Les accusations contre les Sûfis qui font le Dhikr par « Allâh » et « Huwa (Lui) »

Il n’est pas rare d’entendre les habituelles accusations d’innovations ou d’hérésies visant les Sûfis et les Musulmans vertueux qui suivent la Voie spirituelle, pour certaines formes de dhikr, parmi lesquelles « Allâh », « Huwâ », « Hâ » ou « Hû ». Or, ces noms sont tirés directement du Qur’ân et de la Sunnah. Et parmi les règles élémentaires, il y a la permission de tout ce qui n’a pas été interdit quand il s’agit du fiqh, ou de tout ce qui ne contredit pas le Qur’ân et la Sunnah, quand il s’agit de la doctrine, du dhikr ou de l’invocation. N’est-il pas une sunnah recommandée, que de réciter ou ne transmettre que certains versets, enseignements ou lettres du Qur’ân, tant que le sens et celui qui le reçoit ne soit pas trompeur ou induit en erreur ?

Les références à ce type de dhikr, interdit surtout par des Salafis ne maitrisant pas la science ni le Qur’ân, sont pourtant nombreuses dans le Qur’ân et la Sunnah.

On citera quelques exemples :

« Il y a certes des signes pour les doués d’intelligence, qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, évoquent Allâh … » (Qur’ân 3, 190-191)

 « Dis : « Allâh », puis laisse-les divaguer dans leurs vaines disputes » (Qur’ân 6, 91).

 Ce verset constitue un fondement qu’évoquer Allâh par Son Nom d’Essence est permis, car Il le dit explicitement, or l’évocation est le contraire de l’occupation futile, ce qui renforce encore cette permission.

Le Shaykh Ad-Darqawî a dit dans An-Nûr al-mabghî fî rasâ’il wa ash’âr : « Ce dikhr qui est l’invocation du Nom de Majesté — Allâh — possède en effet une lumière par laquelle il surpasse toutes les invocations. C’est son pouvoir qui gouverne tous les Noms divins, car il est le Nom de l’Essence rassemblant tous les Noms et tous les Attributs. Allâh en a fait allusion en disant : « Dis : « Allâh », puis laisse-les divaguer dans leurs vaines disputes. » (Qur’ân 6, 91) et Abû Madyan al-Gawth a dit : Dis : Allâh, et laisse l’Univers et tout ce qu’il contient,

Si ton désir est d’atteindre la perfection.

Tout ce qui n’est pas Allâh, si tu le vérifies,

Est néant (‘adam), globalement comme en détail » ».

Ibn ‘Arabi dit dans ses Futûhât al-Makkiyya (2/229) : « Lorsqu’il ne restera plus un seul de ces serviteurs [qui disent « Allâh, Allâh … »], ce monde n’aura plus de raison d’être : il s’anéantira alors. Nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, pratiquent l’invocation du Nom Allâh sans le faire avec l’effort de la mise en Présence dont nous avons parlé. La prononciation du Nom sans mise en Présence n’a pas de valeur [par les gens avancés dans la Voie qui doivent s’efforcer d’être en Présence d’Allâh] ».

Il dit encore dans ses Futûhât (chap. 361 : Demeure spirituelle correspondant à la 23e Sûrah) : « Le Prophète (ﷺ) a dit : « L’Heure ne se lèvera pas tant que demeurera sur la surface de la terre quelqu’un pour dire : « Allâh, Allâh ». Il ne s’est pas contenté d’une seule mention de ce nom, mais il l’a répété 2 fois pour confirmer que ce dhikr était fait au moyen d’un terme isolé, sans adjonction d’une attribution quelconque, et en maintenant le hâ final non vocalisé. Il s’agit en réalité d’un commentaire de la parole qurânique : « Pratiquez le dhikr d’Allâh avec constance », c’est-à-dire en répétant ce nom… et aussi un commentaire de la Parole divine : « Et en vérité le dhikr d’Allâh est plus grand (wa la dhikr Allâh akbar) » (Qur’ân 29, 45). Dans ce hadîth, il a mentionné le nom « Allâh » à l’exclusion de tout autre ; et cela parce qu’il avait la charge d’expliquer aux gens le sens (universel) de la Révélation qui lui était faite. Si le fait pour l’homme de dire « Allâh, Allâh » n’avait pas pour effet d’assurer la sauvegarde de ce monde dans lequel ce dhikr est pratiqué, (le Prophète) n’aurait pas lié à la cessation de ce dhikr la fin du monde au sein duquel il est pratiqué, c’est-à-dire ce bas-monde (dunya). Ce dhikr est notre dhikr et celui du maître qui nous a fait entrer dans la Voie. Aucun autre dhikr n’a une utilité comparable. Quand Allâh a dit : « En vérité le dhikr d’Allâh est plus grand », Il n’a pas mentionné la forme d’aucun autre dhikr, en dépit de leur nombre. Les Gens d’Allâh en font leur unique dhikr, ce qui produit dans leur cœur un effet immense (amran ‘azîman), qu’aucun autre dhikr ne produit. Un savant qui s’en tenait à l’extérieur des choses ne voyait pas l’utilité de ce dhikr en arguant du fait qu’il s’agit (grammaticalement) d’un sujet (mubtada’) sans prédicat (khabar), alors que tout sujet en requiert un. Ce qu’on peut lui répondre, c’est que le prédicat ne doit pas nécessairement résider dans la phrase énoncée : en l’occurrence, l’utilité se manifeste plutôt chez celui qui pratique l’invocation, au moment où il la pratique au moyen de cette parole (c’est-à-dire le nom « Allâh ») à l’exclusion de toute autre. Ce dhikr produit à l’intérieur de l’invocateur la lumière d’un dévoilement qu’il est seul à pouvoir produire ; mieux encore : il est suivi d’un « prédicat » extérieur qui ne se manifeste pas dans une parole proférée, comme c’est le cas quand la relation (grammaticale) concerne une réalité transcendante (dont le sens est inexprimable), ou encore lorsqu’une louange est faite au moyen d’un acte (et non d’une parole) ».

En effet, le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « L’Heure ne se lèvera pas tant que demeurera sur la surface de la terre quelqu’un pour dire : « Allâh, Allâh » » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°148 selon Anas).

Il a été notamment commenté par l’imâm An-Nawawî dans son Sharh du Sahîh Muslim : « Sache que les narrations de ce hadith sont unanimes à propos de la répétition du Nom d’Allâh l’Exalté, pour les 2 versions, et que c’est ainsi qu’on les trouve dans tous les ouvrages qui font autorité ».

L’imâm Muslim place ce hadith en exergue au chapitre sur la disparition de la foi à la fin des temps, bien qu’il n’y ait aucune mention de la foi dans le hadith. Cela montre que dire « Allâh ! Allâh ! ». exprime la foi. Ceux qui le disent expriment donc la foi, alors que ceux qui ne le disent pas ont un manquement à ce niveau.

