Les sujets du tawassul (intercession, entremise) et de l’istighatha (demande/appel de secours) sont parmi ceux qui ont fait couler le plus d’encre et de sang depuis l’apparition du wahhabisme, car Mohammed Ibn Abdel Wahhâb et ses successeurs méconnaissaient le principe du tawhîd et ses conditions, et en avaient une compréhension à la fois nouvelle (dans le sens de bid’â/innovation) et étriquée, confondant le shirk et le tawhîd. Quant aux wahhabites actuels, il existe quelques nuances en leur sein, mais nombreux encore sont les wahhabites qui considèrent le tawassul à travers les défunts et al-istighatha comme des pratiques relevant du shirk akbar (qui fait sortir de l’Islam). Mais qu’en est-il réellement ?
Le tawassul et le tabarruk (que nous avons déjà traité dans un autre article), associés souvent par ignorance à « l’adoration des tombes », est une idée fausse très répandue chez et par beaucoup de wahhabites/salafistes/najdites et réformistes. Cela découle d’une ignorance des textes religieux (Qur’ân, Sunnah, analogie/qiyas et enseignement des salafs) d’une part, et d’une myopie intellectuelle d’autre part en raison d’une méconnaissance des différents degrés du Réel qu’un certain rationalisme (contredisant même souvent l’approche rationnelle) handicapant à tendance à occulter, voire même à mépriser en milieu athée/matérialiste. Ainsi, comme pour certains ignorants, les défunts ne perçoivent pas les perceptions extra-sensorielles, pour les « rigoristes » et les « réformistes », c’est comme si les gens « adoraient » les tombes. Or ils ne distinguent pas non plus entre le fait de saluer les défunts ou de leur demander d’invoquer Allâh, du fait de les invoquer directement pour nos besoins (alors que seul Allâh doit être invoqué et adoré pour nos besoins).
Même dans le cas où certains ignorants violeraient le principe du tawhîd, ils n’adoreraient donc pas des tombes, mais des défunts. Ce n’est pas du tout la même chose, même si dans les 2 cas, il s’agirait de shirk. Ce sont généralement des gens de la masse qui méconnaissent le tawhid et les règles de fiqh par rapport aux visites des défunts auprès de leurs tombes qui tombent dans cette situation. Mais sur la base de la simple présence de personnes autour d’une tombe, on ne peut pas savoir qu’ils les adorent, alors qu’ils pourraient très bien invoquer Allâh pour eux, ou demander aux défunts d’invoquer Allâh pour eux, ce qui ne relèverait pas du tout du shirk.
On peut retrouver parfois plusieurs avis de Mohammed Ibn Abdel Wahhâb à ce sujet. Citons l’avis le plus pondéré où on l’interrogea sur le verdict (de son groupe) au sujet de l’istisqâ’ (la demande de la pluie), à savoir qu’il n’y a pas de mal à faire le tawassul moyennant les gens pieux, et concernant la parole d’Ahmad limitant le tawassul à la personne du Prophète – paix et bénédictions sur lui – uniquement, compte tenu de leur opinion interdisant d’appeler au secours toute créature, il répondit : « La différence est très claire et cela n’a rien à voir avec notre situation actuelle. Le fait que certains autorisent le tawassul par les gens pieux, alors que d’autres limitent cela au Prophète – paix et bénédictions sur lui – et que la plupart des savants l’interdisent et le détestent, il s’agit là d’une question de fiqh. Bien que nous considérions que la majorité a raison de détester cela, nous ne blâmons pas celui qui agit ainsi car le blâme n’a pas sa place dans les questions d’ijtihâd. Nos blâmes s’adressent à celui qui invoque la créature avec plus d’insistance qu’il n’invoque Allâh – Exalté soit-Il – et qui se rend auprès d’une tombe et fait des supplications auprès du tombeau du Shaykh `Abd Al-Qâdir ou d’autres implorant la levée des difficultés et le secours des désespérés et la réalisation des vœux. Cela n’a rien à voir avec celui qui invoque Allâh, lui vouant un culte sincère, et n’invoque personne avec Allâh et dit : “Ô Allâh je T’implore par Ton Prophète, ou par Tes prophètes, ou par Tes serviteurs pieux”, ou qu’il se rende auprès d’une tombe connue ou auprès d’une autre tombe et formule des invocations à sa proximité, en n’y invoquant qu’Allâh tout en lui vouant un culte sincère. Cela n’a rien à voir avec ce que nous vivons aujourd’hui » (extrait de ses Fatâwâ dans la collection des Mu’allafât, 3/68 publiée par l’Université Islamique de l’Imâm Mohammad Ibn Su`ûd).
On voit déjà ici qu’il distinguait des formes licites du tawassul, tandis que d’autres étaient du shirk à ses yeux, et sur certaines formes de tawassul, il restait vague et confondait parfois le shirk avec le tawassul.
Quant au Shaykh Ibn Taymiyya, il y a un avis où il semble dire que cela relève du shirk (demander à un défunt pieux d’invoquer Allâh pour nos besoins), mais dans un autre écrit, il dit que cela constitue une innovation blâmable (selon lui), et non pas du shirk en soi. Il dit en effet dans Qâ’ïda jalîla fi-t-tawassul wa-l-wassîla : « On sait par le biais de ce qui est nécessairement connu comme faisant partie de la religion, par la transmission d’une très grande quantité de gens et par le consensus des musulmans que le Prophète n’a pas institué cela pour sa Ummah. (…). Aucun des Compagnons du Prophète ni de ceux qui les ont suivis dans le bien n’a fait non plus cela. Aucun référent (“imâm”) parmi les référents des musulmans n’a non plus recommandé de faire cela : ni l’un des quatre référents d’écoles (« al-aïmma al-arba’a ») ni un autre qu’eux. Aucun de ces référents n’a dit non plus que, parmi les rites du pèlerinage ou autre, il y avait, en tant qu’acte recommandé, le fait de demander au Prophète, près de sa tombe, d’intercéder pour soi ou de prier Dieu pour la Umma ou de demander à Dieu d’éloigner de la Umma les difficultés temporelles ou religieuses. Pourtant, alors que le Prophète n’était plus de ce monde, ses Compagnons ont été éprouvés par toutes sortes de difficultés : parfois par la sécheresse, parfois par la diminution de la subsistance, parfois par la crainte et la puissance de l’ennemi, parfois par des péchés [commis en grand nombre par des musulmans autour d’eux]. Mais aucun d’entre eux n’est venu auprès de la tombe du Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm), ni près de la tombe d’Ibrahim (‘alayhî salâm), ni près de la tombe d’un autre prophète, pour lui dire : « Nous nous plaignons de la sécheresse ou de la puissance de l’ennemi ou de la quantité des péchés commis. Invoque Dieu pour nous », ou « pour ta Ummah, pour qu’Il nous donne l’abondance », ou « pour qu’Il nous donne la victoire », ou « pour qu’Il accorde Son pardon ». Faire cela relève donc des innovations qu’aucun référent des musulmans n’a déclarées recommandées (…). Et toute innovation qui n’est ni obligatoire ni recommandée est mauvaise et constitue, à l’unanimité des musulmans, un égarement (…) Lorsque le coeur d’une personne s’attache au fait d’adresser des demandes au défunt [en lui demandant explicitement d’adresser sa demande à Allâh] et d’espérer en son intercession auprès d’Allâh, elle se mettra peu à peu à l’invoquer lui-même, prenant ainsi le défunt comme l’objectif. Et le défunt ne peut pas empêcher cela [puisqu’il n’est plus de ce monde], contrairement au prophète ou au pieux qui est vivant, qui ne cesse de rappeler de ne pas tomber dans le shirk et de ne pas l’invoquer lui mais d’invoquer Allâh. (…) Bien qu’Allâh nous ait informé que les anges prient pour nous et Lui demandent de nous accorder Son Pardon [voir Qur’ân 40, 7-9], nous n’avons pas le droit de leur demander de faire cela. De même en est-il en ce qui concerne les prophètes et les pieux : même s’ils sont vivants dans leur tombe, et même à supposer qu’ils invoquent Dieu en faveur des vivants, et même s’il y a des Hadîths qui indiquent cela, personne ne doit leur demander de faire cela [invoquer Allâh en sa faveur]. Aucun de nos pieux prédécesseurs n’a fait cela. Et cela est une porte ouverte pouvant mener au shirk et pouvant amener ensuite à les invoquer eux-mêmes et non plus Allâh. Cela contrairement au fait de demander à l’un d’eux [d’invoquer Dieu en sa faveur] alors qu’il est vivant… (…). Certes, il est permis de saluer les défunts dans leur tombe et de leur adresser la parole ainsi : le Prophète a enseigné à ses Compagnons, lorsqu’ils visitent les tombes, de dire : “Que la paix soit sur vous, habitants de ces lieux parmi les croyants et musulmans. Nous vous rejoindrons si Allâh le veut. Qu’Allâh nous accorde ainsi qu’à vous Son Pardon. Nous lui demandons la sécurité pour nous et pour vous. (…) Mais il n’est pas permis de demander aux défunts d’invoquer Allâh ni de faire autre chose ».
Si le Shaykh Ibn Taymiyya a raison concernant les risques que cela peut engendrer chez les gens peu avertis et enracinés dans la science, cela n’est pas une raison suffisante pour interdire cela, puisque sinon il faudrait interdire aussi plein d’actes et de choses licites, comme la nourriture, les mosquées, les maisons, les voitures, les ustensiles de cuisine, les discussions avec les non-musulmans ou les « innovateurs », etc. puisque cela peut engendrer parfois des actes illicites ou du shirk. Or ce n’est pas là ce qu’a légiféré Allâh et montré le Prophète. On ne combat l’ignorance qu’avec la connaissance, le bon comportement, et l’application de sanctions appropriées en cas de crimes sociétaux. Du reste, le Shaykh Ibn Taymiyya se trompe sur plusieurs points, car des compagnons l’ont bien fait (récits authentifiés), des successeurs également, et le tawassul qu’il entend interdire ne contredit pas le Qur’ân et la Sunnah, – bien au contraire -, et c’est même l’avis de la plupart des savants sunnites des 4 écoles juridiques comme nous le verrons.
Le
tawassul (intercession)
Les gens confondent généralement deux choses ici, comme souvent. L’intercession
licite (dans le Qur’ân) consiste à demander à des personnes d’invoquer Allâh pour
nos besoins, donc elles intercèdent auprès d’Allâh pour qu’Il nous exauce.
Ensuite, ceux qui invoquent et adorent en dehors d’Allâh, des idoles ou des
créatures en leur attribuant en propre des Attributs et une volonté qui n’est
pas subordonnée à la Volonté et à la Puissance d’Allâh, ce qui constitue du
shirk.
Le shirk c’est d’invoquer autre qu’Allâh en pensant qu’autre que Lui peut
réellement nous exaucer en tant qu’Agent premier (ou « existenciateur » des
choses demandées).
Invoquer (en pensant que l’individu exauce nos souhaits), sacrifier pour lui,
etc. sont des actes illicites s’apparentant à du shirk. Mais demander au défunt
ou au vivant d’invoquer Allâh est permis car le principe du tawhîd est respecté
puisqu’il n’y a pas d’adoration. De même, sacrifier un animal pour Allâh en
l’honneur d’une personne n’est pas du shirk non plus. Les nuances sont fondamentales,
car elles permettent de distinguer premièrement ce qui relève du tawhîd et ce qui
relève du shirk, et dans un second temps, ce qui est clairement illicite de ce
qui ne l’est pas.
Ainsi, vivant ou mort, cela reste du tawhid car le shirk ne dépend pas de
l’état existentiel d’une créature, mais relève de l’universel. Dans le pire des
cas, si les défunts ne pouvaient vraiment pas entendre ni intercéder, cela
serait une erreur ou une innovation blâmable (mais des sahaba et des tabi’in
l’ont fait), mais pas du shirk, car ils n’auraient pas adoré les défunts, ni ne
leur aurait attribué des Attributs propres à Allâh. Si le tawassul est souvent
mal défini et mal compris par nombre de wahhabites, en général, ils acceptent
le tawassul par les vivants qui consiste à demander à un pieux par exemple, d’invoquer
Allâh pour nous. Dans le Qur’ân comme dans la Sunnah, nous trouvons des textes
généraux (pour les vivants comme pour les défunts), des textes spécifiques pour
les défunts, et d’autres textes explicites concernant le tawassul par les
vivants. Or, si le tawhîd relève d’un principe universel, il doit nécessairement
concerner les vivant et les défunts, mais dans la croyance wahhabite, il y a
une méconnaissance totale du tawhîd, puisque dans les faits, cela revient à
abroger/nier le tawhîd dans certaines dimensions et modalités de l’existence,
puisque disant que le tawassul (conforme au Tawhîd) relève du shirk s’il est
fait par les défunts, mais que ça ne l’est pas si cela ne concerne que les vivants.
C’est la même confusion que leur conception des « 3 tawhîd »,
stipulant qu’un idolâtre peut avoir un tawhîd (donc être « monothéiste »
au sens islamique) mais être idolâtre sous les 2 autres types de tawhîd, alors que
dans l’Islam (sunnisme orthodoxe), il n’y a pas plusieurs types de tawhîd, mais
un seul tawhîd ayant des implications et des dimensions multiples (sociales,
métaphysiques, spirituelles, politiques, etc.) et concernant aussi l’Essence
Divine ainsi que Ses Attributs. Est sur le tawhîd celui qui sait et qui
reconnait que seul Allâh est Unique et Absolu, – et donc Divin -, unifié dans
tous Ses Attributs, et qui mérite donc d’être adoré en totalité et en toute
exclusivité. Quiconque s’écarterait de cette voie, aura forcément un manquement
plus ou moins grave et important dans son Tawhîd.
Ce qu’Allâh a interdit, c’est de prendre pour idoles et d’adorer autres que Lui, comme cela est évoqué dans le Qur’ân : « Tandis que ceux qui prennent des protecteurs en dehors de Lui (disent) : « Nous ne les adorons que pour qu’ils rapprochent davantage d’Allâh … » » (Qur’ân 39, 3).
