L’islam et les animaux – Les polémiques, leurs droits et les règles de l’interprétation

Beaucoup de nos contemporains sont perturbés concernant la question des animaux en Islam, et notamment à propos des « lézards » et des « chiens » qui devraient être tués selon certains récits.

  1. Les polémiques et les règles de l’interprétation

Tout d’abord, il faut rappeler qu’en Islam (selon le Qur’ân et la pratique notoire du Prophète), c’est que la règle générale est l’interdiction de faire du mal à l’animal et de le tuer. L’exception concerne les animaux qui sont comestibles, et par nécessité – sans abus donc -, et là aussi la mise à mort doit être rapide tout en évitant les souffrances inutiles.

L’autre exception concerne les animaux/insectes qui sont dangereux ou toxiques pour l’humain (dans son environnement ou sa demeure) ou pour les animaux (domestiques ou d’élevage) qui sont sous sa responsabilité. Manifester de la bonté et de la générosité aux animaux est considéré comme un acte de charité qui est récompensé par Allâh.

Il y a aussi un autre cas spécifique – empiriquement attesté – de certains jinns pouvant prendre l’apparence de certains animaux (d’où l’importance des invocations et des litanies qurâniques et prophétiques pour les éloigner).

Ainsi, ce qui est nuisible ou dangereux doit être éloigné ou tué le cas échéant, et ce qui ne l’est pas n’est pas concernée par cette règle spécifique, mais il faudra toujours peser le pour et le contre et agir en conséquence – et toujours selon la justice -.

Il faut dire ce qui est, la plupart de nos contemporains sont des fragiles – aussi bien intellectuellement que physiquement, mentalement et spirituellement – d’où un niveau généralement médiocre, aussi bien concernant les activités et aptitudes spirituelles, que les actes de dévotion les plus élémentaires (prières obligatoires et surérogatoires, dhikr, jeûne, lecture/récitation du Qur’ân) où ils préfèrent polémiquer futilement et continuellement, ou s’insurger contre ce qui dépasse leur horizon intellectuel.

Comme prier et jeûner est parfois trop dur pour eux, plutôt que d’accepter leur faiblesse et de fournir les efforts pour se renforcer, ils préfèrent amoindrir leur importance voire même les rejeter, ne les considérant plus que comme relevant d’un certain folklore ou comme étant des superstitions ou des inventions, à croire que l’Islam n’existe pas pour se relier au Créateur, pour discipliner et éduquer son âme, et pour se recentrer spirituellement grâce à la prière, au dhikr et au jeûne.

Beaucoup de réformistes (salafistes comme modernistes), qui ne connaissent pas et qui n’ont pas étudié la logique et ses différentes catégories, que ce soit dans une perspective qurânique ou même intellectuelle, ignorent les différences entre la nécessité et l’impossibilité, entre ce qui est rationnellement possible et concevable, et ce qui a été empiriquement confirmé. Ils sont loin du niveau que pouvaient avoir les anciens théologiens et juristes du Moyen-âge, qui étaient formés à la logique, et qui appliquaient les différentes règles subtiles dans leur compréhension des textes. Bien sûr, certains efforts colossaux étaient parfois déployés pour concilier certains textes difficiles entre eux (soit parce que le récit était faux ou décontextualisé, ou difficilement compréhensible pour untel car trop subtil), tandis que de nos jours, beaucoup se moquent de textes qu’ils ne comprennent pas, et qui sont pourtant scientifiquement pertinents (comme le hadith sur la mouche qui tombe dans une boisson, et dont ses ailes contiennent des propriétés constituant un remède : « Si une mouche tombe dans votre boisson, plongez-la dedans, puis retire-la, car l’une de ses ailes contient une maladie et l’autre un remède » rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°3320 et Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3505, voir l’étude scientifique “Microbiological studies on fly wings (Musca domestica) where disease and treat”, World Journal of Medical Science, janvier 2014 : https://www.researchgate.net/publication/337926012_Microbiological_studies_on_fly_wings_Musca_domestica_where_disease_and_treat)), ou qui sont théologiquement et juridiquement exacts si on les comprend dans leur contexte respectif et à la lumière du Qur’ân (comme le hadith sur le fait qu’il leur avait été ordonné de combattre les gens jusqu’à ce qu’ils professent la Shahada et reconnaissent l’accomplissement de la Salât et de la Zakât, mais qui ne concernaient que les combattants ennemis sur le champ de bataille, qui déposaient les armes, ou qui étaient faits prisonniers et qui désiraient embrasser l’Islam).

Intellectuellement, les juristes et théologiens traditionnels (qui ont étudié le ‘ilm ul kalâm) sont bien plus rigoureux et pertinents sur le plan intellectuel que les autres, ce qui ne veut pas dire que toutes leurs positions soient exactes pour autant (surtout quand elles se basent sur des récits réellement douteux), mais il faut être prudent, et tout ramener au Qur’ân, au comportement général et notoire du Prophète et de ses meilleurs compagnons, ainsi qu’à l’intellect.
Face à cet état de fait – cette faiblesse (intellectuelle, éthique ou conceptuelle) de nos nombreux contemporains -, il y a des sujets qu’il ne convient pas d’aborder avec eux, car cela ne leur est pas nécessaire et peut même constituer une terrible épreuve pour eux, source d’angoisses existentielles et psychologiques. Ou alors, chaque sujet doit être traité de façon complète, décomplexée et en rappelant toujours les principes et finalités de l’Islam qui doivent guider notre démarche et constituer notre orientation intellectuelle, morale, éthique et spirituelle.

Dans leur globalité, les ahadiths de Bukhari et Muslim sont authentiques et sont confirmés aussi par d’autres voies plus anciennes (sans mentionner le fait que beaucoup de ces ahadiths ont été authentifiés par kashf/ilhâm (par voie spirituelle, de source sûre et immédiate, transcendant ainsi les doutes historiques ou voies de transmission humaine), et sont conformes à l’intellect. C’est pour cette raison que l’on dit qu’ils sont authentiques dans leur globalité, mais pas dans leur totalité (puisque quelques ahadiths ont fait l’objet de sérieuses critiques).

Dans beaucoup de cas apparents (le sens apparent des ahadiths), leurs récits sont totalement conformes au Qur’ân, aux faits historiques bien établis, à la sagesse, à l’éthique, à la spiritualité et à l’intellect.

Dans d’autres cas, le sens apparent et l’absence du contexte contredisent le Qur’ân mais le sens voulu (qui était autre que le sens apparent) et qui est fourni par le contexte, révèlent leur pertinence et leur accord avec certaines règles tirées du Qur’ân et d’autres ahadiths comme par exemple ce hadith où le sens apparent était vrai mais subtil dans le propos selon la finalitée visée : « Une vieille femme est venue voir le Prophète et a dit : « Ô Messager d’Allâh, implore Allâh de me laisser entrer dans le Jardin du Paradis ! ». Il répondit : « Ô Mère d’Untel, aucune vieille femme n’entrera dans le Jardin du Paradis ! Elle s’est détournée en pleurant, alors il a dit : « Dis-lui qu’elle n’y entrera pas comme une vieille femme, car Allâh dit : « Nous les avons créés une nouvelle création, et les avons faites vierges, aimantes, égales en âge » (Qur’ân 56, 35-37) » rapporté notamment par At-Tirmidhî dans As-Shama’il Al-Muhammadiyyah n°239 selon Hassân al-Basrî.

Les spécialistes les plus critiques n’ont contesté qu’une infime partie des ahadiths dans les Sahihayn (Bukhari et Muslim), soit moins de 5%, comme Al-Hakîm, Ad-Daraqtûnî, Al-Bukharî, Muslim et l’imâm Ahmad pour ne citer que les plus anciens et les plus connus.

Cependant, sur les autres qui sont authentiques, certains sont problématiques à cause des divergences d’interprétation (portée générale ou spécifique, universelle ou contextuelle, littérale et/ou métaphorique, figures de style, …), de termes polysémiques, d’omissions de contexte, de déduction personnelle du rapporteur (qui est mêlée au hadith) ou de certaines versions trop divergentes d’un même hadith. La règle qurânique est donc d’interpréter ce qui est équivoque, obscur, secondaire, isolé ou douteux par ce qui est clair, général, de source sûre et abondante (comme le Qur’ân) et les ahadiths qui sont mutawatir.

Allâh dit en effet : « C’est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre (révélé) : il s’y trouve des versets explicites et clairs (sans équivoques), qui sont la base et le fondement du Livre (révélé), et d’autres versets et signes qui peuvent prêter à d’interprétations diverses (tout en ayant une portée symbolique). Les gens, donc, qui ont au coeur une inclinaison vers l’égarement, mettent l’accent sur les versets et signes équivoques, cherchant la dissension en essayant de leur trouver une interprétation, alors que nul n’en connaît l’interprétation, à part Allâh (et ceux à qui Il a accordé Sa Grâce). Quant à ceux qui sont bien enracinés dans la science, (ils) disent : « Nous y croyons et mettons en œuvre (ce qu’Il nous a révélé et enjoint d’accomplir) par Lui : tout est (et vient) de la part de notre Seigneur ! ». Mais, seuls les doués d’intelligence et de conscience quintessentielle s’en rappellent » (Qur’ân 3, 7).

« Ceux qui suivent le Messager, le Prophète « ummî » qu’ils trouvent écrit (mentionné) chez eux dans la Torah et l’Evangile. Il leur ordonne le convenable, leur défend le blâmable, leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises choses, et leur ôte le fardeau et les jougs qui étaient sur eux. Ceux qui croiront en lui, le soutiendront, lui porteront secours et suivront la lumière descendue avec lui ; ceux-là seront les gagnants » (Qur’ân 7, 157).
 Le terme « ummî » possède plusieurs sens, dont celui d’être attentionné comme une mère l’est envers ses enfants, qui donne l’exemple tout en étant à la tête de la communauté, qui n’a pas été instruit par une voie ordinaire et « horizontale » sur la Révélation – illettré dans ce sens-là -, tendre vers un but, se proposer, etc.

« Dis : « Ô humains ! Je suis pour vous tous le Messager d’Allâh, à Qui appartient la royauté des cieux et de la terre. Pas de divinité à part Lui. Il donne la vie et Il donne la mort. Croyez donc en Allâh, en Son messager, le Prophète « ummî » qui croit en Allâh et en Ses paroles. Et suivez-le afin que vous soyez bien guidés » (Qur’ân 7, 158).

« Et gardez dans vos mémoires ce qui, dans vos foyers, est récité des versets d’Allâh et de la sagesse » (Qur’ân 33, 34). Et ici « la sagesse » se réfère notamment aux enseignements (ahadiths) prophétiques, aux explications et méditations du Qur’ân, à la bonne poésie, aux nobles enseignements spirituels des gens sages, à ce qui permet d’éduquer et d’élever l’âme, etc.