Historiquement, c’est bien depuis que l’hostilité aux Saints, au Tasawwuf et aux gens de la Voie s’est renforcée au sein du monde musulman plongé dans la décadence et l’amoindrissement de la spiritualité, que les plus grands signes annonçant la fin des temps se sont manifestés et accélérés. Or, comme le dit le hadith Qudsî dans lequel le Messager d’Allâh (ﷺ) a rapporté qu’Allâh a dit : « Celui qui a de l’inimitié et de l’hostilité pour un Ami (Saint, Rapproché) à Moi, Je lui déclare (aussi) les hostilités. Le serviteur ne peut se rapprocher de Moi par quelque chose qui Me soit plus aimé que ce que J’ai rendu obligatoire sur lui. Et le serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi par les actions facultatives, jusqu’à ce que Je l’aime. Alors, lorsque Je l’aime (de façon singulière), Je deviens son ouïe par laquelle il entend, sa vue par laquelle il voit, sa main par laquelle il attrape et son pied par lequel il marche ; s’il Me demande quelque chose, Je le lui accorderai, et s’il Me demande Ma protection, Je la lui donnerai » (Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°6137).  Il s’agit donc de suivre non seulement la Loi exotérique – fondée sur des obligations morales et rituelles et l’abstention de commettre les interdits religieux – mais aussi d’approfondir notre relation au Divin par ce qui est surérogatoire concernant les actes de dévotion, ainsi que d’accomplir tout ce qui est louable, bénéfique et vertueux. On sait aussi que les plus grands partisans et pratiquants du Dhikr, sont les Sûfis et leurs disciples vertueux.

D’autres versets autorisent ce genre de dhikr, de façon générale :

« Évoquez, appelez et invoquez-Moi, Je vous répondrai » (Qur’ân 40, 60).

« Ô les croyants! Craignez Allâh, cherchez le moyen de vous rapprocher de Lui » (Qur’ân 5, 35).

« Rappelle le Nom de ton Seigneur et dévoue-toi à Lui profondément » (Qur’ân 73, 8).

« À Allâh appartiennent les Noms les plus beaux . Invoquez-Le par eux » (Qur’ân 7, 180).

« Gloire à Lui ! C’est Lui Allâh, l’Unique, le Dominateur Suprême » (Qur’ân 39, 4).

« Il vous a créés d’une personne unique et a tiré d’elle son épouse. Et Il a fait descendre [créé] pour vous (…) A Lui appartient toute la Royauté. Point de divinité à part Lui » (Qur’ân 39, 6).

Il est établi que Bilâl utilisait le dhikr « Ahad ! Ahad ! » pendant qu’il subissait la torture. Ibn Hisham raconte dans sa Sirah et Ibn Hajar dans Al-Isâba (1/171, 732) : « Le Compagnon Bilâl était un musulman très croyant, au cœur pur … Umayya ibn Khalaf avait l’habitude de le faire sortir au moment le plus chaud de la journée, de le jeter sur le dos en plein milieu de la vallée et de lui poser un énorme rocher sur la poitrine. Puis il lui disait : « Tu resteras ici jusqu’à ce que tu meures ou que tu renies Muhammad pour adorer al-lat ou al-`Uzzat ». Lui répétait, en endurant son supplice : « Ahad ! Ahad ! – Un ! Un ! » ».

Et de façon générale encore, il y a ce hadith où le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Quiconque initie ou introduit en islam une bonne sunnah (tradition, pratique) en recevra la rétribution et une rétribution égale à ceux qui la perpétuent après lui sans que cela n’amoindrisse leur rétribution. Quiconque initie ou introduit en islam une mauvaise sunnah (tradition, pratique) en portera le péché et un péché égal à ceux qui la perpétuent après lui sans que cela ne les décharge de leur péché » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1017, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2675 selon Ibn Jarîr Ibn ‘Abdullâh, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°203 selon Mundhir Ibn Jarîr et n°207 selon Abû Juhayfa sur le fait d’introduire une bonne sunnah/pratique, et At-Tirmidhî n°2677 et Ibn Mâjah n°209 selon Kathir Ibn ‘Abullâh concernant le fait de revivifier une sunnah et d’autres). Et cela a été défini selon le Qur’ân, la Sunnah et les Sahaba, concernant la « bonne sunnah » comme étant celle visant à faciliter ou à concrétiser les principes et la finalité de la Religion (en termes de science, de spiritualité, de justice sociale et politique, de santé, de dignité et de bien-être pour les gens) et de ce qui n’abroge pas ou ne contredit pas les sunân prophétiques et les finalités de la Religion. Et parmi les mauvaises traditions (sunân), il y a ce qui contredit le Qur’ân et la Sunnah, et entraine ce qui est interdit, répréhensible et blâmable, que ce soit en termes de superstitions, de croyances, de pratiques sociales, de mauvais comportement, de gaspillage, d’oppression, de pollution, etc. Ce hadith est soutenu notamment par le verset suivant : « Ô les croyants ! Craignez Allâh, cherchez le moyen de vous rapprocher de Lui et luttez pour Sa cause. Peut-être serez-vous de ceux qui réussissent ! » (Qur’ân 5, 35).

Il est aussi connu que des Compagnons du vivant du Prophète (ﷺ) ont formulé leurs propres invocations, et le Prophète (ﷺ), entendant cela, approuva leur pratique de façon générale, tant que les invocations ne contenaient rien d’interdit ou de malsain. Après le Prophète, les Compagnons et leurs disciples ont aussi « innové » dans la codification des sciences, les terminologies linguistiques dans les sciences islamiques, comme les termes « tawhîd » et « ‘aqida », mais qui servaient à désigner uniquement les réalités sont puisées du Qur’ân et de la Sunnah.

L’imâm et Shaykh ul-Islâm Al-Bayhaqî rapporte d’ailleurs dans son Manaqib (1/468), cette parole de l’imâm As-Shafi’î : « Les innovations sont de deux types : l’un est ce qui est innové et qui rentre en conflit avec le Livre (Qur’ân), la Sunnah, un rapport d’un Compagnon [athar] ou un consensus ; cette innovation est un égarement. L’autre type est ce qui est innové à partir du bien et qui ne rentre pas en conflit avec quoi que ce soit de ce qui est précédemment cité ; il s’agit alors d’une innovation qui n’a rien de blâmable ».