« Dis : « Invoquez ceux que vous prétendez (être des divinités) en dehors de lui. Ils ne possèdent ni le moyen de dissiper votre malheur ni de le détourner » » (Qur’ân 17, 56).
« Dis : « invoquez ceux que vous prétendez, (être des divinités) en dehors d’Allâh. Ils ne possèdent même pas le poids d’un atome, ni dans les cieux ni sur la terre. Ils n’ont jamais été associés à leur création et il n’a personne parmi eux pour le soutenir » (Qur’ân 34, 22).
Cela est accepté de tous les musulmans en principe, mais il ne s’agit pas ici des formes de tawassul autorisées dans le Qur’ân, car le tawassul, de façon générale, est autorisée dans le Qur’ân, dont voici les preuves textuelles :
Une autre forme que prend cet honneur qu’Allâh réserve à une élite parmi ses Serviteurs est l’acceptation, par Sa Permission, de l’intercession en faveur de tiers : « Qui peut intercéder auprès de Lui sans Sa Permission ? » (Qur’ân 2, 255) ; « Et ils n’intercèdent qu’en faveur de ceux qu’Il a agréés » (Qur’ân 21, 28) ; « L’intercession auprès de Lui ne profite qu’à celui en faveur duquel Il la permet » (Qur’ân 34, 23).
L’honneur peut également consister à ne pas châtier ceux qui le méritent, eu égard à la présence parmi eux de gens aimés d’Allâh, comme dans la Parole du Très-Haut : « Ce n’est pas Allâh qui les ira les châtier, alors que tu es parmi eux » (Qur’ân 8, 33). Ici, Allâh ne restreint pas le tawassûl qu’aux vivants.
Il est dit également : « (Ô Muhammad) Demande aux Messagers que Nous avons envoyés avant toi si Nous avons institué, en dehors du Miséricordieux, d’autres divinités dignes d’être adorées » (Qur’ân 43, 45). Le Prophète, de son vivant, pouvait donc communiquer avec les autres prophètes (décédés), par des modalités non-physiques, et ils pouvaient donc avoir des perceptions extra-sensorielles, tout en leur demandant des choses – et non pas les invoquer en dehors d’Allâh évidemment -.
Cela vaut aussi (la vie non-terrestre) pour les martyrs : « Et ne dites pas de ceux qui sont tués dans le sentier d’Allâh qu’ils sont morts. Au contraire ils sont vivants, mais vous en êtes inconscients » (Qur’ân 2, 154).
« Ne pense pas que ceux qui ont été tués dans le sentier d’Allâh, soient morts. Au contraire, ils sont vivants, auprès de leur Seigneur, bien pourvus et joyeux de la faveur qu’Allâh leur a accordée, et ravis que ceux qui sont restés derrière eux et ne les ont pas encore rejoints, ne connaîtront aucune crainte et ne seront point affligés » (Qur’ân 3, 169-170).
Anas ibn
Malik rapporte que le Messager d’Allâh a dit : « Les prophètes sont vivants
dans leurs tombes et ils prient » (Hadîth rapporté par Al-Bayhaqi dans son
Hayat al-Anbiya et par Abû Ya’la dans son Musnad, et authentifié par de
nombreux savantstels que : Ibn Hajar al ‘Asqalânî, Ibn Hajar Al-Haythami, Ali
Al-Qari, Al-Munawi, As-Shawkani et d’autres). Il s’agit ici d’une modalité
existentielle qui diffère de la modalité physique ordinaire bien évidemment.
Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans Fath al-Bâri (17/22) a dit : « La mort ne
viendra jamais frapper le Messager béni d’Allâh dans sa tombe, plutôt, il
restera en vie, en raison du fait que les Prophètes restent en vie dans leurs
tombes ».
Dans son livre As-Shifâ,
Al-Qadi ‘Iyyad rapporte que le calife Abû Ja’far Al-Mansûr lorsqu’il a effectué
le pèlerinage et a visité la tombe du Prophète (ﷺ),
il a interrogé l’Imam Mâlik en lui disant : « Ô Abû ‘Abdi l-Lah, est-ce que
je m’oriente vers la qiblah pour faire des invocations, ou je m’oriente vers le
Messager de Allâh (ﷺ) ? ».
Il
(c’est-à-dire l’Imam Mâlik) lui a répondu : « Pourquoi détournerais-tu ton
visage de lui, alors qu’il est ta wasilah (le moyen grâce auquel tu espères
être exaucé) par Allâh ta’ala et la wasilah de ton père Adam (‘alayhi s-salam)
le Jour du Jugement ? Oriente-toi plutôt vers lui et demande son intercession,
Allâh le fera intercéder. Allâh ta’ala dit (ce qui a pour sens) : {Si, ayant
été injustes envers eux-mêmes, ils venaient auprès de toi pour demander le
pardon à Allâh, et le Messager demandait le pardon pour eux, ils sauraient que
Allâh est Celui Qui accepte le repentir et Qui fait miséricorde} ».
Al-Qadi ‘Iyyad a rapporté ce récit avec une chaîne de transmission sahih
(authentique) comme l’ont précisé le Hafiz Ibn Hajar Al-‘Asqalani et le Shaykh
Az-Zurqani. Ce récit a également été rapporté par d’autres savants, avec une chaine
de transmission authentique, contrairement à ce qu’ont dit certains savants
ayant commis des erreurs dans ce domaine. En effet, le Shaykh Ibn Taymiyya –
qui n’avait pas un très haut rang dans les sciences du hadîth et qui a commis
de nombreuses erreurs dans cette matière -, a dit que ce récit était faible,
mais cela n’est pas exact.
Cette narration fut citée dans Shawâhid Al-Haqq fil-Istighâthah bi-Sayyid Al-Khalq (Les preuves véridiques quant à l’appel au secours du Seigneur des Hommes) d’An-Nabahânî. Al-Qâdî `Iyâd la cita dans As-Shifâ’ (La Guérison) selon une chaîne de transmission authentique, dont les maillons sont fiables (thiqât), et exempte de tout fabricateur ou menteur. De même, Ibn Hajar al-Haytâmî dit dans Al-Jawhar Al-Munadhdham (Les Joyaux Ordonnés) : « Cela fut transmis de l’Imâm Mâlik selon une chaîne de transmission authentique ne souffrant d’aucune faille » ainsi que dans son Tuhfât az-Zuwwar, Az-Zurqânî dit dans Sharh Al-Mawâhib Al-Laduniyyah (Commentaire des Dons Divins) : « Cela fut rapporté par Ibn Fihr selon une bonne chaîne de transmission ». Elle fut également rapportée par As-Subkî dans Shifâ’ As-Siqâm fî Ziyârat Khayr Al-Anâm (La Guérison des Maux dans la Visite du Meilleur Homme) et par As-Samhûdî dans Khulâsat Al-Wafâ (Synthèse de la Loyauté). An-Nabahânî expliqua tout cela dans son livre Shawâhid Al-Haqq (p. 187), et ce hadîth fut également rapporté par Ibn Qudâmâ al-Maqdissî dans Al-Mughnî (3/590). D’autres savants ont rapporté ce récit, voir Khulasat al-Wafâ de Shaykh as-Samhudî, Al-Mawâhib al-Laduniyyah de l’Imâm al-Qastallanî, As-Sarîm al-Munkî du Shaykh Ibn `Abd al-Hâdî, Hidayât as-Sâlik de Shaykh Ibn Jama`a qui y dit à propos de ce récit : « Cela est rapporté par les deux Hûffadh, Ibn Bashkuwal et al-Qadî `Iyâd dans “As-Shifa” ».
Dans son livre Daf’û shubahi man shabaha wa tamarad le savant shafi’ite Taqî ud-Din Al-Husni a dit : « Al-Bayhaqi a rapporté avec sa chaîne de transmission qui remonte jusqu’à Al-A’mash, d’après Abû Salih qui a dit : « Les gens furent touchés par la sécheresse durant le califat de ‘Umar Ibn l-Khattâb. Un homme est alors venu à la tombe du Prophète (ﷺ) et a dit : « Ô Messager d’Allâh, demande à Allâh la pluie pour ta communauté ». Cet homme a alors vu dans le rêve le Messager d’Allâh lui dire : « Passe le Salâm à ‘Umar et informe-le qu’ils recevront la pluie et dis-lui : « Occupe-toi bien de la communauté ». L’homme est alors allé voir ‘Umar et lui a annoncé cela. ‘Umar s’est alors mis à pleurer et a dit : « Ô Seigneur, je ferai tout ce qui est en ma capacité pour servir la communauté ».
Le récit a été rapporté par le Hafiz Al-Bayhâqî dans Dala-il an-Nubuwwa (7/47), Ibn Hajar Al-‘Asqalânî dans Fath Al-Bâri (2/495 et 4/495) et dans al-Isabah fi Tamyiz as-Sahabah qui déclare que la chaîne de transmission est sahih, Ibn Kathîr à 2 reprises dans al-Bidayah wa an-Nihaya (4/74) qui déclare également que la chaîne de transmission est sahih, Ad-Dhahâbî dans Siyâr A’lâm an-Nubalâ’ (28/86), Ibn Abî Shayba dans son Musannaf (6/356), al-Bukharî dans son Târîkh al Kabîr (7/307), Ibn ‘Asâkir dans Târîkh ad-Dimashq (44/345), Ibn ‘Abd al Barr dans al Istî’âb Fî Ma’rifatu al Ashâb (3/1149), le Hafiz Taqî ud-Dîn As-Subkî dans Shifa-û s-Saqam, par Al-Husnî dans Daf’û shubahi man shabaha wa tamarad, Ibn Hajar al Haytâmî et d’autres.
Il a été rapporté que le compagnon en question était Bilâl Ibn l-Harith
Al-Muzani. Et le rapporteur de ce récit est Malik Ad-Dâr qui était responsable
du trésor public des musulmans (Baytû l-mal) auprès du Calife ‘Umar Ibn al-Khattâb,
qui ne prenait que des gens de confiance, comme le rappelle Ibn Hajar al ‘Asqalânî,
ce qui suffit à réfuter l’argument de ceux qui prétendaient que Malik Ad-Dar
était un inconnu. Le Hâfiz Abû Ya’la Al Khalîlî a dit sur le narrateur du récit Mâlik ad Dâr : « Mâlik ad
Dâr, le trésorier de ‘Umar ibn al Khattâb, un des premiers successeurs des
compagnons sur lequel il y a unanimité et dont les successeurs firent l’éloge.
Il n’a pas beaucoup de narrations. Il rapporta de Abû Bakr as Siddîq, et ‘Umar ».
La chaine est donc sahih (authentique), et même si elle ne l’aurait pas été,
les muhhadithins, théologiens et juristes n’ont pas désapprouvé cela ni n’ont
dit qu’il s’agissait de shirk ou d’innovation blâmable. Le shirk n’intervient
que quand une personne attribue une capacité divine à une créature (vivante ou
défunte) ou qui prend la créature (ou l’idole) comme un objet d’adoration
réservé qu’à Allâh Seul. Et aucun compagnon n’a reproché cela à la personne
ayant demandé au Prophète (dans sa tombe) d’intercéder auprès d’Allâh. Le récit
complet évoque donc le fait qu’un proche de ‘Umar a fait le tawassul par le
Prophète ﷺ décédé (du point de vue de la modalité
physique ordinaire), – ce qui montre que cette pratique a été réalisée dès l’époque
des compagnons (sahaba) -, que le Prophète ﷺ n’a
pas interdit cette pratique à ce compagnon, – sans en faire une exception qu’à
lui -, ni n’a considéré cela comme étant du shirk, un acte illicite ni comme n’étant
limité exclusivement qu’au Prophète Muhammad ﷺ, et aucun compagnon n’a reproché cela au compagnon Bilâl Ibn l-Harith
Al-Muzani. Etant donné qu’il ne s’agit pas là d’une nouvelle doctrine, mais d’une
pratique juridique, pour interdire une chose ou en restreindre les modalités,
des preuves textuelles sont nécessaires pour le faire. Or, non seulement il n’existe
aucune preuve interdisant cette pratique avec le Prophète Muhammad ﷺ, ou la limitant qu’à lui, mais nous avons même
des preuves (comme déjà mentionnées précédemment) qu’il est totalement licite
de le faire, ce qui n’implique pas pour autant de renoncer aux autres moyens de
se rapprocher d’Allâh à travers des actes pieux, des invocations à dire
soi-même, ou même à travers le tawassul par les vivants, car nous savons que
les compagnons ont fait tout cela, y compris lorsque le Calife ‘Umar ibn
al-Khattâb a utilisé Al ‘Abbâs comme intercesseur (wasila) auprès d’Allâh en
période de sécheresse, – par respect envers lui et par sa proximité d’avec le
Prophète notamment – montrant ainsi aux musulmans que cela était autorisé et même
recommandé, et que même s’ils avaient encore accès à la wassila du Prophète Muhammad ﷺ, le faire via des vertueux était aussi une bonne
chose. Et parmi les éléments qui permettent de déduire la licéité du tawassul
par les défunts pieux, il y a le fait que cela est autorisé par les vivants, –
tout comme cela était autorisé avec le Prophète ici-bas et dans l’au-delà -, que
les défunts entendent les vivants et sont capables d’invoquer Allâh pour nous, en
plus de certains textes montrant que les salafs ont déjà eu recours à cette pratique
sans que cela ne pose aucun problème.