« Dis : Si la mer se faisait d’encre pour écrire le langage de mon Seigneur, elle s’y épuiserait, même si Nous en doublions l’étendue, avant que ne s’épuisât le langage » (Qur’ân 18, 109).

« Dis : Si la mer servait d’encre en vue d’écrire les Paroles de mon Seigneur, elle se serait tarie sans que les Paroles de mon Seigneur aient été épuisées, quand bien même Nous l’aurions doublée d’une autre mer en guise d’encre » (Qur’ân 18, 109).

« Il est le Premier (al-Awwal) et le Dernier (al-Akhir), l’Extérieur (al-Zâhir) et l’Intérieur (al-Bâtin). Il est informé de toute chose » (Qur’ân 57, 3).

« Seigneur, accorde-moi sagesse (et savoir) et fais-moi rejoindre les gens de bien » (Qur’ân 26, 83).

« Ainsi, Nous avons envoyé parmi vous un messager de chez vous qui vous récite Nos versets, vous purifie, vous enseigne le Livre et la Sagesse et vous enseigne ce que vous ne saviez pas » (Qur’ân 2, 151).

« Non ! Par ton Seigneur ! Ils ne seront pas croyants aussi longtemps qu’ils ne t’auront demandé de juger de leurs disputes et qu’ils n’auront éprouvé nulle angoisse pour ce que tu auras décidé, et qu’ils se soumettent complètement (à ta sentence) » (Qur’ân 4, 65).

« Ô vous qui croyez ! Répondez à Allâh et au Messager lorsqu’il vous appelle à ce qui vous donne la (vraie) vie, et sachez qu’Allâh s’interpose entre l’homme et son cœur, et que c’est vers Lui que vous serez rassemblés » (Qur’ân 8, 24).

« Et (Allâh) lui enseignera l’Ecriture, la sagesse, la Thora et l’Evangile » (Qur’ân 3, 48).

« « Ceux qui ont cru et n’ont point troublé la pureté de leur foi par quelqu’inéquité (dont l’idolâtrie), ceux-là ont la sécurité; et ce sont eux les bien-guidés ».

Tel est l’argument que Nous inspirâmes à Ibrâhîm (Abraham) contre son peuple. Nous élevons en haut rang qui Nous voulons. Ton Seigneur est Sage et Omniscient.

Et Nous lui avons donné Ishâq (Isaac) et Yaqûb (Jacob) et Nous les avons guidés tous les deux. Et Nûh (Noé), Nous l’avons guidé auparavant, et parmi la descendance (d’Ibrâhîm) (ou de Nûh), Dawûd (David), Sûlaymân (Salomon), Ayyûb (Job), Yûsuf (Joseph), Mûsâ (Moïse) et Harûn (Aaron). Et c’est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants.

De même, Zakariyyâ (Zacharie), Yahyâ (Jean-Baptiste), ‘Issa (Jésus) et Ilyâs (Elie), tous étant du nombre des gens de bien. De même, Ismâîl (Ismaël), Al-Yasa’ (Elisée), Yûnus (Jonas) et Lût (Loth). Chacun d’eux Nous l’avons favorisé par dessus le reste du monde.

De même une partie de leurs ancêtres, de leurs descendants et de leurs frères et Nous les avons choisis et guidés vers un chemin droit.

Telle est la direction par laquelle Allâh guide qui Il veut parmi Ses serviteurs. Mais s’ils avaient donné à Allâh des associés, alors, tout ce qu’ils auraient fait eût certainement été vain.

C’est à eux que Nous avons apporté le Livre (révélé), la sagesse et la prophétie. Si ces autres-là n’y croient pas, du moins Nous avons confié ces choses à des gens qui ne les nient pas.

Voilà ceux qu’Allâh a guidés : suis donc leur direction. Dis : « Je ne vous demande pas pour cela de salaire ». Ce n’est qu’un rappel à l’intention de tous les mondes » (Qur’ân 6, 82-90).  Ces versets démontrent qu’Allâh accorda à Ses prophètes, non seulement une Révélation, mais aussi la prophétie (dont les annonces et prophéties sur le futur, ainsi que d’autres types d’enseignements), mais aussi la sagesse de façon générale (incluant les détails que la Révélation n’évoque pas directement/explicitement, la méditation et la bonne compréhension de la Révélation, le respect des convenances en termes de spiritualité, d’éthique et de relations sociales, …) mais que leurs descendants et les croyants qui viendront après eux, suivront leur voie (le Qur’ân, la Sunnah prophétique et la voie spirituelle donc) et qu’ils seront parmi les bien-guidés ; il s’agit là d’une prophétie – qui s’est réalisée depuis l’époque des Compagnons du Prophète (ﷺ) jusqu’à nos jours (à travers une chaîne de transmission ininterrompue dans tous les domaines de la vie religieuse) -, qui constitue en même temps une injonction qurânique.

« Dis : Si vous aimez vraiment Allâh, suivez-moi, Allâh vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés. Allâh est Pardonneur et Miséricordieux » (Qur’ân 3, 31).

« En effet, vous avez dans le Messager d’Allâh un excellent modèle [à suivre], pour quiconque espère en Allâh et au Jour dernier et invoque Allâh fréquemment » (Qur’ân 33, 21). Cela n’est possible qu’avec la Sunnah (qui décrit et explique les différents aspects de la personnalité du Prophète (ﷺ) et de ses enseignements), compris à la lumière des principes qurâniques le décrivant comme un être magnifique, dévoué, patient, compatissant, miséricordieux, bon, endurant, juste, équitable, attentionné, modeste, grandiose, lumineux, exemplaire, intelligent, sage, etc.

« Ô les croyants ! Obéissez à Allâh, et obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement. Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-le à Allâh et au Messager, si vous croyez en Allâh et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation (et aboutissement) » (Qur’ân 4, 59).

Ces distinctions et précisions qurâniques montrent bien que Muhammad n’était pas seulement un Prophète (rappelant une loi antérieure afin de la confirmer et de la préserver) mais aussi un Messager – réadaptant ainsi la Loi divine pour des raisons cycliques avec quelques changements temporels dans les dispositifs juridiques pour les conformer aux besoins et nouvelles conditions socioéconomiques. Le Qur’ân distingue ainsi le Qur’ân (Révélation), la Sagesse, la Prophétie et la purification de l’âme qui sont toutes nécessaires, et qui sont distinguées bien que liées entre elles.

De même, suivre le Messager comme modèle, implique de le suivre dans son attitude, ses injonctions, ses paroles, etc. concernant la communauté et les moyens de se rapprocher d’Allâh. Cela légitime donc, qûraniquement, spirituellement et intellectuellement le recours à la Sunnah de façon générale, en même temps que le recours à l’ijtihad et à l’expérience ; et les fruits d’une telle approche sont confirmés par l’expérience et notamment par la voie des héritiers des Prophètes que sont les Saints.

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le Qur’ân a été descendu (et révélé) selon 7 lectures (significations et degrés de compréhension). Chacune de ses lectures (et significations) comporte un aspect extérieur (zahir) et un aspect intérieur et subtil (batin) ; chacune de ses lectures possède une limite, et chaque limite comporte un point d’ascension (et une borne) ». (Rapporté notamment par At-Tabarî dans l’introduction de son Tafsîr selon ‘Abdallâh Ibn Mas’ûd, et par d’autres selon parfois quelques petites variantes, notamment par Al-Harîth al-Muhasibî dans Mu‘âtabat an-Nafs au 1er chapitre, Ibn Hibbân dans son Sahîh, Al-Kindî dans Kanz ul-‘Ummâl, Al-Qashânî dans son Tafsîr, etc.).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Le premier Livre (céleste) est descendu d’une porte selon un harf. Le Qur’ân est descendu de 7 portes et en 7 harfs, qui traitent de l’interdiction (légale) et de l’obligation (légale), de ce qui est licite et illicite, de ce qui est clair et ambigu (équivoque), et des paraboles (et des symboles). Ainsi, permettez ce qu’Il rend licite, proscrivez ce qu’Il rend illicite, faites ce qui vous a été commandé, évitez ce qui a été interdit, soyez averti et clairvoyant par ses paraboles (et symboles), agissez selon Ses versets clairs, et croyez en Ses versets équivoques (même si certains sens vous échappent) et dites : « Nous y avons foi : tout est (et vient) de la part de notre Seigneur ! » (Qur’ân 3, 7) ». (Rapporté notamment par At-Tabarî dans l’introduction de son Tafsîr selon ‘Abdallâh Ibn Mas’ûd).

L’imâm ‘Alî, en parlant du Qur’ân, disait : « (…) Il est la corde solide d’Allâh, Sa Lumière éclatante et Sa Guérison magnifique. Quiconque s’attache au Livre (Qur’ân) sera préservé de l’égarement (…). Ses merveilles sont innombrables et les multiples répétitions (ou significations) ne les épuisent pas » (Rapporté par Abû Tâlib al-Makkî dans son Qût al-Qulûb 1/49).

De même, il est rapporté ceci : « Je suis passé devant la mosquée quand les gens étaient absorbés par la narration. Alors je me suis tourné vers ‘Alî et j’ai dit : « Ô Commandant des croyants ! Ne voyez-vous pas que les gens deviennent absorbés par la narration ? ». Il a dit : « Ils en ont été consommés (consumés) ? ». J’ai dit : « oui ». Il a dit : « Quant à moi, j’ai entendu le Messager d’Allâh (ﷺ) dire : « En effet, il viendra une Fitna ». Alors j’ai (‘Alî) dit : « Quelle est l’issue (la solution et le remède) de cela (la fitna) Ô Messager d’Allâh ? ». Il (ﷺ) a dit : « Le Livre d’Allâh (Qur’ân). Il contient des informations sur ce qui s’est passé avant vous, des informations sur ce qui viendra après vous, et un jugement sur ce qui se passe entre vous. C’est le critère (entre le bien et le mal) sans plaisanterie (ni futilité ni fausseté). Quiconque parmi les oppresseurs l’abandonne, Allâh l’abaisse, et quiconque cherche à être guidé par un autre que lui (Qur’ân), alors Allâh le laisse s’égarer (à ses dépens). C’est (le Qur’ân) la corde ferme (et solide) d’Allâh, c’est le souvenir rempli sagesse, c’est la voie droite, et c’est celui que les désirs et passions ne peuvent pas déformer, ni les langues ne peuvent le tordre, ni les savants ne peuvent jamais en avoir assez (de sa Lumière et de sa profondeur inépuisable), et il ne deviendra pas ennuyeux de le réciter beaucoup, et l’étonnement ne diminue pas (malgré les nombreuses lectures du Qur’ân). C’est celui qui, quand les jinns l’écoutent, ils n’ont pas hésité à en dire : « En vérité, nous avons entendu une merveilleuse récitation (ce Qur’ân) ! ». Elle guide vers le droit chemin, et nous y avons cru. Quiconque parle selon elle, alors il a dit la vérité, et quiconque agit selon elle est récompensé, et quiconque juge par elle il a jugé avec justice, et quiconque y invite alors il guide vers le droit chemin ». Prends ceci ô A’war ! ». (Récit rapporté par Tirmidhî dans ses Sunân n°2906, d’après Al-Harith Al-A’war).

