviennent Musulmans comme par enchantement seulement s’ils leurs prêtent allégeance même s’ils restent sur le même crédo initial ! -, et alors ils ne sont pas apostats. Ou alors ils étaient bien Musulmans, mais ils ont fait le takfir pour une simple question d’allégeance, et alors ils ont contredit la Shar’îah en agissant de la sorte, et tombent dans ceux que l’on doit classer parmi les hérétiques ou les innovateurs déviants, et non pas l’inverse ! Ainsi, dans les 2 cas, leur courant idéologique mène à une impasse et s’oppose à la Loi divine et à l’éthique prophétique.
En effet, car le Qur’ân et le Prophète (ﷺ) ont interdit explicitement de tuer les Musulmans non-coupables de meurtre ou d’incitation à la révolte contre un gouverneur juste et légitime, ou de tuer des incroyants qui ne nous ont pas combattu ou encore les Dhimmis par eux, ni n’a exigé que l’on tue les simples apostats pacifiques. Et par ailleurs, ceux que les wahhâbites accusaient d’être des apostats idolâtres n’avaient même pas abandonné la Religion (l’Islam) selon la définition prophétique. Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit en effet : « Quiconque prie comme nous prions, se tourne vers la même Qiblah que nous (lors de la prière) et mange nos animaux abattus (selon les rites islamiques ; halâl), (alors) c’est un musulman »[17]. Cela interdit donc de faire le takfir des Musulmans (Sunnites, Zaydites, Shiites, Ibâdites, Mu’tazilites, modernistes, etc.) tant qu’ils reconnaissent le Qur’ân comme étant la Parole divine sous forme de Révélation, la prophétie et l’éminence du Messager d’Allâh (ﷺ), les 5 piliers de l’islam, les 6 piliers de la foi, et qu’ils ne rejettent en soi aucun verset du Qur’ân ni hadith mutawatir conforme au Qur’ân, et qu’ils ne rendent pas licites ce qu’Allâh a clairement interdit, ni qu’ils rendent illicites ce qu’Allâh a clairement rendu licites (tant que le contexte est pris en compte). Pour le reste, ce sont des questions de sélections erronées ou légitimes, d’interprétations justes ou déviantes, qui font entrer le Musulman dans différentes catégories (orthodoxie au sens large, orthodoxie de l’élite au sens restreint pour les véridiques et les Rapprochés, ceux qui sont dans l’erreur, dans l’innovation blâmable légère, dans la déviance, dans l’égarement ou dans l’hérésie qui se trouve juste en-deçà du kufr akbar faisant sortir de l’Islam), et dont les preuves indiscutables (et non pas seulement des slogans, affirmations sans démonstration, arguments faibles ou non-déterminants) sont nécessaires avant de procéder au takfir (si la personne refuse les preuves claires).
Mais les Musulmans qui étaient considérés comme apostats/idolâtres par les wahhabites étaient des savants sunnites et shiites, des Musulmans lambda, qui tous professaient les 5 piliers de l’Islam, les 6 piliers de la foi, avaient foi au Qur’ân (comme Parole divine) et dans les enseignements du Prophète (ﷺ) qu’ils estimaient authentiques, et s’abstenaient des grands péchés. Or, les Wahhâbites eux-mêmes ne comprenaient pas le sens du 1er pilier de l’Islam, dénigraient et rabaissaient le rang du Prophète (ﷺ), des Sahâba, des Ahl ul Bayt et des Awliyâ’, ainsi que des grands savants de la Ummah (à l’exception d’une poignée d’entre eux) s’opposaient à la Loi d’Allâh et à la Voie prophétique dans la façon de comprendre la Religion, de l’appliquer et de vivre selon les qualités morales et éthiques du croyant et les vertus spirituelles de ceux qui cherchent la Proximité divine et Son Agrément, et au lieu d’être une protection et un appui pour la Ummah et les opprimés. Enfin, le fait qu’ils prétendaient pouvoir sonder les cœurs et donc l’Invisible (Al-Ghayb) sans dévoilement spirituel, sans inspiration divine et sans preuve d’aucune sorte, les a conduits à tomber dans le shirk dont ils accusaient faussement leurs opposants. De même, ils ne savaient pas distinguer l’idolâtrie/idolâtres du temps du Prophète (ﷺ) des Musulmans, puisque selon eux, les idolâtres ayant divinisé et adoré des idoles en dehors d’Allâh, ayant rejeté le Message divin et Son Messager Muhammad (ﷺ), tout en le dénigrant, en le persécutant, en le traitant de fou, en les calomniant et en tuant une partie des Sahâba et des Sahâbiyyât, étaient meilleurs que les Musulmans de leur temps qui professaient les piliers de l’Islam et de la foi, qui aimaient Allâh et Son Messager (ﷺ), qui honoraient les Sahâba et les Ahl ul Bayt, qui priaient et jeûnaient pour Allâh, faisaient le bien, s’abstenait de tuer les Musulmans ou de commettre d’autres grands péchés.
