Les nouveaux accords entre l’Iran, la Chine et la Russie : nouveau péril dans la région ou pacification ?

En juillet 2020, l’Iran a signé des accords d’une importance capitale sur 25 ans avec la Chine et la Russie. Ces accords comportent non seulement un aspect économique (une énorme injection de liquidités dépassant les 280 milliards d’investissement, essentiellement dans les secteurs pétrochimiques, gaziers et pétroliers, mais aussi de plus de 120 milliards de $ dans les infrastructures et les transports) mais aussi un volet militaire ce qui suscite une forte indignation de la population iranienne (même de la part de millions d’iraniens habituellement pro-régime), qui tient à son indépendance et qui vit toujours dans l’esprit d’appartenance à une grande civilisation brillante (à travers plusieurs empires) ayant perduré de longs siècles dans le passé, image qu’elle souhaite voir s’actualiser de nouveau dans le présent, mais sans trop savoir où et comment s’orienter.

En raison de l’embargo économique illégitime qui dure depuis 4 décennies sur l’Iran, de la corruption politique et des fortes dépenses qu’exigent la sécurité du pays pour constituer un bouclier de protection et étendre son influence extérieure, l’Iran est au bord de l’effondrement économique, et les nouvelles sanctions américaines qui menacent sévèrement la vie de millions d’iraniens n’ont pas aidé à améliorer la situation globale du pays. Et comme l’Union Européenne (UE) s’étant désengagée de ses promesses et de ses accords en raison des menaces lancées par Washington et Tel Aviv, l’Iran n’avait donc plus d’autres solutions viables que de se tourner vers la Russie et la Chine (deux pays qui entretiennent aussi de très bonnes relations avec Israël).

Les pays européens et les Etats-Unis ne peuvent s’en prendre donc qu’à eux-mêmes, se privant ainsi de nombreuses parts du marché, mais signant probablement la fin de leur hégémonie au Moyen-Orient, où après des décennies de massacres et de coups d’Etat sanglants, il était temps de mettre un terme à leur présence illégitime et immorale dans cette région du monde, où l’Occident est responsable au bas mot de plusieurs millions de morts parmi les seuls civils, sans parler des morts et des problèmes causés par des organisations terroristes qu’ils n’ont pas hésité à soutenir.

Pour autant, est-ce que remplacer les Etats-Unis et l’UE dans la région par la Russie et la Chine serait une bonne chose, sachant que ces deux nations, – possédant chacune une histoire civilisationnelle assez riche et complexe – ont aussi, durant leur histoire politique moderne, énormément de sang sur les mains, connaissent une expérience politique violente et sanglante, et sont eux aussi, englués dans le mondialisme et la mentalité moderne, dans tout ce qu’ils comportent de plus dangereux et malsain, c’est-à-dire, dénués de toute perspective spirituelle et de toute vision éthique dans leurs rapports de force et leurs interactions. N’oublions pas que la Chine est impliquée dans une répression sanglante et systématique de certaines minorités comme les Ouïghours dans la région du Turkestan Oriental (colonisée par la Chine communiste en 1949), approuvant et encourageant la junte militaire au pouvoir en Birmanie contre d’autres minorités (notamment les rohingyas) uniquement pour leurs intérêts économiques (liés ici à leur projet de « route de la soie ») et empiétant sur l’espace maritime d’autres pays comme la Malaisie, le Japon, l’Indonésie, la Corée du Sud et d’autres pays qui s’inquiètent de l’impérialisme chinois, ainsi que les problèmes liés à Taïwan et à Hong Kong où la Chine veut revenir sur leur autonomie, – bien qu’historiquement, la faute a été commise avant tout par les puissances occidentales, mais l’idéologie communiste de la Chine empoisonne clairement toutes ses actions politiques malheureusement -. Doit-on encore rappeler que, dans le cas de la Russie moderne, son ingérence en Syrie, en Ukraine (notamment en Crimée), en Afghanistan, en Libye et en Tchétchénie, est aussi responsable de nombreux massacres, dépassant le million de civils tués ?