L’ascète, traditionaliste et juriste célèbre de l’époque des salafs, Abû Bakr Ibn Abî Dunyâ (m.286 H) a dit dans Mujabu Ad Da’wah (p.85) : « Nous a rapporté Abû Hishâm ; J’ai entendu Kathîr Ibn Muhammad ibn Kathîr ibn Rifa’ah dire :
« Un homme a consulté ‘Abd al Malik ibn Hiyyân ibn Sa’îd ibn al Hassan ibn Abhar. Ce dernier ausculta son ventre et lui dit : « Tu souffres d’une maladie incurable ». L’homme lui demanda : « Qu’est-ce que c’est ? ». Il répondit : « La dubaylah (pathologie assimilable à la pleurésie (inflammation de la plèvre) ». L’homme se retourna alors et se mit à dire : « Allâh, Allâh, mon Seigneur à qui je n’associe rien. Ô Allâh, je m’oriente vers Toi par l’intermédiaire de ton Prophète Muhammad ﷺ le Prophète de la miséricorde. Ô Muhammad, je m’oriente par ton intermédiaire vers ton Seigneur et mon Seigneur pour qu’Il me fasse miséricorde dans mon piètre état, d’une miséricorde de Sa part qui me rend indifférent de la miséricorde d’un autre que Lui ». Trois fois d’affilé ; puis il appela Ibn Abhar qui ausculta son ventre de nouveau et lui dit : « Tu as guéris et n’as pas de maladie » ».
Dans son livre Shawâhid al-haqq fî al-istighâtha bi sayyid al-khalq le grand
savant An-Nabahânî (p. 161) rapporte : « Parmi les preuves de la licéité du
tawassul par le Prophète après sa mort [ndt : corporelle] : ce que rapporte
Ad-Dâramî dans son sahîh d’après Abî Al-jawzâ : les habitants de Médine ont été
touchés par une grande sécheresse et ils se sont plaints à Aïsha (qu’Allâh
l’agrée) et elle leur dit : “Allez voir le prophète à sa tombe et faites-lui
une Kuwwa jusqu’au ciel et ils ont eu une pluie abondante” ».
Ibn ‘Umar a fait le tawassul par le biais du Messager d’Allâh (ﷺ) comme le rapporte l’imâm al-Bukharî dans son Al
‘adab al-mufrad).
Un hadîth concernant un cas similaire est également rapporté par Al-Qurtûbî
dans son tafsîr : « Il est rapporté selon Abû Sadiq selon ‘Ali (qu’Allâh
l’agrée) qui a dit : « Un bédouin est venu après que l’on ait enterré le Prophète
(ﷺ) depuis trois jours,
il s’est jeté sur la tombe du Messager d’Allâh et jetant la terre du tombeau
sur la tête il a dit : « Ô Messager d’Allâh nous avons entendu les paroles et
les exhortations qu’Allâh t’a révélées et parmi celles-là il y a : « Si
lorsqu’ils ont fait du tort à leurs propres personnes ils venaient à toi en
implorant le pardon d’Allâh et si le Messager demandait le pardon pour eux, ils
trouveraient, certes Allah Très Accueillant au repentir, Miséricordieux »
(Qur’ân 4, 64) et certes j’ai été injuste envers moi-même et je suis venu
à toi pour que tu demandes le pardon (auprès d’Allâh) ». Un appel a alors
retenti de la tombe disant : « Certes il t’a été pardonné » ».
Et aucun compagnon ne l’a blâmé pour cette pratique.
Le compagnon`Uthmân ibn Hunayf a dit : « Un homme avait pour habitude de venir voir souvent ‘Uthmân Ibn ‘Affân رضي الله عنه pour lui faire part d’une requête, mais cette fois ‘Uthmân ne fît pas attention à lui et ne s’occupait pas de son problème. Cet homme vint se plaindre alors à ‘Uthmân ibn Hunayf, qui lui donna un conseil : « Rends-toi dans la salle d’eau et fais tes ablutions, ensuite va à la mosquée, prie 2 unités, puis prononce : « Ô Allâh, je Te demande et je m’adresse à Toi, par l’intermédiaire de notre Prophète Muhammad (ﷺ), le Prophète de la Miséricorde. Ô Muhammad, je m’adresse par ton intermédiaire à mon Seigneur afin que ma demande soit exaucée ». Puis mentionne ta demande et reviens pour que je puisse venir avec toi [parler à ‘Uthmân ibn ‘Affân]. L’homme partit, fit ce que lui avait conseillé ‘Uthmân ibn Hunayf et retourna attendre à la porte de ‘Uthmân ibn ‘Affân pour lui parler. Le garde, qui surveillait la porte, le prit par la main et le fit asseoir sur le tapis auprès de ‘Uthmân ibn ‘Affân qui lui demanda aussitôt : « De quoi as-tu besoin ? ». L’homme exposa sa situation et ‘Uthmân régla l’affaire sur le champ en s’excusant : « Je ne me souvenais plus de ce dont tu avais besoin jusqu’à maintenant ». Et il ajouta : « Reviens me voir si tu as d’autres soucis ». L’homme s’en alla. Sur le chemin, il croisa de nouveau ‘Uthmân ibn Hunayf et le remercia : « Qu’Allâh te récompense, il n’aurait pas fait attention à moi et n’aurait pas pris en compte ma demande si tu ne lui avais pas parlé. » ‘Uthmân ibn Hunayf dit : « Je jure par Allâh que je ne lui en ai pas parlé. En réalité, j’étais un jour avec le Messager d’Allâh (ﷺ), quand un homme aveugle vint le trouver en se plaignant d’avoir perdu la vue. Le Prophète (ﷺ) lui demanda : « Pourquoi ne te résignes-tu pas ? » L’homme répondit : « Ô Messager d’Allâh ! Je n’ai plus personne pour me guider et cela me cause beaucoup de difficultés ». Le Prophète (ﷺ) répondit : « Rends-toi dans la salle d’eau et fais tes ablutions, ensuite va à la mosquée, prie deux unités (de prière), puis prononce cette invocation (rapportée ci-dessus) ». ‘Uthmân ibn Hunayf rajouta : « Par Allâh, le groupe ne s’était pas encore dispersé et peu de temps s’était écoulé quand l’homme repartit comme s’il n’avait jamais été malade » ». Ce hadîth est rapporté par al-Hâkim dans son Mustadrak n°1909 qui ajouta : « Ce hadîth a une transmission authentique » et le shaykh Muhaddith Shu’ayb Al Arna’ut a dit : « Sa transmission est authentique, ses hommes sont dignes de confiance » ; par l’imâm Ahmad dans son Musnad n°17240 et 17241 ; par Ibn Khuzaymah dans son Sahîh n°1219 ; par At-Tirmidhî dans ses Sunan n°3578 ; par An-Nasâ’î dans ses Sunan n°660 et 10495 ; par Ibn Mâjah dans ses Sunan n°1385 ; par At Tabarânî dans son Mu’jam as Saghîr n°509 qui l’authentifia et par d’autres.
Anas Ibn Mâlik (qu’Allâh l’agrée) rapporta : « Lorque mourut Fâtimah Bint Asad – qu’Allâh les agrée tous deux -, la femme qui avait élevé le Prophète – paix et bénédictions sur lui – et la mère de `Alî Ibn Abî Tâlib – qu’Allâh l’agrée -, le Messager se rendit à son chevet et dit : « Qu’Allâh te fasse miséricorde, toi qui fut ma mère après ma mère » ». Puis il rapporta les éloges qu’il fit à son sujet et le fait qu’il la fit envelopper dans sa cape et ordonna que sa tombe soit creusée. Puis lorsqu’ils atteignirent la terre ferme, le Prophète la creusa et s’y assit disant : « Allâh Qui donne la vie et fait mourir, et Qui est Vivant et ne meurt point, pardonne à ma mère Fâtimah Bint Asad et élargit son entrée, par le droit de Ton Prophète et celui des Prophètes qui m’ont précédé, Tu es certes le plus Miséricordieux des miséricordieux » ». Ce hadîth fut rapporté par At-Tabarânî dans Al-Kabîr et dans Al-Awsat et par Ibn Hibbân et Al-Hâkim qui le déclarèrent authentique.
Al-Bayhaqî rapporta, selon une chaîne de transmission authentique, dans Dalâ’il An-Nubuwwah (Les preuves de la prophétie) – ouvrage dont Al-Hâfiz Adh-Dhahâbî dit : « Prends le pour référence car il ne contient que guidance et lumière » – que : D’après `Umar Ibn Al-Khattâb – qu’Allâh l’agrée -, le Messager d’Allâh – paix et bénédictions sur lui – dit : « Lorsque Adam commit le péché, il dit : “Ô Allâh, je Te prie par le droit de Muhammad de me pardonner”. Allâh – Exalté soit-Il – lui dit : « Ô Adam, comment connais-tu Muhammad alors que Je ne l’ai point encore créé ? ». Il dit : « Seigneur, lorsque Tu m’as créé, j’ai levé la tête et j’ai vu inscrit sur les piliers de Ton Trône la mention « Il n’y a de divinité qu’Allâh, Muhammad est le Messager d’Allâh » Alors j’ai su que Tu n’as accolé à Ton Nom que la créature que Tu aimes le plus ». Allâh – Exalté soit-Il – dit : « Tu as dit vrai ô Adam, il est la créature que J’aime le plus, et puisque tu t’es adressé à Moi par son droit, Je te pardonne ; si ce n’était pour lui, Je ne t’aurais point créé » ». Ce hadîth fut également rapporté par Al-Hâkim qui le déclara authentique et par At-Tabarânî qui y ajouta : « et il sera le dernier Prophète parmi tes descendants. ». Tantôt l’attribution de ce hadîth remonte au Prophète et tantôt elle s’arrête au niveau de `Umar.
Ibn Mâjah rapporta dans ses Sunan selon une chaîne de transmission authentique, d’après Abû Sa`îd Al-Khudrî – qu’Allâh l’agrée -, que le Messager d’Allâh – paix et bénédictions sur lui – dit : « Celui qui sort de chez lui pour se rendre à la prière et dit : “Ô Allâh, je T’implore par le droit de ceux qui T’implorent, par le droit de ma marche vers Toi, car je ne suis point sorti par arrogance, ni par hypocrisie, ni par m’as-tu vu, mais pour me prémunir contre Ta colère et pour obtenir Ton agrément ; je T’implore de me préserver du Feu et de me pardonner mes péchés car nul ne pardonne les péchés sinon Toi”, Allâh tournera Sa Face vers lui et 70 000 anges imploreront le pardon en sa faveur ». Hadîth rapporté aussi par As-Suyûtî dans Al-Jâmi` Al-Kabîr.
Le compagnon Anas ibn Mâlik a dit : « Lorsque les musulmans étaient en période de grande sécheresse, l’Emir ‘Umar Ibn al Khattâb رضي الله عنه demandait à Allâh la pluie par al ‘Abbâs ibn ‘Abd al Muttalib. Il disait : « Ô Allah, nous prenions comme moyen auprès de toi [natawassal ilayk] notre Prophète alors tu nous octroyais la pluie, etnous prenons comme moyen auprès de toi[natawassal ilayk] l’oncle de notre Prophète alors octroie nous la pluie ». Puis il dit : La pluie leur fut alors envoyé » (Sahîh al Bukhârî, n°964). En effet, étant donné que le Prophète était constamment avec eux, c’était le Prophète qui était régulièrement sollicité pour le tawassul, – par ‘adab et par son rang éminemment supérieur aux compagnons -, ils n’avaient pas besoin de se tourner vers les autres compagnons. Mais quand il décéda, ils prirent aussi des compagnons comme intercesseurs, en plus du Prophète (soit par son rang, soit en se rendant auprès de sa tombe pour lui demander d’invoquer Allâh).
Le Hâfiz Ibn Hajar a dit dans son commentaire Fath al-Barî (2/497) à propos de ce hadîth : « On tire comme profit du récit d’Al ‘Abbâs le caractère recommandé de demander l’intercession [al istishfâ’] aux gens du bien, les pieux ainsi que les gens de la maison prophétique ».
Il y a aussi le tawassul que Mu`âwiyya et ses compagnons ont fait par Yazîd Ibn Al-Aswad Al-Jarshî, ainsi que le hadîth à propos de la sortie à la mosquée « Ô Allâh, je T’implore par le droit de ceux qui T’implorent… » et le fait qu’il n’existe aucun texte interdisant cette forme de tawassul. On rapporta dans les deux Sahîh (al-Bukharî et Muslim) que le Prophète – paix et bénédictions sur lui – dit : « Il est parmi les serviteurs d’Allâh certains qui s’ils L’adjurent Il les exauce ». Dans le Sahîh de Muslim, cela concerne Uways Al-Qarnî. Il y a aussi parmi ces gens Al-Barrâ’ Ibn Mâlik lorsque le combat atteignit son summum entre les musulmans et les mécréants. On lui dit : « Ô Barrâ’, adjure ton Seigneur ! » Il dit alors : « Seigneur ! Je T’adjure de les soumettre à nous et de faire de moi le premier martyr ! » Allâh l’exauça : l’ennemi fut défait et Al-Barrâ’ tomba en martyr.
Le traditionaliste et spécialiste du hadîth Ibn al Muqrî a dit : « J’étais avec Abû al Qâssim At Tabarânî (m.360 H) et Abû As-Shaykh (m.369 H) dans l’enceinte sacrée du Messager d’Allâh ﷺ et nous étions dans une situation compliquée où la famine laissait ses traces en nous, et que nous avions continué à ne rien manger ce jour. Quand le temps de la prière du soir arriva, je me rendis à la tombe du Prophète ﷺ et j’ai dit : « Ô Messager d’Allâh ! On a faim ! On a faim ». Et je suis parti. Abû As-Shaykh m’a alors dit : « Assieds-toi, soit il y aura la subsistance, soit la mort ». Abû As-Shaykh et moi nous sommes alors endormis tandis qu’At Tabarânî cherchait quelque chose à manger. Puis, un descendant du Prophète ﷺ (‘alawî) frappa à la porte, il était accompagné de deux garçons chacun portant un panier fait en feuilles de palmiers rempli de choses. Nous nous sommes assis, avons mangé, mais nous pensions que les jeunes garçons prendraient le reste de la nourriture qui restait, mais ils sont partis et nous ont laissé les restes. Le ‘Alawî a dit : « Vous vous êtes plains au Messager d’Allâh ﷺ ? Je l’ai vu en rêve et il m’a ordonné de vous ramener quelque chose ». Cela a été rapporté aussi de Ibn al-Jawzî dans Al Wafâ Bi Ahwal Al Mustafâ (p. 463), par Ad-Dhahâbî dans Siyar A’lam An Nubalâ (16/40) et d’autres.