Ainsi donc, les Wahhabis et Salafis pur jus[18] contredisent non seulement le Qur’ân et la Sunnah, mais aussi la Voie et les fondements de l’élite des Salafs.
On pourrait dire que le wahhabisme/salafisme (ce dernier étant la version plus modérée du wahhabisme najdite qui relève du kharijisme) consistait à introduire une vision hérétique de la Religion et du monde – hérétique du point de vue islamique – sous forme d’une succession d’innovations blâmables et de compréhensions déviantes et lacunaires des principes islamiques, tout en bricolant de façon arbitraire à partir du patrimoine historique, prenant de nombreux éléments hétéroclites tout en les décontextualisant, et reprenant presqu’à chaque fois ce qu’il y avait de déviant, de problématique ou de répréhensible parmi les sectes ou groupes du passé. En son temps, le rafidhisme avait introduit de nouvelles hérésies et innovations blâmables (dans tout ce qui leur était spécifique), tout comme d’autres courants comme le jahmisme et les anthropomorphistes, et à notre époque, c’est le wahhabisme qui a rajouté de la confusion et de l’égarement – en plus d’une violence toxique -, tout comme plus récemment le coranisme et le modernisme, qui se nourrissent d’ailleurs des dérives, limites et contradictions du wahhabisme pour mieux manipuler ou exploiter l’ignorance des gens déçus du wahhabisme ou du shiisme.
Aussi, attention au takfir concernant des personnalités du passé. En effet, il existe des problèmes à résoudre avant de procéder à ce genre de choses. D’une part les auteurs en question ont pu se repentir avant de mourir, et leur repentir a peut-être retranscrit ou rapporté dans certains de leurs ouvrages ultérieurs ou biographes sans que l’on le sache, ou bien leurs propos ont été déformés, falsifiés ou mal interprétés par des sources intermédiaires ou secondaires.
Ainsi en est-il par exemple de l’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî sur Ibn Sina (Avicenne) – qui avait adopté l’orthodoxie sunnite et sûfie vers la fin de sa vie (comme le rappellent l’imâm Farid ud-Dîn Attâr dans son Tadhkirat al-Awliyâ’), alors que l’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî semblait l’ignorer, et sans doute Al-Ghazâlî s’était basé sur des sources secondaires lorsqu’il jugeait certains philosophes. De même pour Ibn Rushd à l’égard d’Abû Hâmid al-Ghazâlî, qui a déformé ou mal compris les propos d’Al-Ghazâlî, y voyant parfois des contradictions inexistantes. Tel est le cas aussi d’Ibn Taymiyya, qui pour critiquer certains philosophes grecs ou arabes, théologiens musulmans ou maîtres spirituels de l’Islam (comme avec Ibn ‘Arabî), se basait sur des manuscrits altérés ou des sources secondaires qui déformaient les propos originaux des auteurs ou qui y avaient rajoutés des passages apocryphes, comme l’avait indiqué aussi le spécialiste Yahya Michot dans sa traduction du livre Lettre à Abû l-Fidâ’ (1994). Ceci pourrait expliquer pourquoi le Shaykh Ibn Taymiyya louait Ibn ‘Arabî et ses oeuvres principales (dont les Futûhât al-Makkiyya) mais mis ensuite en garde lorsqu’il lut par des voies intermédiaires ou des manuscrits altérés, les Fûsus al-Hikâm, dont la substance (dans le manuscrit original) ne change pas fondamentalement des Futûhât al-Makkiyya, sauf que les Fusûs sont plus portés encore sur la métaphysique à travers un langage symbolique et ésotérique, destiné aux cheminants avancés dans la Voie et possédant un bagage suffisant dans les sciences islamiques.