Mais pour en revenir aux accords « historiques » en question, en échange de ses investissements, l’Iran donnera la priorité à la Chine et à la Russie dans de nombreux projets économiques et énergétiques, et leur permettra d’avoir fermement un pied militairement dans la région, leur donnant ainsi accès au Moyen-Orient pour s’y déployer militairement, sécurisant ainsi ses frontières, évitant, – ou dissuadant fermement au moins – des pays hostiles à l’Iran de s’en prendre militairement à la sécurité du pays. L’autonomie économique et politique de l’Iran s’en trouvera donc compromise et limitée, ce qui bénéficiera à Israël puisque la Russie et la Chine sont alignées sur la sécurité d’Israël et sa protection, pouvant rassurer ainsi Israël sans l’empêcher de poursuivre pour autant sa politique impérialiste, criminelle et coloniale dans les autres pays de la région. La capacité de nuisance de l’Iran sera elle aussi limitée, puisque soumise alors à l’approbation russo-chinoise. D’un autre côté, l’Iran sera protégé en cas d’attaque, mais la Chine et la Russie ayant des visées impérialistes dans la région, pourront y mener des actions belliqueuses et sanglantes contre les pays musulmans, poursuivant ainsi l’agenda occidental dans la région, – là où l’Occident éprouve désormais de sérieuses difficultés économiques pour entreprendre leurs opérations militaires dans le Moyen-Orient -.

Alors que le monde musulman possède la capacité intellectuelle, scientifique, énergétique, démographique et économique d’assurer elle-même sa sécurité (ne serait-ce que par quelques pays d’envergure comme la Turquie, l’Iran, le Pakistan, la Malaisie, l’Indonésie, le Qatar, l’Egypte et l’Arabie Saoudite), leurs divisions internes ont mené encore une fois les pays musulmans à se tourner vers des puissances non-musulmanes connues pour leur forte corruption politique et leur influence nuisible dans de nombreuses parties du globe, retardant probablement une éventuelle « renaissance civilisationnelle » du monde musulman.

Concernant la population iranienne, même si cet accord n’est pas apprécié dans le fond, la nécessité de recourir à une aide économique extérieure d’envergure relève de la nécessité et le pragmatisme est donc ici ce qui prime, et si cela peut permettre au pays de se développer et d’assurer de millions d’emplois pour les iraniens, la population acceptera globalement ces accords, au moins par nécessité. Reste à voir encore les conditions exactes et ce qu’il restera de l’autonomie iranienne sur le plan politique, et si la présence militaire de forces étrangères sera perçue ou non, comme une nouvelle forme d’occupation, et surtout, ce qu’en penseront aussi les autres pays de la région, qui ne souhaitaient nullement voir la présence militaire de la Russie et de la Chine, sachant qu’une fois qu’ils y sont « invitées » (dans des contextes houleux et flous), il sera extrêmement difficile de les en faire sortir, à l’instar des puissances occidentales.

Les conditions de l’accord seront-elles aussi humiliantes que les accords passés entre la Syrie et la Russie, où la mafia Assad a « vendu » la Syrie à la Russie, et où les crimes de guerre (viols, pillages, tortures, assassinats, massacres de civils, etc.) commis par des soldats ou mercenaires russes ne seront pas passibles de condamnations et de sanctions. Sans toutefois aller jusque-là, puisque le pouvoir politique iranien est nettement plus solide et puissant que celui du régime syrien, et où il n’y a pas encore de guerre civile, de multiples questions se posent à ce sujet, notamment dans le cadre des répressions éventuelles contre de futures manifestations.


D’autres questions aussi se posent, comme le devenir des sanctions américaines sur l’Iran, puisque ces accords permettent de les rendre globalement inopérantes. La Russie et la Chine seront-elles aussi, lourdement sanctionnées et concernées par la politique des sanctions américaines ? Comment réagira l’UE à l’égard de ces 3 pays dorénavant, sachant que leurs relations n’étaient déjà pas au beau fixe ?

La politique menée par Donald Trump reste assez floue, puisque le retrait de nombreuses troupes américaines de toute la région, les problèmes internes aux Etats-Unis, la guerre économique ouverte contre l’Iran et la Chine, les attaques économiques menées contre la Turquie, le financement des groupes terroristes marxistes pour nuire à la Turquie, l’instrumentalisation de la cause ouïghoure et de Hong Kong pour nuire à la Chine, la guerre économique contre l’Arabie Saoudite (la « crise du pétrole ») qui s’est rapprochée de la Russie, permet difficilement de voir où tout cela va les mener, puisque in fine, cela contribue à renforcer les différents pays hostiles à l’impérialisme américain. Les difficultés économiques rencontrées par les Etats-Unis devaient forcément les obliger à réorganiser leurs troupes, à redistribuer les cartes, à se retirer de certains endroits pour se focaliser plus sur leurs priorités du moment (combattre l’influence de la Chine et de la Russie, et contenir l’influence et la croissance de la Turquie et de l’Iran).

Les choses vont assurément changer dans les semaines à venir, et il faudra s’y préparer.


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