Le Qur’ân expose la voie claire, et donne des indications explicites sur les moyens de nous élever spirituellement et de nous rapprocher de Lui ; suivre et méditer le Qur’ân, notre méditation et proximité avec le Prophète (ﷺ) et sa voie (notamment concernant les détails de ce qui n’est exposé que dans les principes dans le Qur’ân, comme la prière, la zakâh, le jeûne, etc.), agir avec justice et bonté, délaisser ce qui est réellement douteux ou blâmable, cultiver la sagesse et s’inspirer de tout ce qui comporte de la sagesse et un moyen d’élévation dans notre cheminement,

Ainsi, que ce soit certains étudiants, savants ou prédicateurs rigoristes qui interdisent sans sagesse des choses qu’Allâh a déclaré pourtant licite, – certains cas peuvent justifier une interdiction de « précaution » quand il existe une nuisance évidente pour les gens même dans certaines choses qui sont licites à l’origine (par exemple la présence de contamination dans une récolte de pommes – la consommation de pommes étant licite en soi, mais l’interdiction peut se justifier en cas de contamination, même chose pour des actes cultuels comme le jeûne qui est licite et recommandé en soi, sauf si la personne risque d’en mourir ou d’en être sévèrement affecté, etc.), les coranistes ou réformistes qui rejettent et interdisent des ahadiths ou paroles sages et importantes (et conformes au Qur’ân) tout en falsifiant ou en omettant plusieurs versets du Qur’ân dont le sens est pourtant clair et évident, ou ceux qui rejettent les Ahl ul Bayt, ou ceux qui rejettent les nobles Compagnons, ou qui polémiquent continuellement de sorte à éloigner les croyants de la Vérité, de la piété, de la sagesse, de la justice, de leur relation avec le Qur’ân, le Prophète Muhammad (ﷺ), ses proches (parmi sa famille et ses compagnons), les maîtres spirituels authentiques, les savants vertueux et clairvoyants, etc., toutes ces personnes s’opposent au Discours qurânique et à la voie de la sagesse. Ce que nous montre une observation attentive, et l’expérience, c’est que les gens qui perdent leur temps à polémiquer continuellement, à perdre leur temps avec des détails tout en délaissant les fondements et l’essentiel, qui contestent tout même les piliers de l’Islam ou les fondements de la Voie prophétique, qui rejettent ou méprisent le Tasawwuf (et la spiritualité en général), les Compagnons, les Ahl ul Bayt ou les maîtres spirituels de renom de notre Communauté, s’éloignent de la noblesse du comportement, délaissent beaucoup d’actes d’adoration ou de bonnes œuvres salutaires, n’agissent pas avec justice et prudence, sont dénués de clairvoyance et sagesse, constituent un fléau pour les gens et éloignent les cœurs d’Allâh et de Son Rappel, sont loin de l’apaisement des cœurs, et n’incarnent pas les plus hautes et belles valeurs de la Religion. Tout cela indique les lacunes, manquements, contradictions et failles de ces approches erronées et/ou déviantes de la Religion en général, et du Qur’ân en particulier.

Les « héritiers » et « descendants » des Prophètes mentionnés dans le Qur’ân et la Sunnah, sont, à la lumière de ce qui a été dit, les maîtres spirituels authentiques et ceux qui suivent sérieusement et humblement leur voie, ceux qui se conforment à toutes les injonctions qurâniques, qui sont les plus élevés spirituellement et moralement, qui ont une relation particulière avec Allâh et Son Messager : « (…) Et vers toi, Nous avons fait descendre le Qur’ân, pour que tu exposes clairement aux gens ce qu’on a fait descendre pour eux et afin qu’ils réfléchissent » (Qur’ân 16, 44). La fonction prophétique ne se réduit pas qu’à transmettre la Parole divine ou à la mémoriser et à la réciter, mais aussi à l’expliquer et à l’expliciter, en détaillant certains principes généraux avec des exemples plus précis afin de vivre la Parole divine au quotidien.

« Prenez ce que le Messager vous octroie ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en » (Qur’ân 59, 7), – même si le contexte parle ici du butin (en guise d’exemple) il s’agit d’un principe général à comprendre à la lumière du Qur’ân dans tout ce que le Messager d’Allâh enjoint ou conseille aux croyants – quand il s’agit d’éléments en lien avec le cheminement spirituel (doctrine, rites, valeurs morales, vertus spirituelles, etc.) car il représente le modèle parfait du croyant et qu’en lui se trouve la Lumière muhammadienne, comme il est dit dans le Qur’ân : « Et sachez que le Messager d’Allâh est en vous … » (Qur’ân 49, 7), – la Lumière Muhammadienne en tant que Messager et non pas l’homme (individuel et singulier) du Prophète -, ainsi que le dit ce verset du Qur’ân : « Ô Prophète ! Nous t’avons envoyé [pour être] témoin, annonciateur, avertisseur, appelant (les gens) à Allâh, par Sa permission ; et (comme) une lampe éclairante » (Qur’ân 33, 45-46) et : « Une lumière et un Livre explicite vous sont certes venus d’Allâh ! Par ceci, Allâh guide aux chemins du salut ceux qui cherchent Son agrément. Et Il les fait sortir des ténèbres à la lumière par Sa grâce. Et Il les guide vers un chemin droit » (Qur’ân 5, 15-16).

Il est bon de rappeler aussi que les actes de dévotion, la morale et l’éthique, qui concernent les anciens prophètes, qui sont évoqués dans le Qur’ân, doivent inspirer les musulmans, car les prophètes ont vécu toutes les situations possibles auxquels les croyants peuvent s’identifier à un moment ou à un autre, dispositions morales et spirituelles qu’Allah confirme et souligne aussi pour le Prophète Muhammad et ceux qui le suivent.

Seules certaines dispositions juridiques ne sont pas transposables et universelles, car dépendant du temps et de l’espace, et pouvant être abrogées, nuancées ou remplacées par d’autres statuts juridiques, mais en ce qui concerne le Tawhîd, les piliers de la foi, la vertu, la morale et la sagesse, ceux-ci sont universels et concernent tous les croyants – musulmans comme ceux des communautés antérieures -. C’est aussi entre autres pour cela, que même lorsqu’Allâh dans le Qur’ân parle des anciens Prophètes et Messagers et de leurs communautés de l’époque, Il y mentionne aussi parfois des versets parlant du Prophète Muhammad (ﷺ) et de sa communauté, car d’une part leurs enseignements sont aussi les nôtres, et d’autre part car nous sommes rattachés à la lignée des Prophètes et à leur Source divine (Allâh), préservant ainsi la continuité et la transmission du Message divin.

Comme nous l’a ordonné Allâh dans le Qur’ân, le suivi des enseignements et de la voie du Prophète (ﷺ) est une obligation, et il faut donc s’efforcer de le faire autant que possible. On sait aussi que certains ont menti sur le compte du Prophète (ﷺ) et qu’il faut donc être prudent.
En général, les ahadiths dont la chaine est jugée authentique ou bonne par la plupart des spécialistes, remontent bien jusqu’au Prophète ou à ses pieux compagnons, et sont conformes au Qur’ân, à la vertu et à la sagesse. De même pour de nombreux ahadiths dha’îf qui comportent toutefois une faiblesse mais qui ont une traçabilité jusqu’au Prophète (ﷺ) et dont l’énoncé est conforme au Qur’ân et à la sagesse. Tout cela doit être suivi intelligemment et selon les conditions et règles bien connues. Sachant qu’Allâh pardonne les erreurs involontaires et qu’Il aime les nobles caractères, la sagesse et la spiritualité, quand bien même certains de ses ahadiths ne seraient pas rigoureusement authentiques et attribuables au Prophète (ﷺ), ils n’en demeurent pas moins justes et conformes aux objectifs du Qur’ân. Il ne peut y avoir donc que des bénédictions et des mérites à mettre en oeuvre toute acte de dévotion et de bienfaisance qui respectent les injonctions qurâniques et prophétiques bien connues.

Il y a toutefois des ahadiths jugés sahîh ou hassân qui sont difficilement compréhensibles ou qui ont été rapportés de façon étrange, décontextualisée ou imprécise. Ceux-là sont soit faux (partiellement ou totalement ; par une pure invention ou par des déformations successives) soit vrais mais qui ne sont ni applicables ni universels ou généraux, mais bien contextuels quand on recoupe toutes les variantes pour en obtenir les précisions supplémentaires liées au contexte et au sens voulu. Il est donc important de ne pas les considérer d’emblée comme étant faux, à moins d’avoir mener une véritable investigation poussée jusqu’à éliminer toutes les conciliations et explications justes possibles, car rejeter indirectement une parole prophétique n’est pas sans conséquence. En cas de doute, ne pas les mettre en pratique – quand ça ne concerne de toute façon pas la majorité des musulmans et leur vie quotidienne – est la voie prophétique à adopter (selon le hadith bien connu : le licite est clair, l’illicite est clair mais entre les 2 il y a des choses floues ou étranges, et s’en écarter est donc préférable) et selon le Qur’ân qui autorise toutes les bonnes choses, qui interdit toutes les mauvaises choses et qui enjoint à faire le bien, à interdire le blâmable, à commander la justice et la piété, et à s’écarter des choses douteuses ou relevant de l’injustice.