Le Shaykh Ibn Taymiyya dit ainsi dans Majmû’ at At Rasa’il wa al Masail (1/171-183) : « Au tout début, j’ai été très impressionné par Ibn ‘Arabi et je l’ai tenu en grande estime car j’avais trouvé utiles et éclairants beaucoup de ses développements dans les Futûhât (al-Makkiyya), Al Kunh, Al Muhkam al Marbût, Ad Durrat al Fakhirah, Matali an Nujum et d’autres ouvrages similaires. Je n’étais pas au courant à l’époque de ses idées ésotériques car je n’avais pas lu les Fusûs et d’autres ouvrages similaires ». Mais comme l’ont indiqué certains biographes et spécialistes, certains manuscrits ou copies de manuscrits des Fusûs ne sont pas lui ou ont été altérés. De même, certains passages authentiques n’ont pas été bien compris. Nous avions déjà développé et documenté ce sujet dans notre ouvrage Soufisme, Lumière d’Islam.
Que ce soit les imâms Abû al-Hassân al-Ash’arî, Abû Hâmid al-Ghazâlî ou Ibn Taymiyya, tous ont, dans la dernière période de leur vie, pris du recul sur les débats et polémiques, et refusé de céder au sectarisme, appelant à plus de prudence, de fraternité, de clémence et d’indulgence envers les Musulmans appartenant aux autres courants. L’imâm Ad-Dhahâbî sur la dernière position du Shaykh Ibn Taymiyya (à sa connaissance) vis-à-vis des adeptes des autres courants islamiques, dans son Siyâr A‘lâm an-Nubalâ’ (15/85-89) : « Le grand Savant, l’imâm des théologiens, Abû al-Hassan ‘Alî ibn Ismâ‘îl ibn Abî Bishr Ishâq ibn Salim ibn Ismâ‘îl ibn ‘Abd Allah ibn Mûssa fils de l’émir de Bassora Bilal ibn Abî Burda fils du compagnon du Prophète (ﷺ) Abî Mûssa ‘Abd Allah ibn Qays ibn Hadhar al-Ash‘arî al-Yamânî al-Basrî. (…) J’ai vu chez Al Ash‘arî une parole qui m’a étonné, et elle est confirmée, al Bayhaqî [m.458 H] l’a rapporté en disant : J’ai entendu Abû Hâzim al ‘Abdawî [m.417 H] dire : J’ai entendu Zâhir ibn Ahmad as Sarakhsî [m.389 H] dire : Lorsque les derniers instants de Abû al Hassan al Ash’arî ont approché dans ma maison à Baghdâd, il m’a appelé, je suis venu, puis il a dit : «Atteste de ma part que je ne rends personne mécréant parmi les gens de la Qiblah, car tous appellent à une Divinité Unique, et nos divergences ne sont que dans les expressions ». Je dis [Ad-Dhahabî] : Sur cela je pratique ma Religion. Notre Shaykh Ibn Taymiyya [m.728 H] était ainsi lors de ses derniers jours, il disait : « Je ne déclare personne de la Ummah mécréant, et le Prophète (ﷺ) a dit : « Personne ne garde son ablution sauf un croyant, quiconque prie avec son ablution est musulman » ».