L’imâm et Shaykh ul-Islâm an-Nawawî a écrit à ce propos en commentant l’ouvrage Al-Qawa’id Al-Kubrâ : « L’innovation est divisée en celle qui est obligatoire (wâjiba), interdite (muharrama), recommandée (mandûba), déconseillée (makrûha) ou indifférente (mubâha). La manière de décider est d’examiner l’innovation à la lumière des règles de la Loi (qawâ’id al-sharî’ah). Si elle tombe dans le champ des obligations (îjab), elle est donc obligatoire, si elle tombe dans le champ des interdictions, elle est interdite (tahrîm), dans le champ des recommandations, elle devient recommandée, déconseillé si elle concerne ce qui l’est et permise si elle touche aux permissions ».

L’imâm et Shaykh ul-Islâm al-‘Izz ibn Abd as-Salâm a écrit dans Qawa’îd al-Kubrâ : « La bid’a, c’est un acte qui n’a pas été connu à l’époque du Prophète Muhammad, mais elle se divise en 5 catégories : obligatoire, interdite, recommandée, déconseillée, autorisée ».

Il est correct également, dans les actes de dévotion trouvant déjà leurs fondements dans l’Islam (comme le dhikr par exemple) d’y introduire ses propres inspirations ou méditations tant qu’elles ne contredisent pas le Qur’ân et la Sunnah, par exemple le fait d’accomplir le dhikr et les invocations par des formules dans les fondements résident dans le Qur’ân et la Sunnah, même si le Prophète Muhammad (ﷺ) ne les a pas explicitement prononcées (ou du moins, des paroles qu’il a pu dire mais qui n’ont pas forcément été consignées dans des livres), comme le prouvent les ahadiths suivants : « Anas — qu’Allâh l’agrée — dit : « J’étais assis avec le Messager d’Allâh (ﷺ) dans son assemblée, quand un homme arriva, salua le Messager (ﷺ) et les gens (qui étaient là) disant : « Que la paix soit sur vous ainsi que la miséricorde d’Allâh ». Le Messager (ﷺ) répondit : « Que la paix soit sur vous ainsi que la miséricorde d’Allâh et Ses bénédictions ». Une fois assis, l’homme dit : « Louange à Allâh une louange abondante, agréable et bénie, comme notre Seigneur aimerait qu’on le loue et comme il Lui sied ». Le Messager d’Allâh (ﷺ) lui demanda : « Qu’as-tu dit ? ». L’homme lui répéta ce qu’il venait de dire. Le Prophète (ﷺ) dit : « Par Celui Qui détient mon âme, 10 anges se sont précipités à qui la consignerait en premier, mais ils ne surent comment la consigner jusqu’à ce qu’ils l’eurent élevé au Tout-Puissant qui leur ordonna : « Consignez-la telle que mon serviteur l’a dite » ». (Rapporté par Ahmad dans son Musnad, par An-Nasâ’î dans ses Sunân et par Ibn Hibbân dans son Sahîh, sauf que ces 2 derniers le rapportèrent selon la variante : « comme Il aime et agrée » ; voir aussi Al-Mundhiri dans At-Targhîb wa at-Tarhîb, dans le chapitre du dhikr et des invocations).

Selon `Abdallâh Ibn `Umar : « Le Messager d’Allâh (ﷺ) leur parla de l’un des serviteurs d’Allâh ayant dit : « Seigneur, louange à Toi comme il sied à Ta noble Face et à Ton immense Pouvoir ». Ne sachant pas comment consigner cette parole, les 2 anges montèrent au ciel et dirent : « Seigneur, il a dit une parole que nous ne savons pas inscrire ». Allâh dit et Il est certes parfaitement informé de la parole de Son serviteur : « Mon serviteur qu’a-t-il dit ? ». Ils répondirent : « Seigneur, il a dit : « Seigneur, louange à Toi comme il sied à Ta noble Face et à Ton immense Pouvoir » ». Il leur dit alors : « Inscrivez-la telle que Mon serviteur l’a dite jusqu’à ce qu’il Me rencontre pour que Je l’en rétribue » » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad, Ibn Mâjah dans ses Sunân et d’autres selon ‘Abdullâh Ibn ‘Umar).

Le Compagnon Abû Sa’îd Al-Khudri rapporte : « Mu’awiyah a dit : « Le Messager d’Allâh (ﷺ) arriva vers un cercle – (formé par ses compagnons) – et dit : « Que faites-vous donc ? ». Ils dirent : « Nous sommes réunis pour prier Allâh et Le louer pour nous avoir guidés vers Sa religion et nous avoir béni par ta personne ». Il répondit : « Je vous demande, par Allâh, est-ce la seule raison ? ». Ils répondirent : « Par Allâh, nous ne nous sommes pas réunis pour une autre raison ». Il dit alors : « Je ne vous demande pas de prêter serment par soupçon, mais plutôt parce que (l’ange) Jibril est venu à moi et m’a dit que Allâh, le Puissant et Sublime, vous vante auprès des anges » (Rapporté par An-Nasaï dans ses Sunân n°5428, Muslim dans son Sahîh n°2701, At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3326, Ahmad dans son Musnad n°16488, Ibn Hibbân dans son Sahîh n°820 et tant d’autres). Ce hadith peut être mis en lien avec ce verset du Qur’ân où Allâh dit : « Et quant au bienfait de ton Seigneur, proclame-le ! » (Qur’ân 93, 11). Muhammad Hamidullah dit en commentaire de ce verset : « Les musulmans se basent sur ce verset pour célébrer la fête du Mawlid ou la naissance du Prophète (ﷺ). Pour un croyant, quel bienfait divin plus grand que celui-là ! ». Par ailleurs, il s’agit aussi d’une question de fiqh, et rien ne l’interdit, ni dans le Qur’ân ni dans la Sunnah, et bien au contraire, cela se justifie par les finalités de l’Islam et de la Loi, tout comme le fait d’assister à des séminaires ou des conférences sur la Religion, la Sunnah, les sciences utiles, la biographie de certaines personnalités influentes ou qui méritent d’être connues ou méditées, etc.

Et il y a encore beaucoup d’autres exemples, dans la Sunnah ou dans les pratiques datant de l’époque des califats bien-guidés, qui abondent dans le même sens.

N’est-il pas étrange, que l’on trouve généralement chez ceux dont leur cœur ne vibre pas intensément pour Allâh, et qui ne cherchent pas à adapter leur comportement extérieur et leurs états spirituels intérieurs au Modèle prophétique Muhammadien, de toujours blâmer les Rapprochés d’Allâh, et ceux dont l’âme et le cœur sont en Sa Présence, et s’évertuent à accomplir Sa Loi en même temps que tous les nobles traits de caractère et les pratiques spirituelles accomplies par Son Messager (ﷺ) et les plus grands de ses Compagnons ? A chaque fois que des Musulmans vertueux manifestent trop d’amour pour Allâh et Son Messager, on trouve les mêmes, surtout à notre époque, – notamment chez nombre de Salafis -, pour les blâmer, avec des arguments fallacieux qui contredisent le Texte et l’Esprit du Qur’ân et de la Sunnah.