Exemple d’un récit authentique mais qui peut paraitre bizarre ou illogique en l’absence d’une bonne compréhension, à savoir ce que rapportent par exemple Al-Bukharî et Muslim dans leur Sahîh : « On ne doit entreprendre de voyage (littéralement, « les montures ne doivent être attachées ») que pour 3 mosquées : Al Masjid ul Harâm (de La Mecque), Al Masjid ul Aqsâ (de Jérusalem) et ma présente mosquée (à Médine) ». Pris dans son sens apparent, cela voudrait dire qu’il ne serait permis de voyager en dehors de sa ville que pour se rendre à l’une de ses 3 mosquées. Cela est évidemment faux puisque le Qur’ân et la Sunnah permettent de façon explicite de parcourir la terre pour voyager, rencontrer des gens, observer la nature, visiter la famille, répandre la science, la sagesse et l’appel à l’Islam, etc. Or, comme l’indique une recherche plus aboutie, le sens du hadith est que, – ici les subtilités sont implicites et sont connues par d’autres voies de narration et d’autres règles – les seules mosquées qui ont un statut très particulier et sacré et où la prière revêt une dimension plus spirituelle et verticale avec le Divin (d’où les plus grandes récompenses qui y sont associées) sont uniquement ces 3 mosquées là, se situant dans des terres bénies et sacrées. Et aucune autre mosquée ne peut les égaler ou les surpasser de ce point de vue. Il est néanmoins tout à fait licite de voyager pour contempler de belles mosquées (ou tout autre endroit ou monument qui ne comporte aucune nuisance certaine) ou de voyager pour s’y rendre afin de prier dans ces endroits-là, sans attendre toutefois de récompenses particulières.

Ainsi, le musulman doit reconnaitre (et agir en principe, autant qu’il le peut) selon les enseignements qui sont explicites dans le Qur’ân, et selon ce qui est connu et bien établi du Prophète (ﷺ) – ce qui est une injonction qurânique explicite que de suivre la Sunnah prophétique bien établie -, comme la prière, le jeûne, le dhikr, le Hajj, la Umra, la zakât, la sadaqa (aumône surérogatoire), la défense des opprimés, la prise en charge et la bonté envers les orphelins, l’assistance aux personnes dans le besoin ou qui sont éprouvées par la maladie ou un handicap, le respect envers les parents, la bonté envers tous les membres de la famille et le voisinage, l’interdiction du meurtre et de la sorcellerie, de la fornication et de l’adultère, du vol et de la consommation d’alcool, l’interdiction également de tout ce qui avilit l’âme parmi les vices (ostentation, calomnie, orgueil, mensonge, trahison, etc.). Ensuite tout ce qui relève du blâmable et du nuisible, comme les boissons alcoolisées, les jeux de hasard accompagnés de paris et d’une grosse perte de temps, les drogues, les substances ou aliments nocifs, les pratiques violentes et malsaines, ce qui entraine la débauche, la haine, la violence ou l’hypocrisie, etc. sont interdits selon la règle qurânique, l’intellect, l’expérience et l’observation, car ce qui permet de définir ce qui est mauvais ou bon, inutile ou utile, interdit ou permis, c’est la Révélation, la Tradition prophétique en accord avec la Révélation, l’exemple des Rapprochés d’Allâh (par leurs mérites, leurs vertus, leur orientation constamment tournée vers Allâh et l’accomplissement des bonnes œuvres), l’intellect et la logique, l’expérience (spirituelle, scientifique, psychologique, sociale, historique, etc.) et l’observation. Et parmi les bonnes choses, il y a non seulement les actes cultuels obligatoires selon le Qur’ân (comme les piliers de l’Islam quand les conditions sont réunies, à l’exception des personnes qui ont des dérogations médicales pour le jeûne, ou financières et/ou physiques et/ou mentales pour le hajj, etc.), mais aussi toutes les formes de prières surérogatoires, de dhikr, de lecture/récitation de Qur’ân, etc. qui ne comportent aucun mal, et sauf s’il existe des indications claires de s’en abstenir durant certains moments précis de l’année, ou que des choses plus importantes ou urgentes viennent « suspendre » leur nécessité ou utilité (par exemple, s’isoler pour réciter le Qur’ân est un acte méritoire, mais si son enfant souffre atrocement, la nécessité exige de prendre soin de l’enfant en délaissant l’autre acte, aussi méritoire soit-il).

2. Les ahadiths et avis autour du lézard identifié comme étant le gecko

Prenons l’exemple du hadith sur le lézard identifié souvent selon l’espèce « gecko ».

Un récit rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2240, par Abû Dawûd dans ses Sunân (n°5263) et par At-Tirmidhî dans ses Sunân (n°1482) attribué à Abû Hurayra :

« Celui qui tue un lézard (gecko) du premier coup a tel nombre de bonnes actions.

Celui qui le tue au deuxième coup a tel nombre de bonnes actions, inférieur au précédent.

Et s’il le tue au troisième coup, il a tel nombre de bonnes actions ».

Dans une autre version (citée juste après la précédente dans le Sahîh Muslim n°2240) : « Celui qui tue un lézard (gecko) du premier coup, on lui inscrit 100 bonnes actions. Si c’est du deuxième coup, il en a un nombre moindre. Et si c’est au troisième coup, il en a un nombre encore plus petit ». Certains ont interprété cela comme étant le fait qu’il faille éviter de les faire souffrir inutilement, donc les tuer du premier coup est plus méritoire (car leur épargnant des souffrances inutiles) que de les tuer en plusieurs coups.

La raison invoquée par certains, est mentionnée dans une parole attribuée au Prophète (ﷺ) qui semble toutefois douteuse ou du moins, très lacunaire et peu convaincante ; rapportée par al-Bukharî dans son Sahîh n°3359, Muslim dans son Sahîh n°2237, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3231 et repris par An-Nawawî dans son Riyâd as-Salihîn n°1863 d’après Umm Sharik : « Le Messager d’Allâh m’ordonna de tuer les lézards (geckos) pénétrant ma maison en disant : « Ils soufflaient en effet sur le bûcher où se trouvait (le Prophète) Ibrâhîm ».

Les termes et « synonymes » rapportés pour parfois parler de ces animaux sont généralement : les geckos, les salamandres et les caméléons.

Ibn Mâjah dans ses Sunân (n°3228) rapporte le hadith de Umm Sharik en précisant qu’il s’agissait de se débarrasser des lézards qui pénétraient dans sa maison. Le nom du chapitre (dans le Livre concernant la chasse, qui constitue une partie de ses Sunân) est d’ailleurs explicite, précisant « les lézards domestiques », c’est-à-dire qui pénètrent, – sans notre permission – dans notre demeure et qui peuvent être dangereux ou indésirables (notamment pour nos enfants).

An-Nasâ’î rapporte dans ses Sunân (n°2831) selon Saîd Ibn Al-Musayyab : « Une femme entra chez Aîsha, et dans sa main était un bâton ferré. Elle a dit : « Qu’est-ce que c’est ? ». Elle (Aîsha) a dit : « C’est pour ces geckos, parce que le Prophète d’Allâh nous a dit, qu’il n’y avait rien qui n’a pas essayé d’éteindre le feu pour Ibrâhîm sauf pour ces animaux, alors il nous a dit de le tuer. Et il nous a interdit de tuer des serpents inoffensifs, à l’exception du serpent à deux lignes sur le dos et du serpent à queue courte, car ils arrachent la vue et font avorter ce qui est dans le ventre des femmes ».
Était-ce en raison du rang élevé des Prophètes qu’une telle punition était préconisée ? Mais sachant que les Prophètes pardonnaient généralement à ceux qui tentèrent de les tuer,  – et nous avons des dizaines d’exemples dans la Sunnah et la Sirah du pardon du Prophète (ﷺ) envers ceux qui ont essayé de le tuer (par l’épée, l’envoi d’une armée ou par empoisonnement) -, et que les lézards après l’époque du Prophète Ibrâhîm (‘alayhî salâm) et des autres régions n’avaient aucun rapport avec ce lézard en particulier, un tel ordre parait suspicieux, et en totale contradiction avec le Qur’ân et la Sunnah.

Ce récit-là est donc douteux, et contredit un autre, plus authentique, de la part d’une épouse même du Prophète (ﷺ). En effet, toujours dans le Sahîh Muslim n°2239, ‘Aisha a rapporté que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit que « le gecko était une créature nuisible ». Harmala a rappelé aussi ce propos d’Aïsha : « Je n’ai pas entendu dire qu’il avait ordonné de les tuer ».

Dans une autre narration rapportée par Al-Bukharî dans son Sahîh (n°3306) selon Aîsha : « Le Prophète (ﷺ) a qualifié la Salamandre de malfaisant nuisible. Je ne l’ai (cependant) pas entendu ordonner qu’il soit tué. Sa`d bin Waqqas (par contre) affirme que le Prophète (ﷺ) a ordonné qu’il soit tué ». Soit cette narration – où Aîsha dit que le Prophète ne lui avait pas ordonné de tuer ces « lézards nuisibles » était antérieure à ce que rapporte An-Nasâ’î d’après ‘Aîsha, soit il ne s’agissait pas d’un ordre formel mais d’une autorisation ou d’être prudente lorsque ces types d’espèces (pouvant être nuisibles) sont dans les parages, soit encore, qu’il s’agit d’un ordre très contextuel que dans les cas où l’on craint une véritable menace ou nuisance.

D’autres voies de transmission indiquent bien qu’ils étaient considérés comme étant nuisibles, à l’instar de ce que rapportent Al-Baghawî dans son Mishkat al-Masabih (n°4120) selon Sa’d Ibn Abî Waqqas et Muslim dans son Sahîh (n°2230) selon ‘Amir Ibn Sa’d.

 Les voies concordent pour qualifier un certain type de lézard comme étant nuisible – pas forcément en raison de son caractère venimeux -, mais divergent sur le fait de les tuer (quand ils sont dans les environs, ou seulement quand ils entrent dans nos demeures), et ne soutiennent pas non plus le récit disant que les tuer du premier coup rapportait autant de récompenses, puis au second coup, autant, à moins qu’il s’agisse là d’une situation précise où la vie humaine ou animale (domestique ou d’élevage) serait menacée par ces lézards car sauver une vie humaine ou animale (permettant de préserver l’environnement ou d’apporter beaucoup de bienfaits à l’espèce humaine, animale ou végétale). Mais encore faut-il savoir dans quel contexte, quel type de lézard exactement, et si les conditions de vie actuelles ont changé la situation par rapport à ces lézard.

Le récit incriminé, pris tel quel, contredit ainsi le Qur’ân, et plusieurs ahadiths authentiques. Et la raison invoquée semble tirée par les cheveux – à moins qu’il s’agisse là d’une sorte d’allégorie ou de parabole -, puisque le crime (s’il est avéré) d’un individu ne permet pas d’incriminer tous les individus de la même espèce.

L’imâm An-Nawawî explique la raison d’être du hadith dans son Sharh Sahih Muslim : « Le gecko était décrit comme un fuwaysiq (petite créature nocive). En ce sens, il est similaire au fawâsiq [les 5 créatures vicieuses/nuisibles – les rats, les scorpions, les corbeaux, les milans et les chiens enragés, comme indiqué dans d’autres hadiths] qui doivent être tuées même si la personne est en état d’Ihrâm (rituel consécration pour le Hajj ou la ‘Umrah) parce qu’ils dépassent la plupart des insectes et créatures similaires dans le mal et les dommages qu’ils causent. Il est bien connu que les geckos peuvent être une nuisance et être considérés comme des nuisibles lorsqu’ils infestent une maison. Ainsi, les tuer est un soulagement pour le peuple et digne d’une récompense, de la même manière que retirer quelque chose de nuisible de la route est considéré comme l’une des branches de l’imân (la foi) ».