Toujours dans son Siyâr A‘lâm an-Nubalâ’ (20/46), on y lit : « Les fanatiques (exagérateurs) Mu’tazilites, les fanatiques Shiites, les fanatiques Hanbalites, les fanatiques Ash’arites, les fanatiques Murji’a, les fanatiques Jahmites, les fanatiques Karramites, ont envahi le monde et se sont multipliés. Il y a parmi eux des intelligents, de vrais adorateurs, des savants, on implore le pardon d’Allâh pour les gens du Tawhîd, et on s’innocente à Lui des passions et innovations, on aime la Sunnah et ses gens et on aime le savant pour ses qualités dans le suivi et les bonnes moeurs, et on n’aime pas ce qu’il a innové par une interprétation légitime, car le bon exemple est fruit de la multitude des bonnes oeuvres ». Dans le même recueil, à la biographie de Thâbit ibn Aslam le faqih (juriste) shiite, on peut y lire : « Le savantissime (‘allamah) Abû-l-Hassan Al-Halabî, le faqih shiite et le grammairien d’Alep, il fait partie des plus grands élèves du shaykh Abû-s-Salah. Il s’est dévoué à la production scientifique bénéfique, et il a un ouvrage dans le dévoilement des égarements des ismâilites [secte déviante se réclamant du shiisme], il dévoila leur da’wah et qu’elle est basée sur des faussetés. Il fut capturé par le dâ’i [les chefs de la secte ismâ’ilite sont appelés dâ’i/prédicateur] de ces gens, et il fut amené en Égypte [centre des « fatimides » à l’époque] et Al-Muntassir [le faux calife fatimide] le fit crucifié. Qu’Allâh n’agrée pas celui qui l’a tué. Et pour cela, la bibliothèque d’Alep fut brûlée, il s’y trouvait 10 000 volumes. Qu’Allâh fasse miséricorde à cet innovateur qui a défendu la Religion. Et l’affaire, au final, revient à Allâh ». Ainsi, même pour une personne considérée comme innovateur (selon notre prisme, donc à tort ou à raison), l’équité et la sagesse doivent s’appliquer à son égard également.
L’imâm An-Nawawî a écrit dans son Sharh Sahîh Muslim : « Sache que dans la doctrine des gens de la Vérité, on n’accuse jamais d’incroyance l’un des gens de la Qibla [un Musulman] pour un péché qu’il a commis. De même, on n’accuse pas d’incroyance ceux qui suivent leur passion et ceux qui sont coupables d’innovations ou d’hérésie ».
L’imâm Al-Qarafî a dit dans Al-Furûq : « Qu’une question soit considérée comme relevant de la mécréance n’est pas une affaire de logique mais plutôt de législation ; si le législateur la reconnaît en tant que telle, alors elle l’est effectivement ».
L’imâm Ibn Taymiyya a dit dans ses Majmû al-Fatawâ (10/372) : « Les textes du Qur’ân et de la Sunnah qui recèlent des avertissements ainsi que les livres des savants musulmans qui abordent le sujet de l’excommunication (takfir) et de la perversité (…) ne peuvent être appliqués au cas particulier de tel ou tel individu que s’il répond à toutes les conditions qu’ils ont fixées et qu’il n’y a pas d’entraves qui interdisent leur application ; en cela, il n’y a pas de différence entre les fondements (al-ussûl) et les questions secondaires (al-furu’) ». Et dans le même recueil il dit : « Avant d’excommunier celui qui a mal interprété (le Qur’ân ou la Sunnah), il faut lui présenter les preuves irréfutables de sa mauvaise interprétation, lui montrer son erreur et lui présenter la vérité. Il faut encore que l’on sache les situations où l’excommunication n’est plus permise. Parmi lesquelles, on peut citer : l’ignorance (ndt : de la situation, de la légalité ou de la véracité d’une chose liée aux éléments qui ne sont pas nécessairement connus de la Religion ou d’un verset, d’un hadîth, …), l’erreur et la contrainte. Allâh a dit : « Quiconque a renié Allâh après avoir cru (…) – sauf celui qui y a été contraint alors que son coeur demeure plein de la sérénité de la foi » (Qur’ân 16, 106) ».
L’imâm Ibn al-Qayyîm a dit dans son poème al-Nuniyyah : « L’excommunication (takfîr) est l’apanage d’Allâh et de Son Prophète. Elle n’est prouvée que par le Livre d’Allâh (Qur’ân) et la Sunnah de Son Prophète, et n’est aucunement prouvée par ce que dit tel ou tel homme. Est le véritable incroyant celui que le Seigneur des mondes (c’est-à-dire Allah) et Son Serviteur (Muhammad) ont excommunié ».