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Mettez-vous en route car les esseulés, ceux qui remuent (al-muhtazzûna) au Souvenir d’Allâh, vous ont déjà précédés ». On demanda alors (au Prophète) qui étaient les esseulés. Il (ﷺ) dit : « Ce sont ceux qui aiment éperdument l’invocation et l’évocation d’Allâh, laquelle les soulage des lourdeurs (de ce bas-monde) dont ils souffrent. C’est ainsi qu’ils rencontreront Allâh le Jour de la Résurrection, avec un coeur léger » (Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3945 selon Abû Hurayra avec une bonne chaîne, par As-Suyûtî dans al-Jâmi’ as-Saghîr, par Al-Munawî dans Fayd al-Qadîr 4/121 n°4651, An-Nawawî dans son Sharh Sahîh Muslim n°1436 et d’autres).

Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit aussi : « Les mufaridûns ont dépassés les autres ». Les Compagnons ont dit : Ô Messager d’Allâh, qui sont les mufaridûns ? Le Prophète (ﷺ) a dit : « Ceux qui font beaucoup de dhikr, hommes et femmes » » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2676 selon Abû Hurayra). Ce que le Qur’ân confirme : « Ô vous qui croyez ! Invoquez et évoquez souvent le Nom d’Allâh ! Louez-Le matin et soir » (Qur’ân 41, 42).

Quant aux modalités du dhikr, en groupe, à voix haute, avec ou sans balancement, d’une part rien ne l’interdit dans le Qur’ân et la Sunnah, et d’autre part, des textes généraux et précis l’autorisent.

Le Qur’ân dit : « Ceux qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent et évoquent Allâh et méditent sur la création des cieux et de la terre : « Seigneur ! Tu n’as pas créé cela en vain » (Qur’ân 3, 191). Ce verset a une portée générale, et autorise donc de faire du dhikr et des invocations en étant debout, assis ou couché, sans restriction concernant la voix haute ou la voix baisse, seul ou en groupe, avec ou sans balancement, tant que les règles de la bienséance et la décence sont respectées.

De même avec ce verset : « Quand vous avez accompli la Salât, invoquez et évoquez Allâh, debout, assis ou couchés sur vos côtés. Puis lorsque vous êtes en sécurité, accomplissez la Salât (normalement), car la Salât demeure, pour les croyants, une prescription, à des temps déterminés. » (Qur’ân 4, 103).

« … évoquez et invoquez abondamment Allâh afin que vous réussissiez » (Qur’ân 62, 10).

« Fais preuve de patience en compagnie de ceux qui invoquent et évoquent leur Seigneur, matin et soir, recherchant Sa satisfaction et ne détourne pas ton regard d’eux » (Qur’ân 18, 28).

Si plusieurs versets mentionnent les vertus et l’importance du dhikr et des gens qui s’y adonnent avec sincérité et piété, tout en autorisant les différentes stations physiques pour le faire (debout, assis, couché), aucune indication ne permet de les restreindre, et dans la Sunnah non plus.

L’imâm As-Suyûtî a réuni de nombreux ahadiths authentifiés ou validés qui prouvent la permission du dhikr à voix haute et en groupe, dans son Natîjatu al-Fikri Fi al-Jahr Fi al-Dhikr – Al-Hawî Al-Fatâwâ. Il rapporte, entre autres, ce hadith prophétique rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°7405 : « Allâh dit : « Je suis conforme à la bonne opinion que se fait de Moi Mon serviteur et Je suis avec lui s’il M’évoque, s’il M’évoque en lui-même Je l’évoquerai en Moi-même, et s’il M’évoque en assemblée, Je l’évoquerai dans une bien meilleure assemblée. Et s’il s’approche de Moi d’un empan, Je Me rapproche de lui d’une coudée ; et s’il s’approche de Moi d’une coudée, Je Me rapproche de lui d’une distance de 2 bras étendus ; et s’il vient à Moi en marchant, Je me hâte d’aller vers lui » (Rapporté aussi par Muslim dans son Sahîh n°2675, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3822, At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3603). L’imâm Suyûtî explique qu’il n’y a aucune raison pour que le Hadith possède la formulation supplémentaire « en assemblée » s’il est fait dans un mode silencieux, sinon c’est équivalent à la formulation « en lui-même ». Par conséquent, il ne peut s’agir que de voix haute dans une assemblée, c’est pourquoi il ajoute : « Le Dhikr fait en assemblée ne peut être qu’à voix haute (lâ yakûna illâ ‘an jahri) ».

Le Prophète (ﷺ) a dit : « Lorsque vous passez par les Jardins du Paradis, promenez-vous-y ». On demanda : « Et que sont les jardins du Paradis, ô Messager d’Allâh ? ». Il répondit : « Les cercles de Dhikr. Allâh — Exalté soit-Il — possède des anges qui arpentent la terre à la recherche des cercles de dhikr, et, quand ils en trouvent, ils les entourent » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad, At-Tirmidhî dans ses Sunân, At-Tabrizî dans Mishkat al-Masabih n°2271 selon Anas, Al-Hakim dans Al-Mustadrak qui l’authentifie, Al-Bazzâr dans son Musnad et d’autres).

Le Prophète (ﷺ) a dit : « Il n’est pas un groupe de gens qui s’assoient (ensemble) pour évoquer Allâh sans que les anges les entourent, que la Miséricorde Les recouvre, que la Sérénité descende sur eux, et qu’Allâh les mentionne à ceux qui se trouvent auprès de Lui » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2700 et An-Nawawî dans Riyad as-Salihîn n°1448 selon Abû Hurayra et Abû Sa’îd al-Khudrî).

At-Tabarânî et Ibn Jarîr rapportent d’après de ‘Abd ar-Rahman Ibn Sahl Ibn Manîf qui a dit : « Allâh a révélé le verset au Prophète alors qu’il se trouvait dans une de ses maisons : « Fais preuve de patience en compagnie de ceux qui invoquent et évoquent leur Seigneur, matin et soir, recherchant Sa satisfaction ! Ne les quitte pas pour courir après les plaisirs (matériels) de ce monde ! N’obéis pas à celui dont Nous avons rendu le cœur inattentif à Notre rappel, qui suit ses passions et se complaît dans ses excès ! »(Qur’ân 18, 28). Alors, le Prophètequitta [sa maison] afin de les trouver et il trouva des gens qui pratiquaient le souvenir (Dhikr) d’Allâh Le Très-Haut. Parmi eux, il y avait ceux qui avaient les cheveux ébouriffés et ceux qui étaient très minces et ceux dont les vêtements se composaient uniquement d’un drap blanc. Alors, quand il les vit, il s’assit avec eux et il dit : « Toutes les Louanges appartiennent à Allâh, qui a placé dans ma communauté (de telles personnes) et qui m’a ordonné d’être satisfait d’eux ».