Les milans (Milvus Cuv) sont des « Oiseaux de l’ordre des Falconiformes (Rapaces diurnes). On les range dans deux sous-familles d’Accipitridés : les Milvinés et les Elaninés, dont on fait parfois une famille distincte, celle des Milvidés (…).

Sauf quand ils ont des petits, ils se montrent généralement craintifs, et jadis les grands seigneurs prenaient plaisir à voir ces Rapaces prendre la fuite devant des Faucons et des Eperviers qu’on lançait à leur poursuite et qui finissaient par les terrasser en dépit de leur infériorité de taille. En temps ordinaire, les Milans font exclusivement leur proie de petits Mammifères, de Passeriformes, de poussins incapables de voler, de Reptiles, d’Amphibiens, de Sauterelles et d’autres Insectes, voire même de débris de viande et de détritus de toutes sortes. Il exerce parfois de grands ravages dans les élevages de Faisans et de Perdreaux et dans les basses-cours des fermes isolées; mais il détruit aussi beaucoup d’animaux nuisibles ». (“Les Milans – Milvinés et Elaninés”, Cosmovisions :  https://www.cosmovisions.com/milans.htm ; page consultée en mai 2022).

Ainsi, il n’est pas question de tuer partout et en tout temps ces espèces animales, mais de les éloigner, de les chasser ou de les tuer que lorsqu’ils présentent une menace certaine pour l’être humain (dans son environnement), ses récoltes, ses pâturages et ses animaux.

Il faut donc voir si l’espèce en question (dans le hadith, souvent traduit par « gecko ») lui, était de type venimeux ou non (dans cette région du monde, et à cette époque), et selon quel aspect il pouvait être nuisible pour les gens de leur époque. On sait aussi qu’il existe des lézards venimeux (comme par exemple le lézard Heloderma suspectum, appelé aussi le Monstre de Gila), et d’autres non. Wa Allâhu a’lam.

Ce cas serait similaire à celui du serpent selon plusieurs narrations qualifiées d’authentique, comme celle-ci rapportée par Al-Bukharî dans son Sahîh n°3310 selon Abû Mulaika : « Ibn `Umar avait l’habitude de tuer des serpents, mais par la suite il a interdit de les tuer et a dit : « Une fois, le Prophète (ﷺ) a abattu un mur et y a vu une peau de serpent rejetée. Il a dit : « Cherchez le serpent ». Ils l’ont trouvé et le Prophète (ﷺ) a dit : « Tuez-le ». Pour cette raison, j’avais l’habitude de tuer des serpents. Plus tard, j’ai rencontré Abû Lubaba qui m’a dit que le Prophète (ﷺ) a dit : « Ne tuez pas de serpents sauf le court serpent à queue ou à queue mutilée avec 2 lignes blanches sur le dos, car il fait avorter et rend aveugle. Tuez-le donc ». La distinction doit donc être faite entre l’animal ou l’insecte qui n’est pas clairement nuisible ni mortel, et celui qui peut l’être pour l’être humain, son habitat ou ses animaux. Les spécialistes disent au sujet des serpents, que certaines espèces sont très dangereuses et mortelles pour l’être humain ou de nombreuses espèces animales, tandis que d’autres sont légèrement nuisibles mais pas mortelles, et d’autres encore qui sont globalement inoffensifs, et c’est sur ces critères qu’il convient d’agir, et ce conformément aussi aux règles islamiques et scientifiques (concernant la nuisance ou non de certaines espèces).

La règle veut que l’on ne condamne pas toute une espèce ou tout un groupe (humain) pour les méfaits d’un individu isolé. De plus le gecko n’était pas le seul animal impliqué lors de cette épreuve d’Ibrahim (‘alayhî salâm).

Pour les hassanat (récompenses), cela dépend de nos intentions, et si notre but est de repousser ce qui est nuisible pour soi-même, nos proches, nos animaux domestiques ou notre bétail qui se trouve sous notre responsabilité par exemple. Wa Allâhu a’lam.

La règle générale est qu’on ne doit pas tuer d’animaux, sauf pour protéger sa maison ou pour se nourrir par nécessité. Si cet animal ne représente aucun danger, alors il ne faut pas le tuer. Certains savants disent cependant que ce hadith ne concerne que les geckos qui entrent dans nos demeures. Mais les geckos sont jugés inoffensifs pour les humains et chassent certains insectes nuisibles même, selon plusieurs spécialistes, du moins en temps normal, mais cela peut être différent dans certains cas précis.

Il se peut aussi que ce hadîth-là fut imputé à tort au Prophète Muhammad (ﷺ) ou même à Abû Hurayra par des gens qui ont confondu des récits israyliyyat ou leurs propres déductions et/ou croyances/pratiques culturelles avec les paroles prophétiques, wa Allâhu a’lam. Et le problème c’est que plusieurs de ses élèves ont parfois cru qu’Abû Hurayra citait une parole prophétique alors qu’il s’agissait de son opinion ou d’un récit transmis par les autres communautés. Il était en contact avec des juifs et même des chrétiens probablement dont certains qui étaient convertis à l’islam, mais qui diffusaient les récits israîliyyât. Et ça a tout l’air d’être ce type de récits qui étaient répandus chez les autres communautés, – ce qui ne veut pas dire que cela soit forcément faux, puisque les Prophètes antérieurs ont aussi laissé des enseignements au sujet de certains animaux, mais ils ont pu se mélanger avec des croyances infondées ou des pratiques culturelles (blâmables ou décontextualisées) au fil du temps. Et parfois certains narrateurs ont inclut leur propre déduction dans le hadith transmis, d’où certaines confusions et contradictions dans les différentes versions.

Ce hadith était donc peut-être contextuel mais pas général, puisque contredisant le Qur’ân et les autres ahadiths, sachant que ni le Prophète (ﷺ) ni les Sahaba ne passaient leur temps à chasser les geckos en dehors de leurs demeures.

3. Les chiens en Islam

Et concernant les chiens, il faut savoir que de façon générale, Allâh fait leur éloge comme dans la Sûrah al-Kahf (la Caverne) dans le Qur’ân, car ils étaient à la fois « protecteurs » et « gardiens » et étaient les « alliés » et « compagnons » des croyants au sein de cet endroit : « Et tu les aurais cru éveillés, alors qu’ils dorment. Et Nous les tournons sur le côté droit et sur le côté gauche, tandis que leur chien est à l’entrée, pattes étendues. Si tu les avais aperçus, certes tu leur aurais tourné le dos en fuyant ; et tu aurais été assurément rempli d’effroi devant eux » (Qur’ân 18, 18).

Certains savants disent que ce n’est pas le chien qui est impur en soi, mais seulement sa salive (ce que des études scientifiques ont confirmé), encore que cela puisse dépendre de son alimentation et de ce qu’il lèche dehors selon certains experts.
Ibn Qudama le savant hanbalite a dit dans Al-Mughnî : « L’impureté est de 2 types : celle sur laquelle il n’y a pas divergence, comme le chien et le porc et ce qu’ils engendrent. Ils sont impurs, le restant de l’eau dont ils boivent est impur et tout ce qui en sort est impur. Ceci est rapporté d’après ‘Urwah et constitue l’avis de l’imam As-Shâfi’i, Abû ‘Ubaydah, Abû Hanifa, qu’Allâh leur fasse miséricorde, notamment pour ce qui est de l’eau qui reste dans le récipient où ces animaux boivent. Quant à Mâlik, Al Awzâ’i, et Dawûd, qu’Allâh leur fasse miséricorde, ils ont dit : « L’eau qui reste dans le récipient où ces animaux boivent est pure et on peut s’en servir pour faire les ablutions et en boire. Et s’ils lèchent un aliment, il n’est pas illicite de le consommer ».

L’exégète Ibn Kathîr a dit dans son Tafsîr : « Ibn Jurayj a dit : « Il (le chien) gardait l’entrée de la caverne pour les protéger et c’est d’ailleurs ainsi que font les chiens de garde et il n’est pas entré avec eux dans la caverne puisque les anges n’entrent pas dans un endroit où il y a un chien comme il est clairement mentionné dans les hadiths authentiques » », mais les ahadiths sur le fait que les Anges ne rentrent pas dans un endroit où se trouvent des chiens, peuvent ne concerner que les lieux de culte, et ceci pour des raisons spirituelles (dont la concentration et la propreté lors de la prière) en même temps que pour des questions d’hygiène et de propreté par rapport aux chiens errants ou carnassiers, et Allâh sait mieux. Le hadîth rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n° 3225 et par Muslim dans son Sahîh n°2106 selon Abû Talha, stipule : « Les anges n’entrent pas dans une demeure où il y a un chien ou une représentation d’être vivant (servant comme support de vénération ou d’idolâtrie) ». Abû Dawûd dans ses Sunân n°227 et An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4281 selon l’imâm ‘Alî rapportent un hadith similaire qui rajoute « celui qui est en état de grande impureté (Junûb) ». Il s’agit donc ici de ce qui peut détourner le croyant de la propreté, de la concentration et du Tawhîd, avec le refus des cultes idolâtres, qui se faisaient souvent à l’époque, par des statues ou images complètes d’êtres vivants. 

L’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Mishkât al-anwâr (Le tabernacle des lumières) abordait la double fonction de nombreux ahadiths, à savoir spirituel (par l’approche symbolique) et littéral et notamment ce hadith-là : « En entendant la parole du Messager d’Allâh () : « Les Anges n’entrent pas dans une maison où il y a un chien », l’un gardera son chien chez lui en prétendant qu’il ne faut pas l’entendre à la lettre. Selon lui, cela signifie qu’il faut évacuer de la « demeure du cœur » le chien (qui est le symbole) de la colère, qui interdit l’entrée de la connaissance, lumière angélique car « la colère dévore la raison ».

L’autre, à la différence du premier, se conformera à la lettre du précepte, et ensuite seulement dira : « Le chien n’est point tel par sa forme concrète mais par la nature qu’il incarne, c’est-à-dire sa férocité et sa voracité. Et s’il faut protéger la maison, qui est la résidence de la personne corporelle, contre le chien sous sa forme concrète, à plus forte raison convient-il de protéger la demeure du cœur, ou réside la substance véritable propre à l’homme, contre les défauts qu’incarne le chien ; je vais donc, moi me conformer à la fois à la lettre et à l’esprit du précepte ».