Le savant Ibn Rushd a dit dans Al-Kashf (p. 98) : « (…) on a, en la matière, fait preuve de la plus grande confusion à propos de la Révélation. Ainsi naquirent des sectes égarées et des coteries divergentes, dont chacune alla considérer que quiconque les contredirait comme un « innovateur » ou un infidèle, dont il est licite de verser le sang et de confisquer les biens. Mais tout cela n’est que déviance par rapport à l’intention du Législateur, et n’a pour cause que l’erreur de ces gens à comprendre comme il faut la Loi révélée ».
Le Shaykh Al-Muqbilî dans Al-`Alam As-Shâmikh, au sujet des Mu`tazilites, tient les propos suivants : « Je ne suis ni Mu`tazilite ni Ash`arite. Je n’accepte d’être rattaché qu’à l’Islâm et au Porteur de la Loi (Muhammad) – que la Paix Divine soit sur lui -. Je considère que nous sommes tous frères et que nous oeuvrons tous en commun au service de la vérité ».
Il n’est pas non plus permis de désavouer un musulman uniquement en raison du fait qu’il n’adhère pas à un groupe particulier. Ibn Taymiyya a dit dans Majmû al fatâwâ (20/164) : « Il ne revient à personne d’imposer à la Ummah (communauté islamique) un homme et d’appeler à son chemin et d’allier et se désavouer en fonction de cette personne sauf s’il s’agit du prophète. Et il n’est pas permis d’imposer une parole et de s’allier et se désavouer sur cette parole sauf s’il s’agit de la parole d’Allâh et de Son Messager ou du consensus de la communauté. Plutôt, ceci fait partie des actes des gens d’innovations (blâmables) qui élèvent une personne ou une parole et divisent la communauté (musulmane) en s’alliant sur cette parole et en se désavouant en fonction de cette alliance ». Et dans le même recueil, il dit : « Toutes les factions égarées se rejoignent en un point ; c’est celui de postuler que la majorité des musulmans sont dans l’égarement et qu’ils sont eux le groupe sauvé, sachant pertinemment qu’ils ne représentent qu’une infime minorité de la Ummah ». Et ailleurs dans le même recueil (13/9697) : « Beaucoup d’innovateurs parmi les shiites, les jahmites et autres sont allés en terre de mécréance et par leur intermédiaire, beaucoup de gens ont embrassé l’Islam qui sont certes devenus des musulmans innovateurs mieux vaux ceci plutôt que d’être mécréants ». Et plus loin (35/201) il dit : « Quiconque croit au message que Muhammad (ﷺ) a apporté, est meilleur que quiconque le renie. Même s’il existe chez celui qui croit au Message de Muhammad (ﷺ) une sorte de bid’a. Que ce soit la bid’a des kharijites, des shiites, des murji’ites, des qadariyya [ndt : à ne pas confondre avec les sûfis de la voie qadiriyya à laquelle Ibn Taymiyya était rattachée] ou autres ».
L’Imâm As-Shawkani a dit dans As sayl al jarar (4/578) : « Sache que s’agissant du fait de juger l’individu musulman comme étant sorti de l’islam, et tombé dans la grande mécréance, il convient au musulman qui croit en Allâh et au Jour dernier de ne s’y avancer que s’il dispose d’une preuve irréfutable, plus claire encore que le soleil ne l’est en plein jour. Car il a certes été authentiquement rapporté par la voie d’un groupe de Compagnons dans des hadiths sahîh que celui qui dit à son frère : « Ô mécréant », alors cette parole doit nécessairement s’appliquer sur l’un des 2 ».
Notre maître Abû Hâmid al Ghazâlî a écrit aussi dans Al Iqtisâd Fî al I’tiqâd (p. 305) : « Il convient au fonctionnaire d’état de pencher vers la précaution sur l’anathème (takfîr) dans un cas où trouver une échappatoire est envisageable, car verser les sangs et s’emparer des biens de ceux qui prient en direction de la Qiblah, qui proclament ouvertement la parole : « Pas de divinité excepté Allâh (la ilaha illa Allâh) » est dangereux. L’erreur dans le fait de ne pas laisser en vie 1000 incroyants est moins grave que se tromper en versant une goutte de sang d’un seul musulman ». Nous avions déjà commenté et cité d’autres extraits de son ouvrage dans notre livre La lumière éclatante de la vie du Prophète Muhammad (ﷺ) et les merveilles de son enseignement.