On a rapporté que : « Salmân (al-Farisî) était plongé dans le souvenir d’Allâh (Dhikr) lorsque le Prophète (ﷺ) passa et dit : « Qu’êtes-vous donc tous en train de dire ? ». Nous avons dit : « Nous nous souvenons d’Allâh ». Il (ﷺ) répondit : « En effet, j’ai vu la miséricorde (d’Allâh) descendre sur vous et j’adorerai me joindre à vous [pour le Dhikr d’Allâh] ». Puis il a dit : « Toutes les Louanges appartiennent à Allâh, qui a placé dans ma communauté (de telles personnes) et qui m’a ordonné d’être satisfait d’eux » (Rapporté par Ahmad dans Kitâb az-Zuhd selon Thâbit).

Il est rapporté aussi : « Effectivement, le Messager d’Allâh a dit à quelqu’un : « Ne devrais-je pas te dire sur quelle structure repose tout le bien dans cette vie et dans l’au-delà ? ». Il répondit : « Oui, bien sûr ». Le Prophète répondit : « Reste fermement attaché aux assemblées de Dhikr ! Et si tu es seul, alors continue à mouvoir ta langue dans le Dhikr d’Allâh » (Rapporté par Al-Asbahânî dans at-Targhib selon Abû Razîn al-‘Aqîlî).

Al-Bukharî et Muslim dans leur Sahîh ont rapporté qu’Ibn ‘Abbâs a dit : « Effectivement, à l’époque du Prophète les gens prononçaient le Dhikr à voix haute au sortir de la prière (…). Je (Ibn ‘Abbâs) pouvais savoir quand ils avaient terminé leur prière, car je pouvais alors les entendre faire le Dhikr ».

Commentant le hadîth d’Ibn ‘Abbâs, l’imâm An-Nawawî dit dans son Sharh du Sahîh Muslim (5/84) dit : « Ceci appuie la sentence de certains de nos prédécesseurs selon qui il est recommandable de hausser la voix en faisant le takbîr et en faisant le dhikr à l’issue des prières prescrites ».

Quant au balancement, l’imâm ‘Alî a dit : « J’ai rendu visite au Prophète (ﷺ) en compagnie de Ja’far et de Zayd Ibn Haritha. Le Prophète (ﷺ) dit à ce dernier : « tu es mon affranchi ». Zayd se mit à sauter sur un seul pied en tournoyant autour du Prophète (par excès de joie ; extase spirituelle). Puis, s’adressant à Ja’far le Prophète (ﷺ) dit : « Quant à toi, tu me ressembles physiquement et moralement ». Ja’far, à son tour, se mit à faire comme Zayd. Puis, le Prophète (ﷺ) dit à ‘Alî : « Tu es de moi et je suis de toi ». ‘Alî se mit alors à imiter les pas de danse de Ja’far » (Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°860, Ahmad Muhammad Shakir l’a authentifié dans son Riyadh, éd. de 1949 ; il est également rapporté par ‘Uqayli, Abû Nu’aym selon Jabir, et Ibn Sa’d dans ses Tabaqat al-Kubrâ avec une chaîne sahîh remontant à Muhammad al-Bâqir, et Shaykh GF Haddad dans son édition de « Sunna Notes » dit que c’est « une narration valable de ‘Ali par l’imâm Ahmad, Al-Bazzâr dans son Musnad avec une chaine sahîh selon Al-Haythami dans Majmâ’ Az-Zawâ’id 5/157, Al-Bayhaqī dans son As-Sunân Al-Kubrâ n°15548 et 20816, Ibn Abî Shaybah dans son Musannaf et d’autres, en somme, si l’une des chaines a été critiquée à cause de Hâni’ Ibn Hâni’ – d’autres l’ont considéré comme quelqu’un digne de confiance – thiqâ – comme Ahmad, Ibn Hibbân et Al-‘Ijili -, les autres chaines sont hassân ou sahîh).

Al-Bayhaqî dit dans As-Sunân al-Kubrâ (10/226) : « A supposer que le hadith soit sahîh, on y trouve un argument en faveur de la permission de ladite « danse » consistant à sauter en alternant le pied d’appui en guise d’exprimer sa joie. Une telle danse est permise ».

Les positions en cercle, avec ou sans balancement, sont mentionnées dans les ahadiths et les récits concernant les Sahaba.

‘Abdullâh Ibn ‘Umar rapporte avoir entendu le Messager d’Allâh (ﷺ) dire du haut du minbar : « « Al-Jabbâr (c’est-à-dire Allâh) prend dans Sa « main » Ses cieux et Ses terres » et de sa main le Prophète fit le geste de fermer le poing puis de l’ouvrir, après quoi il dit : « Je suis al-Jabbâr ! Je suis al-Malik (le Roi) ! Où sont les tyrans ? Où sont les arrogants ? » et disant cela, le Messager d’Allâh (ﷺ) se balançait de droite à gauche. Je regardais alors le minbar et le vis bouger lui aussi, au point que je me suis demandé s’il n’était pas tombé avec le Messager d’Allâh » (Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân, kitâb az-zuhd, n°4273, sahîh).

Al-Jabbâr est l’un des Noms d’Allâh, qui signifie Le Restaurateur irrésistible et ultime de la solidité, de la droiture et de l’intégrité de toute chose selon son état initial. Le Messager d’Allâh ﷺ rappelait ici l’importance du dhikr, – qui purifie l’âme des tendances négatives et obscures de l’âme -, en même temps qu’il condamnait l’attitude tyrannique et arrogante de certains humains, au point qu’ils en oublient qui est véritablement Al-Jabbâr et Al-Malik. On apprend aussi de ce hadîth, que le Prophète Muhammad ﷺ remuait aussi (parfois énergiquement) durant le dhikr. La subtilité ici est aussi que le dhikr d’Allâh permet de préserver l’être humain de la tyrannie et de l’arrogance, puisqu’il se coupe des attaches matérielles de ce bas-monde et qu’il se rappelle Allâh et Ses ordres, – qui interdisent et blâment la tyrannie et l’arrogance -.