Voilà l’homme parfait, celui dont on dit : « L’homme parfait est celui chez qui la lumière de la Connaissance n’éteint pas la piété scrupuleuse ». C’est pourquoi on ne le verra pas se permettre de négliger la moindre des limites tracées par la Loi, malgré la perfection de sa connaissance intérieure. C’est pourtant l’erreur commise par certains de ceux qui ont suivi la voie spirituelle, et qui sont tombés dans l’antinomisme (ibâha), abandonnant une fois pour toutes la lettre des prescriptions légales. C’est ainsi qu’il y en a qui ne font plus la prière rituelle, sous prétexte qu’au fond d’eux-mêmes ils sont toujours en prière. C’est une erreur d’un autre genre encore, quand les plus stupides des antinomistes se complaisent dans des charlataneries telles que : « Allâh se passe de nos œuvres » ou « L’intérieur de l’homme est plein de choses immondes, dont il est impossible de se purifier », selon l’un d’eux, qui soutenait que, pour que l’ordre d’extirper la colère et la concupiscence, il ne fallait pas chercher à les éliminer. Tout ceci n’est que sottises ! Mais en ce qui concerne la première erreur, on peut dire que, semblable à un pur-sang qui fait un faux pas, l’homme qui parcourt la voie spirituelle trébuche et tombe, tiré trompeusement vers le bas par Shaytân qui le jalouse ».

Et comme il l’explique dans le même ouvrage, la dimension spirituelle et donc la portée symbolique doivent prendre appui sur des réalités physiques de ce bas-monde afin d’en établir la relation et l’analogie, et d’inclure tous les aspects du Réel : « Sache que le monde visible, relativement au monde du Royaume céleste, est comme l’écorce pour le noyau, comme la forme et le moule pour le souffle (rûh) qui les anime, comme les ténèbres par rapport à la lumière, comme le bas vis-à-vis du haut. C’est pourquoi on désigne le monde du Royaume céleste sous les noms de monde supérieur, monde spirituel, monde lumineux, en opposition avec le monde inférieur, le monde corporel, le monde ténébreux. Ne va pas croire que nous entendons par monde supérieur les sphères célestes, bien qu’elles soient « en haut » et « au-dessus » par rapport au monde visible et sensible, car les bêtes aussi les perçoivent ! La porte du Royaume ne sera pas ouverte à un homme et il ne deviendra pas « célestiel » (malakûtî), tant que, pour lui, la terre n’aura pas été « remplacée par une autre terre, et les cieux [par d’autres cieux] », et tant que tout ce qui est du domaine des sens et de l’imagination ne sera pas devenu sa « terre » et que tout ce qui dépasse le domaine sensible ne sera pas devenu son « ciel ». Telle est la première ascension (mi`râj) pour le pèlerin spirituel (sâlik) qui a commencé son voyage pour se rapprocher du Seigneur.

L’être humain rendu « le plus bas des plus bas », peut s’élever à partir de là jusqu’au monde supérieur (…). Le monde visible est donc le point d’appui pour s’élever au monde du Royaume céleste, et le « parcours de la Voie Droite » consiste en cette ascension, que l’on peut également exprimer par les mots « Religion » (d’in) et « les étapes de la Bonne Voie ». S’il n’y avait pas de correspondance et de liaison entre les deux, la montée de l’un à l’autre serait inconcevable. La Miséricorde divine a fait qu’il y ait une relation d’homologie entre le monde visible et celui du Royaume céleste. En conséquence, il n’y a aucune chose du premier qui ne soit un symbole (mithâl) de quelque chose du second ».

L’exégète Al-Qurtûbî dit dans son Tafsîr concernant ce passage du Qur’ân que : « La plupart des exégètes, en se basant sur l’avis de Muqâtil, soutiennent que c’était chien dont se servait l’un d’eux pour la chasse, les travaux agricoles, ou pour la garde de ses moutons », interdisant ainsi de tuer les chiens et autorisant les humains à en avoir pour des raisons pratiques et licites.

Muslim dans son Sahîh n°1198 rapporte selon ‘Aîsha : « 5 animaux sont nuisibles et peuvent être tués en état de pèlerinage (lorsque l’on se trouve dans le sanctuaire de la Mecque) : un serpent, un corbeau tacheté, un rat, un chien enragé (qui attaque) et un milan (nuisible) ».

Les narrations parlent de tuer quelques animaux précis concernent donc le cas de ceux qui sont nuisibles ou dangereux pour les êtres humains, leurs animaux et leurs récoltes.

Dans ce hadith, ont été décrit les animaux à tuer comme « nuisibles » (fawasiq) et se réfèrant spécifiquement aux « chiens qui mordent » (al-kalb al-aqur). Les ahadiths qui parlent donc de les « tuer » ont parfois été rapportés sans cette précision fondamentale, à savoir, ceux qui sont dangereux et enragés, car non seulement ils peuvent blesser ou tuer des êtres humains et d’autres animaux, mais peuvent aussi transmettre des maladies graves.

Dans un autre récit, le Prophète (ﷺ) a autorisé les musulmans à posséder des chiens domestiques à des fins de chasse, d’élevage, de garde et d’agriculture.

Muslim rapporte dans son Sahîh n°280 selon Ibn Al-Mughaffal : « Le Messager d’Allâh (ﷺ) a ordonné de tuer les chiens (enragés qui menaçaient les gens), puis il a été dit : « Qu’en est-il d’eux (sur les autres chiens) ? ». Et le Prophète et a ensuite accordé la concession (de garder) le chien pour la chasse et le chien pour (la sécurité) du troupeau, et a dit : « Lorsque le chien lèche l’ustensile, lavez-le 7 fois et frottez-le avec de la terre la huitième fois » ». De ce hadith on peut déduire que c’est bien la salive du chien – quand il touche un vêtement ou un ustensile que l’on utilise – qui est impur et que l’on doit bien nettoyer – afin d’éviter les saletés ou les maladies. Et aussi, l’autorisation d’avoir recours à des chiens (qui ne sont pas dangereux pour les êtres humains) pour réaliser des objectifs pratiques. De nombreux savants (aussi bien malikites, qu’hanafites, shafiites et hanbalites) ont ainsi permis d’avoir recours aux chiens pour guider les aveugles, garder les troupeaux, protéger des demeures, pour chasser, et d’autres choses similaires qui ne comportent pas de nuisance majeure, tout en pensant aussi à leurs droits et à leur bien-être autant que possible. De nombreux savants ont toutefois déconseillé ou réprouvé de ne garder un chien que pour le plaisir et sans aucune nécessité ou objectif pratique, en se basant sur un hadith du Prophète (ﷺ) relaté par ‘Abdullâh Ibn Mughaffal et rapporté par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4288 ainsi que par Abû Dawûd dans ses Sunân n°2844 selon Abû Hurayra : « Quiconque possède un chien, à l’exception d’un chien pour la chasse, l’élevage ou l’agriculture, un Qurat sera déduit de sa récompense chaque jour ». On rapporte ce hadith aussi, mais sans la mention « ou l’agriculture » par d’autres compagnons comme Ibn ‘Umar, Salim Ibn ‘Abdullah et son père et d’autres encore (voir An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4284, 4286, 4287 et 4291 ; At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1487 et 1490 ; al-Bukhari dans son Sahîh n°5481 et 5482 ; Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°1777 et 1778 ; Muslim dans son Sahîh n°1574, etc.).

Est-ce le cas précis d’un chien sale qui ne ramène que de la saleté, ou est-ce parce que l’on prive le chien d’un espace vert et plus approprié pour lui alors qu’au lieu de cela on le laisse dans un endroit fermé (la maison) sans aucune nécessité, ce qui constitue aussi une sorte de transgression ou de mépris à l’égard de ses droits et de son bien-être ? Allâh sait mieux.

L’imâm Ibn Hajar al-Haytamî déclare ce qui suit à propos du meurtre du chien prédateur dans Tuhfah al-Muhtaj bi Sharh al-Minhaj : « Il n’est pas permis de laisser le chien prédateur mourir de faim. Au contraire, s’il doit être tué, il doit être tué de la meilleure façon possible ». La déclaration d’Al-Bayjarmi est plus claire dans ce numéro : « Non seulement les chiens bénéfiques, la vie de tous les chiens sont respectés et immunisés tant qu’ils ne font pas de mal et ne deviennent pas violents et agressifs ». (Hashyatu’l-Bayjarmi Ala’l-Manhaj-al-Maktabatu’sh-Shamila,1/474). En conséquence, les animaux que le Prophète a permis de tuer sont des animaux présentant une menace pour l’être humain et d’autres animaux qui lui sont liés.

D’un point de vue scientifique : « En conséquence, le chien a une gueule qui contient de très nombreuses bactéries. Bien entendu, le corps de tout être vivant en contient des milliards qui contribuent à son bien-être, à sa digestion ou encore à la préservation de son système immunitaire. Mais si certaines servent au soin normal de la bouche de votre toutou et de l’ensemble de son organisme, d’autres sont véritablement dangereuses et leur contact avec l’homme peut être grave.

La plus célèbre bactérie qui présente un réel danger pour les humains et qui est très répandue dans la gueule du chien est le Capnocytophaga canimorsus. Naturellement présente dans la salive des toutous, mais aussi des chats et des humains, elle peut entraîner des infections très graves chez l’homme si elle pénètre dans son sang par une morsure ou le léchage d’une plaie. Le danger de cette bactérie est nul pour l’animal, car elle est naturellement issue de son organisme. En revanche, lorsqu’elle sort de ce contexte, elle présente un risque important et peut devenir un agent pathogène.

Quel est le risque pour l’homme au contact de cette bactérie ?

En tant qu’humains, notre peau nous protège des infections en formant une véritable barrière pour une grande majorité de virus, bactéries et micro-organismes en tous genres. En revanche, dès lors que nous avons une plaie, le danger est réel, car la bactérie peut alors passer dans notre sang et se diffuser dans notre organisme. Le chien peut donc nous la transmettre par une morsure qui traverse la peau, par des égratignures qui provoquent un saignement ou encore un coup de langue sur une plaie non cicatrisée.

Il s’avère qu’en raison de quelques rares cas d’infections graves ayant conduit au décès d’humains, les bactéries du genre Capnocytophaga ont été étudiées. La bactérie Capnocytophaga canimorsus est la plus agressive et la plus dangereuse, sachant qu’elle présente trois souches (A, B et C). Les bactéries Capnocytophaga canis et Capnocytophaga cynodegmi sont moins virulentes, mais plus répandues.

Existe-t-il des facteurs aggravants ?

Il semblerait que certains facteurs s’avèrent aggravants dans le cas d’un contact avec la bactérie par le biais de la salive du chien.