Et alors même que bon nombre de wahhabites font le takfir de masse des Sûfis et des Shiites, les savants dont ils se réclament faussement comme Ibn Taymiyya et Ibn al-Qayyîm, étaient non seulement des Sûfis eux-mêmes, ayant fait l’éloge du Tasawwuf et de nombreux Sûfis jusqu’à leur époque, mais étaient aussi plus nuancés concernant les Shiites, et dont le takfir ne peut de toute façon se faire qu’au travers de cas individuels et non pas de groupe, car tous les membres d’un groupe ne partagent pas forcément les mêmes avis ni tendances, ni ne tous conscients des implications, sources ou fiabilités des références qui sont mises en avant dans leur groupe, et où un courant idéologique a pu évoluer au fil du temps, ou alors se scinder en plusieurs tendances antagonistes.
Même concernant les shiites duodécimains parmi les extrémistes, le takfir de masse ne fut pas envisagé par les plus grands savants sunnites. Ibn Taymiyya dit dans son ouvrage intitulé Al-Radd ’Ala Al-Subkî fi mas-alat ta’liq Al-Talaq (2/697-698) : « […] Et les rafidhites [shiites extrémistes anti-sunnites] font d’eux [les imâms d’Ahl ul-bayt] des infaillibles comme le Messager et disent que tout ce que les imâms disent, ils le rapportent directement du Prophète et ils font du consensus de leur groupe une preuve infaillible, c’est sur ces trois bases qu’ils ont construit les règles de leur religion, cependant, l’ensemble de ce qu’ils rapportent de la Sharî’ah est en accord avec les paroles de l’ensemble des musulmans. […] Il y a [parmi ce que les shiites rapportent] ce qui fait effectivement partie du consensus, il y a ce sur quoi il y a divergence parmi les sunnites, donc la majorité de ce que les shiites rapportent de ces imâms [d’Ahl ul-bayt] concernant les questions de Loi [Shar`] n’est pas mensonge, au contraire, la majorité est véridique, il y a également ce qui est mensonge ou faux en définitive, leurs paroles sont comme celles de leurs semblables parmi les savants des musulmans (sunnites) ».
Quant à Ibn al-Qayyim al-Jawziyya, il dit dans al-Sawa’iq al-Mursalâ (2/616-617) : « Le 9ème point : les juristes imamites (shiites) des premiers aux derniers rapportent d’Ahl ul-bayt que le fait de jurer de divorcer ne compte pas comme étant un divorce, cela est rapporté de façon consécutive chez les shiites de Ja’far Ibn Muhammad al-Saddīq ainsi que d’autres parmi les Ahl ul-bayt. Admettons qu’un arrogant les ait tous démenti et ait dit : « Ils se sont fondés sur le mensonge au sujet d’Ahl ul-bayt ». [Nous répondons] que parmi les shiites, il y a des jurisconsultes, des savants et des gens doués dans l’ijtihād même s’ils ont tort et sont innovateurs concernant les Compagnons, cela ne veut pas dire qu’on doit tous les juger menteurs et ignorants, les auteurs du Sahîh [ndt : Bukharî et Muslim] ont même rapporté de certains shiites, ont relaté leurs ahadîths, et les musulmans les ont utilisés comme preuve, les jurisconsultes ne cessent d’étudier leurs divergences et de faire des recherches avec eux [les shiites]. Même s’ils [les shiites] ont tort sur certains sujets, cela ne veut pas pour autant dire que tout ce qu’ils disent est faux et cela même s’ils ont un avis pour lequel ils se distinguent de l’ensemble de la Ummah ». Il existait déjà au 12e siècle, comme le notait le Shaykh ul-Islâm, Sûfi et imâm ‘Abd al-Qadîr al-Jilânî qui descendait du Prophète (ﷺ) par 2 voies – l’une remontant à l’imâm Al-Hassân et l’autre remontant à l’imâm Al-Hussayn -, plus de 10 courants shiites différents. Entre temps, il y en a encore plus, et même parmi les imâmites/jafarites qui prétendent suivre l’imâm Ja’far mais qui s’opposent à sa voie sur plein de sujets, il existe plusieurs courants, dont les ussûlî (les plus intellectuels et tolérants) et les akhbari (les plus littéralistes, extrémistes et radicaux) et dont une partie d’entre eux tombe clairement dans l’idolâtrie. Il y a encore une branche du Shiisme qui a renoncé à la haine des Sahâba et des épouses du Prophète (ﷺ), car elle fut influencée par le Tasawwuf et notamment le Shaykh Ibn ‘Arabî, mettant ainsi plutôt l’accent sur la métaphysique et la spiritualité plutôt que sur le « dogme imamite » en tant que tel, ce qui a permis de les préserver en grande partie de la haine et de l’ignorance qui ronge les rawafidhs engagés et militants. Quant aux Shiites de la masse, ils sont semblables aux Sunnites de la masse, à savoir qu’ils se contentent des piliers de l’islam et de la foi, le bon comportement, et s’abstenir des grands péchés, ne polémiquant pas sur les Sahâba ou les imâms des Ahl ul Bayt, n’alimentant pas le cycle de la haine ou du fanatisme comme le font certains savants « wahhabites » ou « rafidites ».