Le grand traditionaliste Al Hâkim Abû ‘Abdallâh (m.405 H) a dit : « J’ai entendu Abû Bakr Muhammad ibn al Muammal ibn Al Hassan ibn ‘Îssâ al Misarjissî (m.350 H) dire : « Nous sommes sortis avec l’imam des gens des traditions, Abû Bakr Ibn Khuzaymah (m.310 H) et son semblable Abû ‘Alî At-Thaqafî (m.328 H) accompagnés d’une assemblée de nos mashaykh alors qu’ils se dirigeaient en masse vers la tombe de ‘Alî Ibn Mûssa ar Ridâ عليه السلام à Tûs pour la visiter. J’ai vu de la révérence de Ibn Khuzaymah pour ce lieu, de son humilité pour lui et de sa supplication auprès de lui, ce qui nous a mis dans l’embarras ». Ceci a été rapporté et authentifié également par Ibn Hajar al ‘Asqalanî dans Tahdhîb At Tahdhîb (7/244).
Al Hâkim Abû ‘Abdallâh (m.405 H) a dit aussi : « J’ai entendu le Hâfiz Abû ‘Alî Al Hussayn An Naysabûrî (m.349 H) dire : « J’étais dans une dépression profonde, et j’ai vu le Prophète ﷺ en rêve qui me dit : « Rends-toi à la tombe de Yahya ibn Yahya et demande pardon, et demande à Allâh pour ton souci. J’ai donc accompli ce qu’il m’a ordonné dès mon levé au petit matin, et mon souci fut réglé (par la Grâce d’Allâh) ».
Ceci a été rapporté et authentifié également par Ibn Hajar al ‘Asqalanî dans Tahdhîb At Tahdhîb (11/298) et par Ad-Dhahâbî dans Târîkh al Islâm (16/276).
Cela montre d’une part que les grands compilateurs et spécialistes du hadîth chez les sunnites, à l’époque des salafs et des suivants, ont mis en pratique cela, et que l’expérience a tranché en leur faveur, soit par la guérison (de leurs maladies) ou la solution à leurs problèmes via cette pratique, soit à travers des dévoilements spirituels où le Prophète lui-même leur autorisa cette pratique.
Par rapport au
Shaykh ayant été gratifié de cet immense bienfait, il a été rapporté dans le Tarîkh
Naysâbûr (n°82), que Abû ‘Abd ar Rahman as Sulâmî (m.412 H) a dit : « J’ai interrogé Ad Daraqutnî sur Abû ‘Alî an Naysabûrî et il répondit : « Un
imam bien éduqué ».
Al Khalîlî a dit : « J’ai entendu al Hâkim dire : « Je ne le dis pas par
fanatisme sous prétexte que Abû ‘Alî est mon professeur, mais je n’ai jamais vu
quelqu’un tel que lui » ».
Toujours dans le même recueil, on trouve le fait que le Hâfiz Al Hâkim Abû ‘Abdallâh (m.405 H) a dit : « 82 – Yahya ibn Subayh an Naysabûrî ; l’enseignant du Qur’ân, et il est le premier lectionnaire de qui les musulmans ont pris les lectures qurâniques à Nishapur, sa mosquée était connue dans la contrée de Karwân, il s’en alla ensuite à la Mecque où il rendit l’âme, qu’Allâh soit satisfait de lui. Il était l’imâm des traditionalistes (muhaddithîn), et celui qui invoque devant sa tombe verra son invocation exaucée à coup sûr ».
Le célèbre imâm et traditionnaliste Abû ‘Uthmân As Sabunî (m. 449 H) a écrit dans l’introduction de son épître de ‘aqida (p. 9) : « Lorsque j’ai fait escale temporaire au Tabarîstan et dans les contrées de Jîlan, en vue de me diriger vers la maison sacrée d’Allâh, et la tombe (1) de Son Prophète ﷺ, mes frères en religion m’ont demandé de leur rassembler des sections dans les fondements dogmatiques de la religion sur lesquels les imâms de la religion du passé et les savants des musulmans et des pieux anciens se sont tenus fermement ».
Pour mieux comprendre la confusion entretenue à ce sujet par de nombreux Salafis et Wahhabis, citons 2 cas permettant de clarifier la problématique.
Cas n°1 : Une personne va voir un imâm à la mosquée pour lui demander d’invoquer Allah pour ses besoins. Shirk ou pas shirk ? La réponse est non, même pour les Salafis.
Cas n°2 : La même personne va voir le même imâm le jour suivant, et le trouve assis sur une chaise de dos, et lui fais la même demande, à savoir qu’il invoque Allâh pour ses besoins, sauf que de dos, la personne ne voyait pas si l’imâm était vivant ou non, mais lorsqu’elle s’en est rendue compte, il était déjà décédé. Est-ce que son acte relève du shirk ou pas ? Selon le raisonnement erroné adopté par la tendance (officielle) wahhabite, oui, puisque pour eux le shirk n’est pas défini selon le Tawhîd et ce que dit Allâh, mais selon leur propre croyance, qui est le changement d’état (un être connaissant la mort terrestre) implique nécessairement le shirk ce qui est faux. La réponse en réalité est donc non, ce n’est pas du shirk, puisque la seule différence est qu’il a changé d’état existentiel, mais la personne ne l’a jamais associé à Allâh – ni quand l’imâm était vivant ni quand il était décédé -, et la seule question à résoudre, dès lors, est de savoir si cela est permis (halal ou haram) et s’il peut nous entendre et invoquer quand même Allâh pour nous dans cette situation. Le shirk, quoi qu’il en soit, est absent de cet acte (qui est identique dans le fond et en apparence). Mais les preuves issues du Qur’ân, de la Sunnah, des Salafs et de l’expérience montrent que les défunts près de leur tombe peuvent nous entendre et invoquer Allâh pour nous (ce que même Ibn Taymiyya affirme et concède, sauf que pour lui – mais il contredit la majorité des savants et des Salafs -, on ne peut pas leur demander), or des Compagnons et tabi’in ont pratiqué cela et ces récits ont été rapportés dans de nombreux recueils. Le shirk c’est le fait d’associer une chose avec Allâh, en lui attribuant des choses qui sont spécifiques à Lui ou dont seul Allâh a la prérogative. Demander à des êtres vivants d’invoquer Allâh est de façon générale, une pratique autorisée et même recommandée, relevant du Tawhid et pouvant nous rapprocher d’Allâh. Qu’il soit vivant ou non (selon les modalités existentielles ordinaires) n’y change rien, le Qur’ân et la Sunnah n’ont, non seulement jamais indiqué que cela était du shirk (demander à des défunts d’invoquer Allâh) – contrairement à ceux qui invoquent autre qu’Allâh pour exaucer leurs besoins et demandes -, mais n’ont même jamais spécifié ou restreint cette pratique aux seuls êtres (pieux) vivants selon la modalité existentielle ordinaire. Et même si cela avait été le cas, cette pratique serait alors une erreur, ou tout au plus harâm et inutile, mais certainement pas du shirk. Les Salafis confondent ainsi la demande (intercession/tawassul) avec l’invocation (ad-dû’a) – qui elle n’est réservée qu’à Allâh seul -, ce qui n’est pas du tout la même chose.
Ils citent souvent ce verset (parmi d’autres) : « Si vous leur adressez des prières, ils n’entendent pas vos prières. Et les entendraient-ils qu’ils ne les exauceraient pas. Au jour de la Résurrection, ils renieront votre idolâtrie. Nul ne saurait si bien te donner des nouvelles que Celui Qui est Parfaitement Informé » (Qur’ân 35, 14), qui concerne l’invocation, et non pas la demande d’intercession (tawassul) qui elle est licite selon le Qur’ân et la Sunnah : « Qui peut intercéder auprès de Lui sans Sa Permission ? » (Qur’ân 2, 255) ; « Et ils n’intercèdent qu’en faveur de ceux qu’Il a agréés » (Qur’ân 21, 28) ; « L’intercession auprès de Lui ne profite qu’à celui en faveur duquel Il la permet » (Qur’ân 34, 23), avec la conviction donc que l’intercession n’est permise que par Allâh et ne peut être exaucée que par Sa Volonté et Sa Grâce.
Les versets qu’ils évoquent n’ont donc pas de rapport avec le sujet dont on parle. Nous parlons ici de la demande d’intercession, et non pas de l’invocation en tant que telle (réservée qu’à Allâh seul).
Or selon son raisonnement, si on leur demande d’invoquer Allâh pour nous, ce serait du shirk, et le Prophète ﷺ et ses Compagnons seraient tous coupables de shirk, ce qui est faux et inconcevable en plus d’être un acte de kufr et un blasphème que de penser cela … Wa Allâhu a’lam.
Notes :
(1) Attention à certains éditeurs wahhabites qui falsifient directement le texte original. L’un d’entre eux a dit : « L’expression de base était la « tombe » et qui est une erreur car ce qui est légiféré est de voyager dans l’intention de visiter la mosquée du Prophète ﷺ et non pas sa tombe ». Or cet éditeur wahhabite commet une erreur, – car visiter les tombes est autorisé dans de nombreux ahadiths authentiques, et plus encore pour la meilleure des créatures qui est notre Prophète Muhammad ﷺ -, en plus de falsifier le texte original. Le Qâdî ‘Iyyâd al Mâlikî (m.544 H) a dit dans son As-Shifâ’ (2/85) : « La visite de sa tombe ﷺ est une Sunnah parmi les traditions des musulmans sur laquelle ils ont été unanimes ». Le shaykh des Hanbalites de son époque, l’imâm Al Muwaffaq Ibn Qudâma al Maqdissî (m.620 H) dans son célèbre Al Mughnî (3/494) a dit dans le chapitre du pèlerinage : « Il est recommandé de visiter la tombe du Prophète ﷺ pour ce qu’a rapporté Ad Dâraqutnî selon Ibn ‘Umar qui a dit : Le Messager d’Allâh ﷺ a dit : « Quiconque accomplit le pèlerinage et visite ma tombe après ma mort, c’est comme s’il m’avait visité durant mon vivant » et dans une version : « Quiconque visite ma tombe alors mon intercession lui revient de droit ». Sa’îd l’a rapporté par la première expression, et Ahmad a dit dans la narration de ‘Abdallâh ibn Yazîd Ibn Qasît d’après Abû Hurayrah ; que le Messager d’Allâh ﷺ a dit : « Personne ne me passe le Salâm auprès de ma tombe sans qu’Allâh ne me rende mon esprit afin que je lui rende son salâm ». Et il fut rapporté d’al Utbî qu’il a dit : « J’étais assis auprès de la tombe du Prophète ﷺ lorsque vint un bédouin en disant : « Que le salut soit sur toi, Ô Messager d’Allâh ! J’ai entendu Allâh dire : ﴾ Si, lorsqu’ils ont fait du tort à leurs propres personnes ils venaient à toi en implorant le pardon d’Allâh et si le Messager demandait le pardon pour eux, ils trouveraient, certes, Allâh, Très Accueillant au repentir, Miséricordieux. ﴿ alors je viens à toi demandant pardon pour mon péché et pour solliciter ton intercession en ma faveur auprès de ton Seigneur », puis il récita les vers :
« Ô le plus exalté des enterrés dont le parfum augmenta la valeur des collines et des hauts lieux
Que mon âme soit donnée en rançon pour cette tombe dans laquelle tu habites *** abritant les vertus, la générosité et la noblesse ».
Après quoi, le bédouin se retira. Je m’endormis ensuite et je vis le Prophète ﷺ dans mon sommeil qui me dit : « Oh ‘Utbî, rattrape le Bédouin et annonce-lui la bonne nouvelle qu’Allâh lui a pardonné » ». La même position a été défendue par l’imâm An-Nawawî dans son Majmû’ Sharh al Muhadhab (8/256), en attribuant cet avis (le plus solide) aux savants Al Mawârdî, le Qâdî Abû Tayyib at Tabarî, et à ses compagnons shafiites. De nombreux ahadiths évoquent la recommandation de visiter la tombe du Prophète ﷺ, certains étant bons (hassân) tandis que d’autres sont authentiques (sahîh) ou faibles (dâ’if), mais tous se renforcent les uns les autres.
L’imâm Ibn Abî Ya’la al Hanbalî (m.526 H) a relaté dans son Tabaqât al Hanâbila (2/240) dans la biographie du célèbre imâm hanbalite le Sharîf Abû Ja’far al Hâshimî (m.470 H) que : « On a creusé pour lui une tombe à côté de celle de notre imâm Ahmad dans laquelle il fut enterré. Les gens prennent la terre de sa tombe en grande quantité cherchant la bénédiction par elle ».
Le juriste
Mâlikite de référence, Ibn al Hajj al ‘Abdarî (m.736 H) a dit dans Al Madkhâl
(1/255) :
« Puis il prendra comme moyen dans son invocation [yatawassal] les gens de
ces tombes, c’est à dire les pieux pour une affaire dont il a besoin, ou pour
une rémission de ses péchés. Puis il invoquera pour lui-même, ses parents, ses
mashaykh, ses proches ainsi que les habitants de ces tombes, ainsi que les musulmans
morts et vivants, et leur descendance jusqu’au jour du jugement. Et celui qui,
parmi ses frères, est absent. Il s’adonnera à l’invocation d’Allah auprès d’eux
et multipliera leur demande d’intercession [tawassul bihim] à Allâh تَعَالَى, car Allâh les a honoré et anobli. Et
comme Il nous a fait profiter d’eux dans cette vie terrestre, alors dans l’au-delà
plus encore. Celui donc qui a besoin, qu’il se rende auprès d’eux et cherche
leur intercession, car ils sont le tremplin entre Allâh et entre Sa Création.