L’imâm ‘Alî, tout en faisant l’éloge des (autres) Compagnons du Prophète (ﷺ), les décrivait ainsi dans leur dévotion religieuse et spirituelle : « J’ai vu les Compagnons du Messager d’Allâh, et je ne vois aujourd’hui plus personne qui ne leur soit comparable : par Allâh lorsque le matin se levait sur eux, ils avaient le visage pâle, les cheveux ébouriffés et le corps recouvert de poussière. Entre leurs yeux se trouvait la marque de leurs prosternations, après qu’ils aient passé toute la nuit à réciter le Livre d’Allâh (Qur’ân) oscillant d’arrière en avant, et invoquant et évoquant Allâh en se balançant comme se balance l’arbre dans un jour de vent fort. Par Allâh, et leurs yeux s’emplissaient de larmes jusqu’à mouiller leurs habits » (Rapporté par Ibn Kathîr dans Al-Bidâya wa an-Nihâya, par Abû Nu`aym dans son Hilyat al Awliyâ 1/76 et 10/388, par Ibn ‘Asakir dans son Târîkh Dimashq et d’autres ; certaines chaines sont faibles mais d’autres sont bonnes, et se renforcent mutuellement).

Shaykh al-Sanussî dans son Musrat al-faqir rapporte que Ibn Layun at-Tujibi a dit : « Quant à la danse dans la mosquée, c’est dans le recueil Sahih Muslim d’Aîsha qui a dit : « Une armée est venue d’Ethiopie en battant des tambours le jour de la fête à la mosquée. Le Prophète (ﷺ) m’a invité et j’ai posé mes paumes sur ses épaules et je les ai regardés jouer ».

Ibn ‘Aynia a dit que « zafaf » consistait à danser. Si cela était essentiellement interdit, cela n’aurait pas été fait en présence du Messager d’Allâh (ﷺ) qui approuva cela, y compris dans la mosquée. Cette « danse » était à la fois un spectacle, une danse et une démonstration d’un art militaire dans une ambiance festive et de « spectacle ».

Il a en effet été rapporté que « les Abyssins (Habashîs ; Ethiopiens) dansaient devant le Messager d’Allâh (ﷺ) danser en disant « Muhammad est un serviteur juste (Muhammadun `Abdun Sâlih )» (dans leur dialecte/langue). Le Messager d’Allâh (ﷺ) a demandé : « Que disent-ils ? Et ils répondirent : « Muhammadun ‘Abdun Sâlih ! » » (Rapporté par différentes voies et variantes ayant le même sens par Ahmad dans son Musnad n°12564 selon Anas, sahîh). Le passage « yarquSûn/raqS » indique bien les mouvements rythmés d’une danse.

Sayyida ‘Aîsha (‘alayhâ as-Salâm) rapporte : « Par Allâh, je me souviens du Messager d’Allâh (ﷺ) debout à la porte de mon appartement me protégeant de son manteau, me permettant de voir le sport des Abyssins alors qu’ils jouaient avec leurs poignards dans la mosquée du Messager d’Allâh (ﷺ) Il (ﷺ) est resté debout pour moi jusqu’à ce que je sois rassasié, puis je suis reparti ; et ainsi vous pouvez bien imaginer combien de temps une fille d’âge tendre qui aime le sport (aurait pu le regarder) » (Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°892, selon ‘Aîsha, al-Bukhari dans son Sahîh n°454 et 455 , Abû Dawûd dans ses Sunân n°4923 et d’autres).

Dans certains ahadîths, le mot utilisé est « yazfinûn », dont le sens est proche du terme « yarquSûn » (ils dansent) selon les autorités classiques de l’Islam comme Qâdî ‘Iyyâd dans Sharh Sahîh Muslim (au Livre Salât ul ‘ïdayn 3/310) : « yazfinûna ma`nâhû yarquSûn waz-zifunu ar-raquS », ainsi que par l’imâm An-Nawawî dans Sharh Sahîh Muslim (6/186) : « yazfinûna hâdhâ kâna yazfinûn fî yawmil-`îd ma`nâhû yarquSûn » ou encore Ibn Hajar al-`Asqalânî dans Fath ul-Bârî (2/444) : « yazfinûn ay yarquSûn ».

L’imâm Ahmad Ibn Hanbal, lorsqu’il s’est rattaché à la Voie sûfie (après une période de « scepticisme » si l’on peut dire) a dit concernant certains Sûfis qui vivaient des extases spirituelles lors des séances de samâ’ rythmées : « Je ne connais pas les gens mieux qu’eux ». Quelqu’un lui dit : « Ils écoutent du samâ’ et ils atteignent des états (spirituels) extatiques ». Il dit : « Les empêchez-vous de profiter d’un moment (privilégié) avec Allâh ? » (Rapporté notamment par Muhammad ibn Ahmad as-Saffarînî al-Hanbalî dans Ghidha’ al-albab li-sharh manzumat al-adab d’Ibrahim ibn `Abdallâh al-Qalanasi, par Abû Sa‘îd an-Naysâbûri dans Al-hadâ’iq, p. 165 et d’autres).

Le Shaykh Ibn Hajar al-Haytamî dans Fatâwâ hadithiyya (p.212) mentionne que des savants ont vu dans cette preuve la permission de danser (ar-raqs) en entendant un récital (samâ`) qui élève l’esprit, et il dit également (p.298) : « Il est permis de se lever et de « danser » durant les assemblées de Rappel [d’Allâh] et l’audition spirituelle selon un groupe de grands savants, parmi eux le Shaykh al-Islâm Ibn `Abd as-Salâm ». Et le Shaykh al-Yâfi`î dans Mir’ât al-jinân (4/154) exprime son accord avec cette position. D’ailleurs, tous deux mentionnent l’imâm et Shaykh ul Islâm al-‘Izz Ibn ‘Abd as-Salâm comme preuve également, puisque, après avoir été hostile à cette pratique (d’après ce que certains ont rapporté de lui), il a réalisé lui-même cette pratique, et a donc révisé son ancienne position (pour peu que le récit de son hostilité qu’on lui impute soit authentique). En effet, l’imâm Ibn al-‘Imâd dans son Shadharat al-Dhahab (5/302) sous l’autorité de l’imâm Ad-Dhahabî, rapporte qu’il assista au samâ’ et qu’il accomplit la hadra le conduisant à des expériences extatiques. D’autres rapportèrent aussi cela comme Ibn Shâkir al-Kutabî dans Fawat al-wafâyat (1/595), l’imâm al-Yâfi`î dans Mir’ât al-jinân (4/154), l’imâm an-Nabahânî dans Jâmi` karamât al-awliyâ (2/71) et d’autres.