La règle islamique, comme l’ont exposé les Sahâba et leurs disciples, est de ne pas se prononcer sur le sort post-mortem d’une personne, sachant que leurs pensées intimes et leurs derniers moments ne nous sont généralement pas connus, ou qu’ils disposent de circonstances atténuantes connues et acceptées par Allâh. De même, de leur vivant, nous ne pouvons pas leur assurer qu’ils iront au Paradis ou en Enfer, car cela seul Allâh le sait et les jugera en toute justice et sagesse, d’autant plus que l’on peut s’égarer après avoir été bien guidé juste avant de rendre l’âme, ou que l’on peut être bien-guidé après avoir été égaré.
De plus, ce que l’on pense être vrai ou juste peut s’avérer, aux yeux d’Allâh (et donc de la Vérité ; Al-Haqq) faux ou injuste, si bien que nos reproches envers certaines doctrines ou personnes peuvent se retourner contre nous, d’où la nécessité de la prudence et de l’humilité.
Wa Allâhu a’lam.
[1] Rapporté par al-Bukhari dans son Sahîh n°3651 et Muslim dans son Sahîh n°2533 selon Ibn Mas’ûd.
[2] Parmi les grandes voies/turuq sûfies orthodoxes à travers l’histoire mentionnons la Shadhiliyya (et ses sous-branches comme la darqâwiyyâ, la ‘alawiyyâ, la qâsimiyyâ, la bûchichiyya), la qâdiriyyâ, la naqshbandiyya, la tijâniyya, etc. Cependant, certains disciples ou pseudo-Shaykh autoproclamés ont usurpé parfois leur appellation afin de mieux duper les gens, et se sont même opposés aux fondements et à l’éthique noble des grands maîtres spirituels et de leur voie. Aussi, le Tasawwuf a commencé sans mouvement confrérique, et peut très bien perdurer ou éclore en dehors des turûq, mais cela reste assez rare, et là aussi, les faux-maîtres existent et il faut donc s’en méfier et s’assurer que l’éducateur spirituel soit attaché aux principes de la Religion, tout en cultivant la sagesse, l’ascétisme, la spiritualité et la maitrise de soi.
[3] Voir ses ouvrages Radd al-Muhtar ala Ad-Durr al-Mukhtar et Al-Uqûd ad-Durriyyah fī Tanqihî Al-Fatâwâ al-Ĥāmidiyyah dans lesquels il a développé les sujets liés au fiqh et aux ussûl, cité aussi par Haim Gerber, Islamic Law and Culture, The Netherlands : Brill, 1999, pp. 88, 114, 120, 121.
[4] Rapporté par Abû Mansûr Al-Baghdadî dans son ouvrage Al-Farqû bayna l-Firaq.