Cela est certes connu et les savants, ainsi que les élites parmi les érudits d’Occident
en Orient, parmi les plus grands, n’ont cessé de chercher l’intercession par le
fait de visiter les tombeaux. Ils y trouvaient effectivement la bénédiction,
dans tous les sens du terme. Le Shaykh, l’imâm Abû ‘Abdallâh ibn Nu’man a
rappelé dans son ouvrage Safinah al naja’ li ahl al iltija’ fi karamat shaykh
Abi Naja’, à l’endroit où il a évoqué ce sujet, que les gens doués de vision
intérieure et de perspicacité ont confirmé que la visite des tombeaux des pieux
était appréciée en ayant l’objectif d’en tirer une bénédiction. La bénédiction
des pieux flue aussi bien après leur mort que de leur vivant. Invoquer (Allâh)
près de leurs tombeaux ainsi que chercher leur intercession est pratiqué par
les spécialistes de nos savants parmi les imams de la religion ».
Le Pôle de son époque, le Shaykh des sûfis, le grand imâm hanbalite et le mujtahid qui connaissait les fatawa des 4 écoles juridiques, le descendant du Prophète Muhammad ﷺ par les imâms al-Hassân et al-Hussayn (‘alayhûm salâm), le défenseur de la Sunnah et de tous les califes bien-guidés (qu’Allâh soit satisfait d’eux tous !), le Shaykh ‘Abd al Qadîr al Jilânî (m.541 H) – ‘alayhî salâm – a recommandé aux musulmans l’invocation suivante dans le tawassul dans son Al Ghunya Li Tâlib al Haqq (1/36) :
« Ô Allâh, répand ta bénédiction sur l’esprit de Muhammad parmi les esprits, et répand ta bénédiction sur son corps parmi les corps, comme il transmit ton Message, récita tes versets, souffrit par ton ordre, combattit dans Ton sentier, ordonna de T’obéir et interdit de Te désobéir, prit comme ennemi Ton ennemi, et prit comme allié Ton allié et Ton serviteur jusqu’à ce que lui vienne la certitude. Ô Allâh Tu as dit à ton Prophète dans Ton Livre : ﴾ Si, lorsqu’ils ont fait du tort à leurs propres personnes ils venaient à toi en implorant le pardon d’Allâh et si le Messager demandait le pardon pour eux, ils trouveraient, certes, Allâh, Très Accueillant au repentir, Miséricordieux. ﴿ Alors je suis venu à ton Prophète repentant de mes péchés, demandant pardon. Je Te demande de m’accorder le pardon comme Tu l’as accordé à celui qui est venu auprès de lui lors de sa vie et a reconnu ses péchés. Son Prophète invoqua pour lui et Toi Tu lui pardonnas. Ô Allâh je Te demande et je me tourne vers Toi à travers ton Prophète que Ta paix soit sur lui, le Prophète de la miséricorde. Ô Muhammad je me tourne par ton intermédiaire vers mon Seigneur afin qu’Il me pardonne mes péchés, Ô Allâh je te demande par son droit (haqq) que Tu me pardonnes et me fasse miséricorde ».
Le Hâfiz Jalâl ad Dîn as Suyutî (m.911 H) a dit dans Sharaf al Muhattam : « Nous a relaté notre Shaykh, Shaykh al Islâm, l’imâm par excellence, Kamâl ad Dîn d’après le Shaykh de nos maîtres l’imâm, le savantissime, le Shaykh Shams ad Dîn al Jazrî ; d’après son Shaykh l’imâm Zayd ad Dîn al Murâghî ; d’après le Shaykh des shuyukhs, le traditionaliste, prédicateur, juriste, exégète, l’imâm, le modèle, l’argument, le Shaykh ‘Izz ad Dîn Ahmad al Fâruthî al Wâsitî ; d’après son père le professeur, fondamentaliste, illustre et majestueux Shaykh Abû Ishâq Ibrâhîm al Fâruthî ; d’après son père l’imâm des juristes et des traditionnalistes, le shaykh des sommités parmi les pauvres sûfis [fuqârah as sufiyyah], et des savants pratiques, le Shaykh ‘Izz ad Dîn ‘Umar Abî al Faraj al Fâruthî al Wâsitî قُدِّسَت أسرارهم أجمعين en disant : « J’étais avec notre shaykh, notre repère, notre maître, le pôle [al qutb], al Ghawth al Jâmi’ , le Shaykh Abû al ‘Abbâs Ahmad ar Rifâ’î al Hussaynî رضي الله عنه en l’an 555, l’année où Allâh lui a donné la capacité d’effectuer le pèlerinage. Lorsqu’il arriva à la ville du Messager d’Allâh ﷺ, il s’arrêta devant la chambre du Prophète ﷺ et s’exclama devant tous les témoins : « Que la paix soit sur toi, Ô mon père [expression désignant son ancêtre] ! » alors le Prophète ﷺ lui répondit : « Et sur toi la paix, Ô mon fils ! ». Tous ceux qui furent dans la mosquée prophétique entendirent cela. Notre maître le Sayyid Ahmad se fendit d’amour, se mit à vibrer, sa couleur devint pâle et il s’agenouilla, puis il se releva et fondit en larmes en disant (ces mots ésotériques) : « Dans l’état d’éloignement, j’envoyais dans ma tragédie mon esprit à ma place que voici pour embrasser cette terre. Et voilà que le royaume des esprits est présent, tends-donc ta main droite pour que mes lèvres la reçoivent ! » alors le Prophète ﷺ tendit pour lui sa précieuse et savoureuse main de sa bénite tombe illuminée, et il l’embrassa sous le regard d’une foule de près de 90 000 hommes, et les gens virent la main précieuse alors qu’il y avait dans la mosquée accompagné du Shaykh Hayat ibn Qays al Harrânî, le shaykh ‘Abd al Qadir al Jilânî de Baghdâd, le Shaykh Khamis, le Shaykh ‘Adî ibn Musâfir ash Shâmî et d’autres, qu’Allâh nous fasse bénéficier de leurs sciences et nous anoblisse avec eux par la vision de la Main Muhammadienne purifiée, et en cette même journée le Shaykh Hayat ibn Qays al Harrânî enfila le manteau rapiécé [khirqa] du Sayyid Ahmad Ar Rifâ’î al Kabîr et entra dans le cheminement [suluk] de ses compagnons.
Et venant d’une autre voie ; Nous a relaté le Shaykh Muhammad al ‘Alamî ; d’après le Shaykh Abû ar Rijâl al Yûnînî al Ba’labakî ; d’après le Shaykh ‘Abd Allah al Batâ’ihî al Qâdirî ; d’après le Shaykh ‘Alî ibn Idrîs al Ya’qubî ; d’après son Shaykh, le pôle [al qutb] le fard, le Shaykh ‘Abd al Qâdir al Jilânî puis al Baghdâdî qui a dit : « J’étais dans l’assemblée du prodige par lequel Allâh a honoré le Shaykh Ahmad ar Rifâ’î al Kabîr en embrassant la main du Prophète ﷺ » ; Al Ya’qubî a dit : « J’ai dit : Mon maître, les hommes présents ne lui ont-ils pas envié ce prodige ? ». ‘Abd Al Qâdir al Jilânî رضي الله عنه se mit à pleurer et dit : « Ô Ibn Idrîss, la population supraterrestre (les Anges) lui envient cela » ».
Et venant d’une autre voie : Nous a relaté l’imâm al Qussî ; d’après le Shaykh, Qutb ad Dîn le surveillant de la bibliothèque al Khizânah ; d’après le Shaykh Rukn ad Dîn as Sanjârî ; d’après son Shaykh ‘Adî ibn Musâfir ; et d’après son domestique le Shaykh ‘Alî ibn Mawhûb qui ont dit : Nous étions dans la mosquée du Prophète ﷺ l’année de notre pèlerinage et le Shaykh Ahmad ibn ar Rifâ’î رضي الله عنه était debout devant la chambre purifiée en parlant avec des termes qu’une assemblée réussit à décrypter de lui, et il ne termina pas sa parole sans que la main du Messager d’Allâh ﷺ lui soit tendu, et il l’embrassa alors que nous étions en train d’assister à la scène accompagnés de toutes les autres personnes présentes. Ibn Mawhûb a dit : Et par Allâh que j’y étais et qu’une main blanche harmonieuse munis de longs doigts sortit de la tombe bénie tel un éclair lumineux, de même que j’étais au Haram avec ses gens et une agitation y eu lieu, de telle sorte qu’il faillit avoir une prière de la part des gens à cause de l’étonnement, de la perplexité, de la peur, et de l’autorité Muhammadienne qui les avaient touchés. L’ampleur de la situation monta puis finit par s’apaiser à travers les glorifications des gens et leurs prières sur lui ﷺ ».
L’imâm As-Suyûtî dit à ce propos : « Et il est connu que ce mérite béni s’est propagé entre les musulmans d’une propagation notoire (tawâtur), que leurs transmissions furent vérifiées et leurs narrations authentifiées par unanimité de leurs rapporteurs, et que le rejeter fait partie des méfaits de l’hypocrisie (an nifâq) dont le refuge est auprès d’Allâh ».
L’imâm Ibn Rajab al-Hanbali (l’élève de Ibn al Qayyim), – une sommité
dans le fiqh hanbalite, l’histoire des musulmans et les sciences du hadîth –
dit dans son Kitâb Ahwaâl al-qubuûr wa-aḥwaâl ahlihâ ilá al-nushûr
(8/243), sur le fait que les morts entendent les paroles des vivants,
reconnaissent leurs visiteurs et savent ce que deviennent leurs proches ici-bas.
Il rapporte un hadith rapporté par Bukharî et Muslim où lorsque à la fin de la
bataille de Badr au moment de ramasser les corps pour les jeter dans une fosse
commune, le Prophète ﷺ parla à la
dépouille d’Abû Jahl, d’Umayya Ibn Khalaf et d’autres, sur le sort de leur
destination et de ce qu’Allâh a promis aux mécréants de leur catégorie, ‘Umar
demanda au Messager s’ils entendaient, Le Prophète ﷺ lui répondit par l’affirmative (le hadîth est
rapporté par plusieurs voies). Il cite ensuite le fait qu’Aîsha a récusé cela
par la voie de ‘Urwah, où selon lui, elle aurait dit : « Le Messager
d’Allâh n’a pas dit : « ils entendent maintenant ce que je dis « comme
on l’a cru mais il a dit : « Ils savent maintenant que ce que je viens de
leur dire était la vérité ». Puis elle récitera ces deux versets : « Tu
ne saurais faire entendre les morts » (27, 80) et « Tu ne peux pas
faire entendre ceux qui sont dans les tombes » (35, 22) ».
Cependant on dira à ce sujet que l’un n’exclut pas l’autre (un autre hadîth
montre qu’Aîsha savait que les défunts entendaient les vivants, donc le hadîth
rapporté par ‘Urwah n’est soit pas authentique ou alors il a mal compris le
propos de ‘Aîsha, soit ‘Aisha a révisé ses positions par la suite). Quant aux
versets, ils ne parlent pas de la perception en tant que communication
(transmission et réception du sons et des paroles) mais de l’entendement (le
fait de reconnaitre pour vrai et véridique, la vérité de l’Islam).
Les défunts possèdent aussi des perceptions extrasensorielles
Ibn Rajab continue ensuite en disant qu’il est vrai que certains savants admettent que sa récusation était fondée mais que la majorité des savants comme Ibn Qutayba, At-Tabârî et d’autres soutiennent en se fondant sut le hadith précédent et une version similaire que rapporte Ibn ‘Umar que les défunts entendent bien les paroles des vivants.
D’autant plus que d’autres ahadiths confortent leur position, comme
celui rapporté par al-Bukharî et Muslim : « Lorsque l’on met le
serviteur dans sa tombe et que ceux qui l’ont accompagné jusqu’à sa tombe s’en
vont il entend le bruit il entend le bruit de leurs souliers ».
Ainsi que le hadîth rapporté par Abû al Shaykh Al-Asbahânî d’après ‘Ubayd Ibn
Marzûd où il y avait à Médine une femme appelée Umm Mihjan qui nettoyait la
mosquée. Elle mourut sans que le Prophète ﷺ le sache. En passant près de sa tombe il demanda : « A qui est
cette tombe ? ». On lui dit c’est celle d’Umm Mihjan. Il dit alors : « celle
qui nettoyait la mosquée ? ».
Les gens lui dirent : Oui, il aligna les fidèles puis prieront sur elle. Puis
il dit en s’adressant à cette femme : « Laquelle des sciences as-tu trouvé
meilleure ? ». Les gens avec lui ont demandé si elle entendait, et le
Prophète répondit : « Vous n’entendez pas mieux qu’elle ».
Plusieurs ahadith attestent que les morts reconnaissent ceux qui les rendent visites, et cela est également corroboré et confirmé par de multiples expériences spirituelles, prodiges t songes véridiques. En effet al Awza’i rapporte d’après Atâ’, d’après ‘Ubayd Ibn Umayr, d’après Ibn ‘Abbâs que le Prophète ﷺ a dit : « Tout comme celui qui passe près de son frère qu’il a connu dans le bas monde et qui le salue, ce mort le reconnait et lui rend sa salutation ».
Ibn Rajab cite aussi 2 récits où des salafs sont allés sur une tombe
d’un de leur proche ou lorsqu’ils diminueront les visites de ces proches, ils
les ont vu en rêve leur dire de revenir les rendre visite et invoquer pour eux.
Il évoque aussi le hadith d’après Saîd Al-Khudrî où le Prophète ﷺ dit que « Le mort reconnait celui qui le
lave, le met dans son linceul, le porte et l’ensevelit dans sa tombe ».
Ibn Rajab poursuit en citant encore d’autres ahadiths comme celui-ci : « Ne
faites pas honte à vos proches par vos mauvaises actions car on les fait passer
devant vos proches parents parmi les habitants des tombes ».