L’imâm An-Nawawî a dit dans Minhaj al-talibin wa `umdat al-muttaqin : « Danser n’est pas illicite sauf si la danse est langoureuse, comme les mouvements des efféminés. Et il est permis de réciter et de chanter de la poésie, sauf si elle fait le satyre d’une personne, est obscène, ou fait allusion à une femme précise ». Il autorise aussi la danse et le chant qui sont accompagnés de certains instruments de musique comme le duff ou ce qui est similaire, mais maintient (selon lui) l’interdiction d’autres instruments de musique, mais qui ne font pas consensus chez les juristes. En effet, l’imâm An-Nawawî a dit dans Mughni al-Muhtaj (4/429) : « Il est illicite d’utiliser ou d’écouter les instruments de musique, comme ceux que les buveurs apprécient, tels que la mandoline, le luth, les cymbales et la flûte. Il est permis de jouer du tambourin (duff) lors des mariages, des circoncisions et en d’autres occasions, même s’il possède des cymbalettes sur son côté. Battre du Kuba, un long tambour avec un centre étroit, est également interdit ». Ainsi l’imâm An-Nawawî autorise le chant avec certains instruments, tout en mentionnant les instruments explicitement interdits selon lui, car ils s’identifient avec la pratique propre aux débauchés de sa région. Son argumentation est donc motivée par des conditions liées à un contexte précis. Si des gens pieux, comme nous les connaissons parmi les personnes spirituelles, ne s’adonnent pas aux péchés mais jouent modérément de certains instruments de musique, alors il n’y a rien de blâmable en cela selon un certain nombre de savants.

L’imâm Ibn Hajar Al-‘Asqalâni a dit concernant la « danse » des Sûfis : « La question de la danse (Ar-Raqs), du balancement (at-Tamayul), etc. dans l’Islam. Nous espérons que cela profitera au lecteur et l’aidera à comprendre la légitimité de la Hadra sûfie dans l’Islam. Nous aimerions également rappeler au chercheur que l’imâm An-Nawawi a déclaré un jour : « Les érudits ne protestent que contre ce qui rassemble un consensus unanime ; Quant à ce qui ne fait pas l’objet d’un consensus unanime, il n’y a pas d’autorisation de protester » (Sharh Sahîh Muslim dans le chapitre sur le commandement du bien et l’interdiction du mal) ». C’est-à-dire que si des savants pieux et enracinés dans la science ont divergé dans les sujets liés aux branches de la Religion, et que cela ne contredit pas l’éthique islamique ni le Tawhid, chacun suit l’avis qui lui semble correct, sans blâmer ceux qui choisissent un autre avis.

L’imâm et Shaykh Ahmad ibn Muhammad ibn Ajiba al-Hassani fit un résumé de la question dans Al-Futûhât al-ilahiyya sharh al-mabahith al-asliyya : « La danse en elle-même est divisée en 3 catégories :

1. La danse interdite

2. La danse permise

3. La danse recommandée

1. La catégorie interdite est la danse du commun des gens, avec des femmes et des jeunes garçons présents. Cela peut amener à la corruption et à la perte de contrôle sur les bas instincts, sur notre ego (dominé par shaytân), etc. Son but est de se montrer et d’exhiber un état qui n’est pas réel. C’est également interdit. C’est pour cela que certains ont dit que la danse en général est interdite.

2. La catégorie de danse permise est la danse des gens de la droiture et des fuqara, sans extase (psychique de l’ego) ou autre résultat (blâmable). Ils la pratiquent comme une relaxation de l’âme et pour vivifier leurs cœurs, remplissant les conditions appropriées quant au moment, au lieu, et de la compagnie des frères. Aucune femme n’y participe, ni de jeunes garçons. Cela est permis, et ne peut être interdit car les causes de l’interdiction de la danse ont été mentionnées plus haut. Or, ce cas-ci n’est pas affecté par ces conditions. Si cette danse est comparée à celle de Samiri quand il adorait le veau, nous disons que leur danse était interdite car elle était corrompue. Leur intention était de glorifier le veau, et d’en tirer une joie. C’est de la mécréance (kufr). Si leur danse n’avait pas été entachée par cela, elle n’aurait pas été illicite pour eux. Il a été confirmé que Ja’far ibn Abu Talib dansa en présence du Prophète quand il (ﷺ) lui a dit : « Tu me ressembles dans ma constitution et mon comportement » (rapporté par Ahmad dans son Musnad 1/108).

Ce fut mentionné par le Shaykh As-Sanussî dans son Musrat al faqir. Ibn Layun at-Tujibi a dit : « Quant à la danse dans une mosquée, il est rapporté dans le Sahih Muslim que ‘Aisha a dit : « Une armée vint d’Abyssinie en jouant des tambours le jour du festin dans la mosquée. Le Prophète (ﷺ) m’y invita et mit mes mains sur ses épaules et les regarda s’amuser (zafaf) » ».

Ibn ‘Aynia a dit que « zafaf » était le fait de danser. Ainsi, il a été confirmé que la danse est permise. Si elle était interdite en elle-même, elle n’aurait pas été pratiquée devant le Messager d’Allâh (ﷺ).

3. La catégorie de la danse qui est recommandée est celle des Sûfis, les gens du goût et de l’état spirituel, qu’ils soient en état d’extase (spirituelle) ou qu’ils la cherchent par cela, qu’ils l’accomplissent pendant le dhikr ou pendant le samâ’. Il n’y a pas de doutes que la guérison des cœurs de l’insouciance et la rencontre avec Allâh doit être recherchée par quelque moyen que ce soit, tant qu’ils ne sont pas interdits avec une déclaration claire et explicite de leur interdiction. Nous connaissons la parole d’al-Junayd quand on l’interrogea sur le samâ’.

Al-Fasi dit dans son commentaire Sharh al hissn de Shaykh al-Islâm As-Suyûtî que ce dernier a dit : « Comment peut-on condamner le fait de pratiquer le dhikr debout, ou de se lever pendant le dhikr, quand Allâh dit : « … ceux qui invoquent Allâh debout et sur leur côté » (Qur’ân 3, 191).

Et ‘Aisha a dit : « Le Prophète (ﷺ) avait l’habitude d’invoquer et d’évoquer Allâh dans sous ses états à chacun de ses instants » (rapporté par Muslim dans son Sahîh n°373) Et si la danse est ajoutée au fait de se tenir debout, cela ne peut être reproché, car cela est dû à la joie de la vision spirituelle et à l’extase spirituelle, et il existe le hadith où Ja’far ibn Abi Tâlib a dansé devant le Prophète (ﷺ) quand le Prophète (ﷺ) lui a dit : « Tu me ressembles dans ton apparence et dans ton caractère » (rapporté par Ahmad dans son Musnad), il dansa à cause de la joie qu’il ressentit d’être décrit ainsi, et le Prophète (ﷺ) ne l’a pas condamné pour cela, ce qui est la base pour les Sûfis de la validité juridique de leurs danses de joies dues aux extases de leurs expériences [spirituelles] » [comme l’a rapporté l’imâm As-Suyûti dans Al-Hawi lil-Fatawi 2/234].