    Le fait d’être immunodéprimé : un organisme fragilisé sera moins capable de se défendre naturellement contre les attaques extérieures et sera ainsi plus vulnérable face aux bactéries.

    Le fait d’être fumeur ou alcoolique : ces deux caractéristiques sont nocives pour la santé et fragilisent notre système immunitaire.

    Le fait de présenter des plaies ou lésions : ces plaies et lésions sont des portes d’entrée pour les bactéries qui rejoignent ainsi la circulation sanguine par leur biais ». (“La salive du chien est-elle dangereuse pour l’homme ?”, Jardinage – Le Monde, 2020 : https://jardinage.lemonde.fr/dossier-3087-salive-chien.html).

Il y a aussi de nombreux cas, en Europe ou ailleurs, où des chiens errants agressifs attaquent les êtres humains dont des enfants, ce qui cause de nombreux décès chaque année : « Un garçon de 12 ans gravement blessé aux parties intimes à Mirabel, une femme défigurée par ses chiens à Saint-Jean-sur-Richelieu, un pitbull abattu par son propriétaire pour protéger sa conjointe à Gatineau, un cycliste gravement blessé au visage à Boucherville. La Presse a répertorié des centaines d’attaques de chiens dans plusieurs villes du Québec, dont des dizaines visant des enfants, depuis 2015 (…) ».

“Chiens dangereux: des centaines d’attaques depuis 2015 au Québec”, La Presse, 22 août 2018 : https://www.lapresse.ca/actualites/201808/22/01-5193851-chiens-dangereux-des-centaines-dattaques-depuis-2015-au-quebec.php

« Les morsures de chien représentent chaque année, en France, plusieurs milliers de recours aux urgences et de nombreuses hospitalisations. Cette étude rapporte qu’il y a eu 33 décès par morsures de chien au cours des vingt dernières années.  Les deux tiers concernaient des enfants de moins de 15 ans (16 avaient moins de 5 ans). Des études réalisées à l’étranger ou localement en France montrent que les morsures de chien représentent, pour un pays comme la France, plusieurs milliers de recours aux urgences chaque année et de nombreuses hospitalisations, avec une augmentation du nombre d’agressions en été. L’incidence annuelle des morsures ayant nécessité un recours aux soins a été estimée de 30 à 50 pour 100 000 enfants de 0 à 15 ans.

 Chez les enfants les plus jeunes, les blessures sont plus nombreuses, plus graves et se situent souvent au niveau de la tête et du cou, ce qui peut entraîner des séquelles physiques, esthétiques et psychologiques. Le plus souvent, la personne qui a été mordue connaissait le chien et les agressions se produisent au domicile » (“Morsures de chiens en France : une enquête fait le point”, Santé Vet, 14 octobre 2015 : https://www.santevet.com/articles/morsures-de-chiens-en-france-une-enquete-fait-le-point).

En somme, concernant les chiens, dans les ahadiths, il faut garder à l’esprit que, soit ces récits sont défectueux ou faux, soit que l’ordre de les éloigner ou de les tuer concernent ceux qui sont enragés au point de constituer une menace pour les êtres humains (et les enfants notamment) ou le bétail ou d’autres animaux domestiques, mais qu’il a été autorisé, par le Prophète(ﷺ) et les compagnons, d’avoir des chiens pour différentes activités licites. Pour le reste, il faut assurer leur bonne santé, leur bon traitement ou les laisser en liberté sans pour autant qu’ils ne salissent les endroits propres et « purs » servant au lieu de culte ou aux endroits où l’on a l’habitude de dormir, afin d’éviter autant que possible la transmission de maladies ou de puces, surtout quand les chiens ont l’habitude de trainer dehors sans surveillance, pouvant manger n’importe quoi ou trainer n’importe où (même dans les endroits sales ou contaminés).

Quant aux chiens « totalement noirs » évoqués dans certains ahadiths en des termes « durs » et « catégoriques » (voir par exemple Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3205 et An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4280), il faut savoir que cela ne concerne que les cas où il s’agit d’une apparence trompeuse prise par certains mauvais jinns, – ceux que l’on voit apparaitre parfois ici et là – souvent la nuit et dans des endroits qualifiés d’impurs ou de lugubres sans trop savoir pourquoi et sans retrouver leur trace -, et non pas les vrais chiens dont on sait qui ils sont et qui ont l’habitude d’accompagner des gens sans causer le moindre problème. D’autres encore disent qu’il s’agit là d’une expression ne désignant en réalité que les chiens enragés ou qui répandent des maladies mortelles.

4. L’Islam et sa perspective sur les animaux de façon générale

Allâh a dit : « Nulle bête marchent sur terre, nul oiseau volant de ses ailes, qui ne soit comme vous en espèce. Nous n’avons rien omis d’écrire dans le Livre. Puis, c’est vers leur Seigneur qu’ils seront ramenés » (Qur’ân 6, 38), « espèce » ou « communauté » mais pas nécessairement dans le sens où ils vivent en groupes et en sociétés, car comme certains humains, il y a des espèces qui sont parfois solitaires et ne vivent pas au sein d’une communauté organisée dans la même « société » ou dans le même lieu. Al-Qurtûbî dans son Tafsîr al-Jâmi’ li-Aḥkâm al-Qur’ân au passage qurânique 6/38 écrit : « Ce sont des groupes comme vous en ce sens qu’Allâh le Très-Haut les a créés, pourvoit à leurs besoins et établit la justice entre eux. Ainsi, vous ne devez pas leur faire du tort ou transgresser les limites qui vous ont été imposées [même concernant les animaux et les insectes] ».

« Au milieu des biens qu’Allâh t’a accordés, recherche la Demeure Dernière. Ne néglige pas ta part de ce bas-monde. Sois bon et généreux comme Allâh est Bon avec toi. Ne cherche (et ne sème) pas la corruption sur la Terre. Allâh n’aime pas ceux qui sèment la corruption » (Qur’ân 28, 77), ce verset a une portée générale, et concerne aussi bien les êtres humains que les animaux et les plantes, – tout ce qui se trouve sur terre -, et l’interdiction de semer la corruption et le chaos, et d’être bon et généreux envers Ses créatures.

De nombreux ahadiths prophétiques authentiques et bons abordent le droit des animaux.

Muslim dans son Sahîh n°2582 selon Abû Hurayra que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Les droits de chacun seront restaurés au Jour de la Résurrection jusqu’à ce que la justice soit accomplie, même entre les brebis sans cornes et les brebis à cornes ».

At-Tabarî dans son Tafsîr (6/38) relate le commentaire d’Abû Hurayra par rapport à ce hadîth : « Allâh rassemblera toute la création le Jour de la Résurrection : les bêtes, les créatures, les oiseaux, tout. Alors ils chercheront la justice d’Allâh ce jour-là, même entre les brebis sans cornes et les brebis à cornes ».

Mâlik dans Al-Muwattâ’ n°1696 Al-Bukharî dans son Sahîh n°6009 et dans Al-Adab Al-Mufrad n°378, Muslim dans son Sahîh n°2244 et Abî Dawûd dans ses Sunân n°2550 selon Abû Hurayra rapportent que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Une fois, un homme a eu soif alors qu’il marchait en voyage. Quand il trouva un puits, il y descendit et y but. Puis il sortit et vit un chien pendre sa langue de soif et lécher le sol. L’homme dit : « Ce chien a souffert de la soif comme j’en ai souffert ». Il descendit dans le puits, remplit sa chaussure d’eau et la prit dans sa bouche en montant. Puis il a donné à boire au chien. Allâh a apprécié cet acte, alors il lui a pardonné ». Il a été dit : « Ô Messager d’Allâh, y a-t-il une récompense pour la charité même pour les animaux ? ». Le Prophète a dit : « Dans (et pour) chaque être vivant, il y a une récompense pour la charité [tout acte de bonté et de générosité qui est manifesté envers un être vivant, humain ou animal] » ».

Al-Bukharî dans son Sahîh n°3320, Muslim dans son Sahîh n°1553 Al-Baghawî dans Mishkat al-Masabih n°1901 et At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1382 selon Anâs Ibn Mâlik que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Il n’y a pas un musulman qui ne plante un arbre ou ne sème des graines et qu’ensuite un oiseau, une personne, ou un animal n’en mange sans que cela ne soit considéré pour lui comme une aumône (acte de charité) en sa faveur (le Jour du Jugement dernier) ».

Al-Bukharî dans son Sahîh n°3321, Muslim dans son Sahîh n°2245 Al-Baghawî dans Mishkat al-Masabih n°1902 et An-Nawawî dans son Riyâd As-Salihîn n°126 selon Abû Hurayra rapporte que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Allâh avait une fois pardonné à une prostituée. Elle croisa un chien haletant près d’un puits. Voyant que la soif avait failli le tuer, elle ôta sa chaussure, la noua à son écharpe et puisa de l’eau. Allâh lui a pardonné cela ».

Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3686 (sahîh) rapporte selon Suraqa Ibn Ju’shûm : « J’ai interrogé le Prophète au sujet d’un chameau perdu qui vient boire dans mes citernes que j’ai préparées pour mes propres chameaux : « Serai-je récompensé si je lui donne de l’eau à boire ? ». Le Prophète lui a dit : « Oui, dans chaque être vivant, il y a une récompense pour la charité » ».

Ahmad rapporte dans son Musnad n°24417 (sahîh) qu’Aîsha – la mère des croyants – a rapporté : « J’étais sur un chameau qui se conduisait mal, alors j’ai commencé à lui donner quelques petits coups. Le Messager d’Allâh (ﷺ) m’a dit : « Soyez doux et bons (envers les autres créatures). En vérité, la douceur et la bonté ne se trouvent dans une chose sans qu’elles ne l’embellissent, et ne sont éloignées ou privées d’une chose sans qu’elles ne l’enlaidissent et la déshonorent ».


En d’autres occasions, pour des êtres humains cette fois-ci, – dont des non-musulmans -, le Prophète (ﷺ) tint les mêmes propos, comme rapportés par exemple par Muslim dans son Sahîh n°2594 selon ‘Aîsha, par Al-Bukharî dans son Al-Adab Al-Mufrad n°311 selon ‘Aîsha, etc.

Muslim rapporte dans son Sahîh n°1955, Abî Dawûd dans ses Sunân n°2815, An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4411 et d’autres selon Shaddâd Ibn Aws que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « En vérité, Allâh a prescrit l’excellence et la bienfaisance en toute chose. Si vous devez tuer (par nécessité et par justice), alors tuez de la meilleure manière (sans provoquer de souffrances inutiles). Si vous abattez (un animal afin d’en consommer la viande ou par nécessité), alors abattez de la meilleure manière qui soit. Laissez l’un de vous bien aiguiser son couteau pour que son animal ne ressente aucune douleur (inutile) ».