Al-Bazzâr rapporte selon une chaîne de transmission dont les maillons sont des narrateurs du Sahîh, d’après Ibn Mas`ûd (qu’Allâh l’agrée) un hadith attribué au Prophète selon lequel : « Ma vie est un bien pour vous, vous y faites des choses nouvelles et il vous arrive des choses nouvelles, puis lorsque je décèderai, mon décès sera un bien pour vous car vos œuvres me seront exposées, si j’y vois quelque bien, je louerai Allâh, et si j’y vois quelque mal, j’implorerai le pardon pour vous ».
L’imâm Ahmad, Ibn
Mandah et al-Hakim At-Tirmidhî dans Nawâdir Al-Ussûl rapportent le
hadîth suivant : « Vos œuvres sont exposées à vos proches et à vos familles
décédées. S’ils y voient quelque bien, ils s’en réjouissent, et s’il en est
autrement, ils disent : « Allâh, ne les fais pas mourir avant de les avoir
guidés comme tu nous as guidés » ».
At-Tayâlisî rapporte un hadîth similaire dans son Musnad. Le Shaykh al-Hakim
At-Tirmidhî rapporte également dans Nawâdir Al-Ussûl que : « Les
œuvres sont exposées devant Allâh les lundis et les jeudis, et exposées devant
les Prophètes et les pieux les vendredis. Ils se réjouissent alors des bonnes
œuvres ». Al-Bayhaqî rapporte dans Shu`ab Al-Îmân le hadîth :
« Craignez Allâh vis-à-vis de vos frères décédés. Vos œuvres leur sont en
effet exposées ». Le Shaykh Ibn Al-Qayyim rapporte dans Ar-Rûh un
hadîth démontrant que les morts ont connaissance de ce qui advient aux vivants.
Un autre argument qui confirme que `Aîsha niait l’ouïe au sens de l’acceptation et non pas la faculté sensorielle réside dans le fait qu’elle a elle-même transmis le hadîth où le Prophète dit : « Chaque fois qu’un homme rend visite à la tombe de son frère et s’assoit auprès de lui, ce dernier l’apprécie et lui retourne les salutations jusqu’à ce qu’il s’en aille. » On dit également qu’elle nia le fait que les infidèles aient entendu le Prophète — paix et bénédictions sur lui — tout en affirmant qu’ils ont été informés de ce qu’il a dit. Elle dit à ce sujet : « Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — dit : « Ils savent maintenant que ce que j’ai dit est vrai » ».
Ibn Taymiyya dit dans ses Fatâwâ : « À propos de la question de savoir si les morts se rendent compte lorsque les vivants leur rendent visite et s’ils savent qu’un membre de leur famille ou un autre est décédé, la réponse est oui. Diverses narrations rapportent qu’ils se rencontrent et s’interrogent mutuellement et que les œuvres des vivants sont exposées aux morts. Ainsi Ibn Al-Mubârak rapporte-t-il d’après Abû Ayyûb Al-Ansârî que : « Lorsque l’âme du croyant est extirpée, elle est accueillie par les gens de la miséricorde parmi les Serviteurs d’Allâh comme l’on accueillerait un porteur de bonnes nouvelles. Ils vont vers lui et l’interrogent puis se disent mutuellement : “Attendez que votre frère se repose car il vient de traverser une épreuve difficile ». Puis, ils vont vers lui et l’interrogent « Qu’a fait untel ? Qu’est devenue untelle ? S’est-elle mariée ? » » etc. ».
Quant au fait que le mort se rende compte lorsqu’un vivant lui rend visite, on trouve en effet dans le hadîth d’Ibn `Abbâs : « Le Messager — paix et bénédictions sur lui — dit : « Chaque fois qu’un homme rend visite à la tombe de son frère croyant qu’il connaissait et lui envoie des salutations, le défunt le reconnaît et lui retourne les salutations » ». Ibn `Abd al-Barr dit : « Il est établi que cette narration remonte au Prophète et elle a été jugée authentique par `Abd Al-Haqq, l’auteur des Ahkâm ».
Ibn Taymiyya dit aussi
dans un autre emplacement de ses Fatâwâ : « Le défunt entend le bruit
des sandales de ceux qui ont accompagné sa dépouille lorsqu’ils s’en vont,
comme cela est établi dans les deux Sahîh ». Puis après avoir cité
plusieurs hadîths, il conclut : « Ces textes démontrent que le mort
entend les vivants de manière générale. Il n’est cependant pas nécessaire que
cette faculté soit permanente ». Puis il mentionna le fait que l’âme
est restituée dans son corps à ce moment, et qu’elle y est restituée à d’autres
moments aussi, tout comme il fut mentionné dans diverses narrations que les
âmes se trouvent dans les vestibules des tombeaux.
Il existe d’autres récits authentiques rapportés à ce sujet, mais que nous ne
rapporterons pas ici.
Si cette pratique est licite, elle ne doit cependant jamais remplacée le fait
d’invoquer Allâh soi-même ou de demander à des personnes vivantes, – mais
vertueuses -, d’invoquer Allâh pour nos besoins, ni nous pousser à passer tout
notre temps auprès des défunts (à proximité de leurs tombeaux) car Allâh nous a
enjoint d’accomplir des obligations, des recommandations, et de ne pas exagérer
dans nos pratiques, et de compter avant tout sur Lui sans exagérer dans les
supports et moyens secondaires de Sa Baraka et de Sa Grâce.
Ainsi, demander (et non pas invoquer) à une créature (vivante ou non, en
pensant qu’elle est capable de nous entendre, à côté de nous ou près de sa
tombe pour les défunts), d’invoquer Allâh seul pour nos besoins, n’est pas du
shirk, contrairement à la personne qui invoque une créature vivante ou défunte,
– ou une idole inventée de toute pièce – en pensant que celle-ci peut nous
accorder la guérison, le paradis, la miséricorde, le pardon, etc., par
elle-même, alors que toutes ces choses relèvent des affaires d’Allâh et de Sa
Volonté.
Cela est confirmé aussi par des expériences scientifiques liées notamment aux EMI/NDE. Une littérature scientifique abondante existe à ce sujet. A titre d’exemples, B. Greyson, Posttraumatic stress symptoms following near-deathexperiences, 2001, American Journal of Orthopsychiatry 71, 368-373 ; Philippe Turpin, Jacques Fustec entre Épreuve et Lumière, éd. S17 Production, 2010 ; Pim Van Lommel, Mort ou pas ? Les dernières découvertes médicales sur les EMI (2e édition, InterEditions, 2015) ; Sylvie Déthiollaz, Voyage aux confins de la conscience : Dix années d’exploration scientifique des sorties hors du corps : le cas Nicolas Fraisse, éd. Trédaniel La Maisnie, 2016 ; Rajâa Benamour, Sayf al-Nûr : L’épée de la Lumière, éd. Albouraq, 2016. Et sur les facultés psychiques, La conscience invisible : Le paranormal à l’épreuve de la science (éd. J’ai Lu, 2006) et Superpouvoirs ? Science et Yoga : enquête sur les facultés extraordinaires de l’homme (éd. InterEditions, 2014) de Dean Radin. Sur les neurosciences et l’esprit, lire les ouvrages de Mario Beauregard, Du cerveau à Dieu: plaidoyer d’un neuroscientifique pour l’existence de l’âme (éd. Guy Tredaniel, 2008), Les pouvoirs de la conscience – Comment nos pensées influencent la réalité (éd. InterEditions, 2013) et Le saut quantique de la conscience : Pour se libérer enfin de l’idéologie matérialiste (éd. Guy Trédaniel, 2018). Jean Staune a également abordé la « révolution scientifique » qui s’opère depuis le 20e siècle, dépassant le paradigme matérialiste, non seulement en physique, mais aussi dans les sciences de la vie et les neurosciences, voir Notre existence a-t-elle un sens ? (éd. Presses de la Renaissance, 2007 ; ré-édition Fayard/Pluriel, 2017),
Al-Istighatha (la demande de secours)
Plus sensible et polémique encore, est ce que l’on appelle « al-istighatha », qui consiste à demander l’aide des serviteurs d’Allâh dans le Ghayb (monde de l’Invisible aux perceptions sensorielles ordinaires), sans les invoquer ni les adorer, et tout en sachant qu’Allâh leur communique nos paroles par les biais qui sont sous Sa Volonté, soit directement, soit à travers des Anges ou d’autres moyens. Le musulman qui n’attribue rien de ce qui est propre à Allâh comme le Pouvoir absolu/Omnipotence, la Science absolue/Omniscience, l’Acte créateur sans précédent, la Volonté absolue sur toute chose et les autres choses similaires, et sait que toutes Ses créatures se placent sous Sa Volonté et ne peuvent aider qu’avec Sa Permission et selon les capacités qu’Il a existencié, décrété et accordé, ne tombe pas dans l’idolâtrie.
Un autre sujet épineux donc, et qui mène souvent au takfir et aux confusions diverses. L’« appel au secours » (parmi les anges, ou les prophètes et vertueux décédés), et selon l’idéologie wahhabite najdite : « Demander de l’aide aux jinns ou aux anges, et demander leurs secours afin de retirer une nuisance ou d’apporter un profit, est l’association majeure (shirk akbar) qui fait sortir de la religion de l’Islâm, qu’Allâh nous en préserve » (Fatawa al-Ladjna ad-Daa-ima, 1/102).
Mentionnons tout d’abord que, même en l’absence d’arguments scripturaires, il faut garder à l’esprit que le Tawhîd est l’affirmation et la reconnaissance que seul Allâh est l’Absolu, et donc Divin. Tout autre, par conséquent, est relatif et dépend de Lui, ne pouvant donc pas prétendre à la Divinité. L’idolâtrie consiste alors à attribuer à des créatures ou des concepts comme des idoles inventées par des êtres humains par exemple, une essence Divine ou des Attributs similaires (dans leurs formes) à ceux du Créateur, comme la Volonté créatrice, la Puissance absolue, le Pardon Divin pour les péchés, etc.
La demande de secours qui respecte le principe du tawhîd, peut se traduire, parmi les créatures normalement visibles ou physiquement vivants dans ce bas-monde (que l’on peut joindre aussi par mail, par téléphone ou autre), dans le fait de leur demander de nous aider pour réaliser telle ou telle chose de ce bas-monde, de nous soigner s’ils en ont la capacité, etc., mais jamais en les divinisant, et sans penser qu’ils détiennent la Toute-Puissance, l’Omniscience ou l’Omniprésence par eux-mêmes, et que leurs capacités découlent du Vouloir Divin et de la Puissance Divine. Ils ne devront pas être adorés ou faire l’objet d’un culte visant à jeûner pour eux, à sacrifier des animaux ou autre chose pour eux. L’adoration ne peut concerner qu’Allâh, mais lorsque des créatures nous aident, il faut les remercier et invoquer Allâh en leur faveur, et il est aussi permis de leur demander d’invoquer Allâh pour nos besoins. Concernant les anges, les prophètes décédés (du point de vue de l’existence physique) ou des saints défunts, le même principe s’applique pour eux : tous dépendent d’Allâh, et les capacités extra-sensorielles qu’ils possèdent sont un « Don » accordé par Allâh, et ils ne peuvent agir que sur Sa Permission et selon les capacités qu’Il leur a accordées. Au-delà de savoir si demander aux serviteurs d’Allâh (saints, anges, prophètes) du monde « invisible » est utile ou efficace, la personne ne doit pas les diviniser, croire qu’ils sont dotés de l’omniscience ou de l’omniprésence en soi, car ils ne disposent pas de ces capacités, cependant Allâh peut les en informer directement ou à travers des Anges leur communiquant ce qui doit être communiqué. Le principe reste le même, aussi bien pour les vivants que pour les défunts, et donc, il ne peut nullement y avoir de shirk là-dedans, contrairement aux gens qui adorent autres qu’Allâh ou qui pensent qu’ils détiennent par eux-mêmes des capacités «surnaturelles» ou qui peuvent agir sans la Volonté Divine ou qui sont «absolus» comme l’est Allâh, ou encore ceux qui inventent des idoles qui n’ont aucune existence réelle.
Cependant l’autre question qui se pose, est de savoir si lorsque ce principe est respecté, la pratique est permise du point de vue légal ?
D’après Mujâhid, Ibn ‘Abbâs a dit : « Certes Allâh le Tout-Puissant a des anges – autre que les gardiens [anges qui écrivent les actions] – qui enregistrent les feuilles qui tombent des arbres. Ainsi, si quelqu’un de vous se perd dans le désert, qu’il appelle « Aidez-moi, Ô serviteurs d’Allâh, qu’Allâh le Très-Haut vous fasse miséricorde » (hadîth rapporté par Al-Bayhaqî dans son Shu`ab al-Imân, 1/325 n°175, le vérificateur du livre, Mukhtar Ahmad An Nadwî, un salafi d’Inde, faisant partie des « Ahl al Hadith » note en bas de page : « Sa transmission est bonne [hassan] »).
Un autre hadîth prophétique rapporté d’après Ibn ‘Abbâs : « Certes Allâh a des anges sur terre autres que les gardiens (anges qui écrivent les actions), qui enregistrent les feuilles qui tombent des arbres. Ainsi, si quelqu’un de vous se perd dans le désert, qu’il appelle « Aidez-moi, Ô serviteurs d’Allâh » ». Ce hadîth est rapporté dans le Musnad d’al Bazzâr n°4922 ; le Hâfiz Nur ad Dîn al-Haythamî dans Majma al-Zâwa’id l’a rapporté au hadith n° 17104 en disant : « Al Bazzâr l’a rapporté, et ses hommes (transmetteurs) sont digne de confiance » ; le savant salafiste al Albânî a dit : « Cette transmission est bonne comme ils l’ont dit, car ses hommes sont fiables [thiqât] excepté Ussâmah ibn Zayd qui est al Layth mais qui fait partie des hommes acceptés par l’imâm Muslim» (Silsilah ad Da’îfa, 2/109).