Parmi ces gens il y a eu de grands imâms, l’un d’entre eux fut le Shaykh ul-Islam ‘Izz ud dîn Ibn ‘Abd as-Salâm, comme il a été mentionné dans l’ihya. Ceci est également confirmé par le hadith rapporté par ‘Aîsha, que les Abyssins dansaient. Le Prophète (ﷺ) lui dit : « veux-tu regarder la danse des Abyssins ? ». Ibn Zakri l’a mentionné dans son commentaire du Nasihaj.

Il a été rapporté des époques passées, d’Orient comme d’Occident, que les Sûfis avaient coutume de se rassembler pour invoquer et évoquer Allâh, et qu’ils « dansaient » à ces occasions. Il n’a été rapporté d’aucun savant digne de ce nom qu’ils l’avaient interdit. J’ai vu à Fez, dans la Zawiyya d’As-Siqilli, un groupe qui avait l’habitude de faire le dhikr et de danser de l’heure du ‘asr jusqu’à la ‘isha, le jour du Jumu’a, avec autour d’eux de nombreux savants. Aucun n’a condamné ce qu’ils faisaient. Il m’a été rapporté que notre Shaykh, le Shaykh du groupe Sidi at-Tawdi Ibn Suda, y assistait parfois en leur compagnie. Il n’a rien condamné des actions des fuqara, sauf celui qui était un imitateur froid ou un adversaire en argumentation ».

L’imâm Ahmad Ibn ‘Ajiba était un hassanite (descendant du Prophète (ﷺ) par l’imâm al-Hassân), connaisseur du Qur’ân et Hâfiz, juriste malikite (ayant étudié aussi les livres de fiqh d’autres écoles, notamment shafi’ite), théologien, exégète, linguiste, logicien, métaphysicien, ussûli (spécialiste des fondements) et d’autres sciences islamiques, notamment la Sîrah prophétique et l’histoire du monde musulman et des Salafs, en plus d’être un Sûfi et un maître spirituel éducateur.

Quant à l’imâm Al-`Izz Ibn `Abd As-Salâm (577 H/1181 – 660 H/1262), il fut surnommé le « Sultan des savants », al-Hâfiz Ad-Dhahâbî dit de lui dans son Siyâr a`lam an-Nubala’ (n°969) : « Le Shaykh, l’imâm, l’érudit, l’ascète, le connaisseur/connaissant par Allâh (sûfi réalisé), le muhaddîth, le Shaykh ul islam, le grand maître parmi les sûfis ». An-Nawawî l’a cité dans son Tahdhîb al Asma’ wa al Lughât (3/22) en disant : « Le Shaykh, l’imâm, sur lequel il y a unanimité de son degré d’imâm, de sa brillance, sa compétence et qu’il est un appui dans les diverses sciences, Abû Muhammad ‘Abd al ‘Azîz ibn ‘Abd as Salâm, qu’Allâh lui fasse miséricorde et l’agrée, a dit […] ». Le Qâdî Tâj ad Dîn ‘Abd al Wahhâb as Subkî (m.771 H) a écrit dans Tabaqât as-Shâfi’iyah al Kubrâ (8/209) : « 1183 – ‘Abd al Azîz ibn ‘Abd as Salâm ibn Abî al Qâssim ibn Hassan ibn Muhammad ibn Muhadhb as Sulamî, le Shaykh al Islâm et des musulmans, un des imâm de haute personnalité, le roi des savants, l’imâm de son temps de manière incontestable, celui qui s’est levé pour ordonner le bien et interdire le blâmable en son temps, l’initié aux réalités de la Loi légiférée [Shari’ah], le connaisseur de ses finalités [maqâsid]. Il n’a pas vu quelqu’un comme lui, et personne parmi ceux qui l’ont vu n’ont vu semblable à lui dans la science, la dévotion, tenir debout dans la vérité, la bravoure, la force intérieure, Il naquit en l’an 577 ou 578 H ». L’imâm avait maitrisé en effet les sciences islamiques à un très haut degré ; la théologie (ash’arite), le fiqh, les ussûl al-fiqh, les ussûl ad-Dîn, les maqâsid, la langue arabe, l’exégèse (tafsîr), le Qur’ân et ses sciences, le Hadith et ses sciences, la Sîrah prophétique, la logique, l’histoire de l’Islam et des premiers musulmans, le Tasawwuf, etc. Plusieurs grands savants ont affirmé qu’il avait atteint le rang de mujtâhid lui permettant d’interpréter directement les textes fondamentaux sans passer par la méthodologie de l’école juridique à laquelle il était affilié (ici, l’école shafi’ite).

A noter que chez les Salafis qui interdisent cette pratique, en invoquant parfois l’autorité des imâms Ibn Hajar al-Haytamî et Al-‘Izz Ibn ‘Abd as-Salâm, ne citent que leurs anciens avis ou les passages sortis de leur contexte, et dont l’interdiction n’est pas générale, mais conditionnée par certains facteurs.

En conclusion, le dhikr en groupe et à voix haute, les balancements modérés et énergiques (s’ils sont le produit d’une attitude naturelle ou les effets de la Baraka) d’Allâh, à travers le dhikr des Noms divins ou des Noms ou « états » Le désignant en quelque sorte sous Son Essence (comme Allâh, Hû, Huwâ, etc.), ainsi que certains types de « danses spirituelles », sont autorisés et parfois même très recommandés en Islam, y compris au sein des mosquées, en dehors des heures de prières ou de cercles d’enseignement. Tout ce qui a un lien aec la spiritualité, la religion, la science utile ou l’actualité pour informer les fidèles sur ce qu’il se passe – et dont ils doivent être tenus au courant -, ou toute autre chose en lien avec l’art sacré, les activités sportives ou de combats qui sont conformes à l’éthique islamique et à ses principes, y compris des activités profitables pour les enfants, peuvent se dérouler dans les mosquées. Cependant, tout ce qui est purement « profane » et « mondain », ou « blâmable » et « illicite », doit être étranger aux mosquées. Donc les autres types de danse, tels que le hip hop ou le break dance, qui ne sont pas en soi forcément illicites, mais qui n’ont aucun lien avec la spiritualité ou la dévotion, doivent se faire en dehors des mosquées, pour ceux qui veulent s’y adonner. Quant aux danses sensuelles, anarchiques, violentes, dégradantes ou efféminées (pour les hommes) cela est interdit. Les danses traditionnelles sont autorisées, soit dans le cadre du cercle familial, soit entre femmes, ou entre hommes, ou si les conditions de décence et de pudeur sont respectées, lors de certains événements festifs ou nationaux particuliers, wa Allâhu a’lam.


Be the first to comment “Les accusations contre les Sûfis qui font le Dhikr par « Allâh » et « Huwa (Lui) »”