Ainsi, même quand il faut abattre un animal, car blessé et souffrant sans aucune possibilité de sauver sa vie, soit par nécessité (afin de se protéger de sa menace claire) ou pour le manger en cas de nécessité, l’Islam prescrit une attitude bienveillante et humaine, en limitant le plus possible les méthodes douloureuses et en interdisant la cruauté.

En ce sens, At-Tabarânî dans son Al-Mu’jam al-Awsat n°5884 rapporte selon Anâs (chaîne hassân) que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Si vous devez tuer, alors tuez de la meilleure manière. En vérité, Allâh l’Exalté est excellent et bienfaisant et Il aime l’excellence et la bienfaisance ».

D’autres ahadiths ayant le même sens et rapportés selon d’autres voies ont aussi été transmis et authentifiés, et se renforcent mutuellement, dont ce hadith rapporté par le salaf, traditionniste et juriste Abû Ishaq al-Fazari (m. 183 H/805) dans As-Siyâr sur l’autorité de Khalid et d’Abû Qilabah et d’autres : « Allâh a prescrit la bonté et la bienfaisance en toute chose (pour toute créature) ». Tout cela est confirmé dans plusieurs versets du Qur’ân dont celui-ci : « Faites le bien, car Allâh aime ceux qui sont bienfaisants et excellents (dans leur conduite) » Qur’ân 2, 195).

Al-Bukharî rapporte dans Al-Adab Al-Mufrad n°368 (sahîh) selon Qurra ibn Iyas : « qu’un homme a dit : « Ô Messager d’Allâh, j’aurais abattu un mouton mais j’ai eu pitié de lui. Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Si vous avez eu pitié des brebis, alors Allâh vous fera miséricorde 2 fois ».

An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4440 – sahîh – selon ‘Abdullâh Ibn Ja’far que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit après avoir vu des gens tirer des projectiles sur un bélier : « Ne blessez pas et ne mutilez pas les animaux (en les prenant pour cibles) ».

An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4442 (sahîh) rapporte selon Ibn ‘Umar que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Qu’Allâh maudisse (c-‘est-à-dire prive de bénédictions) celui qui défigure ou mutile (et fait souffrir inutilement) un animal (sans aucune raison juste) »

Muslim dans son Sahîh n°1958 selon Sa’îd Ibn Jubayr et Ibn ‘Umar, An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4441 et 4443 (sahîh) rapportent selon Ibn ‘Abbâs et Ibn ‘Umar que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Ne prenez aucun être vivant comme cible (en l’effrayant ou en le blessant sans raison juste) ».

Al-Bukharî dans son Sahîh n°5515 rapporte selon Sa’îd Ibn Jubayr : « J’étais en présence d’Ibn ‘Umar quand nous sommes passés à côté d’un groupe qui avait attaché un oiseau et ils l’utilisaient comme cible. Quand ils virent Ibn ‘Umar, ils s’enfuirent et l’abandonnèrent. Ibn ‘Umar a dit : « Celui qui a fait cela, alors qu’il sache que le Prophète () a maudit (et blâmé) celui qui a fait cela ». Il a été rajouté ensuite : « Le Prophète (ﷺ) a maudit celui qui a fait « Muthla » à un animal (c’est-à-dire, couper ses membres ou une autre partie de son corps alors qu’il est encore en vie) ».
An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4445 (sahîh) rapporte selon ‘Abdullâh Ibn ‘Amir que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Si quelqu’un tue ne serait-ce qu’un moineau ou quelque chose de plus grand sans juste cause, alors Allâh le Très-Haut lui en tiendra rigueur le Jour de la Résurrection ».

An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4446 (hassân) rapporte selon ‘Amr Ibn Sharid que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Quiconque tue un moineau injustement, (qu’il sache) que le moineau implorera Allâh le Jour de la Résurrection, en disant : « Ô Seigneur, il m’a tué sans raison, et il n’a pas tué dans un but bénéfique » »
An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4439 et n°4440 – sahîh – rapporte selon Hisham Ibn Zayd et une autre narration selon ‘Abdullâh Ibn Ja’far que le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Il est interdit d’utiliser les animaux comme cibles (par plaisir et sans aucune nécessité) ».

Abû Dawûd rapporte dans ses Sunân n°2549 – sahîh – selon ‘Abdullâh Ibn Ja’far que : « Le Prophète (ﷺ) est entré dans un jardin appartenant aux Ansars. Lorsqu’un chameau a vu le Prophète, il s’est mis à pleurer et à émettre des sons au fur et à mesure que ses larmes coulaient. Le Prophète est venu vers lui et lui a caressé la tête, de sorte qu’il est devenu silencieux. Le Prophète a dit : « Qui est le maître de ce chameau ? A qui appartient-il ? ». Un jeune homme des Ansars vint et dit : « Ceci est à moi, ô Messager d’Allâh ». Le Prophète a dit : « Ne craignez-vous pas Allâh à propos de cet animal qu’Allâh a mis en votre possession (sous votre responsabilité) ? En vérité, elle s’est plainte à moi que vous la mainteniez affamée et fatiguée ».

Abû Dawûd dans ses Sunân n°2675 et n°5268 – sahîh – rapporte selon ‘Abd ar-Rahmân Ibn ‘Abdullâh et ‘Abdullâh Ibn Mas’ûd que : « Nous étions en voyage et nous avons vu un moineau rouge qui avait 2 poussins avec lui. Nous avons pris ses poussins, alors le moineau a commencé à battre des ailes. Le Prophète (ﷺ) est venu vers nous et il a dit : « Qui l’a bouleversée en lui enlevant ses petits ? Rendez-lui ses petits ». Il a également vu un groupe de fourmis que nous avions brûlé. Il a demandé : « Qui a brûlé ça ? ». Nous avons répondu : « Nous ». Il dit : « Il ne convient que quelqu’un d’autre que le Seigneur du feu (c’est-à-dire Allâh) punisse par le feu [en référence au châtiment de l’enfer pour les criminels après leur mort] ».

Al-Bukharî dans son Sahîh n°3019, Muslim dans son Sahîh n°2241, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3225, Nasâ’î dans ses Sunân n°4358, Abû Dawûd dans ses Sunân n°5266, rapportent selon Abû Hurayra quele Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Il était une fois un prophète qui se reposait sous un arbre lorsqu’une fourmi le mordit, alors il ordonna que ses bagages soient emportés et que la demeure de la fourmi soit brûlée par le feu. Allâh lui révéla : « Une seule fourmi t’a mordu, mais tu as détruit une nation qui glorifie Allâh ? ».

Et selon une autre narration rapportée par Al-Bukharî dans son Sahîh n°3319 : « Une seule fourmi ne suffisait-elle pas (celle qui t’a attaqué) ? ».

Abû Nu’aym dans son Hilyat al-Awliyâ’ n°137 a rapporté que le Calife ‘Umar ibn Al-Khattâb a dit : « Si une brebis perdue sous ma garde devait mourir sur les rives de l’Euphrate, je m’attendrais à ce qu’Allâh l’Exalté m’interroge à ce sujet le Jour de la Résurrection ».

Le Shaykh ul-Islâm, l’ascète, le théologien, le sûfi, le logicien, le juriste shafi’ite ayant atteint le rang de mujtahid, l’exégète et spécialiste du Qur’ân, le muhaddith et connaisseur de la Sîrah prophétique, le linguiste, le spécialiste des fondements de la Religion et de la Loi, ainsi que le spécialiste des finalités (maqâsid) de la Loi, l’imâm ‘Izz ud-Dîn Ibn ‘Abd as-Salâm (m. 660 H/1262) a écrit dans Qawâ’îd al-Ahkâm fî Islâh Anâm (1/167) : « Les droits des créatures et des animaux sur l’humanité sont les suivants : qu’il pourvoit à leurs besoins, même s’ils ont vieilli ou sont tellement malades qu’il n’en résulte aucun bienfait ; qu’il ne les charge pas au-delà de ce qu’ils peuvent supporter; qu’il ne les associe pas à une autre créature qui pourrait lui faire du mal, soit de leur espèce, soit d’une autre espèce, soit en leur brisant les os, soit en les cognant ou en les blessant ; qu’il les tue avec douceur et qu’il n’écorche pas leurs peaux ou ne leur brise pas les os jusqu’à ce que leurs corps soient devenus froids et sans vie; qu’il ne tue pas leurs petits sous leurs yeux mais qu’il le fait plutôt dans la solitude (à l’écart) ; qu’il rend confortables leurs lieux de repos et d’abreuvement; qu’il met les mâles et les femelles ensemble pendant leurs saisons d’accouplement ; qu’il ne jette pas ce qu’il a chassé ; et qu’il ne leur tire dessus avec rien qui leur brise les os ou leur fasse du mal par quelque moyen que ce soit qui rendrait leur viande interdite à manger ».

L’imâm et Hafîz Ad-Dhahâbî rapporte dans son Siyâr (8/427) que l’ascète, sûfi, savant et Salâf Fudayl Ibn ‘Iyyâd (m. 187 H/803) a dit : « Par Allâh, il ne vous est pas permis de faire du mal à un chien ou à un cochon sans une raison juste et nécessaire, alors comment pouvez-vous faire du mal à un musulman ? ».
Quant à la consommation de viande, celle-ci était autorisée mais rare à l’époque du Prophète (ﷺ) et des Compagnons, réservée généralement pour les grandes occasions (les 2 grandes fêtes musulmanes, certains mariages, la naissance des enfants, etc.) et avec l’intention et l’objectif de partager aussi la viande aux nécessiteux et à ceux qui étaient dans le besoin. Or de nos jours, les musulmans qui vivent dans l’opulence consomment presque tous les jours de la viande, et cela n’est pas donc pas le suivi de la Sunnah du Prophète (ﷺ), même si cela n’est pas en soi « illicite », mais peut le devenir en cas d’excès, de gaspillage, de gloutonnerie, d’avarice et d’égoïsme (manger en grande quantité sans en donner une partie à des gens qui meurent de faim à proximité), etc.

Parmi les animaux très appréciés pour leur compagnie par les musulmans de l’époque du Prophète (ﷺ) et de ses compagnons, citons les chats, les oiseaux, les brebis, les chevaux et les chameaux.


Et Allâh Sait mieux.


1 thought on “L’islam et les animaux – Les polémiques, leurs droits et les règles de l’interprétation

  1. Lecture très intéressante même si assez longue. Au final ça n’en fait qu’un exposé plus complet.
    Il est certes fatiguant de voir des citations tronquées et décontextualisées posées ci et là, et surtout interprétées par des sots pour confirmer leurs apriori sur l’Islam; une synthèse complète permet de bien faire les ménage dans tout ça !

    Barakallahou fik

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