Là aussi, il ne s’agit pas d’adorer autre qu’Allâh, mais de demander à Ses serviteurs capables de nous aider (anges présents dans les autres dimensions, serviteurs humains se trouvant dans les environs), ce qui n’est pas la même chose, d’autant plus qu’ici le serviteur qui met en pratique cela, sait que ce sont des serviteurs/aides qui sont rattachés à la Volonté Divine, et qu’Allâh existencie pour nous aider.
Le Hâfiz At-Tabarânî (m.360 H) dans son Mu’jam al Kabir (17/117, n°13737) après avoir rapporté le récit « Ô Serviteurs d’Allâh, aidez-moi ! » a dit : « Et on a expérimenté cela ».
De même que le Hâfiz al Bayhaqî (m. 458 H) dans Al Âdab (p. 269, n°819) après avoir rapporté ce récit dans un autre de ses ouvrages a dit : « Ceci est arrêté [mawquf] à Ibn ‘Abbâs, mis en pratique chez les pieux parmi les gens de science pour avoir constaté par expérience que ceci est vrai. Et c’est d’Allâh que provient la réussite ».
Le Shaykh al Islâm Abû Zakariyyah An Nawawî (m.676 H) a dit dans Kitab al Adhkâr (p. 192) après avoir rapporté le hadith « Ô serviteurs d’Allâh, aidez-moi à retrouver mon transport ! » :
« Je (Nawawî) dis : Un de nos plus grands savants dans le savoir m’a rapporté qu’il avait perdu son moyen de transport, que je suppose être une mule et il connaissait ce hadith et l’a prononcé (l’invocation) alors Allâh lui a ramené son animal très rapidement. Et j’étais personnellement une fois avec un groupe de gens et mon animal s’est enfui et les gens ne l’ont pas retrouvé, et je l’ai alors prononcé (la demande au secours) et j’ai retrouvé l’animal immédiatement sans aucun moyen si ce n’est par ces paroles ».
Dans Al Masâ’il (p.245, n°912), ‘Abdallah ibn Ahmad ibn Hanbal (m. 241 H) a dit : « J’ai entendu mon père [Ahmad ibn Hanbal] dire : «J’ai fait le hajj 5 fois, 3 fois à pied et 2 fois en monture, ou bien il a dit 3 fois en monture et 2 fois à pied, une fois que j’étais à pied j’ai perdu mon chemin alors j’ai commencé à dire cela : «Ô Serviteurs d’Allâh, indiquez moi le chemin, et j’ai continué de répéter cela jusqu’à ce que je revienne sur le chemin » ». (Rapporté aussi par al-Bayhaqî dans Shu’ab al-Iman 10/141, hadîth n°7298, par Ibn ‘Asâkir dans Tarîkh Dimashq n°3530 et le vérificateur du livre Mukhtar Ahmad Nadwî a dit : « Chaîne de transmission forte [jayyid] », et Al-Albanî confirme aussi l’authenticité de la chaine.
En conclusion, le hadîth remonte authentiquement jusqu’au Prophète mais est déclaré isolé (ghârib) par le Hâfiz Ibn Hajar qui l’a tout de même déclaré bon (hasan) dans sa transmission de même que le Hâfiz As Sakhâwî. D’autres versions sont plus faibles, et d’autres s’arrêtent [mawquf] à Ibn ‘Abbâs et ne remontent pas [marfû’] jusqu’au Prophète. Les savants musulmans de toutes les époques l’ont appliqué et l’ont rapporté sans insinuer quoi que ce soit quant à son contenu. L’imâm du hadîth Ibn Abî Shaybah (m.235 H) l’a même rapporté dans son livre des invocations.
Ibn Taymiyya lui-même dira que des pieux et saints occupent des fonctions similaires dans la hiérarchie céleste du monde invisible, et c’est un consensus des ‘awliya (dont l’imâm Abdal Qader al-Jilânî), et que l’on ne leur attribue cependant pas l’Omnipotence, l’Omniscience ou l’audition universelle (le fait de pouvoir tout entendre sans limite aucune).
Ibn Taymiyya a dit dans Majmû’ al Fatâwa (4/379) « Ils ont dit : Ils sont [les anges] pour certains d’entre eux « délégués » à certaines tâches comme faire parvenir la subsistance, faire descendre la science et la Révélation (Al Wahî), préserver et soutenir et d’autre choses encore parmi les actes des Anges.
La réponse : « Les hommes pieux sont capable de la même chose, voir plus encore. Qu’en est-il alors des « Aqtab » (pôles), des « Awtad » des « aghawth » des « Abdal » et des « Nujaba ? ».
Les sûfis utilisent ces noms pour désigner différentes catégories de saints. Le Ghawth il y en a qu’un seul, c’est le chef du cercle de la sainteté. Les Aqtab il y en a 4 ou 8 selon les terminologies, les Nujaba sont des saints plus bas hiérarchiquement que les Aqtab. Quant aux Abdal ce sont des saints qui sont indépendants ».
Dans An Nubuwwât (p. 218) il dit des choses étonnantes que même de grands maîtres spirituels ne semblent jamais avoir dit : « Et il n’y a pas de doute sur le fait qu’Allâh a favorisé les Prophètes par des privilèges qu’on ne trouve pas chez d’autre qu’eux […] en contradiction avec la résurrection des morts car ceci a été partagé par beaucoup des Prophètes et même des pieux [par la Grâce d’Allâh] ».
« Et même s’ils [les saints] partagent avec les Prophètes dans quelques-uns des miracles (prodiges) comme la résurrection des morts, la multiplication de la nourriture et de la boisson, Ils ne partagent pas (le fait de recevoir) le Qur’ân, ouvrir la mer, et séparer la lune parce que Allâh a favorisé les Prophètes sur les autres » (p. 232).
Allâh peut très bien leur accorder certaines fonctions et capacités (comme Il le fait pour les Anges, qui sont des créatures), ou leur communiquer les demandes/paroles à travers d’autres moyens (comme les Anges par exemple) et tant que le musulman ne les divinise pas, ne les adore pas (jeûner ou prier “en leur nom”) ni ne pense qu’ils peuvent agir en dehors de la Volonté et de la Permission d’Allâh, ils ne commettent pas de shirk. Par-contre, délaisser volontairement l’invocation d’Allâh pour pratiquer systématiquement le tawassul (que ce soit avec les vivants ou les défunts) ou al istighatha, là c’est problématique, et même les savants sunnites et salafs ayant autorisé le tawassul, disent que cela est blâmable (comme celui qui reste tout le temps auprès de la tombe du Prophète en négligeant ses obligations, des activités utiles, etc., car nous n’avons pas été existenciés pour rester assis auprès d’une tombe, fusse-t-elle celle du plus noble des Messagers).
Allâh fait parvenir aux prophètes, et surtout à Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) les salawât et certaines actions que les musulmans accomplissent, comme cela est indiqué dans de nombreux ahadiths, et qui est aussi l’une des formules traditionnelles du tashahhûd.
Al-imâm al-Safadî, grand érudit qui était l’élève de Ahmad Ibn Taymiyya al-Harranī déclare dans son livre al-Wafī bilwafiyât (21/166) dans la biographie de Taqî ud-Dîn As-Subkī : « Le jurisconsulte des jurisconsultes : Taqî ud-Dîn As-Subkī, al-Shafi’î, Âlî Ibn ’Abd al-Kafî, Ibn Âlî Ibn Tammâm […]. Le shaykh, imâm, savant, méritant, grand savant, l’exceptionnel, le vérificateur, le pointilleux, savant, poète, sérieux, exégète, lecteur, savant du hadîth [muhhadîth] et des fondements [de l’islâm], le jurisconsulte éloquent, le linguiste, l’ascète, hafîdh, l’exception des mujtahīds, l’épée des débatteurs, l’exception des interprètes, le shaykh de l’islâm, l’encre de la communauté, la fierté des imâms, la preuve des pieux, le juge des juges: Taqî ud-Dîn Abū al-Hassân al-Ansarî, al-Khazrajî, l’égyptien, As-Subkī le Shafīite Ash`arite ». Il était également un cheminant sur la voie spirituelle (tasawwûf) de la tariqa shadhiliyya.
Taqî ud-Dîn As-Subkī a un ouvrage nommé Shifâ al-Siqâm fi zirayât khayr al-Anâm, à la page 171 dans le 8ème chapitre sous le titre Sur l’intercession, l’istighathâ (chercher l’Aide Divine à travers Ses créatures bénies et agréées) et la guérison par le Prophète ﷺ, il déclare : « Sache qu’est licite et bienfaisant de rechercher l’intercession, l’istighathâ et la guérison par le Prophète ﷺ pour invoquer son Seigneur. Le caractère licite et bienfaisant de cela fait partie des affaires connues de toute personne de la religion, cela fait partie des actes des prophètes et messagers, des pieux prédécesseurs, des savants, et les masses des musulmans, personne n’a rejeté cela [l’intercession] parmi les gens de la religion, et personne n’a osé remettre en question cette pratique à travers l’histoire, jusqu’à ce qu’arrive Ibn Taymiyya et remette en question cela […] ».
Par-contre, quelques savants ont bien interdit al-istighatha avant Ibn Taymiyya, il n’y a donc pas consensus sur cette pratique. A l’origine, tout musulman est sensé savoir que seul Allâh est Omnipotent et Omniscient, tout autre que Lui, vivant ici-bas ou dans l’Au-delà, est dépendant de Lui (de Sa Puissance, de Sa Volonté, de Sa Permission, de Sa Miséricorde, etc.), et que donc, les êtres peuvent être informés des choses de l’invisible ou d’une longue distance, par la Puissance Divine (soit directement, soit via des Anges qui communiquent l’information), d’où le fait que, à ce niveau-là, le musulman qui en est conscient ne peut pas tomber dans le shirk akbar. Que ce soit la guérison médicale ordinaire ou spirituelle, Celui qui permet la guérison, c’est Allâh seul. Et que ce soit le médecin ordinaire, le pieux, le saint ou le prophète, nul ne doit être adoré en dehors d’Allâh (on ne prie que pour Allâh, on ne jeûne que pour Lui, etc.).
Par conséquent, tout musulman ayant conscience de ce crédo (le Tawhîd) ne peut pas tomber dans le shirk akbar. Dès lors, on ne peut parler au maximum, que de shirk ashghar (cela fait l’objet de divergences entre les savants) ou d’innovations/erreurs dans la pratique, mais pas de shirk akbar qui annule le Tawhîd et l’islamité de la personne se réclamant de l’Islam. Ceux qui parmi les savants sunnites défendaient le tawassul et l’istighatha n’ont jamais considéré d’autres qu’Allâh comme étant des divinités qu’il fallait adorer ou qui avaient une certaine indépendance par rapport à la Volonté, à la Puissance ou à la Permission Divine. Cela est donc différent des idolâtres ou des chrétiens, qui, par exemple, considèrent des êtres créés et limités (comme des Prophètes, des Anges ou des Saints) ou des idoles inventées de toute pièce, comme des divinités à adorer, qui disposeraient d’une Puissance et d’une Volonté pouvant égaler ou surpasser celles d’Allâh (Dieu Créateur et Pourvoyeur de toute chose), ou qui pourraient gérer l’univers ou intercéder auprès des créatures, sans Sa permission ou sans qu’Il soit à l’origine des capacités octroyées aux créatures (anges, prophètes, saints, animaux, humains ordinaires, plantes, jinns, etc.).
Voici le texte arabe et une traduction en français de l’appel aux « hommes de l’Invisible » (rijâl al-ghayb), par le Shaykh Abd al-Qâdir al-Jilânî (radiyallâh ‘anh) dans Al-fuyûdât ar-rabbâniyyah
« Bismi-Llâhi ar-Rahmâni ar-Rahîm.
As-salâmu ‘alay-kum yâ rijâla-l-Ghayb.
As-salâmu ‘alay-kum yâ ayyuhâ-l-arwâhu al-muqaddasah
Yâ nuqabâ’, yâ nujabâ’, yâ ruqabâ’, ya budalâ’,
Yâ awtâda-l-ardi, awtâdun arba’ah : ya imâman,
yâ qutbu, yâ fardu, yâ umanâ’,
Aghîthûnî bi-ghawthatin wa-nzurûnî bi-nazratin,
Wa rhamûnî wa hassilû murâdî wa maqsûdî,
Wa qûmû ‘alâ qadâ’i hawâ’ijî,
‘Inda nabiyyinâ Muhammad salla-Llâh ‘alayhi wa sallam,
Sallamakumu-Llâhu ta’âlâ fî-d-dunyâ wa-l-âkhirah,
Allâhumma sallî ‘alâ-l-khidra.
***
Au Nom d’Allâh le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux.
Que la Paix soit sur vous ô hommes de l’Invisible.
Que la Paix soit sur vous ô esprits sanctifiés.
Ô présidents (nuqabâ’), ô nobles (nujabâ’), ô superviseurs (ruqabâ’), ô substituts (budalâ’).
Ô piliers (awtâd) de la terre, quatre piliers : ô deux guides (imâman),
Ô pôle (qutb), ô esseulé (fard), ô hommes de confiances (umanâ’),
Sauvez-moi par une aide, regardez-moi par un regard,
Soyez miséricordieux envers moi, accomplissez mon souhait et mon objectif,
Et accomplissez la satisfaction de mes besoins,
En présence de notre Prophète Muhammad, sur lui la grâce et la paix.
Qu’Allâh – exalté soit-Il – vous donne la Paix en ce bas-monde et dans l’autre
Allâhumma prie sur al-Khidr ».