[5] Relaté sous l’autorité de Burayda et rapporté par al-Hakim dans al-Mustadrak (2/341), qui l’a déclaré authentique (sahīh) – en accord avec l’imam Ad-Dhahabi – et de ‘Imran ibn Hussayn par Al-Bukhari et Ibn Hibbân avec 2 chaînes solides dans son Sahih (14/7 n°6140, 14/11 n°6142), ainsi que Ibn Abi Shayba dans son Musannaf.
[6] Rapporté par Az-Zabidî dans Ithafu s-Sadati l-Muttaqin 2/36.
[7] La chaine est sahîh comme l’a démontré l’érudit Abû ‘Umar al-Tûnisî al-Ash’arî dans Authentication of the Chain of Narration of Imam Mālik’s Interpretation [Ta’wīl] Regarding Divine Descent (Nuzul) : https://www.darultahqiq.com/authentication-of-the-chain-of-narration-of-imam-maliks-interpretation-tawil-regarding-divine-descent-nuzul/
[8] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°23585 ou 23074 selon les éditions, Al Hâkim dans Al-Mustadrak n°8571 qui l‘authentifia tout comme Ad-Dhahabî dans son authentification dans sa vérification du Mustadrak, At Tabarânî dans son Mu’jam al Kabîr 4/189, Majd ud Dîn Ibn Taymiyya dans Al Muntaqâ’ 2/261, Ibn Hibbân dans son Sahîh et d’autres.
[9] Rapporté par Al-Bayhaqi dans son Hayat al-Anbiya, Al-Bazzâr dans son Musnad avec un isnad sahîh, Abû Ya’la dans son Musnad, authentifié par de nombreux savants tels que Ibn Hajar al ‘Asqalânî, Ibn Hajar Al-Haythami, Ali Al-Qari, Al-Munawi, As-Shawkani et d’autres.
[10] Rapporté par Al-Bayhaqî dans son Shu`ab al-Imân, 1/325 n°175, le vérificateur du livre, Mukhtar Ahmad An Nadwî, un « salafi » d’Inde, faisant partie des « Ahl al Hadith » note en bas de page : « Sa transmission est bonne [hassan] ».
[11] Rapporté aussi par al-Bayhaqî dans Shu’ab al-Imân 10/141, n°7298, par Ibn ‘Asâkir dans Tarîkh Dimashq n°3530 et le vérificateur du livre Mukhtar Ahmad Nadwî a dit : « Chaîne de transmission forte [jayyid] », et Al-Albanî confirme aussi l’authenticité de la chaine.
[12] “Quelles sont les plus grandes erreurs d’Ibn Taymiyyah et Muhammed Ibn Abd al Wahhab ?”, Shaykh Khalid Bahamid al-Ansari, diffusée le 31 octobre 2024 : https://youtu.be/4pVODG22FSE
[13] Rapporté par le grand Mufti des 2 lieux Saints du Hijâz Ahmad Zaynî Dahlân dans Durar al-Saniyyah fī al-Radd ‘alâ al-Wahhâbiyya.
[14] Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°7432 selon Abû Sa’îd al-Khudrî, Muslim dans son Sahîh n°1064, An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4101, Ahmad, Abû Dawûd et d’autres.
[15] Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°6930 selon ‘Alî, Muslim dans son Sahîh n°1066 et d’autres l’ont rapporté.
[16] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1066.
[17] Rapporté par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4997 selon Anas Ibn Mâlik, sahîh.
[18] Par « pur jus », nous entendons ceux qui ne se réfèrent qu’aux références connues des wahhabites, en étant fanatiques, ignorants et sectaires, et qui ne s’en écartent pas d’un iota, contredisant par conséquent le Qur’ân, la Sunnah, l’élite des Salafs et de nombreux avis de l’imâm Ahmad, du Shaykh Ibn Taymiyya et du Shaykh Ibn al-Qayyîm qu’ils prétendent pourtant considérer comme des références à suivre, mais qu’ils contredisent sur de nombreux sujets importants. Pour autant, beaucoup de Wahhabis et de Salafis sont des ignorants mais qui sont sincères, et qui méconnaissent la réalité du wahhabisme/salafisme, pensant que cela reflète l’Islam véritable – ce qui n’est pas le cas -, et qui sont tout de même plus influencés par leur fitra et par des références sunnites médiévales que par les « savants » wahhabites purs jus.