Rappelons que le Shaykh Ibn Taymiyya avait un immense respect pour le Shaykh Al-Jilânî, il dit dans Majmû’ al-Fatawa Ibn Taymiyya al-Kubra (vol. 10) « Les grands savants Sûfis sont bien connus et acceptés, tels que : Bayazîd Al-Bistâmi, Shaykh Abdul Qâdir Jilâni, Junayd ibn Muhammad, Hasan Fudayl Al-Basrî, Ibn Al-Ayyâd, Ibrahim Ibn Al-Adham, Abî Sulaymân ad-Dâranî, Ma‘rûf Al-Karkhî, Siri as-Saqtî, Shaykh Hammâd, Shaykh Abul Bayân. (…) Ces grands Sûfis étaient les imâms de l’humanité et ils appelaient à ce qui était juste et interdisaient ce qu’Allâh avait interdit de mauvais ».
L’Imâm Ad-Dhahabî, – qui fut aussi l’élève d’Ibn Taymiyya durant de longues années -, tout en affirmant qu’il accepte de façon générale les prodiges de l’imâm `Abd Al-Qâdir, se déclare cependant sceptique sur certains d’entre eux. Il évoqua cela dans son Siyar A’lâm An-Nubalâ’ : « Le Shaykh `Abd Al-Qâdir (Al-Jîlânî), le Shaykh, l’imâm, le savant, le zâhid (ascète), le connaissant, le modèle, le Shaykh de l’islâm, l’emblème des awliyâ’ (saints), le hanbalite, le Shaykh de Baghdâd. Je dis qu’il n’en est aucun parmi les grands Shaykhs qui ait plus d’états spirituels et de prodiges (karâmat) que le Shaykh `Abd Al-Qâdir, mais beaucoup de ces prodiges ne sont pas véridiques et beaucoup de ces choses sont impossibles ».
Dans un débat opposant le Shaykh Ahmad Ibn ‘Atâ’ Allâh as-Sakandarî et le Shaykh Ibn Taymiyya, la question de al-istighatha fut abordée. Ibn Taymiyya avait été emprisonné à Alexandrie. Lorsque le Sultan lui accorda son pardon, il revint au Caire. A l’heure de la prière du coucher du soleil, il alla à la mosquée al-Azhar où la salât al-maghrib devait être dirigée par le Shaykh As-Sakandarî. Après la prière, Ibn `Ata’ Allâh était surpris de constater qu’Ibn Taymiyya avait prié derrière lui. Le saluant avec un sourire, il lui souhaita cordialement la bienvenue au Caire, disant : « As-Salâmu ‘alaykum ». Ensuite Ibn `Ata’ Allâh commença à parler avec lui :
« Ibn `Ata’ Allâh : « D’habitude, je prie la prière du soir dans la mosquée de l’Imam Hussayn et la prière de la nuit ici. Mais regarde comment le Plan Divin travaille de lui-même ! Allâh a ordonné que je sois le premier à te saluer (après ton retour au Caire). Dis-moi Ô faqir, me blâmes-tu pour ce qui est arrivé ? ».
Ibn Taymiyya : « Je sais que tu ne me veux pas de mal, mais nos différences d’opinions restent toujours les mêmes. Dans tous les cas, quiconque m’a fait du tort dans quoique ce soit, à partir de ce jour même, je le disculpe et lui pardonne de tout blâme en la matière ».
Ibn `Ata’ Allâh : « Qu’est-ce que tu sais à mon sujet, Shaykh Ibn Taymiyya ? ».
Ibn Taymiyya : « Je te connais comme un homme d’une piété scrupuleuse, de savoir abondant, d’intégrité et de véracité dans le parler. Je témoigne que je n’ai vu personne pareille à toi en Egypte et en Syrie, qui aime plus Allâh, ni qui est plus auto-effaçant en Lui ni qui est plus obéissant à exécuter ce qu’Il a commandé et à éviter ce qu’Il a interdit. Néanmoins, nous avons sur le Tawassul nos divergences. Que sais-tu à mon sujet ? Prétends-tu que je suis égaré lorsque je nie la validité de faire appel à quiconque autre qu’Allâh pour une aide (istighatha) ? ».
Ibn `Ata’ Allâh : « Certainement, mon collègue, tu sais que istighatha ou appeler pour une aide est la même que tawassul ou chercher un moyen et demander l’intercession (shafa`a); et que le Messager, sur lui la paix, est celui dont l’aide est recherchée dans la mesure où il est notre moyen, celui dont l’intercession est recherchée ».
Ibn Taymiyya : « Dans ce problème, je suis ce que la Sunnah du Prophète dit dans la Shari`ah. Car, il a été transmis dans un hadith solide : « J’ai été octroyé le pouvoir d’intercession ». J’ai aussi collectionné les dires du verset qurânique : Peut-être que ton Seigneur te ressuscitera (O Prophète) en une position de gloire (17, 79) à l’effet qu’une position de gloire est l’intercession. De plus, lorsque la mère du Commandeur des Croyants ‘Alî est morte, le Prophète pria Allâh à sa tombe et dit : « O Allâh qui vit et ne meurt jamais, qui accélère et donne la mort, pardonne les péchés de ma mère Fatima bint Assad, élargi sa demeure dans laquelle elle entre au moyen de mon intercession, Ton Prophète, et les Prophètes qui apparurent avant moi. En vérité Tu es le plus Miséricordieux des Miséricordieux ». Ceci est l’intercession que possède le Prophète. En ce qui concerne chercher l’aide de quelqu’un autre qu’Allâh, cela touche à l’idôlatrie ; car le Prophète commanda son cousin ‘Abdullâh ibn ‘Abbâs de ne pas demander d’aide de personne sauf celle d’Allâh ».
Ibn `Ata’ Allâh : « Qu’Allâh te fasse prospérer, ô faqih ! En
ce qui concerne le conseil que le Prophète – sur lui la paix – donna à son
cousin Ibn ‘Abbâs, il voulait qu’il s’approche d ‘Allâh non pas à cause de sa
relation familiale, mais à travers sa connaissance. Avec respect pour ta
compréhension d’istighatha comme « chercher l’aide d’autrui, autre qu’Allâh
c’est une idolâtrie », je te demande : Y-a-t’il un musulman possédant une
foi réelle et croyant en Allâh et en Son Prophète qui pense qu’il y a quelqu’un
d’autre qu’Allâh qui a un pouvoir autonome sur les évènements et qui est
capable d’exécuter ce qu’Il a décrété à leur propos ? Ya-t’il un vrai croyant
qui croit que quelqu’un d’autre qu’Allâh peut le récompenser pour ses bonnes
actions et le punir pour ses mauvaises actions ? En marge de ceci, nous devons
considérer qu’il y a des expressions qui ne doivent pas être prises dans leur
sens littéral (apparent). Ce n’est pas à cause de la peur d’associer un
partenaire à Allâh et en vue de bloquer les moyens à l’idolâtrie. Car quiconque
cherche l’aide du Prophète cherche seulement son pouvoir d’intercession auprès
d’Allâh comme toi-même tu te dis : Cette nourriture satisfait mon appétit.
Est-ce la nourriture elle-même qui satisfait ton appétit ? Ou c’est Allâh qui
satisfait ton appétit à travers la nourriture ? En ce qui concerne ta
déclaration, qu’Allâh a interdit aux Musulmans de faire appel à l’aide de
quiconque d’autre que Lui, as-tu vu un Musulman faire appel à quelqu’un autre
qu’Allâh ? Le verset que tu cites dans le Qur’ân fut révélé au sujet des
idolâtres et ceux qui avaient l’habitude d’avoir recours à leurs fausses déités
et ignorer Allâh. Alors que la seule manière dont les Musulmans cherchent
l’aide du Prophète est dans le sens du tawassul ou chercher un moyen, par le mérite
du privilège qu’il a reçu d’Allâh (bi haqqihi `inda Allâh), et tashaffû` ou
chercher l’intercession, par le mérite du pouvoir d’intercession qu’Allâh lui a
octroyé. Quant à ton verdict que l’istighatha ou chercher de l’aide est
interdit dans la Shari`ah parce qu’elle peut conduire à l’idolâtrie, si tel est
le cas, alors nous devons aussi interdire les raisins parce qu’ils sont un
moyen de production du vin, et castrer les hommes non-mariés parce que ne pas
faire laisse dans le monde un moyen de commettre la fornication et l’adultère.
A ce dernier commentaire, les deux Shaykh rirent. Ibn `Ata’ Allah continua : « je
suis familier avec toutes les inclusivités et la prévoyance de l’école fondée
par ton Shaykh, l’Imam Ahmad, et je connais la vaste étendue de ta propre
théorie légale au sujet de ses principes à bloquer les moyens au mal (sadd
al-dhara’i`) aussi bien que le sens de l’obligation morale d’un homme de ta
compétence en jurisprudence Islamique et l’intégrité que tu dois ressentir.
Mais, je réalise aussi que ta connaissance du langage demande que tu cherches
le sens caché (subtil) des mots qui est souvent voilé derrière leur sens apparent
(extérieur) » ».
Ce débat fut rapporté entres autres par le Shaykh Muhammad Zaki Ibrâhîm dans Ussûl al-wussûl, pp. 299-310.
L’Imam As-Suyûtî dit de lui dans Husn Al-Muhâdarah fî Akhbâr Misr wal-Qâhirah : « Shaykh Tâj Ad-Dîn Ibn `Atâ’illâh, Abû Al-`Abbâs Ahmad Ibn Muhammad Ibn `Abd Al-Karîm Al-Judhamî d’Alexandrie, l’Imâm et l’orateur selon la voie d’As-Shâdhilî. Il réunit toutes sortes de sciences, comme l’exégèse, le Hadîth, la grammaire, les fondements, la jurisprudence selon l’école malékite. Il accompagna en matière de tasawwuf Shaykh Abû Al-`Abbâs Al-Mursî, qui fut la merveille de son temps. At-Taqiyy As-Subkî s’initia auprès de lui ».
En rapportant les événements qui survinrent en 709 A.H., Ibn At-Taghrî Bardî dit : « Le Shaykh, le modèle, le sieur connaisseur d’Allâh — Exalté soit-Il —, Abû Al-Fadl Ahmad Ibn Muhammad Ibn `Abd Al-Karîm d’Alexandrie, le malikite, le sûfi, le prédicateur, l’éducateur, décéda cette année, pendant le mois de Jumadah II, et fut enterré dans la Qarâfah. Sa tombe est connue et les gens lui rendent visite. Ce fut un homme pieux et un savant. Il s’installait sur une chaire et une foule nombreuse assistait à ses prêches. Son exhortation avait un grand impact sur les cœurs et il avait une parfaite connaissance des paroles des gens versés dans les vérités spirituelles et les maîtres de la voie. On lui doit une poésie agréable, dans le style des sûfis, et son cortège funéraire fut très imposant. L’un de ses poèmes commence par ces vers :
Mon ami ! La caravane partit à grande allure, alors que nous sommes assis là, que feras-tu donc ?
Acceptes-tu de rester après eux, tourmenté par tes espoirs et ton amour ardent ?
Voici la langue de l’univers affirmant tout haut que toutes les créatures sont des voiles » (voir Al-A`lâm par Az-Zarkalî).
L’Imâm Tâj Ad-Dîn As-Subkî, le fils du Shaykh de l’Islam Taqî Ad-Dîn As-Subkî, dit dans Tabaqât Ash-Shâfi`iyyah Al-Kubrâ : « Shaykh Tâj Ad-Dîn Abû Al-Fadl, Ahmad Ibn Muhammad Ibn `Abd Al-Karîm Ibn `Atâ’illâh, le résident d’Alexandrie. J’estime qu’il fut shaféite, mais on dit qu’il était malikite. Il fut le maître du Shaykh, l’Imâm, mon père, en matière de tasawwuf. Il fut un gnostique, aux signes subtils. Il accomplit de nombreux prodiges et avait un pied ferme dans la discipline du tasawwuf. Il accompagna Shaykh Abû Al-`Abbâs Al-Mursî, le disciple du Shaykh Abû Al-Hasan As-Shâdhilî, et s’initia auprès de lui. Shaykh Tâj Ad-Dîn s’installa au Caire pour éduquer et exhorter les gens. On lui doit des expressions sublimes que ses disciples consignèrent dans des ouvrages ».
L’imâm As-Safadî dit dans A`yân Al-`Asr wa A`wân An-Nasr : « Le Shaykh, le gnostique, Tâj Ad-Dîn Abû Al-Fadl d’Alexandrie. Ce fut un homme pieux, ayant une gustation spirituelle raffinée. Ses paroles apaisaient les cœurs et ravivaient la flamme des Amoureux. Il s’installait sur une chaire d’enseignement dans les mosquées et muselait les déviants. Il avait une grande connaissance des paroles des pieux prédécesseurs et celles des sûfis. La brise parfumée de ses discours éveillait la nostalgie amoureuse (shawq) dans de nombreux cœurs et effaçait par les larmes des péchés abondants. Ce fut un homme de vertu, manifestant les signes de la droiture. Il fut un disciple du Shaykh Abû Al-`Abbâs Al-Mursî, le compagnon d’As-Shâdhilî. Il fut aussi un grand opposant (intellectuel) du Shaykh Taqî Ad-Dîn Ibn Taymiyya, et inspirait beaucoup de respect par la force de son caractère. Il demeura ainsi jusqu’au jour où cette expression éloquente se tut et les étoiles de ces signes s’éteignirent. Il décéda, puisse Allâh lui faire miséricorde le 11 Jumadah II 709 A.H., à l’École Mansûriyyah au Caire ».
Ibn Taymiyya lui-même dira de lui, lors d’un débat qui opposait les 2 savants : « Je te connais comme un homme d’une piété scrupuleuse, de savoir abondant, d’intégrité et de véracité dans le parler. Je témoigne que je n’ai vu personne pareille à toi en Egypte et en Syrie, qui aime plus Allâh, ni qui est plus auto-effaçant en Lui ni qui est plus obéissant à exécuter ce qu’Il a commandé et à éviter ce qu’Il a interdit » (rapporté entres autres par le Shaykh Muhammad Zaki Ibrâhîm dans Ussûl al-wussûl, pp. 299-310).
Fouad Bouklal – :
qu’Allah te récompense frère.
